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La participation électorale au Burkina Faso

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par Jean-Pierre VOGNA
Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature - Administrateurs Civils 2010
  

Disponible en mode multipage

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ECOLE NATIONALE
D'ADMINISTRATION
ET DE MAGISTRATURE

 

BURKINA FASO

Unité-Progrès-Justice

DEPARTEMENT
ADMINISTRATION
GENERALE

 
 
 

LA PARTICIPATION ELECTORALE

AU

BURKINA FASO

Mémoire

pour l'obtention du diplôme
d'Administrateur civil

Présenté et soutenu publiquement par:

VOGNA Jean Pierre

Sous la direction de:

Pr Luc Marius IBRIGA, enseignant de droit public à l?UFR/SJP, Université de Ouagadougou.

Juin 2010

ENAM 03 BP 7024 Ouagadougou 03 E-mail: enam@cenatrin.bf
Téléphone: (226) 50.31.42.64/65 Télécopie: (226) 50 30 66 11

i

Avertissement

L'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature n'entend donner aucune approbation ou improbation aux idées émises dans le présent mémoire qui doit être considéré comme propre à son auteur.

ii

Dédicace

Mes défunts père et grand-père, VOGNA Yétan Frédéric et VOGNA Nikièbo,

Ma mère, veuve prématurée, SAMPOE Dofinwahi Catherine,

Mon grand-frère, VOGNA Lamoussa Honoré,

Mon épouse VOGNA/BORO Siè Florence

Je dédie ce travail.

iii

Remerciements

Aux nombreuses personnes dont les conseils, orientations et concours ont permis la production de ce document, je voudrais ici leur témoigner ma reconnaissance et leur adresser mes sincères remerciements.

Je voudrais particulièrement réitérer mes vifs remerciements à:

- Mon Directeur de mémoire, le Docteur Luc Marius IBRIGA, Enseignant-chercheur à l'UFR/SJP de l'Université de Ouagadougou qui, malgré ses multiples charges a bien voulu diriger le présent travail;

- Le corps professoral de l'ENAM;

- Monsieur Salou SIDIBE, Secrétaire Général de la CENI;

- Le Professeur Basile L. GUISSOU, Directeur Général du CNRST;

- Monsieur Julien NATIELSE, au CGD;

- Monsieur Tuansi Bruno LOYA, enseignant vacataire à l'ENAM;

- Mesdames et messieurs les documentalistes de bibliothèque de l'Assemblée Nationale, du CGD, de Conseil Constitutionnel, de la CENI, du GERDDES, de l'ENAM et de l'université de Ouagadougou pour les faveurs exceptionnelles qui m'ont parfois été accordées.

- Mes amis BOLY Ibrahim, Dramane, Kader, HAYORO Lamoussa et OUROU Victor pour leur soutien inconditionnel;

- Tous les compagnons d'étude et singulièrement, Ahmat Abdallah, BAYILI Jean Marc et TRAORE Ouo Bibata.

iv

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

- ADF/RDA, Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique

africain;

-AMP, Alliance pour la Majorité Présidentielle;

- AN, Assemblée nationale;

- CDP, Congrès pour la démocratie et le progrès;

- CENI, Commission électorale nationale indépendante;

- CES, Conseil économique et social;

- CGD, Centre pour la gouvernance démocratique;

- CNOE, Commission nationale d'organisation des élections;

- CNPP/PSD, Convention nationale des patriotes progressistes / parti social démocratie;

- CODMPP, Collectif des organisations démocratiques de masses et de partis politiques;

- CSC, Conseil supérieur de la communication;

- CSFA, Conseil supérieur des forces armées;

- CSLP, Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté;

- FP, Front populaire;

- GAP, Groupe d'action populaire;

- GMP, Gouvernement militaire provisoire;

- GRN, Gouvernement du renouveau national;

- JOBF, Journal officiel du Burkina Faso;

- JORHV, Journal officiel de la république de Haute Volta;

- MLN, Mouvement de libération nationale;

- PAI, Parti africain de l'indépendance;

- PNB, Produit national brut;

- PNBG, Politique nationale de bonne gouvernance;

- PRA, Parti pour le regroupement africain;

- OBU, Opposition burkinabè unie;

- ODP/MT, Organisation pour la démocratie populaire / mouvement du travail;

- UDVB, Union des verts du Burkina;

- UDV/RDA, Union démocratique voltaïque / Rassemblement démocratique africain;

- UNDD, Union nationale pour la défense de la démocratie;

- UNI, Union nationale des indépendants;

- UPV, Union progressiste voltaïque;

1

SOMMAIRE

INTRODUCTION 2

TITRE I: ANALYSE DIAGNOSTIQUE DE LA PARTICIPATION ELECTORALE. 6

Chapitre I: Le niveau de la participation électorale 6

Section I: Le niveau de participation électorale dans les scrutins majoritaires 6

Section II: Le niveau de participation électorale dans les scrutins proportionnels 13

Chapitre II: Les déterminants de la participation électorale 20

Section I: Les règles favorables à la mobilisation électorale 20

Section II: Les obstacles à la participation électorale 25

TITRE II: LA PORTEE DE LA FAIBLE PARTICIPATION ELECTORALE 32

Chapitre I: Les implications de la faible participation électorale 32

Section I: Les implications sur le pouvoir politique 32

Section II: Les implications sur l'ancrage de la gouvernance démocratique 37

Chapitre II: Les conditions d'une bonne participation électorale. 42

Section I: La création d'un environnement électoral favorable 40

Section II: L'approfondissent de la culture démocratique 48

CONCLUSION 54

BIBLIOGRAPHIE 56

TABLE DES MATIERES 58

2

INTRODUCTION

L'Etat moderne en Afrique est un produit importé et imposé à la suite de la pénétration coloniale. Il contraste avec les formes traditionnelles d'organisation politique qui existaient sur le continent. Avec l'indépendance, le Burkina Faso, à l'instar des autres nouveaux Etats, va assurer la continuité du système juridique hérité de la colonisation tout en adoptant de nouvelles politiques juridiques1 au nombre desquelles le mode électoral. En effet, le peuple burkinabè, jadis voltaïque, a toujours proclamé son attachement aux principes de la démocratie et des droits de l'Homme en souscrivant, dans les préambules des différentes Constitutions qu'il s'est établies, à la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948. C'est ainsi que l'élection fera l'objet de réappropriation en ce sens qu'elle est le seul moyen légal de dévolution du pouvoir dans les Etats démocratiques. Mais, la mise en pratique de ce mode de dévolution du pouvoir sera rapidement soumise aux aléas de l'instabilité politique avec une succession récurrente de coups d'Etat militaires.

Cette situation a longtemps caractérisé la Haute Volta aujourd'hui Burkina Faso2. De son indépendance en 1960 à l'adoption de la Constitution du 02 juin 1991, le Burkina Faso a connu plusieurs régimes d'exception3.

En effet, le régime de parti unique, de facto, de la 1ère République n'a pas résisté au soulèvement populaire du 03 janvier 1966, en réaction à la gabegie et la gestion personnalisée du pouvoir par le Président Maurice YAMEOGO4.

Les régimes constitutionnels intermittents de la 2ème République (1970-1974) et de la 3ème République (1977-1980) vont à leur tour connaître chacune une durée éphémère.

Cette évolution démocratique en dents de scie n'aura donc pas permis un ancrage suffisant de la pratique électorale dans les moeurs politiques burkinabè.

Cependant, l'avènement de la 4ème République en 1991 offre, à nouveau, l'opportunité aux citoyens burkinabè de rompre avec une décennie de soubresauts politiques5 pour renouer avec la démocratie.

1 LOADA (A.M.G) et IBRIGA (L.M), Droit constitutionnel et institutions politiques, Ouagadougou, Presses Africaines, 2007, p.16

2 Ce changement de nom est intervenu en aout 1984 sous le régime du CNR.

3 Ce sont au total six 06 régimes d'exception, notamment le GMP, le MNR, le CMRPN, le CSP, le CNR et le FP.

4 Il s'agit du premier président de la Haute Volta dont le régime s'est rapidement mué en dictature.

3

La Constitution de la 4ème République, à l'instar de celles des trois précédentes Républiques consacrera le suffrage direct et universel. L'objectif est de conférer au citoyen le droit de participer aux affaires de la société et de l'Etat. Ce droit de suffrage que lui reconnaît la constitution6 lui permet de donner son opinion sur le choix d'un homme (élection) ou d'une décision (référendum). C'est dans ce sens que Philippe ARDANT affirme que «le citoyen est la clé de voûte de la démocratie» et par conséquent, il n'y a «pas de citoyen sans démocratie, pas de démocratie sans citoyen»7.

Il en découle que le citoyen est la seule source de légitimité de tout pouvoir démocratique, c'est-à-dire que tout pouvoir politique reste fondé sur la volonté du peuple exprimée à la faveur d'élections libres, tenues périodiquement au suffrage universel égal et secret.

C'est ainsi qu'avec le rétablissement de l'ordre constitutionnel en 1991, le Burkina Faso a organisé dix (10) élections dont sept (7) nationales8 et trois (3) locales. Ce qui constitue une avancée significative par rapport aux régimes constitutionnels précédents qui n'ont connu que trois (3) consultations électorales9 de types concurrentiels.

Cette régularité des élections constitue une dimension importante de tout processus démocratique; c'est pourquoi, elles doivent surtout faire l'objet d'une appropriation sociale. Cette appropriation doit se traduire par la bonne participation des citoyens aux différents scrutins électoraux qui se déroulent dans le pays. Dit autrement, les pouvoirs publics doivent garantir une bonne participation des citoyens aux élections qui se succèdent.

Force est, cependant, de constater que depuis le référendum constitutionnel de 1970 à nos jours, les consultations électorales suscitent peu d'engouement au sein de l'électorat burkinabè. A ce titre, certains analyses et commentaires sur le système démocratique burkinabè semblent indiquer un faible ancrage de la démocratie au regard des obstacles qui l'entourent. Pourtant, la démocratie ne peut survivre que si elle est participative. C'est pourquoi, il importe d'éclaircir, avant tout propos, la notion de participation. En effet, cette notion est difficile à appréhender parce qu'elle touche à toutes les dimensions de la

5 De 1980 à 1991, le Burkina Faso a expérimenté quatre 04 régimes d'exception à savoir le CMRPN, le CSP, le CNR et le FP.

6 Article-12 de la constitution du 02 juin 1991.

7 ARDANT (Ph.), Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 1999, p.151.

8 Il s'agit de trois (3) élections présidentielles et de quatre (4) élections législatives.

9 Apres le référendum constitutionnel du 14 juin 1970, il n'eut que les élections législatives car la constitution disposait que les fonctions présidentielles sont exercées par le plus ancien militaire dans le grade le plus élevé, en l'occurrence le Général LAMIZANA et ce pour une période de quatre (4) ans. Le référendum constitutionnel du 27 novembre 1977 fut suivi d'élections législatives et présidentielles.

4

société : l'économie, la politique, le social et le culturel. Le plus souvent, elle se réfère au partage du pouvoir, des revenus, de l'emploi ou de la production. Mais dans le cadre de la présente étude, c'est la dimension politique qui sera considérée : il s'agira donc de la participation politique.

Toutefois, cette dimension de la participation reste encore vaste puisqu'elle renferme deux formes qui sont: la participation non conventionnelle et la participation conventionnelle qui comprend la participation électorale (exercice du droit de vote) et la participation partisane. Il sera, ici, question de la participation électorale dont le niveau varie d'une votation à l'autre et d'un pays à l'autre et même, à l'intérieur d'un pays, d'une localité à une autre.

C'est ce qui a justifié le choix du présent thème intitulé : «la participation électorale au Burkina Faso». De façon assez large, elle inclut divers actes allant de l'inscription sur une liste électorale au vote en passant par la participation aux campagnes électorales, meetings et autres réunions politiques. Pour les besoins de cette étude, la participation électorale sera appréhendée comme l'exercice du droit de vote reconnu à tout citoyen burkinabè, remplissant les conditions définies par la loi fondamentale et le code électoral. C'est aussi et surtout le fait pour un citoyen de se décider à s'inscrire sur une liste électorale et de jouir de son droit de vote en toute liberté lors de toute consultation électorale. La participation électorale s'entend, enfin, comme l'opportunité offerte à tout Burkinabè, satisfaisant aux conditions requises par la loi, de se porter librement candidat à un poste électif.

L'objectif principal de la présente étude est d'évaluer le niveau de participation des citoyens aux consultations électorales. Il sera ensuite possible d'en dégager les facteurs déterminants de la participation. Enfin, l'intérêt se focalisera sur la portée politique de la faible participation à travers l'analyse des risques sociopolitiques y relatifs et des conditions d'une bonne participation.

Au regard de l'objectif ci-dessus, il semble indiqué d'articuler la problématique de cette recherche autour des questions suivantes :

Quel est l'état de la participation électorale au Burkina Faso? Quel sont les risques que pourrait engendrer une faible participation sur le système politique? Enfin comment parvenir à une participation électorale satisfaisante du point de vue démocratique?

5

A cet effet, la première hypothèse consiste à dire qu'une forte participation des citoyens aux consultations électorales est consécutive à l'existence d'un consensus politique et à la mise en oeuvre de règles pragmatiques. La seconde hypothèse serait qu'une faible participation de l'électorat résulte, par contre, de facteurs socio-économiques mais aussi d'une faiblesse caractéristique de la classe politique. Enfin, une faible participation des citoyens aux élections comporte des risques de fragilisation du processus démocratique au Burkina Faso.

La présente étude se rapporte à l'ensemble des scrutins, exception faite à ceux tenus sous la 1ère République, organisés dans le cadre des régimes constitutionnels qu'a connus le Burkina Faso.

Le motif de ce choix s'explique par le fait que sous la 1ère République «le système électoral reposait sur la candidature unique aux élections présidentielles et, lors des élections législatives, sur le système de listes nationales de candidats arrêtées par les instances du parti...»10.

Pour la vérification des hypothèses de travail, il a été privilégié la recherche documentaire ainsi que quelques entretiens avec des personnes ressources qui contribueront à enrichir ce travail. Une telle démarche impose de scruter les différents processus électoraux qu'a connus le Burkina Faso depuis le référendum constitutionnel du 14 juin 1970 à nos jours. Ce qui conduit à organiser la présente étude autour de deux axes fondamentaux.

Le premier axe consiste en une analyse diagnostique de la participation électorale (titre I) où il sera question de rendre compte du niveau de la participation des citoyens aux différents scrutins organisés au Burkina Faso et d'identifier les facteurs qui sous-tendent la participation des uns face à la désaffection des autres.

Le second axe portera sur les conditions relatives à une bonne participation des citoyens aux élections eu égard aux implications d'une faible participation (titre II). Il s'agira, à cet effet, d'examiner les risques sociopolitiques de la faible participation électorale sur le projet de construction démocratique en cours et de prospecter les mécanismes à mettre en oeuvre pour garantir une bonne participation.

10 KIEMDE (P), «Réflexions sur le référendum constitutionnel et les élections présidentielle et législatives de 1991 et 1991 », in Le Burkina entre révolution et démocratie (1983-1993):ordre politique et changement social en Afrique subsaharienne, Paris, Karthala, 1996, p. 355.

6

TITRE I : ANALYSE DIAGNOSTIQUE DE LA PARTICIPATION

ELECTORALE.

Pour appréhender la participation des citoyens aux scrutins, il paraît nécessaire d'aborder deux points importants que sont l'examen du niveau de la participation (chapitre I) et les déterminants qui concourent à l'explication des différents niveaux de participation (chapitre II).

Chapitre I : Le niveau de la participation électorale

L'étude du niveau de la participation des citoyens aux scrutins électoraux sera organisée, ici, en deux volets.

Il s'agira notamment d'examiner ce niveau de participation dans les scrutins majoritaires d'une part (section I) et d'autre part dans les scrutins proportionnels (section II).

Section I : Le niveau de participation électorale dans les scrutins

majoritaires.

L'analyse de cette rubrique sera ordonnée autour de deux points. Avant d'examiner le niveau de participation des Burkinabè au cours des scrutins majoritaires à deux tours (§II), il importe de se pencher sur leur participation aux scrutins référendaires (§I).

Paragraphe I : Au cours des scrutins référendaires

Au Burkina Faso, le processus classique de démocratisation est toujours intervenu «sous tutelle militaire»11. Les référendums de 1970 et 1977 (A) furent préparés et organisés respectivement par le Gouvernement Militaire Provisoire (GMP) et le Gouvernement du Renouveau National (GRN) et celui de 1991 (B) par le Front Populaire (FP).

A- Les référendums de 1970 et 1977

La période de transition militaire qui a suivi la chute de la 1ère République le 03 janvier 1966, devait permettre à l'armée d'organiser le retour à une vie constitutionnelle normale.

11 MUASE (C.K), Syndicalisme et démocratie en Afrique noire: l'expérience du Burkina Faso, Paris, Karthala, 1989, p.126

7

A cet effet, un projet de Constitution fut élaboré par un Comité Consultatif12 composé uniquement des membres du Conseil Supérieur des Forces Armées (CSFA).

L'opinion publique nationale prise de court par ce projet de Constitution l'accueille favorablement, estimant qu'il améliorait le système précédent13.

C'est ainsi que l'ensemble des acteurs politiques ont invité leurs militants et sympathisants à voter pour le «Oui» au référendum du 14 juin 1970, au sortir duquel la nouvelle Constitution est adoptée à 98,41% des suffrages exprimés. La participation du corps électoral qui comptait 2.390.735 électeurs inscrits s'élevait à 75,92%.

Mais le blocage institutionnel né des rivalités au sein du RDA14 allait finir par emporter la 2ème République après quatre (4) ans de vie15.

L'avènement de la 3ème République a été le résultat de la pression des syndicats sur le Gouvernement du Renouveau National (GRN) qui avait mis fin à la 2ème République16. En effet, le GRN contraint d'écourter son règne a entrepris des consultations avec les différentes composantes de la société afin d'étudier le contexte politique et proposer un avant-projet de texte constitutionnel. A ce titre, une commission spéciale de trente deux (32) membres fut mise en place par décret N°76-133/PRES du 22 avril 1976.

L'avant-projet de Constitution élaboré par cette commission spéciale est ensuite examiné par une Commission Constitutionnelle de neuf (09) membres créée par décret N°77-121/PRES du 14 avril 197717.

Toutefois, il faudra l'ordonnance N°77-38/PRES du 30 septembre 1977, abrogeant l'ordonnance N°74-35/PRES du 30 mai 1974 portant dissolution des partis politiques en Haute Volta18, pour libéraliser les activités politiques avec la précision que les partis politiques devaient se constituer ou se reconstituer légalement avant le 10 novembre 1977 pour pouvoir participer à la campagne référendaire19. C'est ainsi qu'à la date du 10

12 Le Comité Consultatif a été créé par décret N°66-37/PRES du 8 décembre 1966.

13 MUASE (C.K), op. cit, p.126

14 LOADA (A.M.G) & IBRIGA (L.M), op. cit, p.332

15 Dans sa déclaration du 8 février 1974, le Général LAMIZANA en sa qualité de «Chef de l'armée et des Forces de l'ordre» suspend les institutions de la 4ème République et annonce la naissance d'un Mouvement pour le Renouveau.

16 Les dysfonctionnements de la 2ème République, suite à la menace de blocage des institutions du fait de la crise éclatée au sein du parti majoritaire (UDV-RDA), avaient conduit le Président LAMIZANA à mettre fin à l'expérience du multipartisme pour tenter l'instauration d'un régime d'exception à parti unique.

17 YAMBA (D.H), Régimes constitutionnels et Etats d'exception au Burkina Faso, ENAM, 1992, p.39

18 Cf. J.O.H.V N°45 du 10 novembre 1977 (Numéro spécial).

19 Article 1er de l'ordonnance N°77-39/PRES du 21 octobre 1977, fixant un délai pour la déclaration des partis politiques et portant dérogations provisoires à certaines dispositions de la loi N°18AL/59 du 31 août 1959 qui stipule que: «pourront seuls participer à la propagande en vue du référendum constitutionnel, les partis politiques qui auront

8

novembre 1977, sept (07) partis politiques étaient reconstitués et reconnus20. Il appartenait à ces formations politiques d'expliquer aux électeurs le projet de Constitution et les institutions qu'elle mettait en place afin que leur participation au scrutin et leur vote soient conséquents.

A l'issue du scrutin qui est intervenu le 27 novembre 1977, le projet de Constitution fut adopté à 98,70% des suffrages exprimés avec une participation des inscrits égale à 71,45%. Pour ce scrutin les régions du Centre-Est, de l'Est et du Centre-Nord ont respectivement enregistré 78,73%; 76,11% et 73,76% de taux de participation tandis que la ville de Ouagadougou, les régions des Hauts-Bassins et du Centre ont respectivement enregistré les plus faibles taux de participation qui sont de 50,73%; 65,11% et 66,65%21. Il ressort donc que les régions du Centre et des Hauts-Bassins qui abritent les plus importants centres urbains où l'activité politique est plus développée enregistrent paradoxalement les taux de participation les moins élevés.

Cet aperçu sur les référendums constitutionnels de 1970 et 1977 fait ressortir une participation massive des inscrits (plus de 70%). Si ces scrutins se sont déroulés dans des conditions similaires, au regard des animateurs de la vie politique, il n'en a pas été de même pour le scrutin référendaire du 02 juin 1991 qui s'est déroulé dans un contexte de renouvellement quasi-total de la classe politique.

B- Le référendum de 1991

Dans la perspective du référendum de 1991, une Commission Constitutionnelle22, composée de cent quatre (104) membres dont soixante quatre (64) relevaient des structures du Front Populaire, a été mise en place. Ayant débuté ses travaux le 08 mai 1990, les conclusions desdits travaux ont été transmises au Chef de l'Etat le 15 octobre 1990, avant d'être soumises aux Assises nationales tenues les 14 et 15 décembre 1990 à Ouagadougou. Les amendements opérés lors de ces Assises nationales23 ont surtout

souscrit à la déclaration prévue par la loi N°18AL/59 du 31 août 1959 depuis l'entée en vigueur de l'ordonnance 77-38/PRES du 30 septembre 1977 avant le 10 novembre.

20 Il s'agit d'une part des partis dits classiques que sont l'UDV-RDA, le PRA, le MLN devenu UPV et de l'UNI et d'autre part des partis de création récente que sont l'UNDD, l'IPRA et le GAP

21 Sources: rapport du Ministre de l'Intérieur sur le déroulement du référendum (Cf. archives nationales).

22 Cette commission a été créée par Kiti N° AN VIII-279/FP/CFP/CE du 20 avril 1990.

23 Ces Assises ont regroupé deux mille (2200) délégués de toutes les couches et les structures engagées dans le processus de démocratisation

9

consisté à épurer le projet de Constitution de ses références aux vertus révolutionnaires et anti-impérialistes24.

Le projet issu de ces Assises sera donc soumis à ratification populaire le 02 juin 1991. La volonté d'instaurer un Etat de droit démocratique fut fortement ressentie dans la quasi-totalité des organisations politiques, syndicales, sociales et religieuses qui ont manifesté leur intérêt en appelant à un vote favorable.

Le processus du retour au constitutionnalisme ainsi précisé, il importe de s'intéresser au niveau de participation enregistré lors du scrutin référendaire y relatif.

La constitution du corps électoral a résulté du recensement administratif qui a débuté le 06 janvier 1991, soit cinq (5) mois avant la tenue dudit scrutin. Le corps électoral, à l'issue de ce recensement administratif est composé de 3.404.451 électeurs inscrits dont 1.656.519 votants avec un total de 39.609 bulletins nuls. C'est alors 48,65% des inscrits qui ont exercé leur droit de vote à travers 3.286 bureaux de vote.

Au sortir du scrutin, la Constitution est approuvée par 1.502.397 voix (soit 93% des suffrages exprimés) avec 114.513 voix contre25. Le faible taux de 48,65% des inscrits l'est davantage lorsqu'il est rapporté au potentiel électoral approximatif de 4.500.000 citoyens26 en âge de voter.

En rapprochant ces statistiques des précédents référendums, il se dégage le constat d'un net recul de la mobilisation à cette votation. Ce qui pourrait s'expliquer par la longue rupture démocratique caractérisée par la méfiance consécutive à la forte présence des officiers militaires sur la scène politique. La campagne pour le référendum constitutionnel a surtout été dominée par les forces issues des structures du Font Populaire, avec une timide participation des partis politiques non membres, contrairement aux précédents scrutins dont la propagande a toujours été une prérogative absolue des partis politiques légalement constitués27.

Mais, si ces votations ont plus ou moins mobilisé l'électorat, avec toutefois une tendance à la baisse (Voir tableau ci-dessous, p 10), la mobilisation des citoyens-électeurs

24 KABORE (B.R), op. cit, p.247

25 YE (B.A), Burkina Faso: les fondements de la 4ème République, Ouagadougou, P.U.O, 1995, p.133

26 Estimation obtenue à partir des statistiques du RGPH de 1986 dont il ressort que la population burkinabè comptait 7.964.705 habitants (Cf. Zatu N°AN VIII-/FP/PRES du 10 juin portant adoption de la politique de population au Burkina Faso, in J.O.B.F. N°24 du 13 juin 1991).

27 L'article 1er de l'ordonnance N°70-21/PRES/IS/DI du 13 mai 1970, fixant conditions de déroulement du référendum constitutionnel stipule que: «Seuls les partis politiques ayant une existence légale peuvent se livrer à la propagande pour ou contre l'adoption de la constitution (...)» (cf. J.O.R.H.V, N°21 du 13 mai 1970).

10

connaîtra-t-elle une hausse dès que l'enjeu réside dans l'élection d'un citoyen à la tête de l'Etat? Le prochain paragraphe permettra d'y répondre.

1-Tableau récapitulatif du niveau de participation électorale aux scrutins référendaires.

Années

Nbre d'inscrits

Nbre de votants

Suff. Exp.

Bulletins nuls

TP28

Bulletins favorables

1970

2.351.258

1.817.341

1.782.761

22.140

77,29%

98,41%

1977

2.759.924

1.955.105

1.923.923

31.182

70,83%

98,70%

199129

3.404.451

1.656.519

1.618.910

39.609

48,65%

93%

Sources: -Avis juridiques de la Cour Suprême de 1970 au 30 mars 1980, Conseil Constitutionnel, mai 2009.

Légende: Nbre= nombre; suff. exp.= suffrage exprimé; TP= taux de participation.

Paragraphe II : Au cours des scrutins majoritaires à deux tours

Les scrutins majoritaires à deux tours ont été effectifs sous la 3ème et la 4ème république avec au total quatre élections présidentielles dont les résultats feront successivement l'objet d'analyse. Si la première n'a enregistré qu'un seul scrutin présidentiel (A) à deux tours, la seconde a l'expérience de trois (3) scrutins présidentiels (B).

A- Les élections présidentielles sous la 3ème République

L'élection présidentielle de 1978 s'est déroulée dans un contexte de proximité électorale. En effet, le calendrier électoral30 avait été renfermé dans le délai de trente (30) jours. Ainsi, le premier tour de la présidentielle aura eu lieu quinze (15) jours seulement après les élections législatives. Quant au second tour, il intervînt quatorze (14) jours après le premier.

Au premier tour, le corps électoral est évalué à 2.889.31231 électeurs inscrits sur les listes électorales. Mais, le scrutin n'enregistrera que la participation effective de 1.029.404 électeurs. Le taux de participation qui est de 35,62% connaîtra toutefois une hausse relativement sensible au second tour. En effet, en l'absence d'une majorité absolue des suffrages exprimés, le corps électoral réévalué à 2.972.526 électeurs inscrits devait départager le Général LAMIZANA et Monsieur Macaire OUEDRAOGO admis pour le

28 Il s'agit, ici, du rapport entre le nombre d'inscrits sur les listes électorales et le nombre de votants qui est à distinguer du niveau de participation.

29 KABORE (B.R), op. cit, p.249.

30 Décret N°78-23/PRES/IS/DGI/DAP du 11 janvier 1978 portant calendrier du déroulement des prochaines élections législatives et présidentielle 1978 (J.O.R.H.V N°05 du 02 février 1978).

31 Procès verbal de proclamation des résultats de la Cour Suprême le 26 mai 1978, in Avis juridiques de la Cour Suprême, Conseil Constitutionnel.

11

second tour. Il ressort des résultats de cette élection que la réduction à deux du nombre de concurrents aurait favorisé une participation plus élevée des citoyens puisque, non seulement le nombre d'inscrits a augmenté, mais aussi leur participation à l'expression du suffrage. Ainsi, 1.279.008 électeurs, contre 1.029.404 au premier tour, ont exercé leur droit de vote donnant, de ce fait, un taux de participation en progression. Il passe de 35,62% au premier tour à 43,55% au second.

En somme, le faible niveau de participation semble induire une préférence des citoyens pour des consultations sans joutes. Toutefois, le seul scrutin ne suffit pas à expliquer cet écart de participation. Il convient donc de compléter cette analyse avec celle des scrutins présidentiels organisés sous la 4ème république.

B- Les élections présidentielles sous la 4ème République

A la lecture des résultats des trois consultations présidentielles organisées sous la 4ème république (Voir tableau ci-dessous, p 13), il apparaît un niveau de participation très faible lors de la première.

En effet, ce scrutin a fait l'objet de boycott par l'opposition qui, par la revendication préalable d'une Conférence Nationale Souveraine, espérait établir un équilibre de forces entre elle et le pouvoir dans la compétition électorale, ou bien plus, de se mettre en meilleure posture.

C'est ainsi que considérant, de facto, que l'échec de la revendication amenuisait ses chances, elle s'est retirée de la compétition, laissant le candidat Blaise COMPAORE seul en lice.

Ainsi, pour un corps électoral évalué à 3.466.54832 électeurs inscrits, seuls 870.707 citoyens exerceront leur droit de vote. Soit un taux de 25,12% de participation des inscrits contre 74,88% d'abstention.

Ce niveau de participation a été diversement interprété. Pour l'opposition, c'est le résultat de son appel au boycott et conteste la légitimité du président élu tandis que pour le pouvoir, «la candidature unique a fait croire aux militants que le vote n'était pas nécessaire puisque, de toute façon, l'élection de Blaise COMPAORE ne posait a priori aucun problème»33.

32 Résultats définitifs du référendum, présentés par YE (B.A), op. cit, p.156.

33 YE (B.A), idem.

12

Mais, à la différence de ce scrutin, celui de 1998 ne sera pas boycotté par toute l'opposition. Le président sortant, candidat à sa propre succession aura deux (02) concurrents34 qui entreront en compétition sous l'égide de la nouvelle Commission électorale nationale indépendante (CENI) et les auspices de la nouvelle loi portant code électoral au Burkina Faso35. Le niveau de participation des citoyens aura plus que doublé. Le taux d'inscription passe de 77,02% en 1991 à 84,52% en 1998 comme le montre le tableau récapitulatif, ci-dessous, sur la participation aux scrutins présidentiels.

Toutefois, cette dynamique participative des citoyens à l'expression du suffrage aux élections ne sera pas observée à l'élection présidentielle de 2005, et ce, malgré une participation inédite de l'opposition. Il s'agit de l'élection présidentielle qui a le plus mobilisé la classe politique car treize (13) candidatures, y compris celle du président sortant, ont été enregistrées. Mais le treizième choisira de ne pas participer.

Le corps électoral composé de 3.924.328 électeurs inscrits36 sur un potentiel d'un peu plus de 6 millions37 régresse de 302.030 électeurs par rapport au précédent scrutin présidentiel. Ce recul du taux d'inscription s'explique par l'adoption du principe de la libre inscription par la loi portant code électoral, alors que l'inscription fut précédemment systématique.

En définitive, la participation des citoyens à ce dernier scrutin présidentiel en date est en net recul puisqu'il passe de 47,39% en 1998 à 37,71% en 2005. A ce faible niveau de participation, s'ajoute l'augmentation significative du nombre de bulletins nuls qui atteint le chiffre record de 196 629: ce qui suscite bien des interrogations, dans la mesure où le bulletin unique avait déjà été expérimenté lors du scrutin législatif de 2002.

En outre, cette faible participation permet d'établir un lien de comparaison avec les résultats du premier tour de l'élection présidentielle de 1978 pour déduire que plus le nombre de candidats en lice est élevé, moins participent les électeurs. Autrement dit, les électeurs burkinabè semblent, au regard des statistiques, plus réticents à exprimer leur suffrage dans des situations de candidatures assez diversifiées. C'est pourquoi, il s'avère légitime d'étendre cette analyse aux résultats de la participation aux scrutins législatifs, en vue d'en savoir plus.

34 Il s'agit des candidats Ram OUEDRAOGO de l'UDVB et Frédéric GUIRMA du Front de Refus/RDA.

35 Loi N°21-98/AN du 07 mai 1998 qui consacre l'indépendance, de la structure en charge de l'organisation et de la gestion des élections, à savoir la CENI.

36 Cf. décision N°2005-011/CC/EPF du 25 novembre 2005, portant proclamation des résultats définitifs de l'élection du Président du Faso du 13 novembre 2005.

37 Estimation réalisée sur la base des résultats du RGPH 1996.

13

2.Tableau récapitulatif du niveau de participation aux scrutins présidentiels.

Années

Potentiel électoral

Nbre d'inscrits

TI

Nbre de

votants

Suff. Exp.

Bulletins nuls

TP

TPR38

1978 1er

Tour

 

2.889.312

 

1.029.404

1.000.788

28.616

35,19%

 

2nd Tour

 

2.972.526

 

1.279.008

1.255.841

23.167

43,55%

 

1991

4.500.000

3.466.548

77,02%

870.707

750.473

120.234

25,28%

19,28%

1998

5.000.000

4.210.134

84,52%

2.361.294

2 264 293

97.001

56,09%

47,39%

2005

6.000.000

3.924.328

65,40%

2.262.899

2.066.270

196.629

57,66%

37,71%

Sources :-Avis juridiques de la Cour Suprême de 1970 au 30 mars 1984.

-Décisions de la Cour Suprême et du Conseil Constitutionnel portant proclamation des résultats définitifs d'élections présidentielles.

Légende: TI= taux d'inscription; TPR= taux de participation réelle

Section II : Le niveau de participation électorale dans les scrutins
proportionnels

Il s'agira, dans cette rubrique, d'examiner les résultats de la participation lors des élections législatives (§I) et des élections municipales (§II) en vue d'une analyse comparative avec le niveau de participation au cours des scrutins majoritaires et référendaires.

Paragraphe I : Au cours des élections législatives

Le Burkina Faso n'a fait l'expérience d'une démocratie multipartite que sous la 2ème, la 3ème et la 4ème République. Il conviendrait donc d'examiner le niveau de participation enregistré au cours des élections législatives sous la 2ème et la 3ème République d'une part (A) et sous la 4ème République d'autre part (B).

A- Les élections législatives sous la 2ème et la 3ème République

Le retour au multipartisme sous la 2ème République s'est véritablement matérialisé par la reprise de l'activité politique avec la tenue des élections législatives le 20 décembre 1970. Des huit (08) partis politiques qui ont pris part à la compétition, trois (03) seulement

38 Le taux de participation réelle est considéré comme le rapport entre le potentiel électoral et le nombre de votants.

14

avaient une envergure nationale. Il s'agit du RDA, du PRA et du MLN39. L'examen des résultats tels qu'ils se présentent dans le tableau ci-dessous (Voir p 16) montre que seuls 1.156.697 électeurs sur 2.395.226 inscrits40 ont exercé leur droit de vote. Ce qui correspond à un taux de participation de 48,24% des inscrits. Il se dégage à première vue un fort désintéressement de l'électorat par comparaison au scrutin référendaire qui a précédé. Le rejet des joutes politiques par des populations encore marquées par les valeurs culturelles telles que le consensus social ou la prééminence de la séniorité peut servir d'hypothèse explicative à cette réserve de l'électorat. Ces élections sans enjeu majeur consacrèrent la large victoire du RDA qui obtint 37 des 57 sièges à pourvoir.

Mais, sous la 3ème République, le niveau de participation décroît de façon significative lors du scrutin législatif du 30 avril 1978 qui intervint cinq (5) mois après le référendum constitutionnel du 27 novembre 197741. Ces élections législatives enregistrèrent la participation de sept (7) formations politiques qui ont investi au total 312 candidats42 pour 57 sièges de députés à pourvoir, soit au moins cinq (5) candidats pour un poste. Cependant, si ces sept (7) formations politiques se distinguaient par le sigle et l'emblème, leur différenciation doctrinale et idéologique s'avérait difficile, sinon impossible, à l'exception près de l'UPV qui prônait le Socialisme43.

Toutefois, ces élections, à la différence des législatives précédentes, revêtaient un enjeu particulier dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une simple compétition mais surtout d'élection-concours qui devait consacrer les trois (3) partis autorisés par la Constitution44.

Malgré cet enjeu, les électeurs ont boudé le scrutin puisque sur un total de 2.926.023 électeurs inscrits, 1.162.314 votants, soit 37,37% des inscrits, ont été recensés. En rapprochant ce taux de 37,37% de celui de 48,24% enregistré au scrutin du 20 décembre 1970, il apparaît un recul de plus de 10% du taux de participation des inscrits sur les listes électorales. Cette désaffection de la participation des citoyens aux élections semble s'expliquer par la forte crédibilité des organisations de la société civile, en l'occurrence les mouvements syndicaux dont le succès a contribué à discréditer la classe politique

39 MUASE (C.K), op.cit, p.129

40 Voir Procès Verbal du 22 juin 1970 relatif à la proclamation des résultats définitifs par la Cour Suprême, in Avis juridiques de la Cour Suprême de 1970 au 30 mars 1984, Conseil Constitutionnel, mai 2009.

41 L'article 113 de la Constitution de la 3ème république disposait que: «les élections tant législatives que présidentielles ont lieu les six (06) mois qui suivent l'adoption de la présente Constitution».

42 KABORE Bila Roger, op. cit, p.113

43 Idem, p.81

44 L'article 112 de la Constitution de la 3ème république disposait que: «la limitation des partis politiques à trois au maximum interviendra après les prochaines élections législatives. Ces trois partis seront ceux qui, individuellement, auront obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés»

15

préoccupée par une course effrénée au pouvoir. C'est en cela que peut bien être saisi le sens de l'appel des syndicats à l'endroit des forces laborieuses de se démarquer de tous les hommes politiques sans distinction aucune; car tous ont fait la preuve de leur incapacité à apporter des solutions aux problèmes du peuple45.

Du reste pour une vue d'ensemble sur la participation aux élections législatives, il convient d'accorder une attention à celles qui se sont tenues sous la 4ème république.

B- Les élections législatives sous la 4ème République

Toute réflexion sur le niveau de participation des Burkinabè aux élections législatives impose de porter un regard attentif sur celles tenues sous la 4ème république. A la différence de la 2ème et 3ème république, la 4ème république a l'expérience d'une démocratie représentative qui a réussi à s'inscrire dans la durée, avec un renouvellement régulier du mandat des représentants du peuple à l'hémicycle.

L'analyse des statistiques à l'affiche (Voir tableau ci-dessous, p 17 et annexe 1) montre que la participation des populations reste relativement peu élevée. Si le taux d'inscription des populations est toujours au dessus de la moyenne de 50%, il reste que la participation des inscrits se révèle assez faible pour le scrutin législatif de 1992 qui a enregistré un taux de 35,24%; après une élection présidentielle boycottée et contestée. Au deuxième scrutin, le taux d'inscription apparaît très élevé (99,70%)46, avec un niveau de participation réel de 44,40%. En effet, le nombre d'inscrits passe de 3.564.510 électeurs sur un potentiel électoral de 4.500.000 citoyens en âge de voter en 1992 à 4.985.352 électeurs, sur un potentiel électoral de 5.000.000 de citoyens-électeurs. Cet intérêt de l'électorat pourrait s'expliquer par la stabilité politique que semblent porter les institutions de la 4ème république, après une décennie de turbulence politique.

Toutefois, cet élan participatif semble avoir été brisé par la crise sociopolitique consécutive à l'assassinat du journaliste Norbert ZONGO, au regard du faible niveau d'inscription sur les listes électorales (53,03%) dans la perspective des élections législatives de 2002. Et ce malgré les réformes politiques47 consenties par le pouvoir en

45 MUASE (C.K), op. cit, p.145

46 L'établissement des listes électorales relevait encore des attributions du Ministère de l'Administration Territoriale. A ce titre le rapport de synthèse de l'organisation des élections législatives du 11 mai 1997 fait mention du retard dans la transmission de la situation des électeurs inscrits. Cette situation transmise à quatre reprises diffère de l'une à l'autre; tantôt élevée tantôt moins élevée que les chiffres préalablement communiqué (Cf. p.73). Ce qui montre un manque de transparence et de sincérité dans l'établissement des listes électorales par ledit Ministère.

47 Au nombre de ces réformes figurent l'adoption du mode de scrutin proportionnel avec répartition complémentaire des sièges au plus fort reste et l'adoption de la région comme circonscription électorale au lieu de la province. Ce qui a

16

place en vue d'une ouverture démocratique. Ainsi, le niveau de participation enregistré à ce scrutin est de 32,19%, malgré la diversité et la pluralité des partis et formations politiques qui y ont pris part.

Cette tendance à la baisse se confirme davantage aux élections législatives du 06 mai 2007, quatrièmes du genre. En effet, à ce scrutin, si le taux d'inscription a connu une hausse significative par rapport au scrutin précédent, la participation des inscrits au vote accusera un recul en passant de 60,69% en 2002 à 56,73%, alors que ce sont quarante sept (47) partis et formations politiques qui ont pris part à la compétition. Ce qui permettra d'en déduire que la participation des citoyens à l'expression du suffrage n'augmente pas en fonction de l'importance du nombre de partis politiques en compétition. Un nombre peu élevé de partis politiques à un scrutin semble, si l'on s'en tient à celui du 11 mai 199748, plus incitatif par rapport à une pléthore de partis qui est perçue comme un élément démobilisateur.

Par ailleurs, la constance du nombre élevé de bulletins nuls comporte un sens politique qu'il convient d'apprécier au delà de la simple question de maîtrise de la technique du vote.

Au stade actuel de la réflexion, il apparaît que l'électorat participe plus aux élections présidentielles qu'aux élections législatives. Aussi convient-il, à présent, d'envisager la comparaison avec les élections locales qui ont pour finalité la démocratisation du pouvoir de décisions.

3-Tableau récapitulatif du niveau de participation électorale aux scrutins législatifs.

Années

Potentiel électoral

Nbre d'inscrits

TI

Nbre de

votants

Suff. Exp.

Bulletins nuls

TP

TPR

1970

 

2.398.688

 

1.157.039

1.112.883

43.814

48,24%

 

1978

 

2.927.416

 

1.121.799

1.070.304

51.495

38,32%

 

1992

4.500.000

3.564.510

79,21%

1.256.381

1.215.419

40.962

35,24%

27,91%

1997

5.000.000

4.985.352

99,70%

2.220.161

2.045.350

174.811

44,53%

44,40%

2002

5.490.800

2.935.285

53,03%

2.223.838

1.743.964

154.581

60,69%

32,19%

2007

6.539.000

4.296.982

65,71%

2.437.544

2.259.263

178.279

56,73%

37,27%

d'ailleurs permis à l'opposition de faire une entrée considérable à l'hémicycle avec 54 sièges contre 57 pour le CDP qui détenait sous la précédente législature 101 sièges sur 111.

48 Ce scrutin a été précédé par trois mouvements de regroupement autour de l'ADF, du CDP et du PDP qui est la principale composante de l'opposition. Ces regroupements ont eu pour conséquence un nombre peu élevé de candidats (569 contre 957 en 1992) aux élections législatives du 11 mai 1997 (Cf. Politique africaine N°69, 1998, p.64).

17

Paragraphe II : Au cours des élections municipales

Considérées comme l'étape de l'approfondissement de la démocratie à la base, les élections municipales traduisent la mise en oeuvre du titre XI de la Constitution49 du 02 juin 1991. Cette mise en oeuvre de la démocratie locale a concerné d'abord les Communes dites de plein exercice (A) avant de s'étendre sur l'intégralité du territoire national en 2006 (B).

A- Les élections municipales de 1995 et 2000

Les élections municipales renforcent la mise en place des institutions démocratiques prévues par la loi fondamentale burkinabè. C'est dans cet esprit que furent organisées des élections municipales dans trente trois (33) Communes de Plein Exercice le 12 février 1995 avec la participation de dix huit (18) partis politiques. Au-delà de l'importance du nombre de candidatures (5.658 candidats)50 à ces premières élections du genre, il importe de se pencher sur la mobilisation de l'électorat qui comptait 585.000 électeurs inscrits sur un potentiel de 750.000 citoyens en âge de voter. Les statistiques (Voir tableau ci-dessous, p 19) montrent que ce sont 362.876 électeurs qui ont exercé leur droit de vote. Ce qui donne une participation effective de 48,38%. Ce niveau de participation apparaît plus élevé qu'aux élections législatives et présidentielles. Mais, il convient de signaler que cette votation n'a concerné que 16,5%51 du territoire nationale, d'où la nécessité de relativiser cette comparaison.

La dynamique de participation à l'élection des représentants locaux amorcée avec 18%52 de la population nationale connaîtra toutefois une régression aux élections suivantes qui ont eu lieu le 23 septembre 2000. Ainsi, malgré l'augmentation du nombre de Communes concernées par ce scrutin, le corps électoral passe de 585.000 électeurs inscrits en 1995 à 546.614 citoyens inscrits sur un potentiel de 1.139.959 électeurs53. En effet, ces élections boycottées par une bonne partie de l'opposition burkinabè, en raison de ses doutes sur l'indépendance de la CENI, se sont aussi déroulées en saison hivernale. Ce qui aurait pu contribuer à expliquer le niveau de participation réel qui est de 31,65%. A cela, s'ajoute également le climat de crise générale née des événements malheureux de

49 Ce titre est relatif aux collectivités territoriales et est composé des articles 143, 144 et 145.

50 KABORE (B.R), op.cit, p.272.

51 MFPRE, Politique Nationale de Bonne Gouvernance, Ouagadougou, 2005, p.31.

52 Idem.

53 CNOE, Rapport final sur les élections municipales du 23 septembre 2000, Ouagadougou, 2000, p

18

Sapouy, dont les centres urbains en ont été les lieux de la manifestation. Néanmoins, ces élections seront disputées par vingt cinq (25) partis politiques.

Pour compléter cette vue sur la participation aux élections locales, il conviendrait, à présent, d'examiner les résultats de celles qui ont revêtu une dimension nationale, notamment en 2006, parce qu'elles auront concerné tout le territoire national et par conséquent toute la population du Burkina Faso.

B- Les élections municipales de 2006

Troisièmes du genre sous la présente république, ces élections municipales se sont déroulées le 23 avril 2006 dans un contexte tout autre. C'est un scrutin à la fois local et national qui a connu l'entrée en compétition de plus de 60.000 candidats issus de 73 partis et formations politiques pour se disputer les 17.786 sièges de conseillers municipaux à pourvoir54.

Cette participation très intéressée de la classe politique n'aura pas suscité l'engouement des citoyens-électeurs pour les consultations électorales annoncées.

En effet, dans la perspective de ce scrutin, la CENI avait pu obtenir à l'issue de la révision des listes électorales seulement 3.807.424 électeurs pour environ 6.516.000 citoyens en âge de voter. Le niveau d'inscription qui est de 58,43% est en recul par rapport à celui obtenu à la veille du scrutin présidentiel de 2005 qui fut de 65,40%. Ces élections semblaient sans enjeu.

Ainsi, l'hypothèse selon laquelle des élections locales qui se tiennent à une échéance relativement brève après un scrutin national, mobiliseraient peu l'électorat, semble tenir lieu d'élément explicatif. Le taux d'inscription qui est de 58,43% se révèle sans conteste moins élevé qu'à l'élection présidentielle qui a eu lieu six (06) mois auparavant. Certes, ce taux apparaît plus élevé que celui enregistré à l'occasion du scrutin municipal de 2000 et le scrutin législatif de 2002, mais la participation au vote présente un taux beaucoup plus faible, soit 28,69%.

En définitive, à l'analyse des statistiques sur la participation des Burkinabè aux consultations électorales, il apparaît que le niveau est tendanciellement à la baisse. Cette tendance à la baisse est plus remarquable aux élections locales (Voir tableau ci-dessous)

54 GUISSOU (L.B), op. cit, p.7

19

par rapport aux élections législatives et présidentielles. Toutefois, ces dernières mobilisent davantage les électeurs que les législatives.

Au vu de cette désaffection continue du niveau de participation des citoyens aux consultations électorales censées constituer la substance même de la démocratie, le souci majeur serait de s'interroger sur les déterminants de la participation électorale.

4-Tableau récapitulatif de la participation aux élections communales.

Années

Potentiel électoral

Nbre d'inscrits

TI

Nbre de

votants

Suff. Exp.

Bulletins nuls

TP

TPR

1995

750.000

585.000

69,50%

362.876

349.998

12.878

69,61%

48,38%

2000

1.139.959

546.614

47,95%

368.517

360.889

7.628

66,02%

31,65%

2006

6.516.000

3.807.424

58,48%

1.870.017

1.755.083

114.934

49,12%

28,69%

20

Chapitre II : Les déterminants de la participation électorale

L'étude des déterminants de la participation électorale exige d'avoir à l'esprit deux types essentiels de facteurs qui caractérisent la participation des citoyens aux différents scrutins ci-dessus examinés. Il s'agira alors de s'intéresser d'abord aux règles favorables à la mobilisation électorale (section I) avant de se pencher sur les obstacles à la participation (section II).

Section I : Les règles favorables à la mobilisation électorale

Les principales règles qui concourent à la mobilisation des acteurs politiques ainsi que des citoyens-électeurs sont le cadre normatif (§I) qui définit les règles du jeu d'une part et d'autre part le recours à des règles pragmatiques (§II) qui se situent en dehors de la norme.

Paragraphe I: L'existence d'un cadre normatif et institutionnel favorable

Le cadre normatif offre aux protagonistes de la scène politique et aux électeurs les opportunités de participation. Ainsi, pour mieux garantir le principe de la liberté de participation qui est un préalable (A), ce cadre normatif doit aussi faire l'objet d'un consensus (B).

A- Le principe de la liberté de participation

La liberté électorale est une caractéristique fondamentale en démocratie. Au Burkina Faso, l'article 12 de la Constitution en disposant que : «Tous les Burkinabè sans distinction aucune, ont droit à participer à la gestion des affaires de l'Etat et de la société», ne fait nullement de la participation politique, encore moins électorale, une obligation. C'est plutôt un droit que chaque citoyen est libre d'exercer ou de ne pas exercer. Il s'ensuit que le droit de vote apparaît comme un «pouvoir reconnu aux citoyens de participer, par leur suffrage, c'est-à-dire par leur voix, à la formation le plus souvent d'une décision politique relative, soit à un représentant, par son élection ou sa révocation, soit à un texte ou au principe d'adoption d'un texte, par référendum (...)»55.

En outre, ce principe de la libre participation aux élections semble davantage se préciser dans l'article 42 de la loi N°014-2001/AN du 3 juillet 2001 portant code électoral qui

55COHENDET (A.M), Droit constitutionnel, Paris, Monchrestien, 2ème éd, 2002, p.137, citée par LOADA & IBRIGA, op. cit, p.222.

21

détermine les conditions pour être électeur. Cet article ne fait aucune obligation au citoyen de s'inscrire sur une liste électorale alors même qu'il s'agit d'une formalité substantielle, obligatoire pour avoir la qualité d'électeur. L'inscription traduit en réalité la manifestation de volonté de la part du citoyen désireux d'acquérir et d'exercer le droit de vote que lui confère la Constitution. Pour ce faire, il lui appartient de déclarer vouloir exercer son droit d'électeur.

L'exercice du droit de vote n'est assujetti à aucune obligation. Les citoyens étant libres d'exercer leur droit ou non, le vote est facultatif comme l'observe Philippe ARDANT56. Ce qui signifie que le citoyen peut choisir d'exercer ou non son droit d'électeur. S'il choisit de s'inscrire sur une liste électorale, il n'est pas obligé de retirer sa carte d'électeur, s'il procède au retrait de sa carte d'électeur, il n'est pas obligé d'aller voter. Cette disposition très libérale de la Constitution semble toutefois faire l'objet d'une interprétation plus abusive. Ainsi, au lieu d'être un élément véritablement incitatif de la participation, la majorité des citoyens optent pour la liberté de ne pas participer comme le montrent les différents taux de participation. Mais, comme la liberté de participation des électeurs demeure une condition sine qua non pour qu'une élection soit démocratique, elle constitue le préalable à toute participation, même consensuelle.

B- Le consensus politico-institutionnel

Sous la 4ème république, le Burkina Faso a changé de code électoral57 plus de sept (7) fois. Cette instabilité de la loi électorale ne traduit pas toujours la recherche d'un consensus électoral dans la définition des règles du jeu politique. Alors que c'est le consensus qui permet d'aboutir à une émergence de différentes sensibilités politiques au sein des instances de représentation.

En effet, sans être le seul élément clé dans la participation des citoyens aux consultations électorales, l'existence du consensus s'avère nécessaire, surtout pour la classe politique en vue d'une compétition pluraliste, plus équitable et crédible. Ainsi, les circonstances de consensus politique et/ou institutionnel dans lesquelles se sont tenus les scrutins référendaires du 14 juin 1970 et du 27 novembre 1977 ainsi que le scrutin législatif du 05

56 ARDANT (Ph.), op. cit, p.169.

57 En effet, la loi N°014-2001/AN du 3 juillet 2001 portant code électoral au Burkina Faso a fait l'objet de plusieurs révisions dont les motifs ont souvent été plus partisans au lieu de traduire la recherche d'un consensus durable.

22

mai 200258 ont favorisé une participation assez importante des inscrits. Le pourcentage moyen des votants à ces élections atteint à peu près de 70% des inscrits.

En outre, l'existence d'un consensus est un élément déterminant dans la participation de la classe politique. C'est son défaut sur les règles du jeu électoral et la question de l'indépendance de la structure en charge de l'organisation des élections, notamment la Commission nationale d'organisation des élections (CNOE)59 qui a expliqué le boycott de l'élection présidentielle de 1998 par l'opposition.

Mais, à la faveur de la mise en place d'une commission des réformes politiques et institutionnelles, recommandée par le Collège des Sages, un consensus se manifeste à travers l'adoption de textes sur les missions de la CENI, le financement des activités des partis politiques et des campagnes, le statut de l'opposition, la charte des partis politiques et la création du Conseil supérieur de l'information (CSI), actuel Conseil supérieur de la communication (CSC).

Ce consensus a favorisé une participation assez significative, surtout de la classe politique, à partir des élections législatives de 2002. A l'issue de ce scrutin, l'opposition obtient 54 sièges de députés à l'hémicycle contre 57 pour le parti au pouvoir (CDP).

Cependant, si les acteurs politiques, l'opposition en particulier, réclament l'établissement d'un consensus favorable à la mobilisation de l'électorat, il importe de remarquer avec pertinence qu'ils recourent également et surtout à des règles non conventionnelles dans leurs tactiques de conquête des suffrages.

Paragraphe II: Le recours aux règles non conventionnelles

Le dynamisme de la participation d'une partie non négligeable des électeurs aux consultations électorales n'est pas le seul fait du cadre normatif ou du consensus institutionnel. La satisfaction à accomplir son devoir de citoyen et/ou l'intérêt pour la politique (A) et la mise en branle de réseaux de solidarité (B) expliquent le déplacement aux urnes.

58 Il convient en effet de relativiser le taux de participation (60,69%) obtenu aux élections législatives du 05 mai 2002 au regard du faible taux d'inscription.

59 La CNOE, dans sa première version, a été créée par Ordonnance N°91-63/PRES du 23 octobre 1991 avec pour mission l'organisation et la supervision de opérations électorales et comptait 140 membres. Par la suite, la loi N°010-97/ADP du 12 février 1997 portant création de la CNOE, composée de 18 membres. En 1998, la CENI, première formule est créée par la loi N°021-98/AN du 7 mai 1998 et est composée de 27 membres. Enfin, en 2001, sur recommandations du Collège des Sages créé par décret N°99-158/PRES du 1er juin 1999 à la suite de la crise consécutive à l'assassinat du journaliste Norbert ZONGO, un nouveau code électoral instituant une CENI à composition tripartite (majorité-société civile-opposition).

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A- L'intérêt pour la politique

L'observation des niveaux de participation aux élections tenues depuis le référendum d'adoption de la 2ème République, permet de déduire de l'intérêt d'une certaine partie des citoyens pour le jeu politique. Deux indicateurs majeurs peuvent être utilisés pour mesurer cet intérêt pour le processus électoral ou plus généralement pour la démocratie.

Le premier est celui de l'inscription sur les listes électorales. Un examen du niveau d'inscription dans la perspective de chacune des quatre (4) dernières élections permet de constater que ce taux fut de 53,03% en 2002 ; 65,40% en 2005 ; 58,48% en 2006 et 65,71% en 2007, soit en moyenne un taux de 60,76%. Ce qui justifie d'un certain intérêt régulier de citoyens pour l'expression du suffrage.

Le second indicateur est le taux d'abstention. Bien que parfois supérieur au taux de participation effective (élections présidentielles de 1978 et 1991, législatives de 1970, 1978, 1992 et 1997 et municipales de 2006), il correspond au nombre d'inscrits sur les listes électorales qui ne sont pas allés voter, rapporté au total des inscrits.

Ainsi, l'étude des différents scrutins fait apparaître la mobilisation régulière d'une partie importante d'électeurs qui accomplissent leur devoir électoral, comme le témoignent les différents taux de participation aux scrutins référendaires de 1970, 1977 et 1991 avec respectivement 75,92%, 71,42% et 48,78% des inscrits. Aux scrutins législatifs de 1997 et 2007 la participation réelle fut respectivement de 44,40% et 37,27% tandis qu'à l'élection présidentielle de 1998 elle a atteint 47,39%.

Il ressort de cette approche que l'engagement politique et/ou la satisfaction qu'un électeur peut tirer de l'accomplissement du vote constituent des facteurs explicatifs de la participation aux votations. En fonction des considérations sociales, politiques mais aussi économiques qui le conditionnent, varie la propension du citoyen à participer aux élections. C'est pour cette raison que le niveau de participation diffère de façon significative d'une votation à une autre.

A cet engagement politique, s'ajoute le facteur moral qui peut déterminer la participation du citoyen, en âge de voter, à la désignation des mandataires de la Nation et/ou de sa collectivité. La satisfaction procurée par la participation peut, en effet, constituer un motif de participation pour certains électeurs tel que le souligne une publication du Centre pour

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la gouvernance démocratique (CGD)60. Par ailleurs, les fortes attentes qui animent l'électeur dans le contexte électoral africain contribuent aussi au déploiement de réseaux clientélistes et de solidarité en vue de le déterminer à exercer son droit de vote.

B- La mobilisation des réseaux communautaires et clientélistes

Le fort degré d'attachement d'une grande majorité des Burkinabè aux valeurs traditionnelles favorisent le recours à des tactiques de mobilisation des électeurs conduisant ainsi à s'écarter des normes démocratiques.

En effet les élections sous leur forme actuelle procèdent d'une légitimation de la domination politique de l'élite dirigeante. Elle s'appuie sur les chefs traditionnels et/ou coutumiers ainsi que les responsables administratifs villageois, au regard de leur statut dominant pour mobiliser le plus grand nombre de citoyens qui sont considérés avant tout comme des sujets ou des subordonnés. De par leur position privilégiée, les chefs traditionnels et/ou coutumiers constituent des acteurs incontournables dans le processus électoral. D'où la nécessité pour les candidats et partis politiques de rechercher leur soutien en périodes électorales. En outre, la chefferie traditionnelle qui bénéficie de sa «position consensuelle» est en mesure de réussir une grande mobilisation surtout lorsqu'elle exerce un rôle partisan.

Ainsi, dans les sociétés à pouvoir centralisé où le chef a une influence socioculturelle considérable, les injonctions à l'inscription et au vote répondent aux exigences d'un devoir ancestral; le chef devant guider ses sujets, d'une part et d'autre part «aux exigences de solidarités identitaires»61. A ce sujet, les procès verbaux de proclamation des résultats de la Cour Suprême mentionnent la présence de personnes influentes, notamment les chefs coutumiers, certains opérateurs économiques ou les responsables administratifs villageois, dans les bureaux de vote ou l'implantation de ceux-ci dans des domiciles.

Aussi, le recours à la chefferie traditionnelle par les partis politiques a souvent abouti à son entrée en politique avec une représentation à l'hémicycle. Sous la 2ème république certains partis ont même été représentés, lors des élections législatives, par des chefs coutumiers62. Il en est également ainsi sous la 4ème république où l'actuel Parlement

60 CGD Info, N°0005-2009, p.3

61 BRAUD (Ph), op.cit, p.382

62 Les chefs de Manga: François BOUDA et Fada: Yantangou THIOMBIANO pour le RDA et celui de Téma: Christophe OUEDRAOGO pour l'UNI.

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compte trois chefs traditionnels63 contre quatre (4) et une vingtaine respectivement sous la 1ère et la 2ème législature64.

Cette politique de cooptation des chefs coutumiers se trouve renforcée par le clientélisme défini par GIRAN (J.P)65 comme la participation à un rituel qui constitue aux yeux des électeurs, la preuve que celui qui sollicite leurs voix s'intéresse à eux, qu'il est proche d'eux. C'est dans ce même ordre d'idée que le Pr Laurent BADO explique que l'électeur africain participe à une votation «lorsque le leader charismatique de son groupe social le lui recommande»66. Cet aspect peut être illustré par la vassalisation de l'électorat qui s'opère à travers l'utilisation du critère régionaliste dans le choix des têtes de listes ou des commissaires politiques régionaux. En effet, l'essentiel des élus burkinabè sont natifs de leur circonscription électorale. Ce qui répond à la nécessité de capter les voix des communautés auxquelles ils appartiennent.

Pour ce faire, ils s'appuient sur les notables pour intensifier leurs libéralités en utilisant toutes les possibilités de mobilisation. Ils activent à leur profit les réseaux de solidarité et constituent des groupes d'obligés. Il apparaît donc évident qu'au terme d'un tel processus d'intégration sociale, l'électeur ne votera plus en toute âme et conscience mais par solidarité ou par reconnaissance ou encore dans l'attente de probables rétributions. C'est ce qui explique en bonne partie la participation des populations rurales.

Toutefois, des électeurs échappent à ces procédés de mobilisation, soit en raison des conditions économiques qui pèsent sur eux, soit parce qu'ils demeurent sceptiques sur la crédibilité de la classe politique.

Section II : Les obstacles à la participation électorale

Le souci consistera à porter l'attention sur les obstacles qui sont d'ordre social ou économique (§I) avant d'aborder ceux qui résultent de l'environnement politique (§II).

63 Il s'agit du Dima de Boussouma du PDP/PS, du chef Yamdabri de Fada élu du RDA et du Larlé Naaba du CDP.

64 SAWADOGO (F.M), «La démocratie et les élections au Burkina Faso», in La réforme du système électoral au Burkina Faso, Ouagadougou, IDEA, 1999, p.71.

65 GIRAN (J.P), Proximité et politique, Paris, econmica, 2001, p.95

66 BADO (L), «Démocratie droits de l'Homme en Afrique et au Burkina Faso», in Burkina Faso, cent ans d'histoire, (1895-1995), Paris, Karthala, p. 320

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Paragraphe I : Les obstacles socio-économiques

Sont constitutifs d'obstacles à la participation électorale, la pauvreté ambiante (A) qui pèse sur un grand nombre d'électeurs et le manque de démocratie sociale (B).

A- La pauvreté et le coût de la participation

L'état de pauvreté conduit l'électeur potentiel qui en est victime à la négation de ses droits politiques. La participation à la gestion des affaires publiques devient le dernier souci de la majorité des électeurs qui se préoccupent plutôt de comment satisfaire leurs besoins sociaux. La croissance économique enregistrée ces dernières années ne se traduit pas en termes de développement perceptible par les populations.

De même, la mise en oeuvre du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP), qui était censé être un outil de répartition des richesses nationales, ne semble pas produire de retombées profitables à la grande majorité de la population burkinabè comme le confirment les résultats du sondage réalisé en 2007 par le CGD67.

Il convient également d'ajouter que le PNB par tête demeure extrêmement faible (à peine 500 dollars)68 et plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Dans le classement selon l'Indice de Développement Humain, le Burkina Faso occupe le 177ème rang sur 182 et est logé dans la catégorie des pays à développement humain faible69. Plus de 81% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté avec seulement 2 $US par jour, sur la période 2000-2007.

Une population ainsi vulnérable accorde très peu d'importance à l'inscription sur une liste électorale tout comme au vote. La pauvreté ainsi que la précarité des revenus sont des facteurs constitutifs d'obstacles à l'exercice du droit de suffrage. Elles constituent même la négation des droits politiques dont l'exercice suppose le préalable de la satisfaction des besoins primaires. La lutte quotidienne contre la pauvreté rend difficile l'effectivité de l'exercice du droit électoral dont le coût, immatériel, s'exprime en termes de temps, d'indisponibilité mais aussi de déplacement vers le bureau de vote ou encore le temps d'attente à y supporter, se révèlent comme un ensemble de contraintes qui démobilisent.

Par ailleurs, la pauvreté, considérée comme une privation de moyens, limite l'accès à l'information politique nécessaire à l'exercice des droits politiques. Ainsi, le pauvre qui n'a

67 CGD, Rapport sur l'état de la gouvernance démocratique au Burkina Faso, avril 2007, p.16

68 Atlas éco, 2009. p.45

69 PNUD, Rapport sur le développement humain durable, 2009, p.187

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pas les moyens est exclu de la participation politique; car la pauvreté conduit celui qui en est victime à la négation de ses droits politiques; les droits sociaux constituant sa priorité.

Au regard donc de ces contraintes immatérielles qui pèsent sur les électeurs qui souhaiteraient s'inscrire et/ou voter, nombreux sont ceux qui choisissent de ne pas les surmonter surtout que la succession des élections semble répondre moins au besoin d'une véritable démocratie sociale.

B- La négation de la dimension sociale de la démocratie

Il est évident que la démocratie ne saurait se consolider sans une amélioration des conditions de vie du plus grand nombre comme le souligne Jean Marc D. PALM70 car l'adhésion aux valeurs démocratiques ne saurait s'accommoder assez longtemps de la persistance de la misère, des problèmes de santé ou encore de l'analphabétisme.

Pourtant, depuis le retour au constitutionnalisme en 1991, l'indice de développement du Burkina Faso n'a sensiblement pas varié. Les croissances économiques enregistrées chaque année et les alléchants programmes et autres promesses électorales annoncées ne se traduisent pas en termes de développement partagé. S'il est vrai que les élections constituent un moyen de réalisation de la démocratie, «elles devraient aboutir au choix de dirigeants aptes à promouvoir le mieux-être des citoyens»71.

En outre, la démocratisation dans sa forme actuelle s'opère seulement sur les fronts économique et politique alors qu'il s'agit de prouver que la démocratie est en mesure d'apporter un mieux-être aux populations. L'engagement dans un processus démocratique doit aboutir à une gestion saine et transparente des affaires publiques en vue d'une émergence économique qui doit conduire au règne de la justice sociale. L'équité et la justice sociale auxquelles doit aboutir la mise en oeuvre de tout processus électoral consiste à faire en sorte que les richesses nationales soient équitablement réparties. Ce qui signifie, en démocratie, la prise en compte du plus grand nombre pour éviter que les richesses se polarisent entre les mains d'une minorité. La gestion de la chose publique par les mandataires du peuple doit, en principe, avoir pour finalité la satisfaction de l'intérêt général, c'est-à-dire de la majorité. Cependant, la réalité est tout autre, car la démocratie semble contribuer à creuser le fossé entre riches et pauvres. Ce qui contraste avec l'idéal de démocratie.

70 PALM (D.J.M) & HIEN (P.C), (sous la direction de), Histoire de la représentation politique au Burkina Faso, Ouagadougou, DIST-INSS/CNRST, 2009, p.131.

71 SAWADOGO (F.M), op. cit, p.70.

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Un rapprochement avec la période révolutionnaire permet de remarquer l'importance des performances enregistrées pendant cette période grâce à un plan socioéconomique articulé autour de :

-la réduction drastique du train de vie de l'Etat,

-la valorisation des prix payés aux producteurs de coton et de céréales avec des tentatives de rationalisation des circuits de commercialisation des produits agricoles, -la promotion des produits locaux ou la conduite d'une politique volontariste en matière de santé, de scolarisation et de logement.

Avec l'adhésion aux valeurs démocratiques, force est cependant de constater que l'adoption d'une économie libérale et la tenue périodique et régulière d'élections, semble plutôt côtoyer de médiocres performances dans les secteurs sociaux prioritaires que sont la santé, l'éducation et le logement. En somme, la démocratie politique qui consiste actuellement à la tenue régulière des élections, doit s'accompagner de la démocratie sociale, faute de quoi, les élections ne sauraient susciter l'intérêt des citoyens.

A coté de ces contraintes d'ordre économique et social, il y a la conjoncture politique qui n'est pas sans influence sur la participation électorale.

Paragraphe II: Les obstacles politiques

Parmi les obstacles politiques, l'absence d'enjeux des scrutins (B) consécutive du manque d'alternative politique (A) caractéristique de la quasi-totalité des scrutins électoraux au Burkina Faso retiennent l'attention.

A- Le manque d'alternative politique

Le manque d'alternative est un facteur qui a toujours influencé négativement la participation d'une portion non négligeable de citoyens aux élections. Il a été signalé plus haut l'importance des conditions socio-économiques dans la non-participation aux élections. Mais à l'évidence, l'absence d'un choix véritablement crédible aboutit à la certitude que le résultat ne saurait changer au détriment du pouvoir en place. Un tel sentiment d'impuissance à avoir une influence réelle sur l'issue du scrutin s'explique par les manoeuvres de déstabilisation de l'opposition et les obstacles au libre choix électoral. En effet, l'absence d'une opposition crédible est préjudiciable au bon fonctionnement de tout système démocratique. Or, sous la 4ème République, le pouvoir a tout mis en oeuvre pour démanteler toute formation politique pouvant constituer un contre-pouvoir. Il est par

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exemple connu que la CNPP/PSD72 a volé en éclat par la volonté de l'ODP/MT73, parti au pouvoir. Il en est ainsi pour l'ADF/RDA et l'OBU. De telles manoeuvres ne peuvent qu'aboutir à la fermeture du jeu électoral autour du CDP, avec la dispersion mais surtout la marginalisation de l'opposition. A ce titre, la modification unilatérale de la loi N°014-2001/AN du 03 juillet 2001 portant code électoral au Burkina Faso par la loi N°013-2004/AN du 27 avril 2004 est illustrative dans la mesure où cette dernière a consisté à revenir sur la province comme circonscription électorale au lieu de la région. En effet, ce type de découpage ne semble visiblement pas en faveur du parti au pouvoir74 qui, suite à son application lors des élections législatives de 2002, n'aura obtenu qu'une courte majorité de 57 députés sur 111.

Cette situation a toujours caractérisé les scrutins concurrentiels qui ont été organisés au Burkina Faso, aussi bien sous la 4ème République que sous la 2ème et la 3ème République. Il en a été ainsi respectivement du CDP et du RDA qui ont réussi à marginaliser les partis d'opposition traversés par des querelles de succession ou de leadership. Ce qui les discrédite davantage aux yeux de l'opinion publique. A ce sujet, les résultats d'une enquête réalisée par le CGD75 montrent que les partis d'opposition enregistrent le plus fort taux de défiance parmi les institutions qui n'inspirent pas du tout confiance. La pléthore des partis politiques en est une illustration, d'autant plus que ces partis ne sont visibles que pendant les échéances électorales grâce auxquelles ils tirent des dividendes financières, du fait des subventions publiques.

Il s'agit là d'une source de désenchantement et de désillusion pour les citoyens avertis qui pensent que les hommes politiques en faisant chaque fois étalage d'insuffisances, prouvent qu'ils ne s'engagent pas pour défendre l'intérêt général mais plutôt pour des intérêts particuliers.

En outre, il convient d'ajouter avec le Pr LOADA76 que par ses divisions et ses volte-face, l'opposition accentue son effritement et alimente le désenchantement de l'électorat à la mesure des espoirs qu'elle avait suscités. De plus, la politique de boycott longtemps

72 A ce propos, un coin du voile a été levé avec l'aveu de l'ancien ministre d'Etat Salif DIALLO, sur le rôle qu'il a joué dans la déliquescence de l'opposition

73 Le 5 février 1996, ce parti a fusionné avec une douzaine de formations politiques dont la plus importante fut l'aile dissidente de la CNPP/PSD pour créer le CDP sur la base d'une nouvelle idéologie commune: la social-démocratie.

74 C'est l'adoption de la région comme circonscription électorales aux élections législatives de 2002 qui a permis à l'opposition d'obtenir une représentation significative à l'Assemblée Nationale.

75 CGD, L'alternance et les règles du jeu démocratique au Burkina Faso, Ouagadougou, p.72

76 LOADA (A.M.G), «Blaise COMPAORE ou l'architecte d'un nouvel ordre politique», in Burkina Faso entre révolution et démocratie (1983-1993): ordre politique et changement social en Afrique subsaharienne, Paris, Karthala, 1996, p.292

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adoptée par l'opposition avait, à chaque fois, vidé les scrutins concernés de toute alternative comme ce fut le cas à l'élection présidentielle du 1er décembre 1991.

Cette insuffisance politique constitue un obstacle majeur à la participation des citoyens aux élections surtout lorsque les enjeux politiques semblent inexistants dans un contexte politique dominé par le légitimisme électoral.

B- L'absence d'enjeux des scrutins

Les enjeux d'un scrutin tiennent aux possibilités réelles d'un choix crédible ou aux thèmes de campagnes électorales et des programmes de gouvernement que développent et défendent les candidats ou partis politiques. Ainsi, la saillance des enjeux d'un scrutin constitue un facteur incitatif dans la décision des électeurs à se rendre aux urnes. L'élection imminente ou non d'un candidat sérieux peut susciter l'intérêt de l'électeur.

A l'opposé, l'issue plus ou moins certaine des élections a tendance à faire croire aux électeurs l'inutilité de leur participation. C'est ce qui a, en partie, expliqué le faible taux de participation de 25,12% enregistré à l'élection présidentielle du 1er décembre 1991 où, comme le note le Dr Bongnessan Arsène YE, «la candidature unique a fait croire à certains militants que le vote n'était pas nécessaire puisque de toute façon l'élection de Blaise COMPAORE ne posait aucun problème»77. En outre, le référendum du 02 juin 1991 n'a également pas connu une participation conséquente compte tenu du manque d'enjeu qui l'a caractérisé, car tous les partis politiques, ajoute-t-il, avaient appelé à voter «oui».

Il faut que l'enjeu soit nettement perçu par le citoyen pour qu'il s'efforce d'écarter les barrières susceptibles d'entraver sa participation. Cependant à l'analyse des niveaux de participation aux élections législatives de la 2ème et de la 3ème République, il apparaît que ces scrutins n'ont pas été marqués par de véritables enjeux. La classe politique était préoccupée par des enjeux individuels qui ont fini par décourager l'électorat dont la participation aux référendums d'adoption de la constitution de chacune de ces Républiques fut au dessus de la barre de 70%.

Sous la 4ème République, cette absence d'enjeux aux scrutins qui se succèdent vient conforter le scepticisme de ceux qui pensent que les élections, telles qu'elles s'organisent au Burkina Faso, servent seulement à légitimer le pouvoir des élus qui s'accrochent aux fonctions électives. Ce qui prive les élections de tout enjeu dans la mesure où le statut de

77 YE (B.A), op cit, p.156

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candidat sortant confère plus ou moins certains avantages à celui qui sollicite sa réélection.

C'est pourquoi l'absence d'une opposition capable de nouer des alliances durables et de développer des stratégies à même d'établir un équilibre de forces entre elle et le parti au pouvoir débouche sur une réélection mécanique du ou des candidat(s) sortant(s). Ce qui se traduit par le long règne de la classe dirigeante dont la majorité constitue encore le fruit de la reconversion aux valeurs démocratiques des élites révolutionnaires propulsées au pouvoir à la faveur du coup de force du 4 août 1983. Cette situation semble traduire une tendance de la classe dirigeante à superposer le modèle démocratique au mode habituel de dévolution du pouvoir traditionnel.

Du reste, l'impossibilité de tenir les promesses de campagnes électorales doublées de l'insuffisance programmatique des partis politiques ont pour conséquence le désintérêt de l'électorat dont il importe d'examiner la portée.

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TITRE II : LA PORTEE DE LA FAIBLE PARTICIPATION ELECTORALE

A la suite de l'analyse diagnostique qui a consisté à découvrir le niveau réel de la participation électorale au Burkina Faso ainsi que les facteurs qui la déterminent, il convient d'examiner dans le présent titre la portée de la faible participation autour de deux centres d'intérêt.

L'un consiste à analyser les éventuelles implications de la faible participation aux consultations électorales sur le processus démocratique (chapitre I) tandis que l'autre permettra d'énoncer les conditions pour une bonne participation (chapitre II).

Chapitre I : Les implications de la faible participation électorale

Les élections servent à légitimer le pouvoir des gouvernants. Cette légitimité est d'autant plus grande que l'importance de la participation est considérable. A contrario, peuvent surgir des velléités de contestations politiques et sociales.

Il sera respectivement évoqué dans ce chapitre, les implications que pourrait engendrer la faible participation aux élections sur le pouvoir politique et institutionnel (Section I) ainsi que sur le processus d'ancrage de la gouvernance démocratique (section II).

Section I : Les implications sur le pouvoir politique

Tout processus démocratique caractérisé par une faible participation électorale implique une fragilisation du pouvoir politique qui peut se traduire par un affaiblissement de la légitimité politico-institutionnelle (§ I) dont pourrait résulter une instabilité sociale (§ II)

Paragraphe I : L'affaiblissement de la légitimité politique et
institutionnelle.

La faible participation des citoyens aux scrutins électoraux confère une faible légitimité aux élus (A), ce qui peut engendrer le non respect de l'autorité politique (B).

A- La faible légitimité des élus

Depuis la déclaration d'indépendance des Etats Unis d'Amérique de 1776 et la Révolution française de 1789, le consentement et la volonté du peuple sont devenus la seule source de l'autorité légitime. Au Burkina Faso, la Constitution du 11 juin 1991 s'inscrit dans cette logique en posant la démocratie comme principe d'organisation de l'Etat (article 31) et en

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posant également le principe de la souveraineté nationale (article 32) qui relève du peuple.

Dès lors, l'élection s'impose comme le seul mode acceptable de sélection des dirigeants, mais aussi et surtout comme le seul moyen d'asseoir l'autorité des dirigeants. Ainsi, le régime démocratique repose fondamentalement sur la légitimité qui, du reste, est inséparable du principe de l'imputabilité78. Etant donné que le principe d'imputabilité implique le renouvellement de confiance en cas de satisfaction et la sanction le cas échéant, il y a lieu de s'inquiéter face à l'importance de la désaffection du corps électoral.

En effet, lorsque la majorité du peuple se comporte en citoyens passifs lors des élections, il va sans dire que la légitimité des élus qui en sont issus se trouve effritée. Tel fut surtout le cas du premier mandat du Président du Faso, issu de l'élection du 1er décembre 199179. Cela s'explique notamment par le fait qu'en démocratie, la stabilité politique requiert que les citoyens croient en la légitimité de leurs gouvernants. Car cette croyance en la légitimité du système politique permet à ce dernier d'escompter un minimum de loyauté ou de soutien de la part des citoyens, même lorsqu'il prend des décisions impopulaires justes ou nécessaires.

Par contre, la faiblesse de la légitimité peut faire que toutes tentatives de réformes entreprises par l'autorité légale soient vivement contestées par l'opposition qui peut recourir incessamment aux critiques non réalistes afin de la discréditer.

Pis, une forte abstention permanente traduit une inefficacité du système partisan qui ne semble pas répondre aux attentes sociales des populations. Somme toute, l'autorité investie par une minorité de citoyens est implicitement rejetée par la majorité qui peut observer une attitude de défiance en son égard.

B- Le non respect de l'autorité politique

La souveraineté appartenant au peuple80, toute autorité doit être une émanation de la volonté populaire. Une telle autorité est alors respectée, obéie et ses actions bénéficient de l'adhésion et de la participation des citoyens. Par contre, lorsque cette autorité repose sur la volonté et le consentement d'une minorité du corps électoral, elle devient source de contestation de la part des citoyens. En effet, une autorité mal élue peut être perçue

78 LOADA (A.M.G) & IBRIGA (L.M), op. cit, p 453

79 Lors de ce scrutin, le taux de participation du de 25,12 %, avec en définitive 19 % du corps électoral qui ont crédité le mandat du chef de l'Etat. Ce qui a d'ailleurs permis à l'opposition de contester cette élection et réclamer son annulation sans succès.

80Art. 32 de la Constitution du 11 juin 1991.

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comme un usurpateur81 du pouvoir du peuple qui peut avoir deux attitudes. L'une consiste à rester indifférent vis-à-vis du pouvoir en place et l'autre peut consister au recours à la contestation.

Ainsi, le refus de se soumettre à l'autorité peut se traduire par le désintéressement des citoyens de l'action de l'autorité légale, certes, mais illégitime. A ce titre, la grève du syndicat des travailleurs de la santé animale sous la 2ème législature82, malgré que le gouvernement l'ait déclarée illégale avec un avis consultatif de la Cour suprême à l'appui de sa décision, est assez évocateur. La défiance de l'autorité publique ne manque pas d'entraver la mise en oeuvre des politiques de développement participatif et notamment le processus de décentralisation en cours.

Par ailleurs, cette situation entraînerait également un développement de la corruption et de l'incivisme, toutes choses qui risquent d'ébranler la stabilité des institutions politiques.

En effet, la majorité des citoyens qui ne se sentiraient pas concernés par le pouvoir, peuvent se déclarer non liés par les décisions prises par celui- ci. Dès lors, ils refuseraient d'honorer leurs obligations. L'ampleur de la défiance conduit à l'instabilité sociale et les partis politiques cessent de servir d'interface entre les citoyens et les institutions.

Paragraphe II : L'accroissement de l'instabilité sociale

Deux aspects seront examinés sous cette rubrique. Il s'agit d'analyser la faible participation comme facteur d'émergence de la contestation sociale (A) et le risque d'émergence d'une opposition informelle qui en découle (B).

A- L'émergence de la contestation sociale

Les élections visent à légitimer le pouvoir des gouvernants afin de disqualifier à l'avance la violence ou les affrontements. Une participation soutenue des populations aux consultations électorales pourrait contribuer à éviter le recours à la contestation. A contrario, une faible participation peut lériger en mode d'expression politique dans la mesure où la majorité des citoyens ne croiraient pas en l'efficacité du bulletin de vote. Le manque de confiance aux mécanismes électoraux qui se manifeste par le refus de participer aux élections influence fortement la croyance en l'efficacité de la contestation

81 L'exemple le plus illustratif à ce titre reste l'élection présidentielle ivoirienne de 2000 qui a vu l'arrivée au pouvoir du candidat du FPI, Laurent GBAGBO, dont l'autorité a longtemps été contestée et le reste encore.

82 Les élections législatives qui ont permis la mise en place de la 2ème législature ont été caractérisées par un quasi unanimisme au vu de la large victoire du parti majoritaire.

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pour obtenir du pouvoir la prise en compte des attentes sociales. A ce titre, un citoyen a déclaré lors d'une enquête sur la participation électorale au Burkina Faso que : «si on n'avait pas brûlé et cassé, beaucoup de choses n'auraient pas changé dans ce pays»83.

Ces mouvements de contestation sociale, tels que le Burkina Faso les a souvent vécus sous la 4ème république ont le plus souvent échappé aux canaux légaux qui sont censés canaliser toute manifestation.

Cela laisse donc entrevoir une faible intégration, surtout de la jeunesse dans le processus électoral avec pour corollaire les tentatives récurrentes de contourner les organisations politiques et sociales pour se faire entendre. La rue est alors utilisée comme cadre d'expression protestataire. A ce propos, le Pr LOADA remarque que les jeunes ne participent pas aux élections mais privilégient d'autres formes de participation comme la grève, les marches, les casses, les débrayages, etc. qu'ils croient plus efficaces que le vote ou le militantisme84. Ce qui fragilise la paix sociale et remet en cause certains acquis. Ces contestations sociales traduisent moins le rejet radical de la démocratie comme idéal que son échec à l'épreuve des faits.

Toutefois, ces contestations peuvent aussi être l'oeuvre de partis politiques exclus de la représentation politique ou des organisations de la société civile. Dès lors un front d'opposition informelle peut se constituer pour revendiquer, le plus souvent par la violence, plus de démocratie.

B- L'émergence d'une opposition informelle

La récurrence et l'ampleur de la contestation sociale aboutissent à la constitution d'une coalition des organisations de la société civile afin d'encadrer les mouvements sociaux. Il peut émerger une opposition de type informel qui est, en réalité, un regroupement de toutes les opinions non représentées ou très faiblement dans les institutions républicaines. Elles se coalisent pour constituer, en l'absence d'une opposition significative, un contrepoids social. Toutes leurs revendications sont traduites comme les préoccupations de la société. Tel fut notamment le cas au lendemain de l'assassinat du journaliste Norbert ZONGO, avec la naissance du Collectif des organisations démocratiques de masses et de partis politiques (CODMPP).

83 LOADA (A.M.G), le droit de suffrage en Afrique francophone: sens et usager sociaux, p. 34; cité par SAWADOGO (A), La participation citoyenne non conventionnelle, Université de Ouagadougou, UFR/SJP, 2004, p. 36

84 In Sidwaya N°6550 du 13 au 15 novembre 2009, p.23

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Cette alliance société civile/partis politiques est, en effet, la résultante de la marginalisation des partis d'opposition qui, par le biais de cette alliance, espèrent revendiquer plus de démocratie, de justice sociale et une représentation politique plus équitable85. Une telle interférence des organisations de la société civile avec les acteurs politiques a d'ailleurs suscité de vives critiques de la part du pouvoir en place qui les a accusées de faire de la politique86 et de vouloir renverser le régime. Cette organisation fut, sans conteste, la plus illustrative.

Lorsque le jeu politique se révèle inefficace face aux attentes des populations, celles-ci le rejettent au profit d'une forme non conventionnelle de participation. Des séries de manifestations organisées par une telle opposition ont bien souvent conduit à l'enclenchement de réformes politiques favorables à un apaisement social.

A ce titre, la succession des manifestations déclenchées en désapprobation des évènements du 13 décembre 199887 constitue un exemple illustratif. Ces dernières ont fragilisé la stabilité sociopolitique et poussé le régime en place à opérer une série de réformes politiques qui ont permis à l'opposition d'avoir une représentation significative à l'hémicycle88.

En plus de ces manifestations dans un cadre plus ou moins structuré, sont survenues d'autres de façon spontanée, avec toutefois une ampleur significative. Sont de celles-là, les mouvements de contestations contre l'application de la loi relative au port obligatoire de casque en 2005, et les émeutes de la vie chère en février-mars 2008. Ces mouvements de contestations ont, en effet, été conduits, en dehors des partis politiques et organisations de la société civile. Ceux-ci venaient, au regard de la spontanéité et de l'ampleur de ces mouvements, de se rendre compte de leur faible efficacité. C'est ainsi que le mouvement de coalition contre la vie chère n'a pas, jusque là, connu un succès aussi éclatant en terme de manifestations.

Cette mobilisation spontanée, ponctuelle et plus efficace contre une mobilisation moribonde lors des consultations électorales dénote, en filigrane, une crise structurelle de

85 Sous la 3ème ce furent les syndicats qui suppléaient les partis politiques marginalisés et incapables de jouer leurs fonctions d'opposition

86 SAWADOGO (A), op. cit, p.27.

87 Le 13décembre 1998, au lendemain de l'investiture du Président du Faso réélu à plus de 87%, a été assassiné le journaliste Norbert ZONGO et l'opposition a tout de suite indexé le pouvoir d'en être l'instigateur parce que celui-là enquêtait sur une affaire de meurtre dans laquelle serait impliqué le frère cadet du Président.

88 Réforme du code électoral par l'adoption, entre autres, de la loi N°14-2001/AN du 03 juillet 2001 qui a introduit la proportionnelle au plus fort reste, la région comme circonscription électorale, le bulletin unique, etc.

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la représentation politique telle que pratiquée. Déjà, quel avenir politique le Burkina Faso peut-il envisager lorsqu'à la veille d'une élection présidentielle, le recensement électoral, à cet effet, recueille moins de 20 %89 de la population électorale? Il est certain qu'avec un corps électoral inférieur au tiers (1/3) de la population électorale, l'ancrage de la gouvernance démocratique reste hypothétique.

Section II : Les implications sur l'ancrage de la gouvernance

démocratique

Dans le contexte actuel d'exigence de la bonne gouvernance qui implique une gestion participative des affaires publiques, une participation minoritaire des citoyens à la désignation de leurs mandataires pose deux problèmes majeurs au processus démocratique. L'un renvoie à la problématique de l'alternance politique qui est un élément essentiel en démocratie (§I). L'autre consiste en la non-effectivité du principe de la majorité démocratique (§II).

Paragraphe I : L'hypothèque de l'alternance démocratique

Considérée comme une conséquence de la faible participation, l'hypothèque de l'alternance démocratique pourrait se traduire par l'hégémonie de la classe dirigeante (A) et sa volonté persistante de clôturer le jeu électoral (B).

A- L'hégémonie de la classe dirigeante

Il s'avère utile de préciser que l'hégémonie ici évoquée renvoie à la logique d'accaparement de la vie démocratique nationale, du point de vue de l'expression des suffrages des citoyens. Le refus de l'alternance démocratique aboutit alors à la transformation de la démocratie en une élitocratie dans la mesure où la classe dirigeante, du fait du désintérêt des citoyens, finirait par se croire inamovible.

En effet, les leviers de tout le processus démocratique se trouvent abandonnés à une minorité élitiste au comportement majoritaire comme le remarque le Pr Laurent BADO90. Une analyse de l'appartenance politique des élus à la représentation nationale, permet de constater aisément que la majorité relève toujours du parti au pouvoir qui dispose d'ailleurs d'une majorité confortable. Ainsi, l'application d'un mode de scrutin proportionnel

89 Indépendant n° 864 du 30 /03/2010 ; p. 4

90 BADO L. op. cit, p. 322.

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a donné les mêmes effets qu'un scrutin majoritaire sous la 2ème législature où le CDP s'en est sorti avec 101 des 111 sièges de députés à l'Assemblée Nationale.

Cette confirmation continue et durable de l'hégémonie du parti au pouvoir, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) s'explique selon le Pr LOADA91, par trois facteurs. Il s'agit notamment de l'organisation du parti, de ses ressources humaines et matérielles et de sa capacité d'innovation auxquelles il convient d'ajouter sa forte implantation sur toute l'étendue du territoire et sa grande capacité de redistribution. A ces facteurs, s'ajoutent surtout le mode de découpage électoral qui a consisté à abandonner la région au profit de la province comme ressort principal pour les élections des députés et le mode de répartition des sièges qui n'est pas toujours équitable. En outre, la volonté d'hégémonie du CDP se traduit par les révisions opportunistes des règles du jeu électoral. Ce qui aboutit à l'instauration d'une démocratie factice.

La mainmise du CDP sur le système électoral lui permet davantage de réussir la clôture du jeu électoral.

B- La clôture du jeu électoral

L'analyse précédente a permis de mettre en exergue un aspect lié à la faible participation. Ainsi, il apparait qu'une participation minoritaire semble favoriser la mainmise politique du parti au pouvoir sur le processus électoral, au détriment de l'opposition qui est de plus en plus marginalisée. En effet, le désenchantement électoral d'une majorité des citoyens contribue à restreindre la compétition électorale, dans un système partisan caractérisé par l'incapacité de l'opposition à nouer des alliances. Dépourvue de stratégies qui puissent lui permettre de concurrencer le CDP, l'opposition sort toujours laminée des différents scrutins et donne plutôt l'impression d'animer la galerie politique92. C'est ainsi qu'à l'élection présidentielle du 13 novembre 2005, elle ne réunira pas, avec onze (11) candidats, 20% des suffrages exprimés face au candidat du parti au pouvoir (CDP).

En outre, elle ne semble pas se préoccuper de l'alternance, mais cherche à s'intégrer, à court terme, dans le système hégémonique en place. Le soutien à la candidature du Président sortant par la plus importante force politique de l'opposition à savoir l'ADF/RDA et un ensemble d'autres partis dont l'UPR et la CFD regroupés sous l'Alliance pour la majorité présidentielle (AMP) est assez significatif en la matière.

91 LOADA (A.M.G), «Des élections comme les autres», in politique africaine, N°69, 1998, p.63.

92 En référence aux larges victoires du CDP aux élections législatives de 1992, 1997 et aux présidentielles de 1998 et 2005

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Ce qui exclut toute possibilité d'alternance et consacre, à chaque scrutin, un raz de marée électoral du CDP face à la dispersion de l'opposition qui prive ainsi l'électorat d'un choix réel portant sur une autre vision de société différente de celle portée par le parti au pouvoir. L'absence d'une opposition crédible et significative consacre l'existence d'un parti ultra-dominant, ce qui démontre davantage l'improbabilité d'une alternance politique au Burkina Faso.

A cette problématique de la crédibilité de l'opposition, il convient d'ajouter les velléités de manipulation du processus électoral. En effet, la persistance de certaines manoeuvres telles que la fraude, la corruption électorale ou l'achat de conscience sont de nature à entraver la liberté de choix des électeurs garantie par la Constitution.

Somme toute, l'alternance ne sera jamais une réalité tant que le pouvoir n'affichera pas une réelle volonté de transparence dans la tenue du processus électoral. Mais, elle demeurera un voeu pieux si l'opposition n'abandonne pas sa logique de dispersion, organisée autour des intérêts particuliers, pour former une véritable alliance crédible. Enfin, tout cela ne saurait se réaliser que par une participation efficiente des citoyens à l'expression du suffrage.

Le refus de participer ne peut que remettre en cause la loi de la majorité démocratique, principe fondamental en démocratie.

Paragraphe II : La non-effectivité du principe de la majorité
démocratique

Le principe de la majorité démocratique renvoie à la légitimation du pouvoir par le plus grand nombre. Une faible participation des citoyens aux élections induit donc la non-effectivité de ce principe. Ce qui implique l'exclusion des citoyens du processus décisionnel (A) et est source d'entraves à l'enracinement de la gouvernance démocratique (B).

A- L'exclusion des citoyens du processus décisionnel

La Politique Nationale de Bonne Gouvernance (PNBG)93 fait de la participation des citoyens le pilier du succès du processus démocratique. La bonne gouvernance implique une gestion participative des affaires publiques. Cependant, force est de constater que les Burkinabè participent peu à la désignation de leurs représentants comme l'attestent le

93 Document adopté par décret N°2005-459/PRES/PM/MFPRE/MFB du 31 aout 2005.

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niveau de participation électorale qui est, en moyenne de 33%. Ce qui traduit, de facto, une exclusion de la majorité de la population de l'étape la plus importante, en démocratie, du processus de prise de décisions.

Cette exclusion se manifeste d'abord au niveau du processus décisionnel interne des partis ou formations politiques où la démocratie à l'interne fait défaut. Il s'agit, en réalité d'une infime partie des élites qui confisquent le pouvoir de décision auquel elle est plus encline à s'accrocher. Cette situation a pour effet la fragilisation du processus de démocratisation qui s'opère seulement par le sommet à travers une instrumentalisation de la démocratie94. Ce qui induit sa faible appropriation sociale à la base surtout lorsque la gestion des affaires publiques se caractérise par une certaine opacité et un manque d'imputabilité politique.

Une élite dirigeante qui a une base sociale singulièrement réduite est encline à la confiscation de la fonction élective en l'absence d'une participation soutenue aux élections et à mettre les citoyens en position d'incapacité de peser sur ses décisions et les motifs qui les expliquent. Cette élite peut développer des modes de gouvernance qui reposent sur la corruption comme moyens de mobilisation et la satisfaction d'intérêts plus partisans au détriment de l'intérêt commun. A cet effet, aucune stratégie d'implication des acteurs sociaux et politiques n'est entreprise en vue d'une gestion participative. Les institutions et modes de gestion participative font l'objet de consultations et/ou de recours sélectifs. Toute chose d'ailleurs susceptible d'entraver l'enracinement véritable de la gouvernance locale.

B- Les entraves à l'enracinement de la gouvernance locale

L'examen des risques encourus du fait de la faible participation électorale met en exergue la question de la gouvernance locale. Dans le contexte actuel de la décentralisation, le citoyen est le principal acteur et bénéficiaire du développement de la collectivité95. Son refus de participer à l'élection des représentants et à la prise des décisions qui engagent l'avenir de sa collectivité reste sans conteste un obstacle majeur à l'ancrage social de la gouvernance participative. De plus, la non-participation au jeu démocratique implique, en fait, une exclusion de ceux qui y recourent du processus de décision politique. Toute

94 Il s'agit notamment de la création des institutions comme l'Assemblée Nationale, le CES, le CSC, le Conseil Constitutionnel, la CENI, Haute Cour de Justice, les Parlements de Jeunes et des Enfants, la HACLC, etc.

95 ADEPAC/PNUD, Citoyenneté et participation citoyenne, Ouagadougou, décembre 2008, p.66

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chose essentielle, en démocratie, car cela relève de la prérogative de contrôle du citoyen sur le politique.

Par ailleurs, les électeurs demeurent encore des figurants épisodiques dans le processus de mise en oeuvre de la décentralisation; alors que la démocratie locale est censée offrir aux citoyens le potentiel nécessaire pour l'exercice de leur liberté politique et l'expression de leurs attentes à travers le transfert du pouvoir de décision et des moyens qui s'y rapportent.

C'est pourquoi la gouvernance locale qui est le quatrième axe de la Politique Nationale de Bonne Gouvernance s'appuie sur la décentralisation qui reste la meilleure forme pour associer les citoyens à la gestion des affaires locales et d'en accroître l'efficacité. De ce point de vue, une faible participation citoyenne n'est pas à même de favoriser l'émergence de nouveaux acteurs qui doivent être associés à la gestion des affaires publiques.

Une telle apathie fragilise davantage le processus d'enracinement de la gouvernance locale avec le risque d'un retour de l'administration centrale d'Etat dans la gestion des collectivités. Pis, la gouvernance locale, qui doit répondre aux besoins de la majorité, fait plutôt l'objet d'une perversion par une minorité qui la détournent pour satisfaire des intérêts particuliers. D'ailleurs, le processus de décentralisation ne se trouve-t-il pas prise en otage par une élite qui impose, dans la réalité, les gouvernants locaux? La décentralisation, au lieu d'être une véritable démocratisation du pouvoir, semble plutôt un instrument de rétribution des gains politiques entre les élites, au détriment de la majorité.

Aussi, est-il besoin d'ajouter que: «Le perfectionnement continu de notre système politique est aujourd'hui un impératif qui requiert la modernisation des instruments de gouvernance de l'Etat, en référence aux attentes légitimes des populations»96.

En somme, pour une bonne participation des citoyens aux consultations électorales, il s'avère impérieux d'apporter quelques aménagements au système électoral. Du reste, c'est le second centre d'intérêt dont il convient de préciser le contenu.

96 Extrait du discours de nouvel an 2010 du Président du Faso, in Indépendant N°850 & 851du 22 au 29 décembre 2009, p.8.

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Chapitre II : Les conditions d'une bonne participation électorale.

Pour assurer une bonne participation aux consultations électorales, il importe d'envisager des réformes de nature à inspirer davantage la confiance des acteurs politiques et des citoyens. A cet effet, il apparaît nécessaire de procéder à la création d'un environnement électoral favorable d'une part (Section I) et d'autre part à la promotion d'une véritable culture démocratique (section II).

Section I : La création d'un environnement électoral favorable

Tout processus électoral doit obéir, dans sa mise en oeuvre, à un certain nombre de principes dont la nécessité d'une crédibilisation du jeu électoral (§ I) mais aussi et surtout de l'établissement d'un système véritablement compétitif (§ II).

Paragraphe I : La crédibilisation du jeu électoral

Les institutions qui interviennent dans l'organisation des élections doivent répondre à un certain nombre de critères. Parmi ceux-ci, il sera évoqué la nécessaire effectivité de leur indépendance (A) qui constitue une garantie de la sincérité des scrutins (B).

A- La nécessaire effectivité de l'indépendance des institutions électorales

Avec la transition démocratique, le manque de confiance et la forte politisation du Ministère de l'Administration territoriale97 ont conduit à exiger l'institution d'une Commission électorale dite indépendante.

Mais la question étant politique, elle doit requérir un consensus en vue d'un arbitrage neutre. A ce jour, la question fondamentale qui se pose encore, est celle de l'indépendance effective dans la mesure où c'est elle qui inspire la confiance des acteurs politiques et sociaux.

En effet, l'indépendance reconnue aux institutions électorales est assez relative au regard de la composition et du mode de désignation des membres. Ceux-ci éclairent sur le degré de soumission ou d'indépendance de l'institution.

L'analyse de la composition des institutions comme la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI)98 et le Conseil Constitutionnel99 permet de comprendre que le

97 Dans la plupart des Etats d'Afrique francophone, ce Ministère a traditionnellement en charge l'organisation des élections, en référence au modèle français.

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pouvoir de désignation n'est pas suffisamment partagé. Une manipulation du mode de désignation peut aboutir à une politisation de ces institutions qui jouent un rôle capital dans la tenue d'élections crédibles. La nomination des présidents de ces institutions par le pouvoir exécutif limite leur indépendance vis-à-vis du pouvoir.

Qu'il s'agisse de la CENI ou du Conseil constitutionnel, la composition doit respecter le principe d'équité et surtout de neutralité, pour éviter l'hégémonie numérique des représentants choisis par le pouvoir exécutif.

A ce sujet, il convient de relever avec le Pr IBRIGA que les rapports de force au sein de la CENI font qu'on peut connaître à l'avance le résultat de l'élection du Président de ladite institution. Cela s'explique par le fait que les animateurs des organisations de la société civile sont souvent des acteurs politiques déguisés et aux appartenances partisanes plus ou moins bien connues100.

A cette question majeure de la composition s'ajoute le manque d'autonomie financière qui fait que la CENI reste dépendante du pouvoir exécutif101. L'autonomie financière étant un aspect déterminant dans l'effectivité de l'indépendance, il est nécessaire que la CENI en soit véritablement dotée. Cela évitera son assujettissement budgétaire à l'exécutif102 qui pourrait ainsi exercer un chantage sur elle en cas de velléités d'envol hors de la cage du pouvoir.

Mieux, il importe de constitutionnaliser la CENI et ses démembrements et renoncer à la représentation des partis en son sein car cela semble contraire au principe du droit qui veut que l'arbitre ne soit pas en même temps partie prenante de la compétition.

Quant au Conseil constitutionnel qui veille sur la régularité des scrutins103, la retouche consisterait à la détermination de la durée du mandat de son président. En effet, si les membres jouissent d'un statut protecteur104, il n'en est pas de même pour le président qui demeure dans l'incertitude. Un mandat à durée déterminée et non renouvelable est un

98 Composition tripartite, majorité (5 membres)-société civile (5 membres)-opposition (5 membres), avec la supériorité numérique du politique qui est à la fois juge et partie prenante.

99 Sur un total de 10 membres, le Président du Faso en nomme 7, ce qui laisse apparaître une institution largement contrôlée par l'exécutif.

100 L'actuel Président de la CENI est un ancien militant du PAI, d'où les critiques très acerbes de Monsieur Soumane TOURE alors député sous la 3ème législature qui, en réalité, relevaient plus d'un règlement de compte.

101 Si les membres du Conseil Constitutionnel bénéficient d'un traitement conséquent (art.7 de la loi organique N°11-2000/AN du 27 avril 2000), il n'en est pas de même pour les membres de la CENI

102 Le budget de la CENI donne lieu souvent, comme l'ont relevé les Prs LOADA et IBRIGA (op. cit, p.461) à des arbitrages et marchandages entre elle et le Gouvernement.

103 Art. 152 de la Constitution du 11 juin 1991.

104 Art. 153 al. 2 de la Constitution du 11 juin 1991.

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facteur de stabilité, générateur de sérénité et par conséquent d'indépendance. La non-détermination de la durée du mandat du président peut conduire celui-ci à vouloir ménager l'autorité de nomination dans ses décisions105, dans l'espoir d'être reconduit à son poste. Alors qu'il ne devrait pas, dans un souci d'indépendance, répondre de l'autorité de nomination.

Il conviendrait que le président soit élu parmi et par les membres de l'institution avec au préalable la substitution du Garde des Sceaux, Ministre de la justice par l'opposition (à travers son chef de file) comme autorité habilitée à la proposition des membres).

C'est en assurant une indépendance soutenue aux structures en charge de l'organisation et de la régularité des élections, qu'elles pourront garantir la sincérité des scrutins qui demeure un facteur incitatif à la participation des citoyens.

B- La garantie de la sincérité des scrutins

S'interroger sur les conditions pouvant garantir la sincérité des scrutins, c'est s'intéresser aux questions de transparence, d'égalité dans le financement des partis politiques et du plafonnement des dépenses électorales.

Mais avant, il convient de souligner que «l'exigence de sincérité du scrutin commande que l'honnêteté préside au découpage des circonscriptions»106. En effet, il faut bien mettre l'opération de découpage à l'abri de toute manipulation favoritiste comme la remise en cause unilatérale par la majorité parlementaire de la région comme circonscription électorale au profit d'un retour à la province107.

S'agissant des règles de la compétition, il importe d'évoquer le manque de transparence et d'impartialité qui caractérisent le financement des partis politiques et les dépenses électorales. La législation burkinabè ne contient pas de dispositions règlementant le financement privé. Elle ne plafonne pas non plus les dépenses électorales des candidats ou des partis et formations politiques. Ce qui ne manque pas de biaiser la sincérité du scrutin dans la mesure où les subventions publiques constituent les ressources essentielles de la plupart des partis d'opposition alors que le parti au pouvoir n'en fait qu'une ressource accessoire.

105 Cette intention lui a d'ailleurs été prêtée en 2005, après qu'elle ait déclaré valide la candidature du Président du Faso qui sollicitait un troisième mandat consécutif contre lequel l'opposition a introduit une requête en annulation.

106 LOADA (A.M.G) et IBRIGA (L.M), op. cit, p.234

107 Article 155 de la N°014-2001/AN du 03 juillet 2001, modifiée par la loi N°013-2004/AN du 27 avril 2004

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Pour réduire ces inégalités, le législateur se doit d'intervenir pour règlementer, voire interdire le financement privé et lever le silence sur la question du plafonnement des dépenses électorales. La persistance de cette large disproportion des moyens entache sérieusement la sincérité du scrutin. La résorption de ces inégalités matérielles de départ a pour objectif l'organisation d'une compétition loyale entre candidats ou formations politiques bénéficiant relativement des mêmes potentialités de victoire108. Aussi, pour l'instauration d'une véritable culture démocratique il faudrait se prémunir ou lutter contre cette distorsion des règles de la compétition électorale. D'ailleurs, sur ce point LOADA (A.M.G) et IBRIGA (L.M) soutiennent que «le souci d'équité dans les conditions de compétition a totalement été perdu de vue au profit de la seule préoccupation de l'équitable répartition des fonds publics»109.

Du reste, les critères de crédibilisation du jeu électoral ci-dessus énoncés, ne suffisent pas à restaurer l'enthousiasme des citoyens à la participation. Il faut aussi asseoir les bases d'un système partisan plus compétitif en acceptant des règles de jeu plus équitables et transparentes.

Paragraphe II : L'établissement d'un système compétitif

Le dynamisme de la participation des citoyens aux consultations électorales réside dans les opportunités de choix. Ainsi, peuvent renforcer le système compétitif, l'ouverture du jeu électoral (A) et le renouvellement régulier du personnel politique (B).

A- L'ouverture du jeu électoral

L'ouverture du jeu électoral s'analyse sous l'angle de la liberté de choix. L'élection étant un choix, la liberté du vote qui présuppose la garantie d'un pluralisme doit être une réalité. Cette liberté n'a réellement de sens que si les candidats en compétition sont à armes égales. Mais, elle est aussi accompagnée d'un accès effectif aux fonctions électives par tout citoyen.

En effet, quand bien même la Constitution du 11 juin 1991 proclame le droit de tous les burkinabé à participer à la gestion des affaires de l'Etat110, il n'en demeure pas moins que le principe connaît une application sélective. C'est le problème de l'application effective des règles touchant à l'environnement de la compétition politique. En réalité, jusqu'à nos

108 Idem, p. 238

109 Idem, P. 239

110 Art. 12 de la Constitution du 11 juin 1991

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jours, la majorité et l'opposition sont tous unanimes contre l'adoption d'une loi autorisant les candidatures indépendantes. Les candidatures à toute élection sont donc parrainées par les partis ou formations politiques qui détiennent le monopole de la présentation des candidatures. Il s'ensuit que la désignation des candidats aux consultations électorales ne peut qu'obéir aux critères définis par chaque parti qui décide de celui qui défendra ses couleurs.

Le constituant originaire ainsi que le législateur se sont, jusque là, réservés d'établir des règles en la matière. Le processus de désignation des candidats aux fonctions électives reste un apanage de la direction de chaque parti. Ce qui implique que la validation d'une candidature peut subir les caprices ou manipulations de la direction du parti surtout lorsque la compétition interne est inexistante111. En effet, la sélection des candidats aux élections est le plus souvent fondé sur des critères subjectifs notamment «les raisons de compagnonnage, de subordination»112 plutôt que sur le mérite et les compétences. Le jeu politique se trouve alors restreint, peu compétitif dès l'étape de la sélection des candidats. Ce qui réduit avant tout les possibilités offertes aux électeurs. D'où la nécessité d'ouvrir le jeu en vue d'une participation plus inclusive.

En plus de cette ouverture interne aux partis politiques, il importe d'entreprendre un assainissement du jeu électoral. Cela consiste pour le parti au pouvoir à l'abandon de toute pratique visant à soutenir expressément ou implicitement la fragmentation et les dissidences internes des partis d'opposition113. Ce genre de manoeuvres politiques empêche la construction d'une alternative crédible en dehors de la majorité. Le «débauchage du principal parti de l'opposition (CNPP/PSD en 1996, ADF/RDA en 2005)»114 eut pour effet de verrouiller davantage le jeu électoral au lieu d'aménager des garanties effectives pour une opposition forte et compétitive. Cette manoeuvre a abouti, pour le premier cas, à une surreprésentation du CDP à l'hémicycle avec 101 députés sur 111 contre 10 pour l'opposition, soit quatre (4) partis politiques représentés à l'Assemblée Nationale et, pour le second, à un raz de marée électoral (80,30% des suffrages exprimés) pour le Président sortant en 2005.

111 L'unique compétition à l'interne fut l'organisation des primaires au sein du CDP, dans la perspective des élections législatives du 11 mai 1997.

112 IBRIGA (L.M) et TOE (M.M), Rapport d'étude sur l'exercice du libre choix électoral au Burkina Faso, Ouagadougou, GERDDES, 2007, p.48.

113 L'exemple qui a le plus défrayé la chronique judicaire est sans contexte le cas du PAI auquel il faut ajouter l'éclatement de l'OBU. Interrogé à ce sujet, Mr Salif DIALLO n'a pas éludé son rôle en disant «(...) donc de temps en temps si on peut accélérer leur décomposition interne, on le fait, c'est tout à fait logique (...) » in CGD, op cit, p 56

114 CGD, op. cit, p.37.

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En effet, une compétition ouverte requiert à la fois des challengers sérieux et disposant de ressources financières pour leur campagne. Ce d'autant plus que l'apathie du corps électoral, en général, renforce le statu quo.

En somme, pour des élections plus compétitives et une participation soutenue des électeurs, le parti au pouvoir doit renoncer aux pratiques monopolistiques et accepter la construction d'une opposition, afin de crédibiliser le système démocratique à l'intérieur du pays. Mieux, il convient d'instituer la pratique de renouvellement du personnel politique afin de poser les bases d'une alternance pacifique au pouvoir.

B- Le renouvellement du personnel politique

La responsabilisation des citoyens dans le processus électoral passe par la mise en oeuvre d'un mécanisme transparent d'accession aux fonctions électives. C'est ce qui pourra provoquer un afflux d'individus citoyens nouveaux aux responsabilités politiques.

La solution consiste essentiellement à la limitation du nombre de mandats successifs115 et consécutivement la circulation ou la rotation des élites politiques. La mise en application de ce procédé ne peut qu'entraîner un regain de participation et éviter la constitution de carrières politiques sclérosantes qui s'étalent sur des décennies116. En effet, la scène politique burkinabé reste encore dominée par ceux-là même qui ont conduit le processus de transition démocratique. Un tel ancrage immodéré des dirigeants politiques donne l'impression qu'ils s'attachent à un «métier»; ce qui interdit, de facto, aux autres citoyens de prendre leur part de responsabilité dans la gestion de la République. La politique ne doit, cependant, pas être considérée comme un métier, parce que cela reviendrait à dire que l'on fait la politique pour obtenir une situation rémunératrice. L'engagement politique doit plutôt résulter d'une conviction politique et idéologique; et cela doit se faire indépendamment du métier de subsistance. Ceci, afin d'éviter que ceux qui parviennent à accéder aux fonctions électives ne verrouillent pas le système pour assurer mieux leur carrière. D'où le bien-fondé de la limitation du nombre de mandats consécutifs qui permet de promouvoir des élections plus compétitives. Cela est d'autant plus nécessaire que la culture démocratique des élites et des populations est fragile. L'absence de clause limitative conduit à une réélection presque mécanique du ou des candidat(s) sortant(s) du fait des avantages énormes qu'ils possèdent par rapport à leurs challengers. Ces

115 Cette limitation, pour revêtir une importance significative, doit concerner à la fois le mandat présidentiel, celui de député mais aussi de maire.

116 L'élite politique actuelle est composée essentiellement des acteurs de la Révolution d'Août, totalisant ainsi plus de deux (2) décennies de pouvoir.

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avantages consistent au développement de diverses pratiques clientélistes qui renforcent l'exclusion et l'échec des autres candidats ou formations politiques. A cela, s'ajoutent également les conceptions traditionnelles du pouvoir qui ne prévoient pas le remplacement du chef encore vivant.

Pour donc assainir la vie démocratique, il importe d'éviter qu'une même personne puisse rester à un poste ou une fonction élective pendant vingt (20) ans. Il faut, au contraire, permettre à des femmes et à des hommes nouveaux de partager les responsabilités locales et nationales. En outre, les multiples candidatures d'un homme politique n'ont en réalité rien à voir avec un engagement profond et sincère. C'est pourquoi, il est plus que nécessaire de renforcer la culture démocratique des citoyens pour faire barrage à toute dérive vers une pseudo-démocratie plébiscitaire117.

Section II : L'approfondissent de la culture démocratique

Le succès d'un ancrage démocratique, c'est-à-dire un niveau de participation acceptable, requiert la satisfaction de quelques conditions minimales parmi lesquelles figurent la promotion d'une citoyenneté active (§I) et la culture de la responsabilité politique (§II) qui feront l'objet de la présente rubrique.

Paragraphe I : La promotion d'une citoyenneté active

Dans le présent paragraphe, seront examinés deux types de moyens qui puissent permettre aux électeurs d'accéder à une citoyenneté active. Ce sont : la vulgarisation de l'information politique (A) et l'éducation au mode compétitif de dévolution du pouvoir (B).

A- La vulgarisation de l'information politique

Cette question renvoie à l'application des principes de l'égal accès de tous les citoyens à l'information, de l'impartialité et de la neutralité qui doivent encadrer son traitement. De ce point de vue, les instances de régulation de l'information doivent garantir l'indépendance des médias à l'égard des pouvoirs politiques. Sans une véritable liberté de presse qui est une composante essentielle de l'édifice démocratique, le citoyen ne disposera d'aucun repère qui puisse lui permettre de jouer pleinement sa partition dans la construction d'un véritable Etat de droit. C'est à ce titre qu'aucune discrimination ne doit être tolérée entre les partis politiques ou candidats dans l'accès aux médias publics qui devraient obéir à un

117 LOADA (A.M.G), La limitation des mandats présidentiel en Afrique, Revue électronique, afrilex n° 03/2003, p.32

49

cahier de charges, en vue d'en garantir l'accès équitable des partis politiques. Leurs activités doivent faire l'objet d'une couverture et nécessairement d'une rediffusion au moins. Une couverture équitable des activités des différentes sensibilités politiques permet au citoyen de bénéficier d'une pluralité d'information nécessaire à la réalisation de ses droits et devoirs politiques.

Mais, au-delà du respect du pluralisme de l'information, il convient de veiller à ce que cette information politique soit également équitable. C'est-à-dire qu'il ne doit pas avoir une grande disproportion dans le temps d'antenne et/ou de parole accordés aux acteurs politiques, aussi bien en période de campagne électorale qu'en dehors des échéances électorales.

Le législateur doit prévoir des dispositions faisant obligation aux partis politiques de concevoir et faire publier leur programme. L'élaboration d'un programme comporte des effets symboliques majeurs comme le soutiennent LOADA (A.M.G) et IBRIGA (L.M) «elle permet d'attester de la crédibilité ou du sérieux du parti qui estime avoir vocation à gouverner ; ensuite elle permet, d'un point de vue pédagogique, de «socialiser» les militants ou le grand public c'est-à-dire de les amener à intérioriser, assimiler les normes, valeurs et dispositions essentielles du projet de société auxquelles le parti est attaché»118

Ainsi, c'est à travers un effort continu d'assurer l'équilibre des différentes opinions qui rythment la vie socio-politique nationale que les citoyens pourront accéder à l'information nécessaire pour leur épanouissement politique.

B- L'éducation au mode compétitif de dévolution du pouvoir

L'éducation à la citoyenneté démocratique pourrait se définir comme toute action éducative (formelle, non formelle ou informelle) permettant à un individu d'agir en tant que citoyen actif et responsable. Une telle éducation permettrait aux citoyens de participer à la construction d'un véritable Etat démocratique dont l'un des piliers est l'alternance au pouvoir.

Pour ce faire, il importe de donner aux citoyens les moyens de s'affranchir des pratiques obstructives à la démocratie tel que le culte du chef qui constitue un blocage à l'alternance et un motif suffisant à la non-participation d'une frange de la population.

118 LOADA (A.M.G) et IBRIGA (L.M), op. cit, p.286.

50

Aussi, conviendrait-il de mettre en oeuvre une éducation civique des populations, des campagnes de sensibilisation et d'alphabétisation à travers des programmes d'éducation non formelle. A cet effet, il est question d'expliquer les valeurs fondamentales, l'importance et les vertus que recouvre la notion de citoyen notamment ses droits et devoirs électoraux et la liberté dont il dispose quant au choix politique qu'il peut opérer.

La réussite d'une telle oeuvre incombe à tous les acteurs de la vie politique et sociale. Ainsi, si les partis et formations politiques ont pour rôle de contribuer à l'encadrement politique et idéologique de leurs militants, les organisations de la société civile ainsi que tous les leaders d'opinion doivent les appuyer quotidiennement. Les organisations de la société civile doivent aussi sensibiliser l'opinion publique sur l'importance de l'existence d'une opposition et de son acceptation. C'est, d'ailleurs, ce à quoi s'attèle le CGD dont il convient de soutenir l'action.

En outre, l'éducation citoyenne vise à faire comprendre au citoyen qu'il est libre et peut librement choisir telle ou telle idéologie défendue par un parti politique et voter pour son candidat ou parti de choix, sans aucune répercussion fâcheuse ultérieure. Ainsi, qu'il s'agisse des sociétés à pouvoir centralisé ou non, l'autorité du chef traditionnel et/ou de la famille ne doit pas continuer à influencer le choix politique, ni la participation du citoyen. Les citoyens doivent être également à mesure de distinguer le pouvoir traditionnel détenu des ancêtres qui ne peut être soumis à compétition ouverte du pouvoir politique moderne qui est conquis à l'issue d'élections démocratiques, pluralistes et concurrentielles. Les élections ne doivent en aucun cas consister en une simple légitimation extérieure du pouvoir.

En définitive, l'ensemble des acteurs ont pour mission essentielle de travailler à rassurer le citoyen afin qu'il ait une participation utile et efficace. Il y va de la réussite du système démocratique qu'il importe de renforcer par la culture de la responsabilité politique.

Paragraphe II : La culture de la responsabilité politique

Le système politique doit reposer sur des mécanismes qui encouragent une bonne participation du public aux consultations électorales et à la formation de la représentation politique. Pour cela, il convient de mettre un accent particulier sur l'encadrement politique des populations d'une part (A) et d'autre part, de rapprocher l'élu du citoyen (B).

51

A- L'encadrement politique des populations

L'encadrement politique des citoyens est une fonction consacrée par la Constitution du 11 juin 1991 qui dispose en son article-13 que les partis et formations politiques «concourent à l'animation et à l'éducation du peuple ainsi qu'à l'expression du suffrage». Cette consécration suprême place les partis et formations politiques au centre de l'activité et de la représentation politiques. Ils ont la mission de concourir toujours à la formation de la volonté générale en ce sens qu'ils influencent, orientent ou guident l'opinion grâce aux débats qu'ils provoquent. Ces débats permettent à leurs militants de base de se prononcer sur la ligne politique et idéologique du parti. Les débats sont censés prendre en compte les attentes réputées émaner de la société, qu'il s'agisse d'exigences formulées ou «d'insatisfactions et d'espérances polymorphes, informulées, fluides, auxquelles les partis vont donner un contenu explicite»119. Ainsi, la prise en compte des attentes sociales des populations participe à l'émergence d'une responsabilité politique chez les citoyens.

Cependant, force est de constater que la quasi-totalité des partis et formations politiques au Burkina Faso résument leur rôle à l'expression du suffrage. A titre illustratif, seuls 47 partis politiques des 126 que comptait le pays, à la veille des élections législatives de 2007, ont présenté des listes120. Ce qui dénote une quasi-inexistence de ces partis sur la scène politique. C'est seulement lors des échéances électorales qu'ils font leur apparition et demeurent, à l'exception de quelques uns, méconnus du grand public; alors que ce sont les partis politiques qui doivent susciter et maintenir l'intérêt des populations pour le processus électoral.

Pour l'instauration d'une démocratie véritable, les partis politiques doivent assumer pleinement la mission qui leur est dévolue par la Constitution (art.13). Ils doivent développer et mener des activités de sensibilisation et de formation sur le militantisme en direction du public et plus particulièrement de la jeunesse.

Les partis politiques, en tant qu'organisations, doivent également être des vecteurs de l'intégration sociale en favorisant, par le biais de leur doctrine, programmes ou thèmes de campagne, la prise de conscience collective et le vote comme l'expression d'une appartenance sociale.

119 BRAUD (Ph.) Sociologie politique, 6ème éd, Paris, LGDJ, 2002, p.429

120 CGD Info, N°008/2009, p.02.

52

Par ailleurs, il importe d'envisager la rationalisation du paysage partisan. Ceci, à l'effet de favoriser la constitution de grandes formations politiques solidement implantées, à vocation majoritaire et ayant un poids politique et une image publique beaucoup plus forte en raison du nombre de leurs électeurs et de l'importance des mandats qu'ils détiendraient. Le système partisan doit donc être bâti autour de grandes formations qui alternent au pouvoir à l'issue d'un processus électoral transparent. Il s'agira ainsi de faire en sorte que les élections soient pourvues d'enjeux véritables avec des stratégies politiques de séduction des électeurs, axées non pas sur des promesses électoralistes mais sur des projets de société et des programmes de gouvernement à la fois crédibles et durables.

Du reste, si les partis et formations politiques doivent s'attacher à faire du citoyen, libre et responsable, la base de l'édifice démocratique, il leur faut également savoir créer une proximité entre leurs élus et les citoyens; question d'établir une confiance entre ces deux maillons essentiels de la démocratie.

B- La proximité entre citoyens et élus

La compétence politique, nécessaire à une participation démocratique efficiente, ne peut produire ses pleins effets que dans le cadre d'un espace public d'échanges entre gouvernants et gouvernés.

En effet, la pleine citoyenneté nécessite, au-delà des formes traditionnelles de participation politique propres à la démocratie représentative, la création et le développement d'un espace public d'échanges entre citoyens et élus. Pourtant, à l'observation, le paysage politique et institutionnel burkinabè paraît dépourvu d'un tel espace. L'une des rares occasions qui est offerte aux citoyens et aux élus d'échanger sur les affaires de la république fut le sporadique forum Assemblée Nationale/Société civile. Alors que, comme l'a si bien remarqué Philippe BRAUD121, «il ne suffit pas, en démocratie, que les gouvernés soient représentés, il faut encore qu'ils le ressentent. C'est là un élément important de la légitimité du régime politique, voire de son efficacité sociale».

A cet égard, il apparaît que la représentation proportionnelle ne semble pas favoriser de rapports étroits entre l'élu ou le candidat et les citoyens. En effet, elle distend les liens des élus avec leurs circonscriptions dans la mesure où ils savent qu'ils ont davantage intérêt à

121 BRAUD Ph, op, cit, p 355

53

développer leur loyalisme plus envers la direction de leur parti qu'envers leurs électeurs122.

Les élus issus d'un mode de scrutin plurinominal ont peu d'attaches avec les citoyens, surtout si la circonscription électorale est particulièrement étendue. Tel est le cas des élus issus de la liste nationale aux élections législatives burkinabè123.

La sélection des candidats qui dépend des états-majors des partis et formations politiques est parfois plus importante que l'élection elle-même124. Les élus dans ce cas n'ont pas de raisons décisives de se mettre intensément à l'écoute des électeurs. L'important est surtout de conserver des titres de mérite ou faire preuve de subordination à la direction du parti qui les a fait élire125.

Pour renouer avec le citoyen, il importe, d'abord, d'accorder une place de choix aux militants de base dans le processus de sélection des candidats à toute élection. Les partis et formations politiques devraient recourir à des assemblées primaires ouvertes à des non-adhérents qui participent au processus de sélection. La direction du parti n'aurait pour prérogative que la confirmation des investitures localement effectuées.

Ensuite, le citoyen doit avoir l'opportunité d'entamer un véritable débat démocratique face au candidat ou à l'élu. Cela peut se faire par le canal des médias et dans une moindre mesure par les conférences et/ou causeries-débats organisées par les directions de partis. Ce qui permettrait d'établir une communication fluide entre la direction du parti et sa base sociale.

Enfin, la mise en place de mécanismes d'imputabilité politique permettra de mettre en avance la responsabilité des gouvernants et, partant, d'entraîner une large participation des citoyens. C'est seulement à ce prix que peuvent être préservés les acquis démocratiques enregistrés depuis l'adoption de la 4ème république, en 1991 et le processus de consolidation de la démocratie.

122 LOADA A.M.G, «Le mode de scrutin », in La réforme du système électoral au Burkina Faso, Ouagadougou, IDEA, 1999, p.81.

123 Vingt et un (21) des cent onze (111) sièges de députés à l'Assemblée Nationale sous la 3ème législature puis quinze (15) sous l'actuelle, sont pourvus sur la liste nationale.

124 En réalité, dans la plupart des cas les questions d'investitures sont réglées à l'exclusion des adhérents.

125 A ce propos, les motifs d'invalidation de listes du PAI pour les législatives de mai 2007 par la CENI, sont illustratifs.

54

CONCLUSION

Après deux expériences éphémères de multipartisme, le Burkina Faso, à la faveur de la restauration démocratique en 1991, a organisé sans discontinuité plusieurs élections concurrentielles. L'analyse de cette série d'élections laisse apparaître un taux de participation peu élevé. Les taux de participation officiellement présentés deviennent insignifiants dès qu'ils sont rapportés au potentiel électoral existant. Ces taux de participation varient d'un scrutin à un autre et d'un type de scrutin à un autre.

Ainsi, il ressort des résultats de la participation que l'électorat burkinabè se mobilise un peu plus aux scrutins référendaires avec, toutefois une baisse tendancielle (75,92% en 1970 ; 71,45% en 1977 et 48,78% en 1991).

Cette mobilisation fléchit davantage au cours des scrutins concurrentiels. La mobilisation aux scrutins présidentiels paraît plus conséquente par rapport à celle enregistrée au cours des scrutins de types proportionnels.

Sous la 4ème république, le niveau de participation aux scrutins législatifs et présidentiels a régressé après le premier renouvellement de mandats des Députés en 1997 et du Président du Faso en 1998.

Avec la communalisation intégrale, le niveau de participation aux consultations locales continue de décroître puisqu'il passe de 48,38% en 1995 à 28,69% en 2006.

Le constat de la faible participation des citoyens aux consultations électorales s'explique par deux types de facteurs complémentaires. Ainsi, sont constitutifs d'obstacles à la participation, la pauvreté et le manque de démocratie sociale d'une part et d'autre part, le manque d'alternative politique et d'enjeux aux scrutins électoraux.

Cette forte réserve de l'électorat dont les causes sont connues n'est pas sans danger pour la consolidation du système démocratique burkinabè car elle pose le problème de la légitimité que doit conférer une élection à une l'autorité politique, d'autant plus que la démocratie repose sur l'expression de la volonté populaire. S'il est vrai que le constituant burkinabè ne conditionne pas la validation d'un scrutin par l'atteinte d'un seuil minimum de taux de participation, la participation d'une minorité de citoyens peut constituer une menace à la stabilité sociale.

L'expérience a montré, de manière éloquente, qu'une dégradation profonde et durable d'un système politique aboutit à toutes les aventures, surtout militaires qui marquent

55

d'ailleurs leur retour en Afrique occidentale. En témoignent les exemples guinéens, mauritanien, nigérien ou ceux caractérisés par les crises prolongées au Togo ou en Côte d'Ivoire.

D'où la nécessité de renforcer le processus électoral par la création d'un environnement électoral favorable, la rationalisation du paysage partisan afin de susciter une meilleure participation des citoyens. A cet effet, partis politiques, organisations de la société civile, acteurs de l'éducation mais aussi citoyens ont tous une responsabilité dans la conquête d'une participation citoyenne.

Les élections étant essentielles en démocratie, il apparaît nécessaire d'éviter qu'elles servent seulement à légitimer le pouvoir des élites gouvernementales pour les besoins de respectabilité internationale.

En effet, les élections doivent rester un moyen par lequel le peuple confère le pouvoir. Ce faisant, convient-il de redoubler d'efforts et surtout d'engagement pour parvenir à inculquer les réflexes démocratiques à la majorité des citoyens. Lorsqu'il s'agit de la plus grande majorité de la population qui s'illustre par son désintérêt au processus électoral, cela doit préoccuper aussi bien la classe politique que la société civile. Déjà, dans la perspective de la prochaine élection présidentielle, la CENI n'aura obtenu, à l'issue de l'opération de recensement électoral, que l'inscription de 3.330.792 citoyens sur les listes électorales, sur environ sept millions de Burkinabè en âge de voter, soit un taux d'inscription de 47,58%. N'est-ce pas là un signal de désapprobation aux intentions plus ou moins affichées du parti au pouvoir de lever la clause limitant le nombre de mandats présidentiels consécutifs à deux? Il s'agit du plus faible taux d'inscription dans l'histoire constitutionnelle du Burkina Faso et les partisans de la non-limitation du nombre de mandats doivent en tenir compte, dans le débat autour de l'article 37 de la Constitution.

Au delà de la faible représentativité des élus, ne se trouve-t-il pas posée la question de l'efficacité de la démocratie représentative dans un pays où la majorité de la population reste encore attachée aux valeurs culturelles et traditionnelles qui véhiculent des logiques de dévolution du pouvoir en inadéquation avec le principe du suffrage universel?

Pour rendre le processus démocratique irréversible, il convient de veiller à ce qu'aucune fracture ne s'établisse entre le peuple et les institutions qui doivent répondre à ses attentes. Dans cette perspective est-il permis d'espérer que l'institution d'un chef de file de l'opposition contribuera à relever le niveau de participation électorale au Burkina Faso ?

56

Bibliographie

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57

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- CGD Info, La participation électorale au Burkina Faso, N°005/2009.

- Sidwaya N°6550 du 13 au 15 novembre 2009.

- Indépendant N°850 & 851du 22 au 29 décembre 2009.

- Indépendant n°864 du 30 /03/2010.

Documents et textes officiels

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- J.O.R.H.V: 1970, 1977, 1978.

- J.O.B.F: 1991, 1992.

- La loi N°14-2001/AN du 03 juillet 2001, portant code électoral au Burkina Faso, ensembles ses

modificatives.

58

Table des matières

AVERTISSEMENT I

DEDICACE II

REMERCIEMENTS III

INTRODUCTION 2

TITRE I: ANALYSE DIAGNOSTIQUE DE LA PARTICIPATION ELECTORALE. 6

Chapitre I: Le niveau de la participation électorale 6

Section I: Le niveau de participation électorale dans les scrutins majoritaires 6

Paragraphe I: Au cours des scrutins référendaires 6

A- Les référendums de 1970 et 1977 6

B- Le référendum de 1991 8

Paragraphe II: Au cours des scrutins majoritaires à deux tours 10

A- Les élections présidentielles sous la 3ème République 10

B- Les élections présidentielles sous la 4ème République 11

Section II: Le niveau de participation électorale dans les scrutins proportionnels 13

Paragraphe I: Au cours des élections législatives 13

A- Les élections législatives sous la 2ème et la 3ème République 13

B- Les élections législatives sous la 4ème République 15

Paragraphe II: Au cours des élections municipales 17

A- Les élections municipales de 1995 et 2000 17

B- Les élections municipales de 2006 18

Chapitre II: Les déterminants de la participation électorale 20

Section I: Les règles favorables à la mobilisation électorale 20

Paragraphe I: L'existence d'un cadre normatif et institutionnel favorable 20

A- Le principe de la liberté de participation 20

B- Le consensus politico-institutionnel 21

Paragraphe II: Le recours aux règles non conventionnelles 22

A- L'intérêt pour la politique 23

B- La mobilisation des réseaux communautaires et clientélistes 24

Section II: Les obstacles à la participation électorale 25

Paragraphe I: Les obstacles socio-économiques 26

A- La pauvreté et le coût de la participation 26

B- La négation de la dimension sociale de la démocratie 27

Paragraphe II: Les obstacles politiques 28

A- Le manque d'alternative politique 28

B- L'absence d'enjeux des scrutins 30

TITRE II: LA PORTEE DE LA FAIBLE PARTICIPATION ELECTORALE 32

Chapitre I: Les implications de la faible participation électorale 32

Section I: Les implications sur le pouvoir politique 32

Paragraphe I: L'affaiblissement de la légitimité politique et institutionnelle. 32

A- La faible légitimité des élus 32

B- Le non respect de l'autorité politique 33

Paragraphe II: L'accroissement de l'instabilité sociale 34

A- L'émergence de la contestation sociale 34

B- L'émergence d'une opposition informelle 35

59

Section II: Les implications sur l'ancrage de la gouvernance démocratique 37

Paragraphe I: L'hypothèque de l'alternance démocratique 37

A- L'hégémonie de la classe dirigeante 37

B- La clôture du jeu électoral 38

Paragraphe II: La non-effectivité du principe de la majorité démocratique 39

A- L'exclusion des citoyens du processus décisionnel 39

B- Les entraves à l'enracinement de la gouvernance locale 40

Chapitre II: Les conditions d'une bonne participation électorale. 42

Section I: La création d'un environnement électoral favorable 42

Paragraphe I: La crédibilisation du jeu électoral 42

A- La nécessaire effectivité de l'indépendance des institutions électorales 42

B- La garantie de la sincérité des scrutins 44

Paragraphe II: L'établissement d'un système compétitif 45

A- L'ouverture du jeu électoral 45

B- Le renouvellement du personnel politique 47

Section II: L'approfondissent de la culture démocratique 48

Paragraphe I: La promotion d'une citoyenneté active 48

A- La vulgarisation de l'information politique 48

B- L'éducation au mode compétitif de dévolution du pouvoir 49

Paragraphe II: La culture de la responsabilité politique 50

A- L'encadrement politique des populations 51

B- La proximité entre citoyens et élus 52

CONCLUSION 54

BIBLIOGRAPHIE 56

OUVRAGES 56

MEMOIRES 56

RAPPORTS 57

TABLE DES MATIERES 58

ANNEXE 1: TABLEAUX RECAPITULATIFS DE LA PARTICIPATION AUX SCRUTINS. V

ANNEXE 2: REPRESENTATIONS GRAPHIQUES DES NIVEAUX DE PARTICIPATION VII

V

Annexe 1: Tableaux récapitulatifs de la participation aux scrutins.

1-Tableau récapitulatif de la participation aux scrutins référendaires

Années

Potentiel
électoral

Nbre
d'inscrits

TI

Nbre de
votants

Suff. Exp.

Bulletins nuls

TP

TPR

Bulletins
favorables

1970

 

2.351.258

 

1.815.271

1.782.761

22.140

75,92%

 

98,41%

1977

 

2.759.924

 

1.955.105

1.923.923

31.182

71,45%

 

98,70%

1991

4.500.000

3.403.451

75,63%

1.656.519

1.618.910

39.529

48,65%

36,89%

93%

2-Tableau récapitulatif du niveau de participation aux scrutins présidentiels.

Années

Potentiel
électoral

Nbre
d'inscrits

TI

Nbre de
votants

Suff. Exp.

Bulletins
nuls

TP

TPR

1978
1er Tour

 

2.889.312

 

1.029.404

1.000.788

28.616

35,19%

 

2nd

Tour

 

2.972.526

 

1.279.008

1.255.841

23.167

43,55%

 

1991

4.500.000

3.466.548

77,02%

870.707

750.473

120.234

25,28%

19,28%

1998

5.000.000

4.210.134

84,52%

2.361.294

2.264.293

97.001

56,09%

47,39%

2005

6.000.000

3.924.328

65,40%

2.262.899

2.066.270

196.629

57,66%

37,71%

3-Tableau récapitulatif du niveau de participation électorale aux scrutins législatifs.

Années

Potentiel électoral

Nbre d'inscrits

TI

Nbre de votants

Suff. Exp.

Bulletins nuls

TP

TPR

Nbre de partis en compétition

1970

 

2.398.688

 

1.157.039

1.112.883

43.814

48,24%

 

08

1978

 

2.927.416

 

1.121.799

1.070.304

51.495

38,32%

 

07

1992

4.500.000

3.564.510

79,21%

1.256.381

1.215.419

40.962

35,24%

27,91%

27

1997

5.000.000

4.985.352

99,70%

2.220.161

2.045.350

174.811

44,53%

44,40%

13

2002

5.490.800

2.935.285

53,03%

2.223.838

1.743.964

154.581

60,69%

32,19%

30

2007

6.539.000

4.296.982

65,71%

2.437.544

2.259.263

178.279

56,73%

37,27%

47

vi

4-Tableau récapitulatif de la participation aux élections communales.

Années

Potentiel électoral

Nbre d'inscrits

TI

Nbre de votants

Suff. Exp.

Bulletins nuls

TP

TPR

Nbre de partis en compétition

1995

750.000

585.000

69,50%

362.876

349.998

12.878

69,61%

48,38%

18

2000

1.139.959

546.614

47,95%

368.517

360.889

7.628

66,02%

31,65%

25

2006

6.516.000

3.807.424

58,48%

1.870.017

1.755.083

114.934

49,12%

28,69%

73

5-Tableau récapitulatif de la participation électorale sous la 4ème république.

Années

Potentiel électoral

Nbre d'inscrits

TI

Nbre de votants

Suffrages exprimés.

Bulletins nulls

TP

TPR

1991-Réf

4.500.000

3.404.451

75,63%

1.656.519

1.618.910

39.529

48,65%

36,89%

1991-Prés

4.500.000

3.466.548

77,02%

870.707

750.473

120.234

25,12%

19,28%

1992-Lég

4.500.000

3.564.510

79,21%

1.256.381

1.215.419

40.962

35,24%

27,91%

1995-
Muni

750.000

585.000

69,50%

362.876

349.998

12.878

69,61%

48,38%

1997-Lég

5.000.000

4.985.352

99,70%

2.220.161

2.045.350

174.811

44,53%

44,40%

1998-Prés

5.000.000

4.210.134

84,52%

2.361.294

2.264.293

97.001

56,09%

47,39%

2000-Muni

1.139.959

546.614

47,95%

368.517

360.889

7.628

66,02%

31,65%

2002-Lég

5.490.800

2.935.285

53,03%

2.223.838

1.743.964

154.581

60,69%

32,19%

2005-Prés

6.000.000

3.924.328

65,40%

2.262.899

2.066.270

196.629

57,66%

37,71%

2006-Muni

6.516.000

3.807.424

58,48%

1.870.017

1.755.083

114.934

49,12%

28,69%

2007-Lég

6.539.000

4.296.982

65,71%

2.437.544

2.259.263

178.279

56,73%

37,27%

Légende: lég= législatives; muni= municipales; prés= présidentielle; réf= référendum

6-Evolution du nombre de candidats et de partis politiques aux élections législatives

Années

1978

1992

1997

2002

2007

 

Nombre de candidats

312

957

569

3540

3748

Nombre de partis en compétition

7

27

13

30

47

Nombre de partis siégeant à l'AN

5

10

4

15

13

vii

Annexe 2: Représentations graphiques des niveaux de participation

1-Graphique des inscriptions sur les listes électorales

2-Graphique de la participation des inscrits

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

%

 
 
 
 
 

69,61 66,02

 

TP

56,09 56,73

 

44,53

 

35,24

25,12

 

48,65

60,69 57,66

49,12

1991-

Réf

1991-

Prés

1992-

Lég

1995-

Muni

1997-

Lég

1998-

Prés

2000-

Muni

2002-

Lég

2005-

Prés

2006-

Muni

2007-

Lég

viii

3-Graphique de la participation réelle au Burkina Faso.

% TPR

1 0 0

9 0

7 0

6 0

3 1 ,6 5 3 2 ,1 9

3 7 ,7 1

3 7 ,2 7

3 6 ,8 9

1 9 9 1 -

Ré f

1991-

Prés

1 9 9 2 -

L é g

1 9 9 5 -

M uni

1 9 9 7 -

L é g

1998-

Prés

2 0 0 0 -

M uni

2 0 0 2 -

L é g

2005-

Prés

2006-

Muni

2 0 0 7 -

L é g

4 0

3 0

2 0

1 0

0

1 9 ,3 0

2 7 ,9 1

2 8 ,6 9

8 0

1991-

1992-

1995-

1997-

2000-

2002-

2006-

2007-

Réf

Lég

Lég

Lég

Lég

Muni

Muni

Muni

1991-

Prés

1998-

Prés

2005-

Prés

5 0

4 8 ,3 8 4 4 ,4 0 4 7 ,3 9

TI TP TPR

%

100

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0

4-Synthèse des graphiques de la participation électorale sous la quatrième république






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote