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La question prioritaire de constitutionnalité et le droit des étrangers

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par François KONGA
Université Paris VIII - Master 2 droit comparé systèmes de droit contemporains et diversité culturelle 2012
  

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Section2 : Interprétation des conditions et du filtre réalisé par les juridictions suprêmes.

Depuis l'avènement de la QPC et sa mise en oeuvre le 01 mars 2010, les juridictions suprêmes participent avec succès au jeu de la QPC. Le filtre leur permet d'apprécier les conditions de recevabilité de la QPC et son renvoi au Conseil constitutionnel.

Selon l'amplitude du filtre, le justiciable peut être privé de la possibilité de voir prospérer la question devant le Conseil constitutionnel ou non. L'interprétation des conditions conduit le juge du filtre soit à accepter, soit à refuser de transmettre la question. Cette démarche l'inscrit dans une logique de collaboration. Le filtrage effectué par les juridictions suprêmes ne doit devenir ni un goulot d'étranglement, ni une passoire. Les stratégies utilisées par les juges diffèrent selon qu'il s'agisse du Conseil d'État (A) ou de la Cour de cassation ( B).

A. LA STRATEGIE DU CONSEIL D'ETAT.

Le succès de la nouvelle procédure résulte de la relation cordiale qui existe entre la juridiction constitutionnelle et administrative. Contrairement à la Cour de cassation qui a choisi la confrontation, le Conseil d'État a opté pour la collaboration. S'inspirant dans son interprétation de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et des raisonnements qui sont les siens. En renvoyant les QPC qui posent des questions des principes relatives à l'application de cette nouvelle procédure contentieuse, le Conseil d'État devient interprète de la loi. Quant aux arrêts de non renvoi, ils sont significatifs de la façon dont le Conseil d'État appréhende son office. Ils sont non seulement détaillés mais aussi motivés que ceux de renvoi, ainsi doit-il expliciter les raisons pour lesquelles il refuse de transmettre la question au Conseil constitutionnel.

Notons que ce refus n'est susceptible d'aucun recours, les motifs de refus sont divers, il peut s'agir d'une irrecevabilité formelle ou procédurale que du caractère infondé du moyen d'inconstitutionnalité invoqué. Le renvoi d'une QPC au Conseil constitutionnel est subordonné au respect des conditions formelles et procédurales: l'applicabilité au litige de la disposition législative contestée, la non-déclaration préalable de sa conformité à la constitution sauf changement de circonstance et le caractère nouveau ou sérieux du moyen invoqué. Ces conditions sont certes cumulatives mais non exhaustives. C'est ainsi que le Conseil d'État va dégager d'autres critères qui sont liés aux caractéristiques même de la QPC. Elle est un moyen soulevé à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction et qu'il ne doit porter que sur la méconnaissance par une disposition législative

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des droits et libertés garantis par la constitution. Dans son appréciation, le Conseil d'État à travers sa fonction de filtrage que l'article 61-1 de la constitution le reconnaît, va se comporter en juge constitutionnel. Parce que pour renvoyer une QPC, comme l'a affirmé Agnès ROBLOT-TROIZIER «le Conseil d'État met en relation la disposition législative contestée et les droits et libertés constitutionnels invoqués. Dans ce cas, il fait une double opération d'interprétation: celle des dispositions constitutionnelles invoquées et celles des dispositions législatives critiquées»36.

L'office du juge du filtre se voit transformer en juge constitutionnel. Cependant, son pouvoir est limité dans l'exercice de son contrôle de la constitutionnalité de la loi par les conditions de renvoi des QPC et par le pouvoir exclusif du Conseil constitutionnel qui, seul établira le constat de l'inconstitutionnalité de la disposition législative litigieuse et par conséquent son abrogation. La loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la constitution envisage un seul cas d'irrecevabilité du moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une disposition législative: celui de l'absence de mémoire distinct, écrit et motivé. A cela s'ajoute la jurisprudence du Conseil d'État qui définit les conditions de recevabilité dont certaines sont propres aux QPC et d'autres résultant des règles traditionnelles de recevabilité des recours devant la juridiction administrative.

Le Conseil d'État, dans certains cas refuse de transmettre des QPC pour motivation insuffisante. Ainsi, la motivation devient la condition de fond permettant au juge d'apprécier le bien-fondé. Celle -ci doit être suffisante dès la présentation de la QPC car tout moyen nouveau invoqué devant lui qui n'aurait pas été invoqué devant la juridiction qui a transmis la QPC sera jugé irrecevable. Comme démontre cette affirmation selon laquelle le requérant ne peut présenter pour la première fois au Conseil d'État des griefs d'inconstitutionnalité à l'encontre de la disposition de loi litigieuse autres que ceux soumis au tribunal administratif.

La QPC est un moyen soulevé à l'occasion d'une instance en cours. L'examen de ce moyen par le juge va dépendre du régime procédural applicable. Ainsi, le Conseil d'État profitant du caractère imprécis de ce moyen dans la mesure où il est admis que toute juridiction saisie d'une QPC doit statuer dans un délai déterminé. Il déduit qu'une QPC peut-être soulevée devant le juge de référé. Le temps de sa transmission au juge du filtre et du renvoi au Conseil constitutionnel, le juge de l'urgence devra prendre des mesures conservatoires en attente de la décision du Conseil constitutionnel. La violation d'un droit

36A.ROBLOT-TROIZIER, «le non-renvoi des questions prioritaires de constitutionnalité par le Conseil d'État. Vers la mutation du Conseil d'État en un juge constitutionnel de la loi»RFDA 2011p.691.

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ou liberté constitutionnellement garantis correspond à l'atteinte d'une liberté fondamentale pouvant justifier la prise des mesures nécessaires par le juge pour faire cesser cette atteinte. L'examen de la QPC peut dépendre aussi de l'existence d'une situation d'urgence justifiant la procédure du référé. Toute fois, pour les étrangers notamment irréguliers, il y a inadéquation entre le temps de la QPC et celui de l'étranger frappé de mesure d'expulsion en raison de l'absence d'effet suspensif.

Dans son ordonnance du 16 juin 2010, Mme DIAKITE relative au référé-liberté prévue par l'article L.521-2 de code de justice administrative, le Conseil d'État affirme qu'une QPC peut être soulevée devant le juge administratif des référés, en toute hypothèse, y compris lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant lui. Il peut rejeter la requête pour défaut d'urgence mais dans l'affaire DIAKITE, le Conseil d'État rejette la requête parce que les conditions d'une QPC ne sont pas réunies.

S'agissant du référé-suspension prévue par l'article L.521-1 du code de justice administrative, le juge du palais royal rappelle que le juge de l'urgence peut rejeter en toute hypothèse pour irrecevabilité ou défaut d'urgence les conclusions à fin de suspension d'une QPC soulevée devant lui.

Cette situation s'explique par le fait que la QPC n'est qu'un moyen soulevé à l'appui des conclusions tendant soit à obtenir une sauvegarde d'une liberté fondamentale ou soit la suspension d'un acte administratif. Autrement dit comme l'affirme Agnès ROBLOT - TROIZIER «dans le référé suspension, la QPC est un moyen qui tend à faire naître le doute sérieux qui conditionne l'octroi par le juge de la suspension, il est donc logique que le juge puisse examiner en amont la condition de l'urgence. Quant au référé -liberté, la QPC est un moyen qui tend à démontrer qu'il y a effectivement atteinte à une liberté fondamentale laquelle serait garantie par la constitution. On peut admettre que le juge se prononce par priorité sur la condition d'urgence à laquelle est subordonnée l'adoption des mesures nécessaires à la sauvegarde de cette liberté»37.

Dans l'intérêt d'une bonne justice, le Conseil d'État est amené à recevoir des QPC soulevées à la fin d'instruction et les soumettre au débat contradictoire alors qu'en principe ces dernières seraient déclarées irrecevables. L'arrêt Jean -Paul Huchon illustre cette possibilité comme le précise l'article 7 du décret du 16 février 2010 réglant le problème des instances en cours à la date de l'entrée en vigueur de la procédure de QPC38.

37Ibid, RFDA 2011, p.691.

38.Ibidem. «le non-renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d'État . Vers la mutation du Conseil d'État en est juge constitutionnel de la loi », RFDA 2011, p.691.

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Aux termes de cet article, «dans les instances en cours», si une QPC est présentée «sous la forme d'un mémoire distinct et motivé produit postérieurement à cette date», la juridiction« ordonne la réouverture de l'instruction pour les seuls besoins de l'examen de la question prioritaire de constitutionnalité, si elle l'estime nécessaire».

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo