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Mouvement associatif et dynamique de développement au nord-Kivu. cas des associations de tendance religieuse en territoires de Beni et Lubero

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par Emmanuel MUSONGORA SYASAKA
Université catholique de Louvain - Diplôme de master complémentaire en développement-environnement et société 2007
  

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Conclusion partielle

En vue d'aborder l'étude de quelques associations considérées comme ayant la tendance religieuse, il a été nécessaire dans ce chapitre de présenter d'abord le milieu d'étude, puis de passer en revue l'historique du christianisme et de la société civile des territoires de Beni et Lubero. Les points suivants peuvent être retenus.

Les territoires de Beni et Lubero sont occupés en majorité par les nandes, une ethnie se trouvant à l'Est de la RD. Congo. Les deux territoires quoi qu'étant occupés par un peuple quasi homogène présentent des diversités sur le plan physique, démographique, administratif, social et économique.

Dans leur évangélisation, ils ont connu trois périodes essentielles, chacune ayant des caractéristiques propres.

La période précoloniale marquée par la tradition orale est celle pendant laquelle la population vivait les pratiques religieuses traditionnelles. Cette période a connu les expéditions de différents explorateurs occidentaux qui se sont intéressés plus à la côte occidentale du Congo dans la recherche des matières premières et la découverte des certains cours d'eau. Dans ce sens, Beni et Lubero ont eu les prémisses du christianisme en provenance de l'Est du pays, et ont subi notamment l'influence des missionnaires basés en Ouganda.

La période coloniale, par contre est marquée par la concurrence des missionnaires catholiques et protestants. Les uns se sont heurtés aux difficultés climatiques qui ont occasionné leur mort massive, alors que les autres, considérés comme étrangers, ont connu des difficultés liées non seulement à la marginalisation financière par le pouvoir colonial mais aussi au leadership. Durant cette période, dans les territoires de Beni et Lubero, les oeuvres missionnaires catholiques ont été débutées essentiellement par les missionnaires de Sacré-Coeur de Jésus. Abandonnées par ceux-ci, à cause des diverses difficultés rencontrées, elles ont été poursuivies par les pères assomptionnistes. Du côté protestant, les missionnaires baptistes semblent avoir gagné le terrain par rapport aux autres.

La période postcoloniale est marquée par les crises sociales, économiques et politiques auxquelles les missionnaires ont été confrontés. Elles ont été causées par le pouvoir dictatorial régnant dans les années 60 et 70. Ces églises classiques dirigées par des

missionnaires concurrents, se sont retrouvées défiées par les mouvements messianiques, les églises évangéliques ou de réveil. Dans les territoires de Beni et Lubero les églises évangéliques ou de réveil sont portées par les agents de l'administration publique qui proviennent de l'ouest du pays.

Outre les différentes mesures liées au programme d'ajustement structurel des années 80, les crises sociales, économiques et politiques de la deuxième république sont également évoquées parmi les causes de l'éveil du mouvement associatif au Congo. Au Nord-Kivu, et surtout dans les territoires de Beni et Lubero, cela a été renforcé par l'oubli du pouvoir central qui a presque tout abandonné à la population, mais celle-ci a été épaulée par les confessions religieuses et les oeuvres réalisées par ces dernières. Ce qui marque pour nous le début effectif des activités de la société civile dans ces deux territoires

CHAPITRE III
ETUDE DE CAS

Dans le but de vérifier les différentes hypothèses de base, ce travail se base sur une étude de quelques associations auxquelles nous avons porté un intérêt particulier. Elles peuvent être de tendance catholique ou protestante.

III.1 Les associations de tendance catholique

1. Le réseau TUUNGANE

a. Création

Le comité « Tuungane » est né en 1987 d'une initiative des quelques103 chrétiens de la paroisse catholique de Lukanga dans le diocèse de Butembo-Beni avec l'appui du curé, le prêtre italien Giovanni Piumatti qui vit en RD. Congo depuis 1974. « Tuungane » est en fait un mot swahili qui signifie unissons-nous. La pensée est née d'un autre comité de développement communautaire « Projet Article 15-Lukanga » dont les actions se limitaient à la circonscription paroissiale. Ce dernier avait des actions essentiellement orientées vers la transformation des produits agricoles, notamment les céréales. Il s'agissait principalement d'installer des moulins dans différents secteurs paroissiaux. Pour rappel, avant 1982, les habitants de cette paroisse recourraient aux mortiers et pierres polies pour moudre les céréales et les cosettes de maniocs.

D'autres activités importantes étaient également réalisées, dans les soins de santé primaires, l'alphabétisation, la constitution d'une banque des semences « kighona »,... Les semences des haricots, maïs et soja étaient d'abord multipliées dans le champ communautaire de la paroisse dont les travaux étaient exclusivement réalisés par les fidèles de façon bénévole.

Les autres comités de développement des paroisses voisines ont été attirés par les principes et les méthodes du « Projet article 15 ». Ils sont d'abord venus participer à ces réunions pour pouvoir ensemble échanger les expériences, approfondir certains principes et se soutenir mutuellement dans le domaine du développement communautaire.

Très vite, ce petit groupe de volontaires s'est transformé en une vraie assemblée qui attirera spontanément un très grand nombre de comités de base.

Il faut aussi mentionner que le projet d'installation des moulins et turbines a plus intéressé les autres comités de développement tant paroissiaux que non paroissiaux. Alors que les assemblées générales du projet article-15 se tenaient chaque dernier samedi du mois à la paroisse de Lukanga, une nouvelle fenêtre a été ouverte pour les projets qui ne

sont pas liés directement à celle-ci et pour éviter des confusions. Ce qui marqua le début des assemblées générales du comité Tuungane. Ceux qui se sont manifestés pour la première fois ont ainsi constitué le premier comité104. Chaque paroisse et toute organisation membre ayant souscrit à ce comité devait participer aux différentes réunions qui se tenaient dans la salle polyvalente de la paroisse à Lukanga le premier jeudi du mois. Aujourd'hui, les réunions se tiennent à Kimbulu où le siège de l'organisation a été transféré. Bien que Tuungane se soit inspiré d'un comité de développement paroissial, Article 15, l'organisation se déclare laïque : elle se dit être non religieuse.

Cependant, lorsqu'on analyse certains projets réalisés sur des terrains paroissiaux, on a tendance à croire que le penchant vers l'église catholique n'est pas à écarter. Les financements dont l'organisation a bénéficié de la part des organisations religieuses comme Misereor confirment cette tendance.

b. Activités et fonctionnement

«Tuungane» comme réseau, fonctionne sous le statut d'association sans but lucratif. L'organisation fonctionne dans toute la province du Nord-Kivu et, dans ce rayon d'action, vise notamment à renforcer le développement au niveau de la base par la mise en oeuvre des principes d'échange d'idées et d'expériences dans le domaine du développement communautaire. De façon particulière, il s'agit d'organiser des rencontres régulières avec d'autres organisations locales, des voyages d'échange, la facilitation et l'installation des microcentrales pour activer les moulins et/ou produire le courant électrique, organiser des activités tant sociales qu'économiques, comme l'ouverture des cantines des pièces de rechange pour la maintenance des turbines et moulins installés, les soins de santé et l'éducation communautaire,...

Avec l'évolution de la situation politique et sécuritaire du pays, Tuungane a ajouté d'autres objectifs, notamment la libération des personnes arrêtées parmi les membres des organisations qui composent le réseau. A cela s'ajoute la résolution pacifique des conflits, en faisant contrepoids au pouvoir pour faire entendre les voies de la population. Les organisations membres sont issues des milieux ruraux. A Lukanga, sur 36 personnes enquêtées en juillet 2007, 19 pensent qu'il est important de s'associer pour résoudre les problèmes dépassant les efforts individuels. Soit environ, 53% des enquêtés de ce milieu. Aussi, pour eux le fait d'être des simples villageois avec le droit et la possibilité de s'exprimer, de se faire attendre auprès des autorités politiques et administratives à travers

104 Le premier comité est constitué de l'abbé Giovanni Piumatti (curé de la paroisse Lukanga), Simon Katsuva(de Kibirizi), Madame Mowa (de la paroisse catholique de Lubango),Muhindo Maliro de Bukununu, Musongya de Kalunguta, Madame Ngima de Magheria, et Ephrem Syasaka de Lukanga.

Tuungane leur donne la joie et le courage de se rencontrer. Il s'agit d'une occasion de traiter aussi des problèmes relatifs à la citoyenneté. C'est le cas en 2005 et 2006, où les membres de cette organisation ont été sensibilisés en vue des élections présidentielles et législatives qui ont eu lieu en R.D. Congo.

Les projets, ou encore mieux les activités de « Tuungane », naissent des facteurs sociaux, économiques et politiques qui plongent les paysans dans une vie précaire. C'est dans cette optique que le réseau tente de pallier à cette situation. Pour les responsables de ce réseau, c'est à l'Etat congolais qu'appartient de résoudre les difficultés auxquelles est confrontée la population. En exécutant ces projets, il ne s'agit pas de remplacer l'Etat mais de répondre de manière provisoire et urgente aux besoins locaux.

En ce qui concerne les membres, environ 300 associations d'adhéranst sont représentées par leurs comités de développement. Tuungane tient compte des questions transversales. Il s'agit notamment de la représentativité des femmes dans l'organisation. Leur participation massive lors des assises témoigne de leur implication. Ainsi, un sous groupe appelé EPAM, Energie Propre aux Mamans, a été créé à cet effet. Il s'agit d'un ensemble de comités de développement qui se retrouvent dans cette organisation mais qui ont déjà un moulin fonctionnel. Ce sous groupe a aussi un comité élu, non pas par l'Assemblée Générale du réseau Tuungane mais par des délégués des comités ayant déjà des moulins opérationnels, membres de l'EPAM.

L'image suivante illustre la participation de femme aux assises de Tuungane :

Image n° 2: visibilité des associations lors de l'Assemblée générale

Source : Galerie Beni-Lubero Online

Source: Photo Fabrizio Rosa Brusin, ASMO- onlus

Image n°3 : Participation des femmes aux assises

Comme toute organisation les membres ont des droits et des devoirs. En recoupant les réponses des membres, quelques unes sont revenues avec répétition. Dans les assises, les membres enquêtés confirment à 100% qu'ils ont droit à la parole; tout membre peut se

porter candidat pour être élu dans les différentes commissions et à la tête de l'organisation , bénéficier des faveurs du réseau, être informé de tout ce qui s'y passe, bénéficier de l'assistance du réseau en cas de problèmes, etc.

Ce recoupement des informations englobe en fait les sept principes coopératifs énumérés par Catherine Davister et Sybille Mertens105 : l'adhésion volontaire et ouverte à tous, le pouvoir démocratique exercé par les membres, la participation économique des membres, l'autonomie et l'indépendance, l'éducation, la formation et l'information des membres, la coopération entre les coopératives et l'engagement envers les coopératives.

Ces principes ne signifient pas que le réseau « Tuungane » est une coopérative, mais qu'à travers les droits et devoirs des délégués qui participent aux assemblées se dessine un esprit coopératif entre ceux-ci. Ce qui nous permet de classer cette association parmi les composantes de l'économie sociale. Pour rappel, l'économe sociale106 a comme composantes majeures, les associations sans but lucratif, les coopératives et les mutuelles. D'autres composantes sont également ajoutées. Il s'agit des organisations non gouvernementales, des fondations, des organisations des volontaires et des organisations qui oeuvrent dans le commerce équitable.

Au sujet des réalisations de « Tuungane », en analysant davantage leurs actions, nous nous sommes rendu compte que l'organisation est plus orientée vers la transformation. Elle cherche à doter ses comités membres des turbines et moulins. Le tableau suivant illustre les différentes réalisations de Tuungane.

Tableau n°3 : dotation des moulins et turbines aux comités de développement membres de Tuungane

 

Donateur

Nombre installé

CEE107

MISEREOR108

Donateurs
italiens

Moulins

0

37

53

90

Turbines

5

0

0

5

Source : archives du réseau Tuungane.

105 DAVISTER, Catherine & MERTENS, Sybille, La coopérative d'épargne et de crédit (COOPEC). Une entreprise pas comme les autres : fascicule. Centre d'économie sociale/Ulg, Cera Foundation, Leuven, s.d., p. 13.

106 DEFOURNY, Jacques, Séminaire d'économie sociale. Dossier de lectures. Université de Liège, 2007- 2008.

107 La Communauté Economique Européenne, CEE, est l'actuelle Union Européenne, UE.

108 Les moulins financés par Misereor sont installés à Mihake/Luotu , Kasongwere/Magheria, Bisusuti, Nyondo, Mataba, Mabuku, Hutwe, Kaseghe, Vwimbi, Vukendo, Kauli lac,Kirirya, Munoli, Katolu, Kasinzwe, Kabasha, Mambingi, Mambasa/Alimbongo, Mutendero, Vusamba, Mabambi, Katolo, Bambu, Katondi, Mubana, Vuyinga, Mutwanga, Mangurejipa, Kiribata, Masereka Sayo, Kibingu, Biambwe, Lisasa, Beni, Vulambo/Isale, Somicar, Vahyana/Muvugha, Kimbulu.

Pour les réalisations, l'organisation estime que 90 moulins sont installés dans son rayon d'action. Durant la période 1997-1998, on compte 37 moulins installés par le réseau dont le financement est en partie local mais aussi par le concours de l'ONG catholique allemande Misereor. Durant la même période 5 turbines pour fournir l'électricité ont été installées avec l'appui de la Communauté Economique Européenne à Lubango, Kipese, Mbingi, Kibirizi et Masereka.

De façon générale ces turbines sont installées dans les concessions des paroisses ou sous leur responsabilité. Cela peut se justifier soit par le fait que, le prêtre étant très influent en milieu rural en RD Congo, surtout dans le diocèse de Butembo-Beni, peut proposer au comité de développement de réaliser les activités sur un terrain paroissial. C'est le cas d'un canal conduisant à une turbine ou à un moulin qui nécessite un espace. Le plus souvent dans les milieux peuplés comme dans la région maraichère de Lubero, seules les paroisses peuvent avoir la capacité d'avoir un terrain pour de telles activités. Le projet peut avoir aussi été introduit par le comité de développement paroissial lui-même. Le risque est que cela peut conduire à des conflits d'appropriation dans l'avenir étant donné que la logique des paroisses peut différer de celle de la population qui est bénéficiaire du projet. En fait, à Lukanga par exemple, on a recueilli les propos suivants :

« les paroisses ont tendance à s'approprier nos réalisations bien qu'un ancien prêtre peut avoir contribué à sa réalisation. Cela se voit souvent quand c'est le terrain de la paroisse va abriter le projet 109».

Cette déclaration nous paraît vraie dans la mesure où la logique de mutation ou de remplacement des prêtres dans une paroisse peut bouleverser les activités de développement s'il s'avère que celui-ci constitue le pilier du projet. Il faut souvent beaucoup des temps pour que les fidèles s'habituent aux nouveaux prêtres. La logique du bénéficiaire souvent peut différer de celui de l'intermédiaire. Dans ce cadre, le prêtre est considéré comme un intermédiaire entre le donateur et/ ou le réseau Tuungane. Il fait le pont avec le donateur. Le prêtre sait comment on monte un projet, les autres étant en général analphabètes. Souvent, son statut social lui permet d'entrer facilement en contact avec les chefs coutumiers locaux, propriétaires terriens. Sa capacité de faire le plaidoyer auprès des chefs coutumiers pour obtenir un terrain le rend incontournable dans la réalisation du projet. En fait, pour des projets d'installation des moulins ou de microcentrales, le plus souvent le terrain est considéré comme une contribution locale des bénéficiaires.

109 Propos d'un enquêté membre de Tuungane à Lukanga. L'enquêté a préféré l'anonymat.

Le projet le plus récents qui montre des divergences entre les logiques des responsables paroissiaux et les bénéficiaires est celui des dentisteries de Lukanga et de Kimbulu. Pour les enquêtés, le fait qu'il n'est pas facile de contrôler le bien installé sur le terrain paroissial, les populations désireuses de ces projets ont décidé d'installer ces dentisteries hors concession paroissiale. L'objectif de cette investigation n'est pas d'analyser les types des conflits engendrés par les projets communautaires. Mais on ne peut tout de même pas passer cela sous silence.

En fait, dans les réalisations de Tuungane, une dentisterie a été installée à Lukanga et une autre est en cours à Kimbulu. Au regard du tarif en vigeur dans la dentisterie de Lukanga en comparaison avec d'autres plus proches, comme celle du centre médical anglican de Butembo, on peut se rendre compte que l'activité est purement sociale. Le tableau suivant donne les différents prix en vigeur dans ces deux dentisteries selon le type de service dont le patient bénéficie.

Tableau n°4 : Comparaison des prix : dentisterie de Lukanga et Centre anglican de Butembo en $US.

Services

Dentisterie de

Lukanga

Centre médical

anglican de

Butembo

Variation

des prix en %

(1ère classe)

Variation

des prix en %

(2ème classe)

1ère

classe

2ème

classe

1ère

classe

2ème

classe

Arrachage d'une dent

2

1,5

4

2

100

33,3

Plombage de

dent

10

2

25

20

150

900

Nettoyage des

tartres

4

0,5

20

10

400

1900

Prothèse

20

12

30

20

50

66,7

Source : dentisterie ASMO/Lukanga et Centre médiacal anglican de Butembo

Le tableau précédent montre que le tarif de la dentisterie de Lukanga installée par l'association « Tuungane » est de loin inférieur à celui du centre médical anglican de Butembo qui sont deux dentisteries séparées de 40 km.

Le prix de la dentisterie anglicane basée à Butembo est toujours élevé. L'arrachage simple augmente de 100% pour la première classe alors qu'il est de 33,3% pour la seconde.

Toujours par rapport à la première et à la seconde classe, les prix du plombage augmentent respectivement de 150% et 900%. Pour le nettoyage des tartres, les variations sont respectivement de 400% et 1900%. Enfin, le coût de la mise d'une prothèse dentaire augmente de 50% pour la première classe et de 66,7% pour la seconde.

En ce qui concerne les prix, les différences sont énormes . Chaque dentisterie définit les classes de ses clients dans sa politique des prix discriminatoires. Pour la dentisterie « Tuungane » par exemple, tout client résident à Lukanga et/ ou venant d'un milieu rural proche est considéré comme n'ayant pas les moyens. Il est considéré comme faisant partie de la deuxième classe. Tout client venant d'un milieu urbain comme Butembo et Beni, pour se faire soigner à Lukanga est supposé avoir des moyens. Celui-ci est classé directement dans la première classe.

Pour les anglicans, d'autres critères entrent en ligne de compte pour la différenciation des prix. Il s`agit du statut social du client, de sa profession, ... Ainsi, un enseignant de Butembo n'est pas de la même classe qu'un commerçant. Par ailleurs, quelle que soit la dentisterie,le prix est fonction du soin et des produits pharmaceutiques appliqués.

Certes, la comparaison entre ces deux centres pris dans deux milieux non homogènes (rural et urbain) peut sembler non conforme. Pour justifier cette comparaison, nous partons de l'hypothèse selon laquelle les deux dentisteries ont presque le même rang et qu'il n'y en a pas d'autres dans la région. Dans cette logique, le client (paysan ou non) pouvait tout de même se rendre à Butembo pour poursuivre le même type de soins si « Tuungane » n'avait pas réalisé le projet. Quel que soit son pouvoir d'achat, il consentirait plus de sacrifices pour se faire soigner.

c. Les acteurs de « Tuungane »

Le réseau « Tuungane » fait intervenir plusieurs acteurs dans ses activités tantôt internes, tantôt externes. Les acteurs internes sont les membres ou comités de développement qui le constituent. Ces comités sont formés essentiellement des paysans. Ils sont souvent consultés à la base pour réaliser un projet. En tant que participants locaux à un projet, ils interviennent, par exemple, pour tracer un canal, déblayer le terrain, transporter le sable pour la construction d'une turbine,... Le rôle des chefs coutumiers dans les activités est capital. Comme propriétaires de terre, ils sont consultés pour mettre à la disposition de différents comités de développement des espaces où se réalisent les différents projets.

Parmi les acteurs externes, Tuungane collabore plus avec les associations et volontaires italiennes. Il s'agit par exemple du Rotary Club de Butembo qui reçoit les dons du Rotary Club de Lecce, une ville italienne. A cela s'ajoute Misereor et la CEE.

Images 4 &5 : Remise des matériels par le Rotary Club effectuée par le docteur Mundama Jean-Paul

Source : Galerie photo Beni lubero Online

La collaboration de ce réseau avec la coordination de la société civile de Lubero est

très étroite. Les personnes contactées lors de notre enquête affirment à 67% que la

coordination de la société civile ne les consulte pas pour ses activités. Elle se contente

souvent de consulter quelques personnes influentes du réseau, comme l'abbé Giovanni

pour s'enquérir de la situation sécuritaire et des violations dont la population est victime.

Pour les enquêtés, il serait préférable que les responsables de cette coordination participent

aussi aux assemblées générales pour recueillir le maximum d'informations sur les

problèmes du milieu étant donné que les participants viennent des plusieurs coins reculés.

Cette situation peut se lire dans les déclarations de l'abbé Malumalu. Selon lui,

«Le concept société civile est très récent dans les territoires de Beni et Lubero. Il y a des poussées vers le droit de l'homme. La tentative de restructuration de cette organisation se fait sentir au niveau local. Malheureusement, celle-ci est limitée car les gens ne sont pas dans la dynamique politicienne, ils sont plus capitalistes. Ils veulent bien le changement dans le développement et droit de l'homme, dans le syndicalisme. Actuellement, à Butembo, il y a tentative d'intégration abusive de l'église, des ONG et de la Fédération des Entreprises au Congo. De plus il y a une fragmentation et des replis stratégiques, chacun veut maintenant à se réunir de son côté. La société civile se

réunit d'une manière opportuniste. Elle a du mal à remorquer avec elle l'intérieur des territoires110 ».

Cette déclaration donne raison à ceux qui accusent la société civile d'être une affaire des citadins et d'urbains. Bien que la coordination parle au nom de la population de Lubero, sa légitimité est ainsi remise en question. Comment alors la société civile arrive-telle à faire le contrepoids au pouvoir si les personnes qu'elle défend ne reconnaissent pas en elle ce rôle ?

Cette question reste en suspens car pour se prononcer, il serait nécessaire de recueillir le maximum d'informations en utilisant un échantillon stratifié et le plus représentatif possible. Toutes les couches sociales doivent ainsi faire l'objet de la consultation.

A la question de savoir quel rôle l'Etat congolais joue dans la réalisation des projets de Tuungane, les responsables contactés pensent qu'il se limite à donner les documents légaux autorisant le fonctionnement de l'organisation. Aucun subside de l'Etat envers cette organisation n'est signalé. Les différents services administratifs se limitent donc à fournir à « Tuungane » les autorisations de réaliser un projet qui, du reste, sont aussi payants. Aucune autorisation n'est gratuite. Il s'agit du service des affaires sociales qui normalement encadre toutes les associations sans but lucratif. D'autres services interviennent, comme le Ministère de la Justice pour l'octroi de la personnalité juridique, le Ministère de Plan à travers sa division provinciale qui identifie les ONG sur un terrain donné. L'Etat congolais se présente, dès lors, comme un acteur qui se réduit à la fourniture des documents administratifs et obtenir des recettes, alors que les besoins sur le terrain sont multiples.

110 Notre entretien avec l'abbé Apollinaire Malumalu le, 27 février 2008, lors de son passage à l'Université Catholique de Louvain.

2. Les « Waibrahimu »

a. Création.

L'association « waibrahimu » est une association purement religieuse créée en 1995 à Lukanga pour essayer de résoudre les conflits fonciers observés dans la région maraîchère de l'Est de la RD. Congo. Le nom waibrahimu est un mot swahili qui signifie litéralement les « Abraham ». Les initiateurs du projet sont entre autres l'abbé Giovanni Piumatti, Ntotole, Janvier, Michel Kalinga, Angelus Mulumemukuhi, Joseph Mwenge, Ephrem Syasaka, Muhasa, Léonard et Bosco. Inspirée de l'histoire d'Abraham qui reçut de Dieu l'ordre de quitter son pays ou sa patrie pour aller là où l'Eternel l'indiqua. C'est ainsi que les membres ont décidé de dénommer cette association111.

L'association a pour projet de sensibiliser la population vivant dans les Hautes Terres de Lubero à migrer vers les Basses Terres où l'accès à la terre est plus facile. L territoire de Lubero étant confronté aux conflits fonciers, l'idée du projet est de montrer à la population que la vie ne se limite pas seulement à son milieu d'origine et qu'on peut trouver le bonheur ailleurs. En fait, selon Koen Vassenroot et Timothy Raeymaekers112, 90% de la population vivant de l'agriculture, les conflits fonciers à l'Est de la RD. Congo s'expliqueraient par la pression démgraphique et la guerre. Cepedant, poursuivent-ils, dans la région la guerre n'a fait qu'accentuer le problème serieux de gestion de la terre.

Il est intéresant ici de rappeler que plusieurs facteurs sont à la base des conflits fonciers dans le territoire de Lubero . Tout d'abord, l'accroissement rapide de la popualtion serait la principale cause du morcellement des terres, alors que les espaces disponibles restent les mêmes. Le même lopin de terre legué par un ancien parent est morcelé entre les descendances. Il suffit de deplacer les limites d'un lopin de terre pour qu'un conflit interminable éclate entre deux voisins. Anselme Paluku Kitakya113 met un accent sur les facteurs d'émergence liés à la vente de la terre. Dans ses recherches, il estime que divers facteurs suivants expliquent la vente de terres et conduisentt souvent à des conflits fonciers :

- La pauvreté due à la baisse des prix des produits agricoles et à la déterioration des termes de l'échange entre produits manufacturés et produits agricoles.

- La multiplication des besoins.

111 Sur le dépliant de Waibrahimu, on peut voir facilement la référence ayant inspiré leur association. Genèse 12 ,13 :8. Ces versets sont relatifs à l'histoire à la migration d'Abraham qui cherchait la terre lui indiquée par Dieu.

112 KOEN VLASSENROOT et TIMOTY RAEYMAEKERS, Conflits et transformation sociale à l'Est de la RDC, Academia press, Universiteit Gent, 2004, p.80.

113 PALUKU KITAKYA, Anselme, Op.Cit., p.136.

- La polygamie conduit certains membres de la famille à requérir la division du patrimoine familial.

- Les conflits de pouvoir et de gestion de redevances conduisent à la cession des terres familiales.

- L'absence des titres fonciers légaux fait que les chefs terriens remettent en cause les conventions foncières, exproprient les parcelles des vassaux et les vendent aux nantis. Cette situation est due à la non-effectivité de la loi foncière et/ou à la dualité de la gestion foncière114.

- L'avancée rapide de l'urbanisation conduit les chefs terriens à vendre les terres dans les campagnes envoisinant les villes et les cités.

- L'épuisement de la fertilité des sols lié aux mauvaises techniques culturales. - L'ignorance de la loi et de la coutume foncière.

- La cupidité des chefs terriens.

- Les mésententes au sein des familles des chefs terriens.

- Enfin, le non paiement des redevances par certains paysans qui estiment ne pas

produire assez pour obtenir une chèvre et/ou poule sur le marché qui est utilisé dans

la coutume nande pour s'acquiter de son devoir auprès des chefs terriens.

C'est dans ce contexte que l'association Waibrahimu a été créée pour essayer de

résoudre le problème des conflits fonciers dans le territoire de Lubero. La création de

l'association « waibrahimu » est liée donc aux facteurs démographiques et économiques

qui conduisent aux conflits fonciers. D'autres facteurs s'y ajoutent : les facteurs culturels et

judiciaires. ce dernier facteur est soutenu par les propos de Anselme Paluku qui dit :

« C'est dans le cadre de la gestion et du jugement des litiges fonciers et de la vulgarisation de la loi foncière que l'administration judiciaire intervient dans le domaine comme des véritables prédateurs d'argent auprès des justiciables. La durée de gestion de certains dossiers se trouve inutilement allongée et des jugements subjectifs peuvent être rendus à la faveur des parties les plus offrantes ».

b. Organisation et réalisations

Pour encourager la population à se déplacer et pour que celle-ci s'approprie le projet, l'abbé Giovanni Piumatti avait décidé de démenager de Lukanga vers Muhanga (Bunyatenge) dans le Sud de Lubero. Selon certaines informations, le lieu d'acceuil était une région minière anciennement sous le contrôle d'une entreprise allemande. Tout en étant à Lukanga, l'abbé Giovanni va amorcer la construction des quelques maisons

pouvant servir de logement pour faciliter le lancement du projet. Il s'agissait de préparer des infrasructures de base pouvant encourager la population: une école, un centre de santé bien équipé, une chapelle, une salle polyvalente, une microcentrale...

Quelques temps après, les membres fondateurs ont été rejoints par d'autres ménages ayant décidé de souscrire au projet. Aujourd'hui le nombre des ménages qui ont déménagé et adhéré au projet est estimé à 200 venus non seulement de Lukanga mais surtout de Masereka et Kayna. A cela s'ajoutent 500 autres ménages autochtones. A l'arrivée, un champ d'au moins un hectar devrait être attribué au migrant. Les femmes rejoignaient leurs époux après la prémière récolte115.

Cette stratégie a été adoptée pour faciliter l'adaptation et, plus spécialement, pour ne pas perturber l'année scolaire des enfants qui devaient migrer avec leurs parents. Toutes les structures sociales préparées ont comme personnel des enseignanst et des infirmiers venus de Lukanga et payés par l'abbé Giovanni. Le projet semble avoir eu des donnateurs en Italie, pays d'origine de ce dernier. La plupart des enfants qui ont déménagé pour étudier à Muhanga ont été jumélés à quelques familles italiennes pour le paiement de leurs frais scolaires. 25 à 30 tôles ont été mises à la disposition des méganes pour la construction de leurs habitats car au début les hommes migrants passaient la nuit dans un foyer social, une maison commune, construite à cet effet. Tout chef de ménage qui a rempli sa maison a aussi droit au courant électrique.

c. Les acteurs de l'association « Waïbrahimu ».

Pour les acteurs de ce projet, il y a lieu aussi de distinguer les acteurs internes et externes.

Pour cette association, les acteurs internes sont à 100% les paysans. Les membres adhérents sont tous les migrants qui souscrivent au projet. L'abbé Giovanni joue ici le rôle de catalyseur. Comme le projet est essentiellement du domaine agricole, les chefs coutumiers interviennent pour que les migrants accèdent à la terre.

Au niveau externe plusieurs acteurs sont à signaler. En plus de la fourniture des semences et autres intrants agricoles, l'ONG internationale Agro Action Allemande (AAA) a joué également un rôle capital dans la réhabilitation de la route qui relie Muhanga à la cité de Lubero. Comme dit précédemment, les ménages venus de Lukanga ayant des écoliers bénéficient du jumelage avec les familles italiennes. La paroisse catholique piémontaise Pinerolo est intervenu dans la fourniture du matériel pour la mise en place des

115 Nous avons eu des difficultés de trouver les quantités réelles produites par ces ménages bien qu'ils estiment être capables de produire chacun 10 sacs de 100Kgs de haricots sur le champ obtenu. L'association ne tient pas des statistiques de la production agricole de ses membres, statistiques qui peuvent faciliter l'analyse de l'impact du projet au regard des résultats obtenus.

infrastructures de base. Une dizaine des volontaires italiens116 y arrivent chaque année pour donner un soutien aux structures sociales qui maintiennent les « waïbrahimu » sur place.

Le rôle de l'Etat dans ce projet est analysé ici de façon négative. En effet, depuis les guerres de l'est du Congo, la localité de Muhanga/Bunyatenge est confrontée à une insécurité totale. Dans les forêts avoisinantes, on sigale la présence non seulement des rebelles rwandais considérés comme génocidaires mais aussi des maï-maï qui pillent les récoltes de la population. Actuellement, les « waibrahimu » se trouvent dans la difficulté de nourrir leur famille. Les champs ne sont plus entretenus parce que les hommes craignent de se faire enlever dans leurs champs par des inciviques et autres rebelles vivant dans la forêt congolaise. Lorsqu'ils tentent d'entretenir leurs champs quelle que soit la situation, ils sont accucés par les autorités administratives de nourrir les rebelles et forces négatives et d'être en conivence avec eux. Les « waïbrahimu » se retrouvent ainsi entre le marteau et l'enclume.

3. L'association ADL-assomption : Appui au Développement Local

a. Création

ADL-assomption est une asbl créée par les pères assomptionnistes de Butembo depuis 2001 dans le but non seulement d'appuyer et d'accompagner la population dans l'amélioration des conditions de vie et dans la promotion des valeurs humaines mais aussi pour auto-promouvoir les communautés de base défavorisées. Son rayon d'action statutaire est la province du Nord-Kivu. Elle est pour le moment opérationnelle dans les territoires de Beni et Lubero, plus spécialement dans les villages de Vuvatsi, Kitovo, Musingiri, Musienene, Bunyuka, Butuhe, Kivetya et Munoli.

L'initiative est venue des pères assomptionnistes qui, lors de leur apostolat dans les paroisses, ont découvert les besoins énormes auxquels font face les chrétiens dans le domaine de la sécurité alimentaire, l'habitat, la santé et l'alphabétisation des jeunes. L'intervention auprès de la population à travers ces domaines permet aux assomptionnistes de concilier l'aspect spirituel des fidèles à l'aspect matériel.

b. Organisation et réalisations

ADL fonctionne comme une association sans but lucratif régie par la loi congolaise. Pour son fonctionnement, elle a des organes qui lui permettent d'exécuter ses activités. Il s'agit de l'assemblée générale qui comprend les différents groupes membres fondateurs.

116 Les volontaires italiens suivants sont les principaux acteurs du projet : Giampaolo (dentiste), Marco Rocco(dentiste),Tamara Andiloro(hygiéniste), Marina(enseignante), Pinuccio (agriculteur),Nino (ingénieur informaticien), Iolanda (infirmière), Diego (laborantin), Donata (vétérinaire), Piero Iemolo (médecin),Baldino(chimiste), Fulvio (dentiste), Paola (dentiste), Lama(hygiéniste), Sergio(médecindentiste),Tonino(prothésiste),Graziella(infirmière),Elia(professeur des mathématiques) et Fabrico (prothésiste).

Ces groupes de base se trouvent dans les villages où l'association intervient. Le conseil d'administration est assuré par les pères assomptionnistes. D'autres organes s'y ajoutent, notamment la commission de contrôle, la direction générale, le service d'animation et d'autofinancement.

Depuis sa création, l'association a déjà plusieurs réalisations que nous pouvons porter à l'actif de son bilan. Il s'agit de 345 ménages formés dans les techniques agricoles et obtenant des fournitures de semences, une microcentrale hydroélectrique installée à Vuvatsi et l'adduction de 22 sources d'eau potable. L'association dispose d'un centre d'initiation aux métiers et développement appelé CIMEDE à travers lequel elle intervient pour encadrer les jeunes désoeuvrés. On rencontre dans ce centre l'atelier de formation à la coiffure, l'atelier de cordonnerie et celle de peinture. Pour réaliser ces activités, l'association a été entièrement financée par les pères assomptionnistes de Kambali. Aujourd'hui l'association s'autofinance avec les recettes tirées de ses activités. Les différentes activités emploient un total de 22 personnes salariées payées avec les recettes qui proviennent des activités, surtout les ateliers de coiffure, de cordonnerie et de peinture.

c. Les acteurs de ADL- assomption

Les principaux acteurs de cette association sont d'abord les initiateurs, les pères assomptionnistes de Butembo qui y apportent beaucoup des moyens et du temps pour sa réussite. Les organisations de base (O.B.) se trouvant dans les villages, ainsi que les paroisses catholiques où elles se localisent, jouent un rôle primordial dans ces activités. Elles lui fournissent les informations pratiques permettant d'avoir les données sur la situation sociale et économique du milieu. L'association bénéficie de l'expertise des étudiants de l'Institut Supérieur Emmanuel d'Alzon de Butembo (ISEAB), une institution créée par les pères assomptionnistes. Jusqu'à présent, l'association ne collabore avec aucune autre association. Elle intervient moins dans les activités de la société civile.

III.2. Les associations de tendance protestante

1. L'association MAAMS

a. Création

MAAMS, est une association sans but lucratif, asbl, qui signifie Multi Actions d'Assistance aux Marginalisés et aux Sinistrés. Créée le 31 janvier 1998, l'organisation a comme objectif de :

- Assister en soins de santé primaires les personnes vulnérables, les sinistrés (victimes de guerre et de catastrophe), les détenus, les orphelins, les veuves, les personnes vivant avec le VIH/SIDA et les personnes âgées.

- Assister et défendre les droits des enfants abandonnés, les personnes en situation particulièrement difficile notamment les sourds, les muets, les lépreux, les personnes vivant seules, etc.

- Assister les détenus dans la protection de leurs droits et liberté.

- Promouvoir les activités artisanales et centres d'apprentissage professionnel.

- Initier les actions de développement afin d'alléger la tâche de la femme des milieux ruraux.

Selon les membres fondateurs, sa création a été inspirée d'un verset biblique qui dit :

« Alors le roi dira à ceux qui seront assis à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde. Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais étranger, et vous m'avez acceuilli ; j'étais nu, et vous m'avez vêtu ; j'étais malade, et vous m'avez rendu visite ; j'étais en prison et vous êtes venus vers moi. Les justes lui repondront : Seigneur quand t'avons-nous vu ?[...]Et le roi leur repondra : je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que les avez

faites »117.

Ce passage biblique est un condensé des objectifs de MAAMS. Toutes les activités réalisées tournent ainsi autour de cette logique.

Ces activités sont exécutées pour trouver des solutions alternatives aux problèmes urgents. Ces problèmes sont causés par les facteurs politiques et humains (la geurre et le VIH/SIDA), les facteurs naturels ( les catastrophes), les facteurs sociaux et économiques (pauvreté),etc.

b. Organisation et rélisations.

Le MAAMS fonctionne comme une asbl avec des documents légaux délivrés par le Ministère des Affaires Sociales, celui de la Justice et le Ministère de Plan118. Dans ses statuts, l'organisation prévoit des organes qui sont l'assemblée générale, le conseil d'administration, le commissariat au compte et le secrétariat exécutif.

Dans la plupart des cas, au début de la journée les activités de cette asbl commencent par les prières organisées par le personnel. En relevant les activités et réalisations importantes, on peut classer celles-ci en cinq volets d'interventions. Il s'agit des activités

117 La Sainte Bible, Mathieu 25 :34-40, Société Biblique de Genève, Genève/Paris, 22ème édition, 2002, pp.986-987.

118 N° 08/DIVAS/NK/012/1999 du ministère des affaires sociales, N° 055/Just.G.S/DR.NK du ministère de la justice et N°000097/DPD/NK/99 du Ministère de Plan.

en rapport avec le développement communautaire, l'éducation et la formation des jeunes, l'action humanitaire et sociale, la lutte contre le VIH et les violences sexuelles et enfin la promotion des droits humains

Son rayon s'étend à tout l'espace de l'ex-Kivu. On enregistre des réalisations faites à Goma, Rutshuru, Beni et Lubero. Notre travail étant circonscrit dans les territoires de Beni et Lubero, nous nous limitons à analyser les activités sur ces territoires.

Dans le développement communautaire, 102 femmes ont été formées en gestion rationnelle des microcrédits, 1260 femmes ont été préparées à l'auto-prise en charge et à l'approche du développement fondé sur les droits,... Dans le même sens MAAMS exécute un projet d'assistance en intrants agricoles. Son but est d'améliorer la sécurité alimentaire de 3450 ménages agricoles en situation de post conflit dans les territoires de Beni-Lubero et cela avec l'appui de Pooled Fund/PNUD. Il s'agit d'un financement de plus ou moins 184000$US. Les villages concernés par le projet dans le territoire de Lubero sont Biena et Mangurijipa alors que pour territoire de Beni il s'agit d'Oicha, Mbau, Beni-ville, Vurondo et Butuhe. Pour cette activité, l'association procède à la distribution de 27600 kilogrammes de semences de légumineuses (haricots et maïs) mais aussi de semences maraîchères (choux et aubergines). A cela s'ajoute la distribution de 600 géniteurs de lapins améliorés, 6900 houes, 350 arrosoirs, 690 râteaux et 1500 haches. Les ménages sélectionnés sont essentiellement des ménages agricoles composés des familles retournées de guerre dans leur milieu d'origine.

Par ailleurs, ces intrants agricoles sont achetés localement auprès des importateurs en procédant à un appel d'offre des produits dont l'association a besoin en grande quantité. Elle emploie 28 personnes salariées avec une rémunération allant de 100 à 500 $US.

Les activités de MAAMS sont classées dans le développement communautaire du fait que les bénéficiaires eux-mêmes participent à l'identification des besoins. C'est en fait la base qui définit le type de projet à exécuter et les stratégies nécessaires à mettre en place aux regards des risques attendus.

Dans l'éducation et la formation des jeunes adolescents, MAAMS encadre 20 clubs de jeunes dans la lutte contre le Virus de l'Immunodéficience Humaine (VIH/SIDA). Dans cette activité, il s'agit d'organiser des ateliers et séminaires dont les thèmes sont orientés vers l'éducation à la vie familiale et à la sexualité responsable. Dans la même activité l'organisation équipe une mini-bibliothèque et une vidéothèque qui sont mises à la disposition des jeunes qui l'exploitent souvent pendant les vacances.

Dans l'action humanitaire et sociale, MAAMS procède à la distribution de vivres aux personnes vivant avec le VIH. Pour ce volet, l'organisation encadre 60 personnes venant

des différents ménages regroupés dans une association des personnes vivant avec le VIH (PVV). Il s'agit en général des veufs ou veuves dont un conjoint est mort du SIDA. Ces personnes sont souvent affaiblies par la maladie et par la non accessibilité aux médicaments antirétroviraux (ARV). Les vivres leur sont distribués selon les normes énergétiques proposées par la FAO, Fonds des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture.

Pour rappel la moyenne énergétique à consommer est représentée par la disponibilité énergétique alimentaire par personne (DEA) qui correspond à l'alimentation disponible pour la consommation humaine au cours de la période de référence, exprimée en termes énergétiques (kcal/pers/jour). L'estimation est souvent faite sur base des bilans alimentaires dressés à partir de la production et le commerce (importation et exportation) de denrées alimentaires. La DEA par personne est de 2000 kcal par jour pour les femmes et tourne autour de 2500kcal par jour pour les hommes. La moyenne de 2003 est fixée à 2414 (kcal)119

Dans la lutte contre le VIH et les violences sexuelles, MAAMS, procède à la prise en charge des femmes violées sexuellement et des femmes veuves vivant avec le VIH à travers la « thérapie par occupation ». Cette activité consiste à former celles-ci à un métier notamment en coupe couture et en tricotage. L'organisation dispose d'un atelier équipé en machines de broderie, de tricotage et de coupe-couture. A la fin de la formation, chacun reçoit un kit de couture pour permettre la réinsertion sociale.

Cet atelier permet à l'organisation de s'autofinancer. Les tricots produits sont essentiellement pour les bébés. Dans ce cadre, MAAMS a signé des conventions avec des centres de santé et maternités dans la ville de Beni. Les tricots sont fournis aux femmes enceintes en attente d'accouchement à un prix variant entre 3,5$ et 5$ suivant le modèle fabriqué. La matière première, c'est-à-dire les boules de fil, est achetée localement auprès des commerçants. Ce qui donne un coup de pousse à l'économie locale.

Selon le responsable de l'atelier de l'organisation une dizaine de boules de fil achetées coûte 5$ et permet de produire trois tricots complets pour bébé. Le rapport de production du second semestre de l'année 2006 montre qu'environ 834 tricots pour bébés ont été fabriqués et vendus dans la ville de Beni120. Bien entendu, tous les accouchements ayant bénéficié de cette production ne concernent pas seulement la ville mais aussi les femmes provenant de ses environs.

119 Fonds des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture, Méthodologie de la FAO pour mesurer la prévalence de la sous alimentation, division de la statistique de la FAO, Rome, octobre 2003, p.4.

120 Ici il faut retenir que le chiffre donné ne contient pas la quantité non vendue restant en stock et celle produite empruntée ou donnée à titre d'encouragement (prime) au personnel technique de l'association travaillant dans l'atelier.

Dans la promotion des droits humains et surtout des enfants, les bénéfices tirés de l'atelier permettent de scolariser 50 enfants orphelins du SIDA sélectionnés dans les ménages des PVV que l'association encadre. Pour l'année scolaire 2006-2008, chaque écolier a pu bénéficier de 50$ dont 30$ comme frais scolaires et 20$ pour les objets classiques. Au total 2500$ ont été débloqué dont 1500$ payés directement aux chefs d'établissements comme minerval121 et le reste pour l'achat des outils scolaires des enfants.

c. Les acteurs

La logique actuelle en matière d'exécution des projets est celle du partenariat avec d'autres organisations. Les activités se font en regroupant un certain nombre d'organisation qui oeuvrent dans la même branche : c'est la synergie. Cette pratique est encouragée car elle s'avère plus efficace pour promouvoir une plus grande participation des citoyens et un développement local accru. C'est dans ce sens que MAAMS s'associe à d'autres organisations et plates-formes. MAAMS travaille en synergie non seulement avec d'autres organisations non-gouvernementales se trouvant dans son rayon d'actions mais aussi en collaboration avec les services techniques étatiques de tutelle.

Dans l'exécution de ses programmes, MAAMS introduit les thématiques transversales comme la notion de genre, le VIH/SIDA, et met un accent sur les droits de la femme, de l'enfant ainsi que sur la résolution pacifique des conflits. Toutes les activités se réalisent dans le respect des principes humanitaires122.

MAAMS a comme partenaire financier la Solidarité Protestante Belge, le Service d'Entraide et de Liaison (SEL Belgique), le Pooled Fund/PNUD, le bureau des affaires civiles de la MONUC123-Beni. MAAMS est le point focal adjoint de la commission VIH/SIDA du « cluster124 » santé sous la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) à Beni. Dans son projet exécuté par le financement du Pooled Fund, elle collabore avec les organisations locales comme AFNAC, COTEDER, CCTA, CROIX ROUGE RD Congo/Butembo

Au niveau national, l'Etat lui délivre les documents légaux pour son fonctionnement. Par ailleurs, pour le renforcement de son projet de scolarisation des enfants orphelins du SIDA, l'organisation a reçu un subside de l'Etat à travers le Programme National Multisectoriel de lutte contre le VIH-SIDA (PNMLS). L'Etat congolais a renforcé l'atelier de couture et de broderie dont dispose l'organisation en accordant une somme de 3300$.

121 Le mot minerval signifie dans le contexte belge les frais de scolarité payés par les écoliers ou élèves.

122 Cfr Charte humanitaire disponible sur www.sphereproject.org visité le 30 juin 2008.

123 Mission des Nations Unies au Congo.

124 Le cluster est un regroupement ou réseau d'organisations non gouvernementales du même secteur regroupées au sein de OCHA avec des externalités positives.

Le PNMLS n'est pas ici à confondre avec le Programme National de lutte contre le sida (PNLS) restructuré en 1999.

Si le PNLS est sous tutelle du ministère de la santé et s'attache plus particulièrement à la prise en charge médicale du VIH, au contraire, le PNMLS créé en 2004 dépend directement de la présidence de la république. C'est ce dernier programme qui définit et oriente la politique nationale de lutte contre le sida. Il accrédite également les centres médicaux125. Bien qu'une partie des fonds alloué au PNMLS vienne du gouvernement congolais, la grande partie provient de la Banque mondiale, de la Banque Africaine de Développement, de la Belgique, du Canada, des Pays-Bas, de l'Union Européenne, et de la France. Tous ces fonds sont gérés ou cogérés par la Bureau Central de Coordination (BCECO) qui oeuvre sous tutelle du Ministère des Finances126.

Par ailleurs, nous pouvons faire remarquer que cette association collabore avec l'ECC, l'Eglise du Christ au Congo. Au début de ses activités, les fonds qu'elle recevait transitaient d'abord par le compte de l'ECC avant qu'elle n'ouvre son propre compte. La raison était de crédibiliser l'association car pour les responsables de MAAMS, l'église reste la seule institution qui paraît encore sérieuse en RD. Congo. C'est pour cette raison qu'à notre question de savoir pourquoi sur le dépliant de l'association apparaît le verset biblique, le responsable estime que c'est important pour que tout le monde sache quelle a des origines bibliques. Elle noue des relations avec des pasteurs pour accéder aux fidèles. L'église apparaît comme l'institution qui rend les associations crédibles. C'est pourquoi certaines associations sont chapeautées par elle en RD. Congo.

Par rapport à d'autres associations vues précédemment, il ya lieu de constater que MAAMS affirme avoir de très bonne relation avec la coordination de la société civile. Un projet a d'ailleurs été exécuté ensemble. Il s'agit de la mise en place de 60 comités locaux de développement à travers les territoires de Beni et de Lubero. Ce projet a été appuyé par le bureau des affaires civiles de la MONUC de Beni. La coordination de la société civile de Beni organise des réunions auxquelles participent les associations retenues. La coordination a déjà répertorié toutes les associations qui la composent. Celles-ci sont régulièrement invitées aux différentes réunions organisées.

Cependant, selon les déclarations du coordonateur de MAAMS, aucune collaboration ne se fait avec les opérateurs économiques de Beni. Au contraire, ce sont les opérateurs

125 TRENADO Emmanuel, DIAWARA Estelle et NGOUOLELE Cyprien, Rapport de mission de l'AIDES en République Démocratique du Congo Kinshasa, du 24 au 30 mai 2005, Réseau Afrique 2000, p.7.

126 Bureau Central de Coordination, Résumé d'exploitation exercice 2004 (en milliers de dollars), Kinshasa 2004, p.9.

économiques qui bénéficient des dépenses de l'organisation. Pour eux, l'objectif est le lucre alors que MAAMS est une asbl.

2. La province de l'église anglicane au Congo - PEAC(Programme de Santé et Lutte contre le VIH/SIDA)

a. Création.

L'association PEAC a été créée en 1989 dans le cadre évangélique pour promouvoir les soins de santé primaires et faire face à un contexte de précarité de la population qui, souvent, entraîne celle-ci dans des pratiques sexuelles en vue de se procurer de l'argent. Ce qui a pour conséquence l'augmentation du taux de prévalence des maladies sexuellement transmissibles. L'association a été créée par tous les évêques de l'Eglise anglicane au Congo.

Pour le responsable du PEAC, cette organisation sinvestit avant tout dans la lutte contre la pandémie du SIDA. Cette maladie est considérée par l'organisation comme causée par les facteurs humains et économiques. Elle a été propagée à une vitesse vertigineuse avec la guerre : les violences sexuelles, le non entretien des ouils trachants dans certaines institutions sanitaires et les salons de coiffure, ... La pauvreté conduit également à exercer le "métier" avec tout ce que cela a comme conséquence.

L'Eglise anglicane en s'impliquant dans ce programme veut que sa mission évangélique soit complète en combattant la propagation du virus mais aussi en assurant le traitement des personnes vivant avec le VIH-SIDA dans la dignité.

b. Organisation et réalisations

Le PEAC fonctionne sous la responsabilité totale de l'église anglicane. Toutefois, les bénéficiaires de ses activités sont de toutes les confessions religieuses.

Le PEAC oeuvre dans divers divers domaines d'intervention : la santé curative et préventive plus spécialement dans la lutte contre le VIH-SIDA, dans le domaine de l'éducation en procédant aux sensibilisations dans les écoles , églises, etc.

Chaque matin, le PEAC organise des prières matinales dans différents centres de santé où il intervient et cela directement dans les salles des malades. A cela s'ajoute l'organisation de journées de reflexion sur la situation des malades du SIDA dans son rayon d'action.

En ce qui concerne ses réalisations, PEAC procède à la construction des centres de dépistage volontaire du SIDA. Il a construit deux centres de depistage volontaire (CDV) au sein des centres de santé anglicans de Beni et Butembo.

c. Les acteurs.

A notre question sur le type de relations que le PEAC entretenues avec d'autres organisations, les reponsables affirment collaborer seulement avec les associations qui sont également dans la lutte contre le VIH et la défense des droits des orphelins. Il s'agit des associations MAAMS, du programme de promotion de soins de santé primaire (PPSSP) et de STOP SIDA. Ces deux dernières sont également des organisations locales protestantes.

Au niveau de la coordination de la société civile, PEAC est plus impliqué dans la dénonciation des violences des droits des orphelins du SIDA. L'organisation lance des communiqués radiodiffusés soutenus par le bureau de coordination de la société civile de Beni.

L'Etat ne donne pas de subside au programme. Mais avec l'appui du programme multisectoriel de lutte contre le VIH-SIDA, PNMLS, l'Etat intervient en donnant des séances d'enseignements pratiques et théoriques.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry