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Considerations historico-juridiques sur le regime politique haitien

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par Jhensly Endy Frederic
Faculte de Droit et des Sciences Economiques, UEH - Droit 2014
  

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B.- Le système de contrôle

Une constitution,- à la fois contrat politique et norme juridique positive fondamentale92,-organise non seulement les rapports entre les citoyens et l'État, mais aussi entre les différents pouvoirs constituant l'État. Elle aménage les pouvoirs et les responsabilités des gouvernants, les droits et devoirs des gouvernés, elle est évidemment à la base du fonctionnement d'un régime

91 AMAR Céline, Le président de la République dans les régimes parlementaires bi représentatifs européen, Titre 3, La puissance variable du Président. Thèse de Doctorat, 2003 - Université Lumière Lyon 2, Marie Anne Cohendet,

directrice de thèse. Disponible sur : http://theses.univ-
lyon2.fr/documents/lyon2/2003/amar_c/pdfAmont/amar_c_titre03.pdf (page consultée le 21/03/3014)

92Dorvilier Fritz (dir), introduction, in l'amendement de la constitution de 1987, Enjeux, limites et perspectives. Ed. Group, Février 2012, p13.

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démocratique93. Elle est « le produit des circonstances et donc de la dynamique historique et sociale94 » dont elle exprime l'esprit et codifie les aspirations.

La Constitution haïtienne du 29 Mars 1987 a fait du Gouvernement l'organe de partage des pouvoirs de la présidence. Elle impose au Président de la République le choix d'un Premier Ministre parmi le parti ayant la majorité au parlement. Ce qui implique que le choix du Chef du Gouvernement dépend des résultats du scrutin parlementaire. Quand on parle de Gouvernement, au sens propre du terme, cela fait penser à un élément fondamental du régime parlementaire. Si c'était le régime présidentiel, on parlerait d'administration, même si ces deux termes ne s'incluent pas mutuellement. La présence ou l'absence de ce fusible est très importante pour la relation entre les pouvoirs Exécutif et Législatif dans un régime à base parlementariste.

C'est l'agencement des pouvoirs qui détermine le régime politique d'un État. La Constitution de 1987 a donné des compétences très claires à chaque pouvoir public de l'État. Elle a aussi établi une relation directe entre eux par l'entremise du Gouvernement. Ce dernier, jouissant de toute sa maturité et de sa majorité, est l'organe responsable des actes du pouvoir Exécutif. Il est en quelque sorte le bras de concrétisation des décisions de ce dit pouvoir. Quand il a mal agi, tout le pouvoir Exécutif subit les conséquences, quoique le Président soit un mineur.

L'existence d'un Gouvernement avec un Premier Ministre à sa tête, laisse entendre que la séparation du pouvoir est souple. C'est dire qu'il existe une sorte de collaboration évidente et obligatoire entre les pouvoirs Exécutif et Législatif. La Constitution de 1987 a établi une relation entre ces pouvoirs qui n'est pas pratiquement cadrée au régime parlementaire (a). Amendée en 2012, le mode de contrôle instauré dans la Constitution originelle de 1987 subit les conséquences(b).

a) Un mode de contrôle exceptionnel

Le Président de la République choisit le Premier Ministre parmi les membres du parti ayant la majorité au parlement. A défaut, le choix se fait en consultation avec le Président de chacune des deux chambres. Quelle que soit l'option, elle doit être ratifiée par le parlement.

93Barthélemy Gérard, Les Duvaliéristes après Duvalier, le Harmattan, Paris 1992, p66. 94Manigat Mirlande. Op cit. p95.

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Art 137.- Le Président de la République choisit un Premier Ministre parmi les membres du parti majoritaire au parlement. A défaut de cette majorité, le Président de la République choisit son Premier Ministre en consultation avec le Président du sénat et celui de la chambre des députés.

Dans les deux (2) cas, le choix doit être ratifié par le parlement.

Considérons que le parti majoritaire existe. D'office, le Premier Ministre en découle. Que se passerait-il si le Président de la République était candidat sous la bannière de ce même parti ? Nous pouvons dire qu'il n'existerait plus de contrôle. Le Gouvernement appliquerait les objectifs de son parti qui sont aussi les objectifs du parti majoritaire au parlement ainsi que ceux du Président de la République. Le parti majoritaire donnerait très facilement le vote de confiance à ce Gouvernement et la possibilité d'interpellation est minime parce que le parti majoritaire est au pouvoir.

Considérons que le parti majoritaire est différent de celui du Président de la République. Le contrôle est plus ou moins de mise. On peut, en effet, parler de cohabitation, car deux partis partagent le pouvoir de l'État. Ils vont agir constitutionnellement, ou par consensus ou encore par négociation normale. Toutes les décisions seront passées au peigne fin. D'où un mode de contrôle réciproque des actes des pouvoirs Exécutif et Législatif. En cas de désaccord, le parlement peut questionner ou interpeller un membre ou le Gouvernement tout entier, car celui-ci est responsable devant celui-là (art 129.2, 193.4, 156 de la Constitution de 1987). La demande d'interpellation doit être appuyée par un groupe de cinq membres et tout vote de censure conduit à la démission du Premier Ministre et de son Gouvernement.

Considérons le cas le plus répété en Haïti où il n'y ait pas un parti ou un système de partis structuré qui puisse dégager une majorité complète au parlement. Dans ce cas, le Président choisit le Premier Ministre de son goût, toutefois il doit le faire avec le Président des deux chambres. Ce cas de figure, le plus complexe, nécessite le dégagement d'une majorité au parlement (coalition politique) par le Président de la République pour non seulement la ratification du choix du Premier Ministre, mais aussi de la politique générale.

Cela nécessitait deux votes séparés, un pour la ratification du choix, l'autre pour la ratification de la politique générale du Gouvernement. Il a fallu, de ce fait, une double négociation, car dans la première, une majorité a été dégagée et lors de la présentation de la politique générale, les

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parlementaires peuvent changer de position, même six heures avant, si tout n'est pas tombé d'accord. Le Chef de l'État doit faire de son mieux pour non seulement dégager cette majorité, mais aussi pour la conserver, car les parlementaires donnent une majorité conjoncturelle, ils n'ont pas une discipline de parti,-moyen de contrainte institutionnelle,- à respecter. Cette considération est aussi valable dans le cas d'une interpellation qui peut aboutir au vote de censure du Gouvernement.

Dans tous les cas possibles en Haïti, le Gouvernement ne peut demander au Président de la République de dissoudre le parlement pour procéder à de nouvelles élections, ce afin de dégager une majorité en cas d'absence ou au cas où celle existante n'est pas à leur profit. Cela n'empêche pas pourtant à ce que le régime soit parlementaire parce qu'il peut fonctionner normalement sans la dissolution95. Cette caractéristique manquante nous enlève la possibilité de spécifier le régime parlementaire, dans le sens originel du terme. Ce qu'il est toujours important de savoir est que le régime parlementaire a ses caractéristiques propres et qu'il a connu aussi des déviations. Et c'est aussi valable pour le régime présidentiel mais une fusion des deux est rejetée par tant de constitutionnalistes.

Nous pouvons dire que le régime politique haïtien a emprunté au régime parlementaire l'organe-fusible (le Gouvernement) pour diminuer le pouvoir du Chef de l'État tout en consacrant la responsabilité de celui-là devant le parlement, mais ce dernier ne peut être dissous ou ajourné, ni le mandat de leurs membres prorogé en aucun cas (art 111.8) par l'exécutif. Mais la loi sur l'amendement a eu des effets sur le régime en question.

b) Nouveauté constitutionnelle : De la double négociation à l'unité

Les amendements constitutionnels n'ont pas apporté une modification en profondeur à la nature du régime politique haïtien. Cependant, des pouvoirs ou prérogatives de chacun des pouvoirs ont été augmentés ou diminués.

L'art 137 se lit désormais comme suit :

Le Président de la République choisit un Premier Ministre parmi les membres du parti ayant la
majorité absolue au parlement. La majorité est établie sur la base des résultats électoraux des

95Cohendet Marie-Anne, La cohabitation, leçons d'une expérience, Puf, Paris, 1993, p76.

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élus dans chacune des deux chambres. A défaut de cette majorité, le Président de la République
choisit le Premier Ministre en consultation avec le Président du Sénat et celui de la chambre

des députés.

Le dernier alinéa de cet article « Dans les deux cas, le choix doit être ratifié par le parlement » a été enlevé ou omis96 dans la loi sur l'amendement de la Constitution. A notre premier avis, il n'est plus question de ratification du Premier Ministre à cause du manquement de cet alinéa. C'est lui qui avait fait obligation de ratifier le choix du Premier Ministre. Il faut préciser que c'est le choix qui doit être ratifié et s'il est choisi parmi le parti ayant la majorité au parlement, il est ratifié d'office.

Toutefois, si nous nous referons aux professeurs Patrick Pierre-louis et Monferrier Dorval qui recommandent toujours à leurs étudiants de savoir lire entre les lignes et de faire une lecture transversale surtout s'agissant de la Constitution ou d'un texte de loi, sincèrement, nous devons jeter un coup d'oeil à l'article 158 qui n'a subi aucune modification par loi sur l'amendement. Le Premier Ministre en accord avec le Président choisit les membres de son cabinet ministériel et se présente devant le parlement afin d'obtenir un vote de confiance sur sa déclaration de politique générale. Le vote a lieu au scrutin public et à la majorité absolue de chacune des deux (2) chambres. Dans le cas d'un vote de non confiance par l'une des deux (2) chambres, la procédure recommence.

L'interprétation commune de ces deux articles nous fait comprendre que désormais le Premier Ministre ne se présente qu'une seule fois au parlement. Plus jamais, une présentation devant la chambre des députés et une autre devant le sénat pour la ratification du choix et ensuite une autre pour la ratification de la politique générale. Auparavant, le choix du premier désigné devait être d'abord ratifié par les deux chambres séparément avant de présenter, -avec son cabinet choisi en consultation avec le Président de la République-, la politique générale devant le parlement pour un vote de confiance ou de non confiance et dans le second cas, la procédure doit recommencer. Constitutionnellement et désormais, le Premier Ministre désigné se présente

96 Cet article a soulevé beaucoup de remous dans l'actualité constitutionnelle ces mois écoulés. L'on n'arrive pas à dire si cet alinéa a été abrogé ou pas, si il a été omis volontairement ou involontairement. Mais, pour notre recherche, nous avons considéré la loi constitutionnelle qui a été donnée à l'assemblée le 9 Mai 2011publiée par l'arrêté du 19 juin 2012, qui n'en fait pas mention.

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avec son cabinet au parlement pour un vote de confiance ou non. La procédure devient plus rapide qu'hier et la double négociation a atteint son terme par l'absence de cet alinéa.

En somme, la Constitution de 1987 a instauré un « régime parlementaire bi représentatif ». Lequel régime est formé du Parlement, du Gouvernement responsable et du Président de la République irresponsable. Le Gouvernement est responsable devant le parlement. Le corollaire de ce principe, la dissolution du parlement par le Chef de l'État fait défaut. La responsabilité et la confiance sont les corollaires du principe majoritaire qui sous-tendent le régime parlementaire, cela écarte les critères techniques en faveur d'autres plus politiques.

Le régime politique haïtien est parlementaire bi-représentatif. D'abord, le coté parlementariste tient du fait que le régime parlementaire peut fonctionner sans dissolution97. Ensuite, le peuple est doublement représenté, et par les parlementaires élus aux suffrages directs et par le Président de la République élu au suffrage universel direct. Dans les régimes parlementaires proprement dit, le Chef de l'État, soit le roi ne représente pas le peuple et le parlement peut être dissout pour procéder à de nouvelles élections.

Nous rejetons l'idée de ce fait, que la réalité peut mêler des éléments de deux régimes opposés ou purs98 pour former une troisième catégorie. La Constitution haïtienne n'impose pas un régime semi-parlementaire, semi-présidentiel, non plus un régime semi-présidentiel dans le sens de Maurice Duverger, qui combine certains éléments du parlementarisme et du présidentialisme pour former un régime à part entière.

Nous l'avons déjà montré plus haut que la Constitution haïtienne de 1987 est née dans un contexte très particulier, soit l'après-dictature des Duvalier. En effet, non seulement les constituants partageaient l'esprit d'édenter le Président mais aussi ils ont pris le soin de camper certaines barrières plus ou moins solides pour empêcher à ce que les futurs chefs d'État modifient ou amendent, à leur guise, la Constitution en date.

97Mirkine-Guetzévitch, in les constitutions européennes citées par Louis Delbez, in le Président de la république en régime parlementaire bi représentatif, p16

*** Le régime parlementaire est le pouvoir politique de la majorité. Le gouvernement est responsable parce que la majorité doit gouverner, celui qui n'accepte pas les décisions de la majorité, se verra écarter de la sphère du cabinet. 98Troper Michel, articles « Les classifications en Droit Constitutionnel » in Pour théorie juridique de l'État, puf, Paris, 1994, pages 253 et 255. Dans le cas des régimes politiques, les deux types parlementaire ou présidentiel sont précisément présentés comme opposés ou purs. Un régime mixte comporterait des caractères contradictoires : l'élection du Président au suffrage universel direct et l'absence d'élection au suffrage universel direct, la responsabilité politique et l'absence de responsabilité politique, ce qui serait évidemment absurde.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld