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L'abstentionnisme électoral au Cameroun a l'ère du retour au multipartisme

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par Augustin TALA WAKEU
Université de Dschang-Cameroun - Master en Science Politique 2012
  

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B- LES APPELS AUX BOYCOTTS ET LA VIOLENCE ELECTORALE

Le boycott prôné par certains partis politiques d'opposition, s'apparente à une conduite de défection motivée par un sentiment d'impuissance traduisant l'incapacité de changer les règles du jeu (Menthong, 1998 : 45). En fait, c'est une arme qu'utilisent certains partis politiques depuis le retour du multipartisme principalement le SDF et l'UDC. Bien que l'impact de ce mot d'ordre ait souvent varié en fonction des fiefs acquis à ces partis (Menthong, 1998 : 44), il a contribué tout de même à amaigrir le corps électoral.

Tableau n°10 : EVOLUTION DES TAUX D'INSCRIPTION SUR LES LISTES ELECTORALES (1992-2007)

ANNEES

NOMBRE DES INSCRITS

1992

4.019.562

1996

4.152.265

1997

4.220.163

2002

4.389.572

2004

4.701.953

2007

5004549

Source : Compilation de l'auteur données issues des Cameroons Tribunes n°5090, du 12/03/1992, n°2751, du 24/10/1997, du 15/10/2004, n°8895/5094, du 20/07/2007, le journal l'Action n°304 du26/07/2002, et ELAN TCHOUMBIA, 2004.

En observant les années électorales ci-dessus, on constate que celles auxquelles certains partis politiques ont appelé au boycott ont connu des taux d'inscription faibles par rapport aux autres. En effet, l'impact du mot d'ordre de boycott a été plus ressentie en 1992, ce qui correspond à la période pendant laquelle l'opposition avait une grande sympathie auprès des citoyens et croyait jouer sur elle pour imposer la conférence nationale souveraine au gouvernement (Nkaifon Perfura, 1994 : 223) ce qui n'a évidement pas abouti, l'aménant à opter plutôt pour le « boycott actif » des élections. Cet appel a dissuadé plusieurs citoyens à s'inscrire sur les listes, contribuant au gonflement des taux d'abstention. D'ailleurs, à cause du boycott massivement suivi dans les localités réputées acquises à l'opposition, de nombreux citoyens n'ont pas pris la peine de s'inscrire. De même, comme en 1992 et 1997, le SDF va appeler en 2011 au boycott, mais cette fois non plus de l'élection elle-même mais de l'institution chargée de son organisation à savoir ELECAM. Ainsi, selon M. Osih l'un des vices présidents du SDF : « Le SDF n'a jamais dit qu'il va boycotter la future élection présidentielle, mais qu'il n'y aura pas d'élection avec ELECAM dans sa configuration actuelle »105(*). Avant d'ajouter qu'il ne revient pas aux partis d'appeler les citoyens à aller s'inscrire ou à ne pas s'inscrire, il convient de rappeler que la prise en compte des onze (11) exigences de son parti est la clé de leur participation aux commissions d'inscription sur les listes. L'autre motivation du SDF à l'égard du boycott d'ELECAM est selon lui son illégalité car, cette institution ne sera légale selon ce parti qu'après le décret constatant son existence, ce qui n'est manifestement pas encore le cas106(*). Naturellement, cette attitude du SDF ne peut contribuer à la stimulation des inscriptions sur les listes car elle va amener plusieurs militants et sympathisants de ce parti ou même d'autres citoyens à ne pas s'inscrire sur les listes électorales. C'est suivant cette logique que, le responsable régional d'ELECAM-Ouest considère que l'appel au boycott d'ELECAM par le SDF décourage certains citoyens surtout ceux de la ville qui sont exposés aux débats politiques107(*). De même, sans parler explicitement de boycott M. Ekindi déclare qu'« il est difficile qu'on incite des gens à s'inscrire si on ne peut leur donner la certitude que leurs votes seront pris en compte et qu'ils auront les cartes électorales fiables 108(*)». Par ailleurs, les organisations telles que les Témoins de Jéhovah n'incitent pas leurs adeptes à s'inscrire sur les listes, ce qui constitue un important vivier de non-inscrits, vu l'importance numérique de ce groupe religieux et donc de l'électorat qu'il peut constituer. C'est pour cela que le responsable communal d'ELECAM de Dschang n'a pas développé de tactique d'inscription à leur égard en affirmant pour se justifier que : « nous avons évité les Témoins de Jéhovah, car, vous connaissez leur position en ce qui concerne les élections »109(*). Les adeptes de cette communauté sont donc à priori des non-inscrits alors qu'ils sont assez nombreux pour participer à la crédibilisation du corps électoral camerounais.

De même, la violence électorale est un facteur d'effritement du corps électoral puisque beaucoup de citoyens renoncent à ce droit par peur. C'est par exemple le cas des populations de la localité de Nteingué située entre la ville de Dschang et de Santchou qui se sont affrontées parce que semble-t-il, les Mbo'o de la localité refusaient aux Bamilékés de la même localité le droit de s'inscrire sur les listes électorales. En effet, pour ces Mbo'o, les populations Bamiléké qui s'inscrivent dans leur localité votent généralement pour l'opposition, faisant de leur localité un fief de l'opposition, et donc ne pouvant bénéficier des largesses du régime110(*). En réalité, les racines de cette violence sont consécutives à l'entreprise des chefs traditionnels, élites et notables de l'arrondissement de Santchou qui déjà en février 1996, avaient demandé au chef de l'Etat de rattacher leur localité au département du Moungo avant la prochaine élection afin que leurs efforts ne soient pas anéantis par le flux de Bamiléké (Sindjoun, 1999 : 318). Ces violences peuvent produire comme effets le découragement de certains citoyens qui par crainte auront peur de s'inscrire.

La construction de l'abstentionnisme électoral au moment des inscriptions sur les listes électorales est donc le produit d'une série d'interactions mises en oeuvre à travers une variété de tactiques contenues dans la non-inscription volontaire et involontaire sur les listes électorales. Ces deux principaux procédés mettent en jeu un ensemble d'actions et d'interactions des acteurs sociopolitiques qui volontairement ou involontairement participent à la construction pratique de l'abstentionnisme électoral au moment de l'inscription sur les listes électorales. Ainsi, au-delà de la compétence politique des citoyens qui leur permet de renoncer à leur droit d'inscription sur les listes à travers la non-inscription, les conditions socio-économiques des électeurs et le non accomplissement de certains actes ou encore les actions des acteurs sociopolitiques sont autant de facteurs qui contribuent à la construction du phénomène à travers la non-inscription sur les listes électorales. Par ailleurs, cette construction prend aussi en compte le moment de l'élection.

CHAPITRE 2 : LA CONSTRUCTION DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL AU MOMENT DE L'ELECTION

L'abstentionnisme électoral est la non-participation d'un citoyen à un vote auquel il est convoqué (Alcaud et als, 2004 : 1). Dans cette optique, qu'est ce qui peut conduire un citoyen qui a pris la peine d'accomplir toutes les formalités nécessaires à l'inscription sur les listes à renoncer finalement au vote au moment de l'élection ? En effet, contrairement à la période d'inscription sur les listes, l'abstentionnisme électoral au moment de l'élection prend en compte le moment de la campagne électorale qui est très déterminant dans ce phénomène. C'est un moment au cours duquel les candidats doivent rassurer les citoyens dans leurs options en orientant leur comportement électoral. Par ailleurs, l'abstention électorale n'est pas un vote comme les autres, elle constitue une réponse négative à une offre politique à un moment donné (Subileau, 1997 : 245) ce qui signifie que le citoyen prend en compte la conjoncture politique dans laquelle il se meut, traduisant la possibilité qu'il soit politisé. Ce comportement électoral peut aussi être fortement influencé par l'appartenance sociale du citoyen, c'est-à-dire qu'il n'accorde aucune importance à la conjoncture politique et se sent exclu. En conséquence, l'abstentionnisme électoral au moment de l'élection est donc sensible aux circonstances du vote (Panke-Shon, 2007 : 3) et à la condition sociale du citoyen. Dans cette optique, c'est un phénomène qui est largement lié au dysfonctionnement du processus électoral, aux pesanteurs socio-économiques et au faible impact de la campagne électorale.

* 105 Cette déclaration a été faite dans le journal le messager n°3117 du 05/10/2010, p. 9. Avant le vote de la loi faisant passer ELECAM à 18 membres.

* 106 Ibid.

* 107 Il l'a dit à l'issue de l'entretien qu'il nous a accordé le 28/12/2010.

* 108 Propos tenus le 31/12/2010, après le message du chef de l'Etat, sur la CRTV.

* 109 Propos tenus à l'issue de l'entretien avec lui le 25/11/2010.

* 110 Propos rapporté par le responsable communal d'ELECAM de Dschang à l'issue de l'entretien avec lui le 25/11/2010.

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