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L'interventionnisme public dans le développement contemporain du capital-risque français

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par Pascal MOLINELLI
Université Panthéon Assas - Magistère de juriste d'affaires - DJCE 2012
  

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PARTIE I - L'influence de l'interventionnisme public sur la structuration
des opérations de capital-risque.

Section 1 : Interventionnisme étatique et incitativité du paysage juridique, la nécessaire compensation à l'incertitude de l'investissement.

L'incertitude inhérente aux opérations de capital-risque tend à restreindre le nombre d'investisseurs potentiels. Conscient du rôle prépondérant du financement intermédié en la matière, l'Etat tente de dynamiser le financement des jeunes sociétés innovantes en créant des instruments juridiques adaptés aux spécificités et nécessités du capital-risque (§1) et bénéficiant d'un régime fiscal attractif (§2).

§1. Incitativité et adéquation des structures.

La stimulation du financement des entreprises par l'intermédiaire du capital-risque nécessite la création de véhicules juridiques adaptés et flexibles. Le paysage juridique français se caractérise par la diversité des fonds communs de placement pouvant être utilisés (A) ainsi que par un renforcement du rôle des structures sociétaires (B).

A. Diversité des types de fonds communs de placement.

1. Un système juridique en quête d'adaptabilité.

L'étape fondatrice dans l'instauration d'un système de financement par capital-risque efficient consiste en la création de structures juridiques d'investissement adaptées aux besoins des investisseurs et à ceux des entrepreneurs. Le financement des entreprises à fort potentiel passe en effet par la mise en place préalable de structures organisées juridiquement et spécialisées dans l'investissement. L'objet d'une telle démarche est de créer un environnement juridique permettant d'orienter les fonds des investisseurs vers le financement des sociétés innovantes.

Le cadre juridique français s'est progressivement développé dans cette perspective. Composé initialement de structures destinées à investir dans des sociétés non cotées sans distinction relative au potentiel d'innovation de l'entreprise, ce cadre s'est affiné et revêt désormais un caractère plus spécialisé, avec des fonds dédiés au capital-risque, et une dimension plus locale, avec des fonds destinés au développement régional du capital-investissement.

Ces instruments divers sont fondés sur un modèle commun, le fonds commun de placement (FCP). Les FCP sont des structures originales puisqu'il s'agit de copropriétés de valeurs mobilières dépourvues de personnalité morale. Malgré cette absence de personnalité juridique, la loi confère au fonds la capacité de donner mandat à une société de gestion, laquelle est soumise au contrôle de l'AMF et sera notamment chargée d'effectuer les investissements nécessaires à la constitution du portefeuille du fonds9. Les fonds levés auprès

9 L'activité de gestion de portefeuille pour le compte de tiers constitue un service d'investissement au sens de l'article L321-1 du Code monétaire et financier et nécessite de ce fait l'agrément de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF). Dès lors, en tant que prestataire de services d'investissement, la société,

12

des investisseurs sont pour leur part confiés à un dépositaire10. Gestionnaire et dépositaire établissent le règlement du fonds.

Cet organisme de placement collectif en valeurs mobilières11 (OPCVM) constitue donc la référence à partir de laquelle furent élaborés différents dérivés utilisés pour structurer les opérations de capital-risque : fonds communs de placement à risque (FCPR), fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) ou encore fonds d'investissement de proximité (FIP).

Chacun de ces dérivés autonomes, doté d'un régime fiscal incitatif, est fondé sur une logique économique sous-jacente.

Créés par la loi du 3 janvier 1983, les FCPR sont des véhicules destinés aux investissements portant sur des actions de sociétés non cotées. Ce qui distingue un FCPR d'un FCP classique est en effet la composition de son portefeuille, l'actif d'un FCPR devant être constitué pour au moins 50% de titres de capital ou de valeurs mobilières donnant accès au capital de sociétés non cotées12. Ces véhicules sont donc susceptibles d'être utilisés pour l'ensemble des opérations de capital-investissement, sans se limiter aux opérations de capital-risque. Cette capacité d'emploi très générale attire un champ très large d'investisseurs. Les FCPR représentent les véhicules levant et investissant le plus de fonds en matière de capital-investissement. Sans être spécialisés en matière de capital-risque, ces fonds financent néanmoins également de jeunes sociétés innovantes à fort potentiel. Une récente étude menée par Grant Thornton pour le compte de l'AFIC révèle qu'en 2011, 62% des montants investis dans le cadre du capital-risque le furent par l'intermédiaire de FCPR13. Même si la quote-part de ce type d'investissement dans la composition globale du portefeuille du fonds est faible, les montants investis par les FCPR dans le cadre du capital-risque sont, en valeur absolue, supérieurs à ceux de fonds plus spécialisés tels que les FCPI.

Les FCPI furent créés par la loi de finances pour 1997. Ils constituent à proprement parler les véhicules d'investissement les plus orientés vers les financements par capital-risque. Il s'agit d'une catégorie particulière de FCPR, spécifiquement destinée au financement des sociétés non cotées présentant un caractère innovant. Les conditions de composition d'actifs d'un FCPI s'avèrent plus contraignantes que celles d'un FCPR puisque 60% au moins de l'actif doit être constitué de titres de sociétés non cotées dites « innovantes », dont le siège se situe au sein de l'Espace Economique Européen, soumises à l'impôt sur les sociétés ou le seraient si elles étaient établies en France et qui comptent entre 2 et 2000 salariés. Le caractère innovant s'apprécie au regard de deux critères alternatifs, un critère relatif aux

quelque soit sa forme sociale , doit agir avec loyauté, équité, diligence et doit toujours privilégier l'intérêt de ses clients. (Le capital-investissement, Guide juridique et fiscal, François-Denis Poitrinal)

10 Quant au dépositaire, il est choisi par la société de gestion sur une liste établie par le ministre chargé de l'économie. Il a pour mission la conservation des actifs du fonds . (Le capital-investissement, Guide juridique et fiscal, François-Denis Poitrinal)

11 Les OPCVM peuvent prendre la forme d'une société d'investissement à capital variable (SICAV), dotée de la personnalité morale, ou encore d'un fonds commun placement (FCP), qui est une copropriété de valeurs mobilières.

12 L214-28 CMF.

13 Grant Thornton - AFIC DATA

12

dépenses de recherche14, l'autre relatif à la création de produits, procédés ou techniques dont le caractère innovant a été reconnu par l'OSEO15.

Modèle de structuration.

Appel de fonds

Investisseurs institutionnels .

compagnies d'assurances et mutuelles, banques, caisses de retraite, entités du secteur public, industriels.

Société de gestion

Agrément AMF nécessaire

OSEO

Mandat permis par la loi

Pacte

d'actionnaires

Label « société innovante »

Dirigeants

(Fonds possibles : FCPR - FCPI - FIP)

Approbation règlement par AMF

Fonds de fonds Personnes physiques

Société innovante

Parts

FCPI

Actions ou VMDAC

Fonds propres

Dépositaire

Versement des

fonds

Magistère de Juriste d'Affaires - DCJE, 2012

Enfin, les FIP, issus de la loi pour l'initiative économique du 1er août 2003, introduisent une

dimension régionale au financement des sociétés non cotées. Les FIP sont qualifiés de FCPR
et, malgré des exigences de composition de portefeuille différentes, demeurent orientés vers le

14 Ces dépenses de recherche sont définies aux a à g du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et doivent représenter au moins 15 % des charges fiscalement déductibles au titre de cet exercice ou, pour les entreprises industrielles, au moins 10 % de ces mêmes charges. L214-30 CMF.

15 Banque publique chargée de sélectionner et d'apporter une aide financière aux projets de recherche dans les entreprises innovantes.

14

financement de sociétés non cotées européennes. Leur actif doit être constitué à 60 % au moins de titres de sociétés non cotées répondant à la définition européenne de PME16 et exerçant leur activité principalement dans une zone géographique choisie par le fonds et limitée à au plus quatre régions limitrophes.

Les investisseurs au sein de ces structures bénéficient d'un régime fiscal spécifique (voir infra). Surtout, le cadre juridique ainsi créé permet aux investisseurs potentiels de disposer d'un ensemble de structures variées présentant un profil d'investissement et un degré de risque différents. A l'inverse, les entrepreneurs bénéficient de sources financement organisées pouvant intervenir aux différents stades d'évolution de leur société.

Cette panoplie de structures juridiques susceptibles d'intervenir en matière de capital-risque constitue un avantage comparatif par rapport à d'autres pays dépourvus de systèmes similaires. Ces structures constituent ainsi la base d'une organisation des financements de PME, et plus particulièrement des jeunes sociétés innovantes. Les personnes ou entités disposant de liquidités bénéficient ainsi d'une option juridiquement organisée leur permettant de financer de jeunes sociétés à fort potentiel. Cette étape de l'interventionnisme étatique constitue l'étape fondatrice d'une politique de stimulation des financements.

2. Flexibilité croissante des fonds communs de placement.

Parallèlement à l'émergence des FCPI et FIP, le FCPR a lui aussi subi d'importantes évolutions destinées à aboutir sur des versions de FCPR plus flexibles pour les gestionnaires et les investisseurs.

- Du fonds commun de placement à risque agréé au fonds commun de placement à risque allégé.

Par principe, le règlement du FCPR doit être soumis à l'agrément de l'AMF. Conscient des enjeux économiques sous-jacents et de la nécessité de fournir un outil plus efficient aux praticiens, le législateur a, par une loi du 25 juin 1999, créé les FCPR à procédure allégée. Ces fonds n'ont pas vocation à supplanter les FCPR agréés mais constituent uniquement une alternative dont la mise en oeuvre est simplifiée. En effet, ces fonds allégés ne sont pas soumis à agrément préalable de l'AMF. L'obligation d'agrément est remplacée par une obligation de nature déclarative auprès de l'autorité de contrôle17. La nature du contrôle opéré est modifiée, le contrôle a posteriori étant préféré à un contrôle a priori.

L'agrément préalable de l'AMF dans le cadre des fonds dits agréés a notamment pour objet d'assurer la protection des investisseurs potentiels du fonds. La suppression de ce contrôle a priori n'est donc possible, selon le législateur, que si le fonds dit « allégé » est destiné à des investisseurs qualifiés18. Il doit être clairement précisé dans le règlement que seuls les investisseurs qualifiés ont qualité pour y souscrire.

Le critère de distinction entre ces deux types de fonds est donc fondé sur la qualité des investisseurs visés. L'article 411-2 du CMF précise : « Un investisseur qualifié est une

16 définition des petites et moyennes entreprises figurant à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008

17 L214-37 C. mon. fin.

18 L214-38 CMF

1~

personne ou une entité disposant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur instruments financiers. La liste des catégories d'investisseurs reconnus comme qualifiés est fixée par décret ». Cette liste comprend des membres de droit, à condition qu'ils agissent pour leur propre compte, tels que les établissements de crédit, l'Etat, les entreprises d'investissement ou encore les entreprises d'assurances, mais également des membres pouvant opter pour une telle qualification, à condition de remplir deux des trois conditions suivantes : effectifs annuels moyens inférieurs à 250 personnes, total du bilan inférieur à 43 millions d'euros, chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros. Des personnes physiques peuvent également opter pour cette qualification, sous réserve du respect des conditions mentionnées à l'article D411-1 CMF19. Les fonds agréés sont pour leur part destinés à tous les investisseurs.

Les FCPR à procédure « allégée » simplifient donc les démarches nécessaires à une levée de fonds. Cela ne signifie pas pour autant que le FCPR est exonéré des obligations légales inhérentes à son statut de FCPR, mais simplement que le contrôle opéré par l'AMF s'effectuera a posteriori. Ce changement génère donc potentiellement des gains de temps pour les levées de fonds effectuées auprès d'investisseurs qualifiés.

- La contractualisation du fonds commun de placement à risque.

Dans un contexte international très concurrentiel, le manque de souplesse des FCPR français s'est révélé être un frein au développement du capital-investissement français, notamment face aux limited partnership anglo-saxons20. Pour pallier cette lacune, le droit français s'est doté d'un instrument plus flexible : le FCPR contractuel.

Réservé aux investisseurs qualifiés, le FCPR contractuel est également destiné aux investissements au sein de sociétés non cotées (ou exposés à un risque afférent à de tels titres ou parts par le biais d'instruments financiers à terme), mais offre une plus grande souplesse aux acteurs économiques. En effet, les contraintes juridiques auxquelles il demeure soumis sont réduites au profit d'une plus grande liberté contractuelle. Ainsi, les règles de dispersion des risques des FCPR agréés et à procédure allégée ne sont pas applicables, de même que le respect du quota de 50%. Il n'est pas non plus tenu par les plafonds légaux et réglementaires en termes d'endettement (d'où la possibilité de mettre en place des stratégies à fort effet de levier, ce qui était jusque-là impossible). Cette prépondérance de l'aspect contractuel confère au règlement du FCPR contractuel un rôle fondamental, ce dernier déterminant notamment les règles d'investissement et d'engagement adoptées par le fonds. Le système de la déclaration obligatoire a posteriori fut privilégié à celui d'un agrément préalable du règlement, et ce toujours dans l'optique de favoriser la souplesse du système.

Autre aspect de cette souplesse ainsi instaurée ; dans le cadre des FCPR contractuels, la durée de blocage applicable aux rachats des parts des souscripteurs n'est nullement limitée à

19 Personnes physiques remplissant au moins 2 des 3 critères suivants : détention d'un portefeuille d'instruments financiers d'une valeur supérieure à 500 000e, réalisation d'opérations d'un montant supérieur à 600e par opération sur des instruments financiers, à raison d'au moins 10 par trimestre en moyenne sur les quatre trimestre précédents ; occupation pendant au moins un an, dans le secteur financier, d'une position professionnelle exigeant une connaissance de l'investissement en instruments financiers.

20 « Le capital-investissement, guide juridique et fiscal » François-Denis Poitrinal, Revue Banque Edition, 2008.

1A

dix ans, durée qui marquait jusqu'ici l'horizon de vie de tout FCPR. Comme l'ensemble des conditions et modalités de rachat, cette durée sera librement fixée dans le règlement du fonds.

En outre, et cela répond à une demande des professionnels intervenant en matière de fonds de fonds, le FCPR contractuel aura la possibilité d'investir dans des fonds sous-jacents français ou étrangers, sans limitation géographique et sans restriction quant à la nature des actifs sous-jacents détenus par ces entités.

La souplesse est également de rigueur en matière de distribution d'actifs, puisque des distributions pourront intervenir à tout moment pendant la durée de vie du FCPR contractuel. Ainsi, le règlement du fonds pourrait prévoir qu'une fraction des actifs soit distribuable avant la fin de la période de souscription initiale ou avant l'ouverture des périodes de souscription ultérieures. Les distributions pourront par ailleurs être effectuées en numéraire ou en titres détenus en portefeuille.

Comme le soulignent les praticiens Bruno Bertrand, F. Moulin et F.X. Naime : « Le FCPR contractuel bénéficie de la possibilité d'adopter de nombreuses règles de fonctionnement dérogatoires au droit commun qui ne connaissent guère d'autres limites que le respect du principe général d'égalité des porteurs de parts. Revers de cette liberté, la société de gestion devra veiller à détailler scrupuleusement et avec clarté les règles applicables aux souscriptions, aux investissements et aux distributions d'actifs dans le règlement du fonds, à défaut de quoi les parties risquent de se trouver dans une situation de blocage, source éventuelle de contentieux21 ».

D'un point de vue fiscal en revanche, aucun statut particulier n'a été prévu. Les personnes physiques demeurent pleinement imposables au titre de l'impôt sur le revenu sur les distributions issues du fonds ainsi que sur les plus-values réalisées, et la solution est similaire s'agissant des sociétés soumises à l'IS. L'octroi d'une certaine souplesse à ce véhicule a donc pour conséquence logique de le faire sortir du champ d'application d'autres véhicules disposant d'un régime fiscal plus favorable.

Le FCPR permet donc une plus grande liberté d'action. Néanmoins, ce véhicule semble s'éloigner des spécificités du capital-risque au point qu'il n'est pas certain qu'il soit utilisé en ce domaine. En effet, l'intérêt du FCPR classique est lié aux avantages de nature fiscale qu'il engendre. Le FCPR contractuel confère certes une grande liberté d'action mais ne comprend aucun volet incitatif, notamment fiscal, de nature à favoriser les investissements de capital-risque. Dès lors, il s'imposera potentiellement comme un instrument modulable en matière de capital-investissement, mais ne semble pas destiné à une utilisation similaire à celle d'outils plus spécifiques tel que le FCPR classique ou, mieux encore, le FCPI. Ce constat n'empêchera évidemment pas le gestionnaire de procéder à certains investissements dans des sociétés innovantes, mais probablement à des seuils très en deçà d'autres véhicules dédiés.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard