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La licence globale : réexamen d'une solution française abandonnées en droit français

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par Guillaume Lhuillier
Université Paris I Panthéon / La Sorbonne - Master 2 "Droit de l'Internet public" 2010
  

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I/ Les atteintes de la licence globale aux droits moraux

Déjà exposé en introduction, le droit moral des auteurs, comme les autres droits extrapatrimoniaux, est toujours attaché à la personne de l'auteur, inaliénable, imprescriptible et d'ordre public.

Il se divise en quatre principales branches correspondant aux quatre prérogatives fondamentales particularisant notre droit d'auteur par rapport à celui des pays de Common Law qui ne reconnaissent pas ces droits : premièrement, le droit de paternité, lequel lui permet d'exiger que son nom soit mentionné sur les supports matériels de son oeuvre25 ;

24 Patrick Tafforeau, Droit de la Propriété Intellectuelle, Manuels, Gualino Editeur, 2007, p. 23

25 Art. L. 111-4 al. 2 du CPI

deuxièmement, le droit au respect de l'oeuvre, afin qu'il puisse s'opposer à toute modification ou altération éventuelle de son oeuvre26 ; troisièmement, le droit pour l'auteur de décider seul et en premier de la divulgation ou non au public de son oeuvre mais également de son mode et de son moment de diffusion ou même des conditions matérielles de son exploitation27 ; et quatrièmement, le droit de retrait et de repentir, en vertu duquel l'auteur a le droit à tout moment, postérieurement à la publication d'une oeuvre, d'interdire l'exploitation ou de remanier son oeuvre28.

Tel un accélérateur de particules, faisons tourner les textes législatifs dans un sens et le concept de licence globale dans l'autre pour constater les effets de cet entrechoc.

Le droit de paternité : l'article L. 121-1 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que « l'auteur jouit du droit au respect de son nom » et de « sa qualité ».

Ce droit comporte deux aspects : d'une part la revendication de la paternité de l'oeuvre, et, d'autre part, la volonté de ne pas la révéler ou de la contester (en cas de « faux »).

Le droit au respect du nom de l'auteur est sérieusement mis à mal par le monde numérique qui permet, par des droits d'écriture et de réécriture conférés à chaque utilisateur, la dénomination quelconque et quasi-absolue d'un fichier numérique29. Ainsi, pour masquer leurs activités illégales sur Internet ou tout simplement pour garder un contenu secret, chaque internaute peut supprimer le nom de l'artiste, de l'auteur, du producteur ou de l'éditeur d'une oeuvre sur un fichier et le renommer comme bon lui semble.

Le concept de licence globale n'a pas par essence vocation à répondre à cette violation puisqu'elle autorise le partage illimité de contenus et d'oeuvres échangés sur Internet par tout type de personnes que l'on ne peut forcer à conserver l'exact intitulé de l'oeuvre ou l'ensemble des références qui y sont rattachées. La seule possibilité du respect de ce droit a été trouvée par la mise en place d'un système de DRM (Digital Right Managements, en français la Gestion des Droits Numériques [GDN]), déjà cité dans cette étude et qui fera l'objet d'un approfondissement poussé en seconde partie, empêchant entre autres toute modification des informations associées à un fichier.

26 Art. L. 121-1 du CPI

27 Art. L. 121-2 du CPI

28 Art. L. 121-4 du CPI

29 En dehors bien évidemment des fichiers systèmes qui, pour l'exemple bien connu de Microsoft, ne sont

ni visionnables ni modifiables, le code source étant jalousement gardé secret.

Le droit au respect de l'oeuvre : le même article L. 121-1 du Code consacre le droit au respect de l'oeuvre en précisant que « l'auteur jouit du droit au respect [...J de son oeuvre ».

En ce qui concerne les évolutions technologiques, la numérisation d'une création peut être synonyme pour leur auteur de dangers, notamment dus aux copies réalisées en quelques secondes et clics de souris.

A ce titre, le législateur lui a conféré le droit de s'opposer à une modification substantielle de son oeuvre et à sa déclinaison matérielle, par exemple l'extraction d'une piste musicale d'un CD en format MP3 sur un disque ou sur tout élément de stockage en « dur », mais également toute utilisation de celle-ci dans un contexte qui dénaturera l'esprit général de l'oeuvre. Notons que ce qui est interdit pour l'exemple du phonogramme est autorisé par exception à l'article L. 121-7 du Code de la Propriété Intellectuelle qui autorise les modifications et altérations éventuelles pour les logiciels.

Ici comme pour le précédent, la licence globale ne peut garantir le respect effectif à ce droit car elle ne prétend pas pouvoir contrôler les échanges sur les réseaux peer-to-peer. Ainsi, il est globalement impossible d'empêcher un utilisateur de numériser une oeuvre pour la mettre à disposition sur les réseaux, sauf évidemment par l'ajout, de la même façon que pour le respect du droit de paternité, de DRM interdisant l'écriture du contenu d'un support matériel sur une zone fonctionnant sous le langage binaire ou numérique.

Pour exemple, certains diffuseurs utilisent depuis plusieurs années des moyens de cryptage pour limiter les possibilités reproduction et/ou d'enregistrement des fichiers audiovisuels. A ce titre, les sites de « VOD » (Video on demand, en français vidéo à la demande) n'accordent ainsi à leurs clients abonnés qu'une licence de quelques heures pendant laquelle la diffusion de l'oeuvre est rendue légale30. Le mécanisme de licence globale ne permet malheureusement pas ce système car les réseaux P2P sont par nature totalement débridés et il n'existe aucun verrou informatique pour obtenir ce type de résultat.

Le droit de divulgation : c'est ici l'article L. 121-2 du Code qui encadre ce droit en énonçant que « l'auteur a seul le droit de divulguer son oeuvre ».

Corrélativement au principe de numérisation de l'oeuvre interdite sans le consentement de
l'auteur et des ayants-droit en vertu du droit au respect de l'oeuvre exposé ci-dessus, le droit
de première divulgation de l'auteur sera violé si un utilisateur peu scrupuleux arrive à se

30 Maître Marie-Anne Renaux, Les auteurs de cinéma face à l'Internet, Publication du cabinet Wilhelm & associés. Disponible en ligne sur http://www.p-wilhelm.com/?p idref=42

procurer une oeuvre achevée ou en cours de finalisation mais non encore communiquée au public pour la rendre accessible via les réseaux d'échanges ou par tout autre biais (serveurs, messages électroniques, etc.). Le meilleur exemple reste sans conteste les films déjà téléchargeables sur les réseaux P2P avant même leurs sorties officielles en salle du fait d'une numérisation sans autorisation par certains projectionnistes ou toute personne présente dans la chaîne de distribution des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques.

Cependant, ce droit de divulgation ne sera pas atteint si, pour une raison ou pour une autre, l'artiste décidait de son propre chef de partager cette musique librement via lesdits moyens mentionnés. La situation est loin d'être incongrue et est même devenue un cas d'école lorsque le groupe de rock indépendant « Radiohead » a permis en 2007 le libre téléchargement de son album In Rainbows sans aucune contrepartie financière, comme un défi lancé à sa maison de disques avec laquelle le groupe avait pris ses distances. On peut alors considérer que sa probable mise à disposition quasi-instantanée sur les réseaux P2P par des internautes a été tolérée par les titulaires des droits sur ces contenus, et ce même alors que le droit de divulgation n'a pas été respecté stricto sensu, car ceux-ci ne pouvaient ignorer les répercussions que leurs actes occasionneraient à grande échelle.

Plus généralement, il arrive souvent qu'un jeune artiste souhaitant se faire connaître, sans producteur ni major pour le soutenir, divulgue lui-même une oeuvre représentative sur une plateforme d'échanges en ligne pour accélérer sa diffusion.

Le droit de repentir : il est exposé à l'article L. 121-4 du Code de la Propriété Intellectuelle en ces termes : « nonobstant la cession de son droit d'exploitation, l'auteur, même postérieurement à la publication de son oeuvre, jouit d'un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire. Il ne peut toutefois exercer ce droit qu'à charge d'indemniser préalablement le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou ce retrait peut lui causer. Lorsque, postérieurement à l'exercice de son droit de repentir ou de retrait, l'auteur décide de faire publier son oeuvre, il est tenu d'offrir par priorité ses droits d'exploitation au cessionnaire qu'il avait originairement choisi et aux conditions originairement déterminées. ».

Comme une conclusion logique des risques juridiques inhérents pour les droits d'auteur avec l'application d'un système de licence globale, le droit de repentir est parfaitement impossible à protéger par le caractère lui-même irréversible de la divulgation dans la sphère publique, sphère qui inclut désormais des possibilités nouvelles grâce au (ou à cause du) progrès

technique : premièrement un stockage illimité dans le temps et dans sa capacité sur plusieurs types de matériels (disques dur, serveurs Web, etc.), pour peu que ces derniers ne s'arrêtent pas de fonctionner, et deuxièmement la copie à l'identique d'un fichier numérique, les coûts de modification étant la plupart du temps aujourd'hui plus faibles que les coûts d'édition dans le schéma traditionnel d'exploitation31.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery