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Les migrants sénégalais en Italie

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par Mouhamadou LEYE
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - Master II en Droit des Migrations 2009
  

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INTRODUCTION

Depuis quelques décennies, le Sénégal a perdu son statut de pays d'immigration pour devenir un pays d'émigration. Cette évolution dont les prémices remontent à l'accession à l'indépendance des différents pays de l'AOF s'est accentuée au début des années 1970.

Ainsi, la situation économique difficile notée à la suite de la sécheresse des années 70 ont obligés de nombreux paysans expulsés de la campagne à entrevoir l'émigration (d'abord interne, puis internationale), comme un moyen de subvenir à la survie de leurs propres familles1. Elle s'est progressivement traduite par une expatriation plus soutenue qui a touché l'ensemble des régions du pays.

Dans les villes du Sénégal, au début des années 80, les difficultés économiques s'expliquent par un secteur industriel en crise entrainant une vague de déflations et de départs volontaires. Le secteur privé moderne subit les conséquences de la déstructuration des industries qui obligent le patronat en général à procéder à des compressions du personnel des entreprises.

On peut noter également l'attrait de l'occident accentué par des exemples de réussite financière d'émigrés partis pauvres.

Voilà autant de facteurs qui expliquent la migration internationale sénégalaise.

Vers les années 1960, les émigrés sénégalais étaient généralement établis en France, pays colonisateur, et dans les pays frontaliers (Mauritanie, Mali etc.).

En outre, on enregistre aussi des départs plus tardifs, à la fin des années 1960, vers la côte d'ivoire et le Gabon.

Toutes ces destinations qu'on peut qualifier d'anciennes, accueillent aujourd'hui une part de moins en moins importante des nouveaux émigrés sénégalais. Le double effet de la complexité des conditions d'entrée dans les pays occidentaux et des difficultés

1 Hoebink et al.2005 :63

économiques dans les pays africains est responsable du tassement des flux vers les destinations dites anciennes.

A partir de ce moment, on note un redéploiement spatial de la migration internationale sénégalaise vers les pays de l'Europe du Sud. Sous ce rapport, l'Italie est apparue comme le nouvel eldorado des sénégalais en partance vers l'étranger. Pourtant, ni les relations historiques, ni les proximités linguistiques ou géographiques ne semblent expliquer la place de l'Italie dans les destinations migratoires des sénégalais.

Produit d'une mutation lente voire inattendue, la migration sénégalaise vers l'Italie ne peut être considérée comme un phénomène isolé. Elle fait partie d'un vaste dynamique qui a fait basculer une terre d'émigration séculaire2 dans le champ de nouvelle nation d'immigration3 .

Largement tributaire des restrictions apportées à la libre circulation des hommes par les accords de Schengen (Costa-Lascoux 1986), l'exode sénégalais vers l'Italie est indissociable de la dérive protectionniste qui secoue l'Europe du Nord en particulier la France, destination traditionnelle des sénégalais, eu égards aux liens coloniaux séculaires. L'introduction du visa d'entrée en 1986 a joué un rôle décisif dans la modification des comportements migratoires des Sénégalais (Fassin et al, 1997).

Une telle évolution s'est essentiellement traduite par un redéploiement vers l'Europe du Sud (Robin ; Sow 2003) et l'Amérique du Nord (Ebin et Lake 1992 ; Fall 2002).

La fermeture des destinations traditionnelles coïncide, au Sénégal, avec l'élargissement de l'aire de recrutement des migrants internationaux. Il manque certes des chiffres pour étayer la thèse mais, cette mutation qui prend la forme d'un déplacement du bassin migratoire du Nord du Sénégal vers les régions centrales est observable de manière empirique. Alors que l'émigration internationale était

2 Bernini F, flussi migratori e ripercussioni geografiche.Il caso della sponda gardenese occidentale, tesi di laurea di economia, universita di Brescia, 1988.

3 Cf.Losi, N, N., italy.A country of immigration, Milan: ISMU, 1994. « Quaderni, ISMU », n°1 ; Sergi N, l'immigrazione straniera in italia, Rome : Edizioni Lazaro, 1987.

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jusqu'alors le domaine réservé des populations de la vallée du fleuve Sénégal (Adams, 1977 ; Delaunay, 1984), la conquête du nouveau champ migratoire italien est l'affaire des Modou Modou4 .

La grande originalité du mouvement, en plus de son caractère inopiné, est de coïncider avec l'entrée en scène des régions du bassin arachidier dont les flux se limitaient jusqu'alors à la capitale sénégalaise5.

L'augmentation du nombre de candidats au départ et le rejet dont les migrants sont l'objet dans les destinations traditionnelles à forte population immigrée, ont incontestablement détourné les flux vers les destinations nouvelles, sans véritable tradition d'accueil. Dans ce contexte plutôt défavorable, les Sénégalais qui se retournent vers l'Italie vont, après avoir largement exploité l'opportunité d'entrée légale, jusqu'en 19906, ce qui a rendu plus difficile l'accès des Sénégalais en Italie. Malgré tout, cette croissance peut être confirmée par les données suivantes : entre 1995 et 1997, le nombre de Sénégalais résidents réguliers a augmenté de 33% en passant de 23 953 à 31 8707 . De 2000 à 2003, leur nombre passait d'environ 600 à 650 par an8.

Naguère absente de l'espace migratoire sénégalais, l'Italie y a fait irruption au début des années 80 et à réussi la prouesse de s'imposer rapidement. Tallon d'Achille de l'espace Schengen, elle constitue, en dépit de la fragilité des statistiques, le troisième pays d'accueil des sénégalais. Par le volume des flux migratoires qu'elle a drainé ces dernières années et la place qu'elle occupe dans l'imaginaire de nombreux candidats à l'émigration ,la péninsule italienne constitue l'archétype idéal à l'analyse du processus

4 A l'origine, le terme désignait, de manière péjorative, les migrants internationaux d'origine rurale appartenant à la confrérie mouride. Par un glissement de sens consécutif à la participation des citadins à l'exode, il a fini de s'appliquer, positivement, à tous les migrants internationaux quelle qu'en soit l'ethnie

5 Boone 1990 ; Bates 1980 : Ebin 1992 ; Mboup 1993.

6 Date à laquelle le gouvernement italien a décidé d'exiger des visas d'entrée aux sénégalais.

7 Source ISMU 1997.

8 Source Instituto Nazionale Distatisca (ISTAT 2004).

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de conquête et de consolidation de ce qu'il convient d'appeler désormais les nouveaux champs migratoires sénégalais.

L'Italie est un pays avec une récente et brève expérience en matière d'immigration. Dans l'après-guerre jusqu'au milieu des années 70, il a été un pays d'émigration, une tendance qui a fortement influencé le cadre de son développement économique, social et politique.

Au milieu des années 80, les italiens commencent à se rendre compte que leur pays avait rompu avec une histoire séculaire, celle d'un foyer d'émigration, pour se transformer en importateur de main d'oeuvre en provenance des parties les plus pauvres du monde.

Issus de la migration industrielle antérieure, ces changements firent de l'immigration en Italie un cas d'école à cause de l'importance de son secteur tertiaire et de l'économie informelle ou souterraine qui se nourrit d'une main d'oeuvre taillable et corvéable à merci (Tall 2002).

La facilité d'insertion professionnelle dans le commerce ambulant et la tolérance vis-à-vis de l'autre, ont propulsé l'Italie au rang de premier pays d'immigration occidentale au cours de la dernière décennie. Le facteur décisif dans la confirmation de la destination italienne est, sans aucun doute, la régularisation périodique des immigrés en situation régulière.

Les régularisations ont représenté l'instrument principal de contrôle de la présence des migrants en situation irrégulière, avec l'objectif de leur accorder un permis de résidence, sous certaines conditions et pour une période limitée. En moins de vingt ans, l'Italie a mené cinq programmes de régularisations « extraordinaires », tous crées dans l'intention d'être le dernier. En fait, chaque opération de régularisation a été une tentative de réduire considérablement le nombre de migrants en situation irrégulière présents dans le pays, afin de rendre viables de futures actions répressives et de réguler le rapport économie officielle/secteur officieux, en transférant une partie des étrangers irréguliers vers le marché du travail officiel dévalué. Du dernier point de vue, les

mesures de régularisation ont toujours été vues comme fonctionnellement équivalentes aux contrôles des nouvelles entrées.

L'optimisme et la certitude d'accéder, dans un avenir plus ou moins proche, à un titre de séjour jouent un rôle primordial dans le maintien de la chaine migratoire dont le renouvellement des flux, est assuré de l'intérieur par les migrants en règle.

En effet, si les migrants de la première vague migratoire ont pu régulariser leur situation à la faveur de la loi n°943/19869, ceux de la seconde vague bénéficièrent de la loi n°39/1990, dite loi Martelli10. Malgré la fermeture officielle des frontières qui suivit ces premières mesures, entre 1990 et 1994 l'absence de contrôle d'identité systématique, qui laisse une relative liberté de mouvement à l'immigré entré clandestinement, favorisera la poursuite de la chaine migratoire.

En dépit du vif débat sur l'immigration de cette période, de nombreux sénégalais continuent à entrer de manière illégale en Italie.C'est donc une destination récente mais elle se positionne comme une destination préférentielle.

Plus de deux décennies après la colonisation, le même fait observé en Italie se retrouve dans les autres pays d'Europe quant à la composition des premiers contingents d'immigrés sénégalais. Les premiers pionniers de l'immigration sénégalaise arrivèrent dans la péninsule italienne à partir du début des années 80, souvent via la France : il s'agissait surtout de commerçants liés à la confrérie mouride qui avaient commencé à apprécier les possibilités offertes par le marché italien lors de court séjour dans les villes de Gênes ou Naples pour se ravitailler en marchandises (Castagnone et al, 2005, Mbow, 2001).

A l'époque ces premiers venus se trouvèrent face une situation économique, sociale et institutionnelle favorable à l'accueil de la main d'oeuvre étrangère (Perrone, 2001).

9 La procédure de régularisation qui accompagne cette loi peut être considérée comme la résultante de la politique européenne commune qui impose aux Etats de l'UE des mesures transitoires en matière d'immigration. Avant 1986, un national pouvait faire venir un étranger et solliciter en sa faveur un permis de séjour.

10 Adoptée par le parlement italien, la loi Martelli devait mettre un terme à l'immigration clandestine en régularisant la situation des étrangers pouvant apporter la preuve de leur entrée sur le territoire italien entre le 31 décembre 1989 et le 30 juin 1990.

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Ils commencèrent à faire venir les parents et amis. En peu de temps, l'Italie est donc devenue la destination privilégiée pour la « nouvelle génération » de migrants sénégalais (Tall, 2008).

Ce redéploiement spatial du contingent des sénégalais à travers l'Italie va s'accentuer à partir de 1988, année comme l'écrit Schmidt « la France et l'Allemagne ont rendu obligatoire le visa pour les sénégalais. Dans la même période, mais avec une politique opposée, en Italie commençait la politique de régularisation qui donnait un nouvel espoir aux migrants potentiels (Schmidt 1993).

Pour tout ce qui précède, un certain nombre d'interrogations s'impose à nous, pour nous permettre justement de mieux appréhender notre étude.

Quelle est la politique d'immigration mise en place par l'Italie et le mandat des principales institutions qui y travaillent ? Comment se traduit l'implantation sénégalaise en terre italienne ? Existe t-il une coopération sénégalo italienne en matière migratoire ? Quels rôles les émigrés sénégalais d'Italie jouent- ils dans le développement du pays d'origine ?

Ces questions ainsi soulevées vont servir de piste de réflexion dans le cadre de cette étude qui présente un certain nombre d'intérêts.

Au delà des statistiques, l'importance de la migration sénégalaise vers l'Italie est perceptible à travers les mutations engendrées par les envois de fonds. Les relations entre les émigrés et leur pays d'origine sont plurielles et revêtent diverses formes. Les émigrés jouent un rôle important dans les stratégies de survie et d'investissement de leur pays d'origine.

Les transferts financiers des émigrés constituent une source importante de revenus pour les familles laissées au pays. Il s'agit d'en évaluer la part dans les budgets de certains ménages émigrés, d'identifier toute la diversité de son utilisation afin d'analyser son impact réel dans les économies locales.

S'il est difficile de connaître les sommes d'argent envoyées par les émigrés, il est possible d'en évaluer l'importance auprès de leurs familles. Une approche de développement local centré sur la participation des acteurs devrait prendre en compte toute cette dynamique mise en oeuvre par les émigrés pour assurer des conditions de vie meilleures à leurs familles. Il s'agit dans cette étude de mieux connaître les dynamiques de la migration sénégalaise vers l'Italie, son fonctionnement et ses enjeux afin d'entrevoir les possibilités d'une utilisation optimale des ressources humaines et financières qu'elle génère en vue d'un développement global.

Peu connu du fait de l'importance de la migration clandestine difficile à mesurer, le nombre de migrants sénégalais à l'étranger est estimé à plus de deux millions. La grande partie de ces émigrés est dans les pays voisins et dans les autres pays de l'Afrique, des destinations cependant en perte de vitesse. En Italie, le chiffre officiel des émigrés sénégalais recensé (71000)11 ne représente que le 1/3 des Sénégalais effectivement présents dans la péninsule.

S'il est vrai qu'une bonne partie de la population locale fustige la migration en raison du chômage qui touche une bonne partie des nationaux, la présence étrangère bénéficie d'une certaine compréhension, en l'occurrence auprès des vieilles générations.

Au demeurant, pour essayer d'apporter une réponse à la problématique nous nous focaliserons sur le cadre juridique italien en matière d'immigration (première partie) et puis, nous mettrons en exergue le modèle d'intégration et de coopération sénégaloitalienne en matière migratoire (deuxième partie).

11 Au 01janvier 2010,71000 sénégalais réguliers en Italie selon ISTAT.

 

PREMIERE PARTIE :

LE CADRE JURIDIQUE ITALIEN EN

MATIERE D'IMMIGRATION

 
 
 
 
 

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote