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Le droit des communauté à  un environnement sain

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par Boris TCHOMNOU
Université de Limoges - Master II 2006
  

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CHAPITRE II :

IMPLICATION DES COMMUNAUTES FORESTIERES DANS

L'EXPLOITATION DES RESSOURCES FORESTIERES.

Suite à l'évolution des idées et des politiques forestières et surtout aux pressions des institutions financières internationales (IFI), les pays d'Afrique Centrale ont au cours des années 1990 entrepris des réformes législatives en vue de se doter d'un cadre juridique -loi ou code forestier-, nouveau ou rénové relatif à la gestion des ressources forestières. En règle générale, les ressources forestières sont considérées comme un bien d'intérêt national dont la conservation et l'exploitation doivent être assurées par une gestion rationnelle, équilibrée et durable à même de garantir à long terme la sauvegarde de l'environnement et la satisfaction des besoins des populations en général et en particulier des populations forestières. Or, ce but ne peut être effectivement atteint que par la participation « des collectivités locales, la population autochtone (...) les habitants des forêts (...) à la planification, à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques forestières nationales »; (principe 2-d de la déclaration de Rio sur les forêts).

Les législateurs de la sous- région d'Afrique Centrale l'ont bien compris car, après avoir reconnu aux communautés forestières leur droit à un environnement sain, ils ont envisagé la mise oeuvre de ce droit à travers leurs législations forestières respectives, par l'implication des communautés forestières dans l'exploitation des ressources forestières. Dés lors, restent posées les questions suivantes : L'implication des communautés forestières dans l'exploitation des ressources forestières pourra-t-elle atténuer ou stopper les activités forestières et commerciales engendrant la pauvreté, la dégradation des forêts et la diminution des droits des populations riveraines ou habitants des forêts sur des forêts ? Aussi, comment s'assurer que les bénéfices tirés de l'exploitation forestière seront répartis de façon équitable sur le long terme entre les sociétés privées, l'Etat et les populations forestières ? La solution à ces préoccupations exige sinon des changements radicaux dans l'équilibre des pouvoirs, du moins l'implication des populations forestières aussi bien dans l'élaboration (section 1) que dans l'exécution (section 2) des modalités d'exploitation des ressources forestières.

Section I : Implication des communautés forestières dans la conception des modalités d'exploitation des ressources forestières.

La participation des communautés forestières au processus décisionnel, a une vocation particulièrement écologique avant d'être socio-économique62(*). Ainsi, conscients de la nécessité de mettre un terme au monopole de l'Etat sur les forêts dans l'intérêt même de celles-ci, les législateurs de la sous région d'Afrique Centrale optent de plus en plus pour la promotion des formes de gestion forestière locale et participative. En effet, cela s'est traduite par la mise en place des normes appropriées. Il ne s'agira pas cependant ici de rendre compte de tous les aspects de ces législations mais, seulement d'examiner ceux qui ont un lien direct ou immédiat avec l'implication directe (§ 2) et indirecte (§ 1) des populations forestières dans l'élaboration des modalités d'exploitation des ressources forestières.

§1 : Implication indirecte des communautés forestières dans le processus décisionnel

A la faveur de l'avènement de la démocratie participative, les communautés forestières sont désormais consultées pour l'adoption des politiques de gestion rationnelle et durable des ressources forestières. Ainsi, la quasi-totalité des législations forestières d'Afrique Centrale prend-elle en compte l'intérêt desdites communautés aussi bien dans la phase de classification des forêts (A) qu'à travers l'adoption des plans d'aménagement(B).

A : Le classement des forêts.

Il ressort de l'article 2 de la loi Camerounaise du 20 janvier 1994 que les forêts sont des « terrains comportant une couverture végétale dans laquelle prédominent les arbres, arbustes et autres espèces susceptibles de fournir des produits autres qu'agricoles ». Mais, la définition que donne l'article 1 (a), (b) de la loi de la RDC du 29 août 2002, à la forêt nous semble plus extensive et détaillée63(*). Il ressort de ces différentes définitions que la forêt joue un rôle indispensable dans le processus de maintien de la vie. A cet égard, les ressources forestières se doivent d'être conservées et exploitées non seulement durablement mais, aussi avec la participation des populations riveraines. C'est dans cet optique que la plupart des textes forestiers africains ont prévu l'implication des communautés forestières dans la procédure de classement des forêts. En effet, l'on entend par classement, l'ensemble des règles et procédures ayant pour objet de préciser les conditions d'exercice des droits de toute nature, en particulier des droits d'usage sur des périmètres définis et délimités à la suite d'opérations techniques menées par l'administration. Mais avant d'étudier les diverses phases de classement. Il convient de relever que l'inventaire des lois forestières des pays d'Afrique Centrale laisse apparaître deux principaux domaines forestiers : D'une part, le domaine forestier permanent encore appelé forêt classée, qui est constitué de terres définitivement affectées à la forêt et ou à l'habitat de la faune64(*). Et sont considérées comme relevant de ce domaine, les forêts de protection, les forêts de production, les forêts de récréation et les aires protégées pour la faune tels que les parcs nationaux; ( loi camerounaise, art.24 al.1; loi RDC, art.12). D'autre part, le domaine forestier non permanent, encore dit forêt protégée, est constituée de terres forestières susceptibles d'être affectées à des utilisations autres que forestières; (loi Cameroun, art.20 al.3; loi RDC, art.20). Font parties de cette catégorie, les forêts communautaires, les forêts des particuliers.

A présent, quelles sont donc les étapes de la procédure de classement des forêts impliquant les populations riveraines ? Deux phases retiendront notre attention : L'étude d'impact social du projet de classement ou de déclassement (1) et l'enquête publique (2).

1 : L'étude d'impact social du projet de classement.

L'étude d'impact est d'une très grande utilité dans le secteur forestier. Les principes forestiers de Rio de 1992 énoncent : « les politiques nationales devraient prévoir la réalisation d'études d'impact sur l'environnement (...) », (principe 8-h). Bien que cette obligation ne figure pas explicitement dans les législations forestières des pays d'Afrique Centrale comme un préalable à tout projet de classement, elle peut résulter de la législation environnementale. Au Cameroun, les projets de développement susceptibles de causer des perturbations au milieu forestier sont soumis à une étude préalable de leur impact sur l'environnement; (Loi, art.16 al.2). Le code forestier gabonais prévoit pour sa part que l'implantation de toute industrie forestière sur le territoire national doit faire l'objet d'un plan d'industrialisation comportant une étude d'impact; (art.226). L'étude d'impact n'incorpore pas seulement les valeurs environnementales dans le processus décisionnel, y sont également pris en compte les aspects sociaux. Ainsi, la loi du Congo Brazzaville, (art.25) et le projet de loi du Tchad, (art.25), exigent que l'étude évalue non seulement les impacts sur l'environnement naturel, mais analyse également les répercussions sociales, les retombées concrètes sur les conditions de vie des populations riveraines ou vivant dans la forêt à classer.

Généralement menée par l'administration forestière avec le concours d'autres intervenants, notamment des communautés villageoises, l'étude d'impact s'appuie sur les données techniques (photographie du périmètre à classer) et se matérialise par une descente sur le terrain, la reconnaissance des droits coutumiers exigeant les contacts avec les populations.

2 : L'enquête publique.

Nombre de lois forestières examinées associent les populations riveraines aux procédures de classement des forêts. Ainsi, la loi du Congo Brazzaville prescrit une enquête auprès des représentants des populations locales préalablement au classement des forêts. A l'issue de cette consultation, les populations sont informées du projet de classement et les personnes qui revendiquent des droits sur les terres à classer les font valoir; (art.15 à 17). La loi gabonaise va dans le même sens lorsqu'elle dispose que « (...) l'administration procède en collaboration avec les représentants des villages limitrophes à la reconnaissance du périmètre à classer et des droits d'usages coutumiers ou autres s'exerçant à l'intérieur de ce périmètre »65(*). Les autres lois forestières fondées sur une approche participative, prévoient logiquement d'associer les communautés forestières aux diverses phases de classement et de déclassement des forêts, leur reconnaissant par-là, le droit d'être consultées et impliquées dans le processus de prise de décision concernant leur environnement immédiat : (Loi centrafricaine de 1991, art.63 à 67; projet de loi tchadien, art.19).

Par ailleurs, le délai de l'enquête court à partir du jour d'affichage ou de communication à la radio. C'est dès cet instant que les populations peuvent faire des oppositions ou des réclamations auprès des autorités administratives territorialement compétentes. Cette phase de la procédure de classement est d'un intérêt majeur; elle renforce la participation des populations au processus décisionnel et leur offre la possibilité de mieux faire comprendre et tenir compte de leur intérêt66(*). Cependant, cette opportunité pourrait se heurter à des limites tenant d'une part, à l'inadéquation des moyens de publicité, les populations concernées étant généralement analphabètes; d'autre part, à l'absence de garantie de libre expression de ces populations.

L'acte de classement détermine le statut de la forêt classée. Ainsi une forêt classée fait partie du domaine privé de l'Etat et par conséquent est inaliénable. Toutefois, toute forêt classée ne peut faire l'objet d'une exploitation légale que s'il lui a été élaboré au préalable un plan d'aménagement.

B : L'aménagement forestier.

L'aménagement forestier, précise l'alinéa 4 de l'article 1 de la loi du 29 août 2002 de la RDC, est un « ensemble des opérations visant à définir les mesures d'ordre technique, économique, juridique et administratif de gestion des forêts en vue de les pérenniser et d'en tirer le maximum de profits ». Il suppose dès le départ un minimum de planification à travers l'élaboration d'une politique forestière indiquant dans ses grandes lignes, l'orientation que l'Etat ou tout autre propriétaire de forêt entend donner à son espace forestier. Sa réalisation impliquant la participation des communautés riveraines s'opère en deux étapes au moins : L'inventaire forestier (1) et le plan d'aménagement (2).

1 : L'inventaire forestier.

L'inventaire forestier constitue un préalable à l'exploitation de toute forêt quel que soit son statut, c'est du moins ce qui ressort de la loi camerounaise, (art. 40 al.3); et de la loi RDC, (art.65). En effet, l'inventaire consiste en un recensement des ressources forestières. Tout dépend cependant des éléments que l'on choisit d'inventorier dans une forêt et des moyens dont on dispose à cette fin. Ainsi, pour un même massif forestier, il peut y être réalisé plus d'un type d'inventaire. Généralement, on distingue d'une part, L'inventaire en vue d'une exploitation immédiate: il concerne les seuls arbres de grand diamètre, un nombre limité d'essences utiles; d'autre part, L'inventaire en vue d'un aménagement; il est basé sur la valeur d'avenir des peuplements existants et comprend, outre les essences d'un intérêt commercial immédiat.

L'inventaire doit permettre de déterminer le volume des bois exploitables, fournir les données sur l'accessibilité, tenir compte des besoins des populations et procéder à une évaluation des produits de la forêt autres que le bois. En d'autres termes, L'inventaire doit permettre : d'évaluer quantitativement et qualitativement les peuplements forestiers, de localiser les ressources par l'élaboration des cartes forestières, enfin de concilier l'exploitation des forêts avec les exigences de la protection de l'environnement et de la biodiversité en vue d'un développement durable; (loi Guinée Équatoriale, art.2; Loi Congo Brazzaville, art.1, 45 et 46; code forestier du Gabon, art.55).

Après L'inventaire des ressources forestières, l'exploitant forestier ou le concessionnaire doit élaborer soit un plan de gestion pour une forêt communautaire ou forêt protégée, soit un plan d'aménagement pour une forêt de production ou forêt communale.

2 : Le plan d'aménagement ou plan simple de gestion.

L'un des traits communs des lois et codes forestiers des pays d'Afrique Centrale est qu'ils prescrivent tous l'adoption d'un plan d'aménagement comme préalable à toute exploitation forestière ; (RDC, loi, art.71 ; Cameroun, loi, art.29, 95).Le plan d'aménagement forestier est défini par l'alinéa 10 de l'article 1 de la loi de la RDC comme « un document contenant la description, la programmation et le contrôle de l'aménagement d'une forêt dans le temps et dans l'espace ». La quasi-totalité des textes forestiers étudiés l'exigent particulièrement pour l'exploitation des forêts classées; qu'elles soient concédées ou non (code gabonais, art.20 ; loi de RDC, art.71 à 76 ; loi camerounaise, art.29, 31). Toutefois le degré d'implication des populations forestières n'est pas le même selon qu'il s'agit de l'adoption d'un plan d'aménagement des UFA ou selon qu'il s'agit de celle d'une forêt communale. Ayant une vocation purement écologique, le plan d'aménagement des UFA vise à pérenniser le couvert forestier et exclut ainsi toute activité agricole, il restreint aussi les droits d'usage des populations locales afin de diminuer les risques de surexploitation des ressources forestières ; Ce qui n'est pas nécessairement le cas pour les forêts communales. Si l'exploitation forestière des forêts communales s'effectue selon le modèle standard de l'aménagement des UFA, la participation des populations forestières à l'élaboration du plan d'aménagement des forêts communales67(*) est cruciale. Ici, il n'est plus possible pour le maire de se contenter comme c'est généralement le cas pour l'aménagement des UFA, d'enquêtes socio-économiques superficielles dressant un vague panorama des populations résidentes et de leurs usages forestiers. En effet, les populations riveraines participent à la mise en oeuvre de la forêt communale de trois manières successives : la réunion d'information sur les limites de la forêt communale, la prise en compte des usages locaux dans le plan d'aménagement et la création d'un comité consultatif dans le cadre de la gestion décentralisée et participative des ressources forestières. Une fois la forêt communale classée, les populations riveraines sont consultées par le biais d'enquêtes socio-économique pour identifier et localiser les usages qui s'y sont pratiqués. L'exemple de la forêt communale camerounaise de Dimako, classée en 2001 et située dans la province de l'Est, est à cet égard très illustratif ; Les activités qui y sont pratiquées par la population riveraine portent sur la cueillette des plantes médicinales, la collecte de fruits, la collecte de bois de feu, la chasse et la pêche, l'agriculture itinérante sur brûlis, les cultures pérennes (café cacao palmier).

Onze ans après la création des forêts communales au Cameroun, il apparaît que ce mode particulier de gestion forestière décentralisée n'a pas atteint ses objectifs. L'implication des populations dans cet aménagement reste largement superficielle et l'impact économique d'une telle valorisation des ressources forestières suscite des tensions sociales souvent vives. Ce constat plutôt pessimiste ne doit cependant pas cacher les avancées réelles permises par cette modalité nouvelle d'exploitation de la forêt. D`une part, même si le maire conserve un pouvoir de décision important, il reste l'élu du peuple et doit considérer au moins en partie leur aspiration et leur revendication. Ce n'est pas forcément le cas avec l'administration ou avec les sociétés forestières privées qui gèrent encore la majorité des concessions forestières en Afrique Centrale. D'autre part, la gestion forestière décentralisée permet d'instaurer de nouvelles structures de décisions.

Si l'implication indirecte des communautés forestières dans la conception des modalités d'exploitation des ressources forestières vise en première instance la protection de la forêt contre l'exploitation anarchique voire illégale, il convient de retenir que cela concourt en seconde instance à la mise en oeuvre de leur droit à un environnement sain. Qu'en est-il à présent de leur implication directe dans l'adoption des modalités d'exploitation de la forêt ?

§ 2 : Implication directe des communautés forestières dans le processus décisionnel.

Les mouvements de démocratisation qui ont marqué les pays africains en général et ceux d'Afrique Centrale en particulier au début des années 90, ont favorisé la responsabilisation et l'implication directe de la société civile dans le processus décisionnel. Sur le plan forestier, une telle évolution a interpellé les législateurs à impliquer les populations riveraines dans la gestion des forêts, en particulier dans l'exploitation des forêts situées dans leur sphère traditionnelle d'influence. Ainsi dans la quasi-totalité des pays de la sous région, les communautés villageoises riveraines participent directement dans la reconstitution, le reboisement des forêts (A) et dans la création à leur profit des forêts communautaires (B).

A : La reconstitution des forêts.

« La reconstitution de forêt est une opération consistant à rétablir le couvert forestier soit par le reboisement et ou la régénération naturelle », stipule l'article 1 alinéa 13 de la loi RDC du 29 août 2002. En effet, dans le souci de freiner la diminution des espaces forestiers, certaines lois stipulent que tout défrichement doit être accompagné d'un reboisement ; (Loi Congo Brazzaville, art.32 ; loi RDC, art.77 ; loi Cameroun, art.17, 19). Cette compensation est destinée à maintenir la superficie forestière globale à l'échelon national et à favoriser la régénération des ressources forestières dont l'utilité économique, nutritionnelle et sociale pour les peuples forestiers en particulier n'est plus à démontrer. Aussi, l'article 78 de la loi RDC consacre t-elle l'implication des communautés locales dans la reconstitution des forêts en ces termes : « la reconstitution des ressources forestières incombe (...) aux communautés locales ». Pour ce faire, certaines lois forestières ont prévu des mesures incitatives : c'est notamment le cas de la loi RDC art.79 qui interpelle l'Etat congolais d'encourager l'implication des communautés locales dans les opérations de reboisement ; La loi camerounaise pour sa part stipule que « des mesures incitatives peuvent en tant que de besoin, être prises en vue d'encourager les reboisements (...) par les particuliers » (art.19). Ainsi le décret camerounais n°85-1168 du 23 août 1985 institue une prime à la création des plantations nouvelles de caféiers, de cacaoyers et d'essences forestières. Cette prime dont le montant est fixé à 200 000 fcfa par hectare crée, vise « le reboisement en essences forestières en vue de lutter contre la déforestation » (art.2 parag 2). Pour prétendre au bénéfice d'une telle prime, l'exploitant doit réaliser une plantation dont la superficie est au moins égale à 5 hectares d'un seul tenant et en culture pure, à l'exclusion des plantes d'ombrage68(*) (art.3 et 4).

L'implication directe des communautés riveraines ne se limite pas seulement à la reconstitution des forêts ; elle est même plutôt plus manifeste lors de la procédure de création des forêts communautaires.

B : La création de forêts communautaires.

Le transfert des pouvoirs de gestion de l'Etat aux communautés riveraines, locales autochtones ou vivant dans un massif forestier, est de plus en plus consacré par les lois forestières des pays de la sous région d'Afrique Centrale : (Cameroun, loi, art.37 al.1 ; Gabon, loi art.156 ; RDC, loi, art.22). En effet, ces lois forestières mettent les communautés forestières en position de demandeurs ; selon le décret camerounais n°95/531 du 23 août 1995, fixant les modalités d'application du régime des forêts, la communauté désireuse de gérer une forêt communautaire doit au cours d'une réunion de concertation, désigner un responsable de la gestion et définir les objectifs et les limites de la forêt en question. (art.28). La loi gabonaise de son côté, énonce que « la demande de création d'une forêt communautaire est présentée au chef de l'inspection provinciale des eaux et forêts de la zone concernée accompagnée :-d'un procès-verbal de l'organe représentatif de la communauté et d'un plan de la situation de la forêt sollicitée». (Art.162).

L'octroie des droits et de responsabilités aux communautés riveraines ou autochtones pour la gestion des forêts soulève plusieurs interrogations dont les principales sont : Comment résoudre les conflits d'intérêts pouvant surgir entre communautés villageoises ou entre celles-ci et l'Etat ou encore entre elles et d'autres concessionnaires de nationalité étrangère ? Quels peuvent être la portée et le but d'une telle gestion communautaire ?

En fait, pour prévenir les conflits éventuels entre villages voisins le législateur camerounais a prévu que toute forêt susceptible d'être érigée en forêt communautaire doit être attribuée en priorité à la communauté riveraine la plus proche ; et lorsqu'une forêt est limitrophe de plusieurs communautés, elle peut faire l'objet d'une convention de gestion collective. (art.27 (3)).

Les documents contractuels (convention de gestion et plan simple de gestion) revêtent une portée particulière : Ces documents ne sont pas imposés aux communautés forestières, mais négociés avec elles69(*). La loi camerounaise qui sert de valeur d'exemple en la matière précise, qu'ils sont établis « à la diligence des intéressés ». (art.37 al.2). De plus, cette gestion communautaire accorde une autonomie de gestion certaine aux communautés forestières car, « dans la mise en oeuvre de la politique forestière, les communautés et les villages sont des partenaires du service forestier, non ses auxiliaires »70(*).

Les communautés forestières participent ainsi à l'élaboration des politiques d'exploitation forestière. Reste dès lors posée la question, de leur implication dans l'exécution des modalités d'exploitation des ressources forestières.

Section 2 : Implication des communautés forestières dans l'exécution des modalités d'exploitation des ressources forestières.

La mise en oeuvre du droit de l'homme à l'environnement se traduit aussi par l'implication de tous les acteurs et notamment des populations riveraines des massifs forestiers dans l'exploitation des ressources forestières. Nous avons déjà envisagé la participation des communautés forestières à l'élaboration des conditions préalables à toute exploitation forestière. Reste à présent la question de l'exploitation proprement dite des ressources forestières impliquant la population; que celle-ci soit locale, autochtone, riveraine ou vivant dans la forêt. C'est ici que la problématique de la reconnaissance des droits des populations et communautés riveraines se pose avec acuité. En effet, si d'évidence la participation et l'implication des populations riveraines dans la gestion des ressources forestières constituent la raison d'être des forêts et des zones de chasse communautaires (§1), il demeure aussi vrai que leur droit d'usage ou bien certains avantages leur sont reconnus à l'occasion de l'exploitation commerciale ou industrielle des ressources forestières § (2).

Par ailleurs, ces deux préoccupations traduisent à coup sûr les trois objectifs71(*)poursuivis par l'exploitation participative et durable des ressources forestières. Tel est aussi l'un des traits communs aux législations forestières des pays de la sous région d'Afrique Centrale.

§ 1 : L'exploitation des forêts et des zones de chasse communautaires au titre des droits d'usage.

Le développement de la foresterie communautaire amorcée au Cameroun en 1994 et entérinée par les autres pays de la sous région, demeure un processus incontournable pour la gestion durable des forêts et de la lutte contre la pauvreté. En effet, la loi camerounaise aborde l'exploitation des forêts communautaires en ces termes : « L'exploitation d'une forêt communautaire se fait pour le compte de la communauté en régie, par vente de coupe, par autorisation personnelle de coupe ou par permis, conformément au plan de gestion approuvé par l'administration »72(*). Aussi les communautés villageoises exercent-elles sur leurs forêts et leurs établissements aquacoles tous les droits résultant de la propriété. (art.7, loi camerounaise.).

Dès lors, 12 ans après l'adoption de la nouvelle loi forestière du Cameroun, instituant entre autres les forêts communautaires, on est en droit de se poser la question de savoir, si les forêts communautaires ont-elles réellement permis aux populations d'accéder aux ressources forestières ainsi qu'aux retombés de leur exploitation. C'est ici que la problématique de la reconnaissance du droit d'usage se pose en particulier en ce qui concerne l'exploitation traditionnelle ou domestique des produits forestiers du domaine forestier non permanent et exceptionnellement des forêts classées. Il convient donc d'analyser successivement la notion du droit d'usage (A) et ses dérivés (B).

A : La notion du droit d'usage.

Le droit d'usage pourrait être considéré comme un droit naturel dans la mesure où les populations forestières les détiendraient de la nature, du seul fait de vivre dans la forêt et d'en dépendre exclusivement pour leur subsistance. Avant l'avènement du droit colonial, l'usage des produits forestiers apparaissait naturel et s'exerçait sans entrave sauf dans les bois sacrés. Mais, depuis l'instauration du droit colonial au détriment des coutumes, l'usage forestier s'apparente alors à une servitude réelle, discontinue et non apparente qui confère à celui qui l'exerce le droit d'exiger, pour ses besoins et à raison de son domicile, certains produits de la forêt. Il convient pour une bonne compréhension de la notion du droit d'usage d'esquisser une définition (1) et de déterminer sa nature (2).

1 : Définition du droit d'usage.

La plupart des lois forestières de la sous région consacrent les droits d'usage et les définissent tantôt de façon plus ou moins libérale (loi de la RDC, art.36; loi gabonaise, art.252.), tantôt de façon restrictive (loi camerounaise, art.8). De manière générale, ce sont des droits coutumiers que les populations vivant traditionnellement à l'intérieur ou à proximité du massif forestier, peuvent exercer en vue de satisfaire leurs besoins en produits de la forêt. En d'autres termes, ce sont des droits destinés à satisfaire uniquement les besoins des populations riveraines en produits forestiers, sans que ceux-ci puissent être commercialisés par les usagers. (Loi Congo Brazzaville, art.42; projet de loi tchadien, art.65; décret d'application du régime des forêts au Cameroun de 1995, art.26.al.2).

2 : Nature du droit d'usage.

En Afrique Centrale, l'exemple de la loi camerounaise mérite d'être noté en ce qui concerne l'exploitation forestière. En effet, l'art.7 qui détermine le statut d'appropriation des forêts, désigne de manière limitative les différents propriétaires. Cet article reconnaît aux communautés villageoises tous les droits résultant de la propriété; Ainsi le droit d'usage considéré comme une servitude réelle et non personnelle, est bel et bien l'un des démembrements du droit de propriété. En effet, dans les sociétés traditionnelles africaines, l'occupant du sol n'a sur celui-ci qu'un simple droit d'usufruit, c'est-à-dire le droit d'user du sol et d'en récolter les produits sans pouvoir en disposer. Les usages forestiers sont calqués sur la nature de ces régimes fonciers dans lesquels il n'est pas question de droit de propriété pour les individus.

Comme l'usufruit, l'usage est un démembrement de la propriété. Mais un démembrement qui n'engendre au profit de l'usager aucun droit de copropriété. Cette théorie des droits d'usage connaît quelques difficultés dans son application en Afrique. En réalité, l'Etat étant généralement le propriétaire de la forêt domaniale et ou «  naturelle », les usagers sont naturellement tentés d'accroître le contenu de leurs droits d'usage et finissent par se comporter en propriétaires du sol dont ils ont déjà une partie du fruit; qui plus est, au Cameroun, la législation foncière et domaniale admet la propriété privée sur la terre tandis que la législation forestière considère en revanche que la « forêt naturelle » est un patrimoine national et ne saurait faire l'objet d'une quelconque appropriation privée. L'on peut bien par conséquent se demander comment peut-on disposer de la terre sans forêt.

B : L'exercice du droit d'usage.

L'exercice du droit d'usage en matière forestière dégage une certaine spécificité. Cette spécificité a trait aux caractéristiques (1) et à la classification (2) des droits d'usage.

1 : Ses caractéristiques.

Les droits d'usage laissent apparaître dans leur exercice trois caractéristiques :

D'abord, ce sont des droits d'autoconsommation. Ils sont strictement destinés à la satisfaction des besoins familiaux et domestiques des usagers. L'article 37 de la loi de la RDC précise que « la commercialisation des produits forestiers prélevés au titre des droits d'usage n'est pas autorisée (...) ».

Ensuite, ce sont des droits gratuits; Les usagers reconnus ont un libre accès aux produits forestiers et peuvent exercer toutes les activités entrant dans le cadre de ces droits sans fournir une contrepartie pécuniaire. (art.22 parag.2 de la loi RDC).

Enfin, ce sont des droits limités et situés. Son étendu varie en fonction du statut de la forêt en présence. Ils s'exercent par « les populations riveraines » (loi camerounaise, art.8) ou « vivant dans les forêts » (loi de la RDC, art.36), du domaine national. Au Cameroun par exemple ces droits consistent à l'accomplissement à l'intérieur de ces forêts des activités traditionnelles de collecte des produits forestiers secondaires (en l'occurrence, le raphia, le palmier, le bambou, le rotin ou les produits alimentaires); (art.26, décret n°95/531), à l'exception des zones mises en défens73(*). Dans les forêts classées, en revanche, l'exercice des droits d'usage est rigoureusement réglementé voire interdit. Lorsqu'ils sont admis, les droits consistent essentiellement dans le ramassage du bois mort et la récolte de fruits et des plantes alimentaires, médicinales ou à usage religieux. (Projet de loi tchadien, art.69; loi de la RDC, art.39). Au Cameroun, ces droits peuvent être limités s'ils sont contraires aux objectifs assignés aux forêts du domaine permanent. Dans tous les cas, les populations autochtones bénéficient d'une compensation selon des modalités fixées par décret; (loi, art.26). Le code forestier gabonais pour sa part, reconnaît aux communautés villageoises, dans le but d'assurer leur subsistance, la jouissance de droits d'usage coutumiers selon les modalités à déterminer par voie réglementaire; (art.14).

2 : Classification des droits d'usage.

Six types de droits s'exercent au titre des droits d'usage :

Le droit de cueillette; Il concerne la récolte des produits forestiers de saison tels que les fruits, les plantes alimentaires et médicinales; mais aussi le ramassage des champignons.

Le droit de saignée; c'est un droit primitif qui consiste principalement en la récolte du vin de raphia, de palme ou de rônier. Il porte aujourd'hui en plus sur certaines cultures de rentes tels que l'hévéa.

Le droit de coupe; Il consiste en l'abattage des arbres et arbustes nécessaires à la construction des habitations et au bois de feu.

Le droit de chasse et de pêche; Il concerne le prélèvement des ressources fauniques et halieutiques suivant des méthodes traditionnelles afin de fournir aux populations concernées des aliments riches en protéine animale.

Le droit de parcours; C'est le droit d'élevage des petits troupeaux en milieu forestier, un tel droit pouvant avoir quelquefois des effets néfastes sur la flore notamment en raison de l'ébranchage.

Le droit de culture; C'est le droit à une activité agricole en milieu forestier. Cette activité étant considérée aujourd'hui comme l'une des principales causes de la déforestation en Afrique en raison du défrichement et du déboisement pour la culture des cacaoyers et des caféiers plutôt que d'essences forestières.

L'exercice du droit d'usage n'est pas absolu. Dans la sous région, les ministres en charge de la forêt peuvent le suspendre temporairement ou définitivement en cas de nécessité. De nombreuses garanties entourent toutefois ces restrictions : Non seulement elles doivent être décidées en concertation avec les populations, mais ces restrictions doivent par ailleurs être soumises à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique dont la formulation négative atteste qu'il s'agit bien d'un droit qui ne peut être remis en cause qu'après une juste et préalable indemnité. (art.8 al.2 de la loi camerounaise).

L'implication des communautés forestières dans l'exécution des modalités d'exploitation forestière vise non seulement la protection de l'environnement, l'exploitation durable des forêts, mais aussi et surtout l'amélioration de leur condition et de leur cadre de vie. Or ce bien-être peut-il s'accomplir à travers l'exploitation commerciale et industrielle des ressources forestières ?

§ 2 : L'exploitation commerciale et industrielle des ressources forestières.

La recherche du mieux-être des populations, ou mieux, la lutte contre la pauvreté ambiante dans la sous région d'Afrique Centrale via l'exploitation commerciale ou industrielle des ressources forestières, constitue à l'évidence, l'un des objectifs visés par les récentes lois forestières des pays de la sous- région.

En effet, l'exploitation commerciale de la forêt se définit comme toute activité faite dans un but lucratif et relative à l'achat, la vente, l'importation et l'exportation des produits forestiers. En Afrique Centrale, la question de l'exploitation est abordée à travers la définition des produits forestiers pouvant être exploités. On peut d'abord évoquer l'exemple de la loi camerounaise qui stipule : « les produits forestiers sont essentiellement constitués (...) de produits végétaux ligneux et non ligneux, ainsi que des ressources fauniques et halieutiques tirées de la forêt »74(*) . Il faut tout de même retenir que le législateur camerounais a prévu à côté de ces produits forestiers un certain nombre d'autres produits. Ceux-ci qualifiés de spéciaux, regroupent les produits tels que l'ébène, l'ivoire, les trophées d'animaux sauvages, certaines espèces d'animales, végétales, médicinales ou présentant un intérêt particulier. (art.9 (2)).

En règle générale, toute personne physique ou morale qui sollicite un titre d'exploitant commercial desdits produits doit remplir certaines formalités. Elle doit : être agréée, remplir les obligations contenues dans le cahier de charge, se conformer au plan d'aménagement ou plan simple de gestion (préalablement établi par elle et approuvé par l'autorité administrative compétente) selon le cas. Bref elle doit respecter la réglementation en vigueur.

Dès lors, en quoi les communautés forestières participent-elles à l'exploitation industrielle des forêts ? A l'évidence, les différentes lois forestières des pays de la sous région ne font pas des communautés riveraines de véritables exploitants forestiers du moins pas à titre industriel; Ces communautés peuvent bénéficier toutefois des retombées de toute activité forestière à but lucratif. Cela se vérifie aussi bien à travers la réalisation (à leur profit) des oeuvres sociales par les sociétés forestières (A) qu'à travers la perception des redevances forestières qui leur sont annuellement dues (B).

A : Les communautés forestières : bénéficiaires des oeuvres sociales.

La réalisation des oeuvres sociales au profit des populations forestières constitue l'une des obligations des exploitants forestiers ou des sociétés d'exploitation industrielle du bois. Cette obligation, loin d'être de fait est bel et bien reconnue et prévue par les lois forestières des pays de la sous région. La valeur d'exemple de la loi camerounaise mérite encore une fois de plus d'être relevée ici. En effet, cette loi prévoit que toute exploitation à but lucratif des produits forestiers est assortie d'un cahier de charges comportant les clauses particulières relatives aux réalisations des oeuvres sociales telles que les routes, les écoles, les centres de santé, etc. au profit des populations riveraines. (art.61 al.1 et al.3).

Par ailleurs, il convient de relever que dans la sous région, les sociétés qui font dans le secteur forestier, constituent généralement le principal contact des populations forestières avec le monde extérieur. Ces sociétés opèrent presque comme un « État de substitution75(*) » dans des zones forestières enclavées et sont considérées comme le principal fournisseur de services de base. Aussi, un inventaire des sociétés forestières en activité dans la sous- région nous permet-il de distinguer les sociétés qui non seulement prétendent, opérer conformément à la loi en vigueur, mais ont aussi des compétences techniques requises pour toute exploitation durable et participative des forêts. Elles se sont par exemple engagées à établir des plans d'aménagement et ont mis en place des infrastructures sociales au profit des populations riveraines76(*). Cet exemple louable est vite anéanti par le cas de certaines autres sociétés qui sont impliquées dans l'abattage illégal du bois. Qui plus est, ces sociétés délinquantes ne fournissent aucun avantage social perceptible aux travailleurs qu'elles recrutent au sein de la population forestière pour effectuer des travaux pénibles77(*).

L'implication des communautés riveraines dans l'exploitation commerciale des ressources forestières ne se limite pas seulement au droit de jouir des oeuvres sociales réalisées par les exploitants industriels. Les peuples de la forêt ont aussi légalement droit aux redevances forestières issues de l'exploitation forestière à but lucratif.

B : Les communautés forestières et l'aspect fiscal de l'exploitation forestière.

La décentralisation de la gestion des redevances forestières n'est en cours pour l'instant que dans quelques pays de l 'Afrique Centrale78(*). L'expérience camerounaise en la matière est très illustrative; Tandis que dans les autres pays de la sous région, la décentralisation n'est encore qu'à ses débuts (Gabon, RCA, Guinée Équatoriale, RDC Congo Brazzaville et le Tchad).

En effet, la gestion décentralisée et locale des redevances forestières est l'une des innovations majeures de la loi forestière camerounaise du 20 janvier 1994. Les politiques et législations des années 80 prévoyaient une simple répartition des taxes forestières entre l'Etat et les communes79(*). La réforme de 1994 et les lois de finances80(*), consacrent la répartition des redevances entre l'Etat (50%), les communes (40%) et les communautés riveraines (10%). (art.10 al.4 du décret n°98/009/PM du 29 janvier 1998. A la suite de cette répartition, restent posées les questions suivantes : Comment gérer équitablement les redevances forestières au sein de la communauté forestière ? Quelle en est sa finalité ? Les redevances forestières ont-elles contribué de manière significative à l'amélioration des conditions générales de vie des populations bénéficiaires ?

Quelques acquis appréciables en guise de réponse à ces questions peuvent retenir notre attention, même si beaucoup reste à faire dans le domaine.

Afin de mieux gérer les redevances forestières, le législateur à prévu la mise sur pied des comités de gestion auprès de chaque communauté bénéficiaire. (art.4 de l'arrêté conjoint de 1998). Ces comités sont composés : d'un président (en la personne du maire ou son représentant de la localité concernée), de 6 représentants de la communauté villageoise bénéficiaire, d'un rapporteur (représentant local du ministre chargé des forêts. A côté du comité de gestion, est institué un commissaire aux comptes et désigné par la communauté villageoise concernée. Ce commissaire est chargé de la surveillance et du contrôle des opérations administratives, financières et comptables de l'ordonnateur de l'agent financier. (art.10 al.1 et al.2 de l'arrêté conjoint de 1998). L'autre acquis opérationnel celui-là, est relatif à la réalisation des infrastructures et des oeuvres sociales : constructions et réfections des établissements scolaires, des cases de santé, des cases communautaires etc. (art.3, art.7 al2 de l'arrêté conjoint).

Enfin, la fiscalité forestière décentralisée vise au moins trois buts : D'abord, sur le plan politique, elle a pour finalité de contribuer à la construction de la démocratie locale dans la gestion des revenus forestiers et d'accroître la participation des populations à la prise des décisions sur la gestion des redevances forestières. Ensuite, sur le plan socio-économique, elle vise l'amélioration des conditions de vie des communautés riveraines. Enfin, sur le plan écologique, elle accroît et garantit une gestion rationnelle et durable des ressources forestières.

Au terme du second volet de cette étude, il appert que l'avènement de la démocratie participative consacrée par les instruments juridiques de droit international de l'environnement a pour beaucoup, contribué dans l'adoption au plan régional, sous-régional et même national, des règles relatives à la gestion participative et durable des ressources forestières en vue d'un développement durable.

Les États de l'Afrique Centrale ont ainsi sous la pression des IFI (FMI et Banque Mondiale) adopté de nouvelles lois forestières consacrant l'implication de nouveaux acteurs dans la gestion de la forêt. C'est dire qu'à côté des États qui continuent de mener ses fonctions régaliennes, existent désormais des nouveaux acteurs locaux (populations villageoises riveraines). Toutefois, même si la consécration formelle de l'implication des populations forestières dans l'élaboration de la politique d'exploitation des ressources forestières paraît effective, beaucoup reste à faire sur le plan pratique; Car, le droit des communautés forestières à un environnement sain est plus ou moins remis en cause pendant la phase d'exécution des modalités d'exploitation des ressources forestières.

IIème PARTIE :

INEFFICACITE DE LA GARANTIE DU DROIT DES COMMUNAUTES FORESTIERES A UN ENVIRONNEMENT SAIN DANS L'APPLICATION

DES MODALITES D'EXPLOITATION FORESTIERE

EN AFRIQUE CENTRALE

.

Au-delà des innovations apportées par les nouvelles lois forestières des pays de la sous région en matière de gestion des forêts, une évaluation concrète, voire pratique des modalités d'exploitation des ressources forestières dans le cadre de la gestion durable et participative des forêts, est nécessaire pour pouvoir dresser un bilan complet de la sauvegarde des droits des populations riveraines ou vivant dans la forêt et leur implication dans l'exploitation des produits forestiers. En effet, depuis sa consécration aussi bien au niveau international que régional et national, le droit de l'homme à l'environnement sain dont la mise en oeuvre nécessite entre autres; la protection de l'environnement et la participation de tous au processus décisionnel, est davantage compromis ou limité par les « exigences de lutte contre la pauvreté » via l'exploitation forestière.

Par ailleurs, les pays de la sous région d'Afrique Centrale dont il est question dans cette étude (à l'exception du Tchad), possèdent tous de vastes étendues de forêts denses humides qui ont de tout temps fourni les moyens d'existence et de subsistance à de millions de gens dépendant de la forêt. Les gouvernements de ces pays sont souvent contraints par des créanciers multilatéraux ou bilatéraux, à suivre des politiques strictes d'ajustement structurel et de libéralisation encourageant l'exploitation industrielle du bois dans la plupart de leurs zones forestières; Alors même qu'il n'est pas donné aux populations locales l'occasion de prendre part de façon significative à l'exploitation des forêts. C'est du moins ce qui semble justifier le fait que de plus en plus de voix s'élèvent dans la sous région pour dénoncer les manquements au droit de l'homme et les dégradations de l'environnement. Certes, nous avons consacré les deux premiers volets de cette étude à l'analyse d'une part des dispositions conventionnelles, constitutionnelles, législatives et réglementaires qui reconnaissent formellement le droit de l'Homme et notamment des communautés forestières à un environnement sain et d'autre part, aux textes forestiers qui prévoient et garantissent les droits des populations riveraines. Cependant, il existe un décalage entre l'adoption de ces différents textes et leur application pratique. C'est donc ainsi que se pose la problématique de l'application effective des modalités d'exploitation des ressources forestières. Autrement dit, l'exploitation des ressources forestières est-elle compatible avec la sauvegarde du droit des peuples forestiers à un environnement sain ?

D'évidence, la pratique des activités forestières dans les différents Pays de la sous région ne nous permet pas de donner d'office à cette question une réponse affirmative. La garantie du droit des communautés forestières à un environnement sain pendant l'application des modalités d'exploitation des forêts, y semble être sérieusement compromise. En effet, l'absence d'aptitude de divers gouvernements nationaux de la sous région à contrôler les sociétés forestières et à faire respecter la législation en vigueur, semble avoir entraîné et conduit à de multiples violations des droits de l'Homme et notamment celui des populations forestières à un environnement sain (chapitre III). Ces atteintes sont même de nature à provoquer des catastrophes écologiques et sociales si les mesures salvatrices et énergiques ne sont pas prises en vue d'une meilleure protection du milieu de vie et du droit des communautés forestières à un environnement sain (chapitre IV).

* 62-Il va de soi que si l'environnement est efficacement protégé, le bien être des populations s'en suivra; ne dit-on pas souvent «un corps sain dans un environnement sain» ?

* 63-Cet art. stipule en effet que la forêt sont : «a- les terrains recouverts d'une formation végétale à base d'arbres ou arbustes aptes à fournir des produits forestiers, abriter la faune sauvage et exercer un effet direct ou indirect sur le sol, le climat ou le régime des eaux.

b- les terrains qui, supportant précédemment un couvert végétal arboré ou arbustif, ont été coupés à blanc ou incendiés et font l'objet d'opérations de régénération naturelle ou de reboisement.

Par extension, sont assimilées aux forêts, les terres réservées pour être recouvertes d'essences ligneuses soit pour la production du bois soit pour la régénération forestière, soit pour la protection du sol».

* 64-C'est ce qui ressort de la loi camerounaise, art.20 al.2; et de la loi RDC, chapitre 2.

* 65-Article 90. Il en est de même de la loi RDC, art.15 parag 2 et de la loi camerounaise, art.26.

* 66-Maurice (K), Droit de l'environnement en Afrique, précité p.186.

* 67 - Il existe au Cameroun depuis quelques années des institutions et des projets de recherche forestière dont l'objectif est de favoriser la participation des populations en étroite collaboration avec les administrations nationales compétentes à la définition des conditions et modalités d'une gestion écologiquement rationnelle des ressources forestières : Il s'agit notamment des projets d'aménagement pilote intégré (API) de Dimako, de Djoun et de Solo Lala.

* 68 -Voir Kamto Maurice, opt.cit.p.192

* 69 -Justine Texier, opt.cit.p.9

* 70 -Justine Texier, ibid. p. 9

* 71 -Le premier c'est le bien-être des populations riveraines locales ou autochtones dans la mesure où c'est leur milieu de vie et leur principale source d'approvisionnement en toutes sortes de produits; le second a trait au développement local et surtout national dans la mesure où les ressources forestières font partie du patrimoine collectif de la nation; le troisième est enfin la protection de l'environnement tant au plan local, national que mondial dans la mesure où les forêts sont le réservoir d'un riche patrimoine en diversité biologique d'un intérêt primordial pour l'ensemble de l'espèce humaine tant dans ses générations actuelles que futures.

* 72 -Art.54; voir aussi en ce sens l'art.56 du code forestier gabonais.

* 73 Voir Justine Texier, opt. cit. p.14; voir Maurice Kamto, opt. cit. p.206

* 74 -Voir art.9 (1) ; voir aussi en ce sens la loi de la RDC, art.1 al.1, al.2et al.3.

* 75-Forests monitor.ltd, La forêt prise en otage.Mars 2001, p.28

* 76-Il s'agit notamment des sociétés Leroy Gabon située à la gare ferroviaire de la Lopé dans la province de l'Ogooué-Ivindo et la compagnie Equatoriale de Bois localisée à Lastrouville dans la province de l'Ogooué-Lolo, dont les activités forestières ont un impact positif sur les populations riveraines au Gabon; Source:www.forestsmonitor.org

* 77-C'est le cas de la compagnie forestière du Cameroun; filiale du groupe Thanry France qui située dans la province de l'Est du Cameroun, opère dans un mépris quasi-total de la durabilité environnementale et du bien-être des populations locales. Source : www.forestsmonitore.org

* 78-Voir Actes de la 5ème Conférence sur les Ecosystèmes des Forêts Denses et Humides d'Afrique Centrale, Yaoundé Cameroun, du 24 au 26 Mai 2004, p.174

* 79 -Patrice Bigombe Logo, «Fiscalité forestière décentralisée et développement local au Cameroun méridional forestier»... in Actes de la 5ème CEFDHAC du 26 Mai 2004, p.204

* 80 -Loi du 20 janvier 1994 sur les forêts, art.68 al.2; Décret n° 98 /009/PM du 23 janvier 1998 fixant l'assiette et les modalités de recouvrement des droits, redevances et taxes relatifs à l'activité forestière, art.10 (4); Arrêté conjoint n° 000/122/MINEFI/MINAT du 29 Avril 1998, fixant les modalités d'emploi des revenus provenant de l'exploitation forestière et destinés aux populations villageoises riveraines.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand