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Libéralisation de la filière coton au Bénin

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par Edmond TOTIN
Université d'Abomey-Calavi (Bénin) - Diplôme d'Ingénieur Agronome 2004
  

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8.2 La participation paysanne dans la mise en place des innovations

La participation de la population est souvent vue comme une manière de réaliser un développement rural plus efficace et visant davantage à résoudre les problèmes des bénéficiaires (van den Ban et al, 1994). De plus en plus, elle est perçue comme une stratégie qui facilite l'adoption des innovations.

8.2.1 Qu'est ce que la participation ?

La participation suppose que la responsabilité du processus de décision au sujet de l'identification et de la mise en place d'une innovation soit partagée entre les divers acteurs (le paysannat, la recherche et la vulgarisation). Ainsi, il y a une parfaite intégration des différents compartiments à toutes les phases de la conduite de l'innovation. Lavigne Delville et Nour-Eddine (1999) ont distingué sept niveaux de participation des populations aux programmes et projet de développement (de la participation passive à l'initiative locale).

Combien de technologies issues des stations de recherche n'ont pas été purement et simplement rejetées par les paysans parce que, ne répondant pas à leurs préoccupations ?

Les innovations proposées au paysannat doivent prendre en considération l'expérience des agriculteurs. Dans la réalité, ces acteurs locaux sont détenteurs de technologies appropriées, forgées au cours des siècles et résultant de leurs propres recherches (expériences) et des innovations introduites. Les producteurs, le plus souvent font des sélections selon la perception qu'ils ont de l'innovation, ce que constate aussi (1994). C'est dans ce sens que beaucoup de producteurs ont préféré l'approche traditionnelle d'observation des plants, qui permet de gagner du temps à celle recommandée par la méthode LEC. Il y a alors une réadaptation de la technologie à la réalité sociale du milieu. Le temps utilisé pour compter les insectes dans le champ peut être utilisé pour d'autres activités dans l'exploitation. Les paysans ont adopté alors les intrants LEC et y ont ajouté leur approche locale. Le paquet n'a pas été adopté entièrement.

Si toujours est-il qu'avant de s'approprier une technologie, le paysan y apporte des modifications résultant de son niveau technique et des contraintes socio-économiques vécues, l'idéale aurait été que les innovations proposées aux agriculteurs prennent en considération leurs expériences pour s'approcher plus de leur réalité sociale. Sinon, très rapidement, l'innovation se trouve en marge de leurs attentes.

8.3.2 Quel type de participation a t-on besoin pour la conduite des innovations ?

La participation du paysan au processus de décision concernant l'identification, la méthode et l'organisation de l'innovation permet de mieux s'approcher des réalités sociales des acteurs locaux, pour qui la technologie est destinée.

Le rejet de nombreuses innovations pourrait être lié à l'absence d'une participation véritable des paysans. Et quand ces derniers sont associés, ils sont plutôt utilisés comme des «instruments» au lieu d'être considérés comme de véritables acteurs qui doivent être impliqués (Eponou, 1994). Dans certains cas, on les associe sans conviction, juste pour satisfaire aux exigences des bailleurs de fonds (Eponou, op cit). Dans ce contexte, comme leur participation, qui se limite d'ailleurs à une fourniture d'informations, est vue comme une nécessité pour satisfaire les exigences du bailleur, l'utilisation qui en est faite ne leur est pas souvent utile.

L'élaboration de la technologie de la LEC a été faite conjointement avec le paysannat. Ces acteurs ont participé à la conduite des expérimentations de la technologie. Malgré cette implication des paysans, la technologie se trouve réadaptée soit parce que la participation n'a été que virtuelle et non effective ou soit pour répondre aux réalités socio-culturelles du milieu, comme l'annonce d'ailleurs Eponou (op. cit) .

Photo 2 Les paysans participant à la collecte des
données dans le champ de coton

8.3.3 Rôles et motivations de chaque acteur dans la génération des innovations agricoles
participatives

Le rôle que la recherche, la vulgarisation et le paysannat peuvent jouer au moment de l'élaboration d'une innovation dépend d'une part, des connaissances dont dispose chaque catégorie d'acteurs et d'autre part, du pouvoir de décision accordé à chacun d'eux (van den Ban et al, 1994).

Dans la conduite conjointe du processus, chaque classe a la liberté de donner son opinion ou avoir ses critères propres pour évaluer l'innovation identifiée. Les échanges entre ces groupes pourraient permettre de s'accorder sur les résultats. Cette confrontation constitue une véritable difficulté en ce sens que, ce que un acteur trouve pertinent et efficace pourrait ne pas l'être pour l'autre.

Dans le cas pratique du "learning group" étudié dans le cadre de cette étude, certaines expérimentations (cas des essais en bande : coton-mil) ont été jugées inefficaces par les producteurs alors que les résultats se sont révélés intéressants pour la recherche.

La motivation des paysans à participer au learning group mis en place reste principalement la « recherche de la connaissance » ou la « curiosité de découvrir ». Mais cette forme de perception des paysans laisse croire « qu'ils sont venus en se mettant dans une position d'apprenant ». Dans la réalité, l'idée de base est de considérer ces acteurs locaux comme détenteurs de technologies appropriées forgées au cours des siècles ou résultant de leurs propres recherches. Ainsi, l'évolution convergente de ces connaissances (endogène et scientifique) aurait permis de créer une synergie interactive entre les acteurs et d'identifier la communication sociale. Cet environnement facilite une complicité agissante dans l'analyse des problèmes, l'élaboration et la mise en oeuvre des solutions les plus appropriées. Cette réalité ne semble pas être encore précise chez les acteurs locaux : pour eux, ils n'ont rien à apprendre aux autres acteurs. Les paysans ne sont pas encore convaincus de leur rôle dans le système. Dans le learning group étudié, seulement trois (03) paysans sur dix (10), soit un poids de 30% reconnaissent que dans la recherche conjointe menée avec les autres acteurs (recherche, vulgarisation), ils ont aussi des connaissances à transmettre à ces acteurs.

La recherche participative rencontre de nombreuses difficultés qui ne permettent pas

Photo 3 : Une séance d'observation des attaques dans le champ de coton échange entre chercheurs, vulgarisateurs et paysans

sa mise en oeuvre effective.

8.3.4 Les obstacles à la participation

Les obstacles liés à la participation peuvent être d'ordre culturel ou du fait de la divergence des points d'intérêts.

Les obstacles à la participation peuvent être directement liés à chaque catégorie d'acteurs. Mais dans cette rubrique, nous allons nous appesantir sur les barrières liées au paysannat, surtout avec l'environnement institutionnel au niveau de la filière coton, après la libération.

8.3.4.1 les divergences dans les intérêts

Dans le "learning group" où se conduit une forme de recherche participative, nous avons identifié deux catégories de producteurs mues par des intérêts divergents.

La première catégorie regroupe ceux qui sont intéressés par les intérêts financiers de l'approche, « en travaillant dans le groupe, on peut obtenir des faveur d'ordre financiers ». Mais très tôt, ne sentant pas un tel intérêt en jeu, ces paysans se sont retirés du groupe, parce que « le temps perdu n'est pas rémunéré ». Pour ce groupe, l'élément déterminant reste le soutien financier qui accompagne la participation, alors que la « vraie participation» serait l'engagement dans le soucis de comprendre et de contribuer en vue de faire correspondre l'innovation aux réalités sociales vécues, ce qui facilite son adoption.

Dans la deuxième catégorie, nous retrouvons les paysans qui se sont engagés à la « recherche du savoir». Mais est-ce la recherche du savoir, la vraie clé de la participation ? En se plaçant dans une telle position où le paysan suppose que le savoir vient de l'autre, il se trouve dans l'incapacité de partager sa connaissance avec les autres acteurs, parce que pour le paysan, il ne connaît rien. La collaboration dans le "learning group" a amené à briser cette barrière qui se pose aux paysans.

8.3.4.2 Pesanteurs culturelles :les inégalités sociales

Les inégalités ethniques au niveau des communautés ne sont pas de nature à rendre la participation effective. Alors que dans de nombreux contextes, une participation significative ne peut se produire que si toute la population cible est reconnue partagée les mêmes droits (Eponou, 1994), en milieu Bariba, toutes les couches ethniques n'ont pas les mêmes importances dans la société (cf. section 4.3.2). Cette différence sociale fait par exemple qu'il serait difficile pour un Bariba de considérer pour vrai et de suivre ce que développe un Somba parce qu'entre ces deux ethnies, il a existé une relation de maître à sujet. Cette image transparaît encore dans la société et rend difficile la cohabitation entre individus.

L'inégalité entre le sexe (entre l'homme et la femme), surtout dans les communautés rurales constitue une pesanteur qui entrave l'efficacité de la participation. A cet effet, nous avons observé que tous les membres du learning group ne participent pas au même degré, ceci étant imposé par le système culturel. Après, plusieurs séances de discussions, nous avons établi le diagramme de la figure 9 qui traduit la position de chaque membre du "learning group" au cours d'une prise de décision.

Nous avons évalué le nombre de fois que chaque membre du groupe a pris la parole pour faire une proposition ou pour défendre une réponse. Pour des discussions, les membres n'ont pas des positions fixes mais la tendance reste répétitive. Les femmes ont souvent l'habitude de se placer en retrait du groupe, parce que, dans la société bariba, la femme ne doit pas occuper la même place ou même se prononcer après l'homme.

Il serait opportun de rechercher des moyens pour aller au-delà de ces barrières culturelles sans créer de frustration au sein du groupe, pour une réelle participation.

A= atacorien - B= bariba - () = degré d'intervention - Trait plein = homme Trait creux = femme

B
(10%)

B
(20%)

A
(10%)

B

B
(40%)

B
(10%)

A

A

B
(10%)

B

Figure 10: Positionnement et degré d'intervention des membres du learning group

8.3.4.3 La divergence des intérêts des réseaux paysans

La dissidence dans les mouvements paysans a amené la création de divers réseaux (AGROP, FENAPRA,...). Les innovations agricoles concernent tous ces groupes et il faut

une collaboration de paysans des divers réseaux pour la mise en place de ces innovations. Dans la réalité, les pratiques varient d'un réseau à un autre, surtout au niveau des pesticides chimiques ( cf. histoire de vie 2).

Entre les paysans même, il y a des rivalités: le retrait d'un groupe de producteurs, des GV a entraîné des manques à gagner au groupement (les ristournes sont diminués parce qu'il y a une fuite des tonnages vers les nouveaux groupements, avec le départ des producteurs). Alors que c'est sur ces ristournes que fonctionnent les GV et les UCP. Le climat de dissidence qui subsiste entre les réseaux ne crée pas un environnement favorable à la collaboration entre les paysans.

Tableau 8: Analyse SWOT de la filière coton au Bénin

Paramètres

FORCES

FAIBLESSES

Techniques

- Climat des zones de forte production est propice à la culture (en moyenne 900-1 100mm, saison sèche marquée) - Terre n'est pas une contrainte

- Seule filière organisée, ce qui mobilise tous les producteurs

- Rendement assez faible surtout dans la zone-centre (ZouCollines)

- Humidité plus élevée dans la zone sud, ce qui augmente la pression parasitaire

Socio-économique

- Les recettes coton constituent une part importante des revenus dans les zones de production

- La vente est garantie aux producteurs

- Accès facile aux intrants de production

- Secteur contribue beaucoup à l'économie nationale - Participe aux réalisations socio-communautaires

- Retard dans le paiement des recettes coton aux producteurs

- Mauvaises gestions des producteurs ce qui entraîne des endettements dans les groupements villageois

- Appui insuffisant aux initiatives paysannes

- Augmentation des coûts de production

- Forte dépendance du secteur des marchés internationaux

Institutionnel

- Bonne innovation de la libéralisation/ privation

- Intégration du secteur privé dans la gestion de la filière

- Faible pouvoir de négociation des organisations paysannes vis-à-vis des autres acteurs

- Naissance de dissidence dans les groupes professionnels - Intervention des acteurs politiques qui débouche sur le non-respect des principes de la réforme

Analyse SWOT de la filière coton au Bénin (suite)

Paramètres

OPPORTUNITES

MENACES

Technique

- Potentialité pour augmenter la superficie cotonnière (terre étant disponible dans les zones de forte production)

- Augmentation des pertes de production si les IDI ne sont pas soumis à de contrôle rigoureux

Socio-économique

- Potentialité pour améliorer les services de vulgarisation à travers le Farmer Field School, les approches participatives d'identification des méthodes de contrôle des ravageurs.

- Bonnes potentialité pour la production biologique (en limitant les dommages causés à l'environnement et à la santé des producteurs).

- Baisse du prix de coton sur les marchés internationaux - Distorsion du prix au marché mondial par des subventions à la production (USA, Europe et Asie)

- Augmentation des coûts de production

Institutionnel

- Les arrangements en cours dans le secteur créent un environnement favorable à l'intégration des acteurs privés. - La libéralisation et la privatisation peuvent conduire à plus de transparence dans la gestion de la filière

- Risque de rupture d'accès aux intrants à cause de la libéralisation.

- Le non-respect de la prise de décision collective risque de miner tout le secteur

- Le retrait complet de l'Etat risque de miner tout le secteur

Source : Enquête, 2004

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo