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Interventions éducatives visant la réduction de la violence dans le cadre de projets d'insertion professionnelle destinés aux anciens détenus

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par Régis Verhaegen
CPFB (UCL) - Baccalauréat en éducation spécialisée 2003
  

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3.2 Facteurs psychobiologiques

Depuis le début de l'histoire de l'humanité, certains produits utilisés par l'être humain sont connus pour modifier le comportement. La science en a maintenant découvert les mécanismes : ils agissent sur le cerveau et le système nerveux grâce à différentes substances qui affectent la plupart du temps les récepteurs synaptiques. (Horel et Lentin, 2005)

Par le même principe, chacun peut expérimenter le fait qu'un vécu psychique intense (comme la colère) s'accompagne de toute une série de symptômes physiologiques facilement détectables : tremblement, hérissement des poils, accélération du rythme cardiaque et respiratoire, transpiration, changement de couleur au niveau du visage (qui rougit ou deviens blême), augmentation de la tension artérielle... Certains pensaient que le vécu psychologique était induit par des éléments physiques (théorie de Jammes-Lange), d'autres que les éléments physiques et psychiques n'avaient rien à voir l'un avec l'autre (théorie de Cannon-Bard). Ces deux idées appartiennent maintenant au passé. Le concept le plus largement accepté et vérifié aujourd'hui est que l'un et l'autre se nourrissent. Des particularités physiques (surtout au niveau de la chimie intracérébrale) induisent des états émotionnels particuliers et nos émotions modifient considérablement le fonctionnement de notre corps grâce aux hormones notamment. (Traube 2002)

Plusieurs hormones participent aux comportements violents. Prenons par exemple la sérotonine, l'adrénaline et la testostérone. On pourrait penser que l'augmentation ou la diminution de ces hormones aurait un effet direct sur les comportements violents. On a longtemps pensé que la violence était liée à la testostérone puisque les comportements criminels les plus violents étaient dans leur grande majorité perpétrés par de jeunes individus mâles. L'expérimentation a montré qu'en pratique, la situation était nettement plus compliquée : l'injection d'androgène (comme la testostérone) peut avoir des effets apaisants de même que la prise d'amphétamine (stimulant artificiel ayant un effet similaire à l'adrénaline) est utilisée dans le traitement des personnes ayant des problèmes d'hyperactivité. Le système endocrinien est quelque chose d'extrêmement complexe, en constante interaction avec lui-même et avec l'état psychique de la personne.

Les chercheursKuo et Sullivan (2001) de l'université d'Illinois ont également mis en avant les liens existants entre fatigue et agressivité. La fatigue, parce qu'elle diminue l'efficacité des processus cognitif, amoindri notre capacité à gérer des situations complexes. Ils montrent également les nombreuses recherches qui ont mis en avant les liens entre fatigue et irritabilité (Thackray, Bailey, &Touchstone, 1979 ; Warm &Dember, 1986 ; Caprara &Renzi, 1981 ;Coccaro, Bergeman, Kavoussi, &Seroczynski, 1997 ; Kant, Smith-Seemiller, &Zeiler, 1998 ;Kavoussi&Coccaro, 1998 ; Stanford, Greve, & Dickens, 1995 in Kuo et Sullivan, 2001). La fatigue diminue également la capacité d'inhibition des comportements impulsifs (Brady, Myrick, &McElroy, 1998 ;Markovitz, 1995 ;Tuinier, Verhoeven, & Van Praag, 1996 in Kuo et Sullivan 2001). Ils démontrent ainsi que les individus fatigués, mentalement ou physiquement, ont davantage tendance à utiliser la violence comme mode de communication.

Interventions pratiques : revue de la littérature

Comme lors du chapitre précédent, les interventions pratiques de ce chapitre posent des problèmes éthiques et ont peu d'intérêt pour le travail d'éducateur.

Médication
L'usage de médicament psychoactif« permet d'atténuer ou de faire disparaître une souffrance psychique (anxiété, dépression, troubles délirants...). On distingue principalement 4 grandes classes de médicaments : les hypnotiques (somnifères et sédatifs), les anxiolytiques (tranquillisants), les antidépresseurs et les neuroleptiques (notamment les antipsychotiques). »30(*) Ces médicaments sont normalement utilisés pour éviter ou calmer les comportements violents dans les cas suivants : en cas de maladie psychique associée (l'exemple le plus courant pour les éducateurs est l'utilisation de méthylphénidate (rilatine) pour traiter letrouble de déficit de l'attention/hyperactivité), en milieu hospitalier ou dans les lieux ou les comportements agressifs peuvent induire d'importants risques pour les autres (dans les avions par exemple). On utilise également des médicaments pour les traitements inhibiteurs de la libido. Ces traitements visent à réduire le désir sexuel pour éviter la récidive chez les délinquants sexuels. La violence est donc traitée par médicament quand celle-ci est associée d'autres troubles. Il est nécessaire de passer par un diagnostic médical (psychiatrique) avant de bénéficier de ces traitements.

Automédication
Plusieurs théories existent (Tréposu 2003, Haxaire 2002, Briefer 2002, Lecours 2012) selon lesquelles la consommation de produits psychotropes (drogues, médicaments, alcool...) serait une forme d'automédication pour faire face aux symptômes de maladies psychiques, à différents types de souffrances (comme l'insomnie, la timidité, l'énervement, le stress) ou à des comportements difficiles à contrôler (comme les accès de colère qui peuvent mener à des agressions). Il est bien sûr évident que la consommation de produits psychoactifs (surtout quand elle est associée d'une dépendance et de syndromes de manque) peut aussi amener à des comportements violents.

Bien dormir
Bien que Kuo et Sullivan (2001) ont davantage axé leur étude sur les bienfaits de la nature sur le comportement agressif des citadins, les constatations qu'ils ont réalisées entre agressivité et fatigue nous amènent à penser qu'il pourrait être efficace de travailler sur l'un des éléments prépondérants concernant la fatigue : le sommeil.

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Médication
Il n'est pas du recours des éducateurs d'utiliser des médicaments pour les problèmes de violence. Pourtant, dans la période d'observation, il m'a été donné d'observer ce type d'intervention.

En décembre, nous cherchions un logement pour le sujet 3 qui s'était fait exclure de l'endroit où il vivait. Nous avions fait le tour des centres d'accueil de nuit pour personne sans domicile et avions entendu parler d'un foyer qui étrangement n'était pas repris sur les listes de foyers bruxellois. Nous avons réussi à avoir un rendez-vous pour éventuellement inscrire le sujet 3. Nous y sommes allés et avons rencontré un des éducateurs du foyer. Celui-ci nous a expliqué sans détour que le travail éducatif réalisé avec les bénéficiaires incluait la prise de médicaments psychoactifs (pour tous les bénéficiaires quelle que soit leur problématique). Nous avons abandonné l'idée d'y faire loger le sujet 3. Après avoir fait quelques recherches, nous nous sommes rendu compte que plusieurs associations avaient déjà essayé de faire fermer cette institution par des moyens judiciaires. Je ne pensais pas que ce type d'institution pouvait exister en Belgique.

Dans la même période, le sujet 3 a eu une infection au niveau de la bouche. Après avoir été à l'hôpital, nous avons été chercher les médicaments prescrits. Le sujet 3 a pris en un coup le quadruple de la dose d'antidouleurs et le triple de la dose d'antiinflammatoire qui avaient été prescrits. Face à notre étonnement, il nous a expliqué que, en prison, il en prenait beaucoup plus. Nous avons demandé au sujet 7 qui nous a expliqué qu'en prison, ils donnaient beaucoup de médicaments. Recherches prises (Stanescu 2007, Mbanzoulou 2000, Observatoire international des prisons 2013), il s'avère que c'est le cas en Belgique. Cela a différents objectifs : diminuer les risques de contagions (puisque la prison est un espace fermé particulièrement sensible à ce risque), contrôler le comportement des personnes atteintes de maladies mentales (qui, fautes de moyens, ne sontpas traités adéquatement) et accessoirement éviter les comportements violents des prisonniers. J'ai personnellement été choqué par cela. C'est malheureux d'observer que les prisons utilisent toutes sortes de moyens discutables et mettent de côté ceux qui peuvent avoir un impact durable : les moyens éducatifs.

Automédication
Sur les 7 sujets observés dans les sessions 1 et 2 (d'après leurs dires et nos observations), 3 (sujets 1, 3 et 6) avaient une consommation régulière31(*) de cannabis, d'alcool et d'autres drogues, 1 (sujet 7) avait une consommation régulière de cannabis et d'alcool, 1 (sujet 2) avait une consommation d'alcool occasionnelle et 2 (sujets 4 et 5) ne consommaient ni drogues ni alcool, mais avaient eu par le passé une consommation qu'ils jugeaient problématique. Cela nous amène à constater que 85% des participants ont ou ont eu une consommation régulière.

Nous ne sommes intervenus que lorsque la consommation intervenait sur le lieu de formation, quand ils arrivaient dans un état de consommation visible et handicapant pour le travail32(*) ou s'ils nous en faisaient la demande (ce qui n'est pas encore arrivé). Cela s'est fait par des recadrages oraux sur le moment ou par des discussions en privé quand le comportement était récurrent. J'ai personnellement recadré plusieurs fois le sujet 3 qui arrivait le matin en fumant du cannabis. Ma relation avec lui n'a jamais été très bonne et il a très mal pris ces recadrages. C'est un élément que je vais personnellement travailler dans ma pratique professionnelle : apprendre à mieux cadrer et à communiquer plus aisément avec les participants. Je suis actuellement à la recherche d'une formation sur le sujet.

Il est arrivé une fois qu'une dispute violente éclate entre le sujet 2 et le sujet 3. Il nous a semblé que les sujets 1 et 3 avaient, ce jour-là, consommé quelque chose pendant la pause de midi. Leurs comportements avaient été particulièrement irritants pour les autres participants. Après cet évènement et les discussions qui ont suivi, le sujet 1 n'est plus revenu dans le même état. Nous sommes intervenus auprès des sujets 1 et 3 parce qu'ils arrivaient en consommant du cannabis. Ces interventions ce sont avérées efficaces. Je ne pense pas qu'ils consommaient moins, mais ils le faisaient plus discrètement. C'est pour nous une réussite parce que, dans un contexte professionnel, ce sont des comportements qui ne pardonnent pas. Pour que notre intervention ait du sens pour eux, elle doit concerner directement le milieu professionnel. En dehors de cela, nous considérons qu'ils ne sont pas des enfants et qu'ils font ce que bon leur semble. C'est une attitude professionnelle que nous avons mise en place à la session 2. Je suis personnellement satisfait de ce changement parce que cela me permet de mettre une limite claire à mes interventions. Une limite qui a du sens pour le public.

Intervention sur la qualité du sommeil
Sur les 7 sujets observés, 4 (sujets 1,2, 3 et 7) présentaient régulièrement une fatigue importante33(*) à cause de comportements volontaires (aller volontairement dormir très tard ou passer une nuit blanche) et 3 (sujets 4, 5 et 3) du a des éléments involontaires (difficultés à trouver le sommeil). Cela revient à dire que 85% des sujets observés avaient des problèmes de sommeil.

Nous avons essayé d'intervenir sur la qualité des nuits de 3 sujets (1, 3 et 7) étudiés (et d'un participant qui n'est pas repris dans cette étude). Cela s'est fait de manière spontanée, en leur en parlant tout simplement. D'après leur dire et nos observations, cela s'est avéré efficace pour le sujet 7 (parce que c'est arrivé avec une prise de conscience générale d'un comportement qui dérivait doucement vers un retour à la criminalité) et pour le participant qui n'est pas repris dans cette étude (pour n'avoir jamais été en prison).

Lors de l'intervalle entre les sessions 3 et 4, nous allons probablement réfléchir à une manière d'intervenir de manière plus structurée sur la qualité de sommeil de ceux à qui cela pose problème.

* 30 Centre Hospitalier Esquirol Limoges. Définition de produits : médicaments psychoactifs. En ligne http://www.centrebobillot.fr/index.php?location=_def_produits&pageId=4&id_produit=371 consulté le 23 février 2014.

* 31 Plusieurs fois par semaine

* 32 L'un de nos principes d'intervention sur les savoir-être est de n'intervenir que si le savoir-être pose problème à un niveau professionnel. Ce principe a été décidé dans l'intervalle entre la session 1 et la session 2.

* 33 D'après les informations du journal de bord, au moins 6 fois sur les 4 mois. Ce sont également des informations qu'ils nous ont eux-mêmes données.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe