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La collaboration entre l'ONU et l'union africaine dans la résolution pacifique des conflits armés en Afrique: cas de la crise au Darfour

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par Philippe TUNAMSIFU SHIRAMBERE
Université Libre des Pays des Grands Lacs "ULPGL" - Diplôme de licence 2005
  

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Section deuxième: LA CRISE AU DARFOUR

Pour mieux aborder et comprendre la crise au Darfour, il est impérieux de présenter la genèse ou les racines des conflits armés au Soudan quelques temps après son accession à l'indépendance. Toutefois, notre étude ne s'étendant pas sur tout le territoire du Soudan, nous allons nous dispenser de toute la période d'avant février 2003 pour nous appesantir à la crise au Darfour qui couvre le début de cette période jusqu'à ce jour.

Ainsi, tout au long de cette section, nous parlerons de l'origine et de l'évolution de la crise (§1) de sa nature et son incidence (§2).

§1. ORIGINE ET EVOLUTION DE LA CRISE

La crise actuelle du Darfour a débuté en février 2003. Toutefois, avant de nous plonger dans le fond de la crise, il sied de situer la République Fédérale du Soudan pour enfin localiser la région du Darfour sous examen.

Ayant accédé à la souveraineté interne et internationale le 1er janvier 1956, la République Fédérale du Soudan est un Etat de l'Afrique Orientale qui occupe la région du haut Nil. Plus vaste pays d'Afrique, elle a 2.506.000 Km2, 20.360.000h, 7700 Km de frontières communes avec neufs pays voisins : République centrafricaine, Tchad, République Démocratique du Congo, Egypte, Ethiopie, Kenya, Libye et Ouganda. Sa capitale est Khartoum et sa langue officielle l'arabe.

Pour sa part, le grand Darfour37(*), territoire composé de 3 Etats : le Nord, le Sud et le Darfour occidental, est situé dans le Nord-ouest du Soudan bordé par le Tchad à l'Ouest, la Libye au Nord-ouest et la République centrafricaine au Sud-Ouest.

Plus vaste pays d'Afrique, le Soudan fait figure de grand pays d'Afrique mais souffre de multiples divisions religieuses, ethniques et socio-économiques : entre Musulmans et Chrétiens, Arabes et Africains, nomades et sédentaires. Le conflit soudanais reflète ces fractures, accentuées par des luttes pour les ressources naturelles.

A. Origine de la crise

Quelques années avant l'indépendance38(*), le 1er janvier 1956, les Britanniques ont décidé de séparer le Soudan de l'Egypte et ont forcé le pays à intégrer ses régions en un seul Etat. Cela a provoqué la révolte de la petite élite du sud du Soudan, qui craignait de perdre son pouvoir au profit du Nord.

A ce moment, les chances étaient grandes de voir le Soudan chercher alliance auprès du gouvernement anticolonial de Nasser en Egypte. Le moteur de cette tendance était le nord du Soudan. C'est pourquoi la Grande-Bretagne n'a pas hésité à soutenir l'élite du sud contre le nord. La guerre entre le nord et le sud a éclaté dès avant l'indépendance.

Depuis, le pays est embourbé dans une guerre civile sanglante, interrompue seulement entre 1972 et 1983. En 1983, la guerre a recommencé, jusqu'au nouvel accord de paix conclu en avril de l'année 2004.

Toutefois, antagonismes civilisationnels et religieux n'expliquent que très imparfaitement un conflit qui a pour cause principale le partage des ressources pétrolières sud soudanaises. Déjà, entre 1962 et 1972, une partie du Sud s'était soulevée contre Khartoum afin de réclamer une autonomie accrue. Le conflit39(*) avait fait près de 500.000 morts, mais le Sud obtint finalement gain de cause de la part de Gaafar Nimeiri arrivé entre temps au pouvoir par un coup d'Etat. Mais la découverte du pétrole en 1980-1981, dans le Sud, par la compagnie Chevron, entraîna la suppression unilatérale du régime d'autonomie du Sud-Soudan (en 1983) par le même Nimeiri. La rébellion reprit fort logiquement avec la fondation de l'Armée pour la Libération du Peuple du Soudan sous le commandement d'un colonel de l'armée régulière, John Garang. Mais incapable d'arriver à bout de la rébellion sudiste, le régime de Khartoum se radicalisa, notamment religieusement avec l'instauration de la Charia (1983) et l'exécution en 1985 de Mahmoud Mohamed Taha, leader charismatique des Frères républicains prônant un islam des plus tolérants. Gaafar Nimeiri fut finalement renversé en 1985, alors que la famine sévissant au Soudan depuis 1983 avait déjà fait 250 000 morts. Un gouvernement de transition démocratiquement élu fut mis en place. Mais celui-ci, loin de chercher un compromis avec l'Armée pour la Libération du Peuple du Soudan, donna au conflit une tournure ethnique avec l'instrumentalisation d'antagonismes traditionnels et le soutien à une sorte de « croisade » contre les populations du Sud. L'échec de cette politique provoqua le coup d'Etat du général Omar el-Béchir en 1989. Le nouveau régime s'allia avec le sémillant Hassan al-Tourabi, chef spirituel local des frères musulmans et leader du Front islamique national, qui devint la véritable éminence grise d'Omar el-Béchir.

Quant au Darfour, trois phénomènes semblent expliquer la situation:

En premier lieu, il s'agit de garder à l'esprit les causes sous-jacentes du conflit, à savoir l'absence de participation significative dans les pouvoirs locaux et nationaux, les sentiments de marginalisation politique, sociale et économique, et le sous-développement dont transpercent en filigrane des impressions fondées sur les inégalités structurelles ressenties par de nombreuses autres communautés à travers le pays.

En deuxième lieu, il faut prendre en considération les problèmes qui sont nés de la politique du gouvernement d'utiliser les Janjawids arabes contre les populations civiles des tribus africaines du Darfour, sachant que les Four, les Zaghawa et les Massalit déplacés adhèrent de plus en plus aux mentalités anti-arabes que le gouvernement a délibérément encouragées en manipulant les dimensions ethniques du conflit. Ces tensions ethniques doivent être désamorcées pour que la stabilité soit restaurée au Darfour40(*).

En troisième lieu, eu égard à toutes ces craintes de persécution, d'autres chefs ethniques se sont réunis pour prendre les armes contre le régime de Khartoum. Deux mouvements rebelles ont été créés, dont le Mouvement de Libération du Soudan (MLS), essentiellement constitué de Zaghawa, l'une des ethnies persécutées, avec les Four et les Massalit. Ils sont craints par le gouvernement de Khartoum. Eleveurs, ils possèdent leurs propres fonds41(*). D'autres part, Inspirés par des craintes similaires, les soldats de l'Armée pour la Libération du Soudan ont mis en exergue que leur rébellion était désormais motivée par des préoccupations d'autodéfense.

De toute évidence, en Afrique, la diversité culturelle et ethnique, au lieu d'être un moyen, une force pour lutter contre le sous développement, est devenue un alibi pour déstabiliser et même anéantir les efforts jusque là entamés ; une sorte de politique « diviser pour mieux régner ». Pour des raisons économiques, pétrole, des sentiments de haine se forment à l'encontre de certains groupes. C'est ce qui fait dire à R. Nkaka42(*), que la couverture ethnique est devenue un moyen facile pour mobiliser autant de lettrés que d'analphabètes, d'incroyants et de clercs à une prise de conscience qui profite énormément aux promoteurs de ces idéologies.

Ceci est devenu aussi une porte d'entrée pour les grandes puissances de s'ingérer dans les affaires intérieures des Etats pour des raisons humanitaires.

B. Evolution de la crise

Le conflit actuel dans le Darfour a de vieilles et profondes racines et n'est que le dernier avatar d'un problème récurrent. Pourtant, plusieurs différences importantes distinguent le conflit de 2003-2004 des précédentes flambées de violence. Le conflit, dans sa forme actuelle43(*), a pris une grave tournure raciale et ethnique et menace clairement de mettre en péril le fragile modèle traditionnel de coexistence. Plusieurs groupes ethniques, neutres auparavant, prennent maintenant position pour ou contre les Arabes ou les Africains, s'alignant et coopérant soit avec des groupes rebelles soit avec le gouvernement et ses milices. Rester neutre ou hors du conflit devient impossible, bien que certaines communautés essayent encore.

Selon cette même source,  le conflit du Darfour oppose ouvertement le Gouvernement du Soudan et ses milices alliées, les Janjawids, aux insurgés regroupés en deux mouvements : l'Armée/Mouvements pour la Libération du Soudan (A/MLS) et le Mouvement pour la Justice et l'Egalité (MJE). A l'origine, les groupes rebelles étaient surtout composés de trois groupes ethniques : les Zaghawa, les Four et les Massalit. Cependant, au fil des derniers mois, des tribus plus modestes comme les Jebel et les Dorok ont, elles aussi, rejoint les rébellions après avoir été attaquées par les milices Janjawids. D'autres tribus arabes et même quelques-unes non arabes ont également rejoint les rangs de la milice pro-gouvernementale.

L'Armée/Mouvement de Libération du Soudan (A/MLS) avait fait son apparition en février 2003. Initialement appelé Front de libération du Darfour, il avait pris la ville de Gulu et, peu après, était devenu l'Armée/Mouvement de Libération du Soudan. Ses revendications politiques initiales concernaient le développement socio-économique de la région, le démantèlement des milices tribales et le partage du pouvoir avec le gouvernement central. Mais pour Khartoum, ces gens étaient des « bandits » et il n'était pas question de négocier. En avril 2003, l'Armée/Mouvement de Libération du Soudan avait lancé une attaque surprise contre El Facher, capitale du Darfour nord, et endommagé plusieurs avions appartenant au gouvernement, pillé des entrepôts de carburants et l'arsenal militaire44(*).

Le conflit s'était intensifié en juillet 2003, avec des combats concentrés dans le Darfour Nord. Le gouvernement avait lancé des offensives contre l'Armée/Mouvement de Libération du Soudan à Oum Barou, Tine et Karnoi en représailles aux attaques de l'Armée/Mouvement de Libération du Soudan sur El-Facher, Mellit, autour de Kutum et Tine (cette ville se trouvant à cheval sur la frontière avec le Tchad, le long d'une route commerciale importante avec la Libye)45(*).

Les milices Janjawids avaient été également utilisées à la fois dans le Darfour Nord et dans le Darfour Occidental. Les vagues de bombardements dans le Darfour Nord avaient amené des milliers de civils à fuir la région pour gagner le Tchad qui, en août 2003, accueillait 65.000 réfugiés soudanais46(*).

Il sied de souligner que, malgré les appels d'urgence lancés par certaines organisations humanitaires, la communauté internationale ne s'était réveillée qu'une année plus tard ; début janvier 2004. Ainsi, « ce n'est qu'en janvier 2004 que l'attention croissante des médias internationaux et les voix de plus en plus critiques des agences de l'Organisation des Nations Unies ont commencé à mobiliser les gouvernements occidentaux et les organisations qui se sont alors inquiétés de la détérioration rapide de la situation humanitaire et de l'intensification de la guerre au Darfour »47(*). En mars 2004, l'Organisation des Nations Unies la qualifie de « plus grande catastrophe humanitaire actuelle ». En avril, un haut responsable de l'Organisation des Nations Unies parle de « nettoyage ethnique » pour définir les atrocités commises dans la région. Un texte signé par la Chambre des représentants des Etats-Unis en juillet va même à utiliser le terme de « génocide » ; terme qui ne fait pas unanimité48(*).

Enfin, il y a une action étrangère occulte qui attise le conflit du Darfour sous la casquette de la prétendue « aide humanitaire ». En effet, les Etats n'ont pas d'amis mais des intérêts à défendre, dit-on. Le fait pour les Etats-Unis qu'ils soient très préoccupés par la situation humanitaire au Soudan nous inquiète. L'impérialisme américain a rarement eu de préoccupation humaniste. Les Américains se servent du véritable drame de la province du Darfour pour satisfaire leurs propres intérêts économiques et politiques49(*). N'empêche, le plus grand acheteur du pétrole soudanais est la République populaire de Chine. Voilà la véritable raison de la préoccupation américaine. Il faut par ailleurs indiquer que, bien que le pétrole soit la véritable raison de l'implication américaine, l'aide humanitaire n'avait pas été oubliée.

Quant à la France, voyant que les tensions inter soudanaises se sont étendues à son allié traditionnel, le Tchad, notamment lors des affrontements entre l'armée de N'Djamena et les milices Janjawids en mai et juin 2004, elle est intervenue et a déployé 200 soldats afin de sécuriser la frontière avec le Darfour, sous couvert du motif de créer un pont humanitaire pour aider les réfugiés dans l'Est du Tchad. La France avait ainsi transmis au Soudan un message fort de prévenir les raids transfrontaliers, sous peine de porter sérieusement préjudice à sa position régionale. Les incursions des Janjawids s'étaient immédiatement apaisées50(*). Bref, le mobile de l'intervention française pour des raisons humanitaires n'était qu'un prétexte, mais la vraie raison était de soutenir le régime tchadien menacé par la crise au Darfour.

Le Canada aussi prétend être vivement préoccupé par les rapports faisant état de combats intenses dans les régions où l'on extrait du pétrole, et explique que l'exploitation pétrolière contribue sans doute au déplacement forcé des populations civiles qui vivent dans le voisinage des champs pétrolifères. Selon un officiel canadien M. Axworthy51(*), les Canadiens voudront avoir l'assurance que les activités des entreprises canadiennes n'aggravent pas le conflit ou la situation des Soudanais au chapitre des droits de la personne. On remarque que chaque Etat n'intervient que dans la protection de ses intérêts. 

* 37 Centre de Nouvelles Organisation des Nations Unies 04/10/2004, « SOUDAN : Kofi Annan propose quatre domaines d'assistance à l'Union africaine », disponible sur l'adresse http://www.un.org/french/newscentre/index.shtml , lu ce 05 novembre 2004.

* 38 TONY BUSSELEN, « crise au Darfour : vers une intervention internationale au Soudan », 04-08-2004, disponible sur l'adresse http://www.ptb.be, lu ce 05 novembre 2004.

* 39 HYDE, H., « Le Soudan à la recherche d'une paix ... et de pétrole », disponible sur l'adresse usinfo.state.gov/francais/, lu ce 05 novembre 2004

* 40 RAPPORT AFRIQUE D'ICG N°83, "Ultimatum au Darfour nouveau plan d'action international" du 23 août

2004, disponible sur l'adresse

http://www.icg.org//library/documents/africa/horn_of_africa/083_darfur_deadline_a_new_intl_action_plan_fr.pdf

, Nairobi/Bruxelles, lu ce 8 novembre 2004

* 41 GOUDET, L., "Les victimes du "nettoyage ethnique" témoignent, Darfour "vous êtes noirs, il faut partir!", semaine du jeudi 26 août 2004-N° 2077- Monde, disponible sur l'adresse www.nouvelobs.com, lu ce 17 novembre 2004.

* 42 NKAKA, R., « Les conflits à l'Est de la RDC, genèse et solution possible », In GAHAMA , J. (sous dir.), Démocratie, bonne gouvernance et développement dans la région des Grands Lacs, Colloque international de Bujumbura du 18 au 22 mai 1998, p. 52

* 43 HUMAN RIGHT WATCHS, "Le conflit en 2003: les antagonismes se creusent", disponible sur l'adresse http://www.hrw.org/french/reports/2004/2004/soudan0404/3.htm, lu ce 17 octobre 2004.

* 44 Centre de Nouvelles Organisation des Nations Unies 04/10/2004, "Soudan: Kofi Annan propose quatre domaines d'assistance à L'Union africaine", disponible sur l'adresse http://www.un.org/frenche/newscentre/indexshtml, lu ce 05 Novembre 2005

* 45 Human Right Watchs, Sudan, Oil, and Human Right (Human Right Watchs, New York, 2003).

* 46 Note de briefing de l'UNHCR, 30 janvier 2004, disponible sur l'adresse http://www.reliefweb.int/w/rwb.nsf/

* 47 Centre de Nouvelles Organisation des Nations Unies 04/10/2004, Art. Cit.

* 48 AFP, « Soudan : Crise au Darfour », disponible sur l'adresse www.espace-citoyen.net/article, lu ce 05 novembre 2004.

* 49 TONY BUSSELEN, « Crise au Darfour : vers une intervention internationale au Soudan », 04-08-2004, disponible sur l'adresse http://www.ptb.be , lu ce 05 novembre 2004.

* 50 RAPPORT AFRIQUE D'ICG N°83, "Ultimatum au Darfour nouveau plan d'action international" du 23 août 2004, disponible sur l'adresse http://www.icg.org//library/documents/africa/horn_of_africa/083_darfur_deadline_a_new_intl_action_plan_fr.pdf, Nairobi/Bruxelles, lu ce 8 novembre 2004

* 51 Communiqué du 26 octobre 1999, « le Canada annonce son appui au processus de paix au Soudan », disponible sur l'adresse http://www.dfait-maeci.gc.ca et http://www.acdi-cida.gc.ca

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry