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Avec les normes Emir et Bale 3, allons-nous vers une crise du collatéral ?

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par Anonyme
CNAM - Master finance 2012
  

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QUELLES SONT LES CONSEQUENCES

DES NORMES BALE 3 ET DU PROJET EMIR

SUR UNE EVENTUELLE CRISE DU COLLATERAL ?

SOMMAIRE

Introduction 4

L'utilisation du collatéral 5

Les instruments utilisant du collatéral 5

Les repos et les prêts-emprunts de titres 5

Obligations sécurisées (covered bonds) 8

Les principaux acteurs 10

Collatéral et risque systémique 11

Les repos désignés comme des acteurs du shadow banking 11

Blocage du marché des repos 12

Haircuts 12

Réutilisation, ré-hypothèque du collatéral 13

Les primes brokers 13

Ampleur de la ré-hypothèque 14

Problèmes engendrés 15

Baisse de la ré-hypothèque 15

EMIR 17

Le contexte 17

Les dispositions de la réglementation EMIR 19

Introduction des contreparties centrales (CCP, central counterparties) 19

Référentiels centraux 20

Coût du passage aux chambres de compensation (CCP) 20

Augmentation de la demande en collatéral 20

Réduction de la ré-hypothèque 22

Qualité du collatéral 22

La réorganisation du marché 23

La concurrence sur les plateformes de négociation des dérivés 23

La concurrence pour la compensation des dérivés 24

Bâle III 25

Le niveau et qualité des fonds propres 25

Utilisation du collatéral comme technique de réduction des risques 26

Les ratios de liquidité 26

Les mesures concernant les dérivés de gré à gré 27

Incitation à passer par les chambres de compensations 28

Traitement prudentiel des CVA (Crédit Value Ajustment) 28

Vers un risque de liquidité ? 29

Crise du collatéral 30

La baisse de la vitesse de circulation du collatéral 30

Assèchement du collatéral 31

Crise de la dette Européenne et taux d'intérêts négatifs 32

Le taux des repos comme indicateur de la crise du collatéral 33

Effet multiplicateur 34

L'assouplissement des critères de collatéral de la BCE 34

Les évolutions dans la gestion du collatéral 35

Conclusion 37

Bibliographie 39

Introduction

Le collatéral qui désigne un actif que l'on donne en garantie pour sécuriser des opérations est au coeur de l'actualité financière à nombreux égards.

Depuis la crise financière de 2007-2009, les acteurs ne se font plus ou du moins beaucoup moins confiance qu'avant. Cette crise de confiance a commencé dès Août 2007 lorsque BNP-Paribas se déclare incapable de valoriser deux de ses fonds, suite aux pertes survenues sur le segment des subprimes. La complexité et l'opacité des produits structurés est alors révélée ce qui entraîne très rapidement le blocage du marché interbancaire, marché reposant sur des opérations sans collatéral, où la confiance et la solidité des acteurs sont essentielles.

Dans un contexte d'incertitude et de risque, les fournisseurs de liquidité sont à la recherche de plus de sécurité et s'orientent vers des produits garantis par du collatéral tels que les repos dont les encours dépassent les montants échangés sur le marché monétaire. Les régulateurs accentuent cette tendance par leurs mesures pour réduire le risque systémique. Afin de réguler le marché des dérivés de gré à gré, les lois Dodd-Franck et Emir proposent l'intervention de contreparties centrales qui nous le verrons, exigeront des intervenants plus de collatéral et de bonne qualité. Les accords Bâle III vont également dans ce sens en réduisant les charges de capital pour les transactions sur les dérivés compensés par les contreparties centrales et à l'inverse en renforçant le coût des contrats dérivés non collatéralisés.

Force est de constater que depuis une dizaine d'années, l'utilisation du collatéral n'a cessé d'augmenter. On peut dès lors s'interroger si le collatéral est devenu la solution miracle pour sécuriser les échanges. En effet, des faillites récentes telle que celle du courtier américain MF Global fin 2011 mais aussi les pratiques des primes-brokers ont soulevé plusieurs controverses dans la gestion du collatéral.

Alors que les acteurs deviennent plus exigeants sur la nature du collatéral qu'ils acceptent, les titres de bonne qualité commencent à manquer, ce qui nous mène à nous interroger si nous n'allons pas vers une crise du collatéral.

L'utilisation du collatéral

Le collatéral est à la base un actif. Il peut prendre de nombreuses formes : espèces, titres obligataires, actions, métaux précieux en sont des exemples. Cet actif est donné en garantie à un créancier ce qui lui permet de se protéger contre le risque de défaut de sa contrepartie.

En effet, lorsqu'un acteur financier consent un prêt, il s'expose au risque que son débiteur ne lui rembourse pas en totalité le principal et les intérêts. Il exige ainsi un taux d'autant plus élevé que sa contrepartie a des chances de ne pas le rembourser.

Le prêteur peut aussi imposer au débiteur de lui donner certains actifs en garantie. Ainsi, s'il n'est pas remboursé, il pourra vendre les titres pour récupérer les sommes restant dues.

L'intérêt de collatéraliser un prêt donc double :

? Pour le prêteur, l'objectif est de réduire le risque de défaut,

? Pour l'emprunteur, l'avantage est d'obtenir de meilleures conditions de financement. Parfois, cela lui permet tout simplement d'accéder à des ressources financières qui ne lui auraient pas été accordées sans garantie.

De plus en plus d'opérations nécessitent du collatéral mais il est principalement utilisé pour sécuriser les repos, les prêts sur marges, certaines émissions obligataires et les transactions sur les produits dérivés de gré à gré.

Les instruments utilisant du collatéral

Les repos et les prêts-emprunts de titres

Un des principaux instruments qui se base sur l'échange de collatéral est le repo (pension livrée). Cet instrument est devenu pour de nombreux acteurs un des principaux moyens de financement, au détriment de produits non garantis tels que les dépôts à terme ou les Titres de Créances Négociables (TCN). Selon une étude publiée en juin 2012 par l'ICMA (International Capital Market Association), le marché européen des repos mesuré pour 58 groupes financiers atteignait en juin dernier plus de 5600 Mds€1(*).

Dans l'utilisation des repos, il faut diviser le marché en deux segments : le General Collateral (GC) et le spécifique.

Le GC est le segment plus important. Les acteurs y sont principalement des banques et des courtiers (brokers/dealers) qui cherchent à se financer à court terme (entre un jour et un an) à des taux plus bas que sur le marché interbancaire.

Pour obtenir ces meilleures conditions de financement, les banques et courtiers vont mettre en place des opérations de repo avec d'autres acteurs qui ont de la liquidité à prêter (les OPCVM monétaires, les banques de détail, la banque centrale) mais qui souhaitent protéger leur opération en prenant des titres en garantie.

Le contrat de repo est composé d'une double transaction :

§ A la signature du contrat, l'intervenant qui cherche à se financer vend à la contrepartie pour le temps du repo, les titres qui serviront de garantie et dont la valeur de marché doit correspondre au montant qu'il souhaite obtenir. Il reçoit en retour le paiement des titres c'est à dire le montant de son emprunt.

§ Il s'engage également à racheter au prêteur de liquidité ses titres (ou des titres de même nature) à l'échéance du repo, à la valeur qu'ils avaient à l'initiation du contrat. Il paie également les intérêts du repo qui rémunèrent la mise à disposition des liquidités.

En général, le prêteur de liquidités exige une marge supplémentaire (coverage rate), c'est-à-dire que la valeur des titres donnés en collatéral soit être supérieure à la valeur du prêt pour couvrir également le montant des intérêts.

Suite à la vente des titres, il y a un transfert de leur propriété. Dès lors, le créancier disposant du collatéral peut les utiliser pour se dédommager en cas de faillite. Le choix des titres qui servent de garantie est donc essentiel pour qu'ils puissent couvrir l'exposition du prêt en cas de défaut.

D'autre part, comme la valeur des titres change tous les jours en fonction de leur liquidité (c'est-à-dire la facilité à les revendre) ou du risque de leur émetteur, la garantie du prêt évolue au cours du contrat. Le prêteur et l'emprunteur réévaluent donc fréquemment l'encours du prêt et du collatéral. Quand la valeur des titres baisse de façon significative, le prêteur peut demander en add-on des titres supplémentaires ou des espèces par un mécanisme d'appel de marge.

Nature du collatéral :

Les titres acceptés en collatéral vont déprendre de l'appréciation, de l'exigence des différents intervenants mais les critères de sélection sont principalement leur liquidité et le risque de crédit de leur émetteur. Il faut également qu'ils aient une corrélation de défaut la plus faible possible avec le débiteur afin qu'il y ait moins de chances que le débiteur et les garanties fassent défaut en même temps.

Les titres les plus classiques qui sont pris en collatéral sont les obligations d'Etat mais d'autres produits sont acceptés en appliquant des pourcentages de décote : les obligations d'entreprises, les actions ou les obligations sécurisées. Les repos ont également accepté comme collatéral des titres adossés à des créances tels que les Asset Backed Securities (ABS) mais cette pratique a fortement diminué après la crise des subprimes.

Le tableau ci-dessous montre le type de collatéral utilisé pour les repos tripartites (définis un peu plus loin) et l'évolution récente à 1 an.

? Les titres publics (government secutities, public agencies/sub-national) couvrent près de la moitié du collatéral avec une part en croissance,

? Les obligations d'entreprises (19,1%) et les actions (14,7%s) arrivent ensuite mais leur part est en baisse.

Certains acteurs sont plus vigilants sur les titres qu'ils acceptent et pour certaines transactions, par exemple pour les repos entre courtiers ou avec les chambres de compensation, seuls des titres d'Etat tels que les OAT (Obligations Assimilables du Trésor), les Bons du Trésor à Intérêts Annuels (BTAN, T-Bonds aux Etats-Unis) sont acceptés.

Au-delà du type de titre, leur notation est particulièrement importante dans la sélection. Selon l'étude de l'ICMA, près de 50% des titres détenus par les agents tripartites sont notés AAA.

On peut enfin mentionner que les banques centrales se servent beaucoup de cet instrument pour leurs opérations : refinancement à l'open market, facilités permanentes, crédits intra-journaliers.

Le deuxième segment qui est moins important est appelé le spécifique. Les acteurs (banques, brokers/dealers) ne sont pas ici à la recherche d'un financement mais à la recherche d'un actif/collatéral bien précis. Les raisons peuvent être multiples :

? Honorer à temps des livraisons suite à des décalages entre les opérations de réception et de livraison des titres,

? Emprunter un titre pour le vendre à découvert suite à un avis négatif sur la valeur,

? Tirer profit d'opportunités (utilisation de droits de vote, avantages fiscaux),

? Obtenir certains actifs tels que des titres d'Etat qui sont recherchés par les investisseurs pour garantir leurs opérations

...

L'opération est donc à l'initiative du prêteur de liquidité (on parle alors d'opération de reverse-repo) afin d'emprunter sur de courtes périodes un collatéral précis. Plus le titre est demandé par le marché, plus le taux de repo sera faible et parfois même négatif. On reverra dans ce document cette notion du taux des repos, comme révélateur de la crise du collatéral.

Le segment « Spécifique » des repos est proche dans son objectif du prêt-emprunt de titres, qui est utilisé par les banques/courtiers pour emprunter des titres (principalement des actions cotées) auprès d'investisseurs institutionnels (compagnies d'assurances, OPCVM) en échange de collatéral sous forme de titres ou d'espèces.

Le repo tripartite :

En Europe, les repos se font essentiellement par des accords de contrats cadres bilatéraux dans lesquels les deux contreparties gèrent directement les transactions sur les garanties. Or, depuis la crise financière, les investisseurs sont à la recherche de plus de sécurité. Ils exigent d'une part plus de collatéral mais aussi une gestion plus stricte de celui-ci. L'objectif est de s'assurer que les titres en garantie correspondent au risque de contrepartie pris par l'investisseur.

La gestion du collatéral devient essentielle et demande de plus en plus un niveau élevé d'expertise :

? Sélectionner les titres acceptables en garantie,

? Effectuer leur valorisation quotidienne, appliquer des décotes (haircuts),

? Gérer les appels de marge, les opérations sur les titres ...

Ceci conduit l'Europe à développer le modèle de repo tripartite à l'instar de ce qui se pratique déjà plus communément aux Etats-Unis où il représente la moitié des opérations. Le principe repose sur l'intervention d'un agent supplémentaire auquel est délégué la gestion du collatéral.

Aux Etats-Unis, les principaux acteurs de cette intermédiation sont des banques commerciales (Bank of New York Mellon, JP Morgan Chase) et en Europe cette activité est l'apanage des dépositaires centraux (Euroclear et Clearstream).

La Banque de France se tourne vers ce modèle tripartite et pourrait accepter le collatéral utilisé en repo-tripartite pour ses opérations de refinancement.

Obligations sécurisées (covered bonds)

Un autre instrument collatéralisé voit son utilisation s'accentuer dans le contexte de crise du secteur bancaire et des dettes souveraines. Ce sont les obligations sécurisées (covered bond). En plein essor depuis une dizaine d'années, elles sont en passe de devenir la principale source de financement à long terme des banques européennes.

En témoigne leur encours qui est passé d'environ 1200 Mds€ en 20012(*) à 2500 Mds€ en 20103(*). Les obligations sécurisées sont notamment la solution qui a été proposée fin juin par le premier ministre Finlandais M. Katainen afin que l'Italie et l'Espagne puissent se financer à des taux plus faibles. Il a ainsi indiqué que la piste serait que "les Etats fragiles de la zone euro émettent des obligations sécurisées afin d'accéder aux marchés et de bénéficier de taux plus bas". Ces obligations auraient en collatéral des actifs gouvernementaux ou des recettes fiscales destinées au service de la dette.

Collatéral

Le principe des obligations sécurisées est qu'elles sont assorties d'un panier de sûretés de qualité, constitué principalement de crédits immobiliers hypothécaires et de prêts au secteur public.

De part la nature des titres, ces obligations sont parfois comparées aux Asset Back Securities mais contrairement à ces derniers pour lesquels les créances servent à payer les flux d'intérêts et de remboursement, le panier de sûretés sert ici uniquement de rehausseur de crédit.

Les obligations sécurisées sont la plupart du temps notés AAA car considérées comme pratiquement exemptes de risque de défaut. En effet, elles donnent aux investisseurs une double protection :

? d'une part celle des banques émettrices qui doivent assumer le remboursement de leur financement,

? d'autre part celle des créances sous-jacentes, sur lesquelles les investisseurs ont un droit prioritaire.

Leur forte croissance s'explique aussi par le traitement avantageux que leur donne les régulateurs, contrairement aux titrisations qui ont fortement été pénalisées :

? Elles sont éligibles au coussin de liquidité qui va être mis en place avec Bâle III,

? Elles risquent d'échapper au mécanisme de bail-in qui va prévoir les conditions dans lesquelles les détendeurs de titres de dette devront participer aux pertes d'un établissement bancaire.

Ces privilèges ont pour effet de détourner les investisseurs des dettes senior non sécurisées (unsecured).

Contrairement aux repos et aux prêts-emprunts de titres, la plupart des législations prévoient que pour les obligations sécurisées, les actifs en garantie restent la propriété de l'émetteur de l'obligation. Les titres sont toutefois identifiés afin qu'en cas de faillite, ils soient distingués des actifs à liquider et continuent à être gérés jusqu'à l'échéance de l'obligation sécurisée.

Risque de pénurie du collatéral

Les émissions obligataires sécurisées sont limitées par la disponibilité des créances (prêts immobiliers, prêts au secteur public). Alors que les marchés Français (obligations foncières) et Espagnol (cédulas) sont en plein essor, la part de l'Allemagne (pfandbriefe) a diminué, passant de 80% en 2001 à moins de 50% en 20074(*). Une des explications est le retrait des garanties de l'Etat aux banques publiques qui a réduit le nombre de sûretés éligibles.

Face à la pénurie des créances de qualité, le risque est que les pays diminuent dans leur cadre légal le niveau de protection exigé. Aux Etats-Unis, le législateur prévoit ainsi d'ajouter aux créances éligibles celles sur les PME et sur cartes de crédit.

Les principaux acteurs

On vient de voir les principaux instruments financiers qui utilisent du collatéral.

Les principaux fournisseurs de ce collatéral sont les hedges funds, notamment ceux qui ont recours à un levier d'endettement important à savoir les fonds à stratégie d'arbitrage (fixed income, convertible) ainsi que les global macros. Les prime-brokers les financent sous la forme de repos et de prêts sur marge qui sont des opérations pour lesquelles les hedges funds doivent fournir du collatéral.

Manmohan Singh, économiste au FMI a estimé à partir des données publiées par le Hedges Funds que jusqu'à fin 2007, ils avaient fourni 1600 milliards de dollars de collatéral aux courtiers dont 750 milliards pour les opérations de repo5(*).

On trouve ensuite les investisseurs institutionnels (assureurs, secteur public, fonds de pensions) qui prêtent à court terme des titres recherchés par les acteurs comme collatéral afin d'optimiser le rendement de leurs portefeuilles qu'ils détiennent sur du long terme.

On trouve enfin les banques qui se financent en émettant des billets de trésorerie contractés par les fonds monétaires en échange de collatéral.

Les fonds monétaires reçoivent une grande partie du collatéral en échange de la liquidité qu'ils fournissent aux marchés.

Collatéral et risque systémique

Nous avons vu que le collatéral servait à garantir les opérations et donc à réduire le risque de contrepartie. Il doit donc normalement atténuer le risque systémique, c'est-à-dire le risque de défaillance en chaîne d'acteurs interconnectés.

Pourtant, nous allons voir dans cette partie que certaines pratiques développées par les prime-brokers ont au contraire augmenté l'interconnexion des acteurs et le risque systémique en réinjectant le collatéral de leurs clients dans le système.

De plus, comme nous évoquons dans ce document la forte croissance des repos, instruments collatéralisés se substituant aux financements non sécurisés, nous verrons qu'ils sont également pointés du doigt pour le risque systémique qu'ils ont engendré pendant la crise de 2007-2009.

Les repos désignés comme des acteurs du shadow banking

Les repos et les prêts emprunts de titres sont sous le feu des projecteurs car ils sont considérés comme un des principaux moyens de financement des acteurs du shadow banking ou système bancaire parallèle.

Le Financial Stability Board (FSB) définit ce système comme « toute opération d'intermédiation de crédit impliquant des entités et activités en dehors du système bancaire classique, c'est-à-dire, une activité de crédit qui n'est pas exercée par un établissement collectant des dépôts et auquel la législation bancaire ne s'appliquerait pas.»6(*)

Cette définition englobe d'une part les entités non régulées qui ont des activités de crédit proches de celles des établissements bancaires : OPCVM monétaires, prime-brokers, véhicules de titrisations (SPV). Ces entités, ne collectant pas les dépôts échappent aux législations qui protègent les déposants. D'autre part, le shadow banking inclue aussi certaines activités comme les repos, les prêts de titres ou les titrisations qui permettent de faire des opérations de financement sans passer par les établissements bancaires.

L'inquiétude des régulateurs vient du fait que ce marché, fonctionnant hors de leur contrôle, s'est considérablement développé. Cela répondant aux besoins de financement des différents acteurs au moment où les banques se désengageaient des activités de crédit pour réduire leur bilan et faire face à l'augmentation du coût des fonds propres. Selon les estimations du FSB, le shadow banking représentait en 2010 de 25% à 30% du système financier mondial.

Or, ces activités non régulées sont jugées être porteuses de risque systémique à l'image du run fin 2008 sur les Money Market Mutual Funds (MMMF) qui a complètement déstabilisé le marché des repos.

Blocage du marché des repos

Les fonds monétaires bien qu'ils ne soient pas des établissements bancaires ont une place centrale dans le financement des marchés. Ils investissement à court terme et sont ainsi les principaux prêteurs de liquidité des repos et les principaux investisseurs dans les titres monétaires notamment les asset-back commercial paper (ABCP).

Suite à la faillite de Lehman Brothers, `Reserve Primary Fund' un MMMF important a vu sa valeur liquidative passer en dessous de 1$ subissant des pertes importantes sur les billets de trésorerie émis par la Lehman. Or, ces fonds `garantissaient' normalement une valeur liquidative constante à 1$. Ce phénomène appelé « break the buck » (casser le dollar) aux Etats-Unis a engendré l'inquiétude des investisseurs qui se sont massivement retirés de l'ensemble des fonds monétaires à partir de septembre 2008.

Pour faire face à ces désengagements brutaux, les fonds monétaires ont complètement cessé de prêter des liquidités sur le marché des repos. Les banques centrales ont alors dû dans l'urgence se substituer au marché des repos pour fournir de la liquidité aux agents économiques.

Les dirigeants du G20 ont demandé dès novembre 2010 la surveillance et le renforcement de la réglementation du shadow banking. Le FSB a créé plusieurs groupes de travail dont un sur le prêt de titres et les repos. Deux éléments sont principalement reprochés aux repos et aux prêts-emprunts :

? Les décotes (haircut) qui ont une dynamique procyclique ;

? Le fait qu'ils permettent de financer les stratégies à effet de levier des hedges funds.

Haircuts

On a vu que le collatéral était destiné à réduire le risque de défaut. L'application de décotes (haircuts) ou de marges initiales suit un objectif différent qui est de couvrir le risque du collatéral. Il s'agit d'ajuster la valeur de marché des titres pour prendre en compte le risque auquel pourrait être confronté le prêteur de liquidité qui devrait vendre le collatéral en cas de défaut de la contrepartie. Cette marge initiale protège donc contre :

? le risque de contrepartie,

? la qualité et la volatilité des titres,

? l'illiquidité des titres

Cela se traduit dans un repo par le fait que le prêt accordé est d'un montant inférieur à la valeur de marché du collatéral.

Depuis la crise, ces décotes ont fortement augmenté et les régulateurs craignent que ces pratiques accentuent la baisse des marchés. En effet, au cours d'une tendance baissière, les créanciers augmentent les décotes ce qui réduit l'offre de financement. Cela contraint les acteurs qui ont besoin de liquidités à vendre des titres, ce qui amplifie la baisse des valeurs et l'augmentation des marges. Le mécanisme des haircuts montre donc un certain danger de procyclicité.


Réutilisation, ré-hypothèque du collatéral

Ce sont en général des établissements non bancaires tels que les Hedges Funds qui autorisent la ré-hypothèque du collatéral. Pour introduire les notions de réutilisation et de ré-hypothèque, il faut distinguer deux types de collatéral : celui donné en nantissement pour lequel il n'y a pas de dépossession et celui pour lequel il y a un transfert de propriété.

? Pour le collatéral en nantissement les titres restent la propriété de l'emprunteur de liquidité. Le créancier ne pourra en prendre possession que dans la situation où la contrepartie fait défaut à ses obligations. Ce type de collatéral est utilisé notamment pour les prêts sur marges et les opérations sur les dérivés de gré à gré.

Normalement, un élément à l'actif ou au passif d'une banque ne peut être réutilisé et se retrouver à l'actif ou passif d'une autre banque. Mais dans certains cas, concernant par exemple le prime-brokerage, le fournisseur de garanties peut donner juridiquement le droit à sa contrepartie de ré-hypothéquer le collatéral en nantissement, c'est-à-dire de l'utiliser pour garantir ses propres opérations. Le collatéral se retrouve alors en annexe du bilan de plusieurs banques qui, même si elles ne le possèdent pas, sont autorisées à l'utiliser pour garantir pour leurs propres opérations. On abouti à une chaîne de transmission du collatéral, pratique que l'on appelle aussi churning.

Si le créancier utilise les titres sans qu'il y ait défaillance du débiteur, tout se passe comme s'il était le détenteur des titres c'est-à-dire comme s'il y avait eu un transfert de propriété.

? Pour le collatéral avec transfert de propriété, la contrepartie qui reçoit les titres peut en disposer comme elle le souhaite. On parle alors de réutilisation  qui inclut de pouvoir les vendre, les prêter, ou les ré-hypothéquer. La seule obligation est de rendre un collatéral équivalant à l'échéance. Le transfert de propriété est de plus en plus répandu et concerne notamment les repos et le prêt de titres.

Les primes brokers

Les prime-brokers sont les principaux acteurs qui ré-hypothèquent le collatéral. Ce sont des grandes banques d'investissement telles que Goldman Sachs, Morgan Stanley, JP Morgan, qui fournissent aux hedges funds toute une gamme de services pour leur fonctionnement, en particulier le financement et les titres nécessaires à leur utilisation importante du levier. Cela se fait principalement sous la forme de prêts avec marges, de repos et de prêts de titres. Toutes ces opérations qui comportent des garanties font des hedges funds un fournisseur majeur de collatéral.

Or, les contrats proposés par les prime brokers étaient avant la crise peu négociables et leur donnaient le droit de ré-hypothéquer les titres et liquidités donnés par les hedges funds en garantie de leurs opérations. Ils y ont largement eu recours, transférant les actifs des leurs clients vers des filiales au Royaume-Uni où la législation est plus permissive qu'aux Etats-Unis ce qui leur a permis de se financer à moindre coûts.

Dans son rapport annuel de 2009, Goldman Sachs indiquait ainsi que sur 561 milliards de dollars de collatéral que la banque pouvait ré-hypothéquer, elle en avait effectivement réutilisé une part importante d'environ 392 milliards de dollars.7(*)

Ces pratiques de réutilisation et de ré-hypothèque montrent que l'usage du collatéral va au-delà de l'atténuation du risque et il représente aussi une source de revenus pour certains acteurs. L'étude SunGard/Finadium 2010 indique que si pour 39% des personnes interrogées le collatéral ne sert qu'à couvrir les risques, 54% du panel dit l'utiliser pour atténuer les risques et générer des revenus. Pour les 7% restant, c'est uniquement une source de revenus8(*).

Ampleur de la ré-hypothèque

L'économiste du FMI Manmohan Singh a proposé une estimation de ce que représentait fin 2007, la ré-hypothèque du collatéral donné par les hedges funds.9(*) Rappelons que ces fonds sont les principaux fournisseurs de garanties.

Son analyse a porté sur le montant du collatéral qui a été reçu en nantissement par les plus gros brokers dealers américains et les grandes banques actives dans le secteur des hedges funds. Fin 2007, la valeur totale de ce collatéral qui tient compte de la réhypothèque (churning) était supérieur à 10 000 Mds$.

Il estime que 30 à 40% de cette somme soit 3 000 à 4 000 Mds$ ont été obtenus à partir des emprunts des hedges funds qui étaient d'environ 1000 Mds$, ce qui correpond à un taux de ré-hypothèque entre 3 et 4.

En ne garantissant qu'une faible partie des prêts, ce système a créé un levier de liquidité considérable. Le Fonds Monétaire International (FMI) estime ainsi qu'en 2007, la liquidité générée par les ré-hypothèques représentait la moitié du financement du shadow banking.

Pourtant, jusqu'en 2000, cette pratique était assez limitée car aux Etats-Unis seuls les titres du Trésor Américain (T-Bonds) pouvaient faire l'objet de ré-hypothèques. Cette règle a progressivement été supprimée de 2000 à 2005 et les liquidités des clients ont pu être utilisées.

On attribue également l'augmentation de la ré-hypothèque au manque de limites du système anglo-saxon. Aux Etats-Unis, deux réglementations contraignent la ré-hypothèque des prime-brokers : la règle 15c3-3 de la SEC10(*) et le règlement T du Federal Reserve Board. Selon ces règles, un courtier ne peut nantir les actifs de ses clients qu'à hauteur de 140% de leurs dettes. Au Royaume-Uni il n'y a pas cette limitation sur les engagements du client et la totalité de leurs actifs en nantissement peuvent être ré-hypothéqués. De nombreux courtiers Américains ont alors transféré leur activité de financement et les actifs de leurs clients à des filiales basées au Royaume-Uni.

Problèmes engendrés :

La ré-hypothèque est très rentable pour les prime-brokers et cela leur permettait en retour d'offrir gratuitement certains services à leurs clients tel que la conservation des titres et des liquidités des fonds. Mais les problèmes sont apparus quand certains prime-brokers se sont trouvés en difficulté pendant la crise.

Lehman Brothers et Bear Stearns ont fourni des services de prime brokerage. Lorsque ces établissements ont fait faillite, les hedges funds qui leur avaient donné des actifs en garantie n'ont pu les récupérer car ils avaient été réutilisés en chaîne dans d'autres opérations, souvent à l'étranger et donc sous d'autres juridictions.

Un autre cas, plus récent encore, a soulevé les problèmes engendrés par la ré-hypothèque. C'est la faillite du courtier américain MF Global en Octobre 2011. Il s'est alors avéré qu'il manquait 1,2 Mds€ des comptes de ses clients.

Dans un article pour Thomson Reuters11(*), Christopher Elias attribue cette disparition, à la ré-hypothèque par la banque des sûretés (titres et liquidités) de ses clients qui ont été utilisées pour financer et garantir ses propres investissements. MF Global a ainsi acheté massivement des obligations d'Etats Européens, obligations sur lesquelles elle avait atteint une position de 6,2 Mds$, ce qui représentait 5 fois son actif net.

La stratégie suivie était de s'exposer aux dettes souveraines Européennes qui rapportaient des rendements intéressants par rapport aux taux des repos, tout ayant un risque de contrepartie faible, ces titres bénéficiant du soutien de l'EFSF (European Financial Stability Facility). Mais le courtier s'est trouvé en difficulté lorsque les régulateurs américains, s'inquiétant que la banque n'ait pas assez de capital pour faire face aux appels de marge du fait de la volatilité des titres Européens, lui ont demandé de lever du capital et de communiquer sur ses positions.

Le cas de MF Global est intéressant car il montre deux pratiques qui ont beaucoup déstabilisé le collatéral à savoir les problématiques des ré-hypothèque et des appels de marge.

Baisse de la ré-hypothèque

Les hedges funds ont découvert lorsque les prime-brokers ont fait faillite, qu'il était très difficile de récupérer leurs garanties. Les actifs ré-hypothéqués sont inscrits en hors bilan qui est moins contrôlé que l'actif des banques. Au final, il s'est avéré compliqué de savoir où se trouvaient les titres.

Les hedges funds ont alors commencé a être plus vigilants sur le risque de défaut des prime-brokers. Ils ont eu recours à plusieurs prestataires pour se financer et ont aussi demandé à revoir leur contrat pour empêcher la ré-hypothèque et avoir des comptes ségrégués c'est-à-dire isolés des comptes de la banque. Parfois, ils ont demandé en plus que la conservation des titres se fasse chez un dépositaire extérieur.

Le modèle de fonctionnement du prime-brokerage est donc en pleine évolution. L'activité de ré-hypothèque était une source de revenus qu'il faut désormais impacter sur le coût d'autres services.

Dans le schéma ci-dessus extrait de l'article « Velocity of Pledged Collateral » de Manmohan Singh, le recours à un tiers extérieur pour la conservation des titres (ici le dépositaire BONY) est désormais souvent adopté. Cela offre une plus grande garantie aux hedges funds dont l'excédent de collatéral reste bloqué. Dans le scénario précédent, Goldman Sachs, en tant que prime broker faisait « vivre »/circuler ce collatéral (churns) et de ce fait, pouvait offrir des coûts plus faibles.

La baisse de la ré-hypothèque a été marquée. Dans l'article « Under-collateralisation and rehypothecation in the OTC derivatives markets » 12(*), Manmohan Singh, se base sur le montant des garanties ré-hypothécables reçues par les sept plus grands courtiers Américains (Goldman Sachs, Morgan Stanley, Bear Stearns, JPMorgan, Lehman Brothers, Merrill Lynch). Il indique qu'entre fin-2007 et fin de 2009, le montant de ces garanties est passé d'environ 4500 Mds$ à 2100 Mds$.

Cette baisse de la ré-hypothèque peut être vue positivement du point de vue de la stabilité financière car le collatéral ne couvre plus qu'une opération. En revanche, cela a réduit le dynamisme des chaînes d'intermédiation qui s'était développé à partir du moment où les brokers ont pu utiliser le collatéral en nantissement pour leur propre compte.

EMIR

Le contexte

Les dirigeants du G20 se sont engagés lors du sommet de Pittsburgh en 2009, à mettre en oeuvre des mesures pour améliorer la transparence et la surveillance des produits dérivés de gré à gré (OTC, over the counter). Ceux-ci ont été conçus pour répondre aux besoins de couvertures spécifiques des différents acteurs et ne donc sont pas toujours standardisés. Les transactions OTC se font en dehors des marchés réglementés, par des contrats bilatéraux entre un acheteur et un vendeur.

Si on peut établir différentes catégories de dérivés (options, contrats à terme, swaps, dérivés de crédits), les instruments sont très variés. On citera par exemple le CDS (Crédit Default Swap) qui est un dérivé de crédit permettant à l'acheteur, en contrepartie du paiement d'une prime d'assurance périodique, de se protéger contre les évènements de crédit (tel que le défaut) d'une entité de référence (banque, entreprise ...) à laquelle un prêt a été accordé. Le dédommagement, suite à la dégradation du crédit est fourni par le vendeur du CDS.

Les produits dérivés se sont révélés être porteurs d'un risque systémique important durant la crise, principalement du fait de l'absence totale de connaissance sur les positions qui étaient détenues par les différents acteurs. Cette opacité a engendré un climat d'incertitude et des mouvements de panique, à l'image des dérivés de crédit suite à la faillite de la banque Américaine Lehman Brothers. A l'époque, Lehman constituait l'entité de référence (émetteur d'obligations pour se financer) tandis que l'assureur, AIG, était vendeur de CDS sur les dettes de la banque. Fortement exposée aux subprimes, Lehman fait faillite en 2008 et AIG13(*) qui avait vendu pour 440 Mds$ de CDS se retrouve alors dans l'obligation de dédommager les acheteurs de protection.

On reproche également à certains produits dérivés, principalement les CDS d'accentuer les variations de prix et d'augmenter l'instabilité. L'étude de trois chercheurs (Anne-Laure Delatte, Mathieu Gex et Antonia Lopez-Villavicencio)14(*) publiée en Août 2011 dans le Journal of International Money and Finance établit un lien dans les périodes de crise, entre les primes d'assurance des CDS et les conditions de financement des Etats Européens dits « périphériques » (ayant des taux d'emprunts élevés tels que l'Espagne, l'Italie, la Grèce ...). Les CDS deviennent alors des instruments de spéculation auto-réalisateurs sur la détérioration des conditions de financement de ces Etats : en achetant des CDS, les spéculateurs envoient un signal négatif aux marchés ce qui fait chuter le prix des obligations, sur lesquelles ils ont pris des paris à la baisse. En Novembre 2011, le Parlement Européen adopte un texte interdisant les CDS à nu sur les dettes souveraines des Etats Européens. Il n'est désormais plus possible de s'assurer contre ce risque si l'investisseur n'y est pas exposé.

Aux Etats-Unis et en Europe, les régulateurs tentent d'appliquer des mesures pour atténuer le risque systémique des grandes institutions financières. La réglementation des dérivés OTC représente un enjeu majeur car comme le montre le graphique ci-dessous issu de la BRI15(*), ce marché est en très forte croissance depuis plus de dix ans. Les encours notionnels ont progressé de plus de 30% par an entre 2004 et 2007 pour atteindre 583 000 Mds$ en juin 201016(*). D'autre part, on estime que plus de 80% des produits dérivés sont négociés de gré à gré, les 20% restants étant négociés sur les marchés réglementés.

Progression des encours notionnels sur les dérivés OTC 17(*)

Dodd-Franck, EMIR :

En Europe, les engagements pris au G20 ont abouti au texte de règlement 2010/0250(COD) (« produits dérivés négociés de gré à gré, contreparties centrales et référentiels centraux ») portant sur l'infrastructure du marché Européen. Ce texte que l'on appelle EMIR (European Market Infrastructure Regulation), a été approuvé en Février 2012 par le Parlement Européen et le Conseil et devrait entrer en vigueur à partir de Janvier 2013. Il s'ajoute à une autre évolution qu'est MiFID II (Markets in Financial Instruments Directive) qui prévoit que les dérivés standardisés ne soient plus négociés de gré à gré mais soient concentrés sur des plateformes de négociation : systèmes organisés de négociation (OTF, Organised Trading Facility), marchés règlementés ou systèmes multilatéraux de négociation (MTF, Multilateral Trading Facilities).

Aux Etats-Unis, la régulation sur les dérivés OTC est l'objet du chapitre VII de la loi Dodd-Franck promulguée en Juillet 2010 et visant à accroître le contrôle des autorités sur le système financier Américain. Le chapitre VII s'intéresse particulièrement à la réglementation des swaps.

Les dispositions de la réglementation EMIR

Introduction des contreparties centrales (CCP, central counterparties)

La réglementation EMIR cherche à réduire le risque de contrepartie et le risque systémique que représentent les opérations négociées de façon bilatérale, en proposant d'intégrer la protection des chambres de compensations. Tous les contrats dérivés de gré à gré suffisamment standardisés et liquides devront être compensés par une contrepartie centrale.

La chambre de compensation s'interpose entre les acheteurs et les vendeurs, dont elle devient la contrepartie directe. Ce mécanisme dit de novation permet d'effectuer une compensation multilatérale : on ne calcule plus les positions nettes des intervenants entre eux mais une position nette globale de chaque intervenant avec l'ensemble des autres intervenants, position qu'il a désormais avec la contrepartie centrale. Le risque de contagion est alors réduit car le défaut d'un membre n'affecte pas directement les autres qui continuent leurs opérations avec la chambre de compensation.

En étant garante des opérations, la chambre de compensation porte un risque de contrepartie important. Elle doit donc mettre en place différents mécanismes pour réduire son risque :

§ Elle exige des intervenants une marge initiale (deposit) qui doit couvrir la variation maximale de l'instrument sur une journée. Ce montant doit lui permettre de faire face aux éventuelles pertes au cas où elle devrait déboucler une position suite au non paiement d'un intervenant ;

§ Elle effectue quotidiennement des appels de marge auprès des contreparties de chaque opération en fonction de la valeur de marché de l'instrument ;

§ Elle possède un fonds de garanties financé par les participants.

Suite à la réglementation EMIR, les transactions sur les produits dérivés feront donc intervenir : l'acheteur (investisseur), le vendeur (en général une banque d'investissement) et un clearing broker (établissement compensateur) qui sera membre d'une chambre de compensation.

Les classes d'actifs qui seront soumises à cette obligation de compensation centrale sont encore à définir par l'ESMA (l'autorité européenne des marchés financiers), mais les critères de sélection sont principalement la liquidité des contrats et leur possibilité de standardisation. En effet, la chambre de compensation doit pourvoir déboucler rapidement une position. Une plus grande normalisation des contrats permettra d'accroître leur liquidité (volume d'échange plus important) et d'avoir ainsi un mécanisme de formation des prix plus fiable, avec moins de possibilité de manipulation des cours.

Les principales familles visées par la réglementation sont pour l'instant les swaps de taux d'intérêt (IRS, Internal Rating Swaps) et les swaps de défaut (CDS) qui représentent 75% des transactions sur dérivés OTC.

Référentiels centraux

La nouvelle réglementation cherche également à donner les moyens aux régulateurs de pouvoir contrôler les dérivés négociés de gré à gré afin de connaître les expositions par intervenant ou de façon plus synthétique par catégorie d'instrument et de sous-jacent. Jusqu'à présent, il n'y avait aucune obligation de déclarer les transactions de sorte que les régulateurs étaient dans l'incapacité d'anticiper les expositions systémiques de certains acteurs, à l'image d'AIG sur le marché des CDS.

Dans cette optique, la Commission prévoit que les transactions réalisées dans l'Union Européenne devront être notifiées à des référentiels centraux (ou trade repositories). Ces référentiels seront surveillés par l'ESMA et devront également publier leurs positions agrégées par catégorie de dérivé, ce qui fournira une meilleure vision aux acteurs du marché.

Coût du passage aux chambres de compensation (CCP)

Le coût du transfert des dérivés OTC vers les contreparties centrales ne sera pas négligeable. Les intervenants devront tout d'abord verser les marges initiales et les contributions aux fonds de garantie. En prenant comme hypothèse que 2/3 des montants notionnels des contrats (CDS, swaps sur taux d'intérêts, contrats de changes, actions, produits de base) seront transférés aux CCPs 18(*), Manmohan Singh a estimé ces montants à environ 200 Mds$.

D'autre part, même si l'introduction des contreparties centrales va permettre de compenser les contrats et donc réduire les appels de marges des intervenants, les opérations vont devenir plus coûteuses en collatéral.

Augmentation de la demande en collatéral

En effet, les contreparties centrales imposeront de couvrir la totalité des transactions ce qui n'était pas le cas pour les opérations bilatérales. L'ISDA (International Swaps and Derivatives Association), interroge chaque année un ensemble d'acteurs des marchés de dérivés de gré à gré (820 membres sur 57 pays) sur leur recours au collatéral. Dans son étude « ISDA Margin Survey 2010 »19(*), elle a établi à partir des réponses de 83 participants qu'environ 70% des opérations étaient garanties par du collatéral en 2009.

 
 

Les transactions sur les dérivés de gré à gré sont donc largement sous-collatéralisées. Le FMI et la BRI (dans son reporting semi-annuel sur l'activité des dérivés OTC) évoquent pour 2009, une sous-collatéralisation qui avoisinait 2000 Mds$ 21(*). Cela est dû au fait que les réglementations n'imposent pas aux acteurs qui contractent des dérivés de gré à gré de couvrir toutes leurs expositions. Les contreparties fixent librement les termes du contrat ; en conséquence les grandes banques actives sur ce marché peuvent porter un risque systémique important.

Une mesure du risque systémique :

Le montant des fonds propres et des provisions définis par les accords de Bâle se basent exclusivement sur la valeur des actifs d'une banque (que l'on dénomme aussi « valeurs de remplacement positives » ou « derivative receivables ») et ont pour objectif de gérer les risques de crédit, de marché et opérationnels et non pas le risque systémique.

Un moyen d'estimer le risque que fait porter une grande banque sur les autres acteurs consiste à calculer le total de ses « valeurs de remplacements négatives » (ou derivative payables), ce qui correspond à l'ensemble de ses engagements au passif. La valeur résiduelle, après netting (évaluation sous un solde unique des divers contrats de créances et d'engagements d'une entité), permet ainsi de mesurer le risque systémique potentiel ainsi que la valeur maximale de la sous-collatéralisation de ses opérations.

Le passage aux CCPs va mettre fin à cette sous-collatéralisation et les banques devront mobiliser beaucoup plus de collatéral. Dans une étude publiée en Mai 2012, Morgan Stanley and Oliver Wyman estiment que le supplément de collatéral engendré par la compensation des dérivés pourrait se situer entre 500 et 800 Mds$.

L'ISDA souligne également dans le compte rendu de son enquête, que le collatéral est un moyen de plus en plus utilisé pour couvrir le risque de crédit sur les marchés des dérivés OTC. Entre 1999 à 2009, le collatéral a évolué à un taux croissance annuelle de 35% quand les expositions brutes sur les dérivés augmentaient à rythme de 13% par an. Pourtant d'autres solutions existent : l'allocation de fonds propres, le recours à des garants (sûretés personnelles) ou à des clauses de compensations (close-out netting) permettent aussi de réduire le risque.

Réduction de la ré-hypothèque

A l'augmentation des garanties, va s'ajouter une baisse de la ré-hypothèque des brokers/dealers. En effet, le collatéral qui sera transmis aux chambres de compensation restera bloqué par celles-ci et ne pourra donc plus être utilisé par les brokers pour garantir leurs propres opérations.

L'étude de l'ISDA donne quelques précisions sur le type de collatéral qui est échangé : 82% des garanties sont données sous forme de cash et viennent ensuite les titres souverains pour 14%. Dans le panel interrogé, les 15 plus grands acteurs ré-hypothèquent fortement le collatéral (82% en global et même 93% pour le cash).

Même les transactions sur les dérivés qui ne seront pas sujettes à la compensation centrale auront un suivi plus strict des garanties. Frédéric Bompaire, responsable des affaires publiques chez Amundi, indique ainsi que «les opérations qui ne seront pas compensées devront être associées à une collatéralisation » et surtout que « les appels de marges devront être réguliers et gérés à travers un système automatisé quotidien de façon à suivre les risques» 22(*).

Qualité du collatéral

Les contreparties centrales qui vont concentrer les risques de contrepartie vont devoir s'assurer qu'elles ont suffisamment de collatéral pour couvrir les expositions courantes (par les appels de marge) et les expositions potentielles (par les marges initiales) des différents intervenants. Elles seront alors bien plus prudentes que les banques sur la qualité des garanties qu'elles acceptent car elles devront pouvoir liquider le collatéral lorsqu'un des membres à la compensation fait faillite donc probablement dans des conditions de marchés stressées

Les exigences de garantie font l'objet de l'article 43 de la réglementation EMIR. La commission propose que les CCPs n'acceptent que des garanties très liquides ayant un risque de crédit et de marché minimums, sans toutefois indiquer une liste d'actifs éligibles.

La réorganisation du marché

Avec MiFID II et Emir, les régulateurs encouragent la négociation des dérivés de gré à gré sur les marchés réglementés et leur compensation par les contreparties centrales. Nous avons mentionné que 80% des dérivés étaient encore négociés de gré à gré ce qui implique que ces deux marchés deviennent très prometteurs et subissent de fortes réorganisations ces derniers mois.

La concurrence sur les plateformes de négociation des dérivés

Les principales plateformes organisées spécialisées dans les dérivés sont le CME Group (Chicago Mercantile Exchange), l'Eurex (European Exchange) et le Liffe (London International Financial Futures and options Exchange).

§ Le CME group est le premier opérateur mondial du marché des dérivés23(*). S'il est connu pour sa spécialisation sur les matières premières, il est très actif dans les futures et options sur le S&P500 et sur le marché de l'eurodollar (contrats sur le Dollar-Libor 3 mois)

§ L'Eurex, qui est la filière des dérivés de la Deutsche Börse (opérant à la bourse de Francfort) est le deuxième acteur mondial dans les dérivés. Ses produits-phares sont principalement les futures sur emprunts allemands à différentes échéances (Euro-Schatz, Euro-Bobl, Euro-Bund, Euro-Buxl) qui constituent le marché de référence des taux d'intérêts à moyen et long terme de la zone euro. L'Eurex est également très actif sur les options et futures sur actions et indices.

§ Enfin, le Liffe, le troisième acteur mondial, détenu par NYSE Euronext (bourses de New-York, Paris, Londres, Amsterdam et Lisbonne) est spécialisé dans les dérivés sur taux d'intérêts à court terme (STIR, Short Term Interest Rate). Son principal produit est le contrat à terme Euribor 3 mois24(*).

En 2011, Nyse Euronext et de Deutsche Börse ont tenté de fusionner leurs activités pour former la plus grande bourse mondiale des dérivés mais la Commission Européenne a bloqué le projet en février dernier, craignant un double monopole en infraction avec les lois anti-concurrentielles : sur le marché des produits dérivés en Europe et sur le règlement-livraison au sein des chambres de compensation. Selon l'UE, le nouvel ensemble aurait contrôlé plus de 90% des dérivés cotés en Europe.

Depuis, plusieurs opérateurs boursiers américains cherchent à installer à Londres des plateformes de négociation sur les dérivés car l'activité est moins concurrentielle et donc plus rentable que les marchés actions :

§ En juin, Nasdaq OMX25(*) annonçait qu'il se lançait sur ce marché via un système multilatéral de négociation (MTF) spécialisé sur les taux d'intérêts courts et longs en euros et en livres.

§ En Août, c'était au premier acteur mondial, le CME Group, d'annoncer sa volonté de créer à Londres une bourse européenne des dérivés pour mi-2013. Celle-ci concurrencerait surtout le Liffe du fait de leur rivalité sur les futures Euribor et Dollar-Libor 3 mois ; les deux plateformes ayant de plus beaucoup de membres en commun. Le rival américain de CME Group, ICE (Intercontinental Exchange) s'est également lancé sur ce marché.

La concurrence pour la compensation des dérivés

Les principaux acteurs de la compensation en Europe sont LCH Clearnet et Eurex Clearing. Ils interviennent pour l'essentiel dans la compensation des actions et des dérivés listés (options, futures). La compensation des dérivés de gré à gré va bouleverser ce marché car les chambres de compensation vont avoir un rôle central.

La réglementation apporte également certaines évolutions : les fonctions de compensation devront être regroupées à un seul endroit et les produits dérivés libellés en euros devront être compensé dans la zone euro.

En Mars dernier, le groupe boursier anglais LSE (London Stock Exchange) annonçait sa prise de participation majoritaire du capital de LCH Clearnet. NYSE Euronext a pour sa part décidé de développer une nouvelle structure, RCH (Recognised Clearing House) prévue pour 2014, qui sera basée à Londres. Elle procèdera à la compensation de tous les produits dérivés échangés sur les bourses d'Amsterdam, Bruxelles, Lisbonne et Paris, ce qui était effectué par LCH Clearnet à Paris. En revanche, les actions échangées sur Nyse Euronext restent compensées par LCH Clearnet à Paris.

Bâle III

Pour le comité de Bâle, si la crise économique et financière a été aussi grave, c'est parce que « le secteur bancaire avait développé un effet de levier excessif au bilan et au hors-bilan, tout en laissant se dégrader progressivement le niveau et la qualité de ses fonds propres »26(*). Malgré les règles prudentielles qui étaient en vigueur en 2007, certaines banques n'ont pas pu faire face aux pertes réalisées sur les produits structurés issus de la titrisation. Un phénomène de défiance, engendré par l'incertitude sur la qualité du bilan, la solvabilité des banques ainsi que leur interdépendance a rapidement engendré une crise de liquidité à l'automne 2008.

Après avoir pris en compte les techniques de titrisations dans les normes Bâle 2.5 (directive européenne CRD3), le comité a proposé fin 2010 des changements plus importants aux règles prudentielles. La réglementation Bâle III (directive européenne CRD4) qui s'appliquera progressivement entre 2013 et 2019, aura un impact sur la demande en collatéral.

Le niveau et qualité des fonds propres

Bâle II s'est surtout focalisé sur la différentiation du risque de crédit en fonction des types d'actifs et des émetteurs, ainsi qu'à la prise en compte des risques de marché et des risques opérationnels. Avec les accords Bâle III, les régulateurs cherchent tout d'abord à améliorer le niveau et la qualité des fonds propres réglementaires. Ceux-ci doivent permettre aux banques d' « absorber les chocs consécutifs à des tensions financières ou économiques ».

L'attention est surtout portée au ratio des fonds propres stables, les plus à même pour absorber les pertes. Ce ratio, appelé le CET1 (Common Equity Tier 1), a désormais une composition plus stricte qui comprend les actions ordinaires, les bénéfices en réserve, certaines participations minoritaires et le goodwill27(*). Le CET1 passera de 4% à 6% dès 2013.

D'autre part, le ratio `Core Tier 1' plus restrictif car limité aux actions ordinaires et aux bénéfices en réserve, sera également augmenté de 2% à 4,5% en 2013, auquel s'ajoutera une réserve de conservation pour atteindre un Core Tier 1 de 7% en 2019.

D'autres contraintes sont également évoquées :

§ Un volant contracyclique constitué de fonds propres identiques au CET1 pouvant aller jusqu'à 2,5% lorsque les autorités jugeront que la croissance du crédit entraîne un risque systémique ;

§ Des fonds propres additionnels pour les établissements jugés d'importance systémique (SIFI, Systemically Important Financial Institutions).

Pour satisfaire ces nouvelles normes bien plus exigeantes en capitaux, les banques devront :

§ soit augmenter leurs fonds propres en mettant en réserve une partie de leurs bénéfices ou en levant de nouveaux capitaux ;

§ soit diminuer leur exposition pondérée du risque (RWA, Risk-Weighted Asset).

Utilisation du collatéral comme technique de réduction des risques

Un moyen pour réduire l'exposition au risque est d'avoir recours à des atténuateurs (CRM : Credit Risk Mitigation) afin de couvrir partiellement ou en totalité le risque de perte dû au défaut de la contrepartie.

On peut citer comme outils d'atténuation du risque :

§ Les sûretés personnelles (ou garanties). Un tiers prend alors l'engagement de se substituer au débiteur s'il devient défaillant. Un exemple de sûreté est l'achat de protection par un dérivé de crédit (CDS);

§ Les sûretés réelles (ou collatéraux) qui sont constitués d'actifs physiques (biens immobiliers, métaux précieux ...) ou d'instruments financiers (espèces, titres de qualité supérieure ...) ;

§ Enfin, les banques mettent également en place des accords de compensation par lesquels, en cas de défaillance, les montants dus et à payer sont compensés. L'exposition au risque porte alors sur les montants nets.

Ces techniques réduisent l'exposition pondérée du risque (RWA) en agissant soit sur la valeur exposée au risque (EAD, Exposure At Default) comme pour les contrats de compensation, soit en permettant de considérer que le risque n'est plus envers le débiteur mais envers un garant, mieux noté et donc moins pondéré (RW, Risk Weight plus faible).

Afin de réduire le montant des fonds propres à mobiliser, les banques pourraient ainsi augmenter leur usage du collatéral. Cependant, il est plus probable compte tenu du coût croissant du collatéral, que les banques choisissent de se désengager de certaines activités trop consommatrices en fonds propres, ou d'avoir recours à la titrisation pour sortir des créances de leur bilan.

Les ratios de liquidité

Au-delà de l'usage du collatéral pour réduire le montant des fonds propres, une autre mesure des accords Bâle III va venir diminuer le stock d'actifs sûrs et liquides, c'est-à-dire l'offre en collatéral le plus recherché.

Bâle III introduit deux ratios pour contenir le risque de liquidité. Ce risque représente les difficultés que peuvent rencontrer les banques pour se refinancer, vendre une partie de leurs actifs dans des situations de crises globales. Dans la période 2007-2009, les problèmes de liquidité ont été importants, notamment suite au gel du marché monétaire, car les banques refinancent leur activité à court terme. En septembre 2008, l'effondrement de nombreux établissements a été évité par l'action des banques centrales qui ont accordé massivement de la liquidité. L'objectif des ratios proposés par le comité de Bâle est d'éviter que les banques centrales ne deviennent des prêteurs non plus de dernier ressort mais de premier ressort lors de tensions sur le marché monétaire.

§ Le premier ratio de liquidité introduit dans Bâle III, est le LCR (Liquidity Coverage Ratio) qui doit être mis en oeuvre pour 2015. Son objectif est d'améliorer la résilience à court terme des banques à une crise de liquidité aigue. On simule une situation dans laquelle les clients retireraient brutalement leurs dépôts, que le marché interbancaire et les financements sécurisés seraient bloqués, que certains crédits ne seraient pas remboursés. Ce ratio vise à s'assurer que les banques disposent d'une réserve de liquidité suffisante pour faire face aux sorties d'espèces à un horizon d'un mois.

Le ratio LCR est donc défini comme le rapport entre le montant d'un coussin de réserve de liquidité et les sorties de trésorerie prévues par la banque à un mois. Il devra être supérieur à 100%, ce qui va contraindre les banques à disposer d'actifs liquides, de très bonne qualité, cette définition ne comprenant que les titres d'Etat et les espèces. Le coussin de liquidité à court terme représentera donc autant d'actifs qui ne pourront être utilisés comme collatéral.

Cependant, la définition des actifs éligibles pourrait être élargie par exemple à l'or et aux actions suite à une étude du comité de Bâle qui chiffre à 2 220 Mds$, le montant des actifs que doivent encore se procurer les banques pour se conformer au LCR.

§ Le deuxième ratio est le NSFR (Net Stable Funding Ratio), qui est prévu pour 2018. Son objectif est de diversifier le financement des actifs à moyen et long terme des banques c'est-à-dire leurs emplois stables (RSF, Required Stable Funding), qui se faisait principalement à court terme. Avec l'introduction du ratio NSFR, les emplois stables devront être financés par des ressources plus longues/stables (ASF, Available Stable Funding), plus précisément de maturités supérieures à un an.

Des pondérations vont être appliquées aux sources de financement en fonction de leur stabilité : 100% pour le CET1, 80% à 90% pour les dépôts clientèles, 50% pour les emprunts garantis. De la même manière, les actifs à financer seront pondérés en fonction de leur liquidité : 0% pour les comptes d'espèces, 5% pour les titres d'Etat, 55% pour les prêts hypothécaires, 85% pour les prêts aux particuliers et 100% pour les autres actifs.

Ces pondérations vont impliquer d'une part, le recours à des ressources plus longues mais aussi l'augmentation de la part des actifs liquides, peu pondérés, tels que les titres d'Etat ou les espèces.

Les mesures concernant les dérivés de gré à gré

A l'instar d'EMIR, le comité de Bâle cherche à mieux prendre en compte la gestion du risque de contrepartie et du risque systémique pour les dérivés de gré à gré. Certaines mesures des accords Bâle III vont inciter les banques à transférer le traitement des dérivés OTC aux contreparties centrales. Par ailleurs, le coût des contrats non collatéralisés sera renforcé.

Incitation à passer par les chambres de compensations

Le comité propose un traitement prudentiel avantageux pour les transactions OTC qui seront compensées par les contreparties centrales. Les expositions en valeur de marché et les sûretés auront un coefficient de pondération (risk weight) rw de 2% qui est bien inférieur au coefficient appliqué aux opérations bilatérales.

Cependant, les expositions sur les fonds de garanties des CCPs feront également l'objet d'exigences en fonds propres qui dépendront du risque porté par la chambre de compensation. Pour mesurer ce risque, un capital réglementaire sera calculé en appliquant une pondération de 8%×20% au total des expositions des intervenants de la CCP auxquelles on déduit la valeur des collatéraux. Ce capital sera alors comparé aux ressources de la contrepartie centrale (fonds de garantie et fonds propres) et s'il y a un déficit il sera réaffecté aux intervenants en fonction de leur contribution au fonds de garantie.

Traitement prudentiel des CVA (Crédit Value Ajustment)

En plus des exigences en fonds propres relatives au risque de contrepartie, de nouvelles charges en fonds propres vont être destinées à absorber les pertes en valeur de marché sur les dérivés de gré à gré, résultant de la dégradation de la qualité de la contrepartie. Cette dégradation est mesurée par l'augmentation des spreads de crédit ou par la baisse de la notation de la contrepartie.

Ces pertes d'ajustement de la valeur des actifs (ou Crédit Value Ajustment) matérialisent la volatilité potentielle du risque de contrepartie. Elles sont définies comme la différence entre la valeur de marché du portefeuille de crédit sans risque et la valeur de marché du portefeuille en tenant compte du risque de contrepartie. Les CVA sont ainsi considérés par des établissements comme une provision prospective du risque de contrepartie.

Les produits dérivés de gré à gré ont subis de fortes pertes de CVA pendant la crise principalement du fait de la détérioration de la qualité des vendeurs de protections, notamment les rehausseurs de crédit (monolines). Les baisses des notations ainsi que le défaut de certains acteurs (comme AIG) se sont produits au moment où leurs expositions étaient très fortes. Cette corrélation inverse entre l'exposition au risque et la qualité de crédit de la contrepartie est une source de risque systémique que le comité de Bâle dénomme le « wrong way risk ».

Afin de couvrir le risque systémique, la réforme Bâle III impose d'identifier les expositions qui peuvent engendrer un fort wrong way risk ainsi que de calculer les expositions attendues sur les dérivés en utilisant des paramètres stressés (volatilité, corrélation) sur certaines périodes. Les transactions bilatérales non collatéralisées seront fortement impactées par ces nouvelles charges de CVA ce qui va renforcer la mise en place d'accords de collatéral. De plus, les opérations compensées par une contrepartie centrale ne nécessiteront pas ces exigences en fonds propres.

Vers un risque de liquidité ?

Comme l'indiquent Elsa Sitruk et Stéphane Kourganoff dans l'article « Du bon équilibre entre risque de contrepartie et risque de liquidité » 28(*), dans ce nouvel environnement réglementaire deux situations vont s'opposer :

§ Une situation dans laquelle on utilise des contrats de collatéral bilatéral ou une compensation par les contreparties centrales. Les charges réglementaires au titre du risque de contrepartie seront alors massivement réduites ;

§ Une situation sans contrat de collatéral pour laquelle les charges subies au titre du risque de contrepartie seront importantes. Elles sont le d'autant plus si les spreads de crédit se sont écartés ou si la volatilité des marchés est forte (cf traitement prudentiel des CVA).

La collatéralisation de façon bilatérale ou avec une contrepartie centrale va donc se développer ce qui risque d'engendrer un risque de liquidité non négligeable. En effet, les variations des conditions de marché, au lieu d'affecter le risque de contrepartie vont donner lieu à appels de marge qui peuvent être importants et engendrer des problèmes de liquidité.

L'article donne l'exemple d'AIG qui avait vendu massivement des protections par le biais de CDS « super senior ». L'assureur s'est trouvé en difficulté lorsqu'il a dû déposer des milliers de dollars de collatéral supplémentaires suite à l'envolée des spreads de CDS sur le marché. Ce risque de liquidité a été largement sous-estimé pendant la crise et de nombreux établissements tels que Lehman Brothers, AIG, Bear Stearn ou Dexia ont disparus ou été restructurés avant tout pour ce risque de liquidité.

Crise du collatéral

Nous venons de voir que les réglementations EMIR et Bâle III, qui ne sont pas encore en application, vont mobiliser une quantité importante de titres de bonne qualité tels que des titres d'Etat bien notés ou des espèces. Le problème est que ces deux réglementations vont s'appliquer à un moment où le collatéral de bonne qualité se raréfie.

Nous allons voir dans cette partie différentes raisons qui expliquent ce qui peut être considéré comme une crise du collatéral.

La baisse de la vitesse de circulation du collatéral

Manmohan Singh, économiste au FMI, a réalisé une étude pour mesurer l'évolution de la vitesse de circulation du collatéral entre 2007 et 201029(*). Il s'est intéressé aux deux principales sources de collatéral à savoir celui fourni par les hedges funds et celui fourni par le prêt de titres.

Pour les hedges funds, il distingue les deux moyens de financement suivants :

§ les repos qui sont utilisés pour financer les hegdes funds ayant une stratégie à fort effet de levier tels que les arbitrages sur taux (fixed income), les paris sur l'économie (global macro) ou les opportunités sur les produits convertibles (covertible arbitrage);

§ le collatéral donné en nantissement des prêts des prime-brokers qui financent les autres stratégies notamment celles d'achat et de vente sur les actions (long short equities) et celles liées aux évènements des entreprises (event driven).

D'après son étude, la valeur du collatéral transmis pour les opérations de repos était de l'ordre de 750 Mds$ en 2007 et en 2010. Il base ses estimations sur certaines des données telles que :

§ Les encours gérés (AuM - Assets under Management) publiés par l'industrie des hedges funds (2000 Mds$ fin 2007 contre 1700 Mds$ fin 2010) ;

§ Le levier moyen : (2 en 2007 contre 1,7 en 2010) ;

§ Le poids des stratégies fixed income, global macro et convertible arbitrage (qui représentaient 27% des positions de marché des hedges funds en 2007 contre 32% en 2010).

Le financement des hedges funds par les prêts des prime-brokers a en revanche baissé, passant de 850 Mds$ en 2007 à 600 Mds$ en 2010. Les raisons invoquées sont la ségrégation des comptes des hedges funds et la conservation du collatéral par des dépositaires ce qui limite la ré-hypothèque et donc les capacités de financement des prime-brokers.

Concernant le prêt de titres, l'estimation se base sur les données fournies par le Risk Management Association (RMA) concernant les principaux prêteurs (fonds de pensions, assureurs, secteurs publics) à travers leurs dépositaires. La valeur des titres prêtés est estimée à 1695 Mds$ pour 2007 et à 1119 Mds$ pour 2010.

En additionnant la valeur du collatéral transmis par les hedges funds et le prêt de titres, on obtient la valeur du collatéral d'origine, qui n'a pas encore fait l'objet de ré-hypothèque :

§ Pour 2007 : (750 + 850) + 1695 soit 3295 Mds$

§ Pour 2010 : (750 + 600) + 1119 soit 2469 Mds$

L'économiste définit alors vitesse de circulation du collatéral comme le rapport entre la valeur du collatéral reçu par l'ensemble des brokers (qui a fait l'objet de ré-hypothèques) et le montant du collatéral d'origine.

Les quatorze principaux courtiers ont reçu environ 10 000 Mds$ de collatéral en 2007 et 5800 Mds$ en 2010, ce qui donne les vitesses de circulation suivantes :

§ En 2007 : 10000/3295 = 3.0

§ En 2010 : 5800/2469 = 2.3

En 2007, les titres donnés en nantissement étaient continuellement réinvestis par les brokers-dealers pour maximiser leurs rendements et le prêt de titres des institutionnels était plus important ce qui créait des chaînes dynamiques pour la circulation du collatéral.

Avec la baisse de ces opérations les chaînes d'intermédiation se sont raccourcies. Cela vient d'une part des fournisseurs de collatéral : ils sont désormais plus vigilants au risque de contrepartie et donc moins enclins à ce que leurs titres soient réutilisés par les brokers. D'autre part, les clients finaux/investisseurs demandent du collatéral de meilleure qualité.

Les transactions possibles ont alors baissées ce qui participe au deleveraging et à l'augmentation du coût du crédit. Des indices mesurant le coût global d'emprunt indiquent qu'il a été multiplié par 2.5 aux Etats-Unis et par 4 en Europe depuis 2006.

Cette étude de Manmohan Singh porte sur la période 2007-2010, alors que les réglementations Emir et Bâle III n'étaient pas encore appliquées. On remarque donc que en conséquence post-Lehman, les acteurs font déjà preuve d'une plus grande vigilance.

 

Assèchement du collatéral

L'enquête menée par SunGard/Finadium en 2010 indique que le montant du collatéral utilisé a été multiplié par quinze sur les dix dernières années, du fait notamment de la croissance considérable des transactions sur les dérivés. En tenant compte des dérivés OTC, des dérivés listés et des prêts sécurisés, le montant du collatéral pour ces opérations atteignait en 2009 4510 Mds$ (10% pour les dérivés listés, 44% pour les dérivés OTC et 46% par le prêt de titres) auquel il faut ajouter 3000 Mds$ pour les repos 30(*).

Or, la tendance va vers un durcissement des actifs acceptés en garantie par les prêteurs de liquidités sur le marché des repos et par les régulateurs pour la constitution des marges auprès des contreparties centrales ainsi que pour les ratios de liquidité Bâle III. Ce resserrement se produit au moment où l'offre des titres de bonne qualité est au plus bas comme en témoigne le graphique ci-dessous qui trace l'évolution du stock des actifs sûrs (libellés en euros et en dollars) en circulation sur les marchés financiers.

Source : Credit Suisse - 2012 Global Outlook31(*)

On constate que les titres « sans risque » ont fortement diminué depuis 2007, de l'ordre de 40%. Plusieurs perdent leur qualité d'actif sans risque : les produits structurés émis par les institutions privées (US Priv Label Structured Products), les titrisations de crédits hypothécaires garanties par les agences gouvernementales telles que Fannie Mae ou Freddie Mac (FNMA/FHLMC AGY&MBS) et dernièrement les obligations d'états souverains européens (Europen Soverains).

Les banques ont utilisé beaucoup de garanties dans les accords de collatéral bilatéral et au niveau des banques centrales afin d'obtenir de la liquidité. La situation est particulièrement critique en Europe au fur et à mesure que le nombre de pays jugés sûrs se restreint alors que dans le même temps, les investisseurs cherchent des valeurs refuges.

Crise de la dette Européenne et taux d'intérêts négatifs

Cette pénurie en Europe sur les titres de bonne qualité est au coeur de l'actualité car depuis quelques mois, certains Etats (comme l'Allemagne, la France, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, l'Autriche, la Suisse) empruntent à court terme à des taux négatifs.

Ainsi dès Janvier 2012, l'Allemagne obtenait un taux de -0,012% pour l'adjudication de ses obligations à 6 mois et en juillet c'est son taux d'emprunt à 2 ans qui passait en négatif à -0,06%. Un autre exemple est la France qui malgré une dette qui avoisine 90% de son PIB, émettait en juillet dernier 6 Mds€ d'obligations à trois et six mois à des taux d'intérêts négatifs de - 0,005 % et - 0,006 %.

Cela signifie que les investisseurs récupéreront un montant inférieur à ce qu'ils ont investi et qu'ils sont prêts à payer pour sécuriser leurs avoirs dans une conjoncture incertaine et risquée.

Plusieurs pistes sont données pour tenter d'expliquer ces rendements négatifs :

§ Certains fonds obligataires et portefeuilles d'investisseurs institutionnels doivent avec une partie de leurs investissements en euros, parfois en emprunts d'Etats notés AAA. Or, ces placements se sont réduits. A noter que la dette Française est encore notée AAA par les agences Moody's et Fitch.

§ Les investisseurs estiment que le placement dans de obligations souveraines AAA est plus sûr que de conserver du cash auprès des établissements bancaires. Pour la conservation de titres, une banque n'est que dépositaire et si elle fait faillite, les titres ne sont pas pris en compte dans la procédure de liquidation. Cela n'est pas le cas des dépôts de cash qui sont considérés comme des créances.

Ces taux négatifs sont révélateurs de l'engouement des investisseurs pour des actifs sans risque mais aussi de la pénurie de ces actifs en Europe qui fait qu'on arrive à ces rendements anormaux.

Le taux des repos comme indicateur de la crise du collatéral

D'après Izabella Kaminska dans une note sur la banque centrale en prêteur de dernier ressort32(*), le meilleur indicateur sur l'intensité de la crise du collatéral est le taux des repos (GC repo rate), de la même manière que la flambée des taux du Libor était un indicateur clé de la tension des marchés lors de la crise du crédit.

En effet, on a vu dans le mécanisme des repos que lorsque le taux d'intérêt est bas cela signifie que la garantie est particulièrement recherchée. Plus le taux du repo est faible et s'écarte de l'EONIA, du LIBOR/EURIBOR qui sont des taux de financement qui ne sont gagés par des titres, plus la crise du collatéral est aigue.

Dans certains cas les taux peuvent même devenir négatif ce qui implique que le prêteur de liquidités paie une somme supérieure à la valeur nominale des titres. On se rapproche alors du prêt-emprunt de titres où c'est la détention des titres qui est rémunérée.

Source ICAP 33(*)

Ce graphique montre l'évolution sur la période juin 201 - février 2012 des taux de repos pour une échéance de 1 mois selon les pays.

On remarque jusqu'à décembre 2011 la baisse des taux des repos et l'écart croissant avec l'EONIA pour la France, la Belgique et l'Allemagne. Les taux devenant même légèrement négatifs.

L'évolution des taux sur le marché des repos reflète donc bien la crise des titres souverains en Europe. Le président de la BCE, Mario Draghi, a évoqué ce problème du manque des garanties éligibles lors du congrès de Francfort en novembre 201134(*). Il y parle également de l'augmentation des spreads entre les segments de marché garantis et non garantis, d'un élargissement dans les écarts de prix des repos en fonction du type de collatéral.

Effet multiplicateur

Nous avons vu le raisonnement de Manmohan Singh concernant la vitesse de circulation du collatéral. La baisse dans l'offre initiale de titres éligibles a au final un impact négatif plus important sur les marchés du fait des chaînes de réutilisation du collatéral. Le raisonnement suivi est semblable à celui de la création monétaire où une réduction de la base monétaire (monnaie banque centrale) a un impact supérieur sur la création de monnaie sous l'effet d'un multiplicateur de crédit.

D'autre part, avec les nouvelles réglementations, une part importante du collatéral qui était ré-hypothéqué sera désormais bloquée . Les actifs conservés par les banques pour se conformer aux ratios de liquidité Bâle III et les marges initiales transmises aux contreparties centrales dans le cadre d'Emir seront autant de ressources bloquées qui réduiront le collatéral disponible.

L'assouplissement des critères de collatéral de la BCE

A l'inverse des autres acteurs, la banque centrale européenne assouplit les critères d'éligibilité des titres qu'elle accepte en contrepartie de ses opérations de financement.

Afin d'atténuer les effets de la crise des dettes souveraines, elle élargissait en juin dernier, pour la seconde fois en quelques mois le collatéral en acceptant les titrisations adossées aux créances suivantes notées au moins BBB : crédits immobiliers, crédits accordés aux PME, crédits automobiles, crédits à la consommation et crédits d'immobilier commercial.

Début septembre, un nouvel assouplissement du collatéral est annoncé. Tout d'abord le critère qui impose que les titres d'Etat ou garantis par les Etats doivent être investment grade (notation supérieure à BBB-) est levé pour les pays qui seront éligibles au plan de rachat de dette à court terme de la BCE (outright monetary transaction) ou qui sont soumis à un programme du FMI et de l'UE. Cependant, les obligations émises ou garanties par le gouvernement grec sont inéligibles depuis la décision du conseil des gouverneurs le 18 juillet 2012 qui reste en vigueur.

Selon Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel BGC, cette mesure devrait profiter au refinancement des banques Espagnoles dans le cas où l'Espagne serait dégradée35(*).

D'autre part, une autre mesure de la BCE est d'accepter en collatéral les titres de créance négociables libellés en devises autre que l'euro (dollar, livre et yen) s'ils ont été émis et détenus dans la zone euro.  Cette mesure profiterait surtout à l'Italie qui détient environ 30 Mds€ d'euros de titres émis dans ces devises.

Les évolutions dans la gestion du collatéral

Jusqu'à présent, la gestion du collatéral n'entrait pas dans les priorités des banques et des gestionnaires d'actifs mais les nouvelles réglementations changent la donne et vont affecter leur manière de gérer le collatéral. Avec les exigences croissantes sur la quantité et la qualité des garanties demandées ainsi que le coût pour se procurer des actifs sûrs, les acteurs vont gagner à mettre en place des solutions d'optimisation de leur collatéral.

Il faut s'assurer que les actifs sûrs et liquides tels que les titres d'Etat et les liquidités sont utilisés le plus efficacement possible et ne sont pas inutilement donnés en collatéral pour des opérations qui acceptent des titres de moins bonne qualité. Nous avons vu notamment que la BCE était nettement moins stricte que les autres acteurs sur le type de collatéral qu'elle accepte. Dès lors, une banque qui cherche à se financer auprès de la banque centrale aura tout intérêt à lui donner le collatéral qui lui coûte le moins cher, par exemple des obligations émises par l'Etat Italien.

Pour le moment, la plupart des établissements n'ont pas encore l'architecture et les systèmes techniques qui leur permettraient de gérer leurs garanties de façon plus poussée. Cela implique de consolider à un seul endroit les positions et le collatéral utilisés par les différents services d'un établissement pour pouvoir en temps réel, substituer les titres en fonction de leur liquidité, des coûts de financement. Or jusqu'ici, la gestion du collatéral est très fragmentée en fonction de sa nature géographique, des catégories d'actifs et il est réparti dans différents départements/services des banques.

Une étude Clearstream - Accenture réalisée en 2011 auprès de 16 établissements internationaux (assurant au total la gestion de près de 20% des actifs bancaires) va dans ce sens et montre que entre 10 et 15% du collatéral reste inutilisé du fait de la fragmentation et d'une gestion efficace des titres. Au total, ces inefficiences coûteraient aux banques près de 4 Mds€.36(*)

D'autre part, avec l'introduction des contreparties centrales pour la compensation des dérivés, certains acteurs du buy-side (investisseurs) n'auront pas suffisamment de collatéral exigible. Un exemple donné par Jonathan Philp, consultant spécialisé dans la gestion du collatéral et des CCPs 37(*) est celui d'un fonds d'obligations d'entreprises qui utilise des CDS pour couvrir certaines positions. Désormais, les gestionnaires du fonds seront tenus de transmettre des marges initiales pour les transactions bilatérales, ce qui n'était pas le cas auparavant. Or, la détention de cash est très limitée dans les fonds et les obligations d'entreprises qu'il détient ne sont pas acceptées comme collatéral par les contreparties centrales.

Des intermédiaires tels que les prime-brokers, les dépositaires ou les acteurs de la compensation envisagent ainsi d'offrir à leurs clients des services de transformation de collatéral. Ces opérations vont faire appel aux repos et aux prêts-emprunts de titres. Un client pourra par exemple contracter un repo pour obtenir l'argent exigé par le CCP, en donnant en garantie ses obligations d'entreprise. Cela pour consister également à rehausser la qualité du collatéral en faisant un swap de collatéral.

Conclusion

Les marchés entrent dans une phase où le manque de collatéral devient un sujet de préoccupation majeur, notamment en Europe. Les raisons à cette crise du collatéral sont multiples. Pour couvrir leurs risques (de taux, de devise, de contrepartie, ...) un nombre croissant d'acteurs tels que les banques mais aussi les entreprises ou les fonds d'investissement ont eu davantage recours aux dérivés de gré à gré. Le développement de ces instruments a fortement accru ces dix dernières années l'utilisation de titres et d'espèces pour sécuriser les opérations.

L'autre facteur qui a conduit à la pénurie de collatéral est la crise financière de 2007-2009. Dans un contexte d'incertitude et de méfiance les banques se sont détournées pour leur refinancement des marchés non sécurisés (tel que le marché monétaire) et leur ont préféré des prêts sécurisés, c'est-à-dire des repos. D'autres agents économiques, qui n'arrivaient plus à obtenir des crédits des banques (entreprises, hedges funds) se sont également tournés vers ce marché. L'augmentation des émissions obligataires sécurisées (covered bonds) participe également de cette tendance vers les produits garantis.

Les prêteurs de liquidité ont donc exigé du collatéral mais ils ont également durci les critères d'éligibilité des garanties, soit en n'acceptant que certains titres très bien notés ou en appliquant aux autres titres des décotes (haircuts) plus importantes. La conséquence a été une demande croissante pour des actifs sûrs et concernant les décotes, l'augmentation des montants de collatéral à transmettre.

La crise a également mis en lumière le manque de réglementation de certaines activités ou instruments (le shadow banking) ainsi que le risque systémique de grands établissements. Pour faire face à la forte croissance des dérivés de gré à gré qui se négocient en dehors des plateformes réglementées, les pays du G20 ont décidé de faire intervenir les contreparties centrales pour la compensation des dérivés OTC standardisés. Ainsi, après la mise en application des lois Dodd-Franck et Emir, des montants importants de collatéral de très bonne qualité devront être transmis aux CCPs pour constituer les marges initiales. Si l'impact sera faible pour les hedges funds déjà habitués à verser de telles marges pour leurs opérations bilatérales, il en sera autrement pour les acteurs qui sous-collatérisaient leurs opérations.

Ce nouveau collatéral ne pourra pas venir d'une réutilisation plus importante des titres en circulation car à la suite de la faillite de certains brokers, les clients exigent une ségrégation des actifs donnés en nantissement. D'autre part, le collatéral transmis aux contreparties centrales ainsi les titres liquides et de bonne qualité que devront détenir les banques pour répondre aux ratios de liquidité Bâle III seront autant d'actifs qui resteront bloqués et sortiront de l'offre en collatéral.

Nous avons enfin vu qu'avec la crise des dettes souveraines en Europe, le collatéral de bonne qualité à savoir les titres d'Etat notés AAA vient à manquer. La demande est tellement forte que certains pays émettent des obligations à des taux négatifs. La banque centrale européenne est la première institution financière à prendre des mesures pour faire face à la pénurie de collatéral, en assouplissant les critères des titres qu'elle accepte en échange de ses opérations de refinancement. L'autre solution pour les banques est d'améliorer leur gestion du collatéral soit de manière interne ou externalisant cette fonction pour les petits établissements. Les filières de gestion des titres des banques, les dépositaires, les établissements compensateurs ainsi que les prime-brokers se positionnent sur ce marché qui risque de prendre de l'ampleur dans les mois et années à venir.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams