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Formation de la personnalité des enfants de la rue à  Port-au-Prince

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par Dieuveut GAITY
Université d'Etat d'Haiti - Licence en Psychologie (Bachelor Degree) 2009
  

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A- Brève présentation

Nom : FRANCOIS

Prénom : Jonas

Lieu de naissance : Port-au-Prince

Date de naissance : 1998

Education : 2e année

Taille et poids : 4» et 32 Kg

B- Montage de scénario

Je suis né à Port-au-Prince dans une famille de quatre (4) enfants, trois (3) filles et un (1) garçon orphelins de père, et dont je suis le cadet. Mon nom est Jonas FRANCOIS, je vivais avec ma mère à Delmas depuis ma naissance jusqu'au jour où j'avais choisi de mener la vie de la rue. A dire vrai, ma mère était très cruelle envers moi ; elle me disait tout le temps «  se ti volè m ye », pour des pièces de monnaies égarées, pour des objets déplacés ou perdus ; j'en suis toujours l'acteur. Car, selon ses dires, je suis le seul garçon de la maison, alors c'est moi qui suis capable de commettre ces genres d'actes. A ce moment, elle me battait souvent avec rage et véhémence. Sous l'influence de ses bastonnades, ses tortures et ses maltraitances, j'ai dû laisser une première fois la maison pour aller retrouver un ancien camarade de classe de l'Ecole Nationale de la République de l'Equateur qui vivait déjà dans la rue et qui m'invitait, chaque fois que je l'ai rencontré, à venir y passer une journée. Pendant une semaine et demie, je suis avec lui, apprenant petit à petit tous les trucs de cette nouvelle vie, jusqu'au jour oú quelqu'un du quartier de ma mère m'a vu et m'a raccompagné chez moi. Après quelques temps, un, deux, trois mois passés sans anicroches, ma maman a recommencé à me frapper à tort ou à raison ; cette fois-ci, je lui ai signalé que je quitterai la maison pour de bon. Elle m'a cru sur paroles et m'a ligoté aux cordes. Un jour, je suis arrivé à me défaire des noeuds de la corde et je suis parti à jamais dans la rue ; je ne me rappelle pas exactement de la date, mais c'était après le départ d'Aristide.

Maintenant, je suis dans la rue, je ne vais plus à l'école, ni à l'église. A ZAKAT ZANFAN, au Carrefour de l'Aéroport, je m'héberge depuis quelque temps en compagnie d'autres enfants sous la garde d'un responsable que, tous, nous appelons PAPA76(*). En fait, dans la rue, je vis, je me divertis, je travaille pour gagner assez d'argent nécessaire à ma survie et j'apprends à me défendre dans tous les sens. En plus de tout ça, dans la rue, je me sens réellement libre...

Organisation de la journée : Ordinairement, le matin, je me réveille entre 7h30 et 8h30, et je me lave le visage. Puis, avec ma toile en main, je me dirige dans la rue afin de gagner quelques pièces de monnaie me permettant d'acheter quelque chose à manger. En fait, je dois avouer que je n'aime pas trop travailler, il suffit que je trouve à manger une fois, deux fois dans une journée, soit que mes amis m'apportent un petit morceau de quelque chose, soit que j'en achète. Après quoi, je peux passer tout le reste de la journée à m'amuser en jouant au « Tonton palmis » pour maximiser mes sous, ou en taquinant les autres enfants jusqu'à ce qu'ils s'énervent. Il est des jours oú je n'ai aucune envie de travailler. Dans ces situations, j'ai eu toujours l'habitude d'aller me baigner et m'amuser un peu en plaine à la grande rivière, et je suis retourné vers les 1h30 de l'après-midi pour rendre service à des marchands (es) qui vont me réserver un plat gratuit aux environs de 3h. Avec ces deux repas, je n'ai aucun problème ; je continuerai à m'amuser sans relâche et à mendier jusqu'à la tombée de la nuit. Le soir, je me promène et je fais souvent des activités farouches et amusantes en groupe : soit les blagues, soit les taquineries de toutes sortes. D'autant plus qu'en me promenant, je profite pour chercher objets et monnaies perdus au bord de la rue et sur les places publiques à l'aide de bougies allumées ou, s'il y a de l'électricité, grâce aux projecteurs d'éclairage installés au Carrefour de l'Aéroport. Enfin, je regarde la télé et, quand il se fait un peu tard, je cherche un petit coin où je peux m'allonger pour dormir en paix et qui me met à l'abri de tout abus.

Du côté socio affectif : Au Carrefour de l'Aéroport, avec les autres enfants, je suis toujours de bonne humeur ; j'aime beaucoup jouer, c'est ma meilleure besogne. Je ris souvent, je suis très plaisant et j'ai accepté presque facilement tout ce que l'on me fait. J'ai en outre un caractère très soumis, c'est pourquoi les autres m'ont appelé « Ti joel » ; si PAPA dit qu'il faut nettoyer et jeter les débris, j'accepte volontiers, je n'aime pas répliquer. A cause de ce caractère, je suis souvent victime chaque fois que je veuille me montrer un peu arrogant dans certaines situations ; par exemple, deux fois dans toute ma vie de rue, on m'a fait grand mal à cause des tentatives de répliques et d'affront. Une fois, j'avais reçu d'un aîné deux graves blessures à la tête à coups de pierre et, tout récemment, un de mes pairs m'a sectionné le bras avec un tesson de bouteille. Face à ces deux situations, j'ai eu toutes les peines du monde : douleurs, pleurs colère, frustration, tristesse, etc. ; à cet effet, j'ai toujours voulu me venger, tuer ou faire du mal, mais je n'ai pas ce courage ; je suis trop sensible. Sans vouloir plaisanter, c'est vraiment dur de vivre dans la rue, je me sens très mal. Pour être content, je suis obligé de chercher du plaisir auprès des autres en les taquinant et, dès fois, ça tourne mal. J'ai vraiment honte d'être un enfant de la rue, toujours sale et sans chaussures ; je n'y trouve aucune fierté. Je suis certainement plus libre, mais c'est très malaisé. Dans les rues, les gens m'humilient à tous égards ; ils me voient vraiment mal. Souvent, ils me disent «  Kokorat, ti volè » ; pour une plus récente illustration, la dernière fois, je suis arrivé auprès d'un chauffeur pour lui solliciter quelque pièce de monnaie, il m`a répondu soudainement : «  Poukisa w pa rale zam sou mwen pito, pou w pran kòb la ? Demen se ou k ap tounen pi gwo gang nan k ap vin tire m », ça m'a beaucoup affecté et j'ai passé tout e reste de la journée sans travailler. Dans des cas comme ceux-ci, j'ai eu toujours l'envie de retourner chez moi ; mais les souvenirs macabres de toutes les tortures et souffrances que j'ai endurées pendant ma prime enfance m'incitent à rester davantage dans la rue. D'autant plus que dans ces cas, je perds totalement la motivation d'y travailler ; mais je ne peux pas supporter la faim, certaines fois j'y résiste en demandant des morceaux de viandes, de pâtés ou du pain à mes pairs ; ça leur donne la possibilité de me ridiculiser davantage. Donc, je m'efforcerai d'y travailler pour manger quoiqu'il en soit, sinon je mourrai de faim.

Du côté de l'intelligence : Au rang des enfants qui vivent de la rue, je suis capable de réaliser avec brio toutes les activités ayant rapport à mon statut comme tous les autres, je maîtrise assez bien les trucs et les astuces qui me permettent de survivre ; soit dans le sens de gagner de l'argent ou de me défendre contre tout danger. Je peux, en outre, me servir de tout ce qui se trouve dans mon entourage ; car je suis très curieux. Ce qui me remonte un peu l'estime, comparativement aux autres enfants, je sais lire, écrire, compter, je connais les couleurs et je maîtrise des tas d'autres choses qu'ils ignorent, qui ne sont pas de l'ordre de la rue, tels que : quelques notions de bonnes manières, le téléphone cellulaire, l'Internet, comprendre un film et d'autres trucs du genre.

Du côté des aspirations : l'un de mes plus grands voeux est de mettre un terme à ma vie de rue, mais je ne vois pas comment y arriver. Si j'ai tenté après tout ce temps de retourner chez moi, ce dont j'ai grande envie, ma mère continuera sans doute à me maltraiter. Non plus, je n'ai aucune intention d'aller à un centre, je ne suis pas un prisonnier ; et, en plus, on va certainement me ramener chez ma mère. Voila la situation dans laquelle je me trouve depuis quelque temps. Ceci dit, je veux cesser de vivre de la rue, je veux continuer mes études car je rêve de devenir ingénieur en construction de bâtiment pour avoir assez d'argent me permettant de faire des oeuvres sociales pour les enfants démunis. Ce qui traduit l'idée que, jamais, je ne souhaiterais pas que mon ou mes fils fassent l'expérience de la rue ; c'est trop malaisé et risqué. Puisque la rue n'est pas faite pour les enfants.

.3.- Cas # 3 : Félix MERCIDIEU77(*)

* 76 _ Cf. PAPA, nous avons eu la chance de l'observer pendant notre enquête. Il est le responsable de l'espace dans lequel sont hébergés les enfants, il est un ancien enfant de la rue, il peut avoir entre 28 et 31ans et il continue jusqu'à maintenant à dormir dans le centre avec les enfants. Son fils aussi vit avec lui dans le centre ZAKAT ZANFAN.

* 77 _ Cf. Pour des raisons d'éthique et par souci d'anonymat, les nom et prénom de ce sujet ont été modifiés

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