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L'applicabilté des conventions internationales relatives au droit de l'enfant au Tchad

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par Eugène Le-yotha Ngartebaye
Université Catholique de Lyon - Master 2 Recherche Fondements des droits de l'homme 2007
  

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§2- L'épineuse question de la réalisation de l'Etat de droit

Le concept «  Etat de droit » est apparu à la fin du XIXème siècle dans la doctrine juridique allemande. Il a été considéré comme un dispositif technique de limitation du pouvoir résultant de l'encadrement du processus de production des normes juridiques24(*). Ainsi entendu au sens courant, l'Etat de droit suppose que l'Etat soit « lié par la règle juridique »25(*). Cela exige, selon Didier Boulet que « l'Etat et les collectivités publiques soient soumis au respect du droit positif au même titre que les particuliers »26(*).

Par l'Etat, on entend uniquement l'Etat au sens juridique tel qu'il est défini, par le droit interne où ses bases sont l'existence d'un territoire dans des frontières sûres et connues, une population et un système politique de nature à préserver l'autonomie d'action sur la scène internationale. La fiction présente l'Etat comme une institution voire une personne morale dotée d'une volonté propre, exerçant un contrôle politique, titulaire de droits et soumise à des obligations27(*). L' « Etat » en tant que situation dans un milieu est envisagé comme la manière d'être par le Petit Larousse28(*). C'est la situation d'un Etat qui respecte le ou les droit(s). C'est la manière dont les droits sont respectés par tous les acteurs de la vie sociale : personnes physiques ou morales, publiques ou privées.

Le droit qui n'apparaît plus comme un instrument d'action de l'Etat, c'est-à-dire de la puissance de l'Etat, s'exprime par la norme juridique et passe par l'édiction des règles obligatoires. La limitation du pouvoir par le droit réside par conséquent dans la référence aux « droits de l'Homme ». L'Etat de droit implique alors une conception des rapports entre l'individu et l'Etat.

La puissance de l'Etat trouve ses limites dans les droits fondamentaux reconnus aux individus parce que, s'il n'y a pas de limitation, l'Etat dans sa toute puissance peut « écraser » l'individu qui est substrat du pouvoir. L'Etat de droit ne tend qu'à assurer aux citoyens la protection de leurs droits et de leur statut individuel. Cette protection suppose la reconnaissance des droits et des voies de recours.

C'est ce qui distingue l'Etat de droit de l'Etat de Police qui accorde une large place à un droit purement instrumental sur lequel l'administration dispose d'une maîtrise totale sans être tenue au respect des normes supérieures qui s'imposeraient à elles, servant à imposer les obligations aux administrés, sans être en retour source de contrainte pour l'administration ; il est l'expression et le condensé de la toute-puissance administrative.29(*)

Pour Carré de Malberg « l `Etat de Police est celui dans lequel l'autorité administrative peut, d'une façon discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par elle-même l'initiative, en vue de faire face aux circonstances et d'atteindre à chaque moment les fins qu'elle se propose »30(*).

A l'Etat de Police qu'il englobe et dépasse, le Droit n'est plus seulement un instrument d'action pour l'Etat, mais aussi un vecteur de limitation de sa puissance. Aussi acquiert-il un caractère ambivalent pour l'administration à qui il permet d'agir, mais surtout en pesant en même temps sur elle comme contrainte. Par « Etat de droit », il faut entendre, selon Carré de Malberg « un Etat qui, dans ses rapports avec ses sujets, et la garantie de leur statut individuel, se soumet lui-même à un régime de droit, et cela par des règles, dont les unes déterminent les droits réservés aux citoyens, dont les autres fixent par avance les voies et moyens qui pourront être employés en vue de réaliser les buts étatiques »31(*).

Ainsi, conçu dans l'intérêt des citoyens, l'Etat de droit a pour but « de les prémunir et de les défendre contre l'arbitraire étatique ». Cela traduit un pouvoir d'agir devant une autorité juridictionnelle à l'effet d'obtenir l'annulation, la réformation ou, en tous cas, la non application des actes administratifs qui auraient porté atteinte aux droits de l'individu.

C'est dans ces objectifs que Gérard Conac affirme que l'Etat de Droit, c'est l'existence des « magistrats capables de juger l'Etat, qu'il s'agisse des actes administratifs-ce qui est le cas du conseil d'Etat...-ou qu'il s'agisse des actes et abus possibles du législateur, c'est le rôle du Conseil Constitutionnel »32(*)

Ce qui frappe immédiatement, concernant l'Etat de droit, c'est que cette notion, bien que relativement récente, jouit d'une notoriété considérable mais que chacun peut comprendre d'une façon profondément différente.33(*) Presque tous les Etats de la Communauté internationale en effet se réclament Etat de droit ; et la plupart des auteurs en vantent les mérites34(*). Jacques Chevalier observe à cet effet que « tout Etat qui se respecte doit désormais se parer de couleurs avenantes de l'Etat de droit, qui apparaît comme un label nécessaire sur le plan international »35(*).

Le concept « Etat de Droit » est un héritage de l'Allemagne bismarckienne à travers le mot « rechtsstaadt » qui devient d'usage dans la doctrine juridique allemande de la première moitié du 19ème siècle pour s'affirmer à la fin du même siècle. L'objectif majeur de l'Etat de droit est d'encadrer et de limiter la puissance de l'Etat par le droit.

La théorie de L'Etat de Droit exprime une volonté de renforcement de la juridiction d'un Etat entièrement coulée dans le moule du droit. L'Etat de droit, c'est tantôt un Etat qui agit au moyen du droit en la forme juridique, tantôt l'Etat qui est assujetti au droit, tantôt encore l'Etat dont le droit contient certains attributs intrinsèques. Il s'agit là des trois versions formelle, hiérarchique et matérielle de l'Etat de droit.

Si l'appropriation de la notion « Etat de droit » est bien ancienne en Europe Occidentale, sa prise en compte dans les régimes politiques africains a commencé à s'observer d'une manière timide au cours de la dernière décennie du 20ième siècle. Pour Jacques Chevalier, l'Etat de Droit se structure « à travers la soumission des gouvernants à la loi assortie d'un recours possible devant un juge indépendant »36(*). Cela induit l'existence d'une autorité juridictionnelle capable de sanctionner les actes administratifs qui porteraient atteinte au droit de l'individu.

D'une manière générale, l'Etat de droit renvoie à trois caractères : respect de la hiérarchie des normes, légalité des sujets devant le bloc normatif, et l'existence d'une justice indépendante.

L'existence d'une hiérarchie des normes est l'un des meilleurs remparts de l'Etat de droit. L'Etat qui lui-même est une construction juridique doit soumettre l'action des dépositaires de la puissance publique au respect scrupuleux de l'architecture normative pyramidale consacrée. Ainsi, au sommet, figure la Constitution suivie des engagements internationaux, de la loi, puis des règlements. A la base de la pyramide, nous avons les décisions administratives et les conventions entres les personnes privées.

L'Etat, tout comme un particulier, est soumis au principe de la juridicité qui rappelle, selon le professeur Maurice KAMTO, que la règle de Droit « une fois qu'elle est créée, (elle) échappe à son créateur et s'impose à lui autant qu'aux autres membres du corps social »37(*).

Tous les sujets de droit, y compris l'Etat, sont égaux devant le bloc normatif. Ici, dès lors qu'une intervention de la puissance publique se trouve en contradiction avec un principe de valeur supérieure, tout individu, toute organisation peut en contester l'application  (au Tchad, outre les voies de recours ordinaires, l'article 171 de la Constitution permet à tout citoyen de soulever l'exception d'inconstitutionnalité d'une loi devant une juridiction dans une affaire qui le concerne) sans que l'Etat puisse bénéficier d'un privilège de juridiction, ni d'un régime dérogatoire au droit commun (exception faite des actes de gouvernement qui, de part leur nature, sont exempts d'être attaqués et de ce fait, bénéficient d'une immunité totale des juridictions).

A ce propos, le Professeur Maurice KAMTO pense que « ...l'Etat ne crée pas la loi pour d'autres, mais bien pour tous y compris lui-même. Il ne pourrait appeler avec succès au respect de la loi s'il ne la respecte pas lui-même »38(*). La notion d'Etat de droit serait illusoire s'il n'existe pas de juridictions indépendantes pour trancher les conflits entre les sujets de droits dans l'application de la loi. Bien qu'il soit indispensable que le système judiciaire, dans son ensemble, soit apte à dire le droit dans les litiges administratifs et judiciaires nés des interventions de la puissance publique, il est essentiel qu'un organe unique et spécialisé soit compétent, en raison de la complexité du sujet, pour connaître du contentieux lié au contrôle de constitutionnalité. C'est la tâche confiée par la constitution tchadienne dans son titre 7 au Conseil Constitutionnel.

En somme, disons à la suite du Professeur Maurice KAMTO que la notion de l'Etat de Droit est « fondée sur la primauté du droit entendu comme un système de normes articulées, consignées par l'écriture et servi par un appareil judiciaire qui en garantit le respect »39(*).

Tel que conçu, l'Etat de droit reste une vue d'esprit en dépit de son inscription dans le préambule de la Constitution « Affirmons par la présente constitution notre volonté de vivre ensemble (...) ; de bâtir un Etat de Droit et une Nation unie fondée sur les libertés publiques et les droits fondamentaux de l'homme, la dignité humaine et le pluralisme politique, sur les valeurs africaines de solidarités et de fraternité ».40(*)Car, il n'est de doute pour personne que ni le pouvoir judiciaire ni le pouvoir législatif ne sont distincts au pouvoir exécutif au Tchad.

Tout se concentre entre les mains d'un homme, sinon entre une poignée d'individus. L'administration publique est facilement accessible à ceux qui font preuve de l'appartenance au parti au pouvoir et non de la citoyenneté tchadienne. Ainsi, un grand nombre de gouverneurs (tous des généraux nommés par le président Déby), de préfets et de sous préfets ne sont rien d'autres que les militants du mouvement patriotique du salut, le parti au pouvoir. La promotion à des postes de responsabilité n'échappe pas à cette logique. L'Etat de Droit reste une énonciation sur le papier, rien de plus.

* 24 CHEVALIER, J., L'Etat de droit, Paris, Montchrestien 2è éd, 1994, p.9

* 25 COLAS, D., L'Etat de Droit, Paris, PUF, 1987 p.146

* 26 BOUTET, D., Vers l'Etat de Droit : la théorie de l'Etat et du Droit, Paris, l'Harmattan, 1991, p.9

* 27 DUHAMEL, O. et MENY, Y. (sous dir.), Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p.412

* 28 PECHON, D. (sous dir.), Dictionnaire encyclopédique : le petit Larousse illustré 1996, p. 409

* 29 CHEVALIER J., op. cit. p.16

* 30 CARRE de MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l'Etat, 2 tomes, Paris, Sirey 1920-1922, p.488

* 31 CARRE de MALBERG cité par Chevalier, op.cit, p.16

* 32 CONAC, G. (Sous dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme, Paris, Economica, 1993, p.79

* 33 - COLAS, D. (sous dir.), L'Etat de droit, Paris, PUF, 1987, p.02

- Cahiers de philosophie politique et juridique, 1993, n°14, Presses Universitaires de Caen

- CHEVALIERr, J., L'Etat de droit, Paris, Montchrestien, 1994, p.158

* 34 On lira utilement sur ce sujet NGUELE ABADA, « Etat de Droit et démocratisation au Cameroun », Revue CADHP, vol.5, tome n°1 et 2 ; « Démocratie sans Etat : contribution à l'étude des processus démocratiques en Afrique », Revue CADHP, vol.8 tome 7, n°1, 1998 ainsi que OLINGA A D, « L'impératif démocratique dans l'ordre régional africain », Revue CADHP, vol.8, tome 8, N°1, 1999.

* 35 CHEVALIER J, Op. cit. p.7

* 36 CHEVALIER, J, « L'Etat de droit » in RDP, n°2, 1988, p.317

* 37 KAMTO M : L'urgence de la Pensée, réflexions sur une pré condition du développement en Afrique, Yaoundé, Mandara, 1993, p.104

* 38 Ibid, p.105

* 39 Ibid, p.100

* 40 Préambule de la Constitution Tchadienne du 31 Mars 1996, révisée par loi Constitutionnelle n°008/PR/2005 du 15 juillet 2005.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon