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L'"arbitralisation" de la cour internationale de justice: une étude critique

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par Pierre Barry NJEM IBOUM
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Diplome d'Etudes Supérieures Spécialisées 2010
  

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INTRODUCTION

I- RAPPEL DU SUJET

La Cour internationale de Justice a fait couler beaucoup d'encre et de salive, et est l'objet d'une abondante littérature en droit international public. Mais il est une constante, c'est que la Cour est toujours là, et donc, elle peut toujours être sujet d'étude et d'analyse.

L'actualité de la Cour est faite d'une ordonnance dans l'affaire qui oppose la Belgique au Sénégal1(*)et d'un arrêt sur le fond dans l'affaire ayant opposée la Roumanie à l'Ukraine2(*). Mais bien plus avant - et pas très loin de cela -, l'avis sur « les conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé »3(*).Ces affaires autant que celles nombreuses figurant dans le rôle de la Cour, démontrent que la Cour accomplit parfaitement son rôle de régulation des tensions interétatiques et constitue un organe de choix des Nations Unies dans le maintien de la paix et la sécurité internationales, tellement elle parait prisée. Finie donc l'époque selon Luigi CONDOLLERI, où elle était

«au chômage technique, et qu'elle se morfondait dans la grande salle de son triste palais, l'oreille tendue dans l'attente des rarissimes visiteurs qui frappaient de temps à autre à sa porte pour la prier de déployer ses talents4(*) » et où l'on constatait une utilisation à minima de la Cour5(*).

La Cour est - fusse un moteur - en plein tournage tant elle est sollicitée et contribue de ce fait à maintenir la paix dans le monde. Tout autant que les nécessités apparues, sa qualité d'organe judiciaire6(*) c'est-à-dire d'instance juridictionnelle dont le fonctionnement échappe à la volonté de ses justiciables est sans nul doute pour beaucoup dans cette vocation de la Cour. Cette approche quantitative permet de mettre en exergue le fonctionnement effectif de la Cour mais comme le soulignait Mohammed Bedjaoui, ancien président de la Cour7(*),

« on peut considérer qu'une relance de l'activité de la Cour a été largement amorcée [...] il semblerait cependant que cet aspect uniquement quantitatif du problème, s'il possède le mérite de montrer que la Cour travaille beaucoup, ne saurait constituer à lui seul un bilan et encore moins la base d'un raisonnement prospectif portant sur l'avenir réservé à cette relance du règlement judiciaire »8(*).

Ainsi, une étude pertinente et complète du rôle de la CIJ conduit à examiner l'aspect qualitatif des activités de la Cour surtout que celle-ci fait face à une « concurrence » sur le plan international du fait de l'avènement de plusieurs tribunaux exerçant leur compétence sur des matières relevant de la compétence de la Cour9(*) . Et c'est à ce propos que le sujet portant sur une discussion sur « l'arbitralisation » de la Cour internationale de Justice présente son originalité et sa pertinence.

II-OBJET DU TRAVAIL

Organe judiciaire, la Cour internationale de Justice l'est assurément non seulement par le propos « proclamatoire » de la Charte des Nations Unies notamment en son article 9210(*) - ce que la Cour n'a jamais manqué de clamer haut et fort lorsque le besoin se faisait sentir11(*) - mais surtout par l'objectivation de la « justice » rendue par la CIJ. Ce caractère judiciaire pris dans un sens fonctionnel peut s'avérer un truisme car effectivement la Cour a le pouvoir de rendre justice12(*). De même le fonctionnement de l'Organisation des Nations Unies13(*) fait penser à une répartition des pouvoirs comme dans un État où le pouvoir législatif ressortirait de la compétence de l'Assemblée générale, le pouvoir exécutif du Conseil de sécurité et le pouvoir judiciaire reviendrait à la Cour internationale de Justice.

L'autre considération du mot judiciaire que nous retiendrons dans le cadre de ce travail découle du fait que la CIJ présente bien des éléments d'une justice échappant à ses justiciables. L'on pourrait par exemple relever son caractère permanent et indépendant ; le fait qu'elle possède un Statut et un Règlement qui lui sont propres, l'usage qu'elle fait du droit et le fait que presque toutes ses décisions ont été appliquées par les États, traduisant une autorité de ses décisions.

Mais la nature même de ces derniers (Etats), justiciables uniques de la Cour14(*) qui est faite de souveraineté - le « chromosome de la souveraineté » donc parlait Mohammed Bedjaoui 15(*)-

Ce qui signifie d'une façon laconique que rien ne peut les soumettre sur le plan international amène à s'interroger sur le caractère vraisemblable de cet idéal d'organe judiciaire que constituerait la CIJ. En effet ces souverains arrivent à s'approprier l'international et même sa justice ce à quoi n'échappe sûrement pas la Cour. Il apparaît donc que cette tour d'ivoire sur laquelle s'était juchée la Cour internationale de Justice pour administrer les États par le biais du droit international serait une vue de l'esprit tant ceux-ci arrivent à s'incruster dans la mécanique de fonctionnement de la Cour, ce que dit en substance Jean-philippe Bufferne16(*)

« [...] la souveraineté étatique est un principe qui innerve l'ordre juridique international et dont la Cour ne peut se départir lorsqu'elle est amenée à se prononcer en droit. [...]. En effet, il n'est de secret pour personne que le droit international est un droit conçu par, et destiné aux Etats. De fait la souveraineté est à l'origine et à la fin de toutes les normes. »

C'est en ayant ces éléments en tête qu'une partie de la doctrine parle de plus en plus souvent d'une « d'arbitralisation » de la Cour. Il est question pour nous dans le cadre de ce travail de tester les éléments tendant à la réalisation d'une telle affirmation, sans cependant perdre de vue la nature fondamentale de la Cour. Ces éléments dénotent d'une certaine tendance c'est-à-dire, cette attitude qu'a la Cour souvent de façon circonstanciée, de se comporter parfois comme un tribunal arbitral. Cette tendance n'est donc pas une situation figée. Ainsi, nous ne retiendrons pas le sens de la Cour qui retenait « [...] le mot tendance [...] comme représentant un stade avancé du processus d'élaboration17(*)»

* 1 Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal) - Ordonnance - Demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance rendue le 28 mai 2009.

* 2 Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine) - Arrêt du 3 février 2009. 

* 3 Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004. conformément à l'article 96, paragraphe 1, de la Charte de l'Organisation des Nations Unies, l'Assemblée générale, par la résolution AIRESIES-10114 (AIES-lO/L.16), adoptée le 8 décembre 2003, lors de la 23' séance de la dixième session extraordinaire d'urgence (quatre-vingt-dix voix pour, huit contre, soixante-quatorze abstentions), a décidé de demander à la Cour internationale de Justice, en vertu de l'article 65 de son Statut, de donner d'urgence un avis consultatif sur la question suivante : «Quelles sont en droit les conséquences de l'édification du mur qu'Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le Territoire palestinien occupé,y compris a l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, selon ce qui est exposé dans le rapport du Secrétaire général, compte tenu des règles et des principes du droit international, notamment la quatrième convention de Genève de 1949, et les résolutions consacrées a la question par le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale ?».

* 4 Luigi CONDORELLI, « La Cour internationale de justice : 50 ans (et pour l'heure) pas une ride », European Journal of International Law, 1995, p. source : www.ejil.org/journal/Vol6/No3/art5.html.

* 5 Voir la résolution 171(II) de l'Assemblée générale des Nations Unies du 14 novembre 1947 dont le titre était : Nécessité pour l'Organisation des Nations Unies et pour ses organes d'utiliser davantage les services de la Cour internationale de Justice.

* 6 Ici, le terme « judiciaire » est pris dans un sens large, couvrant l'ensemble des juridictions ; non dans le sens étroit qu'implique, par exemple en France essentiellement, la séparation des juridictions en deux ordres (dont l'un est dit « administratif » et l'autre, « judiciaire »).

* 7 (1994-1997).

* 8 Mohammed BEDJAOUI, « L'avenir de la Cour internationale de justice : hommage au professeur François Rigaux» (1993)53 :4 Ann.Dr.Louv.503 à la p.505, cité par Mario PROST et Julien FOURET in :« du rôle de la Cour internationale de justice : peau neuve ou peau de chagrin ?quelques réflexions sur l'arbitralisation de la Cour mondiale », Revue québécoise de droit international, 2003, p.192.Article disponible sur Internet sur le lien www.sqdi.org/volumes/pdf/16.2_-_prost_-_fouret.pdf -. consulté le 15-06-2008.

* 9 Sur ce point voir Gilbert GUILLAUME, « progrès et limites de la justice internationale » in La Cour internationale de Justice à l'aube du xxième siècle, Paris, Pedone, 2003, pp.23-32.

* 10 Cet article se lit comme suit : « La Cour internationale de Justice constitue l'organe judiciaire principal des Nations Unies. Elle fonctionne conformément à un Statut établi sur la base du Statut de la Cour permanente de Justice internationale et annexé à la présente Charte dont il fait partie intégrante ».

* 11 Voir par exemple : « Le règlement judiciaire des conflits internationaux, en vue duquel la Cour est instituée, n'est qu'un succédané au règlement direct et amiable de ces conflits entre les parties; [...] dès lors, il appartient à la Cour de faciliter, dans toute la mesure compatible avec son Statut, pareil règlement direct et amiable » (C.P.J.I., 19 août 1929, ord., Zones franches, Série A n° 22, 13; CIJ, 22 déc. 1986, arrêt, Différend frontalier Burkina Faso/Mali, Rec. 1986, 577, § 46; id., 29 juillet 1991, ord., passage par le Grand-Belt, Rec. 1991, 20; id., 21 juin 2000, arrêt, Incident aérien du 10 août 1999, Rec. 2000, § 52).

[...] en répondant à la requête, non seulement [la Cour] resterait "fidèle aux exigences de son caractère judiciaire" (CIJ, 12 avril 1960, arrêt, Droit de passage sur territoire indien, Rec. 1960, 153), mais encore elle s'acquitterait de ses fonctions d' "organe judiciaire principal des NU" (Charte, art. 92) (CIJ, 21 juin 1971, avis, Sud-ouest africain, Rec. 1971, 27). La Cour est priée de se prononcer sur certains aspects juridiques d'une question qui a été aussi examinée par le Conseil, ce qui est parfaitement conforme à sa situation d'organe judiciaire principal des NU (CIJ, 26 nov. 1984, arrêt, Activités militaires au Nicaragua, Rec. 1984, 436).Commentaire article par article de la Charte des Nations Unies par olivier CORTEN, disponible sur le lien http:// www.ulb.ac.be/droit/cdi/Site/Textes_de_droit_international_annotes.html.

* 12« Celle-ci doit (...) surtout régler définitivement toutes les contestations relatives aux biens, droits et intérêts à liquider. Elle a donc le pouvoir de rendre de trancher des litiges, de rendre la justice. A coté de ses fonctions administratives, elle est véritablement investie de fonctions judiciaires. » (C.P.J.I.) Interprétation de l'accord gréco-turc du 1er décembre 1926, exposé du gouvernement turc (6 juillet 1928), série C.

* 13 Le Président Bedjaoui ne pensait pas autre chose lorsqu'il affirmait que : « Le pouvoir législatif mondial est à l'état d'esquisse, il est représenté par votre haute Assemblée, une Assemblée forte de sa composition représentative de tous les peuples des Nations Unies [...]. Quant au Conseil de sécurité, constitutionnellement affranchi de pareille limitation, il peut sans doute s'apparenter à un quasi-pouvoir exécutif mondial... ». Assemblée Générale 50ème session Séance plénière du 11 octobre 1995, la Cour internationale de Justice, quel avenir ? Déclaration de S.E. Mohammed Bedjaoui, Président de la Cour internationale de Justice, disponible sur le lien : http : //www. Icj-cij.org/court/index.php ?pr=92&pt=38&p1=1&p2=3&p3=1

* 14 En dehors de l'hypothèse peu fréquente mais prévue où en matière administrative la Cour peut connaître concurremment avec le Tribunal administratif des Nations Unies (TANU), des différends qui opposent le greffe et son personnel. En effet Suzanne Bastid nous renseigne que la Cour internationale de Justice a compétence pour régler les différends qui surgiraient entre le greffier et un fonctionnaire du greffe et touchant l'application du statut du personnel ou des conditions de la lettre d'engagement. L'article 17 du statut du personnel du greffe de la Cour dispose que la Cour règle ces différends « selon la procédure qu'elle indiquera ». Mais il faut dire qu'il ne s'agit pas là d'une compétence proprement contentieuse de la Cour en vertu de son Statut, mais plutôt d'une de ses activités administratives qui se rattachent à l'article 21 § 2 du Statut de la Cour, aux termes duquel la Cour « nomme son greffier et peut pourvoir à la nomination de tels autres fonctionnaires qui lui seraient nécessaires». La Cour n'est pas tenue ici par les règles du Statut et du Règlement sur l'exercice de sa juridiction. Cf. Suzanne BASTID, «les tribunaux administratifs internationaux et leur jurisprudence», Recueil des Cours de l'Académie de Droit International, 1957, tome 2, pp.347-512, notamment à la page 354, note 1.

Hormis également l'hypothèse d'avis consultatif demandé à la Cour et auquel une organisation internationale ou un organe d'une organisation internationale peut être impliqué voir entre autres les demandes d'avis consultatifs suivants :

(1947)Conditions de l'admission d'un État comme Membre des Nations Unies (article 4 de la Charte).

(1949)Réparation des dommages subis au service des Nations Unies.

(1953) Effet de jugements du Tribunal administratif des Nations Unies accordant indemnité.

(1955) Jugements du Tribunal administratif de l'OIT sur requêtes contre l'Unesco.

(1959)  Composition du Comité de la sécurité maritime de l'Organisation intergouvernementale consultative de la navigation maritime.

(1961) Certaines dépenses des Nations Unies (Article 17, paragraphe 2, de la Charte).

(1972) Demande de réformation du jugement no 158 du Tribunal administratif des Nations Unies.

(1981) Demande de réformation du jugement no 273 du Tribunal administratif des Nations Unies.

(1984)  Demande de réformation du jugement no 333 du Tribunal administratif des Nations Unies.

* 15 Dans Arthur EYFFINGER, « la Cour internationale de Justice : 1946-1996 », La Haye, Kluwer Law International 1999, cité par Mario Prost et Julien Fouret, op. cit. à la page 232.

* 16 Jean-Philippe BUFFERNE, « la fonction de la Cour internationale de justice dans l'ordre juridique international : quelques réflexions », Revue québécoise de droit international, 2002, p.142.

* 17 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C. I. J.1982, Recueil 1982, p. 18. §24.

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