UNIVERSITE DU HAVRE
FACULTE DES AFFAIRES INTERNATIONALES
MASTER ERASMUS MUNDUS LLM :
« Pratique européenne du droit
»
Projet coordonné avec l'Université de
Hanovre en Allemagne
Mémoire de fin de cycle
THEME :
LA REFORME DE LA JUSTICE ET LA PROTECTION DES DROITS DE
L'HOMME EN MAURITANIE
Présenté par : DIOP
BOUBACAR
Sous la direction de :
Madame le Professeur Béatrice
BOURDELOIS
Année universitaire : 2006-2007
Remerciements
Je profite de cette occasion pour exprimer ici ma profonde
gratitude et mes sincères remerciements à mon professeur et
superviseur Madame BOURDELOIS, qui m'a appris la rigueur,
l'objectivité et l'analyse dans le travail.
Je la remercie également pour sa disponibilité,
ses critiques et ses conseils sans lesquels ce travail n'aurait pas vu le jour,
mais aussi à Monsieur LO Gourmo et sa famille qui ont
facilité mon intégration en France et dont les orientations ont
été très bénéfiques.
Mes remerciements vont également à l'ensemble de
ma famille et de mes proches pour leur soutien moral durant tout mon cursus
scolaire et universitaire
Enfin, je remercie l'ensemble de mes collègues
étudiants, mes amis, et à tout ce qui de prés ou de loin
ont contribué à la réalisation de ce mémoire.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
6
Première partie :
8
Les fondements de l'indépendance
de la justice
8
Chapitre préliminaire :
Aperçu sur l'évolution de la justice en Mauritanie
9
Section 1 : La justice
précoloniale
9
Paragraphe 1 : Présentation du
système judiciaire précoloniale
9
Paragraphe 2 : Les imperfections du
fonctionnement du système judiciaire précolonial
12
Section 2 : La justice
coloniale
12
Paragraphe 1 : Les juridictions de droit
local
13
Paragraphe 2 : Les juridictions
françaises
13
Section 3 : La justice
post-coloniale
14
Paragraphe 2 : La généralisation
du droit musulman
15
Paragraphe 3 : Les reformes de l'ère
démocratique
16
Chapitre 1 : Les principes garantissant
l'indépendance de la justice
19
Section 1 :
L'égalité devant la justice
19
Paragraphe 1 : L'affirmation du principe de
l'égalité devant la justice
20
Section 2 : Les garanties
statuaires et juridiques de l'indépendances : Protéger les
magistrats contre toute forme de pression
32
Paragraphe 1 : L'inamovibilité des
magistrats de siége
32
Paragraphe 2 : Les règles relatives
à la nomination, la notation, l'évaluation et à
l'avancement des magistrats
36
Section 3 : Textes et
procédure
41
Paragraphe 1 : La révision des textes
et procédures
41
Paragraphe 2 : La rationalisation de
l'organisation judiciaire
45
Chapitre 2 : Les facteurs garantissant
l'indépendance de la justice
46
Section 1 : Les organes concourant
à l'indépendance de la justice
46
Paragraphe 1 : Le conseil supérieur de
la magistrature (CSM)
46
Paragraphe 2 : Le rôle du CSM
49
Paragraphe 2 : La cour suprême
56
Paragraphe 3 : L'inspection
Générale de l'Administration Judiciaire et
Pénitentiaire
61
Section 2 : Promotion des droits
de l'homme
61
Paragraphe 1 : Garantie d'un procès
équitable et le respect des droits de la défense
62
Paragraphe 2 : L'Administration
pénitentiaire
62
Paragraphe 3 : Accès au droit et
à la justice
63
Deuxième partie :
65
Vers une modernisation du
système judiciaire
65
Chapitre 1 : Modernisation des
infrastructures et du mode de règlement des litiges
66
Section 1 : Les infrastructures et
les équipements
66
Paragraphe 1 : Bâtiments et
édifices
66
Paragraphe 2 : Les équipements
71
Section 2 : La modernisation de la
justice et la promotion des modes alternatifs de règlement des
différents
73
Paragraphe 1 : Le développement des
procédés de techniques de modernisation du service public
73
Paragraphe 2 : La promotion des modes
alternatifs de règlement des différents
75
Chapitre 2 : Ressources humaines et
formation
76
Section 1 : Gestion des ressources
humaines
76
Paragraphe 1 : Jeter les bases d'une gestion
prévisionnelle des effectifs du département de la justice
76
Paragraphe 2 : La motivation du personnel
judiciaire
81
Section 2 : Les auxiliaires de
justice affiliés à des statuts libéraux
83
Paragraphe 1 : Les avocats
84
Paragraphe 2 : Les notaires
95
Paragraphe 3 : Les huissiers
100
Paragraphe 4 : Les experts
104
CONCLUSION
109
BIBLIOGRAPHIE
111
INTRODUCTION
L'organisation judiciaire en Mauritanie a été
marquée dès les premiers moments de l'indépendance par une
dualité de contentieux : droit musulman/droit moderne, avec
séparation des juridictions et l'existence de deux corps distincts : les
magistrats et les cadis.
Plusieurs réformes ont été menées
(1983, 1991, 1994, 1999) sans pouvoir sortir la justice du cercle vicieux dans
lequel elle se trouve : d'abord victime d'une instrumentalisation politique,
puis d'une crise multiforme (crise de confiance, crise d'autorité, crise
de crédibilité, crise de moyens et crise de
compétence...).Ces crises se sont fait sentir au triple plan :
économique, politique et social.
Le changement intervenu le 3 août 2005 offre aujourd'hui
l'occasion à l'ensemble
des acteurs de faire le diagnostic du système
judiciaire et de proposer les mesures (urgentes, à moyen et long termes)
qui s'imposent pour replacer la justice dans son cadre constitutionnel et
institutionnel.
Les principaux axes à travers lesquels une intervention
rapide est sollicitée sont :
L'affirmation de l'indépendance de la justice et la
réforme du droit mauritanien ; le renforcement des capacités des
ressources humaines et la formation ; le développement des
infrastructures et la modernisation de la justice.
Il faut d'abord consolider l'indépendance de la justice
par une application effective des textes réservant à celle-ci le
statut de troisième pouvoir. Cette application passe par la
réhabilitation de ce pouvoir au sein des institutions étatiques,
le respect de son rang protocolaire, la restauration de son autorité sur
ses auxiliaires et l'amélioration des conditions de travail des ses
représentants. L'affirmation de cette indépendance passe aussi
par la révision du statut, de la composition et du fonctionnement des
certaines institutions concourant à cette indépendance, notamment
le Conseil Supérieur de la Magistrature et la Cour Suprême, ce qui
le cas actuellement à travers l'ordonnance n° 016-2006 portant
modification de la loi organique portant modification du statut de la
magistrature, ainsi que d'autres textes qui sont en cours
d'élaboration.
L'indépendance de la justice devrait être
également assurée par la mise en oeuvre stricte des principes de
l'inamovibilité du magistrat, de son immunité et sa
neutralité. Les garanties statutaires de cette indépendance
devraient connaître une application plus rigoureuse respectueuse du
rôle et du statut de la magistrature.
Ensuite, il serait question de doter le département de
justice des ressources humaines nécessaires à la
réalisation de sa mission. Ceci nécessite l'adoption d'une
politique de gestion prévisionnelle du personnel basée sur une
analyse prospective de l'existant, cette gestion visera à combler les
besoins à travers des plans de recrutement et de formation tout en
intégrant les exigences de la motivation du personnel mais aussi du
contrôle et de l'action disciplinaire. Pour compléter ce panel de
mesures, une amélioration des statuts des professions judiciaires
libérales (notaires, huissiers, avocats.....) est recommandée.
La réforme de la justice ne peut aboutir sans
l'amélioration de l'environnement et les conditions dans lesquelles
celle-ci est rendue. En effet, l'existence d'une infrastructure
opérationnelle et adaptée et des équipements permettant au
système judiciaire de jouer son rôle dans les meilleures
conditions constituent des objectifs incontournables. Dans ce cadre, l'accent
est mis, notamment, sur la nécessité de réhabiliter les
bâtiments existants, d'achever les travaux en cours et de construire des
nouvelles bâtisses pour accueillir les tribunaux et les maisons
d'arrêts qui continuent à être logées dans des
propriétés privées, conventionnées par l'Etat.
Afin de garantir la plus grande efficacité au
dispositif proposé, le rapport élaboré par la commission
recommande aussi de procéder à la modernisation du secteur par la
promotion de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, l'amélioration des prestations du service public à
travers un accueil personnalisé des usagers: physique et
téléphonique et un traitement rapide et efficace de leurs
courriers. Des espaces destinés à l'accueil, l'information et la
documentation doivent être pris en compte dans la conception des
bâtiments judiciaires.
Aussi, l'allégement des affaires traitées devant
les tribunaux est un objectif qui ne peut que renforcer la justice. Cet
allégement est garanti par certains modes alternatifs de
règlement des différends dont il convient de promouvoir et de
renforcer les structures qui en ont la charge. Ces modes alternatifs
constituent un complément indispensable pour le bon fonctionnement du
secteur de la justice et offrent une chance aux justiciables pour éviter
les procédures judiciaires, par nature, relativement longues et
coûteuses.
Notre étude au cours de ce mémoire s'attellera
de voir sur quoi se fonde l'indépendance de la justice ?
(Première partie) qui prétend tendre vers une modernisation (
Deuxième partie)
Première
partie :
Les fondements de
l'indépendance de la justice
Chapitre
préliminaire : Aperçu sur l'évolution de la justice
en Mauritanie
La Mauritanie a été colonisé pendant
plusieurs années par la France dont les administrateurs ont, à
plusieurs reprises, tenté vainement de supprimer les institutions
judiciaires mauritaniennes traditionnelles héritées de la
religion musulmane. En effet, s'étant très tôt rendu compte
que la ténacité du système judiciaire autochtone, les
Français devaient opter pour l instauration d'une colonie de territoire
au lieu de celle des peuplements,instituée dans toute l'Afrique
occidentale française (AOF).Par cette politique, la justice de
«droit musulman » ou justice autochtone conserve son champs
d'application de prédilection,à savoir les litiges qui
relèvent du droit musulman au grand bonheur des population locales qui y
voyaient une concession arrachée de haute lutte au colonisateur, la ?
justice moderne? ou le droit français se spécialisant dans les
conflits de nature économique et ceux concernant l'Administration et les
colons1(*).
En Mauritanie, la justice a connu trois périodes
nettement distinctes au cours de laquelle elle a épousé les
contours des forces au pouvoir. Il s'agit, notamment,de la justice
précoloniale de type traditionnel (Section 1), de la justice coloniale
mise en place par les autorités françaises pendant la
colonisation (Section 2) et de la justice postcoloniale mise en place par les
pouvoir publics mauritaniens dès l'accession du pays à
l'indépendance jusqu'à ce jour avec les différents
changement que celle ci a pu connaître (Section 3)
Section 1 : La justice
précoloniale
La structure précoloniale de la Mauritanie ne la
prédestinait pas à l'organisation d'un système judiciaire
centralisé de type moderne. Composée de tributs nomades connues
pour leurs migrations chroniques. Elle avait justifié un modèle
de justice simplifié (paragraphe 1) dont le fonctionnement
connaîtra des imperfections (paragraphe 2)
Paragraphe 1 :
Présentation du système judiciaire précoloniale
Dans la Mauritanie précoloniale,on peut distinguer deux
phases dont la conversion à l'islam est la cause. Avant le début
du 11ème siècle, en Mauritanie comme partout en
Afrique,les litiges étaient réglés dans le cadre d'une
justice coutumière (A) dont le fonctionnement connaîtra des
imperfections (B)
A. La justice coutumière
La justice coutumière est générée
par une société essentiellement nomade, dans laquelle le groupe
est la référence première, où l'individu est
très fortement intégré dans les structures familiales ou
claniques2(*).La
règle de droit émane du groupe par consensus pour être
intériorisée et pratiquée. Le droit a pour fonction de
garantir le statut quo en maintenant la paix sociale par la
référence à des normes, la plupart du temps,
coutumières. Lorsque le litige survient entre les membres du groupe, on
a recours à un juge qui se veut, avant tout pacificateur3(*). Ce dernier doit utiliser toutes
ses qualités humaines pour remplir sa mission qui fait de lui la
conscience morale de la société4(*).
La procédure, dans le cadre de la justice de
l'époque,est orale et informelle,fondée sur une méthode
dialectique. De la libre discussion sur le juste partage et la bonne conduite
se dégage la solution de droit. Le droit de chaque partie au
procès est prouvé au terme d'un échange d'opinion qui
conduit au prononcé d'une décision soumise à l'approbation
des membres du groupe5(*).
La conversion du pays à l'islam au début du
11ème siècle et la création de l'empire
Almoravide en 1038 allaient constituer le début de la transformation des
rapports entre les citoyens et par conséquent, le mode de
règlement des litiges.
B. La justice cadiale
La conversion de la Mauritanie à l'islam par les
Almoravides devait permettre l'instauration d'une justice fondée sur un
cadi omnipotent (1) dont les limites se manifesteront à travers le
déclin de son autorité causée par l'affaiblissement du
pouvoir central musulman (2)
1. L'omnipotence du cadi :
L'histoire de la période des Almoravides reste encore
mal connue, surtout en ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des
institutions politiques, administratives et judiciaires. Cette situation est
due,sans doute,au manque des documents écrits,car la civilisation
était caractérisée par l'oralité. C'est
pourquoi,pour reconstituer l'histoire de la Mauritanie, on a recours au
dépouillement des notes,rapport et essais des premiers explorateurs
européens. Une autre source non négligeable, est
constituée par les témoignages recueillis auprès des
anciens gardiens de la tradition orale. Il est certain que le récit des
événements recueillis par cette méthode ne peut pas rendre
fidèlement compte du fonctionnement des institutions de cette
époque,il doit être pris avec réserve, car le risque de
dénaturation est possible. La preuve en est que la version mauritanienne
et marocaine sur la création de l'empire des Almoravides n'est pas la
même6(*). En tout
état de cause,malgré le flou qui entoure cette période,
une chose est sûre, le règne de cet empire n'a pas duré
longtemps, du moins en Mauritanie. Il s'est effondré à la fin du
même siècle par la mort d'Aboubekr ben Amer7(*). Depuis lors et jusqu'à
la pénétration des français dans le pays au début
du XXème siècle, la Mauritanie n'a jamais connu le
règne d'un pouvoir qui incarnait l'existence d'un Etat au sens juridique
du terme8(*). La tentative
de création d'un tel Etat faite, par l'imam Nacerdine, s'est
soldée par un échec provoquant sa mort dans la
célèbre guerre de « Charbabou » au
XVIème siècle, et qui a permis le partage du pays en
provinces par les tribus de Béni Hassan vainqueur de la dite guerre pour
aggraver une telle situation de désordre. En dépit de toutes ces
mutations, la juridiction du cadi, instituée depuis la création
de l'empire et exercée par son chef spirituel9(*),a pu continuer d'exister comme
la seule et unique instance de règlement de différents. Cette
juridiction constitue la base de l'organisation judiciaire dans la
majorité des pays musulmans. Elle est fondée sur le cadi qui est
en principe, un homme honnête et pieux connaissant des règles de
droit musulman dégagées par la doctrine du rite
malékite10(*) dont
se réclame le peuple mauritanien.
Le cadi est un homme auquel la société
confère la fonction de la judicature. Arbitre et juge, il est aussi un
notaire, un protecteur des incapables et un contrôleur de l'exercice du
culte11(*). Il juge seul,
en principe, tous les litiges sans appel. Par respect des consignes de la
religion, les jugements qu'il rend sont exécutés par les
parties12(*). Plus qu'un
simple juge dans le sens actuel du terme, le cadi est un « super
juge » dont l'autorité et l'ascendant moraux
découlaient directement des principes religieux. Pour cela, il
était religieusement convaincu du bien fondé de la valeur de ses
jugements ; les justiciable l'étaient aussi bien que lui par le
fait de l'union spirituel existant entres eux. Eu égard à
l'importance de ses attributions, la doctrine exigeait par sa nomination dans
les anciens empires musulmans,certaines conditions. Il devait avoir de grandes
connaissances en matière de droit musulman ainsi que la capacité
d'élaborer des règles juridiques, c'est-à-dire
« Moudjahid ». A partir du VIème
siècle de hégire, cette dernière qualité n
est plus exigée.
En raison de la qualité de moudjahid (créateur
de la règle de droit), exigée pour être nommé cadi
et l'inexistante des règles codifiées de droit musulman, car ce
droit n'étant pas au début de son élaboration, les cadis
jugeaient librement et selon leur conviction personnelle tout en observant les
principes fixée par le coran et la sunna. Leur jurisprudence sera
souvent citée par les auteurs musulmans pour appuyer leur doctrine. La
plupart des maîtres doctrinaux de droit musulman ont exercé la
fonction de cadi au moins pendant un certain temps. Cependant avec
l'évolution du monde et des moeurs les pratiques cadiales deviennent
inadaptées aux réalités actuelles surtout sous l'influence
du droit moderne et au fur et à mesure qu'on s'éloigne des
premiers siècle de l'islam, l'on se rend compte que l'autorité du
cadi n'est plus aussi importante qu'avant.
2. Le déclin de l'autorité du
cadi
Au début de la révélation de l'Islam, en
raison du caractère religieux de la fonction de la judicature, les
jugements que rendaient les cadis étaient considérés comme
l'expression de la volonté religieuse et, a ce titre, leurs
exécutions constituaient une obligation religieuse13(*). C'est ainsi qu'aux premiers
siècles de l'islam,où l'attachement à la foi était
encore fort, l'exécution des jugements que rendaient les cadis se
faisait volontairement et sans l'intervention des contraintes. Plus tard,
après l'expansion de l'Etat musulman et la disparition temporelle du
calife, l'édifice juridictionnel à essence religieuse se trouva
déséquilibré. Le cadi n'a plus la force qui lui permettait
de faire exécuter ses décisions. L'esprit religieux de la justice
ne correspond plus d'ailleurs aux tendances de la nouvelle monarchie musulmane.
Comme dans d'innombrable contrées musulmanes14(*), la justice dans la Mauritanie
précoloniale, était rendue par les cadis et des
« foughahas ». Mais cette justice comportait une double
limite. D'une part, en raison de l'organisation sociale, beaucoup de litiges
trouvaient leur solution en dehors du droit, par la concertation ou la
conciliation entre les différentes tribus. Les rapports communautaires
étaient en effet, largement dilués dans le cadre tribal de telle
sorte que la société était dominée par des rapports
collectifs et communautaires. Dans les litiges entre tribus, on
privilégie généralement la concertation ou l'affrontement
plutôt que le recours à une quelconque juridiction. D'autre part,
et dans le prolongement de cette situation il n'y en avait pas
d'autorité politique centrale suffisamment forte et organisée
pour rendre obligatoire l'exécution des jugements rendus par le cadi. En
l'absence de cette autorité politique (représentée par le
guide spirituel des croyants désignés sous le non d'imam par
référence à la place qu'il occupe au sein de la
société en dirigeant la prière) qui délègue
le pouvoir de juger au cadi, les décisions de ce dernier n'avaient
aucune force contraignante. Des raisons propres à l'histoire de la
Mauritanie15(*).
Paragraphe 2 : Les
imperfections du fonctionnement du système judiciaire
précolonial
Les conséquences de ces systèmes
simplifiés se traduisent, sans surprise, par des imperfections de son
fonctionnement dont les cadis étaient plus touchés16(*).En effet tout d'abord les
cadis impuissants matériellement d'assurer l'exécution de leurs
jugements, ne jugeaient pas les affaires pénales. D'ailleurs, ils n'en
étaient même pas saisis puisque ces affaires étaient, le
plus souvent, réglées dans le cadre tribal, soit par le
dédommagement de la victime ou ces ayant droit, soit par l'affrontement
et la vengeance intertribales. Ensuite, les justiciables, condamnés par
le cadi, s'exécutaient « spontanément »en
générale, non par la crainte d'une sanction, mais plutôt
par la peur de la désapprobation générale, d'autant plus
forte que le droit et la religion sont étroitement lié. La force
contraignante des jugements rendus par le cadi trouvait son fondement
précisément dans son autorité morale17(*). Enfin, du fait de l absence
de limite à la compétence territoriale du cadi et du nomadisme
des populations, on pouvait rencontrer plus de dix cadis dans une même
circonscription ! Malgré ces imperfections, ce schéma a pu
fonctionner en Mauritanie durant des siècles. Le poids de la religion,
la souplesse de l'organisation sociale y étaient pour beaucoup, mais n
allaient pas resister à la poussée coloniale.
Section 2 : La justice
coloniale
Après une lente pénétration militaire,
la Mauritanie fut proclamée officiellement colonie de l'Afrique
Occidentale française (AOF) en 1920. Jusque là, le pays vivait
sous le régime d'un protectorat souple et l'administration était
indirecte pour l'essentiel, car l'organisation du commandement indigène
revenait aux chefs des tribus18(*). L'Etat mauritanien n'existait pas au temps colonial
en tant que territoire distinct régi par ses propres institutions
politiques, administratives et judiciaires. De même le positionnement
géographique des institutions administratives et judiciaires, que la
France a transplanté en Afrique, ne lui était pas favorable, car
de son rattachement à la fédération (AOF) en 1920 à
son accession à l'autonomie interne en 1958, la Mauritanie a
dépendu , du point de vue administratif et judiciaire, des juridictions
coloniales siégeant au Sénégal, a savoir la cour d'appel
de Dakar, le tribunal du contentieux administratif de Dakar et le tribunal de
première instance de Saint Louis. Sur le plan judiciaire, le contentieux
fut divisé entre les juridictions dites de ?droit local?19(*) (paragraphe 1) et d'autres
dites françaises (paragraphe 2)
Paragraphe 1 : Les
juridictions de droit local
Les juridictions de droit local, furent
réglementées par le décret du 22 mars 1924, elles
comprenaient d'abord les tribunaux de premier degré? où
statuaient les cadis. Le tribunal du premier degré ne fut d'ailleurs que
la continuation du tribunal du cadi qui existait avant la colonisation. Elles
comprenaient également des tribunaux du second degré ou
siégeaient les administrateurs ou des fonctionnaires français
spécialement affectés à cet effet.
Le cadi avait compétence pour les affaires relatives
au statut personnel ainsi qu'en matière civil et commerciale au premier
et dernier ressort si le montant de l'affaire était inférieur
à 15OO F. CFA20(*),
en premier ressort seulement si ce montant était compris entre 1500 et
5000 FCFA. L appel des décisions rendues par le cadi était
porté devant le tribunal du second degré. Le tribunal
était compétent, par ailleurs, pour statuer en premier ressort,
en matière civile et commerciale pour toutes les affaires dont le
montant excédait 50.000 F.CFA. Les jugements étaient rendus par
le tribunal du second degré de droit local de Saint Louis du
Sénégal qui abritait les juridictions françaises.
Paragraphe 2 : Les
juridictions françaises
Les juridictions françaises comprenaient,
essentiellement, le tribunal de première instance. Il est plus exact de
parler à cet égard d'une ? section du tribunal de première
instance de Saint- Louis?, car la Mauritanie était le seul Etat
d'Outre-Mer à ne pas disposer d'un tribunal de première instance.
Les sections mauritaniennes dépendaient donc de Saint-Louis, relevant
lui-même de la cour d'appel et de la cour de cassation
française21(*) . Ces section avaient compétence pour
toute les affaires civiles et commerciales qui appelaient l'application du
droit moderne22(*). En
plus de ces sections, les juridiction française? comprenaient
également quelques juristes de paix à compétence
restreinte (compétence pénale concernant les contravention et les
délit courant). En fait, la France s'est limitée tout simplement
à créer trois sections rattachées au tribunal de
première instance de Saint-Louis, la première dans le ville
d'Atar, la deuxième à Aoun et la troisième à
Kaédi qui d'ailleurs n'étaient mauritaniennes que par leur
positionnement géographique.
Cette « désertification » des
institutions coloniales est souvent expliquée par le degré
d'urbanisation peu élevé de la Mauritanie. Ce qui fait d'elle le
pays d'Afrique occidental le plus fermé vis-à-vis des
colons ;de sorte qu'on a pu dire que « la Mauritanie n'a
pratiquement pas connu la colonisation, n'en a pas donc subi les
méfaits »23(*). Cette période est caractérisée
par le fait que la France a été amenée tout naturellement
à établir dans la fédération(AOF), un
système juridictionnel calqué sur le modele métropolitain
ou du moins largement inspiré de lui. Cette tendance chez les colons,
est beaucoup plus accusée en matière juridictionnelle qu'en toute
matière, sans doute parce que l'organisation de la justice concerne
directement l'exercice de la puissance publique que le colonisateur entendait
naturellement conserver. Par ailleurs, si la France a pris la résolution
de reconnaître la spécificité des juridictions locales qui
existaient avant sa pénétration dans les pays de la
fédération, elle a tout de même superposé sa propre
organisation judiciaire à celle qui se trouvait déjà en
place. Ainsi, à la séparation des juridictions administratives et
judiciaires, la France a ajouté la séparation des juridictions de
droit moderne et des juridictions de droit locales24(*), de telle sorte qu'on se
trouve, dans une période, du point de vue des juridictions de droit
moderne dans un système de dualité de juridictions. Une fois,
l'autonomie interne acquise en 1958, la Mauritanie, en matière de
justice comme bien d'autres Etats, a cédé à la tentation
de maintenir le modèle colonial déjà implanté dans
le pays. De sorte qu'on a dit « qu'a la fin de la période
coloniale, le principe de la dualité de juridictions et l'existence d'un
juge propre à l'administration faisaient partie du
donné »25(*). C'est la solution la moins compliquée, et
aussi la plus conforme aux exigences de la continuité26(*).Pourtant, cette imitation du
modèle français a ses risques d'inadaptation inhérentes
à toutes opérations de ce genre en sciences sociales27(*). Cette situation devait
prévaloir jusqu'à l'indépendance et déboucher sur
une rupture qui a longtemps caractérisé la justice
post-coloniale : l'opposition entre la justice de droit français et
justice de droit musulman.
Section 3 : La justice
post-coloniale
L'articulation de la justice post-coloniale correspond, en
gros, aux grandes reformes qu'a connues l'organisation judiciaire depuis que le
pays a acquis la souveraineté internationale. Il s'agit notamment de la
reforme judiciaire de l'indépendance (paragraphe 1), celle de la
généralisation de la charia ou de la loi islamique (paragraphe
2), celle de l'ère démocratique (paragraphe 3)
Paragraphe1 : La reforme judiciaire de
l'indépendance
La première organisation judiciaire de la Mauritanie
indépendante a été l'oeuvre de la loi de 1961. Celle-ci
réalise une synthèse entre l'héritage du passé et
les apports de la colonisation28(*). A l'influence du passé précolonial se
rattachent les juridictions de droit musulman, l'héritage colonial se
traduit par la création des juridictions de droit moderne29(*). Le droit applicable prend
deux aspects : le droit moderne et le droit musulman. Cette dualité
de droits reflète l'existence de deux droits d'inspirations
différentes répondant à des besoin politiques,
économiques et sociaux différents. La particularité de
cette situation a fait que la Mauritanie n'a pas pu opter pour la voie que
d'autres pays africains, comme le Sénégal,ont suivie qui a
réalisé une unification totale de son droit et de ses
juridictions au prix de la disparition délibéré de la
justice coutumière au profit de la justice moderne. Cela se justifie par
le fait qu'en Mauritanie, le droit musulman est plus qu'une simple
coutume ; il ne pouvait ni disparaître, ni être
subordonné à un droit moderne d'inspiration extérieure, ni
distribué par des juridictions inférieures à celles
chargées d'appliquer le droit moderne. Donc, il était tout
à fait normal que les reformes de l'indépendance aient
pensé qu'au sein de toutes les juridictions mauritaniennes il existe
deux formations : l'une chargée de traiter les affaires relevant du
droit moderne, l'autre connaît les affaires qui relèvent du droit
musulman.
L'institution de ces formations
« islamiques » avait été
présentée, à l'époque, comme une séparation
qui veut donner à la sainte loi coranique la place qui lui revient de
droit dans le domaine judiciaire. Leur création répondait donc,
chez certaines couches de la population mauritanienne, à un sentiment de
nostalgie envers la sainte loi coranique et envers un certain lointain souvenir
d'une conception de la justice parfaite des premiers cadis musulmans. Il est
certain aussi que ce sentiment avait bien joué un rôle pendant
l'histoire,pleine de péripéties, de l'Etat islamique, en vue de
préserver, dans une certaine mesure, l'existence des juridictions
islamiques sous l'occupation coloniale. Cependant, cette organisation
judiciaire a fait l'objet de vives critiques dans les milieux traditionnels de
la société mauritanienne parce qu'elle marginalisait le juge de
droit musulman30(*).Ces
critiques sont à l'origine de la reforme législative des
année 80,portant généralisation du droit musulman.
Paragraphe 2 : La
généralisation du droit musulman
Introduite par l'ordonnance de 198331(*), la reforme des année
1980 avait pour but principal de généraliser le droit musulman,
supposé plus adapté aux aspirations de la société,
et d'unifier les institutions judiciaires sous la bannière de cette
généralisation. Elle procède ainsi à l'abolition du
dualisme judiciaire en mettant en place un appareil judiciaire qui comprend le
tribunal départemental, le tribunal régional, la cour d'appel et
la Cour suprême. Au sein des juridictions, on ne trouve plus la
distinction entre les juges de droit moderne et ceux de droit musulman. Les
magistrats forment désormais un corps unique et ne statuent
théoriquement que sur la base du droit musulman. Cette reforme,
intervenue sous l'impulsion des nouveaux dirigeants militaires, qui ont pris le
pouvoir le 10 juillet 1978, est marquée par des choix politiques qui
sont l'arabisation et l'islamisation du pays. Elle dispose dans son article
1er que : « la justice est rendue sur le
territoire mauritanien par : les tribunaux départementaux,
régionaux, les tribunaux du travail, les cours criminelles, une cour
spéciale de justice,les cours d'appel et une cour
suprême ». La distinction entre formation de droit musulman et
formation de droit moderne est supprimée ; les juridictions
cadiales et les tribunaux d'instance, prévus par les anciennes lois,
disparaissaient. Ce sont des tribunaux départementaux et des tribunaux
régionaux qui prennent le relais. Ces juridictions doivent juger
« suivant la règle de droit musulman »,et la justice
n'est plus rendue au nom du peuple mais « au nom d'Allah le Tout
Puissant ».
Mais parallèlement à l'unification de l'appareil
judiciaire, la reforme de 1983 a consacré le rôle de la Cour
spéciale de justice comme juridiction à part entière. De
plus, les matières relevant des compétences de la cour iront en
s'élargissant à tel point que la cour spéciale de justice,
conçue au départ comme une juridiction d'exception, va
apparaître comme une juridiction spécialisée dans le
contentieux économique, dans celui des assurances et plus
généralement dans l'application du droit? profanes?. En fait,
l'importance grandissante de cette cour, en marge des juridictions de droit
commun, témoignerait de l'échec de l'unification
réalisée par l'ordonnance de 1983. La cour Spéciale de
justice sera supprimée dans la réorganisation judiciaire de 1993
qui vise à ajuster le système judiciaire au niveau de processus
democratique?
Paragraphe 3 : Les
reformes de l'ère démocratique
C'est la loi n° 93.010 du 21 janvier 1993 qui va
réaliser cette réorganisation. L'innovation principale
réside dans la suppression de la cour spéciale de la justice,
juridiction d'exception qui ne peut avoir de place dans un contexte
démocratique institué par la constitution du 20 juillet
1991 . Ses compétences sont dévolues à une nouvelle
chambre civile et commerciale créée au niveau du tribunal
régional, dorénavant dénommé tribunal de la
willaya. Il subit également d'autres réaménagements du
fait du transfert de son ancienne chambre civile vers la cour d'appel. La cour
d'appel est composée d'une chambre civile et d'une chambre mixte
respectivement compétente en appel des décisions du tribunal
départemental, devenu tribunal de la Mouwatalli. La cour suprême a
connu des réaménagements importants, originairement
composé d'un président,de deux vice présidents et des
conseillers, elle est désormais organisée en quatre chambres
(civile et commerciale ,administrative,criminelle et sociale.
Cette reforme qui en gros n'était de reforme que de
nom, car la mauvaise volonté politique des pouvoirs à
l'époques empêche toute forme d'application du droit et la mise en
place d'un système juridiques.
Cependant depuis la prise du pouvoir par le CMJD32(*) le 3 août 2005 on
assiste à une refonte du droit judiciaire Mauritanien
opéré par les autorités de transition dirigées par
Ely Ould Mohamed VALL
Cette réforme ambitieuse dont la clé a
été le choix des hommes qui en seront les premiers responsables,
mais qui ne s'est pas forcément entourée des moyens humains
nécessaires pour sa mise en oeuvre. Mais elle est en définitive
la plus grande réalisation du gouvernement de la transition.
La réforme de la justice et du droit, en vue du
renforcement et de la promotion des libertés fondamentales, figurait au
rang des trois priorités des autorités de la transition
instaurée au lendemain du renversement du régime de
Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya. Pour donner un contenu concret
à ce vaste chantier de remise aux normes d'un appareil judiciaire
réduit à sa plus simple expression, un outil répressif au
service des lobbys les plus puissants, garantissant l'impunité totale
à tous les membres du «milieu», les nouvelles
autorités ont pensé à l'ancien bâtonnier de l'ordre
des avocats, maître Mahfoudh Ould Bettah, militant connu
des droits de l'homme et quelque part «bête
noire» du pouvoir déchu. Au bout de 19 mois de transition,
celles-ci se sont traduites par de nombreuses réalisations
concrètes, sous forme d'adoption de plusieurs textes venus donner un
contenu réel à l'indépendance de la justice, à la
réforme du droit, au renforcement des ressources humaines et à la
mise en place de nombreuses infrastructures pour moderniser le cadre du
travail. Ces mesures et réalisations représentent une
avancée notable, probablement la plus importante de notre appareil
judiciaire et dans le cadre de la gestion de nos libertés collectives et
individuelles, mêmes si elles n'ont pu épuiser l'immense chantier
qui aura forcément besoin de continuité dans l'action pour
accompagner efficacement le développement du pays. Pour donner un
poids réel au jugement dans le cadre de la mission délicate de
traitement des affaires à la fois au niveau pénal et au
contentieux civil, interdiction formelle a été faite à la
chancellerie d'interférer dans les dossiers pendants devant les
juridictions. L'ouverture de l'année judiciaire 2006, la première
sous l'ère de la transition, a été également
consacrée au thème de l'indépendance du juge, histoire de
signifier clairement la volonté de réforme des nouvelles
autorités. Dans le même souci, plusieurs dispositions
légales limitant l'autonomie des magistrats ont fait l'objet de
révision, en plus de l'institution du serment sur le Coran. Par
ailleurs, une autre innovation astreint les magistrats à une
déclaration de patrimoine (souci de transparence) au moment de
l'entrée en fonction (prestation de serment).
Quant aux
compétences disciplinaires dans le cadre de la gestion des magistrats,
elles sont désormais exclusivement dévolues à une instance
du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) au sein
de laquelle ne siègent que leurs collègues, ce qui exclut
d'office le président de la République (et président du
CSM) et le ministre de la justice. Une amélioration
substantielle de la rémunération des juges a été
décidée et un code de déontologie mis au point. Ces
différentes actions de réhabilitation du rôle
du magistrat par une indépendance réelle ont
été par ailleurs accompagnées d'une réorganisation
de l'Inspection Générale de
l'Administration Judiciaire et Pénitentiaire (IGAJP),
grâce notamment à un renforcement de ses moyens matériels
et humains qui a permis de mener plusieurs inspections auprès des
juridictions à Nouakchott et dans les régions.
Les avancées les plus notables du chantier de cette
réforme résident à coup sûr dans l'adoption de
plusieurs textes d'avant-garde, pour la protection des mineurs, grâce
à une justice spécifique et adaptée, à l'aide
juridique, au nouveau statut des magistrats, à la
nouvelle organisation judiciaire (complément indispensable du
statut), aux réformes des codes de procédure pénale,
civile, commerciale et administrative, à celle du fonctionnement des
greffes, à la révision de la loi organisant la profession
d'avocat, à un statut pour le personnel de l'administration
pénitentiaire, à la révision de la loi relative à
la charge notariale...
De manière concrète, le
nouveau statut des magistrats, adopté en juillet 2006, a permis le
recrutement à titre exceptionnel de professionnels du droit parmi les
avocats, les juristes d'affaires et les professeurs de l'enseignement
supérieur. Dans le cadre de la poursuite des efforts visant à
approfondir l'esprit de réforme et sa globalisation, une nouvelle
organisation judiciaire a été adoptée en février
2007. Le fait marquant de cette loi est la création des fonctions de
secrétaires généraux au niveau des cours d'appel (le pays
en compte trois: Nouakchott, Nouadhibou et
Kiffa). Ces derniers assument des fonctions de gestion
administrative et financière avec pour mission la rationalisation des
moyens. La nouvelle organisation judiciaire a eu aussi pour conséquence
«l'extension des compétences de certaines juridictions afin de
garantir la célérité du traitement des affaires».
Autre nouveauté induite par la réorganisation,
la création de tribunaux de commerce à
Nouakchott et Nouadhibou. Le transfert des
compétences des tribunaux départementaux des capitales
régionales (à l'exception de Nouakchott) aux
chambres civiles des tribunaux régionaux, l'introduction de la
collégialité effective à partir du second degré (de
nature à renforcer les garanties procédurales), la
consécration de l'appel en matière criminelle représentent
autant d'acquis issus de la nouvelle organisation judiciaire. Quant
à la réforme de la procédure pénale, elle consacre
«l'enracinement des garanties constitutionnelles relatives aux
procès équitables, la séparation des autorités
chargées de l'instruction et du jugement et la présomption
d'innocence».
Pour garantir les libertés constitutionnelles, il
fallait obligatoirement renforcer le rôle de la justice dans la
surveillance et l'évaluation du travail de la police judiciaire. Une
action accompagnée d'une amélioration des conditions humaines de
la garde à vue. Ainsi, la visite de la famille et l'assistance de
l'avocat sont désormais formellement autorisées pour
éviter les effets néfastes d'un véritable trou noir
marqué par la solitude d'un détenu face à la toute
puissance d'une police judiciaire dont l'action, souvent musclée pour
arracher des «preuves», a souvent berné les juges ici
et ailleurs, aboutissant régulièrement à des drames sous
forme d'erreurs judiciaires qui ont conduit certaines de leurs victimes
à l'échafaud.
Dans le même souci de
modernisation par la réforme de la règle de droit en vue d'une
meilleure assurance et d'une meilleure protection des libertés
constitutionnelles, on peut noter la limitation de la durée maximale de
la détention préventive, venue comme complément du
principe de la présomption d'innocence.
L'institutionnalisation du contrôle judiciaire comme
alternative à la même détention préventive vient
encore donner plus de contenu à cette orientation protectrice des droits
et libertés. L'institution d'une chambre d'accusation
auprès de la cour d'appel, qui aura à jouer un rôle central
dans les décisions relatives à la détention
préventive et en matière de contrôle de l'instruction
répond au même désir de modernisation des règles de
procédure pénale. L'importance du rôle du ministère
public auprès des juridictions d'appel a été aussi
renforcée. En matière de justice civile, on note une modification
de certaines règles de procédure (CPCCA) visant
«l'affirmation du principe du contradictoire et de l'obligation de son
respect par le juge».
Du coup, le législateur a été
contraint de redéfinir les compétences des différentes
juridictions en matière civile, y compris les nouveaux tribunaux de
commerce. Une démarche qui a abouti à une définition
rigoureuse de la forme que doivent revêtir les requêtes
introductives d'instance, l'association légale du ministère
public à la procédure civile dans les affaires commerciales, la
réduction de certains délais de comparution, la sanction de
l'abus de droit d'ester en justice par des amendes civiles, l'abandon du
pourvoi dans l'intérêt de la loi au profit du seul recours pour
excès de pouvoir...
Pour introduire les
réformes de la transition, un diagnostic sans complaisance a permis
d'identifier la faiblesse des ressources humaines (personnel mal formé -
et c'est un euphémisme) comme véritable maladie de notre
système judiciaire. Une plaie au double niveau quantitatif et
qualitatif. Pour trouver un début de solution à ce casse
tête, les nouvelles autorités ont imaginé la mise en place
d'un cadre légal. D'où un nouveau statut des magistrats ouvrant
la voie de la profession par concours direct et un recrutement par
sélection professionnelle de praticiens du droit.
Un statut particulier pour le personnel des greffes
(véritable cheville ouvrière dans le cadre du fonctionnement des
juridictions) a été adopté. Il a été
également institué un corps de surveillants des
établissements pénitentiaires pourvu d'un statut particulier.
Dans le même souci d'assurer un réservoir important en
matière de ressources humaines, un décret de révision a
transformé l'École Nationale
d'Administration (ENA) en École Nationale
d'Administration et de Magistrature (ENAM).
Pour une meilleure planification, le ministère de la
justice a conçu un plan de formation avec la création d'un
Centre de Formation et de Documentation Judiciaire. Celui-ci a
réalisé plusieurs actions de formations portant sur des
thèmes variés: déontologie, protection des
libertés, procès équitable, le référé
en justice... dans le courant de l'année 2006 au profit de nombreux
magistrats et auxiliaires de justice.
Le plan de formation décliné ci-dessus est
accompagné d'un plan de carrière. Ainsi, au titre de
l'année 2006, 26 magistrats sur 49 à sélectionner par la
voie professionnelle ont été déjà
intégrés au corps par le Conseil Supérieur de la
Magistrature. Un recrutement direct de 50 magistrats (en cours de formation) a
été aussi opéré. 110 auxiliaires de justice
(personnel des greffes: greffiers en chef, greffiers, secrétaires de
greffes et parquets) ont aussi été recrutés. Cette action
de promotion des ressources humaines a été accompagnée
d'une stratégie de modernisation des infrastructures:
équipements, informatisation, constructions de nouveaux
édifices...
Une réalité dont la parfaite
illustration est fournie par quelques chiffres relatifs à l'année
2006. En effet, vingt-deux marchés sur appel d'offres et 16
consultations ont été initiés par le ministère de
la justice pour un montant global légèrement supérieur
à 800 millions d'ouguiya. Cette enveloppe a permis l'acquisition de
matériels et mobiliers de bureau, de véhicules et moyens de
transport, de travaux et réparations de bâtiments,
d'équipement de la nouvelle maison d'arrêt de Dar
Naim... Des progrès incontestables ont été
réalisés, même si le chantier reste encore largement ouvert
dans la mesure où 19 mois de transition ne pouvaient permettre de
réparer plusieurs dizaines d'années de sabotage organisé
de l'appareil judiciaire.
Chapitre 1 : Les principes
garantissant l'indépendance de la justice
En tant que service public, la justice doit être bien
gérée. C'est ce qu'on entend par l'exigence d'une ? bonne
justice?. Donc, pour satisfaire à un besoin d'intérêt
général, l'activité du service public de la justice doit
être régis par des principes fondamentaux comparables à
ceux exigés pour la gestion de toute autre administration.
Outre le principe de la continuité du service public de
la justice, d'autres principes non moins important doivent régir
l'activité judiciaire : l'égalité devant la justice
(section 1),les garanties statuaires et juridiques de l'indépendance
(section 2) et la révision permanente des textes (section 3)
Section 1 :
L'égalité devant la justice
En tant qu'elle constitue un monopole de l'Etat, la justice
est un service public, peut être le plus éminent de tous, qui est
géré par un ministère qu'on appelle communément la
chancellerie. Comme tout service public, la justice est gouvernée par le
principe d'égalité, ce qui signifie que toute personne a vocation
à être jugée par les mêmes juridictions selon les
mêmes règles, sans la moindre discrimination. Autrement dit, les
justiciables se trouvant dans la même situation doivent être
jugés par les tribunaux selon les mêmes règles de
procédure et de fond. Ainsi il ne doit pas y avoir une justice de
classe, l'une pour les pauvres, et l'autre pour les riches. De même la
justice ne doit pas distinguer les justiciables selon leur nationalité.
Ce principe qui semble naturel à notre époque, n'est pas
expressément affirmé par les textes (paragraphe 1), mais c'est un
des principes fondamentaux de l'efficience de la justice malgré
l'existence de limites certaines (paragraphe 2)
Paragraphe 1 :
L'affirmation du principe de l'égalité devant la justice
Le principe de l'égalité de devant la justice
signifie que « toute personne a une égale vocation à
être jugé par les même juridiction et selon les même
règles de procédure,sans la moindre
discrimination »33(*). Il implique que chacun puisse avoir la
possibilité de saisir la justice pour faire valoir ses droits34(*), il tire son origine (A)
directement du principe selon lequel la justice est le monopole de l'Etat. La
justice est un service public et, en tant que telle, son accès est libre
et ne doit pas supposer, en tout cas , ni privilèges, ni
discrimination. Ce qui signifie la réception du droit mauritanien (B)
A. L'origine du principe :
Le principe de l'égalité devant la justice, qui
paraît naturel, se comprend mieux par référence à la
situation qui existait dans l'ancien droit français. Sous l'ancien
régime, il existait en effet des privilèges de
juridictions : selon la classe sociale à laquelle le plaideur
appartenait (clergé, noblesse), il était jugé par des
juridictions différentes. C'est cette discrimination que le
législateur révolutionnaire a entendu abolir en décidant,
dans l'article 16 du titre II de la loi des 6 et 24 août 1790, que ? tout
privilège en matière de juridiction est aboli ;tout les
citoyen sans distinction,plaideront en la même forme et devant les
même juges,dans les même cas?. Il y a quelques années,
à l'occasion d'un litige opposant le Sunday Times au Royaume-Uni, la
cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg a
précisé que « compte tenu de la place centrale
occupée par l'article 6 de la convention (par le droit au procès
équitable) qui consacre la place fondamentale de la
prééminence du droit... l'expression autorités ou pouvoir
judiciaire? (art 10 al.2) reflète notamment l'idée que les
tribunaux constituent les organes appropriés pour apprécier les
droits et obligations juridiques pour statuer sur les différents .
Reconnaître ainsi la légitimité pour tout justiciable de
voir ses différents portés devant les tribunaux d'un Etat, c'est
admettre l'idée que tout les justiciables ont un droit égal
à être jugés, naturellement par des juridictions
puisqu'elles sont les mêmes pour tous.
On connaît la valeur quasi-mythique de l'idée
d'égalité chez les français35(*) , mais aussi en droit
positif. Acquis de la période révolutionnaire, composante de la
devise française, ce principe est maintes fois évoqué par
le conseil constitutionnel dans des domaines très divers et for
éloignés de la procédure. Ce principe n'a pas encore
été dégagé par la procédure civile, mais il
est exprimé en termes si larges pour d'autres contentieux qu'on voit mal
comment il pourrait être exclu du soubassement constitutionnel de la
procédure civile. On le trouve exprimé pour la première
fois dans une décision du 17 décembre 1973 du conseil
constitutionnel36(*). En
effet, ce dernier , pour ne pas priver le contribuables du droit d'agir en
justice contre des mesures fiscales, alors que les autres contribuables
auraient disposé de cette faculté, a affirmé que le
principe de l'égalité devant la justice conférait les
mêmes droits à tous les contribuables. Surtout, on le retrouve
dans la décision du 25 juillet 1975 « le principe
d'égalité devant la justice est inclus dans le principe
d'égalité devant la loi proclamé par la déclaration
des droits de l'homme »37(*), par application de ce principe, le président
du tribunal de grande instance ne pouvait se voir reconnaître le pouvoir
de renvoyer le jugement de certains délits soit à un juge unique,
soit à une juridiction collégiale, car « le principe
d'égalité fait obstacle à ce que les citoyens se
trouvaient dans les conditions semblables et poursuivis par les mêmes
infractions soient jugés par des juridictions composées selon des
règles différentes ». Ce principe fut
réaffirmé lors de l'examen de la loi ? sécurités et
liberté? pour en censurer deux articles, qui , par les
possibilités qu'ils offraient à la partie civile, faisant que les
prévenus dépendaient du choix de celle-ci qui, pour
bénéficier ou non du double degré de juridictions sur
leurs intérêts civils. Il n'est pas étonnant que le
principe d'égalité soit très présent dans la
théorie de la juridiction, même s'il n'éclipse pas
totalement le principe de liberté. Tous les justiciables se trouvant
dans la même situation doivent donc être jugé par les
mêmes tribunaux, et selon les mêmes règles de
procédure et de fond. Ce principe, qui semble aujourd'hui aller de soi,
n'existait pas sous la monarchie ou au clergé. Ces discriminations ont
été supprimées par la loi des 16 et 24 août 1790.
L'égalité ne bénéficie pas d'ailleurs pas aux seuls
ressortissants français. C'est une règle d'application
territoriale s'étendant à tous les justiciables plaidant, en
demande ou en défense, devant toutes les juridictions .
Le principe d'égalité devant la justice repose
sur des fondements internationaux et nationaux.
Sur le plan universel, l'égalité devant la
justice est fondée par des textes internationaux et
régionaux38(*). Au
niveau international, la déclaration universelle des droits de l'homme
du 10 décembre 1948 dispose dans son article 1er
que : « ...tous les êtres humains naissent libres et
égaux en dignité et en droit... », L'article 7 de la
même déclaration indique « ... tous sont égaux
devant la loi et ont droit, sans distinction, à une égale
protection de la loi ... ». Le pacte international relatif aux
droits civils et politiques du 16 décembre 1966 dispose dans son article
26 que « toutes les personnes bénéficient d'une totale
égalité devant la loi... ,à cet égard, la loi
doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes
une protection égale, efficace et effective contre toute discrimination
de race ou de situation sociale... »
Sur le plan régional, la charte africaine des droits de
l'homme et des peuples, adopté le 28 juin 1981 à Nairobi par la
conférence des chefs d'Etats et de gouvernements des pays membre de
l'OUA, dispose que « toutes les personnes ont le droit à une
protection de la loi... ». La convention européenne des droits
de l'homme dispose, dans son article 14 que : « la
jouissance des droits et libertés reconnus dans la convention doit
être assurée sans distinction aucune... » ;
L'article 6-1 admet que tous les justiciables ont un droit égal à
être jugés naturellement par les mêmes juridictions dans les
mêmes formes39(*).
L'article 21 de la convention américaine des droits de l'homme affirme
que « toutes les personnes sont égales devant la loi. Par
conséquent toutes ont droit à une protection égale de la
loi , sans discrimination d'aucune sorte... » Ces trois textes
proclament certes, le droit à l'égalité dans des termes
presque similaires, mais il est à signaler que l'égalité
juridique devant la loi n'a pas la m^me signification dans les traditions
constitutionnelles des Etats. C'est pour cela qu'on distingue en
doctrine40(*), à
propos de celle-ci, entre l'égalité juridique formelle et
l'égalité juridique substantielle. La première
« n'exclut les mesures intrinsèques contraires aussi bien dans
le domaine législatif que dans le domaine administratif ». La
seconde exige, qu'en ce qui concerne les droits et les obligations, les normes
soient 41(*)appliquées à tous. Outre une
consécration internationale, le principe de l'égalité
devant la justice aussi dans le droit interne .Au niveau de ce droit sur un
plan purement théorique,l'égalité devant la justice est
expressément qualifiée de droit fondamental dans le
préambule de la constitution du 20 juillet 1991, qui prévoit que
« tout mauritanien et toute personne vivant sur le territoire
mauritanien, bénéficient d'une égale protection de la
loi » . Ce principe, qui apparaît contradictoire avec
toute sorte de système de droit inégalitaire, signifie, s'il est
appliqué à la lettre que la loi générale doit
être appliquée de manière identique à tous. Une
affirmation, parait inspirer du droit comparé où l'affirmation du
principe d'égalité devant la loi de l'article 1er de
la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789
trouve son aboutissement dans le principe d'égalité devant la
justice, car si la justice n'es pas la même pour tous, la loi ne le sera
pas42(*). La doctrine dans
ces cas admet que le principe trouve son fondement dans la loi des 16-24
août 1790 qui dispose que « tout privilège en
matière de juridiction est aboli,tout les citoyens, sans distinction,
plaideront en la même forme et devant les mêmes juges dans les
mêmes cas ». En droit musulman, un tel principe est
affirmé par le fait que le juge « ... doit traiter sur un pied
d'égalité ceux qui comparaissent à son tribunal et devant
sa conscience, de sorte que le puissant ne puisse compter sur sa
partialité et le faible désespérer sa
justice... »43(*). Cette convergence, entre le droit positif et le
droit musulman semble faciliter, dans une large mesure, la réception de
ce principe par le droit mauritanien.
B. La réception du principe par le droit
mauritanien
Les obstacles paralysant l'égalité du droit des
citoyens à recourir aux juges sont le fait des pouvoirs publics en
Mauritanie où le système politique se caractérise par la
centralisation (1),la pression sur la justice (2) et l'ineffectivité
institutionnelle (3)
1. La centralisation
Le système politique mauritanien est
« developpementaliste » et centralisé. Il est
construit sur une idée maîtresse, qui implique que l'unité
et la construction nationales imposent un pouvoir fort et autoritaire qui prend
souvent l'allure d'un exécutif n'admettant aucun partage de pouvoirs et
ce malgré la clarté des dispositions constitutionnelles à
cet égard. Il en résulte pour le justiciable la crainte de
représailles qui le conduit à s'abstenir de traîner les
autorités administratives devant les tribunaux et à rechercher
des voies négociées de règlement des conflits faussant
ainsi le jeu du principe de l'égalité devant la justice. La
crainte de représailles procède de l'opinion, très
répandue généralement dans les pays en voie de
développement et particulièrement en Mauritanie, selon laquelle
attraire l'administration devant les tribunaux relève de la
témérité, voire de l'inconscience, l'entreprise
étant très risquée. Le ministre centrafricain de la
justice, en 1969, s'en faisait ainsi l'écho : « On ne
peut dire qu'en République centrafricaine, l'égalité
devant la justice soit encore véritablement entrée dans les
moeurs. Quereller l'Administration devant un juge paraît encore une
entreprise téméraire voire incivique »44(*). Mais la crainte de
représailles s'exprime surtout à l'égard des recours
portés devant la cour suprême contre les actes des
autorités administratives tout particulièrement ceux du chef de
l'Etat. Le mauritanien croit, en effet, qu'attaquer une décision
présidentielle c'est attaquer le Président de la
République et au-delà de cette haute autorité politique et
administrative, sa personne. C'est sans doute cette peur qui explique la
rareté de tels recours en Mauritanie. Le mauritanien recherche, en
effet, presque toujours une voie négociée de règlements
des conflits45(*). En
pareille occurrence, il peut gravir tous les échelons administratifs, du
Hakem au Président de la République en passant par le ministre
à la quête d'une solution négociée de son
problème. Mais, le plus souvent il préfère avoir affaire
à Dieu qu'à ses saints, en saisissant directement le chef de
l'Etat par l'intermédiaire de sa tribut,ou sa collectivité, pour
solliciter de lui qu'il entende sa cause en se fondant sur la justice et
l'équité et non sur le rigueur des textes. Le recours
systématique à l'arbitrage du chef de l'Etat se trouve
justifié par sa double qualité de chef suprême de
l'Administration et de président du Conseil Supérieur de la
Magistrature. C'est dans ce contexte qu'il convient d'inscrire le ? dialogue
à la mauritanienne?, largement presque pratiqué dans tout les
pays africains, notamment le Togo,le Mali, le Congo, le Burkina Faso, le
Bénin et la Cote d'ivoir, celui-ci est institutionnalisé dans le
recours administratif préalable au recours juridictionnel de
l'annulation que la plupart des législations alors qu'il dispose
déjà d'une décision attaquable. Le législateur
mauritanien veut ainsi voir épuiser les moyens de dialogue. Cette
intention nous paraît judicieuse, car on ne comprendrait pas autrement le
caractère contraignant de la décision préalable qui, du
reste, revêt le caractère d'un moyen d'ordre public susceptible
d'être soulevé d'office par le juge. L'opinion du
législateur mauritanien ressemble à la procédure
utilisée par les justiciables congolais, et rapportée par J.M
Breton. En effet, bien que le droit de ces derniers ait opté pour une
solution différente qui ne fait pas du recours préalable une
formalité obligatoire devant le juge de l'excès de pouvoir, ils
sont, pour la plupart46(*)naturellement plus enclins, en toutes circonstances,
à saisir dans un premier temps l'administration, et à rechercher
le règlement de leurs litiges avec elle, par le biais d'un recours
comme préalable de conciliation, en raison probablement d'une
égalité devant la justice plus limitée.
L'égalité devant la justice est encore plus affectée par
la pression sur la justice.
2. Une justice sous pression
La justice semble perdre toute crédibilité aux
yeux des populations mauritaniennes du fait de sa partialité et de sa
vulnérabilité. Elle est soumise aux pressions de toutes sortes,
tout particulièrement celles des autres administrations, de la politique
et de l'argent.
a) Les rapports de la justice avec les autres
administrations :De nombreux conflits opposent les walis aux
magistrats et plus particulièrement aux magistrats du parquet. Ces
conflits naissent à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions soit par
suite d'une méconnaissance des textes qui déterminent leurs
prérogatives, soit par une interprétation abusive de ceux-ci.
Très souvent pour se justifier, ils évoquent les règles
juridiques qui déterminent et précisent leurs compétences.
Cette situation ne peut qu'affaiblir les organes de l'Etat. Il y a des
principes constants qui consacre l'indépendance de la justice et la
répartition des fonction de l'Etat qui découle de la constitution
du 20 juillet 1991. Une bonne compréhension de ces principes permettra
sûrement d'éviter les incidents nuisibles au bon fonctionnement de
l'Administration.
L'application de ces principes qui ont une valeur
constitutionnelle, ne doit pas conduire à l'isolement de chaque pouvoir
à tel point que l'harmonie des institutions, dont la mission commune
consiste à réguler l'autorité de l'Etat. En effet, les
attributions des walis sont fixées par décret n°80.166 du 18
juillet 1980. L'article 1er de ce décret dispose :
« le wali, en sa qualité de représentant du pouvoir
central, est dans la wilaya, le délégué du gouvernement et
à ce titre le dépositaire de l'autorité de l'état.
Il représenté chacun des deux ministres... » le cadre
dans lequel il exerce sa mission, est précisé par les articles 3
à 8 du décret de la ligne sus- référencé .Ce
texte ne concerne pas la fonction judiciaire. Il est opposable au juge tant qu
il ne viole pas les dispositions législatives réglementant la
magistrature de la justice. Quant aux procureurs de la république leurs
prérogatives sont déterminées par les codes de
procédures. Quand ils agissent des qualités, les pouvoirs
hiérarchiques qui peuvent, à l'exclusion de tout autre, s'exercer
sur eux sont, dans l'ordre croissant, ceux du Procureur Général
près la Cour d'appel, du Procureur Général près la
Cour suprême et du Ministre de la Justice, et cela, dans un cadre
également défini par les codes de procédure. Les
prérogatives du Ministre de la Justice, dans ce domaine, ne peuvent
être déléguées à un représentant de
l'autorité administrative. Il exerce son pouvoir par des injonctions aux
magistrats du parquet dans un ordre décroissant. C'est le procureur de
la République qui, eu vertu des textes, dirige l'action de la police
judiciaire et en est le chef. A cet effet, il a, incontestablement, des
pouvoirs qu'il exerce sur tous les officiers de police judiciaire et même
sur ceux qui ne le sont qu'occasionnellement.
Cependant dans la pratique, les membres de la police
judiciaire collaborent laborieusement avec le parquet et s'évertuent
à communiquer les éléments de preuve à leurs
supérieurs qui n'ont pas le droit d'en prendre connaissance en vertu du
secret de l'instruction et de l'enquête. Quant aux magistrats du
siège, ils sont totalement indépendants dans leurs fonctions
juridictionnelles même vis-à-vis du Ministre de la Justice. Sans
pouvoir exercer à l'égard des procureurs de la République
les prérogatives attribuées au Ministre de la Justice par le code
de procédure pénale, il n'en demeure pas moins que les walis
peuvent, pour des raisons d'ordre public, être intéressés
par certains faits susceptibles de faire l'objet de poursuites pénales.
S'il en est ainsi, il est souhaitable que le wali et le procureur de la
République se consultent pour prendre les mesures nécessaires au
maintien de l'ordre public même en cas de poursuite. Lorsqu'il n'y a
aucune infraction à la loi pénale et que l'activité d'une
personne est jugée dangereuse pour la sécurité publique,
le wali ne peut demander au procureur de la République d'exercer des
poursuites pénales. Il doit alors prendre ses responsabilités et
appliquer les mesures administratives prévues en la matière.
Les contacts fréquents, loin de porter atteint à
leurs prérogatives, peuvent non seulement resserrer les liens entre les
autorités, mais leur permettre également de mieux comprendre le
fonctionnement des institutions qu'elles représentent. Les procureurs de
la République doivent impérativement se soumettre aux
prérogatives des walis ainsi qu'elles sont fixées par le
décret n° 80.166 du 18 juillet 1980 tant qu'elles ne sont pas
contraires aux textes législatifs qui précisent les leurs. Les
walis sont des auxiliaires de justice ainsi qu'il résulte du code de
procédure pénale (CPP) et du décret fixant leurs
attributions et, partant, ceux du Procureur de la République. Les walis
doivent rendre compte au Ministère de la Justice de toutes les
irrégularités qu'ils constateront dans le fonctionnement
administratif des juridictions. Ils ne doivent pas donner des demandes
d'explication aux magistrats ou prendre à leur encontre des
décisions leur infligeant des sanctions ni les troubler dans l'exercice
de leurs fonctions juridictionnelles, mais rendre toujours compte de leurs
agissements. Le processus de déclenchement de l'action disciplinaire
contre les magistrats est plus compliqué que celui de la Fonction
Publique. La loi n° 94.017 du 12 février 1994 détermine les
conditions de poursuite disciplinaires contre les magistrats. Les
autorités administratives n'exercent que très occasionnellement
les fonctions d'officier de police judiciaire. Elles doivent
impérativement, quand elles agissent en qualité, se soumettre aux
prescriptions de la loi. Les magistrats du parquet et les walis doivent
appréhender la limite de la police administrative et de la police
judiciaire. La police administrative, qui joue un rôle préventif
(ordre, sécurité, salubrité et tranquillité
publique), relève des autorités administratives. La police
judiciaire n'intervient que lorsque l'infraction est consommée, la
délimitation est aisée et ne doit pas faire obstacle à la
bonne et saine collaboration faite dans un but d'intérêt
général.
Le wali est responsable du patrimoine de l'Etat. Il a, en
conséquence, un droit de regard sur le matériel de la Justice
(véhicules, matériel, bâtiments...). Il est, par ailleurs,
ordonnateur du budget. Le décret n° 80.166 du 18 juillet 1980
s'applique, dans ses dispositions, au personnel non magistrat des juridictions.
Les magistrats décident souverainement de leur transport judiciaire
suivant ordonnance ou réquisition de transport qui doit indiquer
obligatoirement les moyens de transport (s'il s'agit du véhicule de
service) et les noms des agents qui les accompagnent. Copie de cette ordonnance
est adressée au wali pour information. Magistrat et wali ont chacun un
attribut de l'Etat qui ne doit s'exercer que dans un but d'intérêt
général. Le désir de paraître et la
démonstration de force de chacun d'eux ne sont pas dans
l'intérêt de l'Etat. En effet dès que chacun d'eux tire sur
la ficelle de la hiérarchie, il y a risque de rupture dans leurs
relations dont, en définitive, les seules victimes sont les
institutions qu'ils représentent et les citoyens dont ils ont la charge.
La cohabitation entre la Justice et l'administration doit être empreinte
d'un climat de compréhension réciproque mais toujours dans le
respect des lois et règlements. Aucun sentiment de dépendance ou
de frustration ne doit les opposer. Chaque fois qu'il y a un litige, les walis
et les magistrats doivent consulter les lois et règlements qui
déterminent leurs compétences et régler leurs
problèmes sans passion pour ne pas donner à la population une
mauvaise image des institutions de la République que la politisation
peut accentuer.
b. La politisation de la justice : Dans le
fonctionnement de la justice, le pouvoir politique peut se donner les moyens de
traiter d'une certaine manière les affaires délicates de
façon à contrôler le déroulement, voire l'issue du
procès47(*). C'est
pourquoi, on admet que « la justice n'est jamais juste quand elle
juge la politique » 48(*). La politisation de la justice49(*) procède de la confusion
totale des pouvoirs en Mauritanie. En effet, en dépit de la
constitutionnalisation de l'indépendance du pouvoir judiciaire, la
justice est étroitement dépendante, en pratique, du pouvoir
exécutif détenu par le Président de la République
dans les pays en voie de développement. J.P. Passeron notait, en 1966 en
ce sens : «En définitive, la justice en Afrique noire, reste et
restera marquée par le même régime d'unité de
pouvoir, qui confie le rôle essentiel au Chef de l'Etat,
érigé en véritable guide de la Nation, animant un parti
unique ou demeurant majoritaire à l'Assemblée nationale et
pouvant éliminer, sans rencontrer d'obstacles, toute opposition
susceptible de nuire à la cohésion nationale et au
développement du pays» 50(*). Cette remarque demeure d'actualité en
Mauritanie, malgré la démocratisation. En effet, un tel pouvoir
concentré, qui appartient au "chef", ne peut que
s'aliéner le pouvoir législatif et surtout le pouvoir judiciaire
qui sera amené à condamner sans preuves des citoyens,
particulièrement les opposants au régime et, en cas de
résistance du juge, le sanctionner lorsqu'il n'annule pas purement et
simplement sa décision.
Par ailleurs, pour éviter tout risque d'autonomie de la
justice51(*), les Pouvoirs
Publics ont, dès l'indépendance, institué des juridictions
d'exception. L'expérience de la Mauritanie en la matière est
très riche : en 1961 la cour criminelle spéciale52(*), en 1962 les juridictions
militaires53(*), en 1964
la cour de sûreté de l'Etat54(*), en 1978 la Cour spéciale de justice55(*). La règle de soumission
du juge à la loi est soulignée ici avec plus d'intensité,
même si les droits de la défense peuvent être
bafoués ; il s'agit pourtant de la légalité en
vigueur fut-elle une légalité d'exception. L'expérience
mauritanienne dépend de plusieurs facteur liés à la
conjoncture politique : large définition des infractions,
interprétation extensible des chefs d'accusation, pouvoirs importants
confiés à l'accusation pour conduire le procès,
réduction des droits de la défense, procédure sommaire et
rapide. Echappant au droit commun56(*), la justice politique est, sans doute, celle qui
alimente le plus la méfiance du citoyen, d'autant plus qu'il ne la
différencie pas de la justice ordinaire. Cela ne peut que renvoyer une
mauvaise image de la justice en général et donc du pouvoir
politique lui-même. Toutes ces juridictions ont un caractère
commun, c'est d'être née pour les mêmes besoins politiques.
De fait, leur objet se réduit à réprimer durement les
contestations du régime politique, car sous l'empire du parti unique, et
du temps des militaires, aucune opposition n'était
tolérée. Les chefs d'inculpation sont très graves :
infractions contre la sûreté de l'Etat, trahison et espionnage,
etc. Avec la constitution d'inspiration démocratique de 1991, toutes ces
juridictions ont été supprimées, l'opposition politique ne
constituant plus, en théorie, un délit. En somme, la conception
dominante et exclusive de la justice en Mauritanie est essentiellement d'en
faire un agent du pouvoir, au besoin par la pression de l'argent.
c. La pression de l'argent : La pression de
l'argent n'est pas moins forte et revêt une portée beaucoup plus
générale, affectant l'égalité devant la justice
ordinaire par opposition à la justice politique, encore que la
distinction entre les deux ne soit pas bien nette. Elle s'inscrit dans le
contexte global de la corruption généralisée qui
gangrène l'Administration mauritanienne. "La politique du
ventre" stigmatisée par Marc Debene57(*), est aussi une attitude judiciaire en Mauritanie. Le
souci d'améliorer leurs conditions matérielles conduit les
magistrats à être plus attentifs aux arguments des plaideurs les
plus nantis. Les auxiliaires de justice, et plus particulièrement, les
avocats, ne sont pas en reste. Plutôt que de se donner la peine de
plaider le droit d'une partie, ceux-ci préfèrent transiger sur
le procès en faisant croire à leur client que c'est la seule
solution possible58(*).Une
telle justice est loin d'être égale pour tous, établissant
une discrimination à l'avantage des plus fortunés et au
préjudice des moins nantis qui représentent la plus grande partie
de la population mauritanienne aux revenus dérisoires, voire
inexistants. Ainsi donc la célèbre phrase de Pascal aura
survécu au temps: « Selon que vous serez puissant ou
misérable, les jugements de la cour, rendront blanc ou
noir ». L'on comprend dès lors la crainte légitime
et la réserve des "misérables" mauritaniens à
s'engager dans une aventure dont l'issue est incertaine, le procès
étant perdu d'avance.
Par ailleurs, le développement de la Mauritanie s'est
traduit par un important flux des marchés de gré à
gré comportant d'importantes transactions financières. De
célèbres affaires de détournements de deniers publics et
de corruption en sont résultées et la lutte contre les
malversations de différentes natures a fait clairement apparaître
les limites du pouvoir de la justice, malgré l'arsenal législatif
et juridictionnel dont elle dispose. La Cour suprême avait, entre 1961 et
1987, pour mission l'assistance des pouvoirs publics dans le contrôle de
l'exécution des lois de finance. Elle juge les comptes des comptables
publics, contrôle la gestion financière et comptable des
entreprises nationales, des établissements publics et des
sociétés mixtes à caractère industriel et
commercial. Statuant en matière de comptabilité publique, elle
était chargée aussi du contrôle administratif des comptes
financiers des administrations publiques. Elle établissait annuellement
un rapport dans lequel elle signalait les irrégularités et
proposait éventuellement des réformes et améliorations. Ce
rôle a été dévolu au Secrétariat d'Etat
chargé du contrôle d'Etat en 1987, puis à une toute
nouvelle institution prévue par l'article 68 de la constitution qu'est
la cour des comptes instituée en 199359(*). Dans la pratique, ces institutions n'ont jamais
fonctionné de façon satisfaisante. Elles se heurtaient, souvent
à des obstacles sociaux qui les empêchent d'accomplir leur
mission60(*). En
dépit des déclarations et des intentions des gouvernants, la
justice économique n'a pas lutté réellement contre la
corruption et le détournement des deniers publics. Ceci s'explique par
le fait que son fonctionnement effectif risque de menacer la stabilité
des régimes. L'astuce fut récemment d'introduire des affaires en
justice 61(*) pour
démontrer la volonté affichée tout en préservant
parallèlement les procédés habituels de laisser
s'éterniser le procès sous divers prétextes :
instruction nouvelle, incompétence des juridictions, instruction
terminée mais non suivie de procès, problèmes de preuves,
etc. Ce qui n'a pas manqué de susciter la défiance des
justiciables à l'égard d'une justice monnayable, donc
dévoyée et ineffective.
3. L'ineffectivité
institutionnelle :
L'égalité devant la justice est
compliquée par l'ineffectivité institutionnelle qui a
caractérisé les différents régimes politiques
mauritaniens. Les régimes militaires en sont la meilleure illustration.
Les coups d'Etats militaires ont, en effet, pour conséquence d'abroger
ou de suspendre les textes de loi dont la constitution. Il s'en est suivi un
vide juridique et institutionnel qui a amoindri les garanties d'une
égalité devant la justice offertes aux citoyens pour exercer
leurs droits élémentaires et libertés fondamentales. Ce
fut notamment le cas de 1978 à 1991. L'ineffectivité a d'autant
plus sévi que la Mauritanie a connu en trente deux ans,
c'est-à-dire de 1960 à 1992, cinq coups d'Etat et trois
tentatives de renversement de pouvoir, soit, en fait, un changement de
régime tous les quatre ans. La Cour suprême de Mauritanie, plus
particulièrement la chambre constitutionnelle a connu une paralysie
fonctionnelle de 1978 à 1991 qui s'est répercutée
négativement sur le fonctionnement de la justice. L'ineffectivité
institutionnelle n'est pas le propre des régimes militaires, elle a
caractérisé aussi le premier régime civil mauritanien
dirigé par Maître Moctar Ould Daddah qui a été
porté au pouvoir au lendemain de l'indépendance du pays le 28
novembre 1960 et qui a emprunté des institutions modernes à
l'Occident pour les reléguer aux musées des institutions
juridiques. Il n'est que de rappeler ici que la démocratie, le
multipartisme et les droits de l'homme, quoique consacrés par les
différentes constitutions qui se sont succédées depuis
1959, n'ont pu avoir un début d'application qu'en 1992, soit trente
trois ans après, et ce, à la faveur du mouvement de
démocratisation.
L'explication que l'on donne communément pour justifier
le décalage entre le droit et la pratique se résume dans le
fait que le droit moderne est investi d'une double mission d'unité
nationale et de développement économique. Le défunt
président ivoirien Félix Houphouët Boigny, se faisant le
porte-parole des Etats africains, déclarait le 13 août 1967
à Montréal «Dans nos pays, la tâche la plus
importante des gouvernants est d'introduire les structures, de promulguer les
textes, de créer les organes qui encadrent l'évolution de la
société ». Répliquant ainsi à
l'objection de décalage qui s'établissait entre le droit et la
réalité sociale, le chef de l'Etat ivoirien soutient que
«l'écart entre la réalité d'aujourd'hui et les
actes du législateur indique la direction dans laquelle doit s'engager
l'effort de tous »62(*). La thèse "du droit du
développement" qui attribue au droit occidental des vertus de
développement économique et de progrès social n'est-elle
pas un mythe? Un droit, quelle que soit sa perfection technique formelle, doit
être en relation avec la société et l'exprimer et non
être un idéal incompréhensible pour ceux qu'il doit
régir et qui sont censés ne pas l'ignorer 63(*) afin de ne pas constituer un
obstacle intellectuel à l'égalité des justiciables devant
la justice.
B. Limites tenant à la situation intellectuelle
des plaideurs
En Mauritanie, à l'instar des pays en voie de
développement, l'effectivité du principe de
l'égalité devant la justice est rendue difficile à cause
de certaines limites liées à la situation intellectuelle des
justiciables qu'un fossé sépare de leurs juges et parfois
même de leurs avocats. En effet, le justiciable ne comprend pas le
fonctionnement de la justice (1) et se singularise par la
méconnaissance du droit extranéen en vigueur dans de larges pans
de l'activité économique du pays (2).
1. Le justiciable ne comprend pas le fonctionnement de la
justice
Le principe d'égalité devant la justice
implique que les plaideurs ne soient pas gênés dans l'introduction
de leurs demandes en justice. Mais ce principe théorique s'avère
difficile à mettre en exécution. En effet, comprendre les rouages
des juridictions est une épreuve pour le commun des justiciables
mauritaniens, et cela est, d'ailleurs, source de nombreuses
incompréhensions entre le plaideur et les autres acteurs de la justice
les magistrats et les avocats notamment. Certes, on ne peut pas donner des
cours au justiciable chaque fois qu'il introduit une requête ou est
attrait devant les tribunaux par un adversaire. Mais, l'idée
avancée parfois de placer dans les juridictions une personne avertie,
qui pourrait, au besoin, orienter les justiciables et les informer du processus
ou du stade de traitement de leurs dossiers ne peut qu'être
cautionnée64(*),
car elle contribuerait à égaliser les chances des justiciables
qui se trouveraient, au départ, nantis des mêmes informations qui
leur permettront d'accéder de façon égalitaire aux
juridictions. Au surplus, elle répondrait parfaitement aux
préoccupations relatives à l'accueil des justiciables dans les
juridictions et services qui collaborent avec elles et qui restent, par
appréhension, hermétiquement clos devant une importante frange
des justiciables peu accoutumés aux procédures judiciaires. En
effet, c'est avec beaucoup de réticence et de crainte que le commun des
justiciables mauritaniens, même lorsqu'il n'a rien à se reprocher,
met pied dans les locaux de la gendarmerie ou de la police, première
étape en général du procès, spécialement en
matière pénale. Les anciennes méthodes et la conception
que de nombreux hommes en tenue ont de leurs prérogatives sont encore
assez dissuasives. Le cadre judiciaire lui-même, par ignorance, n'est pas
toujours abordé sans appréhension. Et bien que cet aspect
psychologique soit généralement connu, on a pensé à
organiser l'accueil des justiciables dans les juridictions qu'à la fin
des années 1990 avec la création des bureaux d'accueil du public.
En effet, afin d'améliorer l'accueil du justiciable dans les
juridictions et faciliter ses premiers contacts avec l'institution judiciaire,
le Ministère de la Justice a décidé de développer
une politique globale et cohérente de rapprochement de la justice des
justiciables. Pour ce faire des bureaux d'accueil sont crées en 1999
pour informer les justiciables. Ils reçoivent des missions bien
déterminées, leur emplacement est dicté par des
commodités d'efficacité, qui commande également leur
fonctionnement.
Les bureaux d'accueil reçoivent des missions d'accueil
et d'information des usagers du service public de la justice qui sont
priés de les consulter pour faciliter le fonctionnement de la justice.
Les bureaux d'accueil accomplissent les missions d'accueil à travers
lesquelles ils doivent recevoir et guider les justiciables; fournir aux usagers
les renseignements dont ils ont besoin ; diriger les citoyens vers les
services compétents ; organiser l'accès des citoyens aux
juridictions et à la Chancellerie afin d'éviter les
rassemblements de foules nuisibles au fonctionnement de l'institution
judiciaire ; faciliter la célérité administrative
dans le traitement des dossiers au niveau de la Chancellerie et organiser
la réception des dossiers.
Pour faciliter l'information permanente des usagers du service
public de la Justice, les bureaux d'accueil ont pour missions de publier
sur des affiches et panneaux, prévus à cet effet au
Ministère de la Justice au Palais de Justice de Nouakchott et dans
toutes les juridictions, les informations que les justiciables doivent
connaître; fournir à toute personne des informations
supplémentaires qu'elle demandera ; distribuer une série de
guides sur la justice à l'usage des justiciables ; vulgariser les
programmes de sensibilisation et d'orientation des justiciables établis
par la Chancellerie sous forme de brochure ; recourir aux techniques de
télédiffusion et de radiodiffusion pour informer plus amplement
les justiciables sur le fonctionnement de la justice ; initier et
poursuivre des actions d'information et de sensibilisation en direction des
journalistes chargés de ces questions. Par ailleurs, soucieux de
faciliter le succès de la mission de ces institutions, le
Ministère de la Justice a recommandé aux usagers du service
public de la justice de s'adresser d'abord à ces bureaux pour qu'ils
soient édifiés sur les mesures à prendre quant à
leurs actions en justice pour ce faire, il leur a facilité leur
emplacement. En effet, en attendant d'être
généralisés sur l'ensemble des juridictions nationales,
trois bureaux d'accueil sont créés au niveau du Palais de Justice
de Nouakchott et deux autres dans les locaux du Ministère de la Justice
et qui fonctionnement déjà.
Les bureaux d'accueils sont dirigés par un greffier en
chef assisté de plusieurs fonctionnaires du Ministère de la
Justice et un service de sécurité opérationnel. Les
fonctionnaires chargés de l'accueil se relaient afin que les bureaux
d'accueil soient ouverts sans interruption de 8 à 16 heures, ce qui
permet au justiciable d'y avoir accés facilement. Les fonctionnaires des
bureaux d'accueil sont en relation permanente avec tous les autres
départements de la Justice et sont donc informés de
l'évolution de la législation et assurent une liaison avec les
services des juridictions ainsi que les autres administrations. Les bureaux
d'accueil assurent également la police administrative du palais de
justice de Nouakchott et du Ministère de la Justice, sous la supervision
des autorités compétentes, en jouant le rôle de bureau
d'ordre et en régulant la fluidité de la circulation des usagers
dans lesdites institutions. Le personnel des bureaux d'accueil est
qualifié et a subi des formations spéciales lui permettant
d'assurer adéquatement les missions exigées de lui. Le personnel
est équipé en matériel suffisant et adapté à
son travail. Ces bureaux d'accueil contribueront, sans doute, a atténuer
la peur que suscite l'institutions judiciaire. En effet, la justice, comme ses
juges, continue à paraître aux yeux des justiciables comme un
monde terrifiant tout sauf un service ouvert normalement aux usagers. On n'y
met pas pied avec autant d'assurance que lorsqu'on se rend au service de la
santé ou de la poste.
Le principe d'égalité devant les juridictions
est également malaisé pour le justiciable qui est
confronté à un langage judiciaire souvent incompréhensible
pour lui. En effet, un paradoxe doit être souligné ici: alors que
le taux d'alphabétisation est relativement faible en Mauritanie, les
débats dans les salles d'audiences ont généralement lieu
dans un arabe littéraire difficilement accessible pour tous. Cela est
déjà un obstacle à l'égalité devant la
justice. Mais un obstacle, il faut le reconnaître, qui a le mérite
de la neutralité dans le contexte de la Mauritanie qui compte quatre
langues nationales 65(*)
qui ne sont pas toutes à la portée du magistrat. De
surcroît, il faut ménager les susceptibilités et craintes
du justiciable lorsque le magistrat s'exprime dans la seule langue maternelle
de l'une des parties. Ce n'est donc pas sur ce point que doit porter
l'essentiel de la critique que l'on peut adresser au fonctionnement du service
public de la justice relativement à l'égalité devant les
juridictions dans la mesure où l'inconvénient relevé est
généralement corrigé par les interprètes. Lorsque
nous mettons en cause le langage judiciaire en tant que vecteur
d'inégalité devant les juridictions, nous pensons à cet
ésotérisme qui caractérise les décisions de
justice. Autant lorsque l'autorité coutumière tranche un litige,
tous participent à la décision et comprennent la portée
exacte des motifs et dispositifs, autant devant les juridictions la
compréhension de la décision motivée et
décidée n'est pas toujours évidente pour le commun des
citoyens. A la lumière du style judiciaire, on peut opportunément
se poser la question de savoir à qui le juge destine-t-il la
décision rendue ? L'interrogation est d'autant plus légitime que
la méconnaissance du droit extranéen, contenu dans les
décisions judiciaires, n'est pas d'appréhension aisée pour
les justiciables qui y voient une autre source d'inégalité devant
la justice.
2. La méconnaissance du droit
extranéen
La méconnaissance du droit extranéen,
c'est-à-dire du droit français, transplanté en Mauritanie,
constitue en fait une double limite du principe de l'égalité
devant la justice: son ignorance par le mauritanien et le refus de celui-ci
d'y recourir, tout particulièrement de saisir les juridictions d'Etat
rendent vaine toute idée d'égalité devant la justice.
a. L'ignorance du droit :
L'une des limites majeure de l'égalité devant la
justice en Mauritanie est constituée par l'ignorance du droit
français en général hérité de la
colonisation française, et encore applicable dans le pays, faute
d'abrogation et de leurs droits issus de cette législation, en
particulier, par les citoyens qui sont pourtant censés ne pas les
ignorer, en vertu de l'adage nemo legem ignorare
censetur66(*). On
peut se faire une idée approximative des difficultés de
l'ignorance du droit extranéen si l'on ne perd pas de vue que la
Mauritanie compte encore plus de 70% d'analphabètes ou de
personnes non scolarisées en langue française67(*). L'analphabétisme
constitue, pour cette masse de justiciables, un handicap si sérieux
qu'on est en droit de se demander si la présomption de connaissance de
la loi, qui est une condition de son opposabilité, leur est applicable
et si l'on ne devrait pas, au contraire, la renverser pour eux en posant :
«nul n'est censé connaître la loi». Mais faute de
pousser la logique à son terme, le législateur mauritanien ne
pourrait-il pas la retenir à mi-chemin en reconnaissant aux
analphabètes en langue française un statut particulier
d'incapacité juridique68(*). Les autres citoyens, c'est-à-dire les 30%
restants, ne sont pas, pour la plupart, attirés par le droit qu'ils
considèrent comme une matière rébarbative et complexe dont
la compréhension n'est réservée qu'aux seuls
initiés que sont les juristes. Ils n'ont pas tort. En effet,
l'incompréhension des textes de loi, la multiplicité et la
complexité des conditions de recevabilité des recours contentieux
(notion d'intérêt d'agir, d'acte administratif...), la
brièveté des délais (délais très
limités du recours pour excès de pouvoir de deux mois comme en
France), la complexité des procédures juridictionnelles longues
et lentes, dont l'issue, reste, de surcroît, incertaine sont autant de
difficultés qui restreignent, sinon paralysent, le principe de
l'égalité des citoyens devant la justice. Les praticiens du droit
eux-mêmes avocats et juges ne font pas exception à la
règle, laissant souvent apparaître leur ignorance du droit public
en soumettant la puissance publique au droit privé qui relève de
leur formation et de leur spécialité 69(*) A telle enseigne que les
populations rurales estiment que les juridictions ne sont ouvertes qu'aux
habitants des grandes villes, ces derniers estimant, de leur côté,
que la justice ne statue qu'en faveur de ceux qui connaissent et
maîtrisent parfaitement les rouages et le fonctionnement des
juridictions. Cette situation est d'autant plus déplorable que
l'information des citoyens sur leurs droits d'accéder de façon
égalitaire aux juridictions, par l'Etat a pendant longtemps fait
cruellement défaut ou tout le moins n'était pas organisée
et que les agents de l'Etat, particulièrement les forces de l'ordre
profitent de l'ignorance des mauritaniens pour se livrer, en toute
impunité, à des excès de pouvoir. Pour y remédier,
on serait tenté, à l'instar de M. Adama Dieng, Secrétaire
Général de la Commission Internationale des Juristes de proposer
«des projets d'assistance juridique pour les populations
démunies en matière de connaissance de droit
extranéen». Ces projets comporteront notamment la formation de
para juristes sur le terrain70(*), une mission spécifique consistant pour
ceux-ci à ancrer le principe de l'égalité devant la
justice dans la mentalité de ces populations en leur permettant de
connaître leurs droits. Mais cette aide juridique pour l'instauration de
l'égalité de tous devant la justice entamera-t-elle leur
détermination à refuser de recourir au juge de l'Etat ?
b. Le refus de recourir aux juridictions de
l'Etat
A l'instar des autres populations africaines, les justiciables
mauritaniens vivent en marge du droit "moderne" et conformément
à leurs coutumes islamiques. Le Code des Obligations et des Contrats
continue d'être boudé au profit des coutumes islamiques qui
régissent le statut personnel notamment celles qui réglementent
le mariage, la succession la dot, la polygamie...71(*) La même attitude est
observée à l'égard des institutions et procédures
"modernes", dont les juridictions notamment. Malgré les efforts
déployés d'abord par le colonisateur français et ensuite
par l'Etat mauritanien pour «rapprocher la justice des
justiciables», les contentieux sont réglés en dehors
des tribunaux et conformément à la coutume musulmane.
Cette attitude n'est d'ailleurs pas spécifique aux
justiciables mauritaniens. En effet, lors du premier congrès de
l'Institut International du Droit d'Expression Française, tenu à
Fort-Lamy en 1966, il fut stigmatisé la "fuite" des africains
devant les tribunaux classiques. Au second congrès, tenu l'année
suivante à Dakar, on fit le même constat. De l'avis du professeur
Alliot, «il n'y a pas plus de 1% des affaires coutumières qui
sont soumises aux tribunaux traditionnels, le reste étant
réglé par les chefs selon leurs procédés ancestraux
en dehors de toute intervention de l'Etat » 72(*). Sans pouvoir avancer de
chiffres, l'on peut affirmer que le même constat d'échec ne fait
presque aucun doute. « Aujourd'hui, écrit Marc
Debenne, un audit des systèmes judiciaires se solderait
certainement par un résultat négatif » 73(*). Et pour cause, en
paraphrasant le juge Keba M'Baye, on peut préciser que
«la fierté du nomade mauritanien est de pouvoir dire : je n'ai
jamais mis les pieds dans un tribunal ou un commissariat de
police »74(*).D'avoir affaire à la justice reste encore
perçue, partout en Afrique, comme une atteinte à
l'honorabilité et à la dignité humaine. L'africain,
même s'il vit dans une case, ne supporte pas d'être enfermé
dans une cage. Et, malheur au justiciable qui osera se prévaloir de sa
décision de justice contre sa communauté et même contre un
des membres de celle-ci. Il s'y exclurait lui-même ou s'exposerait
à des sanctions. G. Pontie et M. Pilon expliquent :« La
femme, qui aura obtenu le divorce continuera à faire l'objet de pression
de la part de sa famille. Le mari, délaissé, qui n'aura pas
obtenu, au tribunal, le remboursement intégral des prestations
liées au mariage, continue à réclamer. Le dissident devra
se résigner à quitter le village ou à payer sa
réintégration sociale de quelques concessions... »
75(*). Après avoir
étudier l'égalité devant la justice , voyons en ce qu il
en est des garanties statuaires et juridiques de l'indépendance de la
justice.
Section 2 : Les
garanties statuaires et juridiques de l'indépendances :
Protéger les magistrats contre toute forme de pression
L'efficacité de l'indépendance de la justice
dépend théoriquement des rapports du juge avec le pouvoir
politique76(*). Du point
de vue pratique, pour assurer cette indépendance, on pensait, entre
autres, qu'une fois nommés, les magistrats doivent
bénéficier de l'inamovibilité (P 1), ainsi que d'un
ensemble de règles relatives à la nomination, la notation,
l'évaluation et à l'avancement des magistrats (P 2) sans oublier
aussi une des anciennes doléances de magistrats qui n'a encore
été satisfaite, à savoir la reconnaissance des magistrats
à se syndiquer (P3)
Paragraphe 1 :
L'inamovibilité des magistrats de siége
L'inamovibilité est la garantie habituelle retenue pour
l'indépendance de la justice. C'est une règle qui cherche
à supprimer toute tentation de pression sur le magistrat par le biais de
déplacement d'office ; elle est considérée comme une
borne opposée traditionnellement à l'introduction de l'arbitraire
dans l'administration de la justice77(*). Son but est de garantir les magistrats contre un
éventuel empiétement du pouvoir exécutif78(*), elle est adoptée pour
contrebalancer le pouvoir de nomination des magistrats et la gestion de leur
carrière attribués au pouvoir exécutif79(*). En droit mauritanien, c'est
l'avènement de l'organisation judiciaire moderne qui a donné de
l'importance à ce principe, car l'inamovibilité n'est pas
effective en droit musulman où le cadi était un simple
délégué du Calife dans l'exercice de la fonction
juridictionnelle ; il lui appartient, en principe, le droit de limiter sa
compétence et de le révoquer80(*). L'inamovibilité confère au magistrat,
qui en est investi, deux catégories de prérogatives. Tout
d'abord, elle protège le magistrat contre toute révocation
arbitraire mais elle n'exclut pas les sanctions disciplinaires. Elle ne
signifie nullement l'absolution pour l'avenir de tous les actes que le juge
viendrait à poser ; elle n'implique pas donc l'impunité du
magistrat du siège puisqu'il n'est pas affranchi de toute sanction.
Ainsi, lorsque le magistrat commet une faute grave, il est passible de
sanctions disciplinaires qui peuvent aller jusqu'à la révocation.
Ceci est une conséquence logique, parce que, dans ces cas, on ne se
situe plus dans l'exercice régulier des fonctions
protégées par l'inamovibilité, mais dans le cadre
disciplinaire où la garantie d'indépendance est la
conséquence d'une procédure très protectrice : la
juridiction disciplinaire des magistrats est constituée par le Conseil
Supérieur de la Magistrature81(*). Ensuite, elle s'oppose à ce que le magistrat
soit déplacé contre son gré82(*), car « s'il
était permis au gouvernement de modifier à son gré, par
voie de permutation, la composition d'un tribunal ou d'une cour, il pourrait
arriver que cette juridiction se trouve composée de magistrats choisis
tout exprès pour juger un procès déterminé, ce qui
en ferait un véritable tribunal politique et détruirait les
garanties d'impartialité et d'indépendance que le
justiciable doit trouver dans le tribunal devant lequel il est
appelé à débattre ses droits. Donc, le juge ne doit pas
être contraint à changer de poste alors même que sa
résidence ne subirait pas de changement... ».
Néanmoins, l'inamovibilité ne devrait pas être
assimilée à l'immobilité, car, conçue comme
garantie de l'indépendance du juge, règle essentielle dans le
déroulement de sa carrière83(*), elle ne signifie pas, cependant que le magistrat du
siège demeure attaché au lieu de sa première affectation
jusqu'à la retraite. Il s'agit simplement que le magistrat ne puisse
avoir de crainte, ni pour son poste, ni pour sa promotion du fait des jugements
qu'il aura rendus, de le placer à l'abri des mutations punitives
dictées, souvent, par les influences politiques et de préserver,
par voie de conséquence, l'égalité des justiciables. Mais
sans qu'elle ne soit synonyme de stagnation, puisque la carrière
implique la mobilité84(*), l'inamovibilité n'exclut pas que le magistrat
du siège soit déplacé du lieu de sa première
affectation, lorsqu'il bénéficie d'une promotion à
laquelle il aura, préalablement, marqué son consentement ;
elle s'attache donc à la fonction et non au lieu85(*). Ainsi, si à la suite
d'une réorganisation administrative, le siège d'une juridiction
était déplacé, le juge sera tenu de rejoindre l'endroit
nouvellement déterminé86(*).
Les personnes, que l'inamovibilité concerne, sont bien
déterminées par l'article 8 de la loi n° 94.012 du 17
février 1994 portant statut de la magistrature, qui dispose que :
« les magistrats du siège sont inamovibles et ne peuvent
être affectés que sur leur demande ou à l'occasion d'une
sanction disciplinaire ou pour nécessité majeure de
service ». Par ailleurs, compte tenu de l'unité de
juridictions, il n'y a en Mauritanie aucune distinction entre les magistrats
judiciaires et les magistrats administratifs en ce qui concerne les
règles statutaires en général. Aussi, dans une parfaite
réception du droit français par le droit mauritanien87(*), il existe une
séparation entre les fonctions de réquisition et de jugement. Les
premières étant confiées à la magistrature debout
dont les membres sont, en vertu de l'article 9 de la même loi, soumis
à l'autorité hiérarchique de la puissance
exécutive88(*). Les
secondes sont réservées aux magistrats du siège
bénéficiant, seuls, de l'inamovibilité. Les magistrats du
ministère public sont exclus du champ d'application de la garantie de
l'inamovibilité. Ceci paraît, pour certains, logique dans la
mesure où cette garantie semble être contradictoire avec leur
mission, tant au niveau de l'application des lois qu'à celui de
l'harmonisation de la jurisprudence89(*), car dans certains cas, le ministère public
est même tenu de n'agir que sur ordre du ministre de la justice.
Néanmoins, une partie de la doctrine pénale s'est montrée
favorable à une reconnaissance du principe en faveur des magistrats du
parquet90(*).
En Mauritanie, il serait inexact de penser que
l'inamovibilité a une grande portée pour plusieurs raisons
91(*). Tout d'abord,
l'affirmation du principe par la loi du 17 février 1994 portant statut
de la magistrature (article 8), montre bien que cette garantie ne s'inscrit pas
dans la loi fondamentale comme c'est le cas en droit comparé où
la règle a un fondement constitutionnel. Ensuite, les termes de
l'article 8 précité « les magistrats ne peuvent
être affectés que sur... ou par nécessité
majeure », montrent que la situation de l'organisation
judiciaire en Mauritanie, n'a pas, à vrai dire, permis l'application du
principe sans aménagements puisque l'expression
« nécessité majeure » a, dans
le système judiciaire mauritanien, une signification
particulière. Elle n'est définie nulle part (légalement ou
en jurisprudence) de sorte qu'elle peut être interprétée
d'une façon extensive paralysant le principe92(*). Enfin, la Mauritanie
n'échappe pas à une règle, répandue dans les PVD,
qui fait que, même si on a doté les magistrats de toutes sortes de
garanties à travers leur statut, leur indépendance ne semble
convenablement assurée qu'au niveau des textes, la pratique en est
autre ; et on admet que ces textes sont des faux visages qui ne
correspondent pas à la réalité93(*). Cette relativité du
principe témoigne, à juste titre qu'il est d'une valeur avant
tout symbolique, car son affirmation ne peut faire obstacle à une
amélioration de la fonction juridictionnelle, surtout lorsqu'il s'agit
d'un pays comme la Mauritanie où cette exigence est mise au premier
plan. Toutefois, l'inamovibilité, aussi importante soit-elle, ne saurait
à elle seule assurer l'indépendance de la justice ; son
effectivité exige que lorsqu'un magistrat commet une faute disciplinaire
assortie d'un déplacement d'office, celui-ci ne fasse l'objet de
sanctions que moyennant de solides garanties devant un organisme crée
pour participer à l'oeuvre de l'indépendance de la
justice : le Conseil Supérieur de la Magistrature.
En somme donc, les règles juridiques sur lequel doit
se fonder toute société sont une condition pour la
stabilité juridique94(*). Il ne suffit pas que ces règles soient
fixées, mais faut-il encore et surtout que leur non-respect soit
sanctionné par le contrôle exercé par le juge. En effet,
pour mettre fin aux différends, il est indispensable qu'une personne
impartiale, tenue pour telle en raison de son autorité personnelle ou
des pouvoirs qu'elle tient de la loi, se prononce sur les prétentions
des parties pour dire le droit en cas de contestation et mettre ainsi un terme
acceptable à la querelle. Ainsi apparaît donc l'utilité de
la fonction juridictionnelle du juge en tant qu'élément
nécessaire pour la sauvegarde de la liberté et des droits des
individus dans la société moderne. Mais dans un système
donné, la mission du juge95(*), bien qu'elle soit toujours exercée selon des
règles de procédures précises et sur des cas
d'espèces, dépasse par sa portée juridique le cadre d'une
solution individuelle96(*). Le juge est appelé également à
participer à la construction de l'ordre juridique. Cette mission, moins
visible, est à vrai dire d'essence législative. Tout d'abord, en
se prononçant sur les cas d'espèce, le juge est amené
à interpréter les textes législatifs. Or, ce faisant, le
juge va fixer en pratique la portée de ces textes, c'est son oeuvre qui
déterminera la portée de la règle juridique à la
lumière des conditions sociales et économiques de la
société. Le juge constitue donc un facteur d'adaptation du droit
à la vie quotidienne97(*). Ensuite, le juge est également appelé
à suppléer l'oeuvre du législateur lorsque celui-ci fait
défaut. On imagine l'étendue de cette mission créatrice de
droit lorsqu'on sait que le législateur, aussi parfait soit-il, ne
pourra pas poser toutes les règles dans leurs détails. Certes, en
Mauritanie, les conditions ne sont pas souvent réunies pour remplir une
telle mission98(*). Ainsi,
le pouvoir créatif du juge s'accroît à la mesure de la
complexité de la vie juridique d'un côté et à la
carence législative d'un autre côté. C'est pourquoi la
crédibilité de tout système judiciaire reste conditionner
par les garanties d'indépendance accordées aux magistrats dans
l'exercice de leurs fonctions99(*). Pour ce faire, le législateur entoure
l'indépendance des magistrats de certains garde-fous même si ces
conditions qui entourent l'exercice (et la cessation) de leurs fonctions
correspondent, en gros, à ce qui a été déjà
dit à propos des cadis. Le statut de la magistrature introduit,
néanmoins, certaines spécificités. D'abord, les magistrats
sont plus effectivement soumis au principe de l'inamovibilité. Ceci
découle, par ailleurs, moins des textes que de la pratique judiciaire.
Cadis et magistrats sont pareillement soumis-en théorie -au principe de
l'inamovibilité. Mais, eu égard à leur formation et
à leur place dans le système judiciaire, les magistrats sont plus
à même de revendiquer l'application du principe de
l'inamovibilité Ensuite, les magistrats du parquet échappent
à cette règle de l'inamovibilité. Ils sont sous la
direction et le contrôle de leur supérieur hiérarchique et
sous l'autorité du Ministre de la Justice. Au niveau du régime
disciplinaire, enfin, les magistrats sont soumis à l'autorité du
Conseil Supérieur de la Magistrature100(*). Les magistrats du parquet relevaient avant 1976
d'une Commission d'Avancement et de Discipline101(*). La loi n° 76.040 du
17 juin 1976 a dissout cette commission et unifié le régime
disciplinaire de tous les magistrats en les soumettant au Conseil
Supérieur de la Magistrature. Au lendemain de l'indépendance, la
magistrature a, certainement, constitué une entrave au fonctionnement du
pouvoir judiciaire à cause de la dualité de la formation des
magistrats. Le législateur va mettre fin à cette dualité
de formation en adoptant un statut unique pour tous les magistrats dès
le début des années 80. Qu'en est il des règles relatives
à la nomination, la notation, l'évaluation et à
l'avancement des magistrats ?
Paragraphe 2 : Les
règles relatives à la nomination, la notation,
l'évaluation et à l'avancement des magistrats
Tout magistrat, lors de sa nomination à son premier
poste et avant d'entrer en fonction, prête serment en ces termes :
«je jure par Allah l'unique de bien et loyalement remplir mes
fonctions, de magistrat, de les exercer en toute impartialité, dans le
respect de la constitution et des lois de la
République...»102(*). Il convient également de noter que toutes
les décisions de justice sont également prononcées
« au nom d'Allah » Les nominations des magistrats
sont faites par décret pris sur propositions du Conseil Supérieur
de la Magistrature pour les magistrats du siège et par
arrêté du Ministre de la Justice en ce qui concerne les magistrats
du Ministère Public.
La hiérarchie de la magistrature comprend quatre
grades non associés à des emplois103(*) ; l'article 5 du statut
dispose cependant qu'aucun magistrat ne peut avoir sous son autorité
un magistrat plus ancien que lui dans le grade. Cette règle est
critiquée par les magistrats parce qu'elle ne permet pas l'accès
aux fonctions de chef de juridiction au magistrat les plus méritants en
cas de grade égal avec un autre plus ancien que lui. Une autre
disposition statutaire, très critiquée par les
magistrats104(*),
concerne la péréquation instaurée pour l'accès
à chaque grade ; en effet, l'article 27 du statut prévoit la
répartition des magistrats dans les grades ainsi qu'il suit : 10%
pour le premier grade, 15% pour le deuxième grade, 25% pour le
troisième grade, et 50% pour le quatrième grade. Il en
résulterait un blocage de la carrière aux deux grades
inférieurs105(*).
L'activité de chaque magistrat donne lieu, chaque
année, à l'établissement d'une notice individuelle
contenant une note chiffrée sur 20, une appréciation
générale et tous les renseignements sur sa valeur
professionnelle et morale106(*). Les magistrats du siège sont notés
par le président de la Cour suprême après avis du procureur
général près ladite cour. Les magistrats du parquet sont
notés par le procureur général près la Cour
suprême après avis du président de ladite cour. Bien que le
statut ne le prévoit pas, les magistrats du siège comme ceux du
parquet sont également notés par l'inspecteur
général de l'Administration Judiciaire et Pénitentiaire
à l'issue de la visite annuelle qu'il effectue obligatoirement dans
chaque juridiction. En revanche, les chefs de juridiction (présidents
de cour d'appel et de tribunaux, procureurs de la République et
procureurs généraux) ne participent pas au dispositif
d'évaluation qui est donc étroitement centralisé.
Cependant pour éviter toute éventualité de dérapage
dans la notation des magistrats, il nous semble que celle-ci doit avoir plus de
transparence notamment en imitant le modèle français où la
note est communiquée aux magistrats pour mieux garantir leur
carrière et par conséquent le cours de la justice107(*). Par ailleurs, la
création d'une commission chargée des avancements comprenant des
représentant des magistrats est utile à cet effet. Pour
bénéficier d'un avancement de grade, les magistrats doivent
être inscrits à un tableau d'avancement, annuellement
dressé, par ordre de mérite, par le Conseil Supérieur de
la Magistrature. Les propositions d'avancement ont lieu dans l'ordre du
tableau. Pour assurer le fonctionnement du pouvoir judiciaire, la loi
confère mission à certains organes de garantir
l'indépendance interne du pouvoir judiciaire.
La nécessité d'une formation judiciaire, afin
que soit reconnue la spécificité du métier de juge, ne
souffrant d'aucun doute108(*), reste alors au législateur à
définir l'objectif de la formation qui doit être assurée au
futur magistrat, l'autorité qui déterminera cet objectif et enfin
le contenu et les méthodes de la formation. En l'absence de
législation sur l'ensemble de ces points, l'on peut se hasarder à
émettre quelques propositions susceptibles de servir de base pour une
éventuelle intervention du législateur dans ce domaine,
étant entendu que les développements qui seront faits ci-dessous,
sur la formation des magistrats des tribunaux de la wilaya et de la moughataa
d'Aïoun et la cour d'appel de Kiffa sont pleinement transposables à
l'ensemble des magistrats mauritaniens.
L'objectif de la formation initiale doit se traduire par la
production d'un «bon magistrat» pour rendre «une
bonne justice». Une telle définition du « bon
magistrat » peut laisser craindre une modélisation
dangereuse, sur des critères enfermant et univoque. Plus
intéressante est la définition, a contrario, celle du mauvais
magistrat , celui qui ne maîtrise pas le droit ou qui a un comportement
négatif ou nocif sur le plan éthique. La finalité d'une
formation judiciaire ne doit-elle pas être l'acquisition d'un
savoir-faire et d'un savoir dire, c'est-à-dire, l'apprentissage des
techniques judiciaires et l'acquisition d'un comportement conforme à
l'éthique du magistrat, et aux exigences de sa fonction ? Ces deux
composantes idéales vont donc privilégier le critère de
l'aptitude professionnelle et non celui du «bon magistrat»
notion fourre-tout à connotation morale discutable. A l'issue de la
formation initiale, le magistrat doit être techniquement prêt mais
également convaincu de la nécessité éthique du
courage, du courage judiciaire qui doit être celui de pouvoir s'opposer
au pouvoir politique ou à l'opinion publique, courage malheureusement
oublié dans bien des pratiques judiciaires. Il est bien entendu, que
l'institut ou l'école de formation judiciaire ne peut répondre de
l'évolution du magistrat lorsqu'il se trouvera confronté aux
réalités et aux tentations de sa carrière et de la
société. Il n'en demeure pas moins que le savoir être et la
déontologie doivent être des données fondamentales de la
formation, favoriser l'acquisition d'un esprit et d'une conviction
d'indépendance. Habituer l'auditeur de justice à exercer la
fonction de magistrat et assurer un dialogue entre l'environnement dans lequel
il va exercer sont donc deux axes d'action à privilégier. Dans le
contexte des pays en voie de développement, en général, et
en Mauritanie en particulier, le constat de la réalité est
sévère puisque bien des magistrats ne rentrent pas en fonction
avec le sentiment profond de la spécificité du métier de
juge. Il est fondamental d'insister sur les principes et idéaux
déontologiques qui devront être les valeurs constantes et
spécifiques de son métier. Encore faut-il souligner que la
formation initiale idéale telle qu'ainsi définie dans son
objectif demeure assujetti aux moyens que l'Etat mettra à sa
réalisation. Le désintérêt ou la réticence de
l'Etat envers une formation judiciaire de qualité est, de toute,
façon symptomatique politiquement et révélateur de la peur
d'un pouvoir judiciaire indépendant.
Le problème de la détermination de
l'autorité qui définira l'objectif et le contenu de la formation
est fondamental, car les exemples ne manquent d'immixtion du pouvoir politique
dans cette définition. Ainsi apparaît comme primordial que les
personnes chargées de l'élaboration des programmes soient
techniquement compétentes et indépendantes du pouvoir politique.
Il convient, en outre, que soit recueillis l'adhésion ou, pour le moins,
l'avis du corps pédagogique, de ceux qui auront à mettre en
application le programme dont le contenu doit être défini.
Le contenu de la formation initiale doit comprendre des
matières de base (des matières principales standard telles que
les procédures civile, pénale et administrative, les techniques
judiciaires...) et des matières d'appui, liées à
l'évolution des besoins et réalités sociaux. Ces
matières (informatique, comptabilité, droit des affaires, droit
fiscal, droit foncier, droit international, commerce électronique,
sociologie...) restent à définir selon la demande et les
nécessités de la Mauritanie. La connaissance des textes et des
recours internationaux, notamment dans le domaine des investissements et des
droits de l'homme est à privilégier dans l'élaboration des
programmes de formation afin que les magistrats puissent utilement veiller au
respect des conventions internationales ratifiées par la Mauritanie. En
ce qui concerne les méthodes de formation, il apparaît
nécessaire de joindre la théorie judiciaire à la pratique.
Outre le problème de la remise à niveau juridique (le niveau
initial largement insuffisant des personnes recrutées étant une
grave réalité pour la Mauritanie), la formation initiale doit
s'employer à coordonner, de façon harmonieuse, l'apprentissage
des connaissances théoriques judiciaires et les stages en juridictions.
Les stages «à l'extérieur» du système
judiciaire seront également indispensables à cette ouverture du
magistrat sur les réalités de sa société et sur ce
dialogue qu'il doit être en mesure de mener avec le justiciable et les
différents intervenants sociaux. La durée idéale de la
formation initiale est de deux à trois ans. Ce qu'il y a lieu ici
d'apprendre, c'est à être magistrat et la définition en
reste difficile. Appliquer les textes est-ce prendre une décision
judiciaire? L'habileté et la capacité à travailler le
texte de loi ne doivent-elles pas être des éléments
fondamentaux de l'apprentissage et de l'enseignement du métier de
magistrat ?
La question qui se pose est de savoir si la Mauritanie a les
moyens d'assurer au niveau national une formation initiale correspondant aux
objectifs définis précédemment. Les pays en
développement, qui depuis un certain nombre d'années se sont
dotés de structures de formation des magistrats, n'avaient pas les
moyens financiers et leurs possibilités de recrutement ne permettent pas
toujours d'assurer la viabilité de ces structures de formation. La
crise économique et les plans d'ajustement structurel ont
entraîné une aggravation de ces difficultés qui mettent en
péril l'existence de ces structures.
Face à cette situation, la solution pourrait consister,
pour la Mauritanie, à mettre en commun ses moyens avec plusieurs autres
pays pour assurer la formation des magistrats, en créant des centres
régionaux ou en développant un rayonnement régional autour
de ceux qui existent pour leur conférer une vocation
régionale.
Il ne faut toutefois pas sous-estimer les difficultés,
notamment politiques qui peuvent s'opposer à cette nouvelle
conception.
D'une part, certains pays peuvent vouloir sauvegarder leurs
institutions nationales et les préférer à des solutions
régionales. D'autre part, les expériences d'organismes ou
d'établissements de formation régionaux qui ont eu lieu n'ont
pas toujours été efficaces.
Le fonctionnement durable de ces structures a toujours
été mis en échec par une insuffisance de volonté
politique ou les difficultés des Etats de s'acquitter de leurs
contributions financières.
La dernière situation correspond à celle des
pays qui n'ont pas crée jusqu'à présent
d'établissement de formation judiciaire.
Un certain nombre d'entre eux estiment que cela serait une
erreur de créer un tel établissement, leurs moyens étant
trop réduits et leurs besoins en formation ne concernant qu'un nombre
limité de magistrats. Les dirigeants de ces pays pensent qu'il est
préférable de continuer à confier la formation de leurs
magistrats aux établissements extérieurs existants.
Si l'on s'oriente vers une perspective de création
d'établissement à vocation régionale, ces pays n'y
verraient que des avantages et pourraient donc soutenir une telle
démarche109(*).
Toutefois, parmi les pays non dotés d'institution de
formation judiciaire, la situation de la Mauritanie mérite une approche
plus particulière dans la mesure où il y existe un besoin
quantitativement très important de recyclage de magistrats qui n'ont pas
de réelle formation juridique.
Ce besoin, conjugué avec celui de la formation
professionnelle de ceux qui sont nouvellement recrutés, exigerait un
dispositif adapté. En revanche, le fait que les magistrats mauritaniens
effectuent leur formation dans un autre contexte que leur pays n'est pas un
obstacle.
En effet, on peut considérer que les principes de la
formation de juge possèdent un caractère de
quasi-universalité au-delà du contexte d'exercice de cette
fonction, et même du droit applicable.
A cet égard, le dualisme juridique-«droit
moderne»-droit musulman qui prévaut en Mauritanie, s'il ne
doit pas être négligé, ne paraît pas constituer un
obstacle à l'existence d'une identité et de principes communs aux
magistrats des différents pays en voie de développement.
La conception de la formation du magistrat, compte tenu de
la spécificité de la fonction, et de l'extrême
diversité du cadre dans lequel elle s'exerce, suppose une approche
nuancée qui s'oppose à une vision, niant la réalité
des besoins et des réponses.
En d'autres termes toujours concernant ce statut des
magistrats, la question de la reconnaissance du droit des magistrats à
se syndiquer est toujours d'actualité,une doléance des magistrats
qui n'a jamais eu de suite favorable ; en quoi consiste t'elle
réellement ?
Paragraphe 3 : La reconnaissance du droit pour les
magistrats à se syndiquer :
La création d'une instance représentative des
magistrats est l'une des revendications de ce corps, auxquelles la chancellerie
s'est opposée pendant les dernières années. En effet,
malgré l'inexistence d'incompatibilité avec les textes, la
chancellerie a adopté une position hostile à toutes les
initiatives de création de syndicat ou d'amical des magistrats. Cette
situation a attisé le climat de méfiance réciproque qui
existait entre les magistrats et l'administration judiciaire.
La création par les magistrats d'une telle instance
est une opportunité qui peut constituer un moyen de défense
collective de l'indépendance de la justice et servir à
l'amélioration de l'efficacité de celle-ci.
La reconnaissance d'une telle instance ne manquera pas
d'assainir les relations entre la chancellerie et le corps des magistrats, et
de faciliter le dialogue entre les deux parties. Elle est de nature en outre
d'améliorer les conditions de travail des magistrats et peut contribuer
à la bonne administration de la justice et à équilibrer
les rapports entre les deux pouvoirs : l'exécutif et le judiciaire.
Des exemples étrangers (Egypte) montrent le rôle régulateur
de ces instances.
Pour ces raisons il est recommandé que les textes
aménageant et encadrant ce droit soient promulgués dans cette
énorme reforme de la justice mis en place par le CMJD110(*) depuis le changement
intervenu depuis le 3 Août 2005 ; mais pour le moment ceci n'est pas
à l'ordre du jour mais on peut toujours espérer qu'elle aura lieu
maintenant ou très prochainement.
En parlant de cette reforme entrepris par la junte au pouvoir,
voyons ce qui a vraiment changé en matière de texte et
procédure.
Section 3 : Textes et
procédure
La reforme de la justice requiert un effort de modernisation
du droit et la mise en cohérence des différents textes
applicables. Ceci passe par l'adoption, la révision et la
réactualisation d'un certain nombre de texte, ainsi que la
simplification et la codification normative. C'est dans ce cadre que
l'indépendance de la justice en Mauritanie a connu des avancées
considérables à travers la révision des textes et
procédures (Paragraphe1) ainsi que de la rationalisation de
l'organisation judiciaire (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : La
révision des textes et procédures
Le bloc normatif régissant le domaine de la justice
présente certaines lacunes mettant en péril le bon fonctionnement
de la celle-ci .Des textes sont tombés en désuétude,
frappés de décalage par rapport à l'évolution du
secteur, tandis que d'autres nécessitent leur révision afin de
garantir l'indépendance de la justice.
C'est dans cet esprit que le statut de la magistrature a subi
des modification à travers l'ordonnance n°016-2006 portant
modification de certaines dispositions de la loi organique n° 94-012 du 17
février 1994 portant statut de la magistrature. A coté de cela il
y a eu la révision du code pénal et celle de la procédure
pénale, d'autres textes aussi ont fait l'objet de révision
notamment la loi sur la presse111(*) qui ne fera pas l'objet d'étude ici.
1. Le statut de la magistrature :
Dans le cadre de la garantie de l'indépendance de la
justice, les pouvoirs publics ont initié la révision de la loi
organique portant statut de la magistrature.
Ce texte se fixe pour objectif de doter le système
judiciaire de magistrats capables d'assurer leur indépendance. Pour ce
faire il renforce :
· les condition de recrutement en les rendant plus
rigoureuses et transparentes ;
· confie le recrutement à une commission de haut
niveau académique et professionnel,
· instaure le serment avant l'entrée en
service ;
· institutionnalise la déclaration du
patrimoine ;
· confie le régime disciplinaire des magistrats
à leur supérieur hiérarchique excluant toute
interférence du pouvoir législatif ou exécutif dans ce
domaine,
· interdit toute activité politique et syndicale
aux magistrats,
· instaure un système de notation et d'avancement
plus conséquent et plus transparent ;
· introduit le détachement judiciaire des
administrateurs et des économistes afin de doter la justice de
magistrats compétents et expérimentés.
Sur la même lancée, les pouvoirs ont
restauré la célébration de l'année judiciaire
désormais l'année judiciaire est ouverte de façon
solennelle par le chef de l'Etat.
2 . La révision du code de
procédure pénale
Le code de procédure pénale nécessite
d'être révisé depuis la modification de l'organisation
judiciaire intervenue en 1993 à travers l'unification du statut de la
magistrature et la suppression de la dualité des juridictions de droit
commun et les juridictions d'exception comme le cour spéciale de justice
dont les compétences ont été dévolues aux
juridictions de droit commun.
Cependant la majorité n'a pas été
accordée à cet objectif par le passé, et le code de
procédure pénale a accompagné des système
judiciaires qui ont subit plusieurs modifications à telle enseigne
qu'il n'y avait plus d'harmonie,entre lui et l'organisation judiciaire qu'il
régissait.
Pendant ces années, plusieurs contradictions se sont
accumulées entre le code de procédure pénale et les
différentes organisations judiciaires qu'ont connues les pays accentuant
ainsi les insuffisances antérieures liées à la survivance
des règles régissant des procédures et systèmes
judiciaires abrogés expressément par le législateur sans
que pour autant cela ne transparaisse dans ce texte. Plusieurs tentatives de
modifications ont été initiées sans résultat par le
ministère de la justice depuis 1993.
Cependant depuis le 3 août 2005, la reforme de la
justice a été instituée en priorité pour instaurer
un Etat de droit caractérisé par la justice et la
démocratie. Pour ce faire la constitution a été
révisée et adoptée réaffirmant tout les engagements
internationaux de la Mauritanie, le respect de ces valeurs islamiques et
nationales, et son attachement aux conventions et déclarations
internationales relatives aux droits de l'homme.
Les efforts du gouvernement de transition se sont
concentrés sur les reformes que nécessite le département
de la justice et le système législatif a
bénéficié d'un intérêt particulier.
Pour ce faire, la révision du code de procédure
pénale s'est déroulée en plusieurs étapes afin
d'assurer l'objectivité souhaitée. C'est ainsi qu'un diagnostic
des difficultés que pose l'application du code et les insuffisances
qu'il recèle ont été opérées et des
propositions pour les résoudre ont été
avancées .Les recherches ont été menées et
approfondies afin d'élaborer un code contenant des procédures
protégeant la sécurité des individus et la
société contre toute sorte d'atteinte et garantissant les
libertés.
Pour ce faire le gouvernement à travers le
ministère de la justice, a opté pour une approche
concertée avec tout les acteurs de la justice appliquant ainsi des
recommandations des journées nationales de concertation, les
séminaires et les différents ateliers qui ont réuni les
professionnels de la justice notamment les magistrats, les avocats, les
greffiers, les professeurs de droit et les experts avant de confier
l'élaboration du textes à des spécialistes et sa
révision à des professionnels.
Le projet est le résultat d'efforts entrepris par le
ministère de la justice depuis l'élaboration du rapport final sur
les journées nationales de concertation sur le justice. Le
département a élaboré les termes de
référence de la révision en se fondant sur les
recommandations des journées nationales de concertation et à
confier la mission à des experts locaux praticiens qui lui ont soumis un
travail conformément auxdits termes.
Apres la remise du rapport par des experts, une commission de
validation a été désignée au sein du
ministère de la justice. Elle comprend plus de vingt cinq praticiens du
droit judiciaire notamment des magistrats du siége et du parquet des
différents degrés de juridiction , des avocats parmi les plus
anciens notamment des bâtonniers, des professeurs de droit à
l'université de Nouakchott expérimenté et praticiens. La
discussion du rapport a eu lieu en présence des experts qui l'ont
élaboré.
Parallèlement à ce travail, a eu lieu un
séminaire sur la procédure pénale organisé au
centre de Perfectionnement et de Documentation Judiciaire réunissant
trente magistrats, animé par des professionnels de renommé de
l'Institut International pour le Droit et le Développement (IDLO) dont
les remarques et recommandations ont été intégrés
dans le projet de texte.
A la fin de ce travail, et dans le souci d'associer autant que
faire se peut tous les acteurs de la justice à l'élaboration du
code, des exemplaires du rapport ont été envoyés au
président de la cour suprême, au procureur général
prés de la cour suprême et au procureur de la république du
tribunal de la wilaya de Nouakchott dont les observations ont été
prises en considération également.
Afin d'ancrer, autant que faire se peut, ce texte dans le
contexte régional, la commission chargée de la validation du
texte s'est inspirée des textes de procédure pénale de
l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, le Sénégal, le Mali et de
la France.
Le projet d'ordonnance portant nouveau code de
procédure pénale renferme plusieurs innovations
essentielles :
a. Le renforcement de principes
constitutionnels :
L'article préliminaire énonce un certain nombre
de principes constitutionnels qui étaient énumérés
dans la cour constitutionnelle par le passé et les matérialise
pour faciliter leur application notamment le procès équitable, la
séparation des autorités chargées de l'instruction et du
jugement, la présomption d'innocence en disposant
que « toute personne suspectée ou poursuivie est
présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas
été établie par une décision ayant acquis
autorité de la chose jugée suite à un procès
équitable remplissant toutes les garanties
juridiques »112(*).
Ces dispositions confirment le respect de la Mauritanie pour
ses engagements internationaux contractés à travers les
conventions et déclarations internationales et notamment celles
relatives aux droits de l'homme prévues par le déclaration
universelle des droits de l'homme adoptée par l'assemblée
générale des nations unis en 1948 qui a consacré ce
principe dans son article 11.
b. Le renforcement du rôle de la justice dans la
surveillance et l'évaluation du travail de la police
judiciaire :
La police judicaire constitue un élément
essentiel dans le cadre de la procédure pénale. Afin de valoriser
le travail effectué par cet auxiliaire de justice, le code introduit
plusieurs innovations permettant aux magistrats de surveiller et de
contrôler le travail de la police judiciaire.
L'article 1, par exemple, dispose que les officiers et agents
de police judiciaire exercent leurs fonctions de police judiciaire sous la
direction du procureur de la république. Dans la même optique, le
procureur général prés de la cour d'appel supervise
l'activité de la police judiciaire et la chambre d'accusation s'occupe
de leur sanction en cas de faute professionnelle. L'article 23 consacre
l'efficience de ce contrôle à travers la notation du parquet quant
à l'activité des officiers de police judiciaire placés
sous son contrôle et l'obligation d'introduire ses résultats dans
la carrière professionnelle de l'officier de police noté.
c. La conciliation :
Le texte innove à travers des articles qui traitent de
la conciliation pénale qui etait absente du code à l'exception de
son article 6 qui la citait, sans pour autant prévoir ses effets sauf
qu'elle constituait un motif de suspension de l'action publique.
Afin de lui donner une valeur probante, la conciliation a
été organisée dans le projet afin de garantir les droits
de chacune des parties.
d. La garde à vue :
La garde à vue constitue une porte ouverte à
tous les dépassements volontaires ou involontaires qui ont lieu au
niveau de la police judiciaire.
Pour ce faire, l'accent a été mis, dans le
texte, sur la réglementation de toutes les garanties permettant à
la garde à vue de se réaliser dans les conditions humanitaires et
juridiques permettant au garde à vue de communiquer avec ses parents et
son avocat. L'objectif étant de permettre à chaque citoyen et
à chaque personne gardée à vue de vivre en
sécurité et de lui garantir sa liberté dans les limites
définies par la loi.
Par ailleurs, des conditions précises ont
été introduites à l'effet d'éviter les abus des
officiers de police judiciaire concernant le dépassement de la
durée de la garde à vue, il s'agit notamment de la surveillance
du procureur de la république et du contrôle des lieux de
détention.
e. La détention préventive et le
contrôle judiciaire :
Le texte consacre l'exception de la détention
préventive à travers la détermination de la durée
maximale de cette dernière dans toutes infractions afin d'éviter
les longues détention injustifiées liées à la
lenteur de la procédure.
Pour ce faire, la durée maximale de la
détention préventive a été fixée à
quatre mois en matière de délit et six mois en matière de
crime renouvelable une seule fois à l'exception de certaines infractions
graves pour lesquelles cette durée peut être
dépassée conformément à l'article 138.
f. L'appel en matière
criminelle :
L'une des importantes innovations de ce texte se cristallise
à travers l'institutionnalisation du second degré en
matière criminelle où les décisions ne pouvaient
être attaquées que par le pourvoi en cassation pour ce qu'elles
étaient définitives.
Désormais, grâce aux dispositions de ce texte,
elles deviendront des décisions de premier degré susceptibles
d'appel devant la chambre pénale de la cour d'appel composée de
cinq magistrats et doivent être motivée contrairement à ce
qui prévalait avant ce texte.
Apres avoir étudier longuement l'ensemble des textes
qui ont été révisé en ce moment, tout en passant
sous silence ceux qui sont cours, voyons en maintenant ce qui en est de la
rationalisation de l'organisation judiciaire. Qu'est ce qui a vraiment
changé ?
Paragraphe 2 : La
rationalisation de l'organisation judiciaire
La rationalisation de l'organisation judiciaire vise à
rapprocher la justice du justiciable à mettre en place une carte
judiciaire et un déploiement des ressources humaines adapté aux
disparités dans le volume du contentieux entre les différentes
Wilaya et Moughataa.
Consacrée par une ordonnance qui vise à pallier
les insuffisances constatées dans le cadre de l'organisation judiciaire
et dictée par le soucis de la rationalisation des moyens du secteur, ce
texte consacre le principe de la spécialisation des juridictions et le
renforcement des garanties procédurales accordées aux
justiciables.
Pour ce faire, il introduit la fonction de secrétaire
générale de la cour suprême et des cours d'appel qui sont
chargés de la gestion financière et administrative des
juridictions débarrassant les magistrats de taches fastidieuses qui les
empêchaient quelque fois de se consacrer à la protection des
libertés individuelles.
A cet égard, elle rapproche la justice des justiciable
allége la procédure et introduit une
célébrité en faveur des usagers du secteur publique de la
justice.
Dans cette optique, le taux de compétences de certaines
juridictions a été élargi afin de leur permettre de
garantir les droits économiques des citoyens en tranchant les litiges y
afférent ce qui explique la mise en place de tribunaux de commerce dans
certaines villes du pays lieu et places de chambres commerciales.
Le même souci de protection des libertés
publiques est également pris en considération par le
législateur lorsqu'il a introduit la collégialité
effective à partir des tribunaux de second degré et la
concrétisation de l'appel en matière criminelle ainsi que
l'institutionnalisation de la chambre d'accusation, du juge de la mise en
état et du juge de l'exécution des peines.
Dans la foulée un certain nombre de textes a
été adopté et des activités ont été
réalisées pour protéger les libertés publiques.
Il s'agit notamment de :
· L'ordonnance portant protection pénale de
l'enfant
· L'ordonnance portant création de la commission
indépendante des droits de l'homme
· L'ordonnance portant ratification des conventions des
nations unis et l'union africaine contre la corruption
· L'ordonnance relative à l'aide juridique
· L'ordonnance relative à la liberté de la
presse
· Décret relatif à la gestion des
établissements pénitenciers
· Décret relatif à l'inspection
judiciaire
· Décret réorganisant la ministère
de la justice
· Organisation d'une journée de sensibilisation
pour la lutte contre la corruption ;
· Organisation d'une journée de réflexions
sur l'éradication de l'esclavage
· Décret créant un comité
interministériel chargé de l'élaboration de la
stratégie pour l'éradication des séquelles de
l'esclavage.
Après cette étude détaillée de ces
principes garantissant l'indépendance de la justice, l'heure est venue
pour nous de préciser comment s'organise cette indépendance
c'est-à-dire les organes et les moyens mis en place en gros les facteurs
qui garantissent cette indépendance.
Chapitre 2 : Les facteurs
garantissant l'indépendance de la justice
L'idéal d'une justice solide et fiable ne peut
être atteint sans la mise en place d'organes qui encadrent le
fonctionnement de celle-ci, des organes animée d'un vrai désir de
promotion les droits humains.
Nous étudierons successivement ici les organes
concourant à cette indépendance de la justice (section 1) puis
les garanties en vue de promouvoir les droits de l'homme (section 2)
Section 1 : Les organes
concourant à l'indépendance de la justice
La proclamation du principe de l'indépendance de la
justice et l'aménagement des garanties statutaires des magistrats ne
saurait aboutir à une justice neutre et indépendante sans le
concours du Conseil Supérieur de la Magistrature (paragraphe 1), de la
Cour Suprême (paragraphe 2) et de l'Inspection Générale de
l'Administration Judiciaire et Pénitentiaire (paragraphe 3).
Paragraphe 1 : Le conseil
supérieur de la magistrature (CSM)
La création d'un Conseil Supérieur de la
Magistrature n'est sûrement pas une innovation du législateur
de «l'ère démocratique»113(*). Déjà au
lendemain de l'accession de la Mauritanie à la souveraineté
internationale, les Pouvoirs Publics s'étaient préoccupés
de mettre sur pied un organe devant garantir l'indépendance de la
justice114(*). C'est, en
effet, ce qui se dégage de la lecture de la constitution du 20 mai 1961.
Son titre VI, consacré à l'autorité judiciaire, largement
inspiré du titre VIII de la constitution française du 4 octobre
de 1958, annonce la création d'un Conseil Supérieur de la
Magistrature (C.S.M.). Il revenait donc au législateur de définir
l'organisation et le fonctionnement de cette institution à travers la
loi n° 63.014 du 18 janvier 1963115(*).Cette structure sera mise entre parenthèses
par les différents textes constitutionnels adoptés sous le
régime militaire qui n'en tiendront pas compte116(*). Il est évident que
la nouvelle option politique induite par la constitution de 1991 et la
période de transition qui s'en est suivie ne pouvaient laisser subsister
cette situation. Ainsi, le retour aux principes édictés à
la veille et pendant les premières années euphoriques de
l'indépendance, et l'aspiration à la démocratie pluraliste
incitaient largement à reconsidérer le rôle et la place de
la justice au sein des institutions étatiques. Dès lors, la
constitution du 20 juillet 1991 ne pouvait pas consacrer l'indépendance
du pouvoir judiciaire sans redonner toute sa dimension au Conseil
Supérieur de la Magistrature. Le législateur s'était donc
résolu à satisfaire une telle ambition à travers la loi du
17 février 1994 ainsi que les modification apportées avec
l'ordonnance n°016-2006. C'est dans ce cadre que nous nous emploierons
à présenter cette structure (A) et apprécier son
rôle (B).
A . Structure et fonctionnement
Le Conseil Supérieur de la Magistrature
apparaît, aux termes de la loi, comme une composante du pouvoir
judiciaire institué par la constitution du 20 juillet 1991 qui l'a remis
au goût du jour après des années d'incertitude. Il est,
avant tout, un organe de garantie de l'indépendance de la magistrature,
comme le définit la loi du 17 février 1994 en son article 47:
«Le Conseil Supérieur de la Magistrature assiste le
Président de la République garant de l'indépendance de la
magistrature». De par sa composition (1°), il s'apparente
à un organe politique alors que son activité (2°) le
rapproche d'une autorité judiciaire.
1° -La composition du CSM
L'article 48 du statut de la magistrature fixe la composition
du CSM comme suit :le Président de la République,
président; le Ministre de la Justice, vice-président; le
président de la Cour suprême, membre; le vice-président le
plus gradé de la Cour suprême, membre; le procureur
général près la Cour suprême membre; l'inspecteur
général de l'Administration Judiciaire et
Pénitentiaire,trois magistrats élus par leurs pairs,membre, un
représentant non parlementaire, professeur de droit ou avocat , de
l'assemblée nationale nommé pour chaque année judiciaire
par le président de l'assemblé nationale, membre. La
désignation du premier se justifie parce qu'il assure et exerce
institutionnellement la magistrature suprême. Le troisième l'est
surtout en sa qualité de président de la plus haute juridiction
nationale117(*)
étant entendu qu'aux termes de la loi le pouvoir judiciaire est
exercé par la Cour suprême et les autres juridictions nationales
(art. 1er). Par contre, l'intrusion du Ministre de la Justice dans
la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature, au poste de
vice-président, semble être incompatible avec les principes de
séparation des pouvoirs et d'indépendance du pouvoir judiciaire
tels qu'ils résultent de la constitution du 20 juillet 1991. Sa
présence laisse planer une lourde présomption de
partialité et de dépendance du Conseil Supérieur de la
Magistrature à l'égard du pouvoir exécutif. Cette
présomption est d'ailleurs renforcée par l'absence d'autonomie
morale et financière du Conseil Supérieur de la Magistrature, ce
qui entraîne, ipso facto, son affaiblissement par rapport au pouvoir
exécutif. On pourrait parler, en ce domaine,
d'inconstitutionnalité de la loi du 17 février 1994 portant
statut de la magistrature et du Conseil Supérieur de la Magistrature qui
réunit en ses dispositions ce qui devrait, si l'on s'en tient à
l'esprit de la Constitution, faire l'objet de deux lois. L'article
1er de la loi en question dispose que «la présente
loi régit le corps de la magistrature en République Islamique de
Mauritanie». Et, sans qu'il ne soit fait allusion au Conseil
Supérieur de la Magistrature dans les dispositions
générales du texte, on trouve, à l'intérieur de la
loi un chapitre V (la loi en compte huit) réservé au Conseil
Supérieur de la Magistrature, sur le fonctionnement duquel la loi
demeure laconique. Pour être en adéquation avec la constitution,
le législateur devrait, à notre avis, adopter la formule
suivante: «la présente loi organique relative au statut de la
magistrature détermine les droits et obligations des
magistrats». Pour ce qui est de la loi portant la composition, le
fonctionnement et les attributions du Conseil Supérieur de la
Magistrature, le législateur doit opter pour la formule suivante:
« la présente loi détermine la composition, le
fonctionnement et les attributions du Conseil Supérieur de la
Magistrature ». Quant à l'inconstitutionnalité de
la nomination du Ministre de la Justice comme vice-président ou membre
du Conseil Supérieur de la Magistrature, elle peut être
judicieusement corrigée par l'attribution constitutionnelle de la
vice-présidence au premier président de la Cour suprême. Ce
qui contribuera à diminuer le déséquilibre entre les
membres de l'exécutif et les magistrats membres de droit qui seront
renforcés par leurs collègues élus.
Membres élus- Le Conseil
Supérieur de la Magistrature comprend, en outre, trois magistrats
élus par leurs pairs pour une période de deux ans. La loi du 17
février 1994 est restée silencieuse sur le mode d'élection
des magistrats au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature qui est
désormais effectué par l'administration118(*). Mais donner ainsi la
possibilité à l'exécutif de déterminer ces
règles, c'est lui autoriser toutes les ingérences. Il est plus
opportun de confier la détermination des règles du scrutin
à l'assemblée générale des magistrats de la Cour
suprême. Par ailleurs, en l'absence de précisions sur la
réélection de ces magistrats, il est permis de penser qu'ils
peuvent être reconduits dans leurs fonctions par leurs pairs autant de
fois qu'ils se brigueront et remporteront leurs suffrages.
Membres désignés - Le Conseil
Supérieur de la Magistrature comprend enfin des membres
désignés qui sont un représentant non parlementaire du
Sénat, nommé, pour chaque année judiciaire, par le
président du Sénat et un représentant non parlementaire de
l'Assemblée Nationale nommé, pour chaque année judiciaire,
par le président de l'Assemblée Nationale. La loi ne donne aucune
précision sur les qualités et la reconduite de ces deux
personnalités étrangères au corps de la magistrature et
dont la présence au sein du CSM est, manifestement, une violation du
principe de la séparation des pouvoirs.
- Statut des membres - La qualité de
membre du Conseil Supérieur de la Magistrature ne confère ni un
statut particulier protecteur, ni un avantage matériel quelconque comme
ceux reconnus aux membres du Conseil Constitutionnel qui, selon la loi,
bénéficient des avantages et une indemnité fixée
par décret, pris en Conseil des Ministres, sur proposition du Conseil
Constitutionnel. A l'instar des membres élus par leurs pairs, les
membres désignés du Conseil Supérieur de la Magistrature
se trouvent, en principe, dans une situation de grande indépendance
à l'égard du pouvoir exécutif. Ils ont donc un statut qui
leur permet, durant leur mandat de faire preuve d'indépendance tant dans
le contrôle de la nomination des magistrats par le Président de la
République que dans l'exercice du pouvoir disciplinaire à
l'égard des magistrats119(*). Par conséquent, conscients de leur poids
à l'égard du pouvoir politique, ils peuvent, en principe, faire
preuve d'audace dans leurs démarches et leurs choix. Les membres du
corps judiciaire sont majoritaires dans le CSM puisqu'ils sont au nombre de six
auxquels il faut ajouter le secrétaire, désigné par le
président qui est souvent un magistrat issu de l'administration centrale
du ministère de la justice. Cependant, l'indépendance des
membres du CSM n'est que difficilement concevable, car hormis les trois
magistrats du siège élus et les personnalités
désignées par le président du sénat et celui de
l'assemblée nationale, les autres membres du CSM dépendent d'une
façon ou d'une autre du président et du vice-président de
celui-ci, ce qui ne manquera pas, inévitablement, de se
répercuter sur l'activité du Conseil Supérieur de la
Magistrature.
2°- L'activité du CSM
La loi confère au Président de la
République le soin d'assurer le secrétariat du Conseil
Supérieur de la Magistrature par le biais d'un fonctionnaire, dont elle
ne dit pas clairement quelle pourrait être sa marge d'indépendance
vis-à-vis du Ministre de la Justice, ou si ce n'est pas lui-même
(le Ministre de la Justice). Le Ministre de la Justice propose au
Président de la République l'ordre du jour de la session du
Conseil Supérieur de la Magistrature que ce dernier adopte. Le Ministre
de la Justice a donc la maîtrise de la préparation de tout ce qui
sera débattu au cours des sessions du Conseil Supérieur de la
Magistrature en sa qualité de vice-président du Conseil
Supérieur de la Magistrature d'abord, ensuite par l'autorité
qu'il exerce sur les membres "parquetiers" du Conseil Supérieur
de la Magistrature et l'obéissance que ne manquent pas de lui manifester
les deux membres désignés par les présidents des chambres
du Parlement et enfin, par la détermination de l'ordre du jour des
sessions du Conseil Supérieur de la Magistrature. Autant dire que si les
membres du Conseil Supérieur de la Magistrature n'étaient pas de
fortes personnalités, on arriverait inéluctablement à des
sessions du Conseil Supérieur de la Magistrature qui ressembleraient
fort étrangement aux congrès du parti unique avec "des
applaudissements nourris et prolongés"120(*). Le secrétariat du
Conseil Supérieur de la Magistrature s'occupe de la préparation
des dossiers et rédige les procès-verbaux et les actes du
Conseil. Le Conseil Supérieur de la Magistrature tient, en principe, une
session ordinaires par an et une session extraordinaire si la situation
l'exige. La session extraordinaire a lieu dans la deuxième quinzaine du
mois de décembre et la session ordinaire se tient au mois juin de la
même année. Ces sessions ne peuvent excéder trois jours.
Le Conseil Supérieur de la Magistrature est un organe
collégial de décisions. Pour délibérer valablement,
il doit comprendre au moins six membres dont le président ou le cas
échéant le vice-président (art. 49 al. 2 du statut). Les
propositions et avis du Conseil Supérieur de la Magistrature sont
formulés à la majorité des voix. En cas de partage, la
voix du président est prépondérante121(*). Le Conseil Supérieur
de la Magistrature peut, toutefois, se réunir en session extraordinaire
sur convocation de son président ou à la demande des deux tiers
de ses membres. L'ordre du jour est arrêté par le Président
de la République, sur proposition du Ministre de la Justice. Le chef de
l'Etat préside les séances du Conseil en sa qualité de
président. En cas d'empêchement, les séances sont
présidées par le Ministre de la Justice lorsque le Conseil statue
sur la nomination des magistrats. Dans d'autres cas, c'est le Ministre de la
Justice qui convoque et dirige les séances en sa qualité de
vice-président. Le procès-verbal de chaque réunion est
arrêté par le président du CSM et contresigné par le
secrétaire qui est chargé de le conserver. Les membres du CSM
sont tenus au secret des délibérations On s'aperçoit que
la loi n'attribue au président de la Cour suprême aucune
responsabilité dans la direction des activités du Conseil
Supérieur de la Magistrature nonobstant sa qualité de
président de la plus haute institution judiciaire. Cette éclipse
se constate également quand on analyse le rôle du Conseil
Supérieur de la Magistrature.
Paragraphe 2 : Le
rôle du CSM
La constitution confère au Conseil Supérieur de
la Magistrature le rôle de garant de l'indépendance du pouvoir
judiciaire (art. 89 al. 3). A ce titre, il intervient dans la
désignation des magistrats (A) et opère comme un conseil de
discipline et de gestion de leur carrière (B).
A. Le C.S.M organe de désignation des
magistrats
Le Conseil Supérieur de la Magistrature participe
à la désignation des magistrats dans les conditions
prévues par la loi. Le rôle du CSM se manifeste essentiellement
dans le processus de nomination et d'avancement des magistrats du siège.
Dans la nomination des magistrats, le rôle du conseil résulte de
l'article 22 de la loi n° 94.012 du 17 février 1994 portant statut
de la magistrature qui dispose que « les candidats remplissant
les conditions, citées à l'article 21 sont nommés juges
intérimaires par décret pris sur proposition du ministre de la
justice et après avis du Conseil Supérieur de la
Magistrature ». De même, il appartient au CSM, à
titre exceptionnel, en vertu de l'article 27 du même statut, de
répartir les magistrats entre les différents grades de la
profession. Dans l'avancement des magistrats, le CSM reçoit la liste des
magistrats promis à l'avancement entre le 1er août et
le 1er septembre de chaque année et il arrête, en vertu
de l'article 31 du même statut, le tableau des avancements. Cependant, on
regrettera la généralité des textes concernant l'avis du
CSM qui ne précisent pas si la décision de l'autorité
investie du pouvoir de nomination, doit être conforme ou non à
l'avis du CSM. Il est certain que l'avis tout simple n'est pas de nature
à attribuer au CSM un pouvoir décisionnel, ni même un
pouvoir de proposition. Par contre la conformité à l'avis du CSM
lui confère un pouvoir de blocage de la décision de nomination si
elle n'est pas rendue conformément à son avis.
Le Conseil Supérieur de la Magistrature doit, en outre,
veiller à ce que les nominations des magistrats obéissent d'une
part, à la règle de l'impartialité, ce qui est une
garantie de l'indépendance des magistrats et, d'autre part, aux
critères de probité et de cursus professionnel qui constituent un
gage de la qualité de l'exécution de leur travail, garant de
l'indépendance du pouvoir judiciaire dans le processus de
désignation des magistrats. Cependant, cette institution n'exercera pas
effectivement ses pouvoirs, car étant présidé par le
Président de la République, elle ne se réunira que
très rarement étant donné que son président est
surchargé par l'exercice des autres fonctions de l'Etat que la
constitution lui confie. Son mécanisme de convocation est rendu d'autant
plus malaisé que le Président de la République se trouve
être le président du parti au pouvoir, ce qui, en fait, lui laisse
peu de temps à consacrer aux problèmes des magistrats. Si l'on se
met en évidence que l'indépendance des magistrats ne peut, en
principe, être convenablement assurée que si la justice est
érigée en pouvoir distinct des autres pouvoirs politiques et que
le juge n'obéit qu'à la loi122(*), il ne fait pas de doute que le problème est
formellement résolu par le constituant, qui a inscrit, dans la charpente
de la constitution, un titre VII consacré au pouvoir judiciaire. Ce
pouvoir étant exercé par la Cour suprême et les autres
juridictions nationales, il demeure indépendant du pouvoir
exécutif et législatif. Ainsi, le Conseil Supérieur de la
Magistrature ne peut jouer pleinement son rôle constitutionnel de garant
de l'indépendance du pouvoir judiciaire que s'il participe activement au
processus de désignation des magistrats, qu'il s'agisse du
président de la Cour suprême ou des magistrats des juridictions
soumises à son contrôle. Cependant, en pratique, le pouvoir de
proposition du Conseil s'exerce pour tous les magistrats, excepté le
président de la Cour suprême. En effet, si l'article 27
alinéa 3 de la loi organique du 17 février 1994 insiste sur le
fait que le Président de la République nomme les magistrats du
siège et du parquet sur proposition du Conseil Supérieur de la
Magistrature, l'article 38 alinéa 1er de la loi 99.039 du 24
juillet 1999 mentionne clairement que la nomination du président de la
Cour suprême relève uniquement des prérogatives du
Président de la République. C'est dire qu'il existe des limites
au pouvoir du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Le système actuel prive le CSM du droit, qui devrait
être le sien, en tant que garant du pouvoir judiciaire, de proposer ou
d'émettre un avis sur la désignation du président de la
Cour suprême. Ce n'est, sans doute, pas le pouvoir de désignation
accordé au Président de la République par la loi qui est
critiquable, mais simplement le fait qu'elle n'associe pas le Conseil
Supérieur de la Magistrature à la nomination du président
de la Cour suprême, même si le Président de la
République agit en tant que président du Conseil Supérieur
de la Magistrature. Il serait souhaitable que ce soit l'organe collégial
qui propose une liste de postulants à ce poste, quitte au
Président de la République d'opérer un choix en vertu de
ses attributions constitutionnelles. Une telle solution redonnerait au Conseil
Supérieur de la Magistrature le prestige d'un organe dont la fonction
principale est de veiller au respect de l'indépendance du pouvoir
judiciaire qui devra satisfaire, à notre avis, sept exigences
élémentaires. La première est relative à la
séparation des pouvoirs qui doit se traduire par la non immixtion de la
Chancellerie dans les décisions de justice. La deuxième a trait
à la protection constitutionnelle des magistrats. La troisième se
résume à la bonne administration des affaires judiciaires. La
quatrième concerne le principe de l'inamovibilité des magistrats.
La cinquième est inhérente à l'exécution des
décisions de justice. La sixième devra permettre d'assurer la
protection matérielle et morale du magistrat et la septième se
rapporte au droit des magistrats d'être syndiqués Ces deux
dernières exigences sont fortement réclamées par les
magistrats123(*).
Autrement dit, l'indépendance des magistrats ne pourra
être garantie par le Conseil Supérieur de la Magistrature que si
les difficultés des juges, qui trouvent leur origine dans deux
séries de causes, objectives et subjectives, sont résolues. Par
causes objectives, il faut entendre toutes les contraintes qui limitent de
l'extérieur l'action du magistrat. On a déjà
souligné l'absence d'inamovibilité du magistrat mauritanien dont
le statut est désormais proche de celui d'un simple
fonctionnaire124(*). Il
y a lieu d'ajouter, ici, la faiblesse de son revenu. La
rémunération des magistrats est jugée insuffisante par la
plupart d'entre eux125(*). Or, par l'importance du rôle qui est le sien
et qui requiert de solides garanties, le magistrat doit être mis à
l'abri du besoin, pour éviter, en particulier, tout risque de
corruption. A défaut d'une telle précaution, il n'est pas
étonnant de voir des magistrats se laisser influencer, dans leur
travail, par des plaideurs riches. A cela s'ajoutent des considérations
liées aux conditions particulières qui entourent le travail des
magistrats. Les tribunaux ne possèdent pas de
bibliothèque126(*). Parfois, ils ne disposent même pas de textes
juridiques sur la base desquels le juge doit rendre sa décision. Et,
même lorsque ces textes sont disponibles, dans bien des cas, le juge ne
peut aller au-delà de leur sens littéral. L'absence d'une
jurisprudence répertoriée 127(*)n'est pas pour lui apporter l'éclairage
nécessaire pour interpréter la loi et aller,
éventuellement, au-delà de son sens littéral128(*). En effet, il n'existe pas
en Mauritanie de publication judiciaire129(*). Après leur prononcé, les
arrêts, même ceux de la Cour suprême, sont
définitivement classés dans les archives des juridictions. Mais
ces archives sont mal entretenues et n'empêchent pas la
dégradation et la perte des décisions de justice. A cet
égard, l'exemple de la Cour suprême est édifiant: cette
Cour a perdu une bonne part de sa "jurisprudence" à l'occasion
des multiples déménagements qu'elle a connus130(*).Il importe donc de
procéder à une publication intégrale des arrêts de
la Cour suprême pour les rendre accessibles aux magistrats (et aux
justiciables). Il faut que la Cour suprême puisse jouer son rôle
premier qui est d'unifier l'interprétation du droit. Pour ce faire, les
arrêts rendus par la haute juridiction doivent, non seulement, être
motivés, mais également les textes, visés par les
arrêts de principe, doivent être explicités de sorte qu'ils
orientent les juges du fond pour que se constitue une véritable
jurisprudence au sens moderne du terme. Il est à noter que l'actuelle
situation de la jurisprudence est déplorée par tous les
praticiens du droit 131(*) et ne contribue guère à
l'émergence d'un véritable droit (au sens académique)
mauritanien. Les arrêts de la Cour suprême doivent donc être
insérés dans un bulletin trimestriel dont le Ministre de la
Justice doit déterminer, par arrêté, les modalités
de diffusion. Dans le même ordre d'idées, la Cour suprême
doit rédiger un rapport annuel faisant le point sur ses activités
et notamment la doctrine dégagée à l'occasion de telle
décision judiciaire. La Cour suprême devrait , également
rendre le maximum d'arrêts de principes afin d'éclairer les
juridictions de fond sur l'interprétation à donner aux
différentes dispositions des textes132(*). A cet effet, la rédaction de ses
arrêts ne doit pas se borner à faire mention des textes
applicables, mais s'efforcer d'en dégager les principes. Face à
ces carences, le juge est amené, le plus souvent, à faire une
appréciation restrictive et superficielle des textes, sans se
préoccuper de les insérer dans leur environnement juridique. Il
reste incapable de saisir l'évolution du droit. Ceci est d'autant plus
fâcheux que pendant longtemps le droit est resté imprécis.
Cette situation n'est pas étrangère à la confusion qui a
accompagné la réforme de 1983. Les lacunes qui apparaissent dans
le travail des magistrats sont encore amplifiées par des données
subjectives, en rapport avec la personne même du magistrat. Beaucoup de
magistrats souffrent d'incompétence. Les raisons de cette
incompétence sont à rechercher, vraisemblablement133(*), dans le recrutement massif
opéré au début des années 80. En effet, des
postulants à la magistrature, qui n'ont pas reçu de formation
académique, se sont retrouvés tout à coup à la
tête de juridictions. Si l'on sait que la justice suppose au moins le
respect de certaines règles tenant à la procédure,
à la forme du jugement, etc., on serait fortement tenté de
conclure que ce recrutement a porté préjudice au bon
fonctionnement du pouvoir judiciaire. Mais le problème de la
compétence des magistrats est étroitement lié à la
question de la formation. Depuis l'indépendance du pays et la formation
des premiers magistrats, l'Etat a toujours encouragé l'existence de deux
filières: l'une de droit moderne et l'autre de droit musulman.
L'existence de ces deux écoles était doublement justifiée,
tant par l'absence d'une structure nationale de formation134(*) que par le caractère
dualiste des juridictions. Mais, lorsque l'unification de la magistrature fut
décrétée135(*) et que la Mauritanie commença à
former, sur son sol, des magistrats, la formation de ces derniers continua
à s'opérer sur la base de la dualité: pendant que l'Ecole
Nationale formait des magistrats de droit moderne, l'Institut Supérieur
des Etudes et Recherches Islamiques dispensait un enseignement
spécialisé en droit musulman. Ce dualisme dans la formation
constitue un obstacle sur la voie de l'unification de la justice. A partir de
1983 et la généralisation du droit musulman, il a posé
d'inextricables problèmes pratiques136(*). Pendant que les magistrats de droit moderne
hésitaient à recourir à un droit musulman qu'ils ne
maîtrisaient pas, les magistrats de droit musulman en faisaient un usage
systématique, même dans les cas où la loi a prévu
des règles étrangères au droit musulman137(*). Si la formation des juges
mauritaniens n'est pas homogène, il faut également ajouter
qu'elle n'est pas de qualité. On peut penser, a priori, que l'exigence
d'un diplôme de maîtrise en droit ou en charia suivie de deux
années de stage à l'ENA (section judiciaire) ou dans un
établissement similaire constitue une garantie suffisante. En
réalité, le diplôme de maîtrise ne constitue pas une
garantie suffisante en soi mais seulement une présomption d'aptitude
à la maîtrise des techniques juridiques138(*) et les deux années de
formation à l'ENA ne s'accompagnent pas d'un enseignement de
qualité. Elles sont souvent considérées comme purement
formelles139(*). Enfin,
au titre des difficultés liées aux magistrats, il faut mentionner
que ces derniers subissent parfois des pressions sociologiques. Ils sont
influencés par leur région d'origine140(*) et transposent souvent dans
le monde judiciaire un système de "relations sociales" propre
à handicaper le fonctionnement d'une justice harmonieuse.
Pour sortir de cette impasse, il est urgent que le Conseil
Supérieur de la Magistrature mette l'accent sur la
nécessité des mesures qui pourraient s'articuler autour d'abord
de l'élaboration d'un statut de la magistrature qui garantisse
l'indépendance des magistrats et la fourniture des moyens financiers
importants afin de garantir, en pratique, cette indépendance141(*). Ensuite, la mise sur pied
d'un centre de formation spécialisée dispensant un enseignement
adapté à la mission du juge et réalisant la formation
continue des magistrats. Enfin la large diffusion, au niveau de toutes les
juridictions, de tous les textes utiles et l'encouragement de la naissance
d'une jurisprudence par la publication des décisions des tribunaux. Le
juge est un personnage central de tout système judiciaire et de toute
société organisée et c'est seulement en apportant des
solutions aux problèmes qui se posent à lui que le Conseil
Supérieur de la Magistrature contribuera à l'indépendance
du pouvoir judiciaire. Cette tâche n'est pas incompatible avec le
rôle disciplinaire et gérant de la carrière des magistrats
que le Conseil Supérieur de la Magistrature doit également
exercer.
B. Le C.S.M. organe disciplinaire et gérant de
la carrière des magistrats
C'est, en principe, à travers ses attributions
disciplinaires et d'administration de la carrière des magistrats (art.
28 de la loi du 17 février 1994 portant statut de la magistrature) que
le Conseil Supérieur de la Magistrature détient un
véritable pouvoir décisionnel. Comme le prévoit la loi, en
son article 7, ses compétences, en matière disciplinaire,
s'exercent conformément au statut de la magistrature. Il lui appartient
d'apprécier le comportement fautif susceptible de justifier une sanction
à l'encontre de l'agent en cause. C'est également à ce
titre qu'il se doit de gérer l'évolution de la carrière
des magistrats notamment en ce qui concerne l'avancement, la mutation, la
rémunération ou l'admission à la retraite. Dans son
rôle disciplinaire, le CSM exerce à l'égard des magistrats
le pouvoir disciplinaire (1°) et instruit l'action disciplinaire
(2°).
1° Le pouvoir disciplinaire du C.S.M
Parallèlement au statut général des
fonctionnaires142(*), le
législateur, pour mieux préserver l'impartialité et
l'indépendance des juges, a instauré un véritable droit
disciplinaire à travers les articles 32 à 46 de la loi n°
94.012 du 17 février 1994 portant statut de la magistrature. Celui-ci
est exercé par le CSM. Le but du régime disciplinaire est
d'infliger une sanction proportionnelle à la gravité de la faute
commise par le magistrat143(*). Lorsqu'un magistrat commet une faute dans
l'exercice de ses fonctions, il fait l'objet d'une sanction disciplinaire
malgré la règle de l'inamovibilité, car celle-ci n'a pas
pour objet de mettre les magistrats indignes à l'abri de toute sanction
professionnelle. A l'exception des avertissements prévus par l'article
33 de la loi n° 94.012 qui dispose que : « le
président de la Cour suprême et le procureur près ladite
cour ont le pouvoir de donner un avertissement aux magistrats placés
sous leur autorité... », les sanctions disciplinaires
à l'égard des magistrats sont exercées par le CSM.
La base sur laquelle un magistrat peut être poursuivi
pour faute disciplinaire résulte expressément de l'article 32 du
statut et implicitement de la violation de l'article 11. L'article 32 dispose
que : « tout manquement par un magistrat aux convenances de
son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à
la dignité, constitue une faute disciplinaire... ». Cette
définition de la faute disciplinaire, peu précise, fait que
celle-ci ne se limite pas aux seuls manquements aux obligations statutaires,
mais « s'étend à tous les manquements de la vie
privée dans la mesure où ceux-ci seraient de nature à
ternir l'honorabilité de la fonction... »144(*). Toutefois, contrairement au
droit comparé où l'on a prévu, pour les magistrats du
parquet, une commission chargée de leur discipline145(*), le législateur
mauritanien, dans les termes de l'alinéa 2 de l'article 32, n'a pas mis
les membres du ministère public à l'abri de l'arbitraire de leur
chef hiérarchique, puisqu'il dispose, dans des termes
généraux, que leur faute disciplinaire
« s'apprécie pour un membre du parquet compte tenu des
obligations qui découlent de sa subordination
hiérarchique... ». Ce qui est de nature à
favoriser l'exercice de l'action disciplinaire à leur encontre.
2° L'exercice de l'action
disciplinaire
Selon l'article 38 du statut de la magistrature, il
appartient au ministre de la justice de dénoncer au CSM les faits
motivant une poursuite disciplinaire. Lorsque le ministre de la justice saisit
le CSM, il lui fait parvenir le dossier personnel du magistrat mis en cause
avec tous les documents concernant la poursuite. Le CSM se réunit
à la Présidence de la République (article 49) et l'ordre
du jour des séances est arrêté par le président du
conseil qui désigne un rapporteur parmi les membres du conseil pour
procéder à des enquêtes s'il y a lieu146(*). Le rapporteur entend le
magistrat poursuivi ou le fait entendre par un magistrat d'un rang au moins
égal. Le plaignant et les témoins peuvent être entendus et
tous les actes d'investigation utiles à la manifestation de la
vérité peuvent être accomplis147(*).
Lorsque l'enquête est achevée, le magistrat est
cité à comparaître devant le conseil. Mais durant cette
phase préparatoire, l'autorité de nomination, après avis
du CSM, peut en cas d'urgence interdire au magistrat poursuivi l'exercice de
ses fonctions jusqu'au prononcé de la décision définitive
sur l'action disciplinaire148(*).
La phase définitive constitue la dernière
étape de l'exercice de l'action disciplinaire. En vertu de l'article 41
du statut, cette phase suppose la comparution personnelle du magistrat devant
le conseil. Le magistrat incriminé doit avoir reçu, auparavant,
une citation fixant le jour de l'instance définitive qui statuera sur
l'action intentée contre lui. Il peut se faire assister ou
représenter, s'il y a force majeure, par un avocat ou un de ses pairs.
En l'absence d'un cas de force majeure, la décision du conseil est
réputée contradictoire149(*). Toutefois, l'intégralité du dossier
personnel et l'ensemble des pièces de l'enquête, sont, de droit,
communicables au magistrat et à son conseil afin de leur permettre de
préparer leur défense, à défaut de cette condition,
la décision du conseil, qui en général, doit être
motivée, peut faire l'objet d'un réexamen de la part du
même conseil, sur demande de l'incriminée ou de son
conseil150(*).
L'échelle des sanctions, qui peuvent être
prononcées contre les magistrats poursuivis, est prévue par
l'article 34 du même statut. Ces sanctions sont au nombre de huit et vont
de la réprimande avec inscription au dossier jusqu'à la
révocation en passant par « le déplacement
d'office, la radiation du tableau d'avancement, la retraite de certaines
fonctions, l'abaissement d'échelon et la
rétrogradation ». Cependant, on constate que, dans les
faits le CSM n'est pas le maître de la décision puisqu'il
émet seulement un avis et la loi ne confère pas à son
avis un caractère obligatoire pour l'autorité investie du pouvoir
de nomination. On peut dire que celle-ci n'est pas tenue juridiquement de le
respecter. Certes, une telle attitude ne semble pas être
traditionnellement de rigueur, les avis du CSM sont généralement
de nature à recueillir l'assentiment de l'autorité
gouvernementale, puisqu'en réalité c'est elle qui fait tout,
même les avis151(*).
La création d'un Conseil Supérieur de la
Magistrature répond au souci d'instituer un pouvoir judiciaire autonome
des autres pouvoirs politiques mais cette indépendance ne peut
être pleinement garantie que par un organe indépendant et
inspirant la confiance aux citoyens, car c'est avant tout leurs droits et
libertés qu'il s'agit de protéger dans la mesure ou le pouvoir
judiciaire est le garant des libertés individuelles152(*). Sans dénier toute
vertu à cette institution, le Conseil Supérieur de la
Magistrature présente une certaine crédibilité, ne
serait-ce qu'à travers l'élection d'une partie de ses membres par
leurs pairs153(*). Mais
cette crédibilité serait encore plus renforcée s'il venait
à jouer pleinement son rôle de garant constitutionnel de
l'indépendance du pouvoir judiciaire dans le processus de
désignation des magistrats, sans qu'il ne soit utile de créer un
domaine réservé au seul chef de l'exécutif, comme c'est le
cas pour la nomination du président de la Cour suprême. Cela
suppose, également, un organe présidé par une personne
autre que le chef de l'Etat ou le Ministre de la Justice, un organe peu
corporatiste, exempt de suspicion et qui comprendrait aussi des membres
extérieurs tels que les avocats, les membres du conseil constitutionnel
et les professeurs de droit qui contribuent, à l'instar de la Cour
suprême, à assurer l'indépendance interne du pouvoir
judiciaire.
Paragraphe 2 : La cour
suprême
La Cour suprême est placée au sommet de la
pyramide judiciaire mauritanienne. Elle a été créée
pour se substituer aux juridictions suprêmes de la communauté
institutionnelle154(*).Son but est d'unifier, sur tout le territoire,
l'interprétation du droit. Elle ne réexamine pas l'affaire qui
lui est soumise sous l'angle des faits. Mais tenant pour définitives les
circonstances de fait dégagées par les juridictions du fond, elle
appréciera si, au regard de ces éléments matériels,
le droit a été exactement appliqué 155(*). Cette
oeuvre de contrôle de l'unification du droit a été
effectuée par la Cour sur toutes les décisions rendues en dernier
ressort156(*).Dans
l'organisation et le fonctionnement de la Cour suprême, le
législateur mauritanien, comme ses homologues africains, s'est
inspiré de la cour suprême du Maroc créée par le
dahir de 1957157(*)
Ainsi, les principes généraux qui gouvernent la compétence
judiciaire et administrative de la cour suprême du Maroc se trouvent
intégrés dans la loi mauritanienne de 1961 : la cour
suprême juge de cassation en toute matière et juge direct du
recours pour excès de pouvoir. Toutefois, la différence des
régimes politiques, a fait que la Cour suprême mauritanienne se
caractérise par le rôle consultatif qui lui est dévolu par
la loi, mais, là aussi, apparaît une autre influence, celle du
droit sénégalais 158(*) qui a dévolu le même rôle
à la cour suprême sénégalaise dès 1960. La
Cour suprême de Mauritanie est l'une des institutions les plus
permanentes et les plus stables du système judiciaire mauritanien.
Créée en 1961 pour consacrer définitivement
l'indépendance judiciaire du pays 159(*), elle a traversé, presque sans changements
majeurs, les diverses réformes du système judiciaire mauritanien
160(*). Elle est
régie par les articles 35 à 52 du chapitre III titre II de la loi
99.039. du 24 juillet 1999. C'est une institution fort importante dans le
système judiciaire mauritanien. Elle cumule des fonctions judiciaires et
administratives. A cet effet, elle se compose de quatre chambres :
administrative, civile et sociale, commerciale, et pénale. Elle comprend
également les formations de jugement comme les chambres réunies
et la chambre du conseil. Paradoxalement, la Cour suprême se trouve
être l'une des juridictions les plus méconnues du droit
mauritanien. Cette situation est sans doute motivée, dans une large
mesure, par l'ineffectivité de certaines fonctions de la haute instance
(juridiction constitutionnelle et financière, fonctions consultatives),
qu'elle n'a presque jamais eu à exercer et surtout par des raisons plus
contingentes tenant à l'absence d'un intérêt de la doctrine
pour cette institution et sa production jurisprudentielle161(*). Cependant, cela n'a pas
empêché la Cour suprême de remplir sa mission (A) en
exerçant un contrôle sur l'ensemble des juridictions nationales
pour garantir non seulement l'indépendance de l'activité
juridictionnelle (B), mais aussi la clarté du droit et son application
(C).
A. L'exercice de la mission de la cour
suprême
La cour suprême mauritanienne, à l'instar de ses
homologues africains, a une mission principale, celle de contrôler la
conformité des jugements au droit. Lorsque la cour est saisie d'un
pourvoi, elle en apprécie, dans un premier temps, la
recevabilité. S'il est recevable, deux possibilités s'offrent
à elle : ou bien elle rejette le pourvoi si elle estime qu'il est
mal fondé, ou bien elle casse la décision rendue par la
juridiction du fond si elle considère qu'il est bien fondé et
renvoie le procès devant une autre juridiction du même ordre et du
même degré ou devant la même juridiction autrement
composée. Certes, la bonne application des règles juridiques par
les juridictions inférieures permet d'assurer au droit une
clarté, une certitude voire même une modernisation,
c'est-à-dire l'adaptation aux nouvelles conditions sociales et aux
aspirations contemporaines. Donc, la Cour suprême n'a pas à jouer,
en principe, le rôle d'une cour d'appel qui réexamine au profit du
justiciable le litige au fond et en droit. Comme le fait remarquer M. Tunc
« douteuse, serait l'utilité d'une cour suprême qui
aurait pour seule mission d'essayer de statuer mieux que les cours d'appel, sa
raison d'être n'est pas là...Le litige, dont une cour
suprême est saisie, n'est pour elle que l'occasion de remplir sa mission
principale. Elle statue dans l'intérêt du droit donc des tous les
citoyens plus que dans celui des plaideurs...La cour suprême doit, avant
tout guider les autres juridictions, présider à
l'élaboration du droit judiciaire. Elle a, en quelque sorte, une
fonction pastorale »162(*).
La cour suprême mauritanienne ne fait pas exception, par
rapport à ses homologues étrangers, dans ce domaine. Depuis sa
création, elle est conçue comme une grande juridiction de droit,
car « ses justiciables ne sont pas, en réalité, les
parties dont l'intérêt n'est qu'accessoirement engagé
devant elle mais les arrêts envisagés uniquement dans leurs
rapports avec la loi ; elle tient donc pour constants les faits reconnus
par les juges et l'interprétation qu'ils ont donné aux
conventions d'après l'intention des contractants ; elle n'a
qu'à rechercher si, en présence des éléments admis
comme certains, la loi a été exactement
appliquée »163(*) Mais, si elle a perdu une partie de ses
compétences au profit des autres institutions (conseil constitutionnel,
cour des comptes) depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1993 portant
organisation judiciaire, cela n'a pas pour autant affecté sa mission
principale en tant que juridiction de droit à laquelle il appartient de
veiller à la bonne application du droit par les juridictions
inférieures. En octroyant à la Cour suprême cette
possibilité, le législateur a permis à cette haute
instance de fixer la jurisprudence et donner à ses arrêts une
valeur quasi-normative. Elle peut donc compléter les lacunes du droit et
adapter la loi. Dès lors, la Cour suprême est destinée
à jouer un rôle fondamental dans l'élaboration et
l'application des principes généraux de droit adoptés et
établis par les tribunaux et appliqués à titres de
sources du droit164(*).
C'est donc laisser au juge suprême de larges pouvoirs
d'interprétation et ce recours au droit prétorien apparaît
nécessaire dans un pays comme la Mauritanie, puisque le droit
écrit y est souvent insuffisant et inadapté aux
réalités sociales. Ce rôle a été
effectué, avec plus ou moins de réussite, par la Cour
suprême notamment en assurant l'indépendance de l'activité
juridictionnelle.
B. L'indépendance de l'activité
juridictionnelle
Impartialité du juge
L'indépendance de l'activité juridictionnelle signifie que le
juge est souverain tant dans la recherche de la vérité que dans
le prononcé de la décision. Il doit être totalement
à l'abri de toute influence sinon celle de la loi. En d'autres termes,
le juge règle les affaires dont il est saisi impartialement sans
restrictions et sans être l'objet d'influences, menaces ou interventions
indirectes. Le juge a le pouvoir de déterminer si une affaire, dont il
est saisi, relève de sa compétence. Les décisions du
tribunal ne sont pas sujettes à révision. Ce principe est sans
préjudice du droit à un recours en appel ou en cassation devant
les juridictions supérieures. Un couple belge demandant l'homologation
d'un divorce par consentement mutuel se verra opposer un refus de statuer de la
part du juge pour motif de mariage entre mécréants. A la suite de
l'intervention du président de la Cour suprême, un juge a
finalement homologué cette requête165(*). Les exemples de
décisions de justice aberrantes ne manquent pas en Mauritanie qui n'a
d'ailleurs pas le monopole en la matière166(*). Parfois, ces aberrations
résultent tout simplement d'une méconnaissance de la loi et du
flou qui caractérise la législation mauritanienne. Mais, souvent
elles illustrent tout simplement la partialité des juges et leur
soumission au pouvoir exécutif. Toutes les fresques sur la justice en
Mauritanie tendent à montrer la difficulté d'un pouvoir
judiciaire indépendant lorsque, soit les conditions politiques et
institutionnelles ne le permettent pas, soit lorsque les conditions sociales et
professionnelles mettent le magistrat dans une situation d'indigence.
Traditionnellement rangé au rang des institutions non
économiques, le pouvoir judiciaire ne bénéficie que de
maigres crédits et pourtant, c'est à lui que l'on demande, en
dernier recours, de garantir les droits de l'homme et la sauvegarde de l'Etat
de droit.
Respect de l'impartialité et de
l'indépendance du juge - Face à cette situation
d'indigence, la Cour suprême de Mauritanie tente de faire respecter les
principes de l'indépendance et de l'impartialité des tribunaux.
C'est ainsi qu'à la suite des réformes de 1983 étendant
l'application de la charia, plusieurs juges traditionnels ont défendu la
thèse selon laquelle le législateur avait implicitement
abrogé tous les textes antérieurs non issus de la charia. Cette
prise de position a rapidement conduit à une situation doublement
dangereuse: d'une part elle entraîne une remise en cause du principe de
la sécurité juridique, les contradictions
répétées de la jurisprudence sapant le fondement de toute
prévisibilité juridique et d'autre part, elle constitue une
atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. La Cour
suprême, dans son arrêt n° 16/84 rendu sur recours dans
l'intérêt de la loi, est allée dans un autre sens en
affirmant que : «le juge ne pouvait rejeter certaines règles
encore en vigueur pour leur substituer d'autres qu'il estime plus conformes
aux aspirations de la société, au risque de sortir de sa fonction
qui est l'exécution de la volonté générale telle
qu'elle s'exprime à travers la loi»167(*). D'ailleurs, le
législateur devait consacrer cette thèse en
légiférant dans ce sens clarifiant définitivement la
situation par l'ordonnance 86.103 du 1er juillet 1986 en
précisant que «tout magistrat qui refuse d'appliquer les lois
et règlements en vigueur est révoqué d'office par
décret simple sur rapport du Ministre de la Justice »
(art. 32).Il a clairement montré, à travers cette ordonnance, que
les textes de loi restent en vigueur tant qu'ils n'ont pas été
expressément abrogés et que les juges sont tenus de les appliquer
sans se prononcer sur leur conformité à la charia, mission qui ne
relève point de leur fonction. Dans l'ensemble, et avec les moyens qui
sont les siens, la Cour suprême essaie tant bien que mal de
préserver une certaine impartialité des juges par le
contrôle de l'application du droit.
C. Le contrôle de l'application du
droit
Qualité du droit applicable - La
structuration du pouvoir judiciaire est autant un problème d'institution
que celui du droit applicable. La Cour suprême veille scrupuleusement
à la qualité du droit applicable. C'est ainsi qu'elle est
rigoureuse sur le principe de l'application de la charia. Elle casse les
décisions qui se fondent sur le droit français lorsque le
législateur mauritanien s'est déjà prononcé sur le
problème de droit en cause, même si elle fait parfois
référence à la jurisprudence française168(*). La controverse subsiste au
niveau de la détermination du droit applicable au contentieux civil,
commercial et administratif. Ce contentieux constituant l'essentiel des
rôles des juridictions, il est, pour certains, soumis à la charia
islamique ou, tout au moins, ne saurait trouver des solutions qui lui sont
contraires. Ce point de vue a été, quoique de manière
nuancée, celui de la Cour suprême qui se fondait sur la charte
constitutionnelle qui dispose que «la charia est la seule source du
droit» et sur l'article 1er du CPCCA qui
édicté littéralement que: «Les juridictions
connaissent de toutes les affaires découlant du statut personnel,
financières, civiles, commerciales et administratives et jugent suivant
la règle du droit musulman selon la procédure prévue par
le présent code».
Courant jurisprudentiel - La Cour
suprême, dans son arrêt n° 16/84, rendu sur recours dans
l'intérêt de la loi, est allée dans ce sens, cependant le
juge fait une analyse technique du texte incriminé comme pour renforcer
le critère de non conformité avec la charia invoqué devant
lui. Mieux, la référence à l'article 1er a
été faite avec précision et sans réserve. Ainsi
lit-on dans l'arrêt : «Attendu que le décret
invoqué même s'il demeure applicable, le mot
« mauritaniens » y remplaçant les français et
c'est là une hypothèse qui suscite de grandes interrogations-
après la nouvelle réforme juridique et judiciaire - la charte
constitutionnelle ayant édicté que la charia est l'unique source
de la loi et l'article 1er du CPCCA dispose que « les
juridictions connaissent de toutes les affaires découlant du statut
personnel, financières, civiles, commerciales et administratives et
jugent suivant la règle du droit musulman selon la procédure
prévue par le présent code ».Que ce
décret définit à l'article 39 son champ d'application et
fixe les conditions que doit remplir celui qui l'invoque. Attendu que la cour
n'a pas évoqué dans l'arrêt, objet du pourvoi, la
réalisation desdites conditions, ce qui rend son arrêt
insuffisamment motivé, en conséquence casse ». La
cour d'appel, juridiction de renvoi, dans le même contentieux, tout en
analysant techniquement le décret, qualifié implicitement de
contraire à la charia, dépasse l'allusion de la Cour
suprême et dit clairement: «le décret n° 52.760 du
30 juin 1952, même si nous supposons qu'il est applicable, ce qui est
totalement à exclure comme nous le démontrons
ci-après... ». Et la cour d'appel d'exposer les
fondements de son point de vue conformément à ce qu'elle annonce:
la charte constitutionnelle qui dispose que la charia est la seule source de la
loi, et les articles 1er et 43 du CPCCA et l'ordonnance de 1983
portant réforme foncière et domaniale.
En somme, la Cour suprême se demande si les textes
contraires à la charia demeurent en vigueur. Elle répond
implicitement par la négative. La cour d'appel est plus
catégorique. Sa réponse est plus tranchante, elle écarte
le texte à raison de sa contrariété tout au moins pour
elle- avec un verset coranique. Mieux, elle soutient que tous les textes
antérieurs à la charia sont abrogés. La même cour
d'appel a déjà adopté ce même point de vue dans une
affaire similaire dans son arrêt en date du 12 septembre 1983(169(*)) : «Vu le
réquisitoire du procureur général dans lequel il a soutenu
que les nouveaux textes édictant l'application de la charia ont
explicitement disposé que les lois antérieures en vigueur et
contraires à la charia ne sont pas applicables ». La
charte constitutionnelle, dans sa dernière rédaction, a
édicté que la seule source de la loi est la charia islamique. De
même que l'article 1er du CPCCA édicte:
« Les juridictions connaissent de toutes les affaires
découlant du statut personnel, financières, civiles, commerciales
et administratives et jugent suivant la règle du droit musulman selon la
procédure prévue par le présent
code ».« Attendu que le décret
invoqué par... est contraire sur toute la ligne à la charia et ne
saurait, en aucun cas, être appliqué, même plus, il est en
contradiction avec les principes de l'équité et du droit. Il
consacre l'acte illicite connu en droit sous la dénomination
"d'enrichissement sans cause" ».
Mais en posant cette jurisprudence comme principe, la Cour
suprême a mis les magistrats dans l'embarras et dans la
difficulté. Ils doivent, en effet, écarter l'application d'un
texte contraire à la charia sans pour autant qu'ils sachent la
portée technique de ces mots. La charia est-elle le point de vue d'un
imam ou de l'imam Malick en particulier ? L'illégalité est-elle
ce qu'aucun imam ne permet ou pourrait-on se contenter des idées de ses
disciples ? La charia est-elle simplement ce qui est contenu dans un texte du
Coran ou dans un hadith dûment rapporté... ? Le
législateur aurait du répondre à de telles interrogations
avant la mise en place de toute réforme juridique et judiciaire. Devant
une telle situation, les magistrats ont eu deux attitudes divergentes.
Certains, se référent, dans le dispositif de leurs jugements,
à des points de vue de la doctrine sans citer un seul texte à
moins que ce ne soit celui dévolutif de leur compétence. Disons,
à leur décharge, que leur formation ne leur a pas permis de
connaître de tels textes. D'autres citent le Code civil français
dans son article 1382 après avoir relaté le hadith correspondant
à la responsabilité du fait des choses qui serait fondée
sur la règle d'interdépendance entre le risque et le profit. La
Cour spéciale de justice fonde ses arrêts en matière
d'assurance sur la loi du 13 juillet 1930 tout en respectant le principe
indemnitaire de la Diya accordée aux héritiers de la femme pour
moitié.
Qu'en est-il de l'administration judiciaire et
Pénitentiaire ?
Paragraphe 3 :
L'inspection Générale de l'Administration Judiciaire et
Pénitentiaire
L'IGAJP est l'organe principal du contrôle de la bonne
l'administration de lajustice et de la probité de magistrats. Elle est
réglementée par le décret n°79-237du
3septembre1979.Ce texte, devenu obsolète, souffre de beaucoup de lacunes
et consacre une inadéquation entre les missions larges confiées
à l'inspection, se chevauchant parfois avec celles des administrations
centrales, et les moyens limités mis à sa disposition. Il est
à noter, aussi, que ce décret est muet sur le rôle des
inspecteurs adjoints et n'explicite pas les formes d'exploitation des rapports
de l'inspection.
Un projet de texte révisant ce décret est
actuellement en cours de préparation au niveau du ministère de la
justice pour affirmer le rôle de l'inspection comme organe interne de
contrôle avec toutes les garanties que cela comporte afin de lutter
contre la corruption du personnel judiciaire et pénitentiaire et de
pouvoir assurer la récompense à des magistrats et personnels de
l'administration judiciaire méritant. L'adoption de ce texte ne manquera
pas de redynamiser cet organe et lui assurer une plus grande implication dans
le projet de réforme en
Cours.
Il est aussi nécessaire d'adopter un autre texte
fixant les avantages matériels accordés à l'Inspecteur
Général et aux Inspecteurs ainsi que les frais liés aux
missions d'inspection.
L'heure est venue pour l'autre aspect peut être
d'ailleurs plus importante car elle est le fondement de toute règle
juridique par rapport à nous humains dont le droit régis et
encadre nos comportement, à savoir la garantie,d'un procès
équitable et le respect des droits de la défense.
Section 2 : Promotion des
droits de l'homme
La protection des libertés individuelles est la
première mission de l'institution judiciaire. La justice doit constituer
le rempart contre l'arbitraire de l'administration, l'atteinte à
l'intégrité physique et morale des personnes et, en
général, toute atteinte à la jouissance des droits. C'est
ainsi que toute réforme de la justice doit se donner comme objectif
premier de conforter celle-ci dans sa mission de garantir les dits droits. Le
cadre juridique régissant le secteur judiciaire doit, par ailleurs,
comporter les garanties nécessaires pour les personnes
confrontées aux procédures pénales. Ces garanties
concernent essentiellement le déroulement du procès et la
condition de détention et puis à l'accès au droit et
à la justice.
Paragraphe 1 : Garantie
d'un procès équitable et le respect des droits de la
défense
Bien qu'elle ne comporte pas de référence
expresse au droit à un procès équitable, la constitution
de 1991 prévoit plusieurs dispositions qui le consacrent implicitement
notamment l'article 13 qui prévoit la présomption d'innocence et
le principe de la légalité des peines et l'article 91 qui
proclame le principe selon lequel « nul ne peut être arbitrairement
détenu ».
Par ailleurs, le Code de procédure pénale
comporte un certain nombre de dispositions qui conforte le droit à un
procès équitable par la consécration du droit à la
défense et du droit à être assisté par un Avocat.
Toutefois, la pratique a pu éloigner la justice de
son rôle de « gardien des libertés individuelles ».
D'une part, les arrestations arbitraires s'opéraient dans le
mépris total des procédures judiciaires consacrées et,
d'autre part, les décisions judiciaires sont devenues un instrument de
répression politique entre les mains du Pouvoir Exécutif.
Aussi, la lenteur de la procédure, les
difficultés d'accès au droit et à la justice et
l'inadaptation de certaines dispositions légales limite
considérablement la portée du droit à un procès
équitable. Pour remédier à ces anomalies, il convient de
:
· prendre les mesures nécessaires pour assurer la
tenue d'audiences régulières et suffisantes par les juridictions
et veiller au respect par les magistrats, les greffiers et les avocats des
dates et horaires fixés à cet effet ;
· simplifier les procédures pour une meilleure
célérité de la justice ;
· assurer l'effectivité de l'assistance judiciaire
et la célérité de la justice ;
· assurer une protection du prévenu lors de la
garde a vue (assistance de l'Avocat) ;
· réduire le délai de la garde à vue
à 48 heures renouvelables une seule fois ;
· rendre obligatoire la présence de l'avocat pour
assister le prévenu, dès l'enquête préliminaire ;
· reconnaître systématiquement aux victimes
des erreurs judiciaires le droit d'être indemnisés par l'Etat;
· réviser les textes inconstitutionnels relatifs
aux libertés publiques ;
· assurer une meilleure accessibilité linguistique
à la justice.
Pour revenir à cette règle, nous rappelons que
les plaideurs ont la possibilité de soumettre leur
procès pour un second examen à une juridiction
de second degré, en l'occurrence à la cour d'appel si la
décision primitive a été rendue par le tribunal de
première instance. Elle garantit donc les droits de la défense
d'une partie grâce à un nouvel examen du litige par une
juridiction hiératiquement supérieure. De ce fait, l'appel, voie
de droit commun par excellence, vise essentiellement la réformation ou
l'annulation du jugement entrepris. Cette garantie est devenue d'autant plus
utile et profitable aux plaideurs, de quelque bord qu'ils soient, que
l'opposition est devenue une voie de recours exceptionnelle170(*).
Paragraphe 2 :
L'Administration pénitentiaire
Le système pénitentiaire est régi par le
décret 98-078 du 26 / 10 / 1998 portant organisation et fonctionnement
des établissements pénitentiaires et de réinsertion, le
décret 70-153 portant régime intérieur des
établissements pénitentiaires et les dispositions du Code
Pénal et du Code de Procédure Pénale.
Le système carcéral ne favorise guère
actuellement la réinsertion des détenus faute de
mécanismes appropriés permettant l'éducation et
l'apprentissage professionnel aux détenus. L'absence d'activités
sportives, d'alimentation équilibrée et d'hygiène entrave
également l'épanouissement psychique et physique du public
carcéral.
Par ailleurs, le recours de plus en plus à la torture
et aux mauvais traitements des détenus constituent une violation
flagrante des droits les plus élémentaires de la personne
humaine. On peut signaler dans ce sens aussi, la persistance des dispositions
astreignant les condamnés à des peines privatives de
liberté pour des faits qualifiés de crimes ou de délits de
droit commun aux travaux forcés, en parfaite méconnaissance des
dispositions de l'article 8-3-a du Pacte International des
Droits Civils et Politiques dûment ratifié par la Mauritanie et
qui précisent :« nul ne sera astreint à accomplir un travail
forcé ou obligatoire ».
Pour les consolider dans leur rôle de
réinsertion sociale et d'éducation des détenus, les
établissements pénitentiaires doivent nécessairement
offrir à leurs hôtes des conditions de vie décentes, le
respect total de leur droit à une vie privée et une alternative
aux comportements répréhensibles.
La réalisation de ces objectifs passe par la mise en
oeuvre des actions suivantes :
· le recours à l'assistance technique des pays
ayant un niveau de développement proche du notre;
· réinsertion des détenus par le recours
à tous les moyens pédagogiques, éducatifs, sportifs et
religieux ;
· suivi sanitaire à l'intérieur des
établissements pénitentiaires ;
· création d'une commission consultative des
établissements pénitentiaires compétente pour donner avis
sur toutes les questions relatives à l'amélioration des
conditions carcérales et à la réinsertion des
détenus, cette commission doit compter parmi ses membres des
représentants de la société civile;
· révision des dispositions du décret
70-153 fixant le régime intérieur des établissements
pénitentiaires en vue de l'adapter aux exigences internationales ;
· création de centres de détention
adaptés pour mineurs et femmes ;
· catégorisation des détenus et
séparation entre prévenus et détenus au sein des
établissements pénitentiaires ;
· création des corps spéciaux de professions
pénitentiaires: régisseurs et gardiens de prisons.
Qu'en est-il alors de l'accès au droit et à la
justice ?
Paragraphe 3 :
Accès au droit et à la justice
L'accès au droit et à la justice doit
être assuré à tous ceux qui, en raison de leur situation
matérielle, se trouvent dans l'impossibilité d'exercer leurs
droits devant les juridictions.
C'est la raison pour la quelle il faut instaurer,
légalement, un régime d'assistance juridique et judiciaire au
profit des démunis rendant effectif l'accès au droit et à
la justice.
Ce régime passe par la prise en charge des justiciable
démunis en leur garantissant l'accès au droit. Ce droit devrait
être assuré durant toute la procédure judiciaire et pour
obtenir l'exécution de la décision de justice.
Pour pouvoir mettre en place un tel programme, le
ministère de la justice doit élaborer un plan de recherche de
financement qui viendra en complément du projet actuellement en cours
avec la Banque Mondiale.
L'étude dans cette première partie du fondement
de la justice nous a permis de part et d'autre de bien connaître les
rouages de ce droit mauritanien plus au moins complexe à cause de sa
mixité, mais sachant qu'il n a été vu dans cette partie
que l'aspect purement textuel et juridique du thème, alors voyons en
aussi un autre aspect aussi important qui est d'ordre infrastructurel qui aura
plutôt une appellation très originale par rapport à cette
reforme qu'on appellera : Vers une modernisation du système
judiciaire.
Deuxième
partie :
Vers une modernisation du
système judiciaire
Chapitre 1 :
Modernisation des infrastructures et du mode de règlement des
litiges
Une justice indépendante dotée d'un arsenal
juridique adéquat et disposant de ressources humaines qualifiées
et suffisantes ne saurait remplir pleinement sa mission si le cadre dans lequel
elle fonctionne ne lui garantit pas des conditions de travail favorables.
Ces conditions de travail impliquent l'existence
d'infrastructures adéquates, modernes et adaptées aux besoins de
la bonne distribution de la justice. Le bon fonctionnement de ce secteur passe
également par l'équipement adéquat des tribunaux, des
cours et de la chancellerie.
L'effort consenti pour la réforme de la justice doit
viser également la modernisation de ce secteur par l'adoption d'une
politique de communication appropriée, l'introduction des nouvelles
technologies (section 1) et la promotion des modes alternatifs de
règlement des litiges (section 2).
Section 1 : Les
infrastructures et les équipements
Les infrastructures constituent un pallier important dans
toute perspective d'amélioration de la justice. Afin de permettre
à celle-ci d'être rendue dans des conditions matérielles
propices, il convient de mettre à sa disposition des moyens à la
hauteur des défis auxquels elle fait face.
La situation actuelle de la justice renvoie à un
niveau élevé de dégradation et de vétusté
des bâtiments et des édifices et à un déficit
important en équipements. Si on essaie de faire un tour d'horizon sur
l'état infrastructurelle de nos tribunaux, on verra vraiment que c'est
une machine judiciaire démunie de moyen qui est livrée à
elle-même, avec un personnel travaillant avec des moyens du bord
très archaïques.
Le département de la justice en Mauritanie tourne au
ralenti d'ailleurs ce qui explique la lenteur des procédures et la non
publication par ce derniers des arrêts rendus dans des revues ou journaux
spéciaux par les tribunaux ce qui constitue un énorme blocage
à toute connaissance de la jurisprudence par les juristes
eux-mêmes, les étudiants et tout les autres profanes. Je pense
qu'avec l'annonce par les pouvoirs politiques de la création dans les
prochains mois d'une revue171(*) périodique de la justice va être d'une
grande utilité pour les acteurs du secteur.
Sur le plan du patrimoine immobilier, il est, donc,
nécessaire de faire l'état des lieux et un éventaire du
patrimoine immobilier de la Justice afin de définir une stratégie
de développement des infrastructures.
Paragraphe 1 :
Bâtiments et édifices
Le parc immobilier de la justice se compose des locaux de la
Chancellerie, des palais de justice, des sièges des tribunaux de
Moughataa et des maisons d'arrêts.
Réparti sur l'ensemble du territoire national, ce parc
rend compte de la nécessité d'engager des actions en vue de
rénover l'existant, de parachever les chantiers en cours et de
construire de nouveaux bâtiments pour répondre aux besoins
grandissants.
A. La situation actuelle des bâtiments et des
édifices de la justice
1. La Chancellerie :
Les locaux de la chancellerie se trouvent actuellement dans
un immeuble très ancien, construit à l'indépendance de
notre pays, auquel une petite extension en annexe a été adjointe
récemment.
Ces locaux nécessitent non seulement une
réhabilitation légère mais également une extension
conséquente afin d'honorer la demande constante en bureaux pour le
personnel actuellement employé à la chancellerie.
La reforme actuelle penche sur ce problème actuellement
mais elle tarde à donner des réponses concrètes pour une
bonne remise en état du bâtiment de cette chancellerie qui
commence à prendre de l'âge et ne plus pouvoir résister
à l'érosion du temps, à l'image des palais de justice et
autres.
2. Les palais de justice :
Il n'existe au niveau national que cinq "palais de justice". Le
tableau ci-après résume la situation de ces palais:
WILAYA172(*)
|
Juridictions abritées
|
Observations
|
1. Nouakchott
|
- Tribunal de Wilaya
- Cour d'Appel
- Cour Suprême
|
Ces trois juridictions sont abritées dans un seul Immeuble
construit en 1983. Le prestige de la Cour Suprême exige son relogement
dans un local indépendant.
|
2. Hodh Echarghi
|
Tribunal de Wilaya
.
|
Immeuble construit en 1970.
|
3. Brakna
|
- Tribunal de la Wilaya
- Tribunal de la Moughataa d'Aleg
|
Immeuble construit en 1975.
|
4. Trarza
|
- Tribunal de la Wilaya
|
Immeuble construit en 1996.
|
5. Adrar
|
- Tribunal de la Wilaya
-Tribunal de la Moughataa d'Atar
|
Immeuble construit en 1961,
mauvais état.
|
A voir ce tableau, on constate qu'il n'y a pas suffisamment de
tribunaux dans la mesure où on en trouve pas dans toutes régions
ce qui constitue une disparité et une mauvaise répartition
géographique des tribunaux , ce qui s'explique sans nulle doute par le
fait que dans le passé l'implantation d'un tribunal est motivée
par des pression d'ordre tribale et politique car il est vraiment inadmissible
qu'une région comme l'Assaba, qui au niveau démographique presque
la deuxième ville du pays ne puisse pas avoir un tribunal de Willaya et
une cour d'appel. Le désengorgement des tribunaux passe par une vraie
politique de décentralisation de ceux-ci.
3. Siéges des tribunaux de
Moughataa
Seuls les tribunaux des Moughataa de Tevragh Zeïna et
d'El Mina disposent de sièges appartenant à l'Etat. Les autres
tribunaux de Moughataa sont logés dans des palais de justice existants
ou dans de simples maisons conventionnées par l'Etat à cet
effet.
4. Les maisons d'arrêts
Le tableau ci-dessus indique que seuls 11 sièges des
maisons d'arrêt et centres de réhabilitation sont
propriété de l'Etat sur un total de 19. Ces 11 sièges
nécessitent d'importants travaux de réhabilitation et
d'extension.
Ville
|
Catégorie
|
Propriétaire
|
Observations
|
Nouakchott
Prison civile de
Nktt
Centre de Bayla
Prison des femmes
Maison d'arrêt de
Dar-Naïm
|
Prisons
centrales
|
Etat
Etat
Privé
Etat
|
- travaux d'extension en cours
- nécessité d'abandonner ce centre au profit d'une
nouvelle construction
- nécessité de terminer la
construction en cours qui est
arrêtée depuis deux ans
|
2- Nouadhibou
|
Prison
centrale
|
Etat
|
- réhabilitation urgente de la prison actuelle
- extension et mise aux normes
|
3- Rosso
|
Prison
centrale
|
Etat
|
- réhabilitation urgente de la prison actuelle
- nécessité de construire une prison
|
4- Aleg
|
Prison
centrale
|
Privé
|
|
5- Kaédi
|
Prison
centrale
|
Etat
|
- réhabilitation urgente de la prison actuelle
- nécessité d'une nouvelle
construction
|
6- Kiffa
|
Prison
centrale
|
Etat
|
- réhabilitation urgente de la prison
actuelle
- extension et mise aux normes
|
7- Néma
|
Prison
centrale
|
Privé
|
|
8- Zouérate
|
Prison
centrale
|
Privé
|
|
9- Aïoun
|
Prison
centrale
|
Privé
|
|
10- Atar
|
Prison
centrale
|
Etat
|
- réhabilitation urgente de la prison actuelle
extension
et mise aux normes
|
11- Sélibaby
|
Prison
centrale
|
Privé
|
|
12- Tidjikja
|
Prison
centrale
|
Privé
|
|
13- Akjoujt
|
Prison
centrale
|
Privé
|
|
14- Tichitt
|
Prison
secondaire
|
Etat
|
- réhabilitée en 2005
|
15- Oualata
|
Prison
secondaire
|
Etat
|
- réhabilitée en 2005
|
16- Wad-Naga
|
Prison
secondaire
|
Etat
|
- réhabilitée en 2005
|
B. Les perspectives
La stratégie de développement des
infrastructures doit partir de l'état des lieux exhaustif tel qu'il a
été décrit plus haut. Les programmes prendront en compte
le respect des procédures d'attribution, de suivi et d'exécution
des marchés de travaux. Le retard récurrent dans
l'exécution des travaux incite à envisager l'ouverture du
marché aux entreprises de la sous région pour pallier la
faiblesse de l'offre locale.
Les dits programmes doivent se conjuguer avec une
amélioration substantielle des infrastructures mises à la
dispositions des institutions concourrant au fonctionnement du service public
de la justice, telles que la police judiciaire, les inspecteurs de
travail.....etc.
1. Amélioration du parc existant par la
réhabilitation et l'extension :
Il ressort de la situation décrite ci-dessus que les
bâtiments appartenant à l'Etat doivent être
réhabilités en urgence. Dans ce cadre la réalisation d'un
état des lieux est une étape déterminante.
En effet, il conviendrait dans une première
étape, de collecter l'ensemble des informations et données
existantes en vue d'apprécier le volet et la portée des travaux
de réhabilitation à réaliser.
Pour les bâtiments et édifices de Nouakchott, il
est recommandé d'actualiser la situation en effectuant des visites sur
sites à l'effet de réaliser l'état des lieux dans les
moindres détails.
Quant aux bâtiments et édifices à
l'intérieur du pays, l'assistance des services régionaux du
Ministère de l'Equipement et des Transports est vivement
recommandée pour effectuer le même travail dans leurs wilayas
respectives.
Cet état des lieux permettra, à court terme, de
définir une situation récapitulative des travaux de
réhabilitation à réaliser en précisant la nature
des ouvrages (chancellerie, Cour Suprême, tribunaux, prisons, maisons
d'arrêts), les descriptifs des travaux, les plans et/ou schémas,
les coûts prévisionnels ainsi que le calendrier
prévisionnel d'exécution des travaux.
Les travaux de réhabilitation devraient intégrer
les objectifs de fonctionnalité des bâtiments et édifices,
leur mise aux normes et la conception d'une architecture typique qui exprime
leur spécificité. Ces travaux prendront en compte les besoins
spécifiques des différentes structures (chambres de
sûreté ...etc.).
2. Achèvement des travaux en cours :
Les retards accusés dans l'exécution des
travaux en cours portent préjudice au fonctionnement de la justice et
à l'amélioration de la qualité de ses prestations de
service public. Il s'agit de :
· Huit tribunaux des Moughataa à Nouakchott
;
· Le palais de justice de Nouadhibou ;
· Et la prison de Dar
Naim.
Les structures concernées par ce programme de
construction devraient être saisies pour motiver les retards
constatés et faire des propositions concrètes permettant la
relance effective des travaux. Une fois les causes de ces retards
identifiées, des mesures immédiates devraient être prises
par les pouvoirs publics pour faciliter et accélérer
l'achèvement de ces travaux.
3. Nouvelles constructions :
Les besoins en nouvelles constructions constitueront le
complément d'infrastructures à réaliser pour
répondre au besoin global exprimé par le département de la
justice.
Dans la phase « études techniques », la
conception de ces bâtiments et édifices répondra à
des impératifs non seulement de fonctionnalité et de
modernité mais également architecturaux exprimant leur «
personnalité judiciaire ». Pour ce qui des établissements
pénitentiaires, il est nécessaire de prévoir dans la phase
de conception des bâtiments une séparation des prisonniers en
fonction de la nature des infractions commises et de la catégorie des
délinquants.
Parmi les travaux de construction déjà
identifiés, on peut citer :
· Huit tribunaux de wilaya comprenant entre autres des
salles de scellés, d'archives et de bibliothèques ;
· Le palais de justice de Kiffa;
· Un bâtiment indépendant pour la Cour
Suprême à Nouakchott ;
· Un tribunal pour enfants à Nouakchott ;
· Douze établissements pénitentiaires
répondant aux normes de rééducation et de socialisation
des détenus, comprenant des pavillons distincts pour enfants, femmes et
hommes et une séparation physique entre détenus et
prévenus ;
· 53 logements de magistrats à raison de 1 par
tribunal de Moughataa.
· Des logements adaptés pour greffiers ;
Paragraphe 2 : Les
équipements
Les équipements visés sont indispensables,
à court terme, au bon fonctionnement des différentes structures
de la justice. L'on peut citer notamment :
- La bureautique ;
- L'informatique ;
- La climatisation et ventilation ;
- Les moyens de communication et de sécurité;
- Les moyens de transport (automobiles, motocyclettes,
fourgons cellules, ambulances).
A. Situation actuelle des
équipements
L'état défectueux dans lequel se trouve
l'ensemble du patrimoine de la justice n'épargne pas les
équipements sur place. En effet, ces équipements -quant ils
existent- sont, en grande partie, inopérationnels et même presque
inexistante car ils ne répondent pas à des normes de
qualité et de nombre suffisante pour répondre à la demande
de la justice.
Au niveau de la Chancellerie, le matériel informatique
est obsolète, les équipements bureautiques sont insuffisants, le
système de climatisation est déficitaire et le parc automobile
est en dessous des besoins.
Pour ce qui est tribunaux, la situation est pire ; à
titre d'exemple, l'on peut souligner que le Palais de justice de Nouakchott
abritant la Cour Suprême, la Cour d'Appel et le tribunal de Wilaya de
Nouakchott ne compte qu'une et une seule unité informatique, deux
machines à écrire, moins de cinq climatiseurs.
Les équipements bureautiques, pour leur part, fournis
par l'Arabie Saoudite en1987 sont dans un état de délabrement
total.
Il va sans dire que ce manque cruel en équipements
entrave nécessairement le bon fonctionnement du secteur de la justice et
empêche ses différentes structures d'accomplir convenablement
leurs missions.
B. Propositions
Dans la perspective d'un appui conséquent en termes
d'équipement au secteur de la justice, les éléments
suivants sont à prendre en compte :
· Mettre en oeuvre un vaste programme en équipements
visant à doter l'ensemble des structures de la justice et à
satisfaire leurs besoins en fonction de la spécificité de leurs
missions ;
· Assurer la sonorisation de toutes les salles d'audience
des cours et des tribunaux
· L'ensemble des bureaux doit bénéficier
d'équipements en bureautique apte à permettre leur
fonctionnement. Un plan de généralisation de l'informatique doit
être élaboré et mis en oeuvre au niveau de la Chancellerie
et des tribunaux. Il doit être accompagné de formation
adéquate des ressources humaines destinées à utiliser cet
équipement. Une concertation est en cours avec le Secrétariat
d'Etat auprès du Premier Ministre chargé de Nouvelles
Technologies pour mettre en place un tel programme;
· Dans un contexte climatique tel que le nôtre, des
conditions de travail améliorées devront nécessairement
prendre en compte la climatisation et la ventilation des bureaux ;
· Pour permettre un meilleur fonctionnement de la justice
il convient de doter les structures de moyens de transport, de communication et
de sécurité ;
· Les équipements destinés à la
modernisation de la justice doivent correspondre aux besoins exprimés
par les différentes structures du département de la justice ;
· Les spécifications techniques de ces
équipements prendront en considération la
spécificité des structures bénéficiaires et
tiendront compte de l'économie d'échelle qui pourrait exister au
niveau des équipements informatiques, froid et reprographie ;
· Il conviendrait dans ce cadre, de prévoir pour
le bon fonctionnement de ces équipements, les mesures récurrentes
pour garantir une maintenance régulière et, le cas
échéant, réviser les anciens contrats.
L'utilisation des technologies de l'information et de la
communication contribuera à améliorer la situation du secteur par
le déploiement d'équipements informatiques (ordinateurs de
bureau et serveurs), le développement de systèmes
informatisés et l'automatisation des procédures, et la mise en
place de réseaux de communication au sein de l'administration de la
justice (intranet pour le parquet, ministère, tribunaux, chambres,
avocats, etc).
Des campagnes de formation, de sensibilisation et de
vulgarisation favoriseront une meilleure appropriation des outils
technologiques par les hommes et femmes du département. Dans ce cadre,
les projets qui seront initiés par le Secrétariat d'Etat
auprès du Premier Ministre chargé de Nouvelles Technologies
porteront sur :
· la numérisation (Internet et CD-ROM) des codes
et lois mauritaniens au profit des professionnels et usagers du droit. Ce
projet donnera la possibilité à l'utilisateur de parcourir les
supports électroniques, de choisir les textes qui l'intéresse, de
les exploiter sur ordinateur ou les imprimer sur un support papier ;
· l'informatisation des procédures judiciaires :
casier judiciaires, demandes diverses (registre de commerce, extrait des
décisions de justice etc.) ;
· la mise en place d'un système d'information
judiciaire qui permettra un suivi des procédures judiciaires en ligne :
les professions judiciaires (magistrats, avocats, notaires, etc.) pourront en
temps réel suivre les procédures de justice en cours ;
· la mise en ligne de services judiciaires : Les citoyens
et les utilisateurs des services de la justice pourraient faire plus
efficacement des demandes d'extraits de casier judiciaires, le suivi des
demandes de grâce, les demandes de registre de commerce etc. Ces services
pourront être obtenus à travers internet.
Après cette étude de l'état
infrastructurel de la justice voyons en l'autre aspect de la modernisation
tenant ici à la promotion des modes alternatifs de règlement de
diffèrent.
Section 2 : La
modernisation de la justice et la promotion des modes alternatifs de
règlement des différents
Les exigences d'un Etat de droit impliquent une modernisation
constante du secteur de la justice. Cette modernisation consiste à
adapter la justice à l'impératif contemporain d'assurer un
service public répondant aux attentes des usagers. Pour ce faire, il est
nécessaire de recourir aux techniques de communication, de publication
et d'archivage moderne.
Il y a lieu également, dans ce cadre, de réduire
la pression sur l'appareil judiciaire par la promotion et l'encouragement des
modes alternatifs de règlement des différends.
Paragraphe 1 : Le
développement des procédés de techniques de modernisation
du service public
La recherche de la satisfaction des attentes des justiciables
suppose de la part du département de la justice un grand effort de
communication, de publication, d'archivage. L'étude de l'état des
lieux est nécessaire pour apporter des solutions adéquates
à cette paralysie dont souffre notre justice.
A. La situation actuelle
Compte tenu de sa production et du foisonnement de ses
décisions, la justice est fortement tributaire des volets que sont la
documentation, la publication et les archives.
L'absence de documentation, de publication et d'archivage
rationnel nuit considérablement, à l'état actuel, au
fonctionnement régulier de la justice, car la disponibilité
d'ouvrages ou de codes, la publication des décisions de justice et la
jurisprudence permettent aux magistrats d'être au courant de la
production judiciaire.
Concernant la documentation il n'existe aucun centre de
documentation au niveau du département. Il n'existe pas non plus
d'organes de publication des décisions judiciaires en Mauritanie.
L'article 52 de la loi 99/039 fixant l'organisation judiciaire, prévoit
pourtant la publication des arrêts de la Cour Suprême dans un
bulletin annuel. Cette mesure, qui laissait d'ailleurs de côté les
jugements et arrêts des cours d'appel, n'a jamais été
suivie d'effet.
Les archives ne bénéficient pas, elles aussi,
d'un traitement à la hauteur de l'enjeu qu'elles représentent
dans un secteur tel que la justice.
Enfin comme toutes les autres administrations, le
département de la justice se caractérise par sa faible
qualité de prestations du service public conjuguée avec une
lourdeur des procédures et une absence quasi-totale de moyens
informatiques. Le manque de coordination et le chevauchement des
compétences au sein des services génèrent des
incohérences d'ensemble dans l'administration judiciaire.
B. Propositions
Pour répondre à ces impératifs il
conviendrait, non seulement de prévoir à l'intérieur des
bâtiments et édifices des espaces adéquats, mais
également un personnel qualifié et outillé pour
s'acquitter efficacement de ces missions de documentation, de publication et
d'archives.
Un état des lieux exhaustif des outils et instruments
actuellement disponibles sera effectué en vue d'identifier les besoins
nécessaires et ainsi définir un dispositif adéquat
incluant ses modalités de mise en place.
La prise en compte des aspects précités
nécessite une révision de l'organigramme du département de
la justice pour créer et/ou dynamiser des services spécifiques. A
ce titre, la Direction des Etudes, de la Reforme de la Législation
pourrait produire des documents périodiques (Revues pour le
Ministère, Répertoires, recueils de textes......). Pour les
aspects relatifs à l'information spécialisée ou
généralisée, il conviendrait de créer des centres
de documentations au niveau :
· de la Chancellerie ;
· de la Cour Suprême ;
· des cours d'Appels ;
· des Tribunaux de Wilayas.
Enfin un archivage rationnel et fonctionnel sera mis en place
au niveau de toutes les structures. Les greffes bénéficieront de
locaux adéquats et leurs activités seront régies par un
manuel de procédure. Pour la Chancellerie et la Cour Suprême des
dispositifs d'archivage spécifiques seront mis en place.
Plus particulièrement les actions suivantes devraient
aboutir à une modernisation de la justice et à
l'amélioration de son accessibilité :
· Créer un poste de porte parole du
Ministère de la Justice ;
· Prévoir une structure chargée de la
communication (attaché de presse à court terme et direction de la
communication à long terme) ;
· Créer un site WEB sur le réseau INTERNET
comportant : le répertoire des textes juridiques essentiels, conventions
ratifiées, etc.. ; les rapports173(*) périodiques relatifs aux accords et
conventions internationaux (Droits de l'Homme, Droits de l'Enfant, ...) ; la
Synthèse des principales activités et décisions de la
Justice ; des formulaires administratifs destinés aux usagers et
professionnels de la justice.
· Instituer la tradition de faire des rapports annuels
d'activité (Ministère, Inspection, Cour Suprême ;
· Doter les forces de sécurité et les
prisons de logiciels spécifiques afin d'avoir des banques de
données interactives ;
Aussi, dans l'optique de l'amélioration des relations
entre la justice et ses usagers, il convient de procéder à :
· la redynamisation des bureaux d'accueil afin de
faciliter l'accès aux usagers et les informer de leurs droits et
obligations. appliquer le principe du "premier venu, premier servi";
· l'introduction de guichets uniques pour optimiser le
temps et réduire les étapes;
· la création d'une structure
spécialisée dans la réception et le suivi des plaintes de
usagers;
· l'élaboration et l'adoption de manuels de
procédures ;
· le développement de l'utilisation des nouvelles
technologies de l'information et de la communication par la création
d'un portail Internet et la mise en place de centres d'appels pour informer les
citoyens sur leurs droits.
Paragraphe 2 : La
promotion des modes alternatifs de règlement des différents
Les modes alternatifs de règlement de différends
constituent un complément indispensable pour le bon fonctionnement du
secteur. Ces modes offrent une chance aux justiciables d'éviter les
procédures judiciaires qui sont, par nature, relativement longues et
coûteuses. Ils permettent aussi de désengorger les tribunaux et de
contribuer, ainsi, à l'efficacité et la
célérité du traitement des affaires qui nécessitent
l'intervention judiciaire. Le recours à l'arbitrage, la médiation
et conciliation mérite, donc d'être promu et encouragé.
A. Situation actuelle
Les mécanismes alternatifs de règlement des
différends sont, à l'heure actuelle, peu sous utilisés. En
effet, malgré l'adoption en 2000 d'une loi portant code de l'arbitrage
(loi 06/2000 du18 janvier 2000) aucun centre d'arbitrage n'a été,
jusqu'ici, mise en place. Le manque d'information sur les possibilités
de recours à l'arbitrage, a contribué, aussi, au déficit
de recours à des arbitres désignés par les parties
(personnes physiques et morales) comme le permet le texte
susmentionné.
Quant à la conciliation, des conciliateurs sont
actuellement agrées au niveau des Moughataa. Mais l'opacité de la
procédure de leur agrément, leur absence des zones pour
lesquelles ils sont agrées et la méconnaissance de leur
rôle par le grand public limitent considérablement la
fonctionnalité de ce mécanisme.
B. Proposition
Afin de promouvoir les modes alternatifs de règlement
des différends tout en essayant de baisser la pression sur les Cours et
les Tribunaux, il convient de :
· Encourager par tous les moyens appropriés, le
mode de règlement à l'amiable ;
· Encourager la création de centres
d'arbitrage;
· Organiser une campagne de sensibilisation sur les
mécanismes d'arbitrage et de conciliation;
· Etablir une nouvelle liste de conciliateurs en adoptant
des critères objectifs pour leur agrément: compétence,
crédibilité, âge... et s'assurant de leur domiciliation aux
Moughataa pour les quels ils sont agrées. Il est aussi recommandé
d'instituer un serment pour ces conciliateurs ;
· Mettre en oeuvre les dispositions du code de statut
personnel relatives à l'intervention des conciliateurs en matière
de litiges familiaux.
Apres cette étude des infrastructures voyons en ce
qu'il en est des ressources humaines.
Chapitre 2 : Ressources
humaines et formation
L'insuffisance des ressources humaines qui sont à la
disposition du département de la justice, leur manque de motivation et
la faiblesse des outils de leur gestion sont parmi les facteurs qui handicapent
assurément la bonne administration et distribution de la justice.
Pour venir à bout des ces maux, une gestion rationnelle
et prévisionnelle couplée à une amélioration
substantielle des conditions matérielles et de travail du personnel
judiciaire sont nécessaires. Une attention particulière doit
être donnée à la formation, initiale et continue, afin
qu'elle s'insère le mieux dans la stratégie globale de gestion
des ressources humaines.
Section 1 : Gestion des
ressources humaines
Une gestion efficace des ressources humaines doit s'articuler sur
une évaluation rationnelle des besoins et de leur évolution et un
plan de recrutement élaboré à partir de cette
évaluation. Elle doit, par ailleurs assurer la motivation du personnel,
ce qui n est pas le cas jusqu'à nos jour mais que la reforme actuelle
tiendra en compte car les conclusions du rapport de la commission
soulève ce problème.
Paragraphe 1 : Jeter les
bases d'une gestion prévisionnelle des effectifs du département
de la justice
La gestion prévisionnelle des ressources humaines vise
à répondre à une série de questions: de quoi on
dispose actuellement ? De quoi on disposera dans le futur ? De combien on a, ou
on aura, besoin et de quel profil? Et comment pourrions nous faire pour en
disposer?
A. L'état actuel des effectifs
Le personnel du ministère de la justice est
composé essentiellement de magistrats, greffiers et secrétaires
de greffes.
CORPS
JUDICIAIRE
|
MASCULIN
|
FEMININ
|
TOTAL
|
Magistrats
|
173
|
0
|
173
|
Greffiers en Chef
|
65
|
8
|
73
|
Greffiers
|
60
|
11
|
71
|
Secrétaires de greffe et Parquets
|
24
|
30
|
54
|
1. Les magistrats
Le nombre actuel total des magistrats est de 173. Seuls 141
d'entre eux exercent effectivement des fonctions judiciaires, 11 sont en
service au sein de la chancellerie. Les tableaux suivants résument
l'état de la répartition des magistrats par institution de
rattachement, ceux opérant au sein de ces institutions, ainsi que
suivant la nature et le niveau de la formation initiale
Institutions
|
Nombre de magistrats
|
1. Ministère de la justice
|
12
|
2. Cour Suprême
|
25
|
3. Cours d'Appel
|
22
|
4. Tribunaux Wilaya
|
59
|
5. Tribunaux Moughataa
|
35
|
6. Détachés
|
19
|
7. Mis en position de stage
|
1
|
TOTAL
|
173
|
REPARTITION DES MAGISTRATS OPERANT AU
MINISTERE
Cabinet du Ministre
|
Directions
|
Sans affectation
|
Total
|
4
|
2
|
6
|
12
|
REPARTITION DES MAGISTRATS OPERANT A LA COUR
SUPREME
Président des chambres
|
Conseillers
|
Parquet général
|
Total
|
4
|
17
|
4
|
25
|
NB. Le président de la Cour Suprême
ne fait pas partie de ce décompte
Il est à souligner que les besoins exprimés dans
le tableau sont calculés sur la base de l'organisation judiciaire
actuelle. La révision de cette organisation et de la carte judiciaire,
suivant le volume et la nature du contentieux peut , entraîner le
changement des critères d'évaluation des besoins.
2. Les greffiers
Les greffiers sont repartis en deux catégories :
greffiers en chef et greffiers. Le nombre total des deux catégories est
de 144,
*Les greffiers en chef:
Les greffiers en chef sont recrutés avec le niveau
minimum du baccalauréat et après avoir suivi une formation de
deux ans à l'ENA. Leur effectif actuel est de 73 repartis entre les
différents services judicaires ou en détachement, ainsi qu'il est
donné dans le tableau suivant:
Répartition générale des greffiers
en chef
Institutions
|
Nombre de greffiers en chef
|
1. Ministère de la justice
|
22
|
2. Cour Suprême
|
5
|
3. Cours d'Appel
|
4
|
4. Tribunaux de Wilaya
|
22
|
5. Tribunaux de Moughataa
|
14
|
6. En position de détachement
|
6
|
7. En position de stage
|
0
|
TOTAL
|
73
|
Ce tableau indique un manque relatif d'effectifs des greffiers
en chef et une répartition non équilibrée
pénalisant, notamment, les cours d'appel. Ces dernières ne
disposent, en effet, que de 4 greffiers en chef pour un ensemble de 15 chambres
et trois parquets. Ces greffiers en chef exercent tous à la Cour d'Appel
de Nouakchott et aucune Cour d'Appel à l'intérieur du pays ne
dispose de greffier en chef. Sur le court terme, une partie de 22 greffiers en
chef exerçant au ministère doit être
redéployée pour combler le déficit existant à
l'intérieur du pays. Le tableau suivant montre l'écart entre
Nouakchott et les autres wilayas en termes de nombre des greffiers en chef,
soulignant le fait que seuls 17 parmi les 73 greffiers en chef exercent
à l'intérieur
Tribunaux De Moughataa
|
Tribunaux de Wilaya
|
Cour d'Appel
|
Total
|
4
|
13
|
0
|
17
|
** Les greffiers
Les greffiers sont recrutés à partir du niveau
brevet et subissent une formation de deux ans à l'ENA. Leur effectif
actuel est de 71 répartis comme suit:
Répartition générale des
greffiers
Institutions
|
Nombre de greffiers en chef
|
1. Ministère de la justice
|
22
|
2. Cour Suprême
|
5
|
3. Cours d'Appel
|
4
|
4. Tribunaux de Wilaya
|
22
|
5. Tribunaux de Moughataa
|
14
|
6. En position de détachement
|
6
|
7. En position de stage
|
0
|
TOTAL
|
73
|
Ce tableau indique un manque relatif d'effectifs des greffiers
en chef et une répartition non équilibrée
pénalisant, notamment, les cours d'appel. Ces dernières ne
disposent, en effet, que de 4 greffiers en chef pour un ensemble de 15 chambres
et trois parquets. Ces greffiers en chef exercent tous à la Cour d'Appel
de Nouakchott et aucune Cour d'Appel à l'intérieur du pays ne
dispose de greffier en chef. Sur le court terme, une partie de 22 greffiers en
chef exerçant au ministère doit être
redéployée pour combler le déficit existant à
l'intérieur du pays. Le tableau suivant montre l'écart entre
Nouakchott et les autres wilayas en termes de nombre des greffiers en chef,
soulignant le fait que seuls 17 parmi les 73 greffiers en chef exercent
à l'intérieur:
Tribunaux de Moughataa
|
Tribunaux de Wilaya
|
Cour d'Appel
|
Total
|
4
|
13
|
0
|
17
|
**les greffiers:
Les greffiers sont recrutés à partir du niveau
brevet et subissent une formation de deux ans à l'ENA. Leur effectif
actuel est de 71 répartis comme suit:
Répartition générale des
greffiers
Institutions
|
Nombre de greffiers
|
1. Ministère de la justice
|
8
|
2. Cour Suprême
|
5
|
3. Cours d'Appel
|
3
|
4. Tribunaux de Wilaya
|
25
|
5.Tribunaux de Moughataa
|
28
|
6. En position de détachement
|
2
|
7. En position de stage
|
0
|
TOTAL
|
71
|
A l'examen de ce tableau, on constate aisément un sous
effectif des greffiers; le manque le plus important est au niveau de la Cour
Suprême et des cours d'appel. La répartition entre Nouakchott et
l'intérieur du pays est loin d'être équilibrée. En
effet le nombre de greffiers opérant à l'intérieur ne
dépasse guère 36 % du nombre total, comme le montre le tableau
suivant:
Répartition des greffiers entre les
juridictions de l'intérieur
Tribunaux de Moughataa
|
Tribunaux de Moughataa
|
Cours d'Appel
|
Total
|
12
|
13
|
1
|
26
|
3. Les secrétaires de greffes et
parquets
Le nombre des secrétaires de greffes et parquets,
actuellement en service est de 53. Ces agents sont répartis comme
suit:
Institutions
|
Nombre de secrétaires
|
1. Ministère de la justice
|
4
|
2. Cour Suprême
|
4
|
3. Cours d'Appel
|
2
|
4. Tribunaux Wilayas
|
19
|
5.Tribunaux Moughataa
|
14
|
6. Etablissements pénitentiaires
|
10
|
7. Mis en position de stage
|
0
|
TOTAL
|
53
|
B. L'évolution des effectifs des
magistrats
Toute planification nécessite d'avoir une vision
prospective de l'évolution future des effectifs en tenant compte des
plusieurs facteurs dont, notamment: l'assainissement de la profession, la
mobilité et la retraite.
1. L'assainissement de la profession
La réussite de la reforme de la justice en cours
doit passer impérativement par la mise à la disposition du
département, dans les prochaines années, d'un personnel
judiciaire qualifié et remplissant les exigences de la probité et
du professionnalisme. Une telle option est indispensable au fonctionnement
d'une justice rendue de manière optimale,
désintéressée et intègre.
Or, il ressort de l'analyse attentive de la situation de ce
personnel que deux facteurs peuvent sérieusement entraver cette
perspective:
· l'insuffisance au niveau des compétences et de
la formation d'une partie des magistrats ;
· l'existence d'un certain nombre de manquements à
l'honneur et à la délicatesse requise pour l'exercice de cette
profession.
En vue de cerner les facteurs essentiels, la réflexion
actuelle ne peut éluder la question d'un assainissement adéquat
du secteur pour pallier aux effets négatifs des facteurs
susmentionnés.
En conséquence, il est nécessaire de mettre en
oeuvre les moyens appropriés afin de combler les lacunes de la formation
d'une part et de l'autre, mettre fin aux violations de l'éthique
professionnelle du magistrat.
2. La mobilité
professionnelle :
La mobilité constitue une composante essentielle de
toute gestion efficace des ressources humaines. Elle permet, en effet, de
renouer avec une motivation du personnel, résorbant l'impact de la
routine sur sa productivité.
Le secteur de la justice ne déroge pas à la
situation générale de la fonction publique qui souffre d'une
rareté de la mobilité. A l'heure actuelle, seuls cinq magistrats
bénéficient d'un détachement dans d'autres
départements.
L'évaluation prospective des besoins de ce secteur
doit prendre en compte les possibles affectations extérieures des
magistrats, notamment en tenant compte de la nécessité de
promouvoir la mobilité.
3. La retraité :
Les perspectives d'évolution des effectifs suivant le
régime actuel de retraite
La limite d'âge pour la retraite des magistrats est
actuellement de 60 ans. Le Magistrat est recruté à un age minimal
de 25 ans. Le tableau suivant présente la répartition des
magistrats par tranche d'age:
TRANCHE D'AGE
|
NOMBRE DES MAGISTRATS
|
POURCENTAGE
|
26-35 ans
|
25
|
14,45%
|
36-45 ans
|
62
|
35,83%
|
46-55 ans
|
67
|
38,73%
|
56 ans et plus
|
19
|
10,99%
|
TOTAL
|
173
|
100%
|
Ainsi, et selon le régime juridique actuel de la
retraite des magistrats les perspectives de départ à la retraite
pour les années à venir peuvent être
présentées comme suit:
MAGISTRATS DEVANT ETRE ADMIS A FAIRE VALOIR LEUR DROIT
A LA RETRAITE POUR LA PERIODE ALLANT DE 2006 à 2010 ( suivant la limite
d'age actuelle qui est de 60 ans)
ANNEE
|
NOMBRE DE MAGISTRATS
|
2006
|
2
|
2007
|
4
|
2008
|
3
|
2009
|
4
|
2010
|
4
|
TOTAL
|
17
|
Le régime de retraité proposé
Malgré le fait que les magistrats sont soumis au
même régime de retraite que les autres fonctionnaires, l'âge
relativement avancé de leur recrutement, qui est de vingt cinq ans
diminue leurs années de service par rapport aux autres fonctionnaires,
recrutés à partir de 18 ans.
Pour pallier cette inégalité des chances et se
rallier au régime appliqué par plusieurs pays voisins, il est
proposé de relever la limite d'âge pour la retraite des magistrats
pour qu'elle atteigne 65 ans. Ceux-ci continueront à être soumis
au même régime de calcul d'avantages, liés à la
retraite, que les autres fonctionnaires.
Paragraphe 2 : La
motivation du personnel judiciaire
Une justice bien rendue et une administration judiciaire
efficiente nécessitent de disposer d'un personnel motivé et
productif. Or il est incontestable que les conditions matérielles
actuelles du personnel judiciaire sont d'une précarité qui
entrave sérieusement l'accomplissement de sa mission.
A. Garanties matérielles
La situation matérielle du personnel de la justice
(magistrats, greffiers...) est caractérisée par une faiblesse des
revenus. Les salaires ne garantissent pas le minimum vital, dans les conditions
actuelles. Ceci a eu des effets négatifs sur l'exercice de la mission
qui lui est confiée et a contribué à l'émergence de
pratiques nuisibles au fonctionnement du secteur (corruption, mauvaise gestion,
atteinte aux droits des justiciables et dysfonctionnements dans
l'administration de la justice, ...).
Une augmentation est en cours d'étude pour le court
terme ; a ce titre il y'aura une revalorisation des traitements qui va
intégrer à la fois les salaires et les indemnités. Des
propositions d'avantages en nature sont exposées pour le moyen et long
terme.
Les salaires
Le tableau suivant résume la situation des
salaires174(*) (y
compris les indemnités) dans le secteur
judiciaire:
Le Corps
|
Minimum
|
Maximum
|
Magistrats
|
69159
|
89637
|
Greffiers
|
26198
|
39642
|
Secrétaires
|
22340
|
28023
|
Pour mettre le personnel judiciaire dans des conditions
convenables, lui permettant d'accomplir sa mission et le soustraire aux
pressions extérieures (l'environnement social et économique), une
augmentation substantielle des salaires est nécessaire. Cette
augmentation constitue le gage de son indépendance et, partant, d'une
bonne administration de la justice.
Les avantages en nature
Le logement : Il n'existe pas de
logements destinés aux magistrats et auxiliaires de justice sur
l'ensemble du territoire national. Cette situation a des répercussions
négatives sur l'accomplissement par le magistrat de façon
convenable de sa mission.
Néanmoins les magistrats bénéficient du
régime commun aux fonctionnaires publics (logement conventionné
ou indemnité de logement).
Pour assurer des logements convenables et décents aux
magistrats, ainsi que le prestige attaché à leur fonction, il est
proposé de construire, sur le moyen et long terme , des cités
pour magistrats.
Le transport Le magistrat
bénéficie d'une faible indemnité de transport et ne
dispose que rarement de véhicule de service. Cette situation ne favorise
guère son aptitude à accomplir convenablement sa mission et nuit
à son image.
Il convient, dans ce cadre de :
· à court terme:
augmenter l'indemnité de transport et affecter deux voitures au minimum
à chaque tribunal de Wilaya ou d'appel
· dans le moyen et long termes:
généraliser les voitures de fonction à tous les postes de
responsabilité dans le secteur judiciaire et prévoir les
dotations en carburant ainsi que l'entretien de ce parc automobile.
B. Garanties statuaires des greffiers
Malgré leur rôle central au sein du
système judiciaire, les greffiers sont, aujourd'hui les laissés
pour compte de ce système. En effet, ces auxiliaires ont perdu, avec la
libéralisation des professions de notaire et d'huissier, l'essentiel de
leurs revenus sans avoir bénéficié d'un mécanisme
de compensation adéquat.
Pour stimuler leur motivation, les greffiers doivent
bénéficier des garanties statutaires et matérielles
compatibles avec leur mission. Cela passe par l'adoption d'un statut
adapté des greffiers. Ainsi, il serait opportun d'adopter le projet de
statut actuellement en cours d'élaboration par la chancellerie.
En parlant de ces auxiliaires affiliés à des
statuts libéraux, voyons en ce qu'il en est réellement de leur
statut.
Section 2 : Les
auxiliaires de justice affiliés à des statuts libéraux
De tout temps, la justice a été
considérée comme un attribut essentiel de la souveraineté:
les jugements furent d'ailleurs rendus « au nom du peuple
mauritanien » avant de l'être « au nom de
d'Allah ». A ce titre, l'Etat a le monopole de la justice, en ce
sens qu'aucune autre autorité que les cours et les tribunaux,
légalement institués par l'Etat, n'a le pouvoir de rendre des
jugements (ou des arrêts) ayant autorité de la chose jugée
et force exécutoire. Toutefois, ce principe n'exclut pas la
faculté offerte aux particuliers de recourir à l'arbitrage,
c'est-à-dire la possibilité de faire le choix d'une ou
plusieurs personnes privées ayant leur confiance (par un acte que l'on
appelle un "compromis d'arbitrage") qui auront la charge de juger, au
besoin en équité, le différend qui les oppose, au moyen
d'une décision que l'on appelle une "sentence arbitrale". Il
n'en reste pas moins vrai que l'arbitrage -qui a pris un essor
considérable en matière internationale- ne constitue qu'une
dérogation partielle du monopole de l'Etat, car si les arbitres ont le
pouvoir de dire le droit avec autorité de chose jugée (comme un
juge), leur sentence ne devrait, en revanche, être exécutoire
qu'après un contrôle exercé par le juge mauritanien
à la suite d'une formalité que l'on appelle l'exequatur175(*). Dans sa mission, le juge se
fait aider par des auxiliaires de justice qui constituent le potentiel humain
indispensable pour assurer le fonctionnement du service public de la justice.
Il s'agit des personnes qui, sans être investies par l'Etat d'une
fonction juridictionnelle, sont appelées à participer à
l'administration de la justice en apportant leur concours aux juges et aux
parties (par exemple les avocats). Leur rôle est indispensable dans le
fonctionnement du service public de la justice. On se prend, parfois, à
rêver d'une justice sans intermédiaire où le justiciable se
présenterait seul devant le juge. C'est une illusion. La science du
droit et le fonctionnement des tribunaux sont choses complexes et, pour cette
raison, il est indispensable que les plaideurs soient conseillés et
parfois même représentés. Il est indispensable aussi que
les juges soient aidés dans leurs lourdes tâches par des
personnes qui constitueront, si l'on ose dire, l'intendance (on pense notamment
aux greffiers). Les personnes qui, à ces titres, gravitent autour des
tribunaux et interviennent dans le fonctionnement du service public de la
justice forment une constellation extrêmement diversifiée,
à ce titre on étudiera tour à tour la situation des
avocats (paragraphe 1) des notaires (paragraphe 2) des huissiers (paragraphe 3)
et des experts (paragraphe 4)
Paragraphe 1 : Les
avocats
Les hommes ont rarement, à la fois
l'objectivité, la sérénité, la compréhension
juridique et une aptitude suffisante pour se présenter seuls et
utilement devant le juge. Aussi, de tout temps, les parties au procès
ont-elles eu recours à un porte-parole professionnel qui,
dépouillé des passions du plaideur, expose clairement les
arguments susceptibles de déterminer le juge. Les avocats ont un
rôle privilégié dans le fonctionnement du service public de
la justice, car ils assistent les plaideurs de leurs conseils et les
représentent dans l'accomplissement des actes de la procédure. Le
Bâtonnier Louis Crémieu disait que : « quiconque se
destine à la profession d'avocat, quiconque exerce cette profession,
doit connaître exactement les devoirs qu'elle fait
naître »176(*). Autrement dit, il faut bien savoir ce que l'on peut
faire, ce que l'on doit faire afin de faire, toujours, ce que l'on doit.
L'avocat se définit comme un technicien de la procédure et le
détenteur des tactiques savantes qui contribuent au déroulement
efficace du procès et à l'exécution rapide des
décisions177(*).
En somme, l'avocat est un agent de l'ordre public, contribuant, avec le
magistrat, à la paix sociale et au fonctionnement de la justice. La loi
lui confère alors de nombreux privilèges et droits178(*) contrastant avec la
précarité de sa situation pratique qui accentue le mauvais
fonctionnement du service public de la justice (A) et qui appelle une
réhabilitation de cette profession essentielle dans la distribution
d'une justice fonctionnelle (B).
A. La précarité de la
profession
Au moment de l'indépendance, il n'y avait, les cadis
mis à part, aucun magistrat mauritanien, ni aucun avocat. Pendant la
première décennie de l'indépendance, les avocats
exerçant en Mauritanie étaient essentiellement de
nationalité étrangère. Ce n'est qu'à partir du
début des années 70 que des mauritaniens commencèrent
à s'intéresser à la profession d'avocat179(*). Le premier texte
régissant la profession d'avocat fut le décret 75.163 du 15 mai
1975180(*). Deux grandes
lignes se dégagent de cette législation. D'abord le
ministère d'avocat n'est obligatoire à aucun niveau de la
procédure. Cette disposition s'accommode fort bien, du reste, du code
de procédure qui met entre les mains du juge la conduite de la
procédure et le contrôle du procès 181(*).Cette législation
confie, ensuite, le contrôle de la profession à une commission de
discipline182(*). La
juridiction peut, en outre réprimer l'avocat en audience sur
réquisition du Ministère Public s'il manque à ses
obligations. Le Ministre de la Justice peut lui donner tout avertissement
jugé utile, rappel à l'ordre ou réprimande. En l'absence
d'un ordre national des avocats, son inscription, sa suspension et sa radiation
relèvent de la commission de discipline. Il faut également
noter, à côté des avocats, l'existence des
"wakil". Bien que le "wakil" soit une veille institution du
droit judiciaire mauritanien, le premier texte qui en fait mention est le
décret 75.163 du 15 mai 1975183(*).La loi n° 95.112 du 19 juillet 1995, abrogeant
et remplaçant l'ordonnance 86.112 du 12 juillet 1986 portant institution
de l'Ordre National des Avocats, cette loi de 1995 subira elle aussi quelques
modification avec la loi 07-2005 fixe les privilèges des avocats (1)
qui, cependant, sont loin d'être effectifs (2).
1. Les privilèges des avocats
La distinction entre avouée et avocats184(*), qui prévalait en
France (les premiers ayant pour fonction de représenter les parties et
de postuler et les seconds devant assister les justiciables et plaider pour
eux), n'avait pas été retenue par le législateur
colonial185(*). Celui-ci
avait, en effet, créé un corps d'avocats défenseurs dans
les territoires relevant de la France notamment la Mauritanie. Ces avocats
défenseurs étaient à la fois avoués et avocats. Au
moment de l'indépendance, les législateurs africains n'ont pas
retenu le terme "avocat défenseur"; mais tout en organisant des barreaux
indépendants en 1960, ils ont maintenu la confusion des fonctions en
vertu de laquelle l'avocat, seul, a le pouvoir de représenter les
parties, de les assister, de postuler et de plaider en leur nom. Avant 1960,
les avocats n'étaient pas organisés en barreaux
indépendants. L'organisation de la profession et la mise en oeuvre des
règles relatives à la discipline des avocats, étaient
confiées au procureur général près la cour d'appel,
chef du service judiciaire dans la colonie ou le territoire. Ce n'est qu'avec
l'indépendance que des barreaux ont été crées dans
les différents Etats d'Afrique pour répondre à une
revendication longtemps exprimée par les avocats186(*).
L'organisation du barreau relève de la loi n°
95.024 du 19 juillet 1995 portant institution de l'Ordre National des Avocats.
Aux termes de l'article 15 de cette loi : « tout postulant
à la profession d'avocat doit justifier des conditions suivantes :
être de nationalité mauritanienne et jouir de ses droits civils et
civiques ; être âgé au moins de 24 ans ; être
titulaire d'un diplôme de la maîtrise en droit ou en charia
islamique ou tout autre diplôme équivalent ; ne pas avoir
été l'auteur de faits ayant donné lieu à une
condamnation pénale(187(*)) au ayant porté atteinte à la
probité et aux bonnes moeurs188(*) ; être titulaire d'un certificat d'Aptitude
à la Profession d'Avocat (CAPA) institué par le décret
92.025 du 14 juin 1992 fixant le régime des examens de l'Institut
Supérieur des Etudes Professionnelles; et avoir satisfait au stage
prévu à l'article 18 de la présente
loi»189(*). En
plus des dispositions de l'article 15, la loi ouvre la profession d'avocat aux
docteurs et agrégés de droit ayant satisfait à une
ancienneté d'enseignement respectivement de 3 et 2 années et aux
magistrats ayant une expérience de 10 années. Le postulant
à la profession d'avocat doit, en outre, subir une période de
stage de trois années effectives qui peut être portée
exceptionnellement à quatre années (art. 18). Ce stage est de
deux années au Zaïre, au Rwanda et au Burundi(190(*)). A l'époque leur
admission, les avocats prêtent serment. Ils sont astreints à
l'assiduité aux enseignements prodigués aux stagiaires; à
la fréquentation des audiences des différentes juridictions et
à l'exercice de la profession dans un cabinet d'avocat pendant une
durée déterminée (3 ans) où ils peuvent consulter
et plaider sous la responsabilité du maître de stage. Les avocats
sont inscrits au tableau d'après leur rang d'ancienneté. Le
tableau doit être réimprimé périodiquement191(*).
La profession d'avocat, libérale, est
indépendante et incompatible avec toute fonction publique192(*), et avec certaines
tâches mêmes temporaires (art. 27). Généralement,
bien que pouvant être chargés par l'Etat de missions temporaires
et même rétribuées, les avocats doivent, lorsqu'ils sont
investis d'un mandat parlementaire, observer rigoureusement certaines
règles tendant à éviter que leur fonction de
député puisse être malencontreusement utilisée dans
l'exercice de leur profession d'avocat, et vice-versa. La discipline des
avocats est assurée par le Conseil de l'Ordre siégeant en
conseil de discipline (art.32). Le Conseil agit d'office ou sur la demande du
bâtonnier ou à l'initiative du procureur général
près la Cour suprême. Il statue après avoir entendu
l'avocat qui bénéficie d'une protection de ses droits
2. L'ineffectivité des privilèges de
l'avocat
Malgré tous ces privilèges, la profession
d'avocat, dont l'apport est important dans le fonctionnement du service public
de la justice, s'est vue ôter toute possibilité de jouer ce
rôle de manière correcte193(*) en raison de son inorganisation
L'inorganisation de la profession d'avocat En
premier lieu, la profession d'avocat a souffert pendant longtemps de l'absence
criante d'une procédure de sélection permettant de faire,
dès le départ, le tri entre ceux qui peuvent exercer cette
profession et ceux qui n'en ont pas l'aptitude. Le certificat d'aptitude
à la profession d'avocat (CAPA), prévu par l'article 20
alinéa 6 de l'ordonnance 86.112 instituant un Ordre National des
Avocats, n'a été mis en place qu'en janvier 1993194(*), sept ans après
l'entrée en vigueur de cette ordonnance! Quant au stage prévu, il
est dans l'ensemble formel. En second lieu, L'Ordre National des Avocats avait
été institué par un décret de 1980, au moment
où il ne comptait qu'une dizaine d'avocats195(*). Compte tenu de ce petit
nombre, le texte avait laissé aux plaideurs la possibilité de
choisir leurs mandataires en dehors de la profession. L'ordonnance de
1986196(*), pas plus que
la loi de 1995, n'ont pas modifié cet état de choses. De son
côté, la Cour suprême, en agréant
systématiquement les postulants à la profession, que le Conseil
de l'Ordre écartait pour des raisons légales et
réglementaires, a contribué de façon décisive
à l'accroissement démesuré du nombre d'avocats 197(*) qui est passé de 25
en 1986 à 206 aujourd'hui 198(*) soit, en moyenne, un avocat pour 11.111 habitants,
car la population mauritanienne est estimée à 2 400 000
habitants. Cet accroissement, pour une société peu litigieuse et
peu «juridicisée», a eu pour effet la
prolétarisation d'une grande partie des avocats et partant la
banalisation de la profession, en effet, concrètement,
matériellement, la situation des avocats est devenue précaire
depuis plus d'une décennie199(*). Moins du tiers des 226 avocats, officiellement
inscrits sur le tableau de l'Ordre National des Avocats, disposent d'une
adresse fixe et sont obligés de se regrouper par six ou sept pour faire
face aux charges que requiert le fonctionnement de leur cabinet. Pire encore,
22 avocats seulement habitent en zone résidentielle alors que les autres
habitent dans les quartiers périphériques et même
au-delà 200(*).
Cette misère dans laquelle se débattent les
avocats est la conséquence de l'inexécution des décisions
de justice201(*). Le
principal responsable de cette situation se trouve être l'Etat
« qui est aujourd'hui le plus grand justiciable, avec ses
différentes administrations qui sont souvent devant la justice et
refusent d'exécuter les jugements des tribunaux. Or, quand l'Etat refuse
de se plier à la volonté de la justice que dire des
citoyens» s'interroge Me Bettah, Bâtonnier de l'Ordre National
des Avocats à l'époque 202(*) et ministre de la justice dans le gouvernement de
transition. Les retombées d'une telle situation sur le quotidien des
avocats sont négatives. Leurs clients, en général, pauvres
(les riches s'étant passés de leurs services), ne sont en
mesure de les payer que s'ils recouvrent leurs droits. Ce qui suppose
l'exécution des jugements rendus. Pour illustrer cette situation, le
Bâtonnier donne, en exemple, la liquidation de la SMAR:
« alors que tous les armateurs et autres assurés de grosse
pointure avaient été généreusement servis, (souvent
sans l'aide d'avocat), orphelins, veuves et handicapés attendent
toujours... »203(*).En troisième lieu, la profession d'avocat est
fortement concurrencée dans l'exercice de son activité par les
"agents d'affaires" et les intermédiaires204(*). Les premiers sont une
création du législateur colonial que la loi 95.24 du 19 juillet
1995 reconduit en son article 4 alinéa 2. Il s'agit de personnes, qui,
sans être avocates, peuvent assister les parties et, même, plaider
devant certaines juridictions. Aucune condition n'est exigée pour
être agent d'affaire. Il suffit d'être agréé.
L'agrément délivré, souvent avec complaisance, a
contribué à la dégradation des prestations des agents
d'affaires. Les seconds ne possèdent aucune fonction judiciaire
légale et s'érigent en intermédiaires entre d'une part les
justiciables et d'autre part les greffiers et les magistrats pour obtenir le
jugement de l'affaire rapidement au profit du plaideur le plus offrant.
Redoutablement efficaces, capables de bloquer l'exécution des
décisions judiciaires, ils supplantent les avocats dans l'exercice de
leurs fonctions et leur efficacité a amené certains de ces
derniers à les utiliser pour leur rabattre les clients aux affaires
importantes 205(*). En
quatrième lieu, le retour en force du tribalisme et la montée
effrénée de l'affairisme a, pendant longtemps,
empêché la corporation de s'organiser sur des bases
professionnelles. D'ailleurs, la dégradation de la profession sera
précipitée par le manque de considération
manifesté, quelque fois, par les magistrats eux-mêmes
vis-à-vis de l'avocat et la concurrence des "mandataires
officieux" qui constituent, de leur côté, un obstacle de
taille à l'institutionnalisation sociale du rôle de cet
indispensable auxiliaire dans le fonctionnement du service public de la
justice. Enfin, la profession d'avocat est traversée par des divisions
à connotation politique qui ne facilitent pas son travail dans le cadre
du fonctionnement du service public de la justice illustré par
l'échec de sa dernière action pour amener les Pouvoirs Publics
à redresser la situation de la justice.
Les divisions politiques Pour faire face
à la dégradation de leur situation, les avocats avaient
décidé de se mobiliser. L'Ordre National des Avocats avait
décidé d'observer un arrêt de travail les 28, 29 et 30
juillet 1998 et d'organiser un sit in au Palais de justice, afin d'inciter, les
Pouvoirs Publics à chercher avec lui les possibilités
d'améliorer la situation des avocats. Dans l'immédiat, les
avocats réclament l'interdiction de l'accès du Palais de Justice
de Nouakchott aux intermédiaires et l'exécution des jugements
pendants devant les tribunaux et notamment ceux relatifs à la
liquidation de la SMAR. La réussite d'une telle action requiert,
à l'évidence, l'unité de l'ensemble des avocats. Or
celle-ci «connaît certains soubresauts ces derniers
temps» de l'aveu même du Bâtonnier206(*). Le président du SAM
(Syndicat des Avocats de Mauritanie), dont le Conseil de l'Ordre National des
Avocats avait décidé la radiation à vie (décision
rejetée par la Cour suprême), s'est lui également
adressé à la presse207(*) en estimant que les mesures que l'Ordre National des
Avocats menace d'entreprendre ont été arrêtées par
une commission issue d'une assemblée générale
illégale car «seuls 50 avocats sur les 226 inscrits au Tableau,
y ont pris part », observe Me Moulaye El Ghali Ould Moulaye Ely.
Pour lui, ces mesures sont, non seulement inopportunes, mais «ont
été dictées par des considérations totalement
étrangères à la profession ».S'agissant des
problèmes de la profession, l'approche de Me Moulaye El Ghali est
différente de celle développée par le Bâtonnier:
« La justice est malade partout dans le monde. Chez nous, des
améliorations ont été observées et d'autres sont en
voie de réalisation. Nous pensons, au SAM, qu'au lieu de les rejeter,
l'honnêteté veut qu'on les accompagne », a encore
ajouté Me Moulaye El Ghali, qui pense, également, que si des
actions doivent être menées, elles doivent l'être dans une
logique de dialogue et non de confrontation. Une telle analyse de la situation
est non seulement rejetée par les avocats du Conseil de l'Ordre
National des Avocats, qui accusent le président du SAM d'accointances
avec le pouvoir, mais ne semble pas faire l'unanimité au sein du SAM
lui-même. Son secrétaire général, Me Sid'Ahmed Ould
Ahmed Taleb, qui a assisté à la conférence de presse du
Bâtonnier de l'Ordre National des Avocats, a publiquement rendu hommage
à la pertinence des idées développées par celui-ci
et au caractère apolitique des démarches que l'Ordre National des
Avocats (ONA) entend effectuer208(*).
Cette situation est aggravée par des problèmes
inhérents aux avocats eux-mêmes. En effet, d'abord, le
ministère d'avocat n'était pas, pendant longtemps, obligatoire en
Mauritanie, quel que soit le degré de la procédure. Ceci pose des
problèmes pour une défense efficace des droits des
justiciables. Ces droits trouvent parfois, et paradoxalement, une limite dans
l'absence de moralité de certains avocats. Il arrive, ainsi que le
justiciable devienne la victime de son propre avocat, lorsque celui-ci majore
ses honoraires ou cherche à utiliser les fonds de son client. Ensuite,
beaucoup d'avocats souffrent d'incompétence. Cette dernière est
amplifiée par le laxisme constaté au niveau du diplôme
exigé pour accéder à cette profession. En effet, le
postulant doit produire une maîtrise en droit ou en charia ou un
diplôme équivalent. Il serait, peut-être, plus opportun de
limiter ce diplôme à la maîtrise en droit privé.
Parmi les manifestations de cette incompétence, il faut relever
l'absence de spécialisation des avocats mauritaniens. Il n'y a pas,
à titre d'exemple, "d'avocat d'affaires" ou "d'avocats
d'assises" etc. Chaque avocat plaide dans toutes les affaires qui peuvent
lui être soumises. Il faut noter, enfin, les effectifs
pléthoriques qui caractérisent le barreau de Nouakchott. A part
une poignée de cabinets à Nouadhibou, tous les avocats sont
établis dans la capitale. Ceci rend leur concours plus difficile pour le
justiciable de l'intérieur qui est contraint, s'il veut recourir aux
services d'un avocat, de se rendre à Nouakchott. Mais d'un autre
côté, on assiste à la banalisation voire à une
"prolétarisation" de cette profession à Nouakchott en
raison de l'accroissement démesuré du nombre d'avocats. Le
développement des clivages politiques et le délabrement des
conditions des avocats rendent impérative la réhabilitation de la
profession d'avocat afin qu'elle contribue, de façon satisfaisante, au
fonctionnement du service public de la justice.
B. La réhabilitation de la profession
d'avocat
Tout le monde s'accorde aujourd'hui à le dire, le
système judiciaire mauritanien est grippé et plusieurs
dysfonctionnements réduisent son efficacité. Les partenaires
économiques de la Mauritanie, qui souhaitent une refonte de la
justice209(*), en ont
conscience et les Pouvoirs Publics, qui ont entamé une réforme du
secteur, en mesurent la portée. A l'origine des déboires de la
justice se trouvent des problèmes multiples: Incompétence de
certains magistrats, incapacité de certains juges d'exprimer
l'indépendance de la justice par rapport au pouvoir politique,
incohérence des textes... Mais le plus grand mal qui ronge le
système judiciaire est la dévalorisation de la profession
d'avocat. Livrés à eux-mêmes, les avocats n'arrivent pas
à remplir normalement leurs missions, à telle enseigne que les
justiciables commencent à déplorer l'absence d'un corps d'avocats
capables de tirer la justice de la crise dans laquelle elle se débat
depuis plusieurs années grâce aux efforts doctrinaux auxquels sont
coutumiers les barreaux et grâce à l'énergie qu'ils
déploient au profit du fonctionnement de la justice. Cependant une telle
perspective n'est possible en Mauritanie que si la déontologie de la
profession est respectée par les avocats (1) et si ces derniers sont
à nouveau organisés (2).
1. Le respect de la déontologie
professionnel
La réhabilitation de la profession d'avocat passe par
le respect de la déontologie professionnelle210(*). Il ne s'agit pas ici d'une
absence de législation ou d'un vide juridique211(*). En effet, la
dévalorisation de la profession d'avocat est due en grande partie au peu
de cas que font la majorité des avocats des sacrements de leur
métier à telle enseigne que le Conseil de l'Ordre des Avocats a
eu à sévir plusieurs fois à l'encontre des comportements
contraires à la déontologie professionnelle212(*). Aujourd'hui donc, les
devoirs attachés à la profession d'avocat,
réglementés précisés par la loi sont d'autant plus
importants à connaître qu'ils sont complexes et leur
inobservation, par une classe d'avocat n'ayant qu'une formation lapidaire et
théorique non axée sur la déontologie professionnelle,
entraîne des sanctions lourdes de conséquences. La connaissance
des devoirs de l'avocat, par le biais de l'organisation de séminaires
pour les intéressés axés sur la déontologie,
contribuera sans aucun doute à faciliter le fonctionnement de la
justice. Ils sont imposés les uns par les textes généraux,
d'autres par les règlements intérieurs du Barreau, d'autres enfin
par les usages. Les règles de droit sont complétées par
des préceptes de morale mais aussi par les notions de convenance, de
délicatesse, de courtoisie et d'élégance professionnelle.
Ces devoirs se présentent sous plusieurs aspects. Dans l'exercice de sa
fonction, l'avocat entretient des rapports avec ses clients, ses
confrères et avec les magistrats. Il assume aussi des obligations envers
le fisc. Vue sous cet aspect l'analyse de la déontologie professionnelle
se fera sous l'angle des devoirs que l'avocat a envers lui-même.
Les devoirs de l'avocat envers lui-même
Par principe l'avocat exerce une activité au-dessus de tout
soupçon. Cependant le blason de l'avocat mauritanien est terni par des
considérations de diverse nature213(*) qu'il doit dépasser en se distinguant par la
probité , le désintéressement et la modération
ainsi que la dignité dans l'exercice de sa fonction s'il veut
reconquérir une place de choix dans l'institution judiciaire dont le
fonctionnement souffre de son inaptitude à remplir normalement la
tâche qui lui échoit naturellement
L'avocat mauritanien doit renouer avec les vertus classiques
de sa profession et que la loi lui impose de respecter. L'avocat doit inspirer
à ses clients, à ses confrères et aux magistrats une
confiance absolue. Il doit aussi, par sa conscience professionnelle, assurer le
bon fonctionnement du service public de la justice, auquel il participe. A cet
effet, il doit toujours faire preuve d'une stricte probité (art. 5 al.
1er de la loi 95.024 du 19 juillet 1995). C'est là un devoir
essentiel que lui impose sa profession. Tous les autres en découlent.
Il doit être d'une loyauté parfaite et d'une grande correction. En
conséquence, lorsqu'il est consulté sur les chances de
succès d'un procès à engager, sur l'opportunité
d'un appel ou d'un pourvoi en cassation, il ne doit pas hésiter à
déconseiller ces actes, s'il estime, en son âme et conscience, que
l'affaire est mauvaise et qu'il n'y a pas de chance sérieuse de
succès. Par ailleurs, si son client manifeste l'intention d'user des
moyens dilatoires, frauduleux ou immoraux, l'avocat doit, par ses conseils, le
ramener à la juste compréhension de ce qui doit être fait.
Si le client insiste, l'avocat ne doit pas hésiter à se dessaisir
du dossier, afin de ne pas prêter son concours à des causes
suspectes ou à des prétentions malhonnêtes. On ne saurait
trop répéter aux avocats qui débutent que leur
légitime désir de plaider ne doit pas les inciter à
accepter n'importe quelle affaire. Il y a, en effet, les causes qu'un avocat
respectable a le devoir de refuser.
La loyauté implique la
vérité. Dans l'exercice de sa profession, l'avocat doit
éviter scrupuleusement toute altération de la
vérité. Le désir de gagner un procès ne doit jamais
l'amener à employer des moyens que la conscience réprouve.
L'affirmation de faits qui sont faux, la citation inexacte de textes de loi ou
de décisions de jurisprudence214(*), la lecture volontairement incomplète des
pièces constituent des manquements très graves. L'avocat qui
userait de pareils procédés aurait vite perdu la confiance des
magistrats qui l'écoutent et des confrères qui sont avec lui. Il
encourt des sanctions disciplinaires sévères. Le Conseil de
l'Ordre National des Avocats doit aller jusqu'à punir de la
réprimande des avocats qui commettraient, involontairement, des erreurs
graves dans les renseignements fournis aux juridictions. Un avocat s'exposerait
aussi à une sanction disciplinaire si, pour permettre à son
client de gagner du temps, il demandait, sans motif légitime, des
renvois successifs de l'affaire, en invoquant des raisons personnelles telles
que l'absence ou la maladie, reconnues ensuite inexactes. L'avocat, qui est
chargé d'une affaire, doit être le seul juge de la façon
dont il doit présenter des moyens à employer et des pièces
à communiquer. Si son client prétend lui imposer, à cet
égard, ses décisions et le réduire au rôle
subalterne d'un simple porte-parole, il doit refuser son concours. L'avocat ne
doit écouter que sa conscience. De même qu'il doit éviter
de recourir à de mauvais moyens, il ne doit pas s'évertuer
à contester l'évidence, à soutenir des thèses
indéfendables ou des solutions définitivement condamnées
par la jurisprudence. Il manquerait de loyauté s'il fondait son
argumentation sur des arrêts anciens, en dissimulant des décisions
récentes connues de lui qui ont marqué un revirement de la
jurisprudence.
En matière pénale, il doit, en l'état des
renseignements que son client lui fournit, démêler le vrai et le
faux; il doit chercher à découvrir la vérité, afin
de pouvoir plaider avec conviction, mais il doit s'abstenir de toute pression.
Lorsque son client lui a fait l'aveu de sa culpabilité, il doit se
garder de le divulguer sous peine de violer le secret professionnel. Mais s'il
lui demande de plaider néanmoins son innocence, l'avocat, sous peine
d'agir contre sa conscience, doit ou bien se dessaisir de l'affaire ou se
borner à plaider le doute. Il doit agir de même lorsque le
prévenu ou l'accusé s'obstine à nier, malgré
l'évidence des faits ou l'aveu formel de co-prévenus. Si son
client, après avoir nié d'une façon tenace sa
culpabilité au cours de l'instruction, finit par avouer à
l'audience, l'avocat ne doit pas abandonner sa défense. Il doit
simplement modifier son système de défense. Il doit plaider
coupable, mais il demandera le bénéfice du sursis ou les
circonstances atténuantes en insistant sur les divers faits de la cause
ou sur les antécédents qui sont susceptibles de militer en faveur
de son client en faisant preuve de désintéressement et de
modération.
Un dicton populaire fait de l'avocat «le
défenseur de la veuve et de l'orphelin». De tout temps, les
avocats ont eu à coeur et c'est là un des aspects les plus nobles
de leur profession de se dégager de tout esprit de lucre. Ils n'exercent
pas un métier; ils remplissent une mission sociale. Cependant, la
généralisation de la société de consommation en
Mauritanie et le coût élevé de la vie ont ôté
toute illusion sur cet aspect: la profession d'avocat est une activité
de prestation de services dont la fixation des honoraires a connu une
dérive à la hausse très importante 215(*) qui a rendu les services
d'avocat inaccessible au justiciable moyen. Le respect de certains principes
correcteurs s'impose en la matière. Dans la fixation de ses honoraires,
l'avocat doit toujours se montrer modéré (art. 5 alinéa
1er de la loi 95.024 du 19 juillet 1995). Avant d'en arrêter
le chiffre, il doit commencer par s'enquérir sur la situation de fortune
et sur la charge de famille du plaideur qui s'est adressé à lui.
Il doit éviter toute âpreté et toute rigueur excessive pour
obtenir le paiement de ce qui lui est dû. Il ne doit saisir la justice de
sa demande d'honoraires qu'à la dernière extrémité,
en présence d'une mauvaise foi caractérisée ou d'une
ingratitude inacceptable, après en avoir référé au
Bâtonnier et obtenu l'autorisation du Conseil de l'Ordre. La correction
et la délicatesse de la profession commandent qu'il en soit ainsi.
L'avocat doit vivre avec dignité. Il doit
éviter les mauvaises fréquentations. Si ses ressources sont
précaires, il ne doit ni s'endetter ni devenir un solliciteur. La
profession d'avocat est de celles qu'il ne faut pas choisir, si l'on n'a pas
les moyens suffisants pour pouvoir attendre avec dignité la
clientèle. Actuellement seuls 22 avocats sur 206, soit 10%, ont les
possibilités de satisfaire cette exigence, les autres multiplient les
démarches pour pouvoir subvenir aux charges de la profession et vont au
devant de la clientèle. Cette situation est la résultante de
l'inorganisation de la profession qui est apparue au début des
années 80 comme un débouché pour les premiers
"maîtrisards" de la Faculté de droit qui s'y sont
engouffrés sans moyens financiers armés simplement de leur
diplôme et qui la désertent aujourd'hui pleins d'amertume, portant
lourdement l'échec d'une profession qui n'est pas faite pour eux.
Un avocat manquerait de dignité s'il acceptait une
conférence dans le cabinet d'un agent d'affaires ou dans un lieu public
tel qu'un café ou un restaurant. Il doit éviter toute
familiarité avec les personnes qu'il doit assister et ce surtout en
matière pénale et n'entretenir avec les prévenus et les
condamnés que les rapports de consultation indispensables à la
défense. L'avocat engagerait lourdement sa responsabilité s'il
consentait à se charger de la correspondance d'un détenu, s'il
lui faisait parvenir des paquets de tabac ou de cigarettes: il est
arrivé bien souvent que de petites limes soient dissimulées dans
des paquets de cigarettes. L'avocat encourt, enfin, une peine disciplinaire
sévère s'il recevait de l'argent d'un détenu pour le faire
parvenir à un autre prisonnier. Il ne doit se charger d'aucun mandat,
même pour les membres de la famille de son client: le prétendu
membre de la famille n'est souvent qu'un complice. La même rectitude doit
commander ses devoirs envers ses clients.
Les devoirs de l'avocat envers ses clients-
Vis-à-vis de la clientèle, l'avocat a, essentiellement une
obligation de dévouement, de dignité, d'indépendance et de
délicatesse qui se manifeste aussi bien dans l'exercice de conseil que
dans la représentation, dans l'assistance, la plaidoirie et la
conscience avec laquelle il conseille les clients qui s'adressent à
lui216(*).
Les devoirs de conscience et de dévouement sont
inhérents à la liberté de l'acceptation du dossier. La
liberté attachée à l'acceptation du dossier est propre au
caractère libéral et indépendant de la profession.
Cependant, ce principe traditionnel ne se trouve point affirmer par la
réglementation. La profession gagnerait à ce qu'il soit
consacré par l'article 47 de la loi n° 95.024 du 19 juillet 1995
qui organise la profession d'avocat. Ce dernier devra, pour être complet,
ajouter: «Sauf dans les affaires où il est, soit commis,
soit désigné d'office, l'avocat est autorisé à
décider de ne pas poursuivre sa mission sous réserve dans ce
dernier cas que le client soit prévenu en temps utile pour pourvoir
à la défense de ses intérêts ».
Ces dispositions légales ne doivent pas être reçues comme
l'énoncé de principes creux et dépassés.
L'indépendance de l'avocat est essentielle à sa liberté
intellectuelle et morale, à sa pensée, aux décisions qu'il
doit prendre et à l'exercice quotidien de sa profession. L'avocat doit
opposer le refus du dossier en présence d'une incompatibilité. Il
doit également être fait obligation à l'avocat de refuser
son assistance et sa représentation aux parties ayant des
intérêts opposés ou liés. Cette interdiction doit
s'étendre aux membres d'une même société civile
professionnelle ou d'une même association, comme aux patrons et
collaborateurs de l'avocat concerné. D'une manière plus
générale, l'avocat ne peut accepter un dossier dès lors
que son indépendance pourrait être mise en cause. L'obligation
professionnelle de délicatesse peut également dissuader l'avocat
d'accepter certains dossiers. Il est recommandé de s'abstenir de
consulter ou de plaider contre d'anciens clients, chaque fois qu'il existe un
lien, si tenu soit-il, entre les procès anciens et le procès
nouveau. L'avocat rédacteur d'un acte ne peut accepter d'agir en
justice, en demande ou en défense, sur cet acte que sous certaines
réserves essentielles. L'acceptation d'un dossier peut aussi être
incompatible avec la conduite d'une autre affaire, soit parce qu'elle peut
révéler une opposition d'intérêts, soit parce
qu'elle risque de porter atteinte au secret professionnel ou peut-être,
d'une manière moins ostensible, à la discrétion, comme
aussi à la délicatesse
Les devoirs de conscience et de dévouement sont
inhérents à la liberté de l'acceptation du dossier. La
liberté attachée à l'acceptation du dossier est propre au
caractère libéral et indépendant de la profession.
Cependant, ce principe traditionnel ne se trouve point affirmer par la
réglementation. La profession gagnerait à ce qu'il soit
consacré par l'article 47 de la loi n° 95.024 du 19 juillet 1995
qui organise la profession d'avocat. Ce dernier devra, pour être complet,
ajouter: «Sauf dans les affaires où il est, soit commis,
soit désigné d'office, l'avocat est autorisé à
décider de ne pas poursuivre sa mission sous réserve dans ce
dernier cas que le client soit prévenu en temps utile pour pourvoir
à la défense de ses intérêts ».
Ces dispositions légales ne doivent pas être reçues comme
l'énoncé de principes creux et dépassés.
L'indépendance de l'avocat est essentielle à sa liberté
intellectuelle et morale, à sa pensée, aux décisions qu'il
doit prendre et à l'exercice quotidien de sa profession. L'avocat doit
opposer le refus du dossier en présence d'une incompatibilité. Il
doit également être fait obligation à l'avocat de refuser
son assistance et sa représentation aux parties ayant des
intérêts opposés ou liés. Cette interdiction doit
s'étendre aux membres d'une même société civile
professionnelle ou d'une même association, comme aux patrons et
collaborateurs de l'avocat concerné. D'une manière plus
générale, l'avocat ne peut accepter un dossier dès lors
que son indépendance pourrait être mise en cause. L'obligation
professionnelle de délicatesse peut également dissuader l'avocat
d'accepter certains dossiers. Il est recommandé de s'abstenir de
consulter ou de plaider contre d'anciens clients, chaque fois qu'il existe un
lien, si tenu soit-il, entre les procès anciens et le procès
nouveau. L'avocat rédacteur d'un acte ne peut accepter d'agir en
justice, en demande ou en défense, sur cet acte que sous certaines
réserves essentielles. L'acceptation d'un dossier peut aussi être
incompatible avec la conduite d'une autre affaire, soit parce qu'elle peut
révéler une opposition d'intérêts, soit parce
qu'elle risque de porter atteinte au secret professionnel ou peut-être,
d'une manière moins ostensible, à la discrétion, comme
aussi à la délicatesse
Les devoirs de conscience et de dévouement sont
inhérents à la liberté de l'acceptation du dossier. La
liberté attachée à l'acceptation du dossier est propre au
caractère libéral et indépendant de la profession.
Cependant, ce principe traditionnel ne se trouve point affirmer par la
réglementation. La profession gagnerait à ce qu'il soit
consacré par l'article 47 de la loi n° 95.024 du 19 juillet 1995
qui organise la profession d'avocat. Ce dernier devra, pour être complet,
ajouter: «Sauf dans les affaires où il est, soit commis,
soit désigné d'office, l'avocat est autorisé à
décider de ne pas poursuivre sa mission sous réserve dans ce
dernier cas que le client soit prévenu en temps utile pour pourvoir
à la défense de ses intérêts ».
Ces dispositions légales ne doivent pas être reçues comme
l'énoncé de principes creux et dépassés.
L'indépendance de l'avocat est essentielle à sa liberté
intellectuelle et morale, à sa pensée, aux décisions qu'il
doit prendre et à l'exercice quotidien de sa profession. L'avocat doit
opposer le refus du dossier en présence d'une incompatibilité. Il
doit également être fait obligation à l'avocat de refuser
son assistance et sa représentation aux parties ayant des
intérêts opposés ou liés. Cette interdiction doit
s'étendre aux membres d'une même société civile
professionnelle ou d'une même association, comme aux patrons et
collaborateurs de l'avocat concerné. D'une manière plus
générale, l'avocat ne peut accepter un dossier dès lors
que son indépendance pourrait être mise en cause. L'obligation
professionnelle de délicatesse peut également dissuader l'avocat
d'accepter certains dossiers. Il est recommandé de s'abstenir de
consulter ou de plaider contre d'anciens clients, chaque fois qu'il existe un
lien, si tenu soit-il, entre les procès anciens et le procès
nouveau. L'avocat rédacteur d'un acte ne peut accepter d'agir en
justice, en demande ou en défense, sur cet acte que sous certaines
réserves essentielles. L'acceptation d'un dossier peut aussi être
incompatible avec la conduite d'une autre affaire, soit parce qu'elle peut
révéler une opposition d'intérêts, soit parce
qu'elle risque de porter atteinte au secret professionnel ou peut-être,
d'une manière moins ostensible, à la discrétion, comme
aussi à la délicatesse.
La nécessité de cette indépendance se
retrouve au moment de la réception du client. L'avocat doit
l'écouter complètement, certes, mais il doit aussi savoir
s'affranchir de cet exposé et saisir les données essentielles,
sans être prisonnier de la vision déformante du client. Aussi
conservera-t-il la distanciation qui s'impose pour maîtriser la
décision, l'action et l'argumentation. Certains clients manifesteraient
parfois quelque tendance à se comporter d'une manière possessive.
Sûrs que leur honneur, leur prestige ou la valeur économique de
leur affaire sont imposants, ils considèrent que l'acceptation par
l'avocat de leur dossier ne peut faire aucun doute. Le caractère
libéral de la profession, caractère qui d'ailleurs commande la
bonne conduite du dossier, consiste à rétablir avec
délicatesse, mais avec fermeté, le rôle de chacun. C'est
avec raison qu'il faut à cet égard se méfier des
clientèles institutionnelles et monopolisant. Une hypothèse plus
fâcheuse est celle du client qui entend imposer à l'avocat des
instructions contraires à la conception qu'il se fait de son art. Cette
objection ne concerne pas seulement le caractère immoral des directives
que le client entendrait imposer : c'est là chose acquise. Le heurt se
situe ici dans la conduite même du dossier. Comme il faut en principe
suivre les instructions reçues, mieux vaut, dans l'hypothèse
où le client entend imposer une tactique que l'avocat n'approuve pas,
tenter de le convaincre et, à défaut, l'inviter à faire
choix d'un autre conseil tout en gardant le secret sur le fond de sa
démarche.
Voyons ce qu'il en est des notaires
Paragraphe 2 : Les
notaires
Selon l'exposé de ses motifs, la loi n° 97.019 du
16 juillet 1997 portant statut des notaires « vise à
réglementer les conditions d'exercice de cette fonction ainsi que les
règles de discipline devant assurer le bon fonctionnement et la
moralité nécessaire à l'accomplissement des missions
hautement techniques et particulièrement sensibles qui sont
confiées à ces officiers publics »217(*), rappelons qu'actuellement
aucune modification n'est en cours sans en écarter une très
prochainement .Cette réglementation de 1997 est fondamentale pour le
bon fonctionnement du service public de la justice, sur lequel repose à
la fois la sécurité juridique à laquelle aspire tout
citoyen et l'idéal de justice qui doit constituer le souci permanent de
l'Etat218(*). Le
notariat est institué pour recevoir des actes auxquels les parties
doivent ou veulent donner un caractère d'authenticité
attaché aux actes de l'autorité publique, en assurer la date et
les conserver en dépôt. Il constitue donc un fondement essentiel
sur lequel repose la preuve. Le notaire collecte, pour le compte du
Trésor public les droits et taxes, afférents à la
rédaction des actes qu'il instrumente et à l'apposition du sceau
de l'Etat dont il est le délégataire219(*). L'institution du notaire
devra permettre au Trésor public de mettre un terme à
l'important manque à gagner dans le secteur de l'authentification des
actes et son ouverture est de nature à contribuer à créer
de nouveaux emplois. La fonction de notaire étant donc de
création récente, l'on se contentera d'analyser le contenu de la
nouvelle loi (A) avant d'émettre quelques remarques sur ses dispositions
transitoires qui ont déjà suscité le mécontentement
de certains auxiliaires de justice (B).
A. L'analyse de la loi n° 97.019 du 16 juillet
1997 portant statut des notaires
Tous les sujets de droit ont besoin de la
sécurité juridique qu'apporte l'authenticité des actes
qu'ils sont amenés à signer. En effet, ils sont appelés
quotidiennement, soit à nouer des relations économiques avec des
partenaires, soit à vouloir donner un poids particulier à une
déclaration unilatérale de volonté en souhaitant qu'elle
ait des conséquences juridiques plus importantes que celles qu'elle
aurait eu si elle avait été émise sous la forme d'un acte
sous seing privé. Dans les deux cas de figure, les conséquences
liées à la vie des actes apparaissent comme extrêmement
importantes. C'est pourquoi l'acte authentique est irremplaçable sur le
plan de la force qui lui est attachée, celle-ci étant
supérieure à l'acte sous seing privé, de la
sécurité juridique qu'il apporte, de la prévention des
conflits et du maintien de la paix sociale. Il apparaît dès lors
nécessaire de créer et d'organiser un corps d'officiers publics
dont la mission est de recevoir les actes que les parties souhaitent ou sont
obligées par la loi de leur donner le caractère
d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique
(art. 1er al.1er de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997
portant statut des notaires). Le notaire, en tant qu'officier public, a le
privilège d'être le délégataire du sceau de l'Etat
(art. 54 al.1er de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut des
notaires). C'est cette force, qui s'attache à l'acte notarié,
qui justifie l'intervention obligatoire du notaire dans un certain nombre
d'actes fondamentaux mettant en jeu les intérêts patrimoniaux des
familles, des individus et des entreprises. La loi ne définit pas ces
actes laissant cette tâche au décret qui semble être plus
approprié à cette mission (art. 1er al.2 de la loi
n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut des notaires)220(*). Etre membre d'une
profession qui confère des pouvoirs aussi importants à celui qui
l'exerce exige naturellement rigueur et compétence. Pour ce faire, la
loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut des notaires soumet
ceux-ci à des conditions de recrutement sérieuses (1) et à
une déontologie stricte (2).
1. Les conditions de recrutement des
notaires
Comme tous les professionnels du droit 221(*), le candidat notaire doit
satisfaire aux exigences de nationalité, de diplôme et de
moralité (art. 9 de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant
statut des notaires)222(*). Cette exigence s'étend à tous les
assistants assermentés dont il aura éventuellement la charge dans
son étude afin de procéder à la réception des actes
juridiques (art. 22 de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut
des notaires).Pour accroître la sécurité des tiers, le
notaire est nommé par un arrêté du Ministre de la Justice
sur avis d'une commission de sélection comprenant le Ministre de la
Justice, le président de la cour d'appel de Nouakchott, le procureur
général près la cour d'appel de Nouakchott, le directeur
du Trésor et de la Comptabilité publique et le doyen de la
Faculté des Sciences Juridiques et Economiques de l'Université de
Nouakchott (art. 3 de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut
des notaires). L'implication de l'Etat ne peut qu'être
sécurisante. De plus, pour adapter l'implantation des offices notariaux
aux besoins des citoyens et du marché, leur création se fait
uniquement par décret (art. 5 al.1er de la loi n° 97.019 du 16
juillet 1997 portant statut des notaires). Le notaire se charge d'un service
public dont la continuité doit être assurée, c'est pourquoi
sa présence physique à son lieu de travail est rigoureusement
contrôlée par les structures à même de le faire
concrètement, c'est-à-dire les procureurs généraux
près les cours d'appel dont les offices relèvent territorialement
(art. 66 al. 1er de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997
portant statut des notaires).
Le notaire manie les fonds publics et privés,
c'est-à-dire qu'il est le collecteur des droits dus à l'Etat en
raison de l'apposition de son sceau sur des actes appartenant aux usagers de ce
service. Il est également dépositaire des sommes d'argent que les
particuliers peuvent éventuellement lui confier. L'Etat, comme les
particuliers, doivent avoir la garantie du reversement de ces sommes. C'est
pour cela que l'art. 76 al.1er de la loi n° 97.019 du 16
juillet 1997 portant statut des notaires assujettit ces derniers au versement
d'un cautionnement qui est spécialement affecté à la
garantie des condamnations susceptibles d'être éventuellement
prononcées contre eux à l'occasion de fautes commises dans
l'exercice de leurs fonctions(223(*)). Ce cautionnement, fixé à 500.000
UM224(*) (art. 77 al.
1er de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut des
notaires), est déposé au Trésor dans un compte ouvert au
titre du service des dépôts et consignations. Le procureur
général près la cour d'appel du ressort de l'office assure
le contrôle des cautionnements et l'application des dispositions qui les
régissent (art. 77 al.2 de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997
portant statut des notaires).Cette garantie résulte également de
l'institutionnalisation de sanctions pénales en cas de malversations
(art. 72 al.1er de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant
statut des notaires), mais aussi de l'obligation faite au notaire de tenir une
comptabilité claire (art. 62 de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997
portant statut des notaires) et de souscrire une assurance
responsabilité (art. 78 de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997
portant statut des notaires) qui renforcent le dépôt d'un
cautionnement, précité, avant d'entamer l'exercice de la fonction
et de les maintenir pendant la durée de son activité
professionnelle à travers laquelle il doit respecter la
déontologie professionnelle225(*).
2. La déontologie stricte
Détenteur d'une charge publique, le notaire doit
s'abstenir de manipuler de façon peu honorable les deniers dont il a la
charge (art. 64 de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut des
notaires).Il doit donner aux parties toute l'attention que l'autorité de
la charge, dont il est le dépositaire, leur permet de revendiquer (art.
1er al.3 de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut des
notaires). Le notaire est également tenu, en vertu de la loi, de
manipuler les actes suivant les normes techniques leur conférant tout le
sérieux et l'authenticité dont ils ont besoin (art. 40
al.1er de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut
des notaires).Le respect de la répartition géographique des
charges imposée par l'Etat dans un souci d'efficacité du
fonctionnement du service public est aussi imposé au notaire (art. 5
al.2 de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut des
notaires.
Telles sont les grandes lignes de la loi n° 97.019 du 16
juillet 1997 portant statut des notaires qui comble un vide juridique vieux de
plusieurs décennies en créant cette profession. Cependant elle
doit, à notre avis, être rapidement complétée par
des textes d'application précis pour éviter que la profession ne
connaisse les difficultés inhérentes à toute
nouveauté. Pour ce faire, d'abord, un décret doit intervenir pour
répartir géographiquement les charges notariales qui le seront
vraisemblablement en fonction des sphères de compétence des trois
cours d'appel de Nouakchott, Nouadhibou et Kiffa226(*). Il y a lieu de noter,
toutefois, que la situation de Nouakchott, en raison de son poids
démographique, doit être particulière. En
conséquence nous suggérons au législateur d'y créer
autant de charges qu'il y a de département. Cette solution,
dictée par le bon sens, permettra non seulement de
générer de nouveaux emplois pour les diplômés en
droit mais aussi contribuera à rapprocher cette institution des usagers
et partant faciliter le fonctionnement du service public de la justice.
Ensuite, un décret 227(*) doit intervenir pour déterminer le tarif des
notaires avant que cette profession ne connaisse la même dérive
préjudiciable au fonctionnement du service public de la justice qui a
caractérisé la fonction d'expert (228(*)). Enfin, un décret
réglementant l'emploi par les notaires des procédés de
reproduction des documents est souhaitable car il éviterait des litiges
relatifs à la valeur des photocopies des documents. Outre ces trois
textes, il est utile que des décrets fixent les conditions d'exercice
des fonctions notariales des agents des corps diplomatiques ainsi que le port
du costume que le corps des notaires devrait désormais arborer pour
solenniser sa fonction. Le Ministre de la Justice devra, de son
côté, déterminer, par arrêté, le nombre
d'assistants assermentés dans les charges notariales (art. 19 al.5 de la
loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut des notaires). Mais avant
même d'avoir eu le temps de faire ses preuves, la loi n° 97.019 du
16 juillet 1997 portant statut des notaires fait déjà l'objet de
critiques concernant ses dispositions transitoires.
B. La critique des dispositions
transitoires
L'incohérence de la loi n° 97.019 du 16 juillet
1997 portant statut des notaires avec des textes fondamentaux comme le Code des
Obligations et des Contrats, le Code de Procédure Civile Commerciale et
Administrative, la Loi Foncière, le Code de l'Urbanisme, le Code de la
Marine Marchande n'est pas le seul grief que l'on puisse faire dans
l'immédiat à ce texte. En effet les dispositions transitoires de
la loi, qui ouvrent la porte de la profession aux greffiers en chef, sont
critiquées officieusement par les greffiers qui s'estiment en mesure de
pouvoir exercer le notariat pendant la période transitoire
nécessaire à la formation de véritables notaires. En
effet, l'article 82 de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut
des notaires dispose que : "par dérogation aux dispositions de
l'article 9 de la présente loi et pour pourvoir aux premiers offices
à créer, pourront être admis comme candidats aux fonctions
de notaires, les greffiers en chef et les avocats ayant une ancienneté
de dix ans. Les candidats feront l'objet d'une sélection et d'un
perfectionnement dont les modalités seront fixées par
arrêté du Ministre chargé de la Justice. En
attendant la mise en place des offices visés au premier alinéa de
cet article, les règles applicables présentement aux notaires
demeurent en vigueur". Ce texte n'est pas à l'abri de critiques.
Tout d'abord, un texte de loi doit avoir une portée
générale et impersonnelle. Or, les dispositions de cet article ne
visent que les greffiers en chef et ne prévoient point les nombreux
greffiers qui ont exercé des fonctions notariales et ont dix ans
d'ancienneté sinon plus. Ensuite, plus grave encore, le texte ne fait
pas référence à la pratique notariale qui est une garantie
de la qualité et de la compétence des postulants au notariat.
Sans celles-ci, les dispositions transitoires conduiraient à un
recrutement de notaires incompétents.
Il est souhaitable que le législateur répare cet
oubli en ouvrant cette profession, dans la période transitoire, à
tous les greffiers justifiant d'une expérience dans la pratique
notariale. Cette mesure est d'autant plus utile que parmi ceux-ci certains sont
nantis des diplômes de maîtrise en droit et sont donc des juristes
confirmés qui méritent qu'une attention particulière leur
soit accordée eu égard à l'importance de leur
activité dans le fonctionnement du service public de la justice.
L'objectif du législateur étant de mettre en place un corps de
notaires compétents et expérimentés et les dispositions
transitoires doivent profiter à tous ceux qui remplissent certaines
conditions d'exercice de la profession notariale pendant 3 ans au moins (seuil
minimal dans plusieurs pays) et d'ancienneté de service de 10 ans au
moins pour les greffiers et greffiers en chef. Pour les avocats, il serait plus
judicieux de porter l'ancienneté à 15 ans nonobstant le stage
d'un an. Les charges notariales étant sciemment limitées par les
Pouvoirs Publics en cette période probatoire, les candidats ne doivent
pas y postuler sans satisfaire certaines exigences liées à la
profession elle-même. C'est pourquoi, à notre avis et eu
égard à ces deux remarques, le texte de l'article 82 de la loi
n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut des notaires devrait
être amendé pour plus d'harmonie et de cohérence. C'est
ainsi qu'il pourrait être conçu de deux façons alternatives
ce qui ne manquera pas de renforcer et consolider davantage sa valeur
intrinsèque. La première proposition d'amendement qui peut
être retenue sera rédigée ainsi: «Par
dérogation aux dispositions de l'article 9 de la présente loi et
pour pourvoir aux premiers offices à créer, pourront être
nommés aux fonctions de notaires, les greffiers et greffiers en chef
ayant exercé les fonctions de notaire pendant trois ans au moins et
ayant une ancienneté de dix ans au moins ainsi que les avocats
régulièrement inscrits et ayant une ancienneté de quinze
ans au moins (cette catégorie est titulaire des références
universitaires)».La seconde proposition peut avoir l'allure suivante
: «Par dérogation aux dispositions de l'article 9 de la
présente loi et pour pourvoir aux premiers offices à
créer, pourront être nommés aux fonctions de notaires les
greffiers et greffiers en chef, titulaire de la maîtrise en droit et
ayant exercé les fonctions de notaire pendant trois ans au moins ainsi
que les avocats régulièrement inscrits et ayant une
ancienneté de 15 ans au moins, les greffiers et greffiers en chef ayant
une ancienneté de dix ans au moins et ayant exercé les fonctions
de notaires pendant trois ans au moins (cette catégorie n'est pas
titulaire de maîtrise en droit mais ayant exercé les fonctions
notariales)».
Les charges notariales n'existaient pas en Mauritanie, elles
étaient cumulées avec celles de greffier ; la logique
commande que le recrutement des notaires se fasse d'abord dans le corps des
greffiers. La compétitivité impose également que les
greffiers, les greffiers en chef et les avocats détenteurs de
diplômes universitaires, dont la compétence est
avérée, soient admis d'office dans cette nouvelle profession. En
effet, le niveau intellectuel importe beaucoup, car les notaires auront
à exercer des fonctions qui requièrent la connaissance
pratiquement de tout le droit civil notamment le droit international
privé, les contrats dans leurs différents aspects
généraux et spéciaux, le droit des sûretés,
le droit commercial, les successions, le droit fiscal, le droit foncier, les
nullités, la procédure et le droit notarial. Les avocats et les
greffiers et greffiers en chef possédant des diplômes requis pour
l'exercice du notariat devraient jouir de la priorité d'exercer la
profession notariale conformément au souhait émis lors des
ateliers sur la réforme des statuts des auxiliaires de la
justice229(*) dont
l'huissier.
Paragraphe 3 : Les
huissiers
La réglementation sur le statut des huissiers n'a pas
été modifiée depuis celle de la dernière en date
à savoir celle du 15 juillet 2007.
Les huissiers de justice sont des officiers
ministériels chargés des significations judiciaires et
extrajudiciaires, de l'exécution forcée des actes publics
(jugements et autres actes exécutoires) et du service intérieur
des tribunaux. Pour mettre en évidence leur rôle dans le
fonctionnement du service public de la justice en Mauritanie, il convient de
faire état de l'évolution historique de leur statut (A) en
présentant et en commentant la loi les régissant (B).
A. L'évolution historique de leur
statut
Le premier texte organisant cette profession en Mauritanie fut
le décret du 30 novembre 1931 qui s'appliquait dans toute l'Afrique
Occidentale Française (A.O.F.).Ce décret chargeait les huissiers
de justice de l'accomplissement de toutes les assignations,
procès-verbaux de constat, notifications, significations judiciaires et
extrajudiciaires ainsi que tous les actes ou exploits nécessaires
à l'exécution forcée des actes publics et des ordonnances
de justice, jugements et arrêts. Il leur octroyait, en outre, le monopole
de l'authentification des ventes immobilières. Durant la période
coloniale, le rôle d'huissier de justice se limitait à la justice
de droit commun. Il leur était interdit notamment de procéder
à des actes de leur ministère devant la justice de "droit
local" ou d'intervenir auprès des juridictions de travail ou
administratives sauf au niveau du stade de l'exécution230(*).
Les membres de cette profession se divisaient en trois
catégories :
1°- Les huissiers titulaires de charge : ils sont
nommés par le Haut Commissaire de l'AOF sur proposition du chef de
services judiciaires pourvu qu'ils remplissent certaines conditions d'âge
et de capacité. Ils bénéficiaient d'un monopole de
l'exercice de cette profession dans leur ressort et recevaient du justiciable
une rémunération sous forme d'émoluments. Leur discipline
est assurée par le chef des services judiciaires pour les sections du
premier degré et par le Haut Commissaire pour les sections du second
degré.
2°- Les fonctionnaires huissiers: l'insuffisance
considérable à l'époque en matière de ressources
humaines qualifiées ne permettait pas de limiter cette profession aux
seuls professionnels. En effet, pour pallier cette insuffisance, le
législateur colonial avait créé, à
côté des huissiers titulaires de charges, une deuxième
catégorie de fonctionnaires empruntés à l'administration
et, généralement à l'administration judiciaire, pour
accomplir les tâches d'huissiers là où il n'y avait pas de
titulaire de charges. Les huissiers de cette catégorie étaient
soumis aux mêmes obligations que leurs collègues titulaires sauf
qu'ils reversaient la moitié de leurs émoluments au Trésor
public puisqu'ils bénéficiaient déjà d'un salaire
payé par l'Etat.
3°- Les huissiers ad hoc : aux deux catégories
précédentes, le décret ajoute une troisième qui
regroupait les huissiers ad hoc. Il s'agit d'huissiers occasionnels
désignés par le chef de la circonscription dans laquelle l'acte
devait être accompli. Choisis parmi les agents de l'administration
locale, ils n'étaient pas soumis à toutes les obligations
d'huissier ni à leur régime disciplinaire. Ils ont le droit,
toutefois, de recevoir en contrepartie de leur travail occasionnel, des
émoluments. Cette mesure traduit le souci du colon d'adapter aux
potentialités de la Mauritanie le statut d'un officier
ministériel dont le rôle était jusqu'ici méconnu par
la tradition. A son accession à la souveraineté internationale,
la Mauritanie transposa, en les adoptant à ses nouvelles structures, les
règles du droit antérieur.
Dans la période post coloniale sans qu'il y ait de
modifications significatives pour la plupart des questions relatives aux
statuts des huissiers de justice, la réforme attribue désormais
les compétences du Haut Commissaire de l'A.O.F. au Ministre de la
Justice qui exerce le contrôle sur le recrutement le fonctionnement et la
discipline de ces officiers ministériels231(*). Cependant, si leur statut
n'est pas bouleversé, les huissiers de justice voient leurs
compétences s'accroître.
Le domaine de compétence des huissiers s'est vu, avec
la nouvelle réforme, considérablement élargi. Alors que
leur intervention était limitée aux juridictions de droit
moderne, les huissiers pourront, désormais, remplir les actes de leur
ministère devant les différentes juridictions de l'ordre
judiciaire sans distinction. Cependant, ce système n'a pas beaucoup
duré et l'institution a été rapidement remise en cause
par la réforme du code de procédure, intervenue en 1963232(*). L'objectif de cette
nouvelle réforme était de rendre la justice accessible à
tous et d'atténuer considérablement le formalisme de la
procédure hérité de la période coloniale. Cette
simplification a eu comme corollaire la mise en place d'une procédure
dirigée par le juge ; ce qui s'est traduit par des changements notoires
dans le déroulement de la procédure. C'est ainsi que les
notifications, les citations et les significations sont désormais
effectuées soit par des greffiers ou agents des greffes, soit par voie
postale ou administrative, tandis que les jugements, arrêts et
ordonnances sont exécutés par des agents d'exécution
désignés par le président de la juridiction
concernée. De même le Code de Procédure Pénale
laisse aux magistrats la possibilité de confier les notifications et
significations aux simples agents d'exécution. Ainsi donc, les
tâches d'huissier de justice ont été dévolues
à d'autres personnes sans qu'un nouveau texte ne décide
expressément du sort de ces officiers ministériels.
Cette situation a persisté jusqu'à l'adoption de
la loi du 15 juillet 1997, malgré la progression extraordinaire du
nombre des affaires soumises aux tribunaux, qui ne s'était pas
accompagnée d'une augmentation corrélative du personnel
judiciaire, provoquant ainsi des difficultés de fonctionnement du
service public de la justice. Aujourd'hui que le pays s'engage dans une
nouvelle phase de son histoire marquée par la libéralisation et
les réformes institutionnelles, dont celle de la justice et notamment de
ses auxiliaires, force est de constater que la réforme des statuts des
huissiers et son adaptation aux nouvelles exigences du développement
économique et social est de nature à contribuer au fonctionnement
efficient de l'institution judiciaire. En cela, d'ailleurs le
législateur ne fait que se conformer à une évolution
inéluctable233(*). En effet, la Mauritanie est le dernier pays de la
sous région à avoir libéralisé cette profession qui
permettra la simplicité et la rapidité de la procédure de
mise en oeuvre des offices d'huissier, la stimulation de la concurrence entre
les huissiers par la perspective d'un profit légitime, c'est en fait
l'esprit qui se dégage de la loi.
B. Présentation et commentaire de la loi portant
statut des huissiers de justice
La loi n° 97.018 du 15 juillet 1997 portant statut des
huissiers de justice comprend 48 articles répartis en 9 chapitres. Le
premier, relatif aux "Dispositions générales" comprend 5
articles (art. 1er à 7 de la loi n° 97.18 du 15 juillet
1997 portant statut des huissiers) qui traitent du caractère de cet
officier ministériel de sa fonction, de ses attributs, de sa tutelle, de
sa carte professionnelle, de son insigne et du serment qu'il doit
prêter. Le chapitre II intitulé "Des charges
d'huissier", composé de 2 articles (art. 6 et 7 de la loi n°
97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers), est consacré aux
charges de l'huissier qui sont identiques à celles des modèles
des pays riverains de la Mauritanie qui, cependant, conserve sa
spécificité notamment au niveau du serment à connotation
islamique poussée. Le chapitre III "De la nomination des
huissiers" est composé de 5 articles (art. 8 à 12 de la loi
n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers). Son volume
reflète son importance, car il traite des conditions de nomination
notamment la nationalité, l'âge, l'aptitude intellectuelle, la
moralité ainsi que les personnes qui en sont dispensées
234(*). Cependant, le
corps de la loi fait la part belle au chapitre IV en lui réservant le
tiers de ses articles (art. 13 à 26 de la loi n° 97.18 du 15
juillet 1997 portant statut des huissiers) soit au total 14 articles traitant
des obligations pécuniaires et déontologiques des huissiers, de
leurs rapports avec leur clientèle et la justice ainsi que les amendes
en cas de violation de ces dispositions. L'objectif des dispositions contenues
dans ce chapitre est de faciliter la tâche des huissiers tout en
assurant un maximum de sécurité à leurs clients. Le
chapitre V "De la cessation des charges" se singularise par
l'existence d'un seul article (art. 27 art. de la loi n° 97.18 du 15
juillet 1997 portant statut des huissiers) qui détermine les conditions
de la cessation des fonctions des huissiers et la procédure qui y est
subséquente. Le reste de la loi est consacré à la
discipline, aux assistants des huissiers à leur association et aux
dispositions transitoires. La discipline est régie par le chapitre VI
"De la discipline" qui lui consacre 9 articles (art. 28 à 36 de
la loi n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers).Ces
différentes dispositions traitent de l'autorité chargée
des poursuites disciplinaires, des catégories de sanctions de la
composition du conseil de discipline et de la procédure disciplinaire.
Les assistants assermentés des huissiers ou clercs sont régis par
le chapitre VII qui leur consacre 7 dispositions (art. 37 à 43 de la loi
n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers). Ces articles
traitent des conditions de nomination de ces assistants d'huissiers, de leurs
attributions et des conditions d'exercice de leurs fonctions. L'association des
huissiers, prévue au chapitre VIII intitulé "De l'association
des huissiers", est régie par une disposition unique (art. 44 de la
loi n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers) qui autorise
ces derniers à s'organiser dans le cadre d'une association
régie par la loi n° 64.098 du 9 juin 1964 et ses textes
modificatifs.
La loi n° 97.018 du 15 juillet 1997 portant statut des
huissiers de justice se propose, selon l'exposé de ses motifs, de
concilier deux impératifs notamment la modernité et
l'efficacité de la fonction d'huissier235(*). En effet, la Mauritanie, qui a choisi le recours
aux investisseurs étrangers comme étant la voie la plus
adéquate, pour réaliser son essor économique doit, en
conséquence, garantir aux investisseurs la sécurité
juridique nécessaire. Celle-ci ne pourra être
réalisée que par la mise en place d'un appareil judiciaire
efficace tant au niveau de la mise en état des dossiers qu'au niveau de
la prise et de l'exécution des décisions judiciaires. Au niveau
de ces différentes phases, une bonne administration de la justice
suppose la création d'un corps d'auxiliaires de justice, doté de
tous les moyens nécessaires pour apporter aux différentes
juridictions l'assistance dont elles auront besoin, notamment en matière
de notification des convocations et de l'exécution des décisions,
etc. Or, ces différentes tâches qui sont restées pendant
longtemps assurées par des fonctionnaires de l'administration judiciaire
(les greffiers) ne pouvaient plus continuer de l'être et c'est en cela
que la nouvelle loi se veut moderniste. Son souci d'efficacité, outre la
création d'emplois, devrait se traduire par la constitution d'un corps
spécialisé pour assurer ces tâches et contribuer ainsi
à l'harmonisation de la législation mauritanienne avec celle des
autres Etats. Ce qui ne manquera pas de rassurer les investisseurs
étrangers.
A priori, cet objectif semble être atteint
théoriquement dans la mesure ou la nouvelle loi réglemente,
d'abord, la majorité des questions relatives à la fonction
d'huissier. Ensuite, elle laisse une large marge de manoeuvre à l'usage
du décret qui pourra permettre, toutes les fois que c'est
nécessaire, d'ajuster la fonction d'huissier à l'évolution
et aux nécessités du fonctionnement du service public de la
justice. En pratique, cependant les huissiers rencontrent certaines
difficultés à remplir leur mission notamment en ce qui concerne
l'exécution des décisions judiciaires. En effet, selon le
secrétaire général de l'Ordre National des Huissiers, ces
difficultés sont dues au manque d'harmonisation de certains textes avec
le statut des huissiers, notamment la loi n° 93.022 sur le recouvrement
des créances bancaires qui est antérieure à l'adoption
dudit statut, ce qui entraîne, par exemple, des difficultés
d'exécution pour les aspects civils liés à une affaire
pénale ; au non-respect des compétences exclusives des huissiers
par certains greffiers qui continuent à exécuter les actes
relevant des charges libérales d'huissier; l'absence de collaboration
des autorités publiques pour l'exécution des décisions
judiciaires contre les services publics et les institutions bancaires, ce qui
accentue la demande de main-forte adressée au parquet
général. Pour résoudre ces problèmes, le
secrétaire général de l'Ordre National des Huissiers
propose au Ministre de la Justice d'associer les huissiers à
l'élaboration des projets de textes ayant trait à leur
profession, d'adresser une lettre à la Banque Centrale de Mauritanie,
autorité de tutelle des banques primaires, invitant celles-ci à
s'en tenir aux dispositions légales en matière d'exécution
des décisions judiciaires ; d'inviter les greffiers à ne plus
s'immiscer dans les actes d'exécution dévolus aux huissiers ; de
demander au parquet général près la Cour suprême
d'inviter les officiers de police judiciaire à collaborer
étroitement avec les huissiers dans le cadre de leur mission
d'exécution ; d'octroyer aux huissiers un local au sein du palais de
justice de Nouakchott qui servira de siège pour leur corporation et
d'organiser des journées de réflexion et de sensibilisation sur
la fonction d'huissier impliquant tous les acteurs publics et privés.
Enfin, son élasticité et son souci de simplification se
traduisent par la latitude offerte aux Pouvoirs Publics de réglementer
certaines questions pratiques de la profession par simple
arrêté.
Certaines de ses dispositions appellent cependant des
explications. En effet, la qualité d'officier ministériel
implique notamment que les procès verbaux que l'huissier rédige
dans le cadre de l'exercice de ses fonctions (déterminées par
l'art. 6 de la loi n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des
huissiers) constituent des actes authentiques au sens de l'article 416 du
NCPCCA. Au cours de l'exercice de leurs fonctions, les huissiers
bénéficient de la protection dont jouit tout officier
ministériel. Pour ce faire, ils ne peuvent céder leur office ni
leur clientèle. Le nouveau texte attribue la tutelle des huissiers de
justice au procureur général près la cour d'appel et
soumet les huissiers au contrôle direct du procureur de la
République de leur ressort. La loi exige que le candidat à cette
profession soit titulaire d'une maîtrise en droit privé ou en
charia ou d'un diplôme équivalent. Même si cette condition
paraît, de prime abord, sélective elle nous semble
justifiée. En effet, d'abord, l'exercice de cette profession touche
souvent au droit de la propriété, et partant, les droits de
l'homme, par conséquent, ceux qui veulent l'exercer doivent être
outillés juridiquement pour ne pas empiéter sur les droits
d'autrui, en outre, le niveau de formation des cadres du pays s'y prête
parfaitement. Ensuite, la profession est ouverte par la loi à des
personnes dispensées de l'exigence de diplôme de maîtrise.
Enfin, dans la plupart des facultés de droit, notamment celle de
Nouakchott, le droit judiciaire privé notamment les voies
d'exécutions, qui constituent un élément essentiel dans
l'exercice de la fonction d'huissier, ne sont enseignées qu'en
quatrième année de droit privé. L'ensemble de ces
considérations nous semble avoir présidé à la
sélectivité de la fonction imposée par le
législateur. Les autres dispositions de la loi semblent être
dictées par un souci de simplicité pour les rendre intelligibles
pour les justiciables et leur harmonisation avec la législation interne
et le droit des Etats voisins. La même idée semble avoir
guidé la rédaction de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997
portant statut des experts.
Paragraphe 4 : Les
experts
Le corps des experts judiciaires est régi par les
dispositions de la loi n°97-20 du 16 juillet 1997. L'importance de leur
rôle est soulignée par l'article premier de ce texte qui les
définit comme les techniciens, auxquels le juge peut recourir pour
l'éclairer sur un ou plusieurs points précis. A ce titre l'expert
influence considérablement le déroulement de la procédure
judiciaire et son travail participe à l'émergence de la
conviction qui conduit à la décision de justice.
La loi n° 97.020 du 16 juillet 1997 portant statut des
experts judiciaires prend en compte l'ensemble des griefs articulés
à l'encontre du fonctionnement de l'expertise judiciaire. Elle vise,
selon l'exposé de ses motifs, d'une part «à soumettre
l'inscription sur la liste des experts et l'entrée dans la profession
d'expert agréé à des conditions strictes de diplôme
et d'expérience» et, d'autre part, «à
prévoir des modalités de fixation des honoraires permettant
d'éviter que l'expertise n'accroisse, de manière
exagérée, les coûts de fonctionnement de la
justice ». Afin de reconstruire la profession sur des bases
assainies, la nouvelle loi proclame la caducité des agréments
postérieurs au 31 décembre 1975. La finalité de cette loi
est, à terme, la mise sur pied d'une communauté d'experts
compétents et impartiaux. Le résultat escompté de cette
réforme ne pouvant être acquis dans l'immédiat l'on se
limitera donc à apprécier les innovations de ce texte. Mais un
problème préalable de méthodologie se pose : peut-on
réaliser la réforme de l'expertise judiciaire par la voie d'un
texte unique qui serait une sorte de code de l'expertise judiciaire ou doit-on
se résoudre à aborder les divers aspects de la question en
respectant leur répartition formelle dans les divers codes existants ?
La première approche présenterait l'avantage de la
systématicité. Mais elle n'est adoptée dans aucun
pays236(*). De plus,
certains aspects du problème de l'expertise s'inscrivent dans le cadre
des mesures d'instruction susceptibles d'être ordonnées par le
juge et dont le cadre naturel ne peut être qu'un code de
procédure. Aussi, la nouvelle loi a-t-elle, dans une large mesure, tenu
à composer avec les contraintes des divisions classiques du droit. Ce
préalable réglé, on regroupera les apports de la nouvelle
loi sous deux rubriques: la première est relative aux modalités
d'agrément et de radiation (A), la seconde concerne l'exercice de la
mission de l'expert (B).
A. Les modalités d'agrément et de
radiation
La loi n° 97.020 du 16 juillet 1997 déclare la
caducité des agréments postérieurs à 1975 (1°)
et combine le procédé de liste dressée chaque
année par la cour d'appel (2°) et celui de la création d'un
Ordre National des Experts où l'expertise est conçue comme une
véritable fonction (3°).
1° La caducité des agréments
postérieurs à 1975
Toute modification qui ne fait pas table rase du passé
en la matière ne pourrait avoir un effet positif. Sur ce point la loi
n° 97.020 du 16 juillet 1997 a raté son objectif, car elle se
contente de déclarer la caducité uniquement des agréments
obtenus après le 31 décembre 1975. D'une part, elle entame la
réorganisation du corps des experts sur des agréments dont rien
n'atteste qu'ils ont été obtenus conformément aux
conditions requises pour exercer cette fonction. D'autre part, elle se
singularise par une injustice de taille en reconduisant les agréments
antérieurs au 31 décembre 1975 qui correspondent à une
période où il n'était pas nécessaire de justifier
de compétence technique pour être expert, car le manque de cadres
était, à cette époque, criant. La justice et le bon sens
imposent que la caducité soit généralisée à
tous les agréments antérieurs à la nouvelle loi. Mais la
solution, qui a prévalu, semble avoir été dictée
par le souci de préserver les intérêts de certains,
étrangers au bon fonctionnement de la justice et dont la pesanteur se
fait ressentir sur le rythme des réformes judiciaires. La loi prive
donc d'effet juridique certains agréments déjà
délivrés. Elle n'emprunte point la voie de la radiation, car
celle-ci est soumise à des conditions très strictes qui en font
une mesure exceptionnelle et suppose, dans tous les cas, l'instruction
individuelle de chaque dossier et la preuve des manquements reprochés
à chaque expert dans telle affaire citée. Elle pose que tous les
agréments obtenus après le 31 décembre 1975 sont
désormais caducs. Quant à sa forme, la réforme du statut
des experts judiciaires implique, à notre avis, que le décret
64.148 soit modifié par une loi et non par un décret, car seule
une loi peut remettre en cause des droits acquis (eu égard à
leur importance), en l'occurrence des agréments obtenus par voie
d'ordonnance judiciaire. Pour ce qui est de son contenu, la réforme
fixe des critères précis de qualification à même de
fermer la porte au laxisme qui a caractérisé, jusqu'ici,
l'instruction de la demande d'agrément.
2° L'utilisation des listes dressées par
la justice
La loi n° 97.020 du 16 juillet 1997 soumet,
désormais l'exercice de l'expertise à l'inscription annuelle sur
une liste établie par la cour d'appel de Nouakchott, toutes chambres
réunies. Cette liste nationale, sur laquelle sont inscrits les experts
agréés tant en matières civile qu'en matière
pénale ne vaut que pour une année (art. 8 de la loi n°
97.020 du 16 juillet 1997). Cependant l'inscription sur cette liste est soumise
à des conditions qui sont destinées à assurer la
moralité et la compétence des membres de la profession. D'abord,
la bonne moralité est nettement mise en avant dans l'octroi de
l'agrément. En effet, les postulants à la profession d'expert,
qui ne doivent pas être des faillis, doivent être âgés
de trente ans au moins, n'avoir pas été les auteurs de faits
ayant donné lieu à une condamnation pénale pour
agissements contraires à l'honneur, à la probité et aux
bonnes moeurs et n'avoir pas commis de faits de même nature ayant
donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de
destitution, de radiation, de révocation, de retrait d'agrément
ou d'autorisation (art. al.1er de la loi n° 97.020 du 16
juillet 1997). Ensuite, l'expérience est érigée en
principe, car les candidats à l'agrément doivent avoir
exercé pendant au moins cinq ans, dans des conditions ayant pu leur
conférer une qualification suffisante, une activité en rapport
avec leur spécialité (art. al. 6 de la loi n° 97.020 du 16
juillet 1997).Ces conditions ne sont pas pour autant suffisantes. Il faut
également que les postulants fassent montre de maîtrise du domaine
qu'ils revendiquent. C'est ainsi que la loi impose des diplômes
qualifiés pour l'exercice de l'expertise immobilière,
industrielle, automobile, maritime incendie, assurance et médicale (art.
10 de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997).
La procédure d'inscription et de réinscription
sur la liste des experts est également organisée par la nouvelle
loi. En effet, chaque candidat doit envoyer une demande d'inscription sur la
liste nationale des experts judiciaires avant le 1er septembre de
chaque année au procureur général près la cour
d'appel de Nouakchott. Cette demande doit contenir toutes les précisions
utiles et notamment l'indication de la spécialité dans laquelle
l'inscription est demandée, l'indication des titres ou diplômes
exigés par l'article 10 et la justification de la qualification et de
l'expérience prévue par l'article 9 (art. 11 de la loi n°
97.020 du 16 juillet 1997). Le procureur général instruit la
demande d'inscription et en saisie la cour d'appel. Cette dernière
vérifie que le candidat remplit les conditions requises et se prononce,
sur le rapport d'un de ses membres, après avoir entendu le procureur.
La liste nationale des experts est alors communiquée par le procureur
de la cour d'appel au Ministre de la Justice qui en assure la publication par
arrêté.
La non inscription sur la liste nationale d'un candidat peut
faire l'objet d'un recours devant la Cour suprême qui doit statuer, en
chambre de conseil, dans un délai de trente jours (art. 13 al.
1er de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997). Pareillement,
l'inscription d'un candidat qui ne remplit pas les conditions requises peut
aussi faire l'objet d'un recours devant cette cour introduit par le procureur
général près la cour d'appel ou par tout organisme
intéressé (art. 13 al. 2 de la loi n° 97.020 du 16 juillet
1997). Enfin, chaque année, sans que les intéressés
n'aient à renouveler leur demande initiale, la cour d'appel examine la
situation de chaque expert précédemment inscrit pour s'assurer
qu'il continue à remplir les conditions requises, respecte ses
obligations et s'en acquitte avec ponctualité et décide de la
réinscription dans les mêmes conditions et formes que
l'inscription (art. 14 et 15 de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997).
La radiation d'un expert inscrit peut être
prononcée à tout moment par la cour d'appel, sur demande du
procureur général près de ladite cour, après que
l'intéressé ait été appelé à formuler
des observations en cas d'incapacité légale, de faute
professionnelle de refus par l'expert, sans motif légitime, de remplir
sa mission ou de l'exécuter dans le délai prévu
après mise en demeure. Cette décision de radiation doit
être transmise par le procureur général près la cour
d'appel de Nouakchott au Ministre de la Justice qui en assure la
publicité nécessaire (art. 21 al. 2 de la loi n° 97.020 du
16 juillet 1997). Cependant la cour d'appel devrait être aidée
dans sa mission par l'Ordre National des Experts dont la création est
prévue par la nouvelle loi.
3° L'ordre national des experts
La loi n° 97.020 du 16 juillet 1997 prévoit la
création d'un ordre national des experts, constitué des experts
(art. 23 al. 1er de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997). Celui-ci est
régi par le décret n° 99.065 du 30 juin 1999 portant
organisation et fonctionnement de l'Ordre National des Experts Agrées.
Cependant ce texte, malgré sa clarté quant au fonctionnement de
cette institution, a omis de régir les formalités constitutives
à telle enseigne que les Pouvoirs Publics de tutelle n'ont pas su
comment convoquer et organiser l'assemblée générale
constitutive de l'Ordre. Pour ce faire, il a fallu adopter un nouveau
décret237(*) pour
combler ce vide juridique. Ce nouveau texte, d'une part permet au procureur
général près la cour d'appel de convoquer
l'assemblée générale constitutive de l'ordre national des
experts et d'autre part, confère sa présidence à l'expert
le plus âgé et sa vice-présidence au benjamin de la
profession.
Les experts seront, désormais, désignés
parmi les membres inscrits sur le tableau. Cette formule présente
l'avantage de confier aux professionnels la mission d'instaurer la discipline
en leur sein sous le contrôle de l'Etat et des tribunaux. Elle peut
permettre la création d'une véritable profession. L'Ordre a pour
objet d'assurer la défense, l'honneur, l'indépendance et les
intérêts moraux et matériels de ses membres. Il
établit le code des devoirs professionnels, la réglementation du
stage, le règlement intérieur de l'ordre et propose au
gouvernement un barème des honoraires (art. 24 de la loi n° 97.020
du 16 juillet 1997). Il peut, également, présenter aux Pouvoirs
Publics et aux autorités constituées, toute demande relative
à la profession d'expert agrée et être saisi par ces
pouvoirs et autorités de toutes les questions les concernant. Il
contribue au perfectionnement professionnel de ses membres ainsi qu'à la
préparation des candidats à la profession d'expert agrée.
Enfin, il peut s'occuper de toutes les questions d'entraide et de
solidarité professionnelle (art. 25 al. 3 de la loi n° 97.020 du 16
juillet 1997). Cependant son efficacité dépendra du niveau et du
sens de responsabilité de ceux qui auront à présider
à ses destinées et qui devront, par conséquent, jouer un
rôle essentiel dans l'exercice de la mission de l'expert.
B. L'exercice de la mission d'expert
Dans le cadre de l'exercice de la mission de
l'expert238(*) la
nouvelle loi se caractérise par son souci d'harmoniser ses
procédures avec celles des codes de procédure et notamment le
CPCCA qui a connu, récemment, une réforme, le but
recherché par le législateur étant de fusionner et
d'intégrer les dispositions relatives à l'expertise devant les
juridictions. Le NCPCCA239(*) prévoit des mesures protectrices des parties
lorsqu'une expertise est engagée. C'est ainsi, d'abord, que l'ordonnance
de désignation de l'expert doit contenir toutes les justifications du
recours à l'expertise, les parties, ayant été
appelé à faire valoir leurs observations. En effet, outre la
signification aux parties de l'expertise par lettre recommandée, ces
dernières peuvent se faire assister d'un conseil technique aux
opérations d'expertise. La protection des parties est également
renforcée par le caractère réellement contradictoire de
l'expertise qui devra permettre, désormais, à celles-ci de
pouvoir formuler leurs observations sur les pièces produites par leurs
contradicteurs et celles obtenues des tiers par l'expert et le rapport
d'expertise doit indiquer les suites et les réponses que l'expert
apporte à leurs dires et observations, sans omission. En contrepartie,
les parties et les tiers devront avoir l'obligation de produire à
l'expert tous les documents qu'ils détiennent relativement à
l'affaire, objet de l'expertise. Ensuite, le NCPCCA prévoit
expressément que l'expertise qui viole l'une de ces règles
encourt la nullité et que le juge doit répondre à la
demande des parties sur ce point. Enfin, il mentionne que l'expert peut
comparaître à la demande des parties ou du Ministère
Public.
La loi n° 97.020 du 16 juillet 1997
prévoit qu'un décret qui, vraisemblablement, sera pris,
après avis de l'Ordre National des Experts, détermine un taux
maximal et un taux minimal de vacation horaire à appliquer par le juge
taxateur des honoraires sur justification par l'expert des prestations
effectuées (art. 6 al. 2 de la loi n° 97.020 du 16 juillet
1997).Une marge d'appréciation semble être laissée au juge
pour tenir compte de la complexité de certaines opérations
d'expertise et de la qualité du travail réalisé. Mais, il
est regrettable que la loi ne prévoit pas la possibilité d'un
appel ouvert à l'expert et aux parties contre l'ordonnance de taxation
ni du paiement d'une provision raisonnable pour l'expert nonobstant l'appel.
CONCLUSION
La Mauritanie à l'instar des « nouvelles
démocratie » du monde qui se respectent a connue depuis son
entrée dans l'ère démocratique beaucoup de reformes au
niveau de sa justice, la dernière en date est celle de l'ère de
transition et qui est cours d'élaboration et d'application.
Cette reforme a pour objet de remédier aux
dysfonctionnements qui ont longtemps pénalisé la justice. Elle se
veut de rationaliser l'utilisation des moyens du département, se
consacrer à la spécialisation des juridictions et renforcer les
garanties procédurales des justiciables.
La rationalisation est facilitée par la création
d'un secrétariat général au niveau de la cour
suprême et des cours d'appel, chargé de la gestion des ressources
de ces juridictions, l'institutionnalisation du poste de vice-président
de la cour suprême et de celle de président de la cour d'appel et
du tribunal de la wilaya qui ont désormais compétence en
matière d'administration judiciaire.
La spécialisation des juridictions est
accentuée, car celles-ci peuvent, d'une part avoir autant de structures
judiciaires que nécessaires pour traiter rapidement l'ensemble de
litiges notamment par la création de nouvelles chambres et, d'autre
part, par le transfert des compétences des tribunaux de moughatas
centrales, autres que celles de Nouakchott, aux chambres civiles et
commerciales des tribunaux de wilaya. Elle est également
renforcée par la création de tribunaux commerciaux à
Nouakchott et à Nouadhibou pour faire face au volume des affaires en
nette augmentation dans ces deux wilayas.
Le renforcement des garanties procédurales est
recherché à travers l'instauration de la
collégialité effective à partir du second degré de
juridiction, la consécration de l'appel en matière de crime,
l'institutionnalisation de la chambre d'accusation, du juge de la mise en
état et de celui de l'application des peines qui contribueront, d'une
part à instaurer un réel double degré de juridiction en
matière d'instruction et à assurer, d'autre part, la
célérité du traitement des affaires judiciaires et le
suivi de l'application des décisions de justice en permettant, entre
autres, le désengorgement des maisons d'arrêt.
Mais apres dix huit mois de transition l'heure est venu de
faire le bilan et de se poser la question comme tout mauritanien
averti :
La justice a-t-elle changé ?
La nomination, il y a 14 mois de l'ex- bâtonnier
Mahfoudh Ould Bettah240(*) au ministère de la justice avait
été perçue par les défenseurs des droits de l'Homme
comme un véritable acte de rupture par rapport aux pratiques d'avant le
coup d'Etat du 3 aoûts 2005. Le bâtonnier Bettah,
réputé très soucieux du respect des procédures et
des droits de l'homme, dans la foulée de sa nomination, entreprend une
visite dans les prisons. Pour un ministre de la justice, cette visite, en soi,
était révolutionnaire et présageait d'une nouvelle
façon de faire, d'une justice plus proche des plus vulnérables.
Au cours de cette même visite, le ministre de la justice s'est ému
du sort d'un détenu mineur et demande sa libération.
C'était un peu fort mais ça a accentué l'optimisme de ceux
qui attendaient une véritable reforme de la justice.
Après deux mois d'après transition, la justice
en Mauritanie a-t-elle changé ? Du point de vue des parents de
présumés salafistes et des magistrats démissionnaires,
NON. La condition de ni jugeables ni libérables d'une dizaine de ces
présumés salafiste, la comparution en juillet 2006 de 11
prévenus islamistes chaînes aux pieds, le débrayage des
avocats le 06 du même mois en signe de protestation contre le non-respect
des procédures, la disposition de l'ordonnance portant nouveaux statuts
de la magistrature permettant au ministre de la justice de suspendre pour faute
grave des magistrats du siège...ne sont, manifestement pas, des signes
de bonne santé judiciaire ou juridique. Faut-il pour autant jeter le
bébé avec l'eau du bain ? Certainement pas241(*).
Les mentalités après les textes
La loi portant statut de la magistrature, tant
décriée par les cinq magistrats démissionnaires, apporte
un souffle nouveau à la justice. En effet, en ouvrant le corps de la
magistrature par la voie directe aux professionnelles du droit (Avocat,
conseiller juridiques...) la nouvelle loi contribuera à rehausser le
niveau des juges jugé, actuellement, insuffisant .Le code de
procédure pénal contre lequel s'insurgent les familles de
détenus islamistes met pourtant fin "aux détentions
préventives à perpétuité". (NDLR) Ce Code limite la
durée de la détention préventive en matière de
délit à quatre mois et à six mois en matière de
crime.
Ce qui inquiète les familles des détenus
islamistes, c'est que cette durée, pour certains crimes
particulièrement graves (homicide volontaire, trafic de drogue
terrorisme...) est limitée à trois ans prorogeables. Cette
disposition est-elle, rétroactivement applicable aux islamistes en
détention depuis plus d'une année ?
La présence de l'avocat pendant la garde à vue,
malgré sa portée limitée, l'institution du double
degré de juridiction en matière pénale et de la chambre
d'accusation contenues dans le CPP242(*) révisé sont aussi des avancées
vers plus garanties des libertés fondamentales.
En matière de législation, l'effort de reforme
entrepris pendant la transition place la Mauritanie parmi les pays moyennement
démocratiques répondant aux normes internationales de
défense des droits de l'homme. Seulement, changer les lois, c'est
facile. Il faut s'attaquer maintenant à la culture du non respect des
lois et des procédures, à la culture de l'impunité.
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HIRSH. E, L'Islam et les droits de l'homme, Librairie des
libertés, 1984
JEOL. M, La reforme de la justice en Afrique noire et en
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KAMTO. M, Pouvoir et droit en Afrique noire, essai sur le
fondement du constitutionnalisme dans les états d'Afrique noires
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MARCHESIN. Ph, Juge moderne et droit musulman, ed Harmattan
1987
M'BAYE. K , Le droit en déroute, liberté et
ordre social, NEUCHATEL , ed de la Bannonière,1969
PIQUEMOL. P, La république Islamique de Mauritanie,
CNRS, 1969
RIPERT et BOULANGER, Traité élémentaire
de droit civil, LGDJ, 1952
RIVERO. J , Le phénomène d'imitation des
modèles étrangers en droit administratif, LGDJ, 1972
SALLAH. M, Quelques aspects de la réception du droit
français en Mauritanie, RMDE ,1987
YACIN IBN. A, L'histoire de la judicature mauritanienne de
l'ère Almoravides à l'indépendance, ed IMRS Nouakchott
1997
Documents spéciaux
· BABOU. A, Le système judiciaire mauritanien,
thèse Université Orléans en 2001
· Rapport final sur la justice élaboré par une
commission désignée par le CMJD , novembre 2005
· Rapport final du séminaire sur la formation des
magistrats dans l'espace francophone organisé par l'agence de
coopération culturelle et technique de la francophonie en 1993 au
Canada
· Rapport final relatif au statut des notaires,
Ministère mauritanien de la justice, mars 1997
· YARBA et EBBETY, l'interprétation et l'application
de la loi par le juge mauritanien, revue de droit, 1988
* 1 MM.Y. ABDELWEDOUD : ?Le
système judiciaire mauritanien avant l'indépendance?RJPIC n°
1,2001, p.88 et ss
* 2 J. ARNAUD : ?La
Mauritanie?, PUF 1975 , Coll. Que sais-je ?p.15 et ss
* 3 Cf. C.A.AHMED BABOU :
?Le système judiciaire mauritanien?, Thése, Orleans 2001, p.21 et
s
* 4 M KAMTO : ?Pouvoir et
droit en Afrique noire, essai sur le fondement du constitutionnalisme dans les
états d'Afriques noires francophones?, Paris LGDJ 1987, p.19 et s
* 5 G.POULET : ?les maures
de l'AOF? , Paris,Pedone 1984,p.19 et s
* 6 Voir en ce sens R.
CORNEVIN : ?Histoire de l'Afrique noire francophone et l'importance des
sources orales? cahier de l'histoire, Paris 1969 , n°66, p.127 et
s
* 7 Cet homme est le fondateur
politique de l'empire. Il a hérité du commandement après
ma mort de son frère en 1056, voir dans ce sens A.CHEIKH Colloque
sur les Amoravides, Université de Nouakchott du 12 au 16 mars
1998 ; B. COULIBALY : Les biens publics en républiques
Islamique de Maurtitanie ? Thèse Orleans 1985, ou l'auteur a
reservé un chapitre à l'histoire de la Mauritanie dans lequel il
a traité le debut de l'éffondrement de cet empire.
* 8P. PIQUEMOL : ? La
république Islamique de Mauritanie? , CNRS 1969, p.7 et s.
* 9 Abdallah Ibn Yacin, voir en
ce sens M.E. SAAD : ?L'histoire de la jidicature mauritanienne de
l'ére des almoravides à l'indépendance? éd IMRS
Nouakchott 1997, p12 er s
* 10 G SURDON : ?Precis
élémentaire de droit musulman de l'école malekite
d'occident? Tanger-Fès 1935, p20 et s
* 11 I. GOLZIHER : ? La
tradition musulmane? Paris Maisonneuve et Larose 1984,volume 1 p 47
* 12 B. BOITIVEAU ? Loi
islamique et droit dans les sociétés arabes? Paris Kartala 1993.
p.28 et s
* 13 L. MILLOT et F. P.
BLANC : Introductions à l'étude du droit musulman? ,op. cit.
p. 542 et s :E. TYAN : ?L'histoire de la jidicature en pays de
l'islam? op. cit.p.146 et s
* 14 Voir TYAN : ?Histoire
de l'organisation judiciaire en pays d'islam?, 2ème ed. 1961 . p 17
et s
* 15 Aux relations notament(
entre autres) qui existaient entre guerriers et gens du livre , voir en ce sens
J.L BALANS op. cit. p. 30 et s et Ph MARCHESIN op. cit. p21 et s.
* 16 Voir F. DE CHASSEY :
? Mauritanie 1900- 1975? ed Harmattan, 1985. p .41 et s
* 17 R. PAUTRAT : ?La
justice locale et la justice musulmane en AOF? op . cit.p .45 et s
* 18 P. PIQUAMOL : ? La
République islamique de Mauritanie? op. cit. p.7 et s
* 19 Voir en ce sens M.
JEOL : ? La reforme de la justice en Afrique noire et en Mauritanie?
pedone 1963. P. 193 et s
* 20 En 1973 la Mauritanie a
crée sa propre monnaie l'ouguiya 1 ouguiya équivaut en moyenne
à 2,7 FCFA
* 21 Les juridictions
française étaient soumises au décret du 16 novembre 1924,
modifié et complété par le decret du 22 juillet 1939.
* 22 En vertu des
critères tenant à la personne( européens), à la
forme (sociétés commerciales, acte de commerce) ou à la
volonté des parties (si celles-ci plaçaient le contrat sous
l'empire du droit français)
* 23 Déclaration de l'ex
président Moctar ould DADDAH en 1962, cité par PIQUAMOL : ?
La République Islamique de Mauritanie? op. cit. p.9 et s
* 24 J. RIVERO : ?Le
phénomène d'imitation des modèles étrangers en
droit administratif, in Mélanges G. Van Der Mersch, LGDJ 1972, T III, p.
620 et s
* 25 A. BOCKEL : Le juge
administratif en Afrique noire, Annales africaines 1971-1972 p. 10 et s
* 26 Le législateur
mauritanien dispose dans la constitution de 1961 que tous les textes demeurent
applicables tant qu'ils n'auront pas été abrogés
explicitement et implicitement
* 27 G. LANGROS : ?
Genèse et conséquences du mimétisme en Afrique?. RISP 1973
p. 126 et s
* 28 Cf. M. Y. ABDEL
WEDOUD :? Le système judiciaire mauritanien après
l'independance? RJPIC n° 2 mai-aôut 2001, p. 141 et s
* 29 Le qualificatif? moderne?
adressé au droit d'inspiration française, recèle une part
d'injure pour le droit musulman qui est indirectement d'archaïsme. Ce
qualificatif est issue d'un amendement maladroit opéré par
l'assemblée nationale en 1959, depuis la pratique l'a consacré
* 30 Cf . M. Y.
ABDELWEDOUD : ? Le système judiciaire mauritanien après
l'indépendance?, op. cit. p. 145 et s . Pour plus d'information sur la
cohabitation de l'islam et la laïcité voir M-D. CHARLIER :
?L'Islam, un défi pour la laïcité française? RJPIC
n° 3 septembre-decembre 1999, p. 291et s
* 31 Ordonnance n°83.144
du 23 juin 1983 portant réorganisation de la justice, JORIM du 29 juin
1983 , p. 376 et s
* 32 Comité militaire
pour la justice et la démocratie
* 33 R. PERROT op. cit .
n° 59
* 34 J.M. COULON et T.
GRUMBACH : ?Egalité devant la justice?, justice n°1. 2000,
p.83 et s ; H. VRAY : ?L'essentiel sur les institutions judiciaires?
, ed. L'hermes 1991 p.19 et s ; D. TRUCHET : ?La justice comme un
service public? ed Odlie jacob 1998. p.31 et s ; J.M. SAUVE : ? La
justice et le théorie française du service public? p.65 et s
* 35 Montesquieu
écrivait dans l'esprit des lois que ?l'amour de la démocratie est
l'amour de l'égalité? (1ere partie du livre 5, chap 5. D'autres
systémes sont axés sur l'idée de liberté tel que le
système americain. Voir A. GUINCHARD : ?Droit de la défense
lors de l'instruction?, Mémoire de DEA sciences criminelles 1994-1995,
Lyon III, 495 et s p.293
* 36 Décision
n°75.51, D.C Grandes décisions n°20
* 37 Décision
n°75.56 , D.C . Rec. Dr. Public, obs. FAVOREU et PHILIP , AJDA
1976 , 44, note RIVERO, D. 1975.658 L. HAMON et G . LEVASSEUR, JCP
1975. II. 18200, note FRANCK
* 38 Parmi ces textes, certain
sont mentionnés par la constitution mauritanienne du 20 juillet 1991
(déclaration universelle des droits de l'homme, le pacte international,
la charte africaine), les autres ne le sont pas
* 39 D.CAPELLETI : ?
Accès à la justice et etat providence? Economica 1984 p. 48
et ; M. BOUSSUYT : La convention européenne des droits de
l'homme, commentaire et texte, sous la direction de L. PETTITI, E. DECAUX et
P.H.INBERT, Economica 1995, p.475 et s
* 40 Y. VOLERE ETEKA : ?
La charte africaine des droits de l'homme? L'Harmattan 1996, p.55 et s
* 41 F.OUGERGOUZ/ : La
charte africaine des droits de l'homme, une approche juridique des droits de
l'homme entre tradition et modernité? PUF 1993 p. 121 et s
* 42 H DELAROSIER DE
CHAMPFEN : égalités et responsabilité?, in GAZ. Pal
1996, p.967 et s
* 43 E. HIRSH : ?L'islam
et les droit de l'homme? librairie des libertés 1984 p.19 et s
* 44 Rapporté par P.F.
GONIDEC : ?La place des juridictions dans l'appareil de l'Etat? ,RJPIC
n° 4, 1969, p. 935 et s ; et aussi, in encyclopédie juridique
de l'Afrique T. I. ; ?L'Etat et le droit? p.235 et c
* 45 Cette attitude n'est pas
spécifique au spécifique au justiciable mauritanien, on la
retrouve généralement dans les pays d'Afrique.
* 46 J.M. Breton : ?La
jurisprudence administrative au congo?, in les cours suprêmes en
Afrique?, T.III. op .cit.98 et s
* 47 Comme les affaires
ayant trait à l'opposition politique ou la corruption et les
détournements des deniers publics.
* 48 R. CHARVIN :
`'Justice et politique, évolution de leurs rapports'', Paris, LGDJ 1968,
p. 2 et s.
* 49 Voir P. F. GONIDEC op.
cit. p. 234 et s.
* 50 J. P. PASSERON : ''Le
pouvoir et la justice en Afrique noire et à Madagascar'', Paris Pedone
1996, p. 157 et s.
* 51 D. BIGO :
`'Justice et pouvoir politique'', Afr. Cont. n° 156, 1990, p. 166 et s.
* 52 La loi n° 61.048 du
15 mars 1961.
* 53 La loi n° 62.165 du
19 juillet 1962.
* 54 La loi n° 64.017 du
18 janvier 1964.
* 55 L'ordonnance n°
85.118 du 28 mai 1985, n° 86.121 du 13 juillet 1986 ; voir sur cette
juridiction : Th. GRANIER : `'La Cour spéciale de justice'',
RMDE 1987, p. 16 et s.
* 56 Même en occident,
la justice est mise à mal dans les affaires politiques. Il est vrai
certes que la différence n'est pas de nature mais de degré.
* 57 M. DEBENNE : ''La justice
sans juge d'hier à demain'', Afr. Cont. op. cit. p. 90 et s.
* 58 Cf. Rapport final
précité p. 47 et s.
* 59 Loi n° 93.019 du 26
janvier 1993 portant institution et organisation de la cour des comptes.
* 60 Les infractions sont
relevées contre des hommes issus des groupes tribaux puissants ou contre
de grands hommes d'affaires en matière de délinquance
économique de sorte qu'on peut affirmer que toutes les classes
politiques et commerciales sont, depuis l'indépendance à nos
jours, impliquées dans ce genre d'affaires.
* 61 Affaire `'Oasis'' en
1996.
* 62 Conférence
prononcée sur le thème "Unité et
développement'', in recueil des textes et documents du
Ministère de la fonction publique de Côte d'Ivoire, Imprimerie
Nationale 1994, p. 17 et s.
* 63 R.DEGNI-SEGUI:
"Codification et uniformisation du droit", p. 406 et s.
* 64 Cf. D.ABARCHI op. cit. p.
4 et s
* 65 L'article 6 de la
constitution du 20 juillet 1991.
* 66Cet adage est
consacré par l'article 17 de la constitution du 20 juillet 1991.
* 67 Ces chiffres nous sont
fournis officieusement par les services du Ministère de l'Education
Nationale.
* 68 Voir dans ce sens Y.
TANO: "L'inaptitude juridique de l'analphabète", in Studi Giuridici
Italo-Ivoiriani, Macerata, 21-23 mars 1991, Ahi del convergno Milano-Dote a
guiffre éditore, 1992. 253.
* 69 Voir dans ce sens, de
façon générale, R.DEGNI-SEGUI: "Le droit de la
responsabilité extracontractuelle de l'administration en Côte
d'Ivoire", in Studi Giuridici op. cit. p. 29 et s.; B.MUAMBA: "Contentieux
administratif au Zaïre", in les Cours suprêmes en Afrique op. cit.
p. 76 et s. et particulièrement pour la Mauritanie, A.S. BOUBOUT:
"Existe-il un contentieux autonome administratif en Mauritanie" op. cit. p. 58
et s.
* 70A. DIENG: "Assistance
juridique aux populations rurales en Afrique" op. cit. p. 108 et s.
* 71 Cette attitude a
été comprise par le législateur mauritanien qui a
adopté, au mois d'octobre 2001, une loi portant code du statut personnel
inspirée du droit musulman .
* 72 M.ALLIOT: "Les
résistances traditionnelles", in R.J.P.I.C., 1967, p. 245 et s
* 73 M.DEBENNE: "La justice
sans juge, d'hier à demain", in La justice en Afrique op. cit. p. 90 et
s.
* 74 K.M'BAYE: "Le droit en
déroute, liberté et ordre social", Neuchâtel, Editions de
la Banonnière, 1969.
* 75 G.Pontie et M.Pilon:
"Un exemple de justice au quotidien: "les conflits matrimoniaux au Togo", in La
justice en Afrique op. cit. p. 104 et s
* 76 M. ROUESSELET :
L'histoire de la justice en France ; PUF 1968, coll., Que sais-je ?
p.62 et s
* 77 Th. RENOUX : `'Le
conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire'', op. cit. p. 107 et
s.
* 78 J. RIVERO : `'Les
libertés publiques'', PUF 1996, p. 16 et s ; estime que
l'institution de l'inamovibilité a été créée
pour éviter que le gouvernement puisse sanctionner par une mutation
désagréable, un excès d'indépendance et
préparer par les changements opportuns, en vue d'un jugement d'un litige
qui l'intéresse, une juridiction docile.
* 79 Parce que les
magistrats sont désignés par le pouvoir exécutif, leur
indépendance exige que celui-ci ne dispose pas du pouvoir
discrétionnaire de les révoquer.
* 80 En droit
comparé, la meilleure proclamation du principe fut l'oeuvre de
Royer-Collard, quand il écrivait « lorsque le pouvoir,
chargé d'instituer le juge au nom de la société, appelle
un citoyen à cette éminente fonction, il lui dit : quand
vous montez au tribunal qu'au fond de votre coeur, il ne reste ni crainte, ni
une espérance, soyez impassible comme la loi. Le citoyen
répond : je ne suis qu'un homme et ce que vous me demandez est
au-dessus de l'humanité...secourez donc ma faiblesse, affranchissez-moi
de la crainte et de l'espérance, promettez que je ne descendrais point
du tribunal à moins que je ne sois convaincu d'avoir trahi les devoirs
que vous m'imposez. Le pouvoir hésite... éclairé enfin par
l'expérience sur ses véritables intérêts... il dit
au juge : vous serez inamovible ». Cité par Th.
RENOUX : `'Le conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire'',
op. cit. p. 101 et s. Cet auteur estime que l'inamovibilité est
passée, dans sa proclamation, par deux étapes : la
première, au moment de la justice retenue, l'inamovibilité
n'apparaît qu'avec simple valeur d'engagement moral ;
l'avènement de la justice déléguée ne fera que
consolider une règle, dont le seul objectif est la stabilité de
l'organisation judiciaire ; la seconde, sous la poussée
révolutionnaire, l'inamovibilité apparaît, avec la
théorie de la séparation des pouvoirs, comme le fondement
essentiel de l'indépendance du pouvoir judiciaire ; elle est le
corollaire de la garantie des droits du citoyen.
* 81 Dans ces conditions,
pour G. GOUR : « une fois son pouvoir de nomination
épuisé, le gouvernement n'a plus aucune action sur le juge qui ne
peut plus être déplacé ou désinvesti que par la mort
ou la renonciation volontaire », in Le contentieux des services
judiciaires et le juge administratif, problème de compétence',
LGDJ 1960, p. 335 et s.
* 82 Voir dans ce sens A.
ALLASSEUR : `'L'inamovibilité du juge et les constitutions
françaises'', Thèse, Paris 1903, p. 2 et s.
* 83 P. ESPULGAS :
`'Conseil constitutionnel et service public'', Paris LGDJ 1994, p. 218 et s.
* 84 J. RIVERO : `'Les
libertés publiques'', T. I, Les droits de l'homme, PUF 1996, p. 128 et
s.
* 85 F. LUCHAIR : `'La
protection constitutionnelle des droits et libertés'', Paris, Economica
1987, p. 356 et s. Cet auteur fait remarquer que l'inamovibilité
s'attache à l'emploi et non à la résidence.
* 86 Pour Th. RENOUX :
`'Le conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire'', op. cit. p. 108
et s, l'inamovibilité ne signifie pas pour autant préserver
l'intérêt personnel du magistrat et lui assurer une retraite
sécurisante favorisant les actes les plus
répréhensibles ; elle est édictée à la
seule fin de protéger la liberté de conscience et
l'indépendance d'esprit nécessaires à tout magistrat pour
exercer une mission, dans laquelle les libertés publiques, les plus
immédiates, du citoyen peuvent se trouver impliquées et
également le gage d'une bonne justice.
* 87 Voir M.M. MOHAMED
SALAH : `'Quelques aspects de la réception du droit français
en Mauritanie'', RMDE 1987, p. 27 et s.
* 88 L'art. 9 du statut de
la magistrature reproduit les dispositions de l'art. 5 de l'ordonnance
française de 1958 portant statut de la magistrature puisqu'il dispose
que « les magistrats du ministère public sont
placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs
hiérarchiques et sous l'autorité du ministre de la
justice ».
* 89 Th. RENOUX : `'Le
conseil constitutionnel et l'autorité judiciaire'', op. cit. p. 158 et
s. Dans le même sens, M. ALLASSEUR, : `'L'inamovibilité du
juge et les constitutions françaises'' op. cit. p. 28 et s, note que
« le ministère public est le représentant du pouvoir
exécutif auprès des tribunaux. Il est donc juste que ce pouvoir
lui trace une ligne de conduite et le garde sous sa volonté par des
moyens de contrainte efficaces et puisse, au besoin, remplacer ses
représentants indociles par d'autres plus soumis. C'est la règle
générale vis-à-vis des fonctionnaires, il ne faut pas
s'étonner de la voir appliquer aux magistrats du
parquet ».
* 90 R. GARRAUD :
`'Traité théorique et pratique de droit pénal'', T. I,
3ème éd. Sirey 1929, p. 132 et s ; V.
MANGIN : `'Traité de l'action publique et de l'action civile'',
Sirey 1876, n° 121.
* 91 A. POUILLE : `'Le
pouvoir judiciaire et les tribunaux'', op. cit. p. 76 et s ; E.
BLOCH : `'Faire carrière sous la V République'', Pouvoirs
n° 16, 1981, p. 97 et s.
* 92 Les affectations des
magistrats mauritaniens en mars 1999, au milieu de l'année judiciaire,
démontrent bien la relativité du principe.
* 93 S. DOUSSOUMOU : Le
contrôle juridictionnel dans les pays en voie de développement,
l'exemple des pays d'Afrique noire francophone'', Thèse, Orléans
1983, p. 27 et s.
* 94 J. VINCENT S. GUINCHARD,
G. MONTAGNIER et A. VARINARD : `'Institutions judiciaires'',
5ème éd. Dalloz 1999, p. 2 et s.
* 95 M. HALBECQ :
`'Législateurs déguisés en juges ou fidèles
serviteurs de la loi'', in Revue Proche Orient Etudes Juridiques 1992, p. 140
et s ; J. CRUET : `'La vie du droit et l'impuissance des lois'',
éd. Flammarion 1908, p. 24 et s.
* 96 J. SPINOSI :
`'Comment juge le juge anglais ?'', in Revue Droit 1989, n° 9, p. 57
et s.
* 97 P. BOURTEZ :
`'Entre la puissance de la loi et l'art de l'interprétation,
l'énigmatique légitimité du juge'', in Pouvoirs n°
74, 1995, p. 71 et s ; S. BLAID : `'Essai sur le pouvoir
créateur et normatif du juge'', LGDJ 1974 ; A. GARAPON et P.
RICEUR : `'Le gardien des promesses : le juge et la
démocratie'', éd. Odile Jacob 1994 ; A. GARAPON : `'La
question du juge'', in Pouvoir n° 74, 1995, p. 13 et s ; D.
D'AMBRA : `'L'objet de la fonction juridictionnelle : dire le droit
et trancher les litiges'', LGDJ 1994, p. 22 et s.
* 98 L'on avance parfois,
pour diminuer l'oeuvre du juge en la matière, le fait que ses actes ne
devraient être que le reflet des règles juridiques qui
prédominent dans la société.
* 99 A.
ADJADJI :''L'organisation judiciaire de l'Algérie'', Thèse ,
Paris 1965, p. 8 et s.
* 100 Cf. infra. nos
développements consacrés à cette institutions.
* 101 Composée du
président de la Cour suprême, du procureur général
près la Cour suprême et de deux magistrats.
* 102 Texte de cette
prestation que l'on retrouve en intégralité dans l'article 11 de
l'ordonnance n°016-2006 Portant modification de certaines dispositions de
la loi organique n°94-012 du 17 février 1994 portant statut de la
magistrature.
* 103 H. VRAY :
`'L'essentiel sur les institutions judiciaires'', op. cit. p. 79 et s ; F.
KERNALEGUEN : `'Institutions judiciaires'', op. cit. p. 222 et s ; A.
POUILLE : `'Le pouvoir judiciaire et les tribunaux'', op. cit. p. 92
et s; F. COLOMBERT : `'Faire carrière'', in Pouvoirs n° 74,
1995, p. 105 et s.
* 104 Cf. le rapport de P.
LAVIGNE op. cit. p. 3 et s.
* 105 LE BOULANGER et
FAUTZ : `'Dialogue sur la magistrature'', JCP 1965, I, CASAMAYOR :
`'Les juges'', éd. Seuil 1957, p. 62 et s.
* 106 J. ROBERT : `'Le
problème de la notation des magistrats et leur obligation de
réserve'', RDP 1975, p. 811 et s.
* 107 J. COMPERNOL :
`'La crise du juge et le contentieux judiciaire'', in la crise du juge LGDJ
1990, sous la direction de J. LENOBLE, p. 9 et s.
* 108 Etant donné
l'insuffisance du niveau intellectuel et professionnel des magistrats
mauritaniens.
* 109 Voir document final
du séminaire sur la formation des magistrats dans l'espace francophone
organisé par l'agence de Coopération Culturelle et Technique de
la Francophonie en 1993 au Canada.
* 110 Comité Militaire
pour la Justice et la Démocratie : junte qui a renversé
l'ancien régime de OULD Taya le 3 août 2005.
* 111 Ordonnance n°
017-2006 sur le liberté de la presse ( J.O du 31 juillet 2006)
* 112 Chapitre
préliminaire du texte portant révision de l'ordonnance n°
83-163 du 9 juillet 1983 portant institution d'un code de procédure
pénale
* 113 Cf. art. 89
alinéa 3 de la constitution du 20 juillet 1991.
* 114 G. LYON-CAEN :
`'La justice dans la constitution française du 27 octobre 1946'', D.
1946, p. 5 et s ; Th. RICARD : `'Le conseil supérieur de la
magistrature'', PUF 1994, Coll. Que sais-je ?, p. 3 et s.
* 115 JORIM du 16
février 1963.
* 116 Si le titre VI de la
constitution du 20 mars 1961 ne sera pas expressément abrorgé,
l'orientation dictatoriale qu'incarnait le Comité Militaire de salut
National ne laissait aucune illusion quant à l'indépendance de
la justice.
* 117 Cf. A. S .
BOUBOUT : `'Propos sur la chambre...'' op. cit. p. 246 et s.
* 118 Décret n°
94.51 organisant les modalités d'élection des magistrats membres
du Conseil Supérieur de la Magistrature.
* 119 Voir Juriscope :
`'Magistrature d'Afrique : statut du Conseil Supérieur de la
Magistrature et des corps des magistrats, l'indépendance des
magistrats'', 1998, p. 444 et s.
* 120 W.
MBILLAMPINDO : `'L'institution d'un Conseil Supérieur de la
magistrature au Congo'', RJPIC 1986, p. 305 et s.
* 121 Le nombre de membres
pour la délibération varie selon la composition du CSM :
dans la loi de 1963, le nombre était de cinq ; dans la loi de 1968
et l'ordonnance de 1982, il est de six ; dans la loi de 1993, il est de
sept. Voir A. BESSON : `'Le conseil supérieur de la magistrature'',
D. 1960, p. 1 et s ; LIET-VEAU : `'Le conseil supérieur de la
magistrature et la séparation des contentieux'', Rev. Ad. 1953, p. 265
et s ; Ch. BRECHON-MoOULENS :''L'impossible définition du
conseil supérieur de la magistrature'', R.P.P. n° 3, 1973, p. 599
et s.
* 122 R. TUNG : `'Les
attributions du conseil supérieur de la magistrature'', Rev. Ad. 1954,
p. 542 et s ; Th. RICARD : `'Le conseil supérieur de la
magistrature'', op. cit. p. 38 et s ; M. KARSENTY : `'Le conseil
supérieur de la magistrature institué par la constitution du 4
octobre 1958'', Thèse Aix-Marseille 1961, p. 222 et s.
* 123 Cf. M. E. BA :
`'Rapport de la commission...'', op. cit. p. 5 et s ; l'auteur
déplore notamment que : « la commission ait eu
à constater des cas où des magistrats irréprochables ont
été victimes des injustices commises à leur encontre par
le pouvoir exécutif... En l'absence d'un cadre groupant les magistrats
pour la défense des intérêts matériels et moraux de
la profession, ils seront sans recours contre les abus du pouvoir
politique ».
* 124 Voir supra. nos
développements sur le statut des magistrats..
* 125 Cf. document final
précité. A ce sujet, il est révélateur qu'un
magistrat commence sa carrière à l'indice 760 c'est-à-dire
la catégorie inférieure de cadre de la fonction publique et
perçoit, en conséquence, un salaire de 53.000 ouguiyas (toutes
indemnités confondues) insuffisant pour assurer une nourriture
décente pour lui sans parler de sa famille dont il constitue,
généralement, la seule source de revenu stable.
* 126 A titre
d'illustration des problèmes d'équipement des tribunaux, nous
reproduisons ici les besoins exprimés par le président du
tribunal de la wilaya de l'Assaba que nous avons tiré d'une
correspondance adressée au Ministre de la justice en ce sens en date du
27 avril 1998. Les besoins estimés indispensables au fonctionnement de
ce tribunal par ce magistrat sont édifiants quant à leur
modestie. Il s'agit : des machines à écrire, des placards
pour les archives, des bureaux pour les greffiers, du mobilier de bureau, des
textes anciens et nouveaux en vigueur en Mauritanie, d'un abonnement au journal
officiel, d'une ligne téléphonique reliant le tribunal à
l'administration centrale, et d'une ligne téléphonique pour le
président de la chambre civile et commerciale du tribunal.
* 127
Généralisée, l'absence d'une jurisprudence est
particulièrement regrettable. Pour ce qui concerne la Cour
suprême, voir A. S. BOUBOUT : `'Propos sur la chambre...'' op. cit.
p. 260 et s.
* 128 Ceci est d'autant
plus regrettable qu'il y a souvent une imprécision ou une opposition
des textes , parfois même des vides juridiques.
* 129 La Revue
Mauritanienne de Droit, publiée en 1983 par les efforts de Cheikhany
Jules, la Revue Mauritanienne de Droit et d'Economie, publiée par la
Faculté des Sciences Juridiques et Economiques de l'Université de
Nouakchott et la Revue Elmouhami, éditée par le Barreau en 1996
ont toutes cessé de paraître faute d'intérêt des
praticiens et universitaires sensés en être les promoteurs.
* 130 Cf. A. S. BOUBOUT :
`'Propos sur la chambre...'' op. cit. p. 251 et s.
* 131 Cf. Initiative
Civique : `'Justice et développement'' op. cit. p. 23 et s.
* 132 Voir à ce propos
l'étude de B. DAILLY : `'Etude sur la mise en place d'une
bibliothèque à la Cour suprême'', UCP 1999, p. 8 et s.
* 133 Le document final
précité n'apporte pas d'éclairage sur cette question.
* 134 Les magistrats de droit
moderne étaient formés en France, ceux de droit musulman en
Tunisie et au Maroc.
* 135 Voir supra. nos
développements sur l'unification du statut de la magistrature.
* 136 Voir en ce sens Me YARBA
et EBBETTY op. cit. p. 15 et s.
* 137 Voir les exemples
cités par Me YARBA et EBBETTY dans leur communication
précitée.
* 138 Cela est surtout valable
depuis les dernières années, voir Initiative Civique op. cit. p.
40 et s..
* 139 Initiative Civique op.
cit. ibid.
* 140 Voir document final
précité. Il faut dire que bien souvent, la tribu est
« derrière » la nomination et la promotion
du magistrat et le protège contre d'éventuelles sanctions. En
retour, elle exige de celui-ci qu'il veille, dans le cadre de son travail,
à ses intérêts, d'où le sacrifice d'une garantie
essentielle de bonne justice : la neutralité du juge. Voir
Initiative Civique : `'Justice et développement'' op. cit. p. 24 et
s.
* 141 On pourrait tenir
compte à cet égard de la proposition qui figure dans le document
final et qui consiste à aligner le traitement des magistrats sur celui
des parlementaires (120.000 ouguiyas).
* 142 Loi n°93.09 du 18
janvier 1993 portant Statut Général de la Fonction Publique.
* 143 V. SILVERA :
`'Le régime disciplinaire d'un magistrat depuis la loi organique du 17
juillet 1970'', Rev. Ad. 1970, p. 695 et s ; Th. RENOUX : `'Le
conseil supérieur de la magistrature'', op. cit. 88 et s ; L.
CADIET : `'Droit judiciaire privé'', op. cit. p. 161 et s.
* 144 R. PERROT :
`'Les institutions judiciaires'', op. cit. p. 328 et s ; P. ESTOUPE :
`'La justice et ses tabous'', Gaz. Pal. 1987-2-, p.327 et s ; G
LINDON : `'La magistrature dans l'Etat'', D. 1986, chron., p. 178 et s.
* 145 G. B. CHAMMARD :
`'Les magistrats'', op. cit. p. 85 et s ; Th. RENOUX : `'Le conseil
constitutionnel et l'autorité judiciaire'', op. cit. p.219 et s.
* 146 Art. 39 du statut de la
magistrature.
* 147 Article 40 du
même statut ; A. POUILLE : `'Le pouvoir judiciaire et les
tribunaux'', op. cit. p. 86 et s.
* 148 Art. 36 du statut de la
magistrature ; R. PERROT : `'Institutions judiciaires'', op. cit. p.
325 et s.
* 149 Voir art. 42 de la
loi n°94.012 ; Th. RENOUX et A. ROUX : `'Le conseil
supérieur de la magistrature'', op. cit. p. 94 et s.
* 150 Voir les art. 43 et
45 de la loi n° 94.012, l'art. 33 de la loi n° 63.212, l'art. 36 de l
loi n° 68.237, l'art.33 de la loi n° 69.266 et l'art. 29 de
l'ordonnance n° 82.129 ; Th. RENOUX : Le conseil
supérieur de la magistrature'', op. cit. p. 316 et s.
* 151 G. MANGIN : `'Le
régime disciplinaire des magistrats en France et dans les Etats
d'Afrique francophone'', RJPIC 1969, p. 1115 et s ; :''Le
régime disciplinaire des magistrats en République du Congo'',
RJPIC 1969, p. 917 et s ; R. PERROT : `'Le conseil supérieur
de la magistrature'', in Cahiers français 1991, n° 251, p. 41 et
s.
* 152 Cf. art. 91 de la
constitution du 20 juillet 1991.
* 153 J. D.
BOUKOUGOU : `'Indépendance du pouvoir judiciaire et protection des
droits de l'homme au Congo à la lumière des deux décisions
de la cour suprême du 2 août 1996'', Penant 1997, p. 310 et s.
* 154 Sur le rôle de
la cour suprême dans des les Etats de l'AOF voir G. MAGNIN : `'la
cour de cassation française et l'outre-mer français'', in Le
tribunal de la cour de cassation'', op. cit. p. 221 et s.
* 155 En droit
comparé, la cour de cassation française, qui fut
l'équivalent de la cour suprême de Mauritanie, « a
été créée pour constituer un corollaire du principe
de l'unicité juridique de la France, pour coiffer un corps de
juridictions préexistantes et contrôler en droit les
décisions rendues par les juridictions
inférieures ». R. PERROT : `'La cour de cassation et
le conseil d'Etat, in Le tribunal de la cour de cassation 1790-1990, Litec,
1990, p. 145 et s ; voir dans le même sens : J. P.
CALON : `'La cour de cassation et le conseil d'Etat'', in La cour
judiciaire suprême, Economica 1978, p. 229 et s.
* 156 En droit
comparé, la bibliographie sur le rôle de la cour suprême est
abondante. On peut citer à titre indicatif : J. BORE :
`'L'avenir du contrôle normatif face aux fluctuations du contrôle
des qualifications'', in le tribunal de la cour de cassation'', op. cit. p. 193
et s ; `'la cour de cassation de l'an 2000'', D. 1995, chron., 133 ;
A. BENABENE : `'''Pour la cour de cassation aussi mais autrement'', D.
1989, chron. , 222 ; P. DRAI : `'Pour la cour de cassation'',
JCP 1989, I, 3374 ; `'La cour de cassation est-elle du droit pour l'an
2000'', JCP 1992, I, 3545 ; J. LACHAUD : `'La cour de cassation
est-elle encore une cour suprême'', Gaz. Pal. 1989, I, doct, p. 109 et
s ; J. NORMAND : `'La cour de cassation est la loi'', Bull. Inf. C.
Cass. 1991, n° 33, p. 33 et s ; J. L. BONDEL : `'L'organisation
judiciaire aux USA'', RIDC 1951, p. 23 et s ; S. COLEMAN : `'La
juridiction de la cour suprême aux USA'', RIDC 1954, p. 477 et s ;
E. U. GRISWOLD : `'La cour suprême des USA'', RIDC 1978, p. 97 et
s ; `'La cour suprême aux USA'', in Pouvoirs n° 59, 1991.
* 157 M. KATABI : `'La
cour suprême du Maroc'', RJPIC 1969, p. 999 et s ; `'L'organisation
judiciaire marocaine en matière civile'', RJPIC 1969, p. 589 et
s ; `'L'organisation judiciaire au Maroc'', Thèse, Paris , p. 140
et s.
* 158 M. AURRILLAC :
`'La cour suprême du Sénégal'', RJPIC 1969, p. 65 et
s ; Sur les origines de cette cour, voir: N. S. BENOIT :
`'L'arbitrage d'une démocratie en Afrique : la cour suprême
du Sénégal'', Présence Africaine, p. 45 et s.
* 159 Loi n° 61.123 du 27
juin 1961, JORIM du 4 juillet 1961.
* 160 En dehors de la
réforme opérée par la loi n° 61.123 qui a mis en
place la Cour suprême, le système judiciaire mauritanien a connu
Quatre réformes importantes (celles de la loi n° 65.144 du 20
juillet 1965 étant plutôt de portée limitée) en 1983
(ordonnance n° 83.144 du 23 juin 1983), en 1993 (loi n° 93.010 du 21
janvier 1993) et celle de 1999 (loi n°99.039 du 24 juillet 1999), la
dernière en date est celle en cour depuis 2006 .
* 161 Les études sur
la Cour suprême en Mauritanie sont très rares ; voir en
particulier M. JEOL : `'La réforme de la justice en Mauritanie'',
Penant 1962, p. 193 et s ; A. BOVCKEL : `'Le contrôle
juridique de l'administration'', in G. Conac et autres, les institutions
administratives en Afrique noire'', Economica 1979.
* 162 A. TUNC : `'La cour
suprême idéale'', RIDC 1978, p. 437 et s.
* 163 FAY : `'La cour de
cassation'', Seuil 1903, p. 12 et s.
* 164 V. KNAPP : `'La
science juridique'', in Tendances principales de la recherche dans les sciences
sociales'', Deuxième partie, T. II, éd. Mouton/ Unesco 1978, p.
1003 et s.
* 165 Cf. Ph. MARCHESIN :
`'Juge moderne et droit musulman...'' op. cit. p. 265 et s.
* 166 Tribunal
correctionnel de Marseille : « Attendu... que le tribunal de
Céans n'a pas à connaître des travaux, recommandations ou
remontrances d'un mouvement étranger, `'Amnesty International'', de
fondement ou obédience maçonnique, révélateur d'un
courant `'anti-français'', stigmatisant de prétendues violations
des droits de l'homme et préchant une convention des droits de l'homme
athée », cité par F. ROUX : `'Le recours
supranational, instrument de défense'', in La protection des droits de
l'homme par le comité des droits de l'homme des Nations-Unies, Les
communications individuelles IDEDH, 1995, p. 154 et s.
* 167 Cf. Ph. MARCHESIN op.
cit. p. 268 et s.
* 168 Cf. Mes YARBA et
EBBETTY : `'L'interprétation et l'application de la loi par le juge
mauritanien'', RMDE n° 4, 1988, p. 20 et s.
* 169 Cf. Mes YARBA et EBBETTY
op. cit. p. 17 et s.
* 170 Sur le régime de
l'opposition, .
* 171 Revue trimestrielle de
la justice : Publication des grands arrêts, ainsi que des
commentaires de juriste mauritanien sur des lois ou des règlements, ou
sur la doctrine elle-même ;
* 172 Terme arabe qui
signifie Région
* 173 Rapport de la justice
préparée par une commission élue par le comité
militaire pour la justice et la démocratie en Fin 2005, rapport qui est
à l'origine de la reforme
* 174 Salaire exprimé
ici en monnaie locale (ouguiya) : 1 UM = 350 euros
* 175 Voir supra. nos
développements sur l'arbitrage.
* 176 Cité par B. J.
SAWADOGO: "La profession d'avocat", communication au colloque sur "Le droit
judiciaire au Burkina Faso" du 18, 19 et 20 janvier 1996.
* 177 Ibid.
* 178 Voir la loi
n°95.024 du 19 juillet 1995 abrogeant et remplaçant l'ordonnance
86.112 du 12 juillet 1986 portant institution d'un Ordre National des Avocats,
JORIM du 15 août 1995, p.447 et s
* 179 Dans les
premières années de l'indépendance, la pénurie de
cadres était telle que tout nouveau diplômé était
immédiatement intégré dans la fonction publique.
* 180Ce décret
s'est, d'ailleurs, contenté de reprendre les grandes lignes de la
législation coloniale et particulièrement l'arrêté
général n°35.86 du 12 janvier 1935.
* 181 Voir supra. nos
développements sur la simplification de la procédure.
* 182 Cette commission
comprend, outre le Ministre de la Justice qui en est le président, le
procureur général près la Cour suprême, le
président du tribunal de première instance, un
représentant du Parti du Peuple Mauritanien (parti unique au pouvoir
avant 1978), un avocat défenseur désigné par ses
confrères pour deux ans et un fonctionnaire du Ministère de la
Justice, qui en assure le secrétariat. Cette commission se prononce
à la majorité simple. En cas de partage des voix, celle du
président est prépondérante.
* 183 Les
compétences du wakil se limitent, toutefois, au tribunal du cadi, eu
égard à sa formation, exclusivement, de droit musulman.
* 184 S. GUINCHARD :
`'Comment devenir avocat ?'', Montchrestien 1994, p. 20 et s ;
FLECHEUX et GUINCHARD : `'Commentaires des arrêts du 7 janvier 1993
(fixant le programme et les modalités des examens spéciaux
prévus par les articles D 99 et D 100), Gaz. Pal. 1993, p. 241 et
s ; L. KARPIK : `'Avocats : renouveau et crise'', Justices
n° 1-2000, p. 67 et s ; E. THOMAS : `'L'avocat et le juge
d'instruction'', Thèse Nancy 1978, p. 28 et s ; Y. N'DIAYE :
`'Les auxiliaires de justice'', Afr. Cont. n° 156, 1990, p. 140 et
s ; R. MARTIN : J. Cl. Proc. Civ. Fasc. 83-I et s ; J. M.
VARAUT : `'Rapport de la mission de réflexion et de proposition en
vue de l'élaboration d'un code des professions judiciaires et
juridiques'', éd. D. F. 1998 (les avocats), p. 105 et s.
* 185 M. RAYMOND : J.
Cl. Pro. Civ. Fasc. 83-2 ; L. CADIET : `'Droit judiciaire
privé'', op. cit. p. 197 et s ; S. GUINCHARD et MOUSSERON :
`'La formation des futurs avocats, une exigence et une passion'', JCP 1992-I,
3571 ; L. HINCKER, J. IGERSHEIN et J. MATAS : `'L'entrée dans
la profession d'avocat'', Rapport terminal du colloque de l'université
de Mark-Blosh, Strasbourg, janvier 1999, p. 29 et s.
* 186 En Mauritanie, la loi
95.024 du 19 juillet 1995 (qui abroge et remplace l'ordonnance du 12 juillet
1986) réglemente actuellement l'Ordre National des Avocats.
* 187 BACROT et
FONTBRESSIN : `'Le nouvel avocat'', Gaz. Pal. 1991, p. 36 et s ; Y.
AVRIL : `'La loi n° 90.1259 du 31 décembre 1990 portant
réforme des professions juridiques `', Gaz. Pal. 1991, p. 3 et s.
* 188 Sur les
possibilités d'exercice de la profession d'avocat, voir : J. J.
DAIGRE : `'Quelle Europe des avocats ? simple assimilation ou
véritable intégration'', Gaz. Pal.1996, p. 258 et s ; L.
PERTEC : Nouvelle étape vers l'Europe des avocats : la
directive de la C. E. n° 98-5 du 16 février 1998 sur l'exercice
permanent dans un autre Etat membre'', D. 1998, chronique 283.
* 189 Voir sur la formation
des avocats en général : F. TERRE : `'Magistrats et
avocat, formation et carrière, activité professionnelle'',
éd. D. F. 1987, p. 28 et s ; G. BOLARD et G. FLECHEUX :
`'L'avocat, le juge et le droit'', D. 1995, chron. 221 ; K.
LISFRANC : `'La formation des avocats français'', RIDC 1994, p. 799
et s ; voir également sur la formation des professions juridiques,
RIDC 1994, p. 729 et s en Allemagne par H. HEIDE, aux Pays-Bas par E. HONDUIS,
en Angleterre par J. A. JOLOWICZ, aux USA par R. MOORE et en Suisse par W.
STOFFEL.
* 190 Y. N'DIAYE: "Les
auxiliaires de la justice", Afrique contemporaine op. cit. p. 140 et s.
* 191 J. MONEGER :
`'Lecture cursive du décret n° 91.1197 du 27 novembre 1991 sur
l'organisation de la profession des avocats'', JCP 1991, p. 50, cité par
L. CADIET : `'Droit judiciaire privé'', op. cit. p. 245 et s.
* 192 A. BENABENET :
`'Avocat, première vue sur la nouvelle profession'', JCP 1991, I,
3493 ; J. M. BAUDEL : `'Les avocats français'', RIDC 1994, p.
789 et s.
* 193 Ce constat a
été fait, sans complaisance, par l'Ordre National des Avocats qui
a consacré un mémorandum à la question où il
attire l'attention des responsables politiques sur l'état critique de la
justice et notamment la profession d'avocat. Cf. Mémorandum op. cit. p.
8 et s.
* 194 Cf. article 20
alinéa 2 de l'ordonnance précitée.
* 195 Ces chiffres sont
avancés par l'Ordre National des Avocats dans le mémorandum op.
cit. p. 12 et s.
* 196 Le Mémorandum
op. cit. p.8 et s., constate que beaucoup d'avocats n'ont pas de cabinets.
* 197 L'arrêt de la
cour suprême du 20 février 1996 montre bien que les avocats ne
sont pas les seuls maîtres de leur sort. La Cour suprême intervient
souvent pour casser les décisions de refus d'admettre un postulant
à la profession lorsque la sentence du conseil de l'ordre lui parait
injuste ou pas raisonnable. Le premier cas de cette situation a
été relevé en 1996 où la Cour suprême a
décidé l'admission d'un postulant à l'inscription qui a
vu sa demande rejetée par le conseil en refusant de statuer sur sa
requête dans le délai légal.
* 198 Cf. Mémorandum
op. cit. p.9, d'ailleurs personne n'ignore aujourd'hui l'existence de toute
sorte "d'intermédiaires officieux" évoluant entre certains
magistrats et les plaideurs, exerçant ainsi illégalement la
profession d'avocat sans être soumis aux charges (fiscales ou autres) et
aux obligations (disciplinaires et déontologiques) de celle-ci.
* 199 Voy. Pour de plus
amples développements sur la question, la conférence de presse du
Bâtonnier de l'Ordre National des Avocats, in Le Calame n°190 du 23
juillet 1997, p. 4 , rapportée par M. N'DJOUBNANE.
* 200 Ces chiffres
émanent directement du Conseil National de l'Ordre National des
Avocats.
* 201 Cf. Conférence
de presse du Bâtonnier op. cit. p. 4 et s.
* 202 Ibid.
* 203 Ibid.
* 204 Cf. la
conférence du Bâtonnier de l'Ordre National des Avocats op. cit.
p.4 et s.
* 205 ROK: "Samsaras,
avocats et justice", Elhadese El Akhir n°9 du 5 avril 1998, p. 5.
* 206 Ibid.
* 207 Cf. N'DJOUBNANE, op.
cit. p. 4 et s.
* 208 Il faut noter qu'en
plus de ce différend entre deux institutions dont chacune
prétend défendre les intérêts des avocats est apparu
en 2002 un schisme dans le barreau lors des dernières élections
pour le renouvellement du Conseil de l'ordre; un nouveau conseil de l'Dore
National des Avocats, dirigé par Me Melaïnine prétend
désormais être porté démocratiquement et
légitimement à la tête de la profession alors que l'ancien
bureau persiste à affirmer qu'il a été
réélu. Une situation difficile à comprendre et qui porte
prestige à cette profession et accentue ses difficultés.
* 209 Cf. ROK: "Samsaras,
avocats et justice" op. cit. p. 5
* 210 Cf. à ce sujet
Mémorandum op. cit. p.12 où le Conseil de l'Ordre National des
Avocats déplore le relâchement de la discipline professionnelle
dans certains cas et demande l'application rigoureuse des sanctions
disciplinaires en espérant que la Cour suprême ne les remettra pas
systématiquement en cause.
* 211 M. RAYMOND :
`'Déontologie de l'avocat'', 3ème éd. Litec
1995, p. 48 et s ; J. J. TAISNE : `'Déontologie de l'avocat'',
2ème éd. 1997, p. 112 et s.
* 212 Cf. conférence
du Bâtonnier de l'Ordre National des Avocats op. cit. p. 4 et s.
* 213 Voir supra.
mémorandum op. cit. p. 5 et s.
* 214 Cette pratique est
courante en Mauritanie; en effet, les avocats, faute d'être en mesure de
se procurer les textes applicables en Mauritanie (parce que toute la
législation ancienne est pratiquement introuvable) et les
décisions judiciaires de principes (faute de classement et de
publication des décisions des juridictions) se rendent involontairement
coupables de "faux et usage de faux" en faisant
référence à des textes inexistant et une jurisprudence
fictive.
* 215 Cf. Initiative
Civique: "Justice et développement" op. cit. p. 14 et s.
* 216 Dans un régime
d'exercice libéral de la profession d'avocat comme celui en vigueur en
Mauritanie, les liens entre l'avocat et son client ne peuvent être que
des liens de nature contractuelle. Sauf les cas de commission d'office
où cette hypothèse ne semble pas tout à fait exacte, le
principe est que l'avocat remplit sa mission envers son client en vertu d'une
formule contractuelle. Cette constatation ne semble faire l'objet d'aucune
contestation en doctrine. Pourtant, lorsqu'il s'agit de déterminer dans
quel cadre de contrats les rapports avocat-client peuvent être
insérés, celle-ci, avant la loi française du 31
décembre 1971, était loin d'être unanime. On trouve dans le
cadre de cette controverse plusieurs théories doctrinales :
Pour certains, lorsqu'on essaie de chercher un cadre
contractuel précis pour ces rapports, l'idée de mandat est la
seule qui puisse lier l'avocat à son client. En vertu de ce mandat,
l'avocat agit devant la justice en tant que mandataire au nom de son client.
Mais cette idée n'a été retenue que lorsque l'avocat
remplit sa mission devant le tribunal de grande instance et les juridictions
d'exception, car dans les autres cas il est concurrencé par les
avoués. Sur le développement de cette théorie, voir :
SOLUS et PERROT : `'Droit judiciaire privé'', op. cit. p. 787 et
s.
D'autres, en s'appuyant sur le caractère
spécifique de la profession qui est exercée devant les
juridictions et pour le bon fonctionnement de la justice, estiment que les
liens juridiques entre l'avocat et son client relèvent du droit public.
Cette théorie est celle d'Appleton ; sur son développement
et sa critique, voir : R. FOSSE : `'La responsabilité civile
des avocats'', Thèse Montpellier 1935, p. 42 et s ; Y. AVRIL :
`'La loi n° 90.1259 portant réforme des professions juridiques'',
op. cit. p. 3 et s.
Une autre partie de la doctrine estime que le contrat qui
unit l'avocat à son client est un contrat de louage de service en vertu
duquel l'avocat, met son talent, sa science et son activité au service
de son client pour défendre sa cause. Sur la critique de cette
thèse voir : SOLUS ET PERROT : `'Droit judiciaire
privé'', op. cit. , p. 788 et s ; R. FOSSE : `'La
responsabilité civile de l'avocat'', op. cit. p. 37 et s.
Pour GLASSON, TISSIER et MOREL, le lien entre l'avocat et son
client est un contrat de louage d'ouvrage, ce qui permet d'écarter le
liens de subordination reproché à la théorie de louage de
service, car l'avocat, pour les partisans de cette théorie, s'engage
seulement à accomplir un certain travail : l'assistance et la
défense de son client moyennant une rémunération
qualifiée d'honoraire. Il effectue ce travail au mieux des
intérêts de son client sans se placer sous sa subordination.
Une autre théorie consiste, à la
différence des autres, à faire entrer les liens entre l'avocat et
son client dans le cadre d'un contrat innommé. Cette thèse fut
défendue par GARSONNET et CESAR-BRU.
Cette controverse doctrinale sur la nature des liens
juridiques entre l'avocat et son client n'aurait pas pris de l'ampleur si le
système, en droit comparé avant 1971, ne connaissait pas la
dualité des fonctions d'avoué et d'avocat.
* 217 Cf. C. JULES:
"Rapport final relatif au statut des notaires", Ministère de la Justice,
mars 1997, p.1 et s.
* 218 En droit musulman, le
rôle de notaire est confié à une catégorie de
personnes appelée Eloudouls, dont la présence par deux est
exigée pour la rédaction d'actes. Leur rôle se limite
à recueillir les déclarations des justiciables. Ils sont, en
quelque sorte des témoins privilégiés qui ne
peuvent conférer directement l'authenticité à la
convention, mais leur intervention facilite les formalités
nécessaires à cet effet.
* 219 RIPERT et
BOULANGER : `'Traité élémentaire de droit civil'',
LGDJ 1952, p. 150 et s.
* 220 Sept (07)
décrets sont nécessaires pour rendre effective la loi 97.019 du
16 juillet 1997 portant statut des notaires. Il s'agit notamment, selon l'ordre
prévu par le même texte du :
1.Décret n° 99.130 du 06 novembre 1999 fixant la
liste des actes relevant de la compétence exclusive des notaires
(article 1er de la loi n° 97.019) ;
2.Décret n° 99.129 du 06 novembre 1999 fixant le
nombre, le siège et le ressort territorial des charges notariales
(article 2 de la loi n° 97.019) ;
3. Décret fixant les modalités d'exercice des
attributions notariales par les agents diplomatiques et consulaires (article 6
de la loi n° 97.019) ;
4. Décret fixant les modalités d'utilisation des
procédés de photocopie et de thermocopie pour
l'établissement des expéditions et des grosses et copies par les
notaires (article 49 de la loi n° 97.019) ;
5.Décret n°99.131 du 06 novembre 1999 fixant les
modalités de contrôle de la comptabilité, des
procédures de dépôts et des retraits de sommes des
dépôts (article 63 al. 1er de la loi n° 97.019) ;
6. Décret fixant les règles de tenue des livres
comptables des notaires (article 63 al. 2ème de la loi n°
97.019) ;
7. Décret n° 99.128 du 06 novembre 1999 fixant les
émoluments des notaires (art. 63 al. 3ème de la loi n°
97.019).
Seuls donc 4 décrets sur 7 ont été
adoptés même s'il s'agit des plus importants pour l'exercice de
cette profession.
* 221 S. CHRAIBI :
« L'activité notariale », RMDED n° 25-1991
spécial les professions juridiques libérales p. 59 et s.
* 222 M. DAGOT :
`'L'accès à la profession de notaire'', in RRJ 1982, p. 12 et
s ; J. TARRADE : `'La pratique notariale en France'', RIDC 1994, p.
803 et s ; J. M. VARAUD op. cit. p. 172 et s.
* 223 Mais, au vue de la
notion large de faute professionnelle qui peut entraîner de telles
sanctions, on constate que la loi n'a pas prévu de mesures contre le
pouvoir d'appréciation offert à la commission dans la
qualification des fautes, puisque aucune indication textuelle, quant à
la nature de la sanction adéquate à telle ou telle faute, n'est
prévue. Voir en droit comparé : J. POULIQUET : `'La
responsabilité civile et disciplinaire du notaire'', LGDJ 1974, p. 414
et s ; J. L. AUBERT : `'La responsabilité professionnelle du
notaire'', Répertoire du notariat Defrenois 1998, p. 24 et s.
* 224 L'équivalent de
1500 euros
* 225 Voir sur la
profession de notaire en général : J. P. POISON :
`'Notaire et société'', T. I, Economica 1985, T.II, Economica
1990 ;`'La justice devant le notaire et sa clientèle'', Revue de la
vie judiciaire 1964 p. 25 et s.
* 226 Le décret
n°99.129 du 06 novembre 1999 fixant le nombre de charges notariales, leurs
sièges et leur ressort territorial ne prévoit point la
création de charge notariale à Kiffa dans l'immédiat. Il
se contente de la création de quatre charges dont trois à
Nouakchott et une à Nouadhibou. Ce nombre limité de charges
s'explique par le souci des Pouvoirs Publics d'expérimenter d'abord
l'usage de cette profession dans des villes réputées à
forte activité économique avant de tirer les leçons
nécessaires à sa généralisation à l'ensemble
du pays.
* 227 Celui-ci est entre
intervenu sous le n° 99.128 du 6 novembre 1999 portant tarif des notaires,
Recueil des textes du Ministère de la Justice , novembre 1999.
* 228 Voir supra. nos
développements relatifs à la fonction d'expert.
* 229 Les ateliers sur la
réforme juridique et judiciaire ont eu lieu les 24 et 27 février
1997 à l'ENA. Mais il s'agit plus d'une présentation des
avant-projets de lois relatifs à la réforme des statuts des
experts judiciaires que nous avons commenté dans la présente
thèse.
* 230 Cf. M. E. BEDDY:
"Rapport provisoire sur le statut des huissiers" Ministère de la
Justice, janvier 1997, p.1 et s.
* 231 Cette réforme
s'inspire beaucoup de la loi soudanaise n° 101 du 18 août 1961.
* 232 Cf. M. JEOL: "La
réforme de la justice en Mauritanie" op. cit. p. 193 et s.
* 233 P. ESTOUPE : `'La
justice française, acteurs, fonctionnement et médias'', op. cit.
p. 127 et s.
* 234 Seule la condition
relative à l'aptitude scientifique appelle des observations
particulières. Nous les commenterons ci-après.
* 235 H. CROZE : `'Le
partage de responsabilité entre les autres auxiliaires de justice'',
Justice 1997, p. 82 et s.
* 236 M.
LAHZIRI : «Rapport introductif » R.M.D.E.D. n°
25, consacré aux professions juridiques libérales 23-24 novembre
1990 p. 7 et s.
* 237 Dont le circuit
administratif pour la numérotation et la publication est
terminé.
* 238 J. BELIVEAU :
`'Théorie et pratique de l'expertise judiciaire'', Bruxelles 1967, p.
122 et s ; C. DIEMER : `'Les experts et l'expertise judiciaire'',
Litec 1970, p. 20 et s ; MALLARD, ROUSSEL et HERTZOG :
`'Traité formulaire de l'expertise judiciaire'', 7ème
éd. Librairies techniques 1955, p. 52 et s.
* 239 Le nouveau code de
procédure civile commerciale et administrative
* 240 Ministre de la justice
dans le gouvernement de transition
* 241 Propos de Khalilou
DIAGANA, journaliste du quotidien mauritanien « Nouakchott
info » dans un article paru dans le N° 1151 MARDI 17 JANVIER
2007
* 242 Code de procédure
pénale
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