WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La coopération commerciale entre la Chine populaire et le Tchad: enjeux et perspective

( Télécharger le fichier original )
par Deli Laika Kalcheckbe Innocent
Université Yaoundé II SOA - DESS en Politique et Négociations commerciales, multilaterales 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B- FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS

Dans de nombreux pays africains, la Chine finance par ailleurs des travaux publics (routes, stades, palais, etc.) par le biais entre autres de la société Bejing Urban Construction Groupe. En Algérie, ce sont les entreprises chinoises qui construisent des immeubles de logement et l'aéroport Boumediene. En RDC, la réfection de l'axe routier qui relie la capitale du Katanga à la Zambie et qui se prolonge vers l'Afrique du Sud et la Tanzanie est également construite par les Chinois. La société CNCCTPC est fortement ancrée en RDC et construit de nombreuses routes : Béni/ Komanda, Béni/Kisangani, aéroport de N'Djili-Kinshasa, etc. La Chine finance encore la ligne ferroviaire de 1300 km, qui relie l'Est à l'Ouest de l'Angola. Elle y construit l'aéroport de Luanda, des hôpitaux, des infrastructures électriques et télécommunications. A Brazzaville, elle est dans la construction des routes, des voies ferrées, les infrastructures et les immeubles.

Depuis longtemps, les entreprises chinoises investissent également les secteurs prometteurs : secteur de la télécommunication (installation de la fibre optique au Nigeria, Mali et même en projet au Tchad) et aussi le secteur bancaire (le cas de l'Afrique du Sud). A cela, il faut ajouter que la Chine a consenti un prêt à taux préférentiel de 260 millions de dollars pour l'extension de l'aéroport à l'île Maurice. On relèvera aussi les 5 ou 6 milliards de dollars investis par la Banque industrielle et commerciale de Chine (ICBC) pour acquérir 20% des actions de la banque Sud africaine Standard Chartered, soit le plus gros investissement extérieur jamais réalisé en Afrique du Sud. Pour Philippe Richer « ICBC détient désormais un nouveau canal d'intervention et une expertise locale qui lui faciliteront d'une part l'accès aux

matières premières et d'autre part le développement d'activités bancaires (assurances, marché des actions,...) »18.

En somme, la présence chinoise au Tchad peut être un moteur de croissance au développement. Le premier constat pourrait inciter à adopter une vision optimiste. La croissance économique de la Chine s'est traduite notamment par une hausse de la demande de matières premières et donc de leur prix de vente. Les relations sino-tchadiennes préoccupent nombre d'analystes qui planchent sur ses impacts et les perspectives qu'elles réservent pour le Tchad notamment en termes de développement.

18 Richer, Ph, L'offensive chinoise en Afrique, Karthala, 2008, pp. 119-120

CHAPITRE IV : L'IMPACT DE LA COOPERATION CHINOISE SUR
E DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU TCHAD
.

56

Dans ce chapitre, nous allons présenter nos principaux résultats. Il s'agit plus précisément de vérifier les hypothèses formulées pour cette recherche. Pour ce faire, aucune prospection du futur ne saurait cependant être faite si on ne dressait un impact de la coopération sino-tchadienne (Section I). Il faut s'assurer du présent avant de se projeter dans l'avenir. Ceci dit, une radioscopie de la coopération sino-tchadienne révèle que si elle a de nombreux atouts ou forces, elle recèle aussi plusieurs faiblesses et insuffisances qui peuvent l'empêcher d'avoir des perspectives prometteuses (Section II).

SECTION I : EVALUATION DE LA COOPERATION CHINOISE SUR LE
BIEN ÊTRE ECONOMIQUE

Le nouveau dynamisme de la coopération sino-tchadienne suscite des réactions contrastées. Certains analystes y voient un créneau favorable pour le développement économique du Tchad. D'autres mettent en avant ces multiples insuffisances ou faiblesses pour conclure qu'elle est purement pernicieuse.

Dans un premier temps il sera question pour nous d'examiner la place de la Chine dans les flux des investissements et commerciaux (A) et dans un second temps montrer l'impact sur le mode d'insertion traditionnelle du Tchad dans le commerce international (B).

A- ANALYSE DES RELATIONS COMMERCILES ET DES INVESTISSEMENTS DE LA
CHINE ET DU TCHAD

Il est question ici pour nous d'examiner le commerce Sino-tchadien et évaluer les investissements et les aides chinoises.

1- Relations commerciales de la Chine et du Tchad

Il est question ici d'examiner les flux commerciaux entre le Tchad et la Chine en termes d'exportations et des importations.

1.1- Les exportations

Les exportations du Tchad vers la Chines sont essentiellements nulles. Selon les services de statistiques du commerce extérieur tchadien, la Chine ne figure pas parmi les pays de destination des exportations du Tchad. Depuis 2006 le potentiels acheteurs des produits tchadiens mis à part le pétrole sont : la France (37,02%), le Nigeria (31,73%) et le Soudan (15,76%), le pétrole étant supposé être exporté exclusivement à destination des Etats- Unis.

Cette situation se justifie par deux raisons principales :

- La première raison est que le Tchad offre pratiquement très peu de produits au marché mondial ( le coton fibre, le bétail, la gomme arabique) et depuis 2003, le pétrole brut. Les trois premiers produits intéressent très peu le Géant chinois en raison soit des coûts d'acquisition, soit de la production locale suffisante ;

- La deuxième raison découle de la rupture des relations diplomatiques avec le Tchad en 1997 qui a eu des effets négatifs sur les flux commerciaux. En effet, n'eut été cette rupture, la Chine populaire déjà présente au Soudan voisin dans l'exploitation de l'or noir aurait été fortement intéressée par le projet pétrole de Doba qui aujourd'hui est exporté vers les Etats-Unis environ, 200 000 barils de pétrole par jour.

Toutefois, selon Chaponnière (2006), 21% des exportations du Tchad ont été faites à destination de la Chine en 2004. Mais cette information issue des données miroirs du Département des Statistiques du Commerce du Fonds Monétaire International (IMF/DOTS) ne peut s'expliquer que par l'existence de réexportations de produits tchadiens, ce qui ne peut être mesuré sur place au Tchad (voir annexe 5 tableau 5). Nous estimons que l'existence de telles réexportations ne concernerent que le pétrole parce qu'en réalité le consortium pétrolier produisant sur le Bassin de Doba achemine le produit hors du territoire tchadien (à Kribi, au Cameroun) pour le vendre, ce qui échappe à toute vérification de la destination à partir du Tchad. En outre, la base de données de Farooki (2007) qui est une compilation de plusieurs sources ne fait ressortir aucun produit tchadien exporté à destination de la Chine, ce qui renforce notre argument du fait que cette base de données prend toutes les matières premières en compte hormis le pétrole.

1.2- Les importations

En 2004, les importations d'origine chinoise concernent principalement les produits alimentaires (avec 47% du total des importations d'origine chinoise) et les machines et matériels de transport (avec 39%). Il faut relever que les produits alimentaires et animaux

58

dont il est question renferment essentiellement le thé et les céréales (riz). Quant aux machines et matériels de transport, il s'agit essentiellement des motocyclettes. Cependant, les produits alimentaires et animaux vivants d'origine chinoise ne représentent que 4% du total des importations du Tchad en ces produits. Pour ce qui est des machines et matériels de transport, la Chine ne représente que 1%. Le tableau 8 ci-dessous donne les dix premiers postes des importations du Tchad provenant de la Chine pour l'année 2004.

La structure des importations de produits d'origine chinoise s'est profondément modifiée en 2005. Les machines et matériels de transport deviennent prédominants dans les importations tchadiennes d'origine chinoise (52%), suivis des articles manufacturés classés principalement d'après la matière (26%, dominés par les articles en fer et acier utilisés dans les bâtiments et travaux publics), les produits alimentaires et animaux vivants n'arrivent plus qu'en troisième position (13%). Mais, une fois encore la part de la Chine dans les importations tchadiennes en qui concerne ces différents produits reste minime (3% pour les machines et matériels de transport ainsi que pour les articles manufacturés, classés principalement d'après la matière). Le tableau 9 ci-dessous donne les dix premiers postes des importations du Tchad d'origine chinoise pour l'année 2005.

Tableau 8 : Les dix premiers postes des importations tchadiennes d'origine

chinoise en 2004

 

Produits

Valeur (en milliers de dollars)

Part (%) du produit dans les importations d'origine chinoise

1

Café, thé, épices et produits dérivés

2 142,92

37,9

2

Machines et appareils électriques, et leurs parties et pièces détachées électriques (y compris les équivalents non électriques, de machines et appareils électriques à usage domestique

1 718,88

30,4

3

Céréales et préparations à base de céréales

581,66

10,3

4

Produits chimiques organiques

297,11

5,3

5

Instruments et appareils professionnels, scientifiques et de contrôle,

208,45

3,7

6

Machines et appareils de bureau ou pour le traitement automatique de l'information

205,51

3,6

7

Machines et appareils industriels d'application générale, et parties et pièces détachées, de machines, d'appareils et d'engins

183,98

3,3

8

Véhicules routiers (y compris les véhicules à coussin d'air)

121,16

2,1

9

Caoutchouc manufacturé

95,41

1,7

10

Fer et acier

95,05

1,7

Source des données : INSEED

Tableau 9 : Les dix premiers postes des importations tchadiennes d'origine chinoise en 2005.

 

Produits

Valeur

(en milliers de dollars)

Part (%) du produit dans les importations d'origine chinoise

1

Huiles et graisses animales ou végétales, préparées; cires d'origine animale ou végétale; mélanges ou préparations non alimentaires de graisses ou d'huiles animales ou végétales,

4 513,18

40

2

Engrais bruts, autres que ceux de la division 56, et minéraux bruts (à l'exclusion du charbon, du pétrole et des pierres précieuses)

2 710,68

24

3

Huiles et graisses d'origine animale

613,45

5,4

4

Machines et appareils de bureau ou pour le traitement automatique de l'information

554,13

5

5

Véhicules routiers (y compris les véhicules à coussin d'air)

551,83

5

6

Produits chimiques inorganiques

514,02

4

7

Matières plastiques sous formes primaires

494,20

4,3

8

Instruments et appareils professionnels, scientifiques et de contrôle

489,02

4,3

9

Houilles, cokes et briquettes

437,53

4

10

Produits pour teinture et tannage et colorants

436,24

4

Source des données : INSEED

Selon les données disponibles fournies par l'INSEED (2006 et 2007), les importations d'origine chinoise ont plus doublé en un an passant de 6 045 711 dollars en 2004 à 12 574 333 dollars en 2005. Les tableaux 10 et 11 ci-dessous donnent des informations sur la part de la Chine dans les importations du Tchad pour les années 2004 et 2005 respectivement. Sur ces

tableaux, est donné pour chaque groupe de produits, le montant en milliers de dollars ainsique la part chinoise dans les importations du produit par le Tchad.

60

Tableau 10: Part des produits d'origine chinoise dans les importations du Tchad en 2004.

 

Groupes de produits

Chine

(en milliers de dollars)

Total

(en milliers de dollars)

Part de la Chine (en % du total)

1

Produits alimentaires et animaux

vivants

2 834,18

72 896,26

4

2

Boissons et tabacs

0,45

22 213,88

0

3

Matières brutes non comestibles à l'exception des carburants

0,00

25 561,17

0

4

Combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes

2,61

106 448,90

0

5

Huiles, graisses et cires d'origine animale et végétale

0,00

1 548,53

0

6

Produits chimiques et produits

connexes,

304,49

67 920,76

0

7

Articles manufacturés classés principalement d'après la matière

258,16

93 417,90

0

8

Machines et matériels de transport

2 356,58

179 692,49

1

9

Articles manufacturés divers

289,23

35 701,18

1

Note : Le taux de change moyen FCFA/$US de 2005 utilisé pour les conversions est celui de la Banque de Etats de l'Afrique Centrale (527,6).Source des données : INSEED

Tableau 11 : Part des produits d'origine chinoise dans les importations du Tchad en 2005.

Groupes de produits

Chine

(en milliers de dollars)

Total

(en milliers de dollars)

Part de la Chine (en % du total)

Produits alimentaires et animaux vivants

1594,97

102739,57

2

Boissons et tabacs

0,00

32912,83

0

Matières brutes non comestibles à l'exception des carburants

0,00

21848,82

0

Combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes

4,28

137639,38

0

Huiles, graisses et cires d'origine animale et végétale

0,00

3602,60

0

Produits chimiques et produits connexes,

437,15

96395,09

0

Articles manufacturés classés principalement d'après la matière

3254,88

123164,10

3

Machines et matériels de transport

6558,07

255397,88

3

Articles manufacturés divers

840,90

45239,05

2

Note : Le taux de change moyen FCFA/$US de 2005 utilisé pour les conversions est celui de la Banque des Etats de l'Afrique Centrale (526,5).

Source : INSEED

62

Globalement, les importations de produits d'origine chinoise ne constituent encore qu'une très petite part des importations totales du Tchad. De 1% en 2004, la part de la Chine dans les importations du Tchad est passée à environ 2% en 2005, en 2006 les importations étaient de 15 958 millions de FCFA soit 3%. Selon les sources nationales et le rapport The Central Intelligence Agency (CIA) la Chine occupe la troisième place dans les importations du Tchad avec 9,8% en 2008 (tableau 12).

Vu du Tchad, le solde bilatéral entre la Chine et le Tchad est largement déficitaire pour ce dernier, puisque, comme nous l'avons signalé plus haut dans cette section, il n'existe pas d'exportations à destination de la Chine selon les sources nationales. Cependant, selon Chaponnière (2006), le solde bilatéral du Tchad avec la Chine a atteint 13% du PIB tchadien, ce qui est à remettre une fois de plus sur le compte des réexportations.

Tableau 12 : L'évolution des importations chinoises au Tchad (en milliers de dollars)

Année

Part de la chine

Total des importations

%

2004

6 045,70

605 401,07

1%

2005

12 690,25

818 939,32

2%

2006

15 958

556 820

3%

2008

 
 

9.8%

Source des données : INSEED et The Central Intelligence Agency (CIA)

Le tableau 13 ci-dessous présente les bénéficiaires et les perdants des relations commerciales entre le Tchad et la Chine. Le quadrant en haut à gauche présente comme bénéficiaires mais potentiels perdants les producteurs locaux, notamment ceux des PME/PMI. Ils gagnent en acquérant des inputs à bas coût provenant de la Chine mais ne peuvent faire concurrence avec les bas prix des produits chinois sur le marché. Le cas typique est celui de la Cyclo-Tchad, entreprise spécialisée dans la construction de bicyclettes qui est finalement en régression malgré le prix favorable des tuyaux et autres pièces utilisés dans le montage des bicyclettes. Ainsi, les producteurs ont un statut de perdants à long terme à moins que le gouvernement tchadien n'encourage les producteurs chinois à la création de joint-ventures avec leurs homologues tchadiens.

Les grands perdants des relations commerciales sino-tchadiennes sont présentés dans le quadrant en bas à gauche. Ce sont les travailleurs locaux et les syndicats. En effet,

l'accroissement des importations de produits d'origine chinoise est synonyme d'opportunités croissantes d'emploi en Chine, ce qui est équivalent à des pertes d'emploi au Tchad, à moins que les produits concernés ne soient pas du tout produits localement.

Tableau 13 : Classification des groupes de bénéficiaires et de perdants des échanges commerciaux du Tchad avec la Chine

 

Bénéficiaires

Perdants

Producteurs locaux

. Commerçants

. Consommateurs

. Exportateurs chinois . Gouvernement

Travailleurs locaux Syndicats

 

Source : nous même

Le cadrant en haut à droite présente les bénéficiaires du commerce entre le Tchad et la Chine. Grâce aux bas prix des produits chinois, les consommateurs tchadiens ont accès à des produits qui leur était difficile d'acquérir il y a encore quelque années (téléphones cellulaires, télévisions, ordinateurs, le Générateur...). Les commerçants bénéficieront de la potentielle croissance de la demande de la part des consommateurs qui se retrouveront avec beaucoup plus d'argent à dépenser. Avec la croissance de leurs exportations vers le Tchad, les exportateurs chinois sont aussi des bénéficiaires. Le gouvernement tchadien gagne à partir des taxes et droits de douanes qui croissent et à partir de la satisfaction occasionnée par le bénéfice des ménages. Une potentielle perte du Gouvernement pourrait provenir de la baisse des impôts sur les entreprises et les salaires s'il y a faillite des entreprises tchadiennes à cause de la concurrence chinoise.

En somme, il ressort indiscutablement que le commerce entre la Chine et le Tchad prend un tournant décisif à partir de ces dernières années avec une consolidation des échanges entre les deux pays. Le commerce bilatéral évolue de manière exponentielle pour la Chine qui en la matière devient le véritable partenaire du Tchad. En faisant un rapprochement des importations et exportations du Tchad à l'endroit de la Chine, la dépendance en ce qui concerne le Tchad paraît plus nette. Cette situation joue négativement sur le la balance commerciale du Tchad.

64

66

Ainsi, le commerce sino-tchadien est une lame à double tranchant, car le Tchad arrive certes à gagner de nouveaux marchés, à saisir des opportunités dans le cadre du processus de mondialisation, à satisfaire le bien-être de sa population et à relancer sa croissance. Mais, en sens inverse, les importations chinoises qui provoquent la disparition des pans entiers de l'économie et engendrent le chômage, tuent en partie les initiatives économiques du pays.

2- Les investissements directs et les aides de la Chine au Tchad

L'investissement direct étranger (IDE) est devenu depuis quelques années une source de financement très importante pour les pays à faible revenu.

Avec leur niveau d'épargne et d'investissement intérieurs souvent très bas, combiné au déclin des prêts qui leur sont alloués ces dix dernières années, l'IDE est devenu une source de financement privilégiée pour un grand nombre de pays en voie de développement. En tant que source de capitaux d'investissement, l'IDE est un stimulant pour l'emploi, et en plus de cela, il est perçu comme un moyen permettant aux pays en développement ou les pays moins avancé d'acquérir la technologie de pointe, les nouvelles méthodes de gestion, et d'avoir accès aux marchés des pays développés.

2.1 Evaluation des investissements.

La Chine, cherchant à sécuriser par tous les moyens ses approvisionnements en pétrole pour ne pas freiner une économie lancée à pleine vitesse et dévoreuse d'énergie, a progressé dans sa coopération avec le Tchad en investissant dans trois secteurs: les télécommunications avec le projet CHAD CDMA 2000 (Code Division Multiple Access, Téléphonie fixe sans fil) et la téléphonie mobile au sein de la Société des Télécommunications du Tchad (SOTELTCHAD), une entreprise paraétatique ; la construction de la cimenterie de Baoaré et la construction d'une raffinerie à 50 km au nord de N'Djamena. Le Tchad étant un pays à haut risque pour les investisseurs occidentaux, à cause des situations d'insécurité récurrentes dont il est l'objet, les investissements de grande envergure sont rares, voire inexistants. Ainsi, nous n'examinerons pas les investissements chinois en termes de parts relatives mais nous analyserons leur portée. Une autre raison importante est que nous ne disposons pas des parts d'investissement de la Chine en valeur. Seuls certains montants de prêts préférentiels ou de dons attachés à ces investissements sont disponibles, ce que nous aborderons dans la section relative à l'aide.

Le projet CDMA 2000 est une technologie reposant sur le réseau radioélectrique de 3ème génération, introduite par le biais de la ZTE Corporation. Ses avantages sont entre autres, la réduction des coûts d'investissement, la rapidité d'installation et la facilité d'extension, ce qui doit concourir à la réduction de la fracture numérique.

La cimenterie, récipiendaire d'un investissement de la China CAMC Engineering Ltd, dispose d'un atout majeur dans la perspective économique actuelle. En effet, le gouvernement tchadien a retenu, entre autres, de renforcer le cadre macroéconomique par la diversification de l'économie et surtout l'intensification des investissements dans les secteurs porteurs de la croissance. Le développement des infrastructures de base (routes, habitats, écoles, centres de santé, aménagements hydro-agricoles...) est donc fortement recherché, ce qui constitue un atout majeur pour la future cimenterie. Le démarrage officiel des travaux de construction de cette usine a eu lieu le 17 décembre 2007. Cette cimenterie aura une capacité de production de 200 000 tonnes de ciment portland par an et de 700 tonnes de clinker par jour. Il a été affirmé par le gouvernement tchadien que la main d'oeuvre sera essentiellement locale et qu'à la fin du projet, le prix du ciment va diminuer de moitié19.

Pour ce qui est de la raffinerie, elle sera propriété à 60 % de la CNPC et à 40 % de la Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT). Elle sera alimentée par la production des gisements de Sédigui (au nord du lac Tchad) et du Mayo-Kebbi (sud-ouest du pays), en phase d'exploration par la CNPC. Découvert par un consortium américain en 1974 mais jamais exploité, le champ de Sédigui disposerait de réserves avoisinant 500 millions de barils. La réalisation de ce projet marquera la consécration de la Chine comme grand concurrent des Etats-Unis et de la France au Tchad puisque ces deux pays par le passé ont refusé de financer le projet de raffinerie qu'ils ont jugé non rentable. Les travaux d'aménagement du site de la raffinerie ont débuté en novembre 2007. Il est attendu que cette raffinerie permette au Tchad d'assurer la consommation locale en produits pétroliers raffinés puisque jusqu'à ce jour le pays les importe du Nigeria et du Cameroun. "La raffinerie de Ndjamena aura une capacité annuelle de traitement d'un million de tonnes de brut. Chaque année, elle produira environ 700.000 tonnes de l'essence et du gasoil, 20.000 tonnes du pétrole lampant et bien d'autres sous-produits tels que kérosène et polypropylène", a annoncé Jiang Wen, directeur général ajoint de la Chinese National Petroleum Company Incorporation (CNPCI).

19 En décembre 2007, le sac de ciment portland de 50 kg coûte environ 16 dollars.

Le tableau 14 nous permet d'identifier les perdants et les bénéficiaires des investissements chinois au Tchad . Le quadrant en haut à gauche présente les Organisations de la Société Civile (OSC) comme perdantes mais possibles bénéficiaires. L'investissement chinois est caractérisé par l'implication directe du Gouvernement chinois au niveau des autorités tchadiennes avec les compagnies chinoises qui sont directement sous la tutelle de leur Gouvernement. Il y a comme corollaire à cette façon d'agir sans l'implication des organisations de la société civile dans les négociations et même un déficit d'information pour celles-ci. Or, les organisations de la société civile peuvent indirectement influencer l'action gouvernementale à travers leurs activités de défense des intérêts de la population. Leur engagement est donc inhibé par cette situation mais si le Gouvernement tchadien les implique, cela constituera un bénéfice pour eux.

Tableau 14 : Classification des groupes de bénéficiaires et de perdants des

investissements chinois au Tchad

 

Bénéficiaires

Perdants

Organisations de la Société Civile

. Consommateurs

. Entrepreneurs Chinois . Investisseurs chinois

. Entreprises paraétatiques

Travailleurs locaux Syndicats

. Gouvernement

. Travailleurs locaux

Source : nous même

Le quadrant en bas à gauche montre les grands perdants des investissements chinois que sont les entrepreneurs locaux et les syndicats. Les entrepreneurs locaux perdent du fait que les différents travaux accompagnant l'investissement chinois sont effectués par des entrepreneurs chinois, notamment l'aménagement des voies d'accès aux sites de la cimenterie et de la raffinerie, à cause des conditions accompagnant les accords. La perte des syndicats provient du fait que les travailleurs chinois qui sont engagés dans la réalisation des investissements ne sont pas leurs membres.

Le quadrant en haut à droite montre les bénéficiaires des investissements chinois. Il y a d'abord les ménages qui bénéficient déjà dans le domaine des communications (internet sans fil, téléphonie mobile) avec les bas prix occasionnés par l'investissement chinois. Ils bénéficieront encore plus lorsque la cimenterie et la raffinerie seront fonctionnelles. D'autres

bénéficiaires sont les entrepreneurs et investisseurs chinois, à partir de leur implication dans les projets, ainsi que les entreprises paraétatiques.

Le quadrant en bas à droite montre ceux qui à la fois perdent le plus et gagnent le plus. Le Gouvernement tchadien gagne en renforçant l'entreprise paraétatique de télécommunication et en permettant à sa population d'avoir accès à des produits bon marché mais il perd à travers l'exonération de taxes accordée pour les équipements accompagnant les investissements et à travers le gap d'impôts des travailleurs tchadiens qui sont engagés dans les entreprises concernées par les investissements avec un niveau de salaire relativement bas. Pour les travailleurs tchadiens de manière globale, il y a des opportunités effectives d'emploi avec les investissements chinois mais le revers de la médaille est que le rythme de travail est très harassant et certains standards de sécurité sont négligés. Cependant, l'amélioration de conditions de travail avantagera les travailleurs.

2.2 Les aides chinoises au Tchad

L'aide chinoise est essentiellement idéologique et s'articule autour des huit principes exposés par Zhou Enlai20. Les huit principes reposent sur : l'égalité et les bénéfices mutuels entre les partenaires, le respect de la souveraineté, l'absence de conditions, l'utilisation de dons ou de prêts sans intérêts, le renforcement de terme, la fourniture d'équipement et de matériel de qualité aux prix du marché, l'assistance, l'indépendance et de l'autonomie du pays bénéficiaire, la réalisation de projets qui nécessitent des investissements restreints et qui peuvent être réalisés dans le court terme et l'engagement de payer les experts au tarif local. Il est à noter que la rhétorique officielle chinoise déclare encore s'inspirer de ces principes pour élaborer sa politique d'aide actuelle.

La nouvelle coopération économique entre la Chine et le Tchad semble être conduite par les deux parties avec grand intérêt. Dans cette coopération, la Chine cherche à profiter du pétrole tchadien pour satisfaire sa demande sans cesse croissante et le Tchad cherche à assurer sa stabilité politique ainsi que son développement économique. Une série d'accords signés le 04 janvier 2007 à N'Djamena, a permis au Tchad d'engranger les dividendes de ces relations. Il y a eu, outre la conception d'un vaste programme de perfectionnement des cadres de

20Ces principes ont été énoncés au Mali, lors de sa tournée africaine de 1964. Chaponnière, J.-P. (2006). « Les échanges entre la Chine et l'Afrique : Situation actuelle, perspectives et sources pour l'analyse ». STATECO N°100. p.10.

l'administration tchadienne et l'octroi à des jeunes tchadiens en phase d'entrée à l'Université d'une soixantaine de bourses d'études en Chine :

- L'annulation totale de la dette (y compris les arriérés) de prêts de la Chine vis-à-vis du Tchad, pour un montant total de 34 millions de dollars ;

- Un don d'un montant de 66 millions de dollars ;

- L'envoi d'une mission médicale chinoise à l'Hôpital de la Liberté de N'Djamena pour une durée de deux ans ;

- L'envoi d'une mission technique agricole avec un projet rizicole dans la région du Mayo-

Kebbi Est et un projet maraîcher à Koundoul (à 25 kilomètres au sud de N'Djamena).

En septembre 2007, des prêts préférentiels ont été accordés par la Chine dans les télécommunications (45 millions de dollars), pour la construction d'une cimenterie (92 millions de dollars) et pour la construction d'une raffinerie. Ces prêts sont caractérisés par un délai de grâce d'au moins 5 ans et un taux d'intérêt annuel de 1,5%.

Tableau 15 : L'aide chinoise au Tchad

Secteur Récipiendaire

Projet

Valeur

(en millions de dollars)

Type d'aide/ Institution donatrice

Agriculture

Projet rizicole de Mayo-Kebbi Ouest

Non disponible

Assistance technique

Projet maraîcher de Koundoul

Non disponible

Assistance technique

Activités de Fabrication

Cimenterie de BAOARE

92,33

Prêt préférentiel de la China EXIM Bank

Raffinerie

232

Prêt préférentiel de la China EXIM Bank

Construction

9,7 km de routes urbaines à

N'Djamena avec assainissement et éclairage public

30

Don du Gouvernement chinois

Deux écoles primaires

Non disponible

Don du Gouvernement chinois

Electricité et eau

Amélioration de la production d'électricité à N'Djamena

Non disponible

Don du Gouvernement chinois

Télécommunic ations

CHAD CDMA 2000 (Téléphonie fixe sans fil)

25,06

Prêt préférentiel de la China EXIM Bank

Téléphonie mobile

20

Prêt préférentiel de la China EXIM Bank

Education

Bourses de perfectionnement des cadres et d'études universitaires

Non disponible

Don du Gouvernement chinois

Santé et action sociale

Assistance médicale à l'Hôpital de la Liberté de N'Djamena

Non disponible

Assistance technique

(Annulation de la dette)

 

34

Don du Gouvernement chinois

Source : Ministère de l'Economie et du Plan/Direction des Ressources Extérieures et de la Programmation

68

Le tableau 16 ci-dessous donne la classification des bénéficiaires et perdants de l'aide chinoise au Tchad. Le quadrant à gauche en bas présente les entrepreneurs locaux et les syndicats en perdants de cette aide, pour les mêmes raisons que dans le cas des investissements.

TABLEAU 16 : Classification des groupes de bénéficiaires et de perdants de l'aide chinoise au Tchad.

 
 

Bénéficiaires

Perdants

 
 

Ménages

Entrepreneurs chinois Investisseurs chinois Gouvernement

Travailleurs

Entrepreneurs locaux Syndicats

 
 

Source : nous même

Le quadrant en haut à droite présente les bénéficiaires de cette aide. Les ménages bénéficient des retombées de l'aide comme conséquence de leur utilisation des biens publics produits et de leur accès à des biens et services à bon prix qui sont obtenus par les entreprises où l'Etat a contracté des dettes pour y investir. Les entrepreneurs et investisseurs chinois sont aussi des gagnants. Le gouvernement bénéficie du fait d'avoir obtenu des infrastructures à bas prix et des prêts pour investir dans des secteurs porteurs d'espoirs pour sa population. Il y a enfin des opportunités d'emploi pour les travailleurs tchadien.

B- IMPACT DE LA COOPERATION CHINOISE SUR LE MODE D'INSERTION TRADITIONNEL DU TCHAD DANS LE COMMERCE INTERNATIONAL

Il est question ici de voir les impacts positifs et négatifs.

1- Impact positif

la présence de la Chine en Afrique subsaharienne et particulièrement au Tchad est définie en termes d'opportunité historique, de catalyseur de développement, de partenaire économique, d'investisseur et de "nouveau joueur" permettant de desserrer l'étau des bailleurs de fonds traditionnels. Les aspects tels que l'investissement, échanges commerciaux sont également jugés de façon positive au Tchad à d'énormes besoins en capitaux, technologie et infrastructure de la Chine répondent à ces besoins contrairement à l'Occident qui est dans une

logique d'extraction des dividendes. Le cas de la raffinerie nous permet d'illustrer : le Tchad avait sollicité la Banque Mondiale afin qu'elle soutienne le projet de raffinerie de Sédigui, dans le cadre de recherches de solution aux problèmes énergétiques. Rappelons que la France et les États-Unis avaient refusé de financer un tel projet estimant qu'il ne serait pas rentable. De plus, les coûts des entreprises occidentales sont supérieurs de 50% à ceux des entreprises chinoises. Les entreprises occidentales achètent le pétrole en Afrique et le raffinent ailleurs, en raison de contraintes environnementales et de la faible rentabilité de ce secteur sur place. Les Américains ou les Européens refusent de participer à ces projets parce qu'ils ne veulent pas transmettre leur savoir-faire et parce qu'ils soutiennent leur prix de vente élevé du prix pétrole raffiné. Cette raffinerie doit permettre d'intégrer sur le marché local des produits finis à prix bas, de favoriser la consommation domestique de butane et d'électricité à des tarifs susceptibles de les substituer au bois de chauffe dont l'exploitation intense accroît les problèmes de désertification, de réduire substantiellement le prix du kWh, et de limiter les importations de carburants et pourra être exporté du fait de sa capacité.

La structure des investissements chinois confirme ce statut de partenaire de développement. Premièrement, ce sont les investissements chinois qui expliquent en majeure partie les taux de croissance des pays africains ces dernières années. Deuxièmement, les investissements chinois ne se sont pas uniquement portés vers les matières premières (pétrole), ils se sont aussi dirigés vers des secteurs générateurs de développement (infrastructures, la cimenterie télécoms, textiles, tourisme, industrie alimentaire, etc.). Le cas de la cimenterie est crucial car le Tchad qui importe du ciment de l'extérieur produira luimême.

On estime également que la présence chinoise a contribué à améliorer le niveau de vie des populations les plus pauvres (sur plus du consommateur): l'impact le plus évident est l'accessibilité à des biens de consommation bon marché (de qualité variable) comme jamais auparavant.

2- Impact négatif

Trois aspects sont à prendre en compte dans la relation Sino-tchadienne :

- Le premier aspect est celui d'un certain détournement des économies de ces pays qui se concentrent aujourd'hui sur la production de pétrole et de minerais dont la Chine est gourmande. Tout en répondant à cette demande, le tissu économique de ces pays se trouve affaibli par une polarisation des investissements locaux sur ces gisements au détriment de la

70

diversité des productions rendant ainsi ces pays bien plus dépendants de leurs clients étrangers.

Une certaine méfiance se fait sentir en raison du coût économique et social sur le long terme. Les entreprises chinoises sont accusées d'inonder les marchés locaux avec des contrefaçons ou des produits de mauvaise qualité, notamment dans le domaine du textile et celui des mobylettes nuisant ainsi aux entreprises tchadiennes. Les boutiques chinoises inondent la ville de N'Djamena et concurrencent directement les marchés locaux.

Plus de 30 000 chinois seraient aujourd'hui installés en Algérie (restaurants, textiles). Au Cameroun, les vendeurs des beignets (tradition locale) sont concurrencés par les vendeurs chinois.

- Le deuxième aspect est d'ordre social car si en échange de matière première la Chine

construit effectivement un certain nombre d'infrastructures routières ou autres, la main d'oeuvre local n'est que peu ou pas concernée, les entreprises chinoises fournissant bien souvent la plus grande partie de celle-ci. En aggravant un taux de chômage initialement élevé cette main d'oeuvre venue des régions pauvres de la Chine, est souvent mal vue par la population locale qui à déjà bien du mal à survivre ;

- Une autre dérive sociale concerne les chantiers sur lesquels une part des travailleurs

sont des locaux, ceux-ci sont soumis au même condition de travail que leur homologue chinois c'est-à-dire sans trop de garanties ou de respect des condition de travail normalement en vigueur dans ce pays ou la réglementation internationale du travail.

SECTION II : LES PERSPECTIVES DE LA COOPERATION SINO-
TCHADIENNE

Aucune coopération n'est a priori avantageuse ou désavantageuse. Tout dépend des ambitions de chacun des acteurs, des moyens qu'il met en oeuvre pour atteindre ses objectifs et surtout de sa capacité à concevoir et à mener une stratégie efficace dans les négociations. Il va sans dire que le Tchad espère de son partenariat avec la Chine, la possibilité d'une relance de son développement (A). Cependant, pour que la coopération sino-tchadienne soit un moteur de la relance économique du Tchad, elle doit relever d'importants défis afin de ne pas répéter les erreurs du passé (B).

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci