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Les OGM face à la question de la sécurité alimentaire: controverse et dilemme

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par Jean-Paul SIKELI
Université Cocody Abidjan en partenariat avec le Centre de Recherche et d'Action pour la Paix - DESS droits de l'homme 2005
  

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CONCLUSION

En définitive, on note que les OGM mettent en cause toute une panoplie de droits de l'homme : droit  à l'alimentation, droit à un environnement sain, droit à la santé, droit du consommateur à la sécurité et à la souveraineté alimentaires, droit de participer aux prises de décision, droits des communautés locales, droit aux progrès de la science...et il est frappant de constater que certains droits entrent directement en conflit avec d'autres. En effet, les droits de propriété intellectuelle se heurtent par exemple aux droits des communautés locales, le droit aux progrès de la science butant sur l'éthique. Sans pour autant prétendre à l'exclusivité et à l'exhaustivité de la vérité sur un sujet inépuisé tel que celui des OGM, nous nous proposons de frayer les pistes de réflexion suivantes dans cette vaste forêt de confusion intellectuelle.

Privilégier une approche de solution au cas par cas

L'examen des OGM montre que cette technologie peut avoir une incidence sur une vaste gamme de produits végétaux et animaux et que ses multiples conséquences peuvent, en ce qui concerne l'agriculture, dépasser le cadre de la production alimentaire. La biotechnologie moderne, si elle se développe de façon appropriée, peut offrir de nombreux moyens nouveaux de contribuer à la sécurité alimentaire. En même temps, la rapidité avec laquelle peuvent survenir les modifications entraînées par le génie génétique peut avoir des effets encore mal connus ou inconnus sur la santé humaine et la biosphère. Toute généralisation à propos des OGM est toutefois impossible. Chaque application doit être analysée en profondeur et de façon individuelle. Il y aura moins de controverses et le débat sera plus constructif si les applications des OGM sont évaluées de façon exhaustive et transparente, et si leurs répercussions éventuelles à court et long terme sont prises en considération. Il faut donc privilégier l'approche du cas par cas dans l'évaluation des OGM.

Respecter la liberté de choix du consommateur, assurer la participation du public au débat

Durant le développement de toute technologie agricole ou alimentaire, il faut se pencher à chacune des étapes sur diverses questions et préoccupations qui vont du rendement du produit et de son intérêt économique à la sécurité alimentaire du consommateur, et à la réaction de la société. Il est important de se demander « pourquoi on procède à la mise au point d'un produit déterminé ? », « quelles sont ses utilisations » et « qui décide de son utilité ? », il faut répondre à ces questions avec la plus grande transparence. Lorsqu'il met en balance tout à fait rationnellement les risques, ou la perception qu'il en a, et les avantages perçus, le consommateur conclut qu'il n'a pas besoin d'OGM. Il en déduit qu'aucun risque ne mérite d'être pris, d'autant plus que l'utilité des OGM ne lui paraît avérée que pour les producteurs qui y trouvent la source de nouvelles rentes. Le public n'a pas été informé de façon satisfaisante de l'application de la technologie génétique à la production alimentaire et de ses effets potentiels sur la santé humaine et l'environnement.

L'inquiétude de l'opinion à l'égard des OGM est diffuse et complexe et l'analyse en est, de ce fait éminemment délicate. A l'examen, il apparaît toutefois que le terreau de cette inquiétude est parfois nourri de faits et de symboles. Le risque associé aux OGM est une chose, la conception que l'on a des OGM en est une autre. Une autre source de méfiance à l'égard de la gestion de l'innovation que constituent les OGM tient aux graves erreurs de communications sur le sujet, notamment de la part des grands semenciers. La communication des vendeurs de semences transgéniques a initialement été tournée vers leurs clients directs, à savoir les professionnels de l'agriculture, qu'il s'agissait de convaincre de l'utilité du recours aux OGM. Les semenciers ont ainsi longtemps mésestimé l'importance d'une communication à l'adresse des non-professionnels, c'est-à-dire des consommateurs finaux. Lorsqu'ils ont été conduits à rectifier le tir, ils ont invoqué des arguments inspirés d'un nouveau messianisme : vaincre la faim dans le monde, sauver l'environnement planétaire..., que l'opinion, devenue défiante, jugea suspects et interpréta comme une tentative de manipulation. Devoir de vérité oblige donc. Les questions que soulèvent les OGM débordent fréquemment le simple cadre de la science. En effet, un produit OGM, n'est pas un produit neutre, il est considéré comme l'emblème d'un choix de société, d'une vision du monde. Les attributs des produits OGM renvoient à des valeurs. Cette symbolique associée aux OGM est à la fois d'ordre culturel, éthique religieux, voire politique. Les développements alimentaires du recours à la transgénèse nourrissent d'autant plus l'inquiétude que l'identité alimentaire est un puissant vecteur de la conscience nationale. L'assiette est un repère culturel et le sentiment que « l'on ne sait plus ce que l'on mange » est déjà répandu. Ainsi que le précisait Axel KHAN, à propos des OGM, « c'est bien plus la question des valeurs que celle de la sécurité qui est posée par l'utilisation du génie génétique en agriculture». En effet le consommateur assure sa survie avec les aliments, mais en pensant qu'il devient ce qu'il mange, il construit également son identité. Comme l'a conclu Lionel Jospin lors du colloque final du 13 décembre à Paris 2000: « répondre à la question que voulons-nous manger, c'est en partie dessiner la société dans laquelle nous voulons vivre »218. La question des biotechnologies modernes, notamment des OGM renvoie à de nombreux aspects des choix collectifs de notre société : la liberté de chacun d'entre nous de choisir, et notamment de savoir ce qu'il mange ; la confiance ou la défiance de l'opinion publique dans le progrès et la recherche ou dans les institutions garantes de la sécurité sanitaire, alimentaire et environnementale ; la capacité de nos sociétés à organiser un large débat démocratique permettant de définir, dans des conditions acceptées par le plus grand nombre, des choix collectifs qui apparaissent conformes à l'intérêt collectif.

Le débat est de savoir quels risques la société décide de prendre collectivement en vue d'un plus grand bien et à quelles conditions. Il est frappant de constater de ce point de vue que la société fait jouer l'équilibre entre les risques et les bénéfices à attendre en matière d'OGM. En effet, on rencontre très peu de remises en cause des efforts de recherche menés dans le domaine des thérapies génétiques. De manière générale, l'opinion semble bien disposée  à l'égard des modifications génétiques dans le domaine médical. Le caractère génétiquement modifié d'un nombre croissant de vaccins dans les domaines médical et pharmaceutique ne suscite pas d'émotion comparable à celle constatée dans le domaine alimentaire.

Il est indispensable que les risques et les avantages soient soigneusement envisagés et que ceux qui se trouvent être les plus nombreux à y perdre c'est-à-dire les agriculteurs soient impliqués de manière très active dans le processus de prise de décision comme ça été le cas au Mali. De plus les cultures génétiquement modifiées entraînent avec elles des risques sociaux, économiques potentiels, de même que les brevets et les processus biologiques avec lesquels les compagnies parviennent à contrôler les ressources alimentaires. Cela a un impact profond sur l'agriculture et devrait être pris en compte dans l'évaluation des risques et des bénéfices. Etant donné le risque évident inhérent aux cultures génétiquement modifiées, leur diffusion devrait être envisagée avec beaucoup de prudence, or ce n'est pratiquement jamais le cas. Le problème commence avec l'absence totale d'informations concernant les OGM. En Afrique, les services de diffusion et le système éducatif manquent de compétence et de personnel formé pour informer les agriculteurs sur les OGM.

Repenser le rôle des médias

Les journalistes jouent un rôle fondamental dans la polémique sur les OGM. Les médias se font l'écho de toutes sortes de prises de décision contradictoires, de désaccords entre les chercheurs scientifiques et de déclarations trompeuses concernant les recherches effectuées, si bien que le public a de moins en moins confiance.

Il importe certainement que le débat et la diffusion de l'information s'inscrivent dans la transparence. Favorables ou défavorables aux OGM, les informations devraient passer par un filtre critique plus exigeant, ce qui contribuerait à dépassionner le débat. Si les journalistes ne disposent naturellement pas de l'expertise et des moyens matériels pour apprécier la validité des résultats scientifiques, il leur appartient nécessairement de rendre compte de façon équilibrée de la position de la communauté scientifique. Est ainsi posée la question de l'interférence entre la parole scientifique et l'amplification médiatique excessive de certaines informations par rapport à d'autres.

Impératif de développement et responsabilité des scientifiques

On a souvent affirmé qu'il fallait s'abstenir de certains développements pour protéger les générations futures. Oui mais, comment savoir aujourd'hui quelles seront les technologies de demain ? Ne risque-t-on pas, en faisant l'impasse sur une technologie de rendre au contraire les générations futures dépendantes des autres nations qui auront développé la technologie, si celle-ci rencontre un succès historique ? Que vaut cependant le devoir de recherche sans audace ? En effet, partant du principe que le risque fait partie de toute entreprise technologique, l'impératif d'audace est ce qui permet d'entreprendre librement, et c'est ce qui définit aussi l'essence de la liberté de l'homme. Les controverses scientifiques sur les OGM semblent un débat infini pour la bonne et simple raison que les questions posées par certains restent sans réponses concrètes : l'allergénécité, la toxicité des OGM, le transfert d'un gène à l'organisme, l'apparition d'insectes résistants, le flux de pollen OGM. L'innovation technologique doit privilégier le caractère concret de bénéfice qualitatif plutôt que les objectifs productivistes. La notion de progrès est en effet attachée à l'importance des apports sociaux d'une innovation, lesquels ne sont pas perçus d'emblée, s'agissant des OGM, mais méritent pourtant d'être mis en perspective et encadrés par une nécessaire régulation. Cette régulation doit viser à prévenir les dérives, dont la plus visible est l'appropriation du vivant et dont les enjeux sont mobilisateurs car porteurs de rapports de force entre les hommes. Elle doit également permettre de mobiliser l'effort de recherche au bénéfice des pays en développement et contribuer au rééquilibrage des rapports Nord-Sud. Les chercheurs sont libres de leurs recherches, dès lors que celles-ci se conforment au cadre législatif ; mais parallèlement, les citoyens sont en droit de demander des comptes à la recherche. Le droit pour le consommateur de choisir et de savoir ce qu'il mange implique l'étiquetage et la traçabilité des produits. Cela devra nécessairement passer par l'amélioration du système de diffusion de l'information scientifique. Il appartient aux scientifiques de restaurer la qualité du débat scientifique, en ne précipitant pas le nécessaire travail d'examen critique et de validation des publications.

Tenir compte de la spécificité des pays en voie de développement

Certes, les problèmes que soulèvent les OGM ne sont pas de nature différente dans les pays du Nord et les pays du Sud, mais ils seront plus difficiles à traiter dans les pays du Sud en raison précisément de leur moindre développement et de leurs valeurs culturelles. Le recours aux OGM pose aussi la question du choix par les pays africains d'une agriculture intensive reposant sur l'uniformité génétique ou une agriculture extensive. Le continent décidera de privilégier l'efficacité à court terme grâce aux OGM ou de s'inscrire dans la continuité en sachant que les résultats seront plus lents mais plus respectueux de la biodiversité. Pour M. GLASZMANN, le recours aux OGM ne devrait intervenir qu'en dernier ressort. Il faudrait chercher au maximum à valoriser la diversité naturelle des espèces utilisées et drainer des moyens vers l'exportation de la diversité génétique naturelle, « Consolidant ainsi un système de conservation des ressources génétiques, d'exploitation et d'échange qui est absolument essentiel aux agriculteurs africains »219. Encore faut-il le rappeler, les problèmes de malnutrition dans le monde proviennent moins d'une insuffisance de la production agricole globale que de situations de crise et de la faiblesse des revenus d'une partie de la population.

Peut-on transférer la transgénèse aux pays en voie développement ? Si cette question s'est posée, c'est que très souvent, les opposants ont accusé les industriels de vouloir appauvrir davantage les paysans les moins favorisés. Il importe donc de repenser le systèmes des brevets afin de préserver au mieux les droits des communautés locales. La loi modèle africaine est une louable alternative, une voie salutaire que l'ensemble des Etats sous-développés devrait emprunter.

Au demeurant, si l'exploitation des OGM devait se généraliser dans les pays du Sud, notamment en Afrique, elle devra impérativement se faire dans le respect des valeurs qui fondent nos sociétés.

Sortir de la querelle idéologique

Il importe de sortir de la sphère idéologique dans laquelle se sont enfoncés les acteurs. Très souvent, les promoteurs de l'agriculture transgénique ont eu tendance à affirmer que l'opposition aux OGM était de nature idéologique. Or ne doit-on pas également s'interroger pour savoir si la promotion des OGM est également de nature idéologique.

Avec l'étude des polémiques sur les OGM, on passe d'un discours sur l'évaluation des risques à un discours sur les valeurs. Pour ce qui concerne le discours, on passe de la démonstration à la revendication. Les ONG revendiquent la dangerosité de la technologie alors que les industriels en font la publicité. La querelle des OGM n'est sans doute pas prête de se terminer. Pourtant viendra peut-être un jour où la technologie sera banalisée. En attendant ce jour, on peut supposer que les controverses se poursuivront, faisant ainsi progresser la science. En finir avec ce débat sans fin, c'est distinguer entre discours idéologique et évaluation scientifique. Comme le souligne Dominique LECOURT, on retrouve techno-prophètes et bio-catastrophistes dans un duel. Les querelles idéologiques condamnent le discours sur les OGM, conduisent à l'impasse, et mènent directement à la violence, dont le meilleur exemple est l'arrachage des plantes transgéniques. Sortir de la querelle idéologique est un impératif car la violence n'est pas la solution dans l'Etat de droit220.

Les dix mots-clés du mémoire

Droits de l'homme - sécurité alimentaire - biotechnologies modernes - OGM - transgénèse - droits de propriété intellectuelle - biosécurité - protocole de Carthagène - loi modèle africain - principe de précaution.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote