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Considerations historico-juridiques sur le regime politique haitien

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par Jhensly Endy Frederic
Faculte de Droit et des Sciences Economiques, UEH - Droit 2014
  

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B.- Le bicéphalisme de l'Exécutif haïtien instauré par la Constitution de 1987

L'exercice du pouvoir Exécutif est confié au Président de la République, chef de l'État et au Gouvernement ayant à sa tête un Premier Ministre (art 133 de la Constitution de 1987). Le pouvoir Exécutif n'a pas subi de grandes modifications par la loi portant amendement de la Constitution de 1987. La lecture de l'article 133 laisse comprendre que l'Exécutif haïtien est bicéphale. Il s'inscrit dans une perspective dyarchique. Le statut du Président et ses attributions sont traités au niveau de la section A et B du chapitre III de la Constitution. Et ceux du Gouvernement, du Premier Ministre, des ministres et des secrétaires d'État sont présentés au niveau de la section C, D et E.

La distinction statutaire entre ces deux branches du pouvoir Exécutif nous invite à comprendre que le Président de la République et le Gouvernement en général sont deux autorités distinctes formant l'unité de l'Exécutif. La Présidence et le Gouvernement, selon le voeu de l'article 133, doivent conjuguer leurs efforts pour exercer les compétences du pouvoir Exécutif même si les attributions ont été fixées séparément. Autrement dit, la Constitution veut que ses deux organes agissent en symbiose pour la gestion des affaires publiques. La Constitution de 1987 crée le bicéphalisme haïtien. Le pouvoir Exécutif n'est plus l'affaire d'un seul citoyen (le Président de la République), mais l'affaire de deux institutions, la présidence et le Gouvernement.

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Les interprétations des principales attributions du Président de la République et les limites prévues aux articles 133 à 154 laissent dire qu'il est un Mineur (a). Et celles du Gouvernement sont prévues aux articles 155 à 172 et font du Premier Ministre un majeur responsable de ses actes (b).

Le Président, élu sur la base d'un programme politique, devrait être capable normalement de mettre en oeuvre ses projets, loin de nier les négociations. Oublier qu'il doit rentrer en pourparlers avec certains groupes du secteur privé serait un manque. Il ne peut réaliser quoique ce soit sans s'arranger avec eux. Le cas du vote de la loi sur le salaire minimum en octobre 2009 est un exemple type. Le Président a dû négocier d'abord avec tout le secteur privé avant la promulgation de cette loi. Et dans la majorité des cas pareils, l'élite économique sortirait gagnante.

a) Un président-mineur

Le Président de la République est le chef de l'État, il veille au respect et à l'exécution de la Constitution et à la stabilité des institutions. Il assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État (art 136 de la Constitution de 1987).

D'entrée de jeu, cet article accorde une multitude de responsabilités au chef de l'État. Le fait de veiller au respect et à l'exécution de la Constitution fait de lui le garant du principe de la séparation des trois pouvoirs, parce que cette charte fixe les attributions chacun d'eux. Tout homme qui détient une parcelle de pouvoir peut en abuser, il est du devoir du chef de l'État de les dissuader. Il ne peut tolérer le dysfonctionnement des pouvoirs publics. La mauvaise marche des institutions est sous sa responsabilité, il doit assurer leur fonctionnement régulier pour garantir la continuité de l'État.

Il est, en plus, le garant de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire (art 138). Ce sont des pouvoirs moraux qu'on ne peut fuir en tant que tels. Ces articles ont conféré implicitement le titre de père de famille au Président de la République qui doit protéger non seulement le physique de la maison, mais aussi tous les enfants qui y vivent ainsi que leur intégrité.

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Il a le pouvoir de nommer, après délibération en Conseil des Ministres et après l'approbation du sénat :

le commandant en chef des Forces armées et celui de la police nationale, les Directeurs Généraux de l'Administration Publique, les Délégués et les Vices Délégués des départements et arrondissements, les conseils d'administration des organisations autonomes, les ambassadeurs et les consuls généraux (art 141 et 142)83 et les juges de la cour de cassation, des cours d'appels, des tribunaux de première instance, ceux des tribunaux de paix le sont aussi par lui( art 175). La mention « après délibération en conseil des ministres » est l'oeuvre de la Constitution de 1987 rappelant qu'il ne s'agit plus d'une seule personne, mais d'une institution, la présidence.

Il a l'initiative des lois sous formes de projets envoyés au parlement. La loi sur le budget de la République est de son apanage. Il participe à la construction de l'agenda législatif du gouvernement, il influe sur les lois adoptées par le parlement en obligeant éventuellement à une réélaboration ou en faisant des objections. Sur le plan international, il signe les traités et les conventions. La promulgation et la publication de la loi (art 144),- actes finaux de la politique législative-, sont du ressort de la présidence. Le Président de la République est, de ce fait, un législateur négatif84. Cette négativité consiste, à mon avis, en ce que le Président a l'initiative des lois mais le vote revient au parlement et une loi est loi, au sens strict, que s'elle est votée par le pouvoir législatif.

Et de surcroit, l'article 150 prescrit que « le Président de la République n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribue la Constitution ». Cet article laisse comprendre que toute action posée par le chef de l'État en dehors des pouvoirs qui lui sont attribués par la Constitution est illégale et inconstitutionnelle. C'est comme si il est enfermé quelque part, et tout manoeuvre hors du cadre défini est une violation. Toutes les décisions du Président sont l'objet de validation par le parlement, ou il doit trouver l'approbation de l'une des deux chambres. Donc, il est un mineur qui ne peut poser aucune action sans le consentement de son tuteur. Ce dernier est là pour

83 Le choix du Premier Ministre (art 137) par le Président est réservé pour être traité au niveau de la deuxième section de ce chapitre. Cet article est d'une délicatesse considérable dans la loi sur l'amendement de la Constitution.

84 Pierre-Louis Patrick et Vernet Jacques, Diagnostic de la politique législative en Haïti, Canada 2008, p41.

Ils ont utilisé ce concept pour montrer certes que le Président peut prendre l'initiative des lois, mais celles-ci doivent être votées par le parlement. Est aussi valable pour le vote de la loi du budget dont l'initiative est exclusivement accordée à l'exécutif, mais elle doit être votée par le parlement. A notre avis, le vote ait lieu après toutes les négociations possibles. Le Président est donc dans ce cas un législateur négatif.

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entériner la majorité actes du Président si non ils sont sans effets légaux. Le mineur n'a donc pas de consentement.

Au final, les pouvoirs de l'Exécutif sont désormais partagés, au regard de la Constitution, avec le Premier Ministre, chef du Gouvernement. Ce dernier est l'organe fusible, sujet à subir les conséquences négatives des actions du pouvoir Exécutif. Nous dirions, en tant que majeur, il est responsable de tous les actes de ce pouvoir parce qu'il conduit la politique de la nation.

b) Un Gouvernement majeur et responsable

Ayant à sa tête le Premier Ministre, le Gouvernement se compose de celui-ci, des Ministres et des Secrétaires d'État, tel que prévu par la Constitution de 1987 au niveau de l'art 155. Sa principale mission est de conduire la politique générale de la nation. Ici, nait un carrefour dans lequel il faut poser les questions suivantes : quelle politique générale ? Est-ce la politique générale sur la base de laquelle le Président a été élu ou celle sur laquelle est assis le Premier Ministre pour trouver le vote de confiance du parlement lors du processus de ratification ? La réponse à cette question est plurielle.

Oui, c'est la politique générale du Président, car celui-ci est élu au suffrage universel direct sur toute l'étendue du territoire et il est le plus légitime ou le plus représentatif de tous. Oui, c'est la politique générale présentée devant le parlement parce que le Premier Ministre est le chef du Gouvernement, il conduit la politique générale de la nation (art 156). D'où, se pose le problème du respect du choix du peuple souverain.

Toute discordance est possible entre ces deux politiques, car chacune doit être adaptée à la situation. Le Président a été élu sur la base d'un programme politique, arrivé au pouvoir il doit choisir un Premier Ministre qui va présenter à son tour une politique générale devant le pouvoir législatif. Laquelle politique qui doit satisfaire évidemment toutes les tendances de l'heure ou la conjoncture actuelle si non la contrepartie directe, -le vote de confiance,- ferait défaut.

Le Premier Ministre nomme ou révoque directement ou par délégation les fonctionnaires publics selon les conditions prévues par la Constitution et par la loi sur le statut général de la fonction

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publique (art 161)85. Il est responsable de la co-défense du territoire avec le Président de la République. Le Gouvernement haïtien forme un collège. Les actes du Premier Ministre, en effet, sont contresignés par les Ministres et quand l'interpellation de celui-là aboutit à un vote de censure, le Gouvernement est totalement renvoyé, car il joue le rôle de fusible du pouvoir Exécutif et tous ses membres sont solidairement responsables. Autrement dit, en cas de choc, c'est le Gouvernement qui a tout subi.

La loi fait obligation d'avoir au moins dix portefeuilles ministériels et cette fonction est incompatible avec tout autre emploi public sauf celui de l'enseignement. En ce sens, la loi met non seulement des garde-fous pour empêcher le cumul des salaires, mais aussi pour faciliter l'accès à la fonction publique. Les statuts du Président et ceux du Gouvernement ont été étudiés, mais cette étude est insuffisante comme base sur laquelle nous devons nous asseoir pour trouver la vraie nature du régime politique haïtien. En effet, nous allons étudier dans la section suivante les éléments clés du régime politique haïtien et la relation existante entre les pouvoirs publics.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984