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La licence globale : réexamen d'une solution française abandonnées en droit français

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par Guillaume Lhuillier
Université Paris I Panthéon / La Sorbonne - Master 2 "Droit de l'Internet public" 2010
  

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II/ Le filtrage des réseaux peer-to-peer : pour une juste répartition de la rémunération des auteurs et des ayants droit

L'argument le plus connu des opposants à la licence globale est également le plus percutant : sur la somme globale perçue provenant des forfaits relatifs à la licence globale - on peut encore reprendre l'exemple du milliard d'euros estimé par Joëlle Farchy - comment la répartir entre les auteurs de façon à ce que la division corresponde justement au prorata des échanges réels effectués sur la Toile ? La solution, terrible mais simple, reste le filtrage du peer-to-peer et le traçage des internautes sur ces réseaux.

Assez étonnamment, le « flicage » tant redouté des internautes - mais porté par les défenseurs de la licence globale - avait l'air de plus inquiéter les maisons de disque, par la voix de son porte-parole principal au moment des débats sur la licence globale en 2005 et 2009 Pascal Nègre, l'actuel Président Directeur Général d'Universal Music France, alors que cette mesure n'entrave en rien les intérêts des majors et des sociétés de gestion de droits, au contraire. Le traçage pourrait en effet permettre d'établir, dans un contexte de licence globale optionnelle, des statistiques précises des fichiers échangés sur les réseaux et ainsi servir de rapports inestimables dans le circuit de redistribution des rémunérations de la création.

Mais cette surveillance est jugée peu réalisable en pratique, ou tout du moins elle nécessiterait des investissements importants en back office, surtout si l'on devait vérifier, en plus, que les internautes n'ayant pas adhéré au système de licence globale ne continuaient pas

à « pirater » sur les réseaux P2P. C'est ainsi que le député UMP Franck Riester, lors des débats portant sur la loi HADOPI, avait jugé la licence globale, « pas vraiment opérationnelle » puisqu'elle implique « un contrôle et un suivi extrêmement précis des millions d'internautes se livrant à des téléchargements pour vérifier que ceux qui ne la payaient pas ne se livraient pas pour autant à de la piraterie73 ».

Quoiqu'il en soit, le traçage des internautes est à l'heure actuelle le seul moyen technique pour assurer la juste rémunération des auteurs et des artistes si l'on souhaite appliquer les mécanismes propres à la licence globale. Ainsi, la collecte des adresses IP fait naturellement l'objet d'un encadrement législatif poussé qu'il est importun de réutiliser et, si possible, d'étoffer.

Ayant attrait aux libertés individuelles et plus particulièrement au respect de la vie privée dans le domaine de l'informatique et sur le réseau Internet, le traçage des internautes ne peut se faire sans l'intervention et l'accord unilatéral de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL).

Celle-ci avait accordé fin 2004 une autorisation préalable au Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs (SELL) de satisfaire aux possibilités conférées par l'article 9-4 de la loi du 6 août 200474 déclarée conforme à la Constitution de 1958 quelques jours plus tôt par le Conseil constitutionnel au motif principal d'une sauvegarde de la propriété intellectuelle75, qui autorisait les sociétés de gestion collective et les organismes professionnels de traiter les coordonnées des internautes téléchargeant illégalement des oeuvres protégées sur Internet.

73 Franck Riester, Rapport n°1486 du 18 février 2009 de la Commission des Lois de l'Assemblée Nationale sur le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet. http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r1486.asp

74 L'article 9-4 de la loi n°2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi rédigé : « Les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en oeuvre que par [...] les personnes morales mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion ou pour le compte des victimes d'atteintes aux droits prévus aux livres Ier, II et III du même code aux fins d'assurer la défense de ces droits. ».

75 Décision n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004 sur la loi relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés

La collecte des adresses IP était conçue initialement pour des cas bien précis et selon le nombre plus ou moins acceptable de fichiers piratés ; les agents de la CNIL avait ainsi déclaré que << Les adresses IP des internautes ne seront recueillies que dans le seul but de permettre la mise à disposition de l'autorité judiciaire d'informations et ne pourront acquérir un caractère nominatif que dans le cadre d'une procédure judiciaire.76 ».

Mais la CNIL, hésitante, a fait volte-face en séance plénière le 18 octobre 2005 en estimant que << la surveillance exhaustive et continue des réseaux d'échanges de fichiers P2P77 » serait disproportionnée au regard de la finalité poursuivie.

Le Conseil d'Etat est alors venu rappeler à l'ordre la Commission dans un arrêt de section du 23 mai 2007 où les Sages ont jugé que la CNIL avait commis là une faute manifeste d'appréciation78 car, en pratique, le contrôle portait uniquement sur quatre réseaux peer-to-peer avec un nombre d'internautes surveillés dérisoire comparé à l'ensemble de la communauté adepte du téléchargement illégal.

En réaction, la CNIL s'est pliée par deux décisions postérieures des 8 et 22 novembre 2007 au point de vue du Conseil d'Etat et a ainsi procédé aux autorisations véritables induisant la surveillance des réseaux d'échanges79.

Ces décisions sont donc fondamentales et fondatrices pour asseoir juridiquement le traçage des internautes et admettre l'application réelle de la loi de 2004 par les tribunaux. Pour autant, ces positions ne sauraient balayer d'un revers de la main les revendications légitimes des internautes qui voient ainsi une partie de leurs droits bafoués au nom de la protection des droits d'auteur ; on voit bien ici les difficultés d'adéquation entre protection des droits de propriété intellectuelle d'un côté et droit à la vie privée et protection des données à caractère personnel des utilisateurs de l'autre. Mais la licence globale est d'un commun accord vécue comme un << cadeau » fait aux internautes, plus que pour les auteurs et les ayants droit - et ce malgré tous les efforts possibles d'encadrement strict du système.

De ce fait, il est parfaitement estimable que l'accès presque gratuit à la culture et à l'ensemble
du patrimoine immatériel de l'Humanité, qui aurait pu être rendu possible en France par

76 Disponible sur le site http://www.cnil.fr/la-cnil/actu-cnil/article/article//peer-to-peer-premiere-autorisation-dela-cnil-relative-aux-logiciels-de-loisirs/ (date d'accès : 30 juin 2010)

77 Disponible sur le site http://www.cnil.fr/dossiers/internet-telecoms/actualites/browse/11/article/550/peer-topeer-la-cnil-nautorise-pas-les-dispositifs-presentes-par-les-societes-dauteurs-et-de/ (date d'accès : 30 juin 2010)

78 CE, Sect., 23 mai 2007, Sacem et autres/Cnil

79 Disponible sur le site http://www.cnil.fr/la-cnil/actu-cnil/article/browse/11/article/12/peer-to-peer-la-cnil-setourne-vers-lavenir/ (date d'accès : 30 juin 2010)

l'ajout du téléchargement illégal en exception de copie privée en 2005, doit s'accompagner d'une contrepartie pour les principaux bénéficiaires, surtout si celle-ci concourt à une rémunération juste et équitable des auteurs.

Ceci étant, personne n'a dit que ce système de partage contrôlé des sommes forfaitaires collectées serait simple à mettre en oeuvre et, en outre, la Cour de Justice des Communautés Européennes a rappelé le 29 janvier 2008 les directives européennes en la matière n'obligeant pas un fournisseur d'accès à l'Internet à communiquer les données de ses clients dans le cadre d'une procédure civile, pour ainsi concilier la propriété intellectuelle et le droit à la vie privée80.

Dans un tel contexte, et pour assurer au moins aux internautes que la surveillance se ferait uniquement sur les réseaux peer-to-peer et que les données collectées ne serviraient qu'à établir les rapports détaillés des échanges, on peut tout à fait imaginer que le traçage des internautes soit contrôlé par une autorité administrative indépendante, telle la HADOPI créée par la loi éponyme, et qui, contrairement à cette dernière, disposerait de pouvoirs juridictionnels conséquents.

80 CJCE, 29 janvier 2008, Productores de Música de España (Promusicae) c/ Telefónica de España SAU

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo