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L'enfant apprenti au Bénin

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par Camille Raoul FASSINOU
Université d'Abomey Calavi (UAC Bénin) - DEA en droit de l'homme 2006
  

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SECTION 2 : L'INSUFFISANCE DES MOYENS LEGISLATIFS

DE PROTECTION DE L'ENFANT APPRENTI

Le Bénin fait partie des pays qui ont ratifié le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (DESC). Il dispose comme nous l'avions dit plus haut, d'un dispositif important de protection des droits de l'enfant mais manque énormément de moyens pour l'application des conventions ratifiées par rapport à l'enfant. La situation des droits de l'enfant apprenti se complique avec l'ineffectivité institutionnelle qui caractérise le régime d'apprentissage béninois.

Si la très grande majorité des législations comporte des dispositions régissant le travail des enfants, il est difficile cependant d'affirmer que des moyens sont mis en oeuvre pour contrecarrer l'exploitation du travail des enfants en général et des enfants apprentis en particulier. En réalité, on note une insuffisance notoire des moyens de protection de l'enfant apprenti. Cette insuffisance a rapport aux moyens préventifs (Paragraphe 1) et aux moyens répressifs (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LES MOYENS PREVENTIFS

Les organes de contrôle chargés de veiller à la protection des enfants apprentis font constamment défaut et participent largement à rendre la vie difficile à ces derniers. Les acteurs indélicats ne traiteraient-ils pas mieux les apprentis si ces organes faisaient preuve de plus de rigueur dans l'exercice de leur fonction en faisant des contrôles périodiques assortis de sanction en cas d'infraction ?

En matière de travail, l'Etat béninois a institué des organes par le biais desquels lui-même exerce le contrôle de l'application des normes en vigueur dans son droit positif. En réalité, on note une insuffisance notoire de moyens préventifs au niveau de ces organes. Le contrôle administratif reste purement formel (A) et le contrôle technique quant à lui est inopérant (B).

A- Un contrôle administratif formel

En tant que système de formation, l'apprentissage mérite autant que le système scolaire d'être suivi et protégé par les pouvoirs publics. En effet, les apprentis représentent 67,6% de la main d'oeuvre totale employée dans les entreprises dont 83,7% proviennent du secteur informel68(*).

Dans ce secteur, la protection consiste en un examen par l'autorité administrative des recours dirigés contre les actes illégaux dont seraient victimes les apprentis. Ce contrôle de l'autorité administrative peut aboutir soit à une annulation ou à une reformation de l'acte, soit à une réparation du préjudice subi par la victime. Au niveau des pouvoirs publics béninois, ce contrôle est dévolu à l'inspection du travail. En effet, l'inspection du travail a été créée dans le but de veiller à l'application des dispositions légales et réglementaires en matière de travail.

En ce qui concerne les enfants apprentis, l'inspection du travail est chargée entre autre, de faire respecter l'âge d'entrée en apprentissage, la durée d'apprentissage et les dispositions relatives au contrat d'apprentissage. D'assurer le contrôle des ateliers du secteur informel, d'informer et de former les maîtres artisans en matière de la santé et de la sécurité au travail, de fournir des conseils techniques aux maîtres artisans sur le traitement que méritent les enfants apprentis ; d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur les abus. Saisir au besoin le juge et mettre à jour les textes législatifs et réglementaires en matière d'apprentissage des métiers dans le secteur informel.

L'arrêté N° 008/MFPTRA/DC/SGM/DT/SST portant attribution des médecins inspecteur du travail du 10 Février 2000 n'accorde pas les pleins pouvoirs à ces inspecteurs de sévir face aux atrocités auxquelles les patrons soumettent les enfants apprentis.

En effet, l'article 8 de cet arrêté dispose « le médecin inspecteur de travail ne peut donner de mise en demeure, ni dresser de procès-verbal de constatation d'infraction. Il produit tout juste un rapport de toute intervention qu'il conduit dans une entreprise. Une copie dudit rapport est transmise à l'employeur par l'inspecteur du travail qui met celui-ci en demeure le cas échéant de remédier aux irrégularités constatées69(*) ».

Malheureusement, l'inspection du travail ne dispose pas de moyens nécessaires pour effectuer convenablement sa mission de contrôle du respect de la législation du travail dans les ateliers. Elle souffre aussi cruellement d'un manque de ressources matérielles et humaines, ces dernières étant peu motivées. Les moyens matériels et humains disponibles dans le service ne lui permettent pas encore de couvrir effectivement le secteur « structuré » et à fortiori, le secteur dit « informel » où l'apprentissage se déroule dans des conditions inacceptables au regard des droits de l'enfant. Pourtant l'article 277 du code du travail énumère « ... l'Etat prend des mesures appropriées pour fournir aux administrateurs, inspecteurs et contrôleurs du travail, les moyens dans l'exercice de leur fonction... Il assure en tout cas le remboursement de leur frais de déplacement et toute dépense accessoires nécessaires à l'exercice de leur fonction ».

D'après un inspecteur du travail, ils ne disposent pas de matériel roulant important pour effectuer des descentes dans les ateliers. La direction du travail ne dispose que de deux pick-up vétustes et d'un nombre insuffisant d'inspecteurs du travail pour assurer la mission qui leur est assignée. De plus, les inspecteurs du travail chargés de veiller au respect de la législation du travail, et particulièrement du visa des contrats d'apprentissage ne font rien pour la protection des enfants apprentis. Ainsi, les infractions telles que le non respect de la durée légale du travail, des repos, des congés, les manquements aux conditions de forme et de fond de l'exécution du contrat d'apprentissage ne sont pas constatées pour être verbalisés par l'inspecteur du travail.

Dès lors, les inspecteurs du travail ne sévissent pas comme il se doit dans le secteur informel où une forte prévalence du phénomène d'exploitation d'enfants apprentis s'observe. De plus, ils sont insuffisamment formés et outillés pour la prise en compte des aspects particuliers liés au travail des enfants apprentis dans le secteur informel70(*). Sans motivation, dans l'hostilité du milieu et le manque de coopération de la part de la population et des autres organes gouvernementaux, ces inspecteurs du travail sont incapables de protéger les enfants apprentis soumis précocement au travail. « L'inspection du travail retrouvera sa place de levier du progrès social, si les autorités politiques et administratives à divers niveaux engagent une réelle politique de protection des travailleurs en procédant au toilettage du code du travail et à sa vulgarisation au niveau des partenaires sociaux »71(*).

Le contrôle de l'hygiène et de la sécurité dans les ateliers est dévolu à la Brigade d'Hygiène et de Sécurité par la loi N° 87-015 du 21 septembre 1987, portant Code d'hygiène publique en République Populaire du Bénin. Mais tout comme l'inspection du travail, elle ne fonctionne pratiquement pas. La mission assignée à l'inspection du travail si elle ne demeurait pas formelle, obligerait les patrons et parents à respecter le droit du travail et les enfants apprentis en auraient bénéficié.

En tout état de cause, la protection des enfants et spécialement des enfants apprentis est une cause très importante pour laquelle une mobilisation assez forte est nécessaire. Et pourtant, à l'instar du contrôle administratif, le contrôle technique reste également inopérant.

B- Un contrôle technique inopérant

Ce contrôle est dévolu au Fonds de Développement de la Formation Professionnelle Continue et de l'Apprentissage (FODEFCA) et à la Direction de la Formation et de la Qualification Professionnelle (DFQP).

En effet, le FODEFCA est une institution étatique créée par décret n° 99-053 du 12 février 1999. Il a pour mission entre autres, de recevoir et gérer les ressources destinées au financement et à la promotion de la Formation Professionnelle Continue et de l'Apprentissage, d'en rechercher les sources de financement, et promouvoir par l'information et l'appui nécessaire, le développement de la Formation Continue et de l'Apprentissage72(*).

Des cinq services de la DFQP, nous allons nous intéresser au Service chargé de l'Apprentissage et de l'Alphabétisation Fonctionnelle (SAAFO). Ce service a pour fonction de concevoir la stratégie de fonctionnement de l'apprentissage, les mécanismes de promotion de l'apprentissage dans tous les secteurs d'activités (artisanat, agriculture, service etc.), la forme et le mode d'utilisation de l'alphabétisation fonctionnelle dans l'apprentissage et la formation professionnelle ; de définir et suivre les conditions de bon fonctionnement de l'apprentissage dual dans les établissements d'enseignement technique et de formation professionnelle ; d'identifier, d'élaborer et de suivre les projets et programmes concernant l'apprentissage. Il est composé de deux division : celle chargée de l'initiation des programmes de formation et celle chargée du suivi et de l'évaluation des activités de formation. Ainsi, « l'inspecteur de travail peut requérir l'examen... des jeunes travailleurs par un médecin agréé en vue de vérifier si le travail dont ils sont chargés n'excède pas leurs forces. Cette réquisition est de droit à la demande des intéressés ». Ce dernier volet de la mission du service chargé de l'apprentissage est d'une importance capitale en ce sens qu'il devrait permettre de freiner les abus observés dans la formation en atelier.

Le dysfonctionnement terrible dont souffre l'inspection du travail et le service chargé de l'apprentissage ne permet pas les contrôles techniques dans les ateliers de formation du secteur informel. Ce service qui, de par ses attributions, devrait assurer un contrôle technique et veiller à ce que la formation donnée ait une certaine qualité, souffre également de ce dysfonctionnement car les autorités de ce service continuent d'être des bureaucrates plutôt que de descendre sur le terrain. Ces services chargés de l'apprentissage ne fonctionnent pas normalement, ce qui fait qu'ils ne sont pas connus de tous. C'est ce qui a amené le comité des droits de l'enfant après analyse du rapport du Bénin à souligner l'absence de dispositions juridiques, de politiques et de programmes appropriés permettant de garantir et de protéger les droits des enfants réfugiés, la situation des enfants "vidomègon" employés dans le secteur agricole et des enfants travaillant comme apprentis dans le secteur informel.

Les inspecteurs de travail n'arrivent pas à protéger et garantir efficacement les droits des enfants travailleurs puisqu' « ils sont insuffisamment formés et outillés pour la prise en compte des aspectes particuliers liés au travail des apprentis dans le secteur informel 73(*)». Cette situation est aggravée par la mauvaise volonté de certains agents de la fonction publique gangrenés par la corruption.

Mais il convient de souligner que même si les inspecteurs du travail avaient la volonté de travailler, ils ne sont pas motivés par les gouvernants. De plus, le nombre réduit des agents de ce service ne peut lui permettre de réussir cette mission à eux assignée, vu le nombre grandissant d'ateliers de formation qui existent au Bénin.

D'ailleurs, c'est en considération des nécessités du service et du contrôle technique des formations dispensées dans les programmes d'apprentissage, que l'arrêté N° 2004-060 METFP/CAB/DC/SG/DFQP/SA du 31 Décembre 2004 portant attribution, organisation et fonctionnement de la DFQP vient renforcer l'arrêté N° 013 MFTFP/CAB/DC/SG/SA du 23 Novembre 2001 portant attributions, organisation et fonctionnement de la DFQP74(*).

Les actions assignées à cette Direction sont très importantes et participent à l'amélioration des systèmes d'apprentissage. Malheureusement, les autorités chargées de ces services ignorent les rôles à eux confiés et se plaisent dans leurs bureaux. Il s'avère indispensable de réorganiser ce contrôle car il est évident que si ce contrôle était rigoureusement fait, il permettrait de mieux superviser la formation des enfants apprentis, d'avoir les dispositifs minima pour la formation dans les ateliers. Ce contrôle contribuerait également au respect des normes de sécurité et d'hygiène dans les ateliers pour ne pas mettre la santé et la vie des enfants apprentis en danger.

Le service chargé de l'apprentissage participerait énormément à la réorganisation du système de l'apprentissage si les responsables assurent l'inspection pédagogique des centres de formation d'apprentissage et le contrôle de la formation donnée aux apprentis par le biais de la commission professionnelle placée sous sa tutelle. Tout ceci devra permettre de tester la connaissance des apprentis avant leur libération. Il doit également permettre d'assurer l'inspection administrative et financière des centres de formation pour pouvoir assurer une rémunération aux apprentis et concevoir les règles d'organisation de la formation professionnelle et de fonctionnement des centres de formation professionnelle et des centres de métiers.

Aux moyens préventifs doivent s'ajouter ceux répressifs car, ce sont ces derniers qui rendront contraignant les réglementations sur l'apprentissage.

* 68 MALDONADO (Carlos) CASSEHOUIN (C.A.), MOUSTAPHA (D.M) : « Analyse des résultats de l'enquête des unités économiques du secteur informel urbain béninois », BIT, Genève 1996, page 167.

* 69 « Liaison sociale africaine », revue d'actualité de droit social et d'administration du travail, numéro 5, Avril-Mai-Juin 2003 édité par le CRADAT, page 34.

* 70 UNICEF, « Enquête sur les enfants travailleurs de Cotonou, Porto-Novo et Paramount », Cotonou 1998, page 18.

* 71 ADANHODE (WAas F.) et SAKE (Ahmed), « Inspection du travail au Bénin, levier du progrès social », mémoire de fin de formation, Cycle 1 ENAM, UAC, 2002-2003, page 63.

* 72 HOUESSOU (Myriam B. E.), « Instruments juridiques de la politique nationale de la formation professionnelle continue au Bénin », mémoire de maîtrise es science juridique, 2004-2005, FADESP, UAC, page46.

* 73 UNICEF, « Enquête sur les enfants travailleurs de Cotonou, Porto-Novo et Paramount », 1998, page 18.

* 74 Journal Officiel du Bénin, n°08 du 15 avril 2005, page 356. 

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille