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L'applicabilté des conventions internationales relatives au droit de l'enfant au Tchad

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par Eugène Le-yotha Ngartebaye
Université Catholique de Lyon - Master 2 Recherche Fondements des droits de l'homme 2007
  

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§2- La pauvreté comme facteur favorisant le travail des enfants

Dans une vision classique, le travail de l'enfant est perçu comme un processus de socialisation par lequel l'être humain s'affirme conformément aux valeurs de sa communauté. Selon Roger Brown, à la naissance les enfants n'ont aucune conception du monde auquel ils appartiennent. Ils acquièrent des valeurs qui contribuent à leur développement.50(*)

De ce fait, la socialisation aurait un caractère déterminant sur toute la durée de la vie. Mais, si cette conception reste plus ou moins justifiée, elle est aujourd'hui remise en cause.

En effet, on observe depuis un certain temps que le travail de l'enfant revêt un caractère économique. Ceci s'explique par la situation de pauvreté que connaissent les familles tchadiennes.

La pauvreté et le travail des enfants sont des phénomènes imbriqués. Comme l'affirme Bénédicte Manier : « les liens sociologiques entre pauvreté et travail des enfants ont été clairement établis »51(*).

Les effets de la pauvreté sont surtout caractérisés par l'extrême misère des populations qui « vivent dans des conditions, tant physiques que sociales et humaines effroyables, sous- alimentation, accès à l'eau courante très difficile, voire inexistant, manque absolue d'hygiène et de lieu de scolarisation(...) le travail des enfants perpétue la misère. »52(*)

Pour faire face à cette situation, les familles nombreuses considèrent que chaque membre doit participer à l'équilibre vital du foyer tout en satisfaisant ses propres besoins. C'est ce contexte qui explique le développement du « phénomène bouvier » et « mouhadjir » qu'il convient d'approfondir.

Selon Larousse, le bouvier désigne toute 0 personne qui conduit et garde les boeufs. Un bouvier, a fortiori enfant, est surtout un acteur social travaillant contre une rémunération en nature ou en espèce (exception faite des fils d'éleveurs).

S'il en est ainsi, où réside le mal ? En effet, la pratique de bouvier fait partie des us et coutumes d'une bonne partie de la population du sud du Tchad, et plus particulièrement des agriculteurs. Ceux-ci ont en effet pour coutume de confier leurs enfants aux éleveurs nomades du Nord qui viennent au Sud à la recherche de pâturages. Cette pratique correspond à deux symboles.

D'une part, elle symbolise l'amitié que l'agriculteur tisse avec l'éleveur nomade venu du nord et représente l'hospitalité accordée. D'autre part, elle permet à l'enfant de l'agriculteur de bénéficier d'une culture nomade et d'apprendre le métier d'éleveur. Durant les années 60 à 70, période pacifique, cette pratique avait un caractère purement symbolique.

Mais depuis les troubles politiques qui ont traversé le pays, ainsi que les années de sécheresse des années 80, cette pratique de bouvier a pris un tout autre sens. Elle devient conflictuelle et source d'exploitation.

Elle ne relève plus de la volonté d'un père de former son enfant au métier de l'élevage, mais plutôt d'un recrutement massif d'enfants employés auprès des éleveurs. Elle fait intervenir les autorités publiques (les chefs de cantons, chefs de villages) et un membre de la famille pour établir le contrat moyennant une commission.

Considérant que les parents ont vendu l'enfant, l'employeur nomade assimilera plus facilement « l'employé-enfant » à un objet En général, l'enfant perd son nom d'origine et doit répondre au nom que lui attribue l'employeur. Outre la perte de son nom, l'enfant abandonne aussi sa religion. Il doit impérativement pratiquer la religion de son employeur, à savoir la religion musulmane. L'employeur devient en quelque sorte le maître de l'employé qui, contrairement au contrat initial, ne peut plus prétendre à une rémunération.

Ce phénomène se développe aujourd'hui de manière exponentielle dans une grande partie du Sud du Tchad, et plus précisément dans la région du Mandoul, du Bahr sara. Les conditions d'exercice de l'élevage n'y sont guère reluisantes. Un enfant peut avoir la garde de plus 200 à 300 têtes de boeufs, et ce quelque soient les conditions climatiques. Il n'a le droit qu'à un repas par jour à la nuit tombante, mais seulement s'il n'a pas commis de faute dans la journée. Si le phénomène connaît un regain de vitalité dans les zones rurales, en ville c'est la mendicité, connue sous le nom de « mouhadjir », qui sévit. Sébile en main ou pendu au cou à l'aide d'une corde, en groupe ou seuls, les enfants « mouhadjirine », ces élèves de l'école coranique, se rencontrent dans les rues, sur les places des marchés, devant les mosquées, les institutions bancaires, etc. Malgré la noble intention des géniteurs de leur procurer une solide formation religieuse, certains enfants, à cause de leur condition de vie, risquent de devenir des cas sociaux.

Le terme « mouhadjirine » est un mot arabe. C'est le pluriel de « mouhadjir » qui signifie émigrant, migrant, ou exilé. Ce sens étymologique ne diffère pas du sens que le mot a pris en Islam. Historiquement, les « mouhadjirine » sont les fidèles du Prophète Mohammed qui, au VIème siècle, ont accepté de s'exiler avec ce dernier de la Mecque ou en Abyssinie, actuelle Ethiopie, à la suite des persécutions qu'ils subissaient du fait d'avoir embrassé l'islam dans le monde des idolâtres qu'était la Mecque.

Depuis lors, ce mot a pris une dimension religieuse. Il désigne ceux qui quittent leur territoire à la recherche des enseignements islamiques. Mais au Tchad la désignation de mouhadjirine est devenue péjorative et a été dénaturée par rapport à son sens premier, religieux et noble. Ce détournement de sens a eu lieu pour plusieurs raisons propres au pays. Certains enseignants, contrairement à ceux qui se font payer par les parents d'élèves, acceptent de dispenser des cours aux enfants sans contrepartie financière. Ils posent comme condition de pouvoir se déplacer avec les enfants en dehors de leur milieu naturel, loin des parents.

Le plus souvent, ces enseignants des villages viennent s'installer en ville, prétextant la recherche d'une occupation parallèle à l'enseignement. Les parents qui connaissent des situations d`extrême pauvreté fuient leurs responsabilités et se cachent derrière l'obligation religieuse pour se décharger de leurs enfants.

Profitant de cet état, les marabouts cupides n'hésitent pas à exploiter les enfants qui leur sont confiés. Ils les font mendier et les engagent auprès des structures contre rémunération. Au lieu de leur apprendre le coran, les marabouts les font enrôler dans les contrebandes de marchandises en provenance de Kousseri au Cameroun voisin.

Il est de coutume que le mouhadjir apporte sa contribution journalière à son enseignant. Mais de nos jours la situation devient paradoxale lorsque chaque matin avant de prendre la route, le marabout fixe le montant que l'enfant doit ramener sous peine de représailles. Ces enfants vivent chaque jour dans des situations peu enviables car ils se livrent à toutes sortes de travaux pour ne pas s'exposer à la sanction du maître, la flagellation. Cette situation les conduit le plus souvent à quitter le marabout pour se retrouver dans la rue. Le « mouhajir » sort donc du cadre pour lequel il a quitté sa famille et devient un enfant de la rue. Nous sommes dans « un monde qui dévore ses enfants »53(*).

Qu'il s'agisse de la violence politique, de la réalisation de l'Etat de droit ou encore de la pauvreté, il apparaît après analyse que le contexte tchadien représente un obstacle à la traduction des mesures de protection de l'enfant.

* 50 BROWN, R.., Social psychology, New york, Free Press, 965p

* 51 MANIER, B., Le travail des enfants dans le monde, Paris la Découverte, p32

* 52 GODART, P., Contre le travail des enfants, Strasbourg, Desmarets, 2001, p58

* 53 BRISSET, C., Un monde qui dévore ses enfants, Paris, Liana Lévi, 1997,173p

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus