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La reforme de la justice et la protection des droits de l''homme en Mauritanie

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par Boubacar DIOP
Faculté des affaires internationales, Université du Havre - Master 2 Droit " Erasmus Mundus" 2007
  

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Paragraphe 2 : Le rôle du CSM

La constitution confère au Conseil Supérieur de la Magistrature le rôle de garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire (art. 89 al. 3). A ce titre, il intervient dans la désignation des magistrats (A) et opère comme un conseil de discipline et de gestion de leur carrière (B).

A. Le C.S.M organe de désignation des magistrats

Le Conseil Supérieur de la Magistrature participe à la désignation des magistrats dans les conditions prévues par la loi. Le rôle du CSM se manifeste essentiellement dans le processus de nomination et d'avancement des magistrats du siège. Dans la nomination des magistrats, le rôle du conseil résulte de l'article 22 de la loi n° 94.012 du 17 février 1994 portant statut de la magistrature qui dispose que « les candidats remplissant les conditions, citées à l'article 21 sont nommés juges intérimaires par décret pris sur proposition du ministre de la justice et après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature ». De même, il appartient au CSM, à titre exceptionnel, en vertu de l'article 27 du même statut, de répartir les magistrats entre les différents grades de la profession. Dans l'avancement des magistrats, le CSM reçoit la liste des magistrats promis à l'avancement entre le 1er août et le 1er septembre de chaque année et il arrête, en vertu de l'article 31 du même statut, le tableau des avancements. Cependant, on regrettera la généralité des textes concernant l'avis du CSM qui ne précisent pas si la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination, doit être conforme ou non à l'avis du CSM. Il est certain que l'avis tout simple n'est pas de nature à attribuer au CSM un pouvoir décisionnel, ni même un pouvoir de proposition. Par contre la conformité à l'avis du CSM lui confère un pouvoir de blocage de la décision de nomination si elle n'est pas rendue conformément à son avis.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature doit, en outre, veiller à ce que les nominations des magistrats obéissent d'une part, à la règle de l'impartialité, ce qui est une garantie de l'indépendance des magistrats et, d'autre part, aux critères de probité et de cursus professionnel qui constituent un gage de la qualité de l'exécution de leur travail, garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire dans le processus de désignation des magistrats. Cependant, cette institution n'exercera pas effectivement ses pouvoirs, car étant présidé par le Président de la République, elle ne se réunira que très rarement étant donné que son président est surchargé par l'exercice des autres fonctions de l'Etat que la constitution lui confie. Son mécanisme de convocation est rendu d'autant plus malaisé que le Président de la République se trouve être le président du parti au pouvoir, ce qui, en fait, lui laisse peu de temps à consacrer aux problèmes des magistrats. Si l'on se met en évidence que l'indépendance des magistrats ne peut, en principe, être convenablement assurée que si la justice est érigée en pouvoir distinct des autres pouvoirs politiques et que le juge n'obéit qu'à la loi122(*), il ne fait pas de doute que le problème est formellement résolu par le constituant, qui a inscrit, dans la charpente de la constitution, un titre VII consacré au pouvoir judiciaire. Ce pouvoir étant exercé par la Cour suprême et les autres juridictions nationales, il demeure indépendant du pouvoir exécutif et législatif. Ainsi, le Conseil Supérieur de la Magistrature ne peut jouer pleinement son rôle constitutionnel de garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire que s'il participe activement au processus de désignation des magistrats, qu'il s'agisse du président de la Cour suprême ou des magistrats des juridictions soumises à son contrôle. Cependant, en pratique, le pouvoir de proposition du Conseil s'exerce pour tous les magistrats, excepté le président de la Cour suprême. En effet, si l'article 27 alinéa 3 de la loi organique du 17 février 1994 insiste sur le fait que le Président de la République nomme les magistrats du siège et du parquet sur proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature, l'article 38 alinéa 1er de la loi 99.039 du 24 juillet 1999 mentionne clairement que la nomination du président de la Cour suprême relève uniquement des prérogatives du Président de la République. C'est dire qu'il existe des limites au pouvoir du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Le système actuel prive le CSM du droit, qui devrait être le sien, en tant que garant du pouvoir judiciaire, de proposer ou d'émettre un avis sur la désignation du président de la Cour suprême. Ce n'est, sans doute, pas le pouvoir de désignation accordé au Président de la République par la loi qui est critiquable, mais simplement le fait qu'elle n'associe pas le Conseil Supérieur de la Magistrature à la nomination du président de la Cour suprême, même si le Président de la République agit en tant que président du Conseil Supérieur de la Magistrature. Il serait souhaitable que ce soit l'organe collégial qui propose une liste de postulants à ce poste, quitte au Président de la République d'opérer un choix en vertu de ses attributions constitutionnelles. Une telle solution redonnerait au Conseil Supérieur de la Magistrature le prestige d'un organe dont la fonction principale est de veiller au respect de l'indépendance du pouvoir judiciaire qui devra satisfaire, à notre avis, sept exigences élémentaires. La première est relative à la séparation des pouvoirs qui doit se traduire par la non immixtion de la Chancellerie dans les décisions de justice. La deuxième a trait à la protection constitutionnelle des magistrats. La troisième se résume à la bonne administration des affaires judiciaires. La quatrième concerne le principe de l'inamovibilité des magistrats. La cinquième est inhérente à l'exécution des décisions de justice. La sixième devra permettre d'assurer la protection matérielle et morale du magistrat et la septième se rapporte au droit des magistrats d'être syndiqués Ces deux dernières exigences sont fortement réclamées par les magistrats123(*).

Autrement dit, l'indépendance des magistrats ne pourra être garantie par le Conseil Supérieur de la Magistrature que si les difficultés des juges, qui trouvent leur origine dans deux séries de causes, objectives et subjectives, sont résolues. Par causes objectives, il faut entendre toutes les contraintes qui limitent de l'extérieur l'action du magistrat. On a déjà souligné l'absence d'inamovibilité du magistrat mauritanien dont le statut est désormais proche de celui d'un simple fonctionnaire124(*). Il y a lieu d'ajouter, ici, la faiblesse de son revenu. La rémunération des magistrats est jugée insuffisante par la plupart d'entre eux125(*). Or, par l'importance du rôle qui est le sien et qui requiert de solides garanties, le magistrat doit être mis à l'abri du besoin, pour éviter, en particulier, tout risque de corruption. A défaut d'une telle précaution, il n'est pas étonnant de voir des magistrats se laisser influencer, dans leur travail, par des plaideurs riches. A cela s'ajoutent des considérations liées aux conditions particulières qui entourent le travail des magistrats. Les tribunaux ne possèdent pas de bibliothèque126(*). Parfois, ils ne disposent même pas de textes juridiques sur la base desquels le juge doit rendre sa décision. Et, même lorsque ces textes sont disponibles, dans bien des cas, le juge ne peut aller au-delà de leur sens littéral. L'absence d'une jurisprudence répertoriée 127(*)n'est pas pour lui apporter l'éclairage nécessaire pour interpréter la loi et aller, éventuellement, au-delà de son sens littéral128(*). En effet, il n'existe pas en Mauritanie de publication judiciaire129(*). Après leur prononcé, les arrêts, même ceux de la Cour suprême, sont définitivement classés dans les archives des juridictions. Mais ces archives sont mal entretenues et n'empêchent pas la dégradation et la perte des décisions de justice. A cet égard, l'exemple de la Cour suprême est édifiant: cette Cour a perdu une bonne part de sa "jurisprudence" à l'occasion des multiples déménagements qu'elle a connus130(*).Il importe donc de procéder à une publication intégrale des arrêts de la Cour suprême pour les rendre accessibles aux magistrats (et aux justiciables). Il faut que la Cour suprême puisse jouer son rôle premier qui est d'unifier l'interprétation du droit. Pour ce faire, les arrêts rendus par la haute juridiction doivent, non seulement, être motivés, mais également les textes, visés par les arrêts de principe, doivent être explicités de sorte qu'ils orientent les juges du fond pour que se constitue une véritable jurisprudence au sens moderne du terme. Il est à noter que l'actuelle situation de la jurisprudence est déplorée par tous les praticiens du droit 131(*) et ne contribue guère à l'émergence d'un véritable droit (au sens académique) mauritanien. Les arrêts de la Cour suprême doivent donc être insérés dans un bulletin trimestriel dont le Ministre de la Justice doit déterminer, par arrêté, les modalités de diffusion. Dans le même ordre d'idées, la Cour suprême doit rédiger un rapport annuel faisant le point sur ses activités et notamment la doctrine dégagée à l'occasion de telle décision judiciaire. La Cour suprême devrait , également rendre le maximum d'arrêts de principes afin d'éclairer les juridictions de fond sur l'interprétation à donner aux différentes dispositions des textes132(*). A cet effet, la rédaction de ses arrêts ne doit pas se borner à faire mention des textes applicables, mais s'efforcer d'en dégager les principes. Face à ces carences, le juge est amené, le plus souvent, à faire une appréciation restrictive et superficielle des textes, sans se préoccuper de les insérer dans leur environnement juridique. Il reste incapable de saisir l'évolution du droit. Ceci est d'autant plus fâcheux que pendant longtemps le droit est resté imprécis. Cette situation n'est pas étrangère à la confusion qui a accompagné la réforme de 1983. Les lacunes qui apparaissent dans le travail des magistrats sont encore amplifiées par des données subjectives, en rapport avec la personne même du magistrat. Beaucoup de magistrats souffrent d'incompétence. Les raisons de cette incompétence sont à rechercher, vraisemblablement133(*), dans le recrutement massif opéré au début des années 80. En effet, des postulants à la magistrature, qui n'ont pas reçu de formation académique, se sont retrouvés tout à coup à la tête de juridictions. Si l'on sait que la justice suppose au moins le respect de certaines règles tenant à la procédure, à la forme du jugement, etc., on serait fortement tenté de conclure que ce recrutement a porté préjudice au bon fonctionnement du pouvoir judiciaire. Mais le problème de la compétence des magistrats est étroitement lié à la question de la formation. Depuis l'indépendance du pays et la formation des premiers magistrats, l'Etat a toujours encouragé l'existence de deux filières: l'une de droit moderne et l'autre de droit musulman. L'existence de ces deux écoles était doublement justifiée, tant par l'absence d'une structure nationale de formation134(*) que par le caractère dualiste des juridictions. Mais, lorsque l'unification de la magistrature fut décrétée135(*) et que la Mauritanie commença à former, sur son sol, des magistrats, la formation de ces derniers continua à s'opérer sur la base de la dualité: pendant que l'Ecole Nationale formait des magistrats de droit moderne, l'Institut Supérieur des Etudes et Recherches Islamiques dispensait un enseignement spécialisé en droit musulman. Ce dualisme dans la formation constitue un obstacle sur la voie de l'unification de la justice. A partir de 1983 et la généralisation du droit musulman, il a posé d'inextricables problèmes pratiques136(*). Pendant que les magistrats de droit moderne hésitaient à recourir à un droit musulman qu'ils ne maîtrisaient pas, les magistrats de droit musulman en faisaient un usage systématique, même dans les cas où la loi a prévu des règles étrangères au droit musulman137(*). Si la formation des juges mauritaniens n'est pas homogène, il faut également ajouter qu'elle n'est pas de qualité. On peut penser, a priori, que l'exigence d'un diplôme de maîtrise en droit ou en charia suivie de deux années de stage à l'ENA (section judiciaire) ou dans un établissement similaire constitue une garantie suffisante. En réalité, le diplôme de maîtrise ne constitue pas une garantie suffisante en soi mais seulement une présomption d'aptitude à la maîtrise des techniques juridiques138(*) et les deux années de formation à l'ENA ne s'accompagnent pas d'un enseignement de qualité. Elles sont souvent considérées comme purement formelles139(*). Enfin, au titre des difficultés liées aux magistrats, il faut mentionner que ces derniers subissent parfois des pressions sociologiques. Ils sont influencés par leur région d'origine140(*) et transposent souvent dans le monde judiciaire un système de "relations sociales" propre à handicaper le fonctionnement d'une justice harmonieuse.

Pour sortir de cette impasse, il est urgent que le Conseil Supérieur de la Magistrature mette l'accent sur la nécessité des mesures qui pourraient s'articuler autour d'abord de l'élaboration d'un statut de la magistrature qui garantisse l'indépendance des magistrats et la fourniture des moyens financiers importants afin de garantir, en pratique, cette indépendance141(*). Ensuite, la mise sur pied d'un centre de formation spécialisée dispensant un enseignement adapté à la mission du juge et réalisant la formation continue des magistrats. Enfin la large diffusion, au niveau de toutes les juridictions, de tous les textes utiles et l'encouragement de la naissance d'une jurisprudence par la publication des décisions des tribunaux. Le juge est un personnage central de tout système judiciaire et de toute société organisée et c'est seulement en apportant des solutions aux problèmes qui se posent à lui que le Conseil Supérieur de la Magistrature contribuera à l'indépendance du pouvoir judiciaire. Cette tâche n'est pas incompatible avec le rôle disciplinaire et gérant de la carrière des magistrats que le Conseil Supérieur de la Magistrature doit également exercer.

B. Le C.S.M. organe disciplinaire et gérant de la carrière des magistrats

C'est, en principe, à travers ses attributions disciplinaires et d'administration de la carrière des magistrats (art. 28 de la loi du 17 février 1994 portant statut de la magistrature) que le Conseil Supérieur de la Magistrature détient un véritable pouvoir décisionnel. Comme le prévoit la loi, en son article 7, ses compétences, en matière disciplinaire, s'exercent conformément au statut de la magistrature. Il lui appartient d'apprécier le comportement fautif susceptible de justifier une sanction à l'encontre de l'agent en cause. C'est également à ce titre qu'il se doit de gérer l'évolution de la carrière des magistrats notamment en ce qui concerne l'avancement, la mutation, la rémunération ou l'admission à la retraite. Dans son rôle disciplinaire, le CSM exerce à l'égard des magistrats le pouvoir disciplinaire (1°) et instruit l'action disciplinaire (2°).

1° Le pouvoir disciplinaire du C.S.M

Parallèlement au statut général des fonctionnaires142(*), le législateur, pour mieux préserver l'impartialité et l'indépendance des juges, a instauré un véritable droit disciplinaire à travers les articles 32 à 46 de la loi n° 94.012 du 17 février 1994 portant statut de la magistrature. Celui-ci est exercé par le CSM. Le but du régime disciplinaire est d'infliger une sanction proportionnelle à la gravité de la faute commise par le magistrat143(*). Lorsqu'un magistrat commet une faute dans l'exercice de ses fonctions, il fait l'objet d'une sanction disciplinaire malgré la règle de l'inamovibilité, car celle-ci n'a pas pour objet de mettre les magistrats indignes à l'abri de toute sanction professionnelle. A l'exception des avertissements prévus par l'article 33 de la loi n° 94.012 qui dispose que : « le président de la Cour suprême et le procureur près ladite cour ont le pouvoir de donner un avertissement aux magistrats placés sous leur autorité... », les sanctions disciplinaires à l'égard des magistrats sont exercées par le CSM.

La base sur laquelle un magistrat peut être poursuivi pour faute disciplinaire résulte expressément de l'article 32 du statut et implicitement de la violation de l'article 11. L'article 32 dispose que : « tout manquement par un magistrat aux convenances de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire... ». Cette définition de la faute disciplinaire, peu précise, fait que celle-ci ne se limite pas aux seuls manquements aux obligations statutaires, mais « s'étend à tous les manquements de la vie privée dans la mesure où ceux-ci seraient de nature à ternir l'honorabilité de la fonction... »144(*). Toutefois, contrairement au droit comparé où l'on a prévu, pour les magistrats du parquet, une commission chargée de leur discipline145(*), le législateur mauritanien, dans les termes de l'alinéa 2 de l'article 32, n'a pas mis les membres du ministère public à l'abri de l'arbitraire de leur chef hiérarchique, puisqu'il dispose, dans des termes généraux, que leur faute disciplinaire « s'apprécie pour un membre du parquet compte tenu des obligations qui découlent de sa subordination hiérarchique... ». Ce qui est de nature à favoriser l'exercice de l'action disciplinaire à leur encontre.

2° L'exercice de l'action disciplinaire

Selon l'article 38 du statut de la magistrature, il appartient au ministre de la justice de dénoncer au CSM les faits motivant une poursuite disciplinaire. Lorsque le ministre de la justice saisit le CSM, il lui fait parvenir le dossier personnel du magistrat mis en cause avec tous les documents concernant la poursuite. Le CSM se réunit à la Présidence de la République (article 49) et l'ordre du jour des séances est arrêté par le président du conseil qui désigne un rapporteur parmi les membres du conseil pour procéder à des enquêtes s'il y a lieu146(*). Le rapporteur entend le magistrat poursuivi ou le fait entendre par un magistrat d'un rang au moins égal. Le plaignant et les témoins peuvent être entendus et tous les actes d'investigation utiles à la manifestation de la vérité peuvent être accomplis147(*).

Lorsque l'enquête est achevée, le magistrat est cité à comparaître devant le conseil. Mais durant cette phase préparatoire, l'autorité de nomination, après avis du CSM, peut en cas d'urgence interdire au magistrat poursuivi l'exercice de ses fonctions jusqu'au prononcé de la décision définitive sur l'action disciplinaire148(*).

La phase définitive constitue la dernière étape de l'exercice de l'action disciplinaire. En vertu de l'article 41 du statut, cette phase suppose la comparution personnelle du magistrat devant le conseil. Le magistrat incriminé doit avoir reçu, auparavant, une citation fixant le jour de l'instance définitive qui statuera sur l'action intentée contre lui. Il peut se faire assister ou représenter, s'il y a force majeure, par un avocat ou un de ses pairs. En l'absence d'un cas de force majeure, la décision du conseil est réputée contradictoire149(*). Toutefois, l'intégralité du dossier personnel et l'ensemble des pièces de l'enquête, sont, de droit, communicables au magistrat et à son conseil afin de leur permettre de préparer leur défense, à défaut de cette condition, la décision du conseil, qui en général, doit être motivée, peut faire l'objet d'un réexamen de la part du même conseil, sur demande de l'incriminée ou de son conseil150(*).

L'échelle des sanctions, qui peuvent être prononcées contre les magistrats poursuivis, est prévue par l'article 34 du même statut. Ces sanctions sont au nombre de huit et vont de la réprimande avec inscription au dossier jusqu'à la révocation en passant par « le déplacement d'office, la radiation du tableau d'avancement, la retraite de certaines fonctions, l'abaissement d'échelon et la rétrogradation ». Cependant, on constate que, dans les faits le CSM n'est pas le maître de la décision puisqu'il émet seulement un avis et la loi ne confère pas à son avis un caractère obligatoire pour l'autorité investie du pouvoir de nomination. On peut dire que celle-ci n'est pas tenue juridiquement de le respecter. Certes, une telle attitude ne semble pas être traditionnellement de rigueur, les avis du CSM sont généralement de nature à recueillir l'assentiment de l'autorité gouvernementale, puisqu'en réalité c'est elle qui fait tout, même les avis151(*).

La création d'un Conseil Supérieur de la Magistrature répond au souci d'instituer un pouvoir judiciaire autonome des autres pouvoirs politiques mais cette indépendance ne peut être pleinement garantie que par un organe indépendant et inspirant la confiance aux citoyens, car c'est avant tout leurs droits et libertés qu'il s'agit de protéger dans la mesure ou le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles152(*). Sans dénier toute vertu à cette institution, le Conseil Supérieur de la Magistrature présente une certaine crédibilité, ne serait-ce qu'à travers l'élection d'une partie de ses membres par leurs pairs153(*). Mais cette crédibilité serait encore plus renforcée s'il venait à jouer pleinement son rôle de garant constitutionnel de l'indépendance du pouvoir judiciaire dans le processus de désignation des magistrats, sans qu'il ne soit utile de créer un domaine réservé au seul chef de l'exécutif, comme c'est le cas pour la nomination du président de la Cour suprême. Cela suppose, également, un organe présidé par une personne autre que le chef de l'Etat ou le Ministre de la Justice, un organe peu corporatiste, exempt de suspicion et qui comprendrait aussi des membres extérieurs tels que les avocats, les membres du conseil constitutionnel et les professeurs de droit qui contribuent, à l'instar de la Cour suprême, à assurer l'indépendance interne du pouvoir judiciaire.

* 122 R. TUNG : `'Les attributions du conseil supérieur de la magistrature'', Rev. Ad. 1954, p. 542 et s ; Th. RICARD : `'Le conseil supérieur de la magistrature'', op. cit. p. 38 et s ; M. KARSENTY : `'Le conseil supérieur de la magistrature institué par la constitution du 4 octobre 1958'', Thèse Aix-Marseille 1961, p. 222 et s.

* 123 Cf. M. E. BA : `'Rapport de la commission...'', op. cit. p. 5 et s ; l'auteur déplore notamment que : « la commission ait eu à constater des cas où des magistrats irréprochables ont été victimes des injustices commises à leur encontre par le pouvoir exécutif... En l'absence d'un cadre groupant les magistrats pour la défense des intérêts matériels et moraux de la profession, ils seront sans recours contre les abus du pouvoir politique ».

* 124 Voir supra. nos développements sur le statut des magistrats..

* 125 Cf. document final précité. A ce sujet, il est révélateur qu'un magistrat commence sa carrière à l'indice 760 c'est-à-dire la catégorie inférieure de cadre de la fonction publique et perçoit, en conséquence, un salaire de 53.000 ouguiyas (toutes indemnités confondues) insuffisant pour assurer une nourriture décente pour lui sans parler de sa famille dont il constitue, généralement, la seule source de revenu stable.

* 126 A titre d'illustration des problèmes d'équipement des tribunaux, nous reproduisons ici les besoins exprimés par le président du tribunal de la wilaya de l'Assaba que nous avons tiré d'une correspondance adressée au Ministre de la justice en ce sens en date du 27 avril 1998. Les besoins estimés indispensables au fonctionnement de ce tribunal par ce magistrat sont édifiants quant à leur modestie. Il s'agit : des machines à écrire, des placards pour les archives, des bureaux pour les greffiers, du mobilier de bureau, des textes anciens et nouveaux en vigueur en Mauritanie, d'un abonnement au journal officiel, d'une ligne téléphonique reliant le tribunal à l'administration centrale, et d'une ligne téléphonique pour le président de la chambre civile et commerciale du tribunal.

* 127 Généralisée, l'absence d'une jurisprudence est particulièrement regrettable. Pour ce qui concerne la Cour suprême, voir A. S. BOUBOUT : `'Propos sur la chambre...'' op. cit. p. 260 et s.

* 128 Ceci est d'autant plus regrettable qu'il y a souvent une imprécision ou une opposition des textes , parfois même des vides juridiques.

* 129 La Revue Mauritanienne de Droit, publiée en 1983 par les efforts de Cheikhany Jules, la Revue Mauritanienne de Droit et d'Economie, publiée par la Faculté des Sciences Juridiques et Economiques de l'Université de Nouakchott et la Revue Elmouhami, éditée par le Barreau en 1996 ont toutes cessé de paraître faute d'intérêt des praticiens et universitaires sensés en être les promoteurs.

* 130 Cf. A. S. BOUBOUT : `'Propos sur la chambre...'' op. cit. p. 251 et s.

* 131 Cf. Initiative Civique : `'Justice et développement'' op. cit. p. 23 et s.

* 132 Voir à ce propos l'étude de B. DAILLY : `'Etude sur la mise en place d'une bibliothèque à la Cour suprême'', UCP 1999, p. 8 et s.

* 133 Le document final précité n'apporte pas d'éclairage sur cette question.

* 134 Les magistrats de droit moderne étaient formés en France, ceux de droit musulman en Tunisie et au Maroc.

* 135 Voir supra. nos développements sur l'unification du statut de la magistrature.

* 136 Voir en ce sens Me YARBA et EBBETTY op. cit. p. 15 et s.

* 137 Voir les exemples cités par Me YARBA et EBBETTY dans leur communication précitée.

* 138 Cela est surtout valable depuis les dernières années, voir Initiative Civique op. cit. p. 40 et s..

* 139 Initiative Civique op. cit. ibid.

* 140 Voir document final précité. Il faut dire que bien souvent, la tribu est « derrière » la nomination et la promotion du magistrat et le protège contre d'éventuelles sanctions. En retour, elle exige de celui-ci qu'il veille, dans le cadre de son travail, à ses intérêts, d'où le sacrifice d'une garantie essentielle de bonne justice : la neutralité du juge. Voir Initiative Civique : `'Justice et développement'' op. cit. p. 24 et s.

* 141 On pourrait tenir compte à cet égard de la proposition qui figure dans le document final et qui consiste à aligner le traitement des magistrats sur celui des parlementaires (120.000 ouguiyas).

* 142 Loi n°93.09 du 18 janvier 1993 portant Statut Général de la Fonction Publique.

* 143 V. SILVERA : `'Le régime disciplinaire d'un magistrat depuis la loi organique du 17 juillet 1970'', Rev. Ad. 1970, p. 695 et s ; Th. RENOUX : `'Le conseil supérieur de la magistrature'', op. cit. 88 et s ; L. CADIET : `'Droit judiciaire privé'', op. cit. p. 161 et s.

* 144 R. PERROT : `'Les institutions judiciaires'', op. cit. p. 328 et s ; P. ESTOUPE : `'La justice et ses tabous'', Gaz. Pal. 1987-2-, p.327 et s ; G LINDON : `'La magistrature dans l'Etat'', D. 1986, chron., p. 178 et s.

* 145 G. B. CHAMMARD : `'Les magistrats'', op. cit. p. 85 et s ; Th. RENOUX : `'Le conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire'', op. cit. p.219 et s.

* 146 Art. 39 du statut de la magistrature.

* 147 Article 40 du même statut ; A. POUILLE : `'Le pouvoir judiciaire et les tribunaux'', op. cit. p. 86 et s.

* 148 Art. 36 du statut de la magistrature ; R. PERROT : `'Institutions judiciaires'', op. cit. p. 325 et s.

* 149 Voir art. 42 de la loi n°94.012 ; Th. RENOUX et A. ROUX : `'Le conseil supérieur de la magistrature'', op. cit. p. 94 et s.

* 150 Voir les art. 43 et 45 de la loi n° 94.012, l'art. 33 de la loi n° 63.212, l'art. 36 de l loi n° 68.237, l'art.33 de la loi n° 69.266 et l'art. 29 de l'ordonnance n° 82.129 ; Th. RENOUX : Le conseil supérieur de la magistrature'', op. cit. p. 316 et s.

* 151 G. MANGIN : `'Le régime disciplinaire des magistrats en France et dans les Etats d'Afrique francophone'', RJPIC 1969, p. 1115 et s ; :''Le régime disciplinaire des magistrats en République du Congo'', RJPIC 1969, p. 917 et s ; R. PERROT : `'Le conseil supérieur de la magistrature'', in Cahiers français 1991, n° 251, p. 41 et s.

* 152 Cf. art. 91 de la constitution du 20 juillet 1991.

* 153 J. D. BOUKOUGOU : `'Indépendance du pouvoir judiciaire et protection des droits de l'homme au Congo à la lumière des deux décisions de la cour suprême du 2 août 1996'', Penant 1997, p. 310 et s.

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