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L'enfant apprenti au Bénin

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par Camille Raoul FASSINOU
Université d'Abomey Calavi (UAC Bénin) - DEA en droit de l'homme 2006
  

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INTRODUCTION GENERALE

La déclaration du millénaire adoptée en l'an 2000 par tous les pays comme base de travail pour édifier un monde meilleur au 21e siècle, est un document qui fait date. Dans un tel monde, les années de l'enfance occupent une place privilégiée, emblématique de l'idéal que nous espérons réaliser : un monde où tous les enfants sont en bonne santé, à l'abri du danger et entourés de l'affection d'adultes les aidant à grandir en donnant la mesure de leur potentiel.

« Laisser l'enfance ainsi en péril c'est compromettre l'avenir de tous. Ce n'est qu'en progressant vers la réalisation des droits de tous les enfants que les nations se rapprocheront de leur objectif de développement et de paix 1(*) ».

Dans un pays comme le Bénin où la montée du chômage est croissante, et où très peu de solutions officielles sont proposées à la crise de l'emploi, l'intérêt pour l'apprentissage paraît une évidence. Mais l'apprentissage qui est une voie d'accès par excellence à l'auto emploi, connaît un développement indéniable vu le nombre d'ateliers de formation et le nombre important des enfants apprentis qui sont pris en compte dans ce système de formation. « De 36 000 en 1979, le nombre d'apprentis est passé à 144 414 en 1992. Il est estimé à 150 000 en 20012(*) ».

Plusieurs enfants en âges d'être scolarisés abandonnent les cours en pleine scolarité, faute de moyens. Le seul recours restant aux parents est la mise en formation professionnelle de ces derniers. Ainsi, l'apprentissage, longtemps considéré comme le refuge des moins doués sur le plan intellectuel, des analphabètes et des couches sociales défavorisées, devient partout en Afrique de l'ouest, le choix de bon nombre de parents qui espèrent assurer l'avenir de leurs enfants. Mais, au Bénin ce système de formation communément appelé apprentissage est loin d'être bien organisé, structuré et légalisé. Il connaît encore de nos jours un flottement dû à plusieurs facteurs tels la rareté et l'inobservation des textes, le manque de contrôle et les problèmes institutionnels. Cette situation à la limite de l'anarchie interpelle non seulement les pouvoirs publics mais aussi tous les citoyens béninois qui qu'ils soient.

Certes, l'apprentissage représente le plus vieux système de transmission des connaissances ou du savoir et de savoir faire, répandu dans le monde. En Afrique et plus particulièrement au Bénin, son développement est intimement lié à celui du secteur informel et plus précisément à celui de l'artisanat. Dans ce système d'apprentissage la formation de plusieurs milliers d'enfants s'effectue en marge de la réglementation.

Dans les ateliers de formation, outre la durée de travail trop longue et source de fatigue et de maladies, les apprentis vivent dans des conditions d'hygiène et de sécurité peu confortables. La manipulation ou l'utilisation de plusieurs produits toxiques, pouvant leur être nocif à court, moyen ou long terme selon la durée d'exposition et la concentration des produits continue de s'effectuer au mépris de la règlementation sans aucune sanction. Les autorités en sont conscientes mais leurs actions pour y remédier sont limitées voire inexistantes. Ainsi, il semble que ces autorités, sous un regard complice, ne sont pas décidées à oeuvrer pour l'amélioration de ces conditions dans l'intérêt de l'enfant apprenti. On pourrait donc parler de leur indifférence face à cette situation.

Notre objectif en choisissant de réfléchir sur `' l'enfant apprenti au Bénin `' est d'analyser cette indifférence de la société et des pouvoirs publics, face à la formation professionnelle donnée dans les ateliers d'apprentissage. Mais auparavant, les définitions de concepts utiles méritent d'être exposées notamment celle de l'enfant, de l'apprentissage, de l'apprenti et du secteur informel.

L'enfant, étymologiquement venant du mot latin « infans » signifie « qui ne parle pas »3(*). Il est selon la convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 « tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plutôt en vertu de la législation qui lui est applicable ». Mais dans le cadre du travail des enfants, l'article 66 de la loi n° 98-004 portant code du travail en République du Bénin définit l'enfant comme « tout être humain âgé de moins de 14 ans ». A travers la diversité culturelle caractéristique de la société béninoise, l'enfant apparaît d'une manière générale comme un bien précieux, une richesse à préserver et dans certains contextes de pauvreté, demeure l'unique bien de ses parents. Il est un capital précieux pour sa famille. Au Bénin comme dans l'ensemble de nos sociétés africaines, sa présence dans une famille fait l'honneur et le bonheur des membres de cette famille. Il existe tout un vocabulaire et un florilège qui le valorisent.

L'apprentissage quant à lui, est le fait d'apprendre un métier, c'est l'une des nombreuses formes d'acquisition de connaissances professionnelles. L'apprentissage est aussi l'une des structures d'accueil des jeunes non scolarisés ou déscolarisés. L'apprentissage peut être défini comme « une forme d'éducation dont le but est de donner une formation générale théorique et pratique en vue de l'obtention d'une qualification professionnelle4(*)».

L'apprenti dont le code du travail béninois ne donne aucune définition, est « celui qui est en formation professionnelle dans une école ou auprès d'un patron. C'est celui qui apprend un métier5(*) ». L'article 7 de la loi n° 98-037 du 22 novembre 2001 portant code de l'artisanat en République du Bénin le définit comme étant « la personne qui s'engage par un contrat d'apprentissage verbal ou écrit aux termes duquel un maître s'oblige à lui enseigner par la pratique et éventuellement par la théorie, un métier ».

La notion de secteur informel englobe en effet, un ensemble hétérogène d'activités qui varient selon les régions. Il ne nous sera pas utile de prendre part aux querelles doctrinales des divers courants de pensée marxiste et néolibérale. Nous nous contenterons de retenir la définition donnée par le Directeur Général du Bureau International du Travail (BIT) dans son rapport de la 78eme section en 1991 sur `' Le dilemme du secteur non structuré `'.

Cette définition, même si elle n'est pas encore universelle, a le mérite d'être une synthèse des diverses acceptations des activités du secteur informel : « Secteur non structuré, les très petites unités de production et de distribution de biens et services implantées dans les zones urbaines des pays en développement, ces unités appartiennent essentiellement à des travailleurs indépendants qui emploient parfois une main d'oeuvre familiale, voire quelques apprentis ou des salariés. Elles ne disposent au mieux que de capitaux très modestes ; elles font appel à des techniques et à une main d'oeuvre peu qualifiée si bien que leur productivité est faible, elle ne procure généralement à ceux qui en vivent que des revenus minimes et très irréguliers et un emploi des plus instables6(*) ».

Dans le cadre de notre sujet, nous nous intéresserons à l'apprenti placé auprès d'un patron, car c'est ce dernier qui mérite aujourd'hui plus de protection, contrairement à ceux qui sont dans les écoles professionnelles, qui sont mieux traités et reçoivent une meilleure formation. Ces apprentis placés auprès d'un patron ou d'un maître de métier, souffrent de plusieurs maux dont la violation flagrante de leurs droits, l'absence d'un programme rigoureux de formation, le recrutement au mépris des textes en vigueur, le non respect de l'âge d'accès à l'apprentissage qui entraîne par la suite le prolongement du délai légal de l'apprentissage, le non respect de la durée de travail qui excède régulièrement les normes (notamment au cours des derniers mois de l'année), l'exposition à plusieurs risques tels que les maladies et accidents professionnels, et le coût élevé des frais de délivrance du diplôme. Tout ceci devant les autorités étatiques et la société civile qui font montre d'une indifférence notoire à l'égard de la situation de l'enfant apprenti.

L'apprentissage vient néanmoins à point pour suppléer l'insuffisance chronique d'établissements techniques professionnels constatée çà et là en Afrique et particulièrement au Bénin. L'apprentissage participe à la formation de beaucoup de jeunes et donc a une valeur sociale culturelle et économique. Mais face à l'entrée en apprentissage des enfants de plus en plus vulnérables à cause de leur âge, à la qualité de la formation qu'ils reçoivent, aux situations dans lesquelles ils vivent, et aux caractéristiques de l'apprentissage au Bénin aujourd'hui, nous avons pensé contribuer à l'amélioration de cette forme de formation professionnelle. Pour ce faire, nous avons voulu dans le cadre de notre mémoire, nous intéresser à l'enfant apprenti au Bénin. Car, il urge de connaître la situation de ces enfants et de comprendre l'attitude des adultes, des pouvoirs publics et de la société à leur égard pour que les solutions idoines y soient trouvées.

« Au Bénin les enfants apprentis représentent une masse considérable de travailleurs dont on se soucie fort peu et pourtant, ils constituent la clé de voûte du système organisationnel de la plupart des petits métiers et en même temps sa partie la plus vulnérable parce que démunie de toutes protections7(*) ». Dans le système de l'apprentissage artisanal présentant des inconvénients liés surtout au non respect des textes législatifs et réglementaires en vigueur, les enfants apprentis ne jouissent d'aucune protection contre les différentes formes d'exploitation auxquelles ils sont soumis dans les ateliers. Ces enfants apprentis à qui personne ne pense, malgré l'existence de plusieurs textes et conventions les protégeant, sont dans les ateliers surchargés de travail ; pas de congés ni de loisirs. Les besoins élémentaires de ces enfants ne sont pas satisfaits, et ils ne peuvent exprimer leurs sentiments ni développer leur esprit créatif. Ils vivent des situations qui les déshumanisent. Et pourtant, la convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage de 1956 a toujours condamné cet état de chose.

A l'heure de l'universalisation des Droits de l'Homme, les enfants, où qu'ils se trouvent sur la planète Terre, ont les mêmes droits, même si la jouissance n'est pas la même d'un point à l'autre du monde. La situation des enfants apprentis au Bénin comparativement aux enfants apprentis des pays du nord mérite une réflexion particulière car celui qui laisse faire défait en lui-même ce qui pourrait le faire agir. Se taire face à la situation des enfants apprentis béninois, c'est se faire complice, même si l'indifférence est évidemment le crime parfait ; pas de preuve, pas de poursuite. « Le choix mécanique de ne pas savoir ce qu'on sait, de considérer la réalité de biais, en regardant non pas ce qu'il y a à voir, le mal qu'on fait ou qu'on laisse faire mais toujours ailleurs, est un crime8(*) ». Ne rien faire pour contribuer à l'amélioration de la situation de ces enfants apprentis béninois serait donc un crime. Le silence de ces âmes fragiles qui souffrent dans les ateliers d'apprentissage doit constituer un cri de détresse auquel tout un chacun de nous devrait répondre.

Ces remarques, guiderons nos réflexions dans ce travail. Elles sont pertinentes mais elles nous semblent pourvoir se ramener à une question principale : si l'on peut estimer que les mesures actuellement mis en place pour la protection des enfants apprentis par le droit positif béninois, ne se présentent presque en échec, quelles en sont les causes s'il n'est pas possible en revanche, que la mise en place de nouvelles mesures de protection par les autorités, rende plus efficace la protection des droits de l'enfant apprenti ?

Pour mieux réussir notre travail, nous avons adopté une démarche méthodologique afin de vérifier nos hypothèses et mener à bien notre étude qui se veut scientifique et qui à pris en compte deux approche dont l'une analytique et l'autre empirique. La première qui est comparative chaque fois que cela s'avère nécessaire, a consisté à passer en revue la littérature fournit par le travail documentaire dans les bibliothèques aussi bien publiques que privées. La seconde nous a conduit à entreprendre des enquêtes aussi bien en direction des enfants apprentis que des patrons.

L'attitude des pouvoirs publics et de la société s'apparente d'après nos analyses à une indifférence à l'égard de l'enfant apprenti (Première Partie) et cette indifférence nous paraît tolérée (Deuxième Partie) pour plusieurs raisons.

* 1ANNAN (Koffi), Avant propos, « Enfance en Péril 2005 ». Page VII.

* 2 HOUNNOUGA K. (Antoine), « Le système d'apprentissage au bénin : analyse et perspective », mémoire de DESS en ingénierie et gestion des systèmes de formation, Centre Africain d'Etudes supérieures en gestion, Dakar, République du Sénégal.

* 3 DEKEUWER-DEFOSSE (Françoise), « Les droits de l'enfant », édition presses universitaires, Paris, page 7.

* 4 Martin KIRSH, le droit du travail africain ; tome 1 ; contrat de travail, convention collective, édiafric, Paris 1975 ; page 92.

* 5 Dictionnaire français, « Le petit Robert », édition 1990.

* 6 BIT : « Le dilemme du secteur non structuré », 78ème section 1991, rapport du Directeur Général, page 4.

* 7 MALDONADO (Carlos), « Les conditions de travail des apprentis béninois », rapporté dans « le régime d'apprentissage au Bénin », Rapport général du 10 au 14 décembre 1990, INFOSEC, Cotonou, page 8.

* 8 POLDROIT (Roger) « le crime d'indifférence », rapporté dans le rapport moral 1997, Médecin du monde, page 3.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus