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Le gel des fonds en droit communautaire

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par Jérémie Piété
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 recherche droit européen 2010
  

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SOMMAIRE

INTRODUCTION 3

PREMIÈRE PARTIE. LE GEL DES FONDS, MESURE SUI GENERIS DE LUTTE

CONTRE LE TERRORISME 10

Chapitre 1. La complexité des sources 10

Chapitre 2. Les discussions sur la nature juridique 20

SECONDE PARTIE. LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DU GEL DES FONDS 33

Chapitre 1. Les obstacles au contrôle juridictionnel 33

Chapitre 2. Les modalités du contrôle 44

CONCLUSION 56

2

LISTE DES ABREVIATIONS

Aff Affaire

Arrêt préc Arrêt précité

Article préc Article précité

CDS Comité des sanctions

CE Communauté européenne

CEDH Cour européenne des droits de l'homme

CESDH Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

CIJ Cour internationale de justice

CJCE Cour de justice des Communautés européennes

CJUE Cour de justice de l'Union européenne

GAFI Groupe d'action financière internationale

Ibid Ibidem

JAI Justice et affaires intérieures

JOCE Journal officiel des Communautés européennes

JOUE Journal officiel de l'Union européenne

ONU Organisation des Nations Unies

Op. cit. Opus cité

PESC Politique étrangère et de sécurité commune

Rec Recueil de jurisprudence

Req Requête

TPICE (ou TPI) Tribunal de première instance des Communautés européennes

TFUE Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

TUE Traité sur l'Union européenne

UE Union européenne

3

INTRODUCTION

« La guerre contre le terrorisme est également une guerre du droit contre ceux qui le combattent »1.

Le phénomène du terrorisme, du profane à l'expert ou au philosophe, n'en finit pas d'intriguer. Au point que depuis une dizaine d'année, le terrorisme a fait une entrée remarquée dans le prétoire du juge de Luxembourg et alimenté un contentieux abondant. Le seul terroriste n'est pas le seul à posséder un statut en droit communautaire. L'ensemble du travail préparatoire qui précède son action ainsi que tous les intermédiaires qui y participent peuvent être incriminés et sanctionnés au même titre. Que l'on parle de guerre stricto sensu ou de guerre juridique contre le terrorisme, il semble que l'on peut qualifier la lutte contre le terrorisme à la fois de contemporaine et de transatlantique.

C'est une lutte contemporaine. En effet, l'Union européenne est longtemps restée silencieuse en matière de terrorisme contrairement à l'organisation voisine du Conseil de l'Europe qui adopta une convention dès l'année 19772. En témoigne la seule inscription du terrorisme au titre de l'article 29 du Traité sur l'Union européenne (TUE), dans lequel l'Union affirmait en vue de la réalisation de l'Espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ) que « [c]et objectif est atteint par la prévention de la criminalité, organisée ou autre, et la lutte contre ce phénomène, notamment le terrorisme [...] ». Comme l'illustre cette base juridique unique et à vocation déclarative, le terrorisme n'apparait que comme une branche spécifique de la criminalité organisée. Les modalités de la lutte sont pourtant affichées, ainsi l'objectif de réalisation de l'ELSJ ne sera atteint que par la prévention et la lutte contre le terrorisme. L'Union européenne consacre progressivement une place particulière au terrorisme, du Conseil européen de Tampere en 1999 et la nécessité de se munir d'instruments de lutte3 au Conseil extraordinaire du 20 septembre et la prise de conscience de l'urgence de la situation4.

1 Selon l'expression de Aharon Barak, ancien président de la Cour suprême de l'État d'Israël, cité par l'avocat général Poiares Maduro dans ses conclusions sous CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, aff. jointes C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. I-0635, § 45.

2 Voir, notamment, la Convention européenne pour la répression du terrorisme, Strasbourg, 27 janvier 1977.

3 Conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, point 8.

4 Conclusions et Plan d'action du Conseil européen extraordinaire, 21 septembre 2001 ; « la gravité des événements récents conduit l'Union à accélérer la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice et à intensifier sa coopération avec ses partenaires, en particulier les États -Unis ».

4

Cette lutte s'articule autour d'un axe directeur qui lie les États-Unis à l'Union européenne. On peut parler à ce titre de lutte transatlantique. La mutation du phénomène terroriste d'un terrorisme d'État en une menace globale et imprévisible a érigé la lutte contre ce fléau comme une évidence dans le cadre des relations extérieures. Les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Center et le Pentagone, suivis des attentats de Madrid en mars 2004 et de Londres en juillet 2005, n'ont fait que renforcer le sentiment des sociétés démocratiques occidentales qu'elles étaient prises pour cibles5. La conséquence de cette prise de conscience a été un renforcement des relations États-Unis - Union européenne dont l'explosion normative d'instruments de lutte contre le terrorisme et son financement n'est qu'un exemple. Les deux grands partenaires se déclarent unis dans ce combat et lient leur destin sécuritaire. La comparaison entre ces deux initiateurs peut être dès lors fort éclairante car elle est « un référent constant des progrès de la construction européenne »6, notamment au regard des garanties fondamentales qui sont en jeu. La communion entre les deux partenaires est pourtant loin d'être totale comme le prouve le contentieux autour de la protection des données à caractère confidentiel7 qui ne fera pas l'objet de commentaire dans cette étude.

L'une des problématiques les plus évidentes touche à la définition même du terrorisme. Il est indispensable de rappeler qu'il n'existe pas de définition du terrorisme universellement admise8 et que ce mémoire n'a pas pour objet de traiter cette épineuse question. L'approche qui domine le thème de la définition du terrorisme est essentiellement pénale et conduit à la criminalisation des actes terroristes. C'est toute la teneur de la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme9 adoptée par le Conseil en 2002.

5 L'Europe n'est pas l'unique cible, ainsi on dénombre de nombreux autres attentats terroristes notamment ceux de Bali en 2002 et 2006, de Casablanca en 2003, de Charm el-Cheikh en 2005, ainsi que d'autres dizaines d'attentats au Maroc, en Algérie, et en Irak notamment.

6 ADAM A., La lutte contre le terrorisme : étude comparative Union européenne - États-Unis, Paris, L'Harmattan, 2005, p. 15.

7 Voir l'accord PNR conclu entre les États Unis et l'UE après les pressions du gouvernement américain sur les compagnies aériennes européennes ; Accord entre la Communauté européenne et les États-Unis sur le traitement

et le transfert de données PNR par des transporteurs aériens au bureau des douanes et de la protection des frontières du DHS, JOCE n° L 183 du 20 mai 2004. V. aussi directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JOCE n° L 281du 23 novembre 1995.

8 Sur l'ensemble de la question et des difficultés liées à la définition, voir SOREL J-M., « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? » in BANNELIER K., CHRISTAKIS T., CORTEN O., DELCOURT B (dir.), Le droit international face au terrorisme, Cahiers internationaux n°17 du CEDIN, Paris, Pedone, 2002, pp. 35-68, voir aussi du même auteur SOREL J-M., « Some Questions About the Definition of Terrorism and the Fight Against Its Financing », E.J.I.L., 2003, Vol. 14, n°2, pp.365-378 et SAUL B., « Defining terrorism in international law », Human Rights Law Review, 2007, n° 7, pp. 643-648.

9 Décision-cadre du Conseil n° 2002/475/JAI du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, JOCE n° L 164 du 22 juin 2002, p. 3.

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Celle-ci pose les bases d'une définition des actes de terroriste reposant à la fois sur un critère objectif et matériel et sur un critère subjectif et intentionnel10. Il convient d'en tenir compte dans le cadre de cette étude car la position commune 2001/931/PESC 11, « pierre angulaire »12 de la lutte contre le financement du terrorisme, la reprend en totalité. Cette position commune constitue la passerelle entre la lutte contre le terrorisme et la lutte contre son financement.

Une distinction fondamentale s'impose pour la suite de cette étude entre ces deux aspects de la lutte contre le terrorisme. La lutte contre le terrorisme doit être comprise comme a posteriori et emportant des poursuites de nature pénale en réponse à des actes criminels. L'infraction terroriste a été consommée ou la tentative caractérisée. La lutte contre le financement du terrorisme se révèle être profondément différente. Elle doit au contraire, être envisagée comme une lutte a priori. Cette branche de la lutte repose en grande partie sur la procédure de « blacklisting ». L'inclusion sur des listes de personnes et entités « soupçonnées ou convaincues »13 de favoriser les activités terroristes en fournissant des sources de financements entraîne le gel des fonds de ces dernières.

On peut opposer à cet égard la prévention à la répression. On envisagera dans cette étude le volet de la prévention de la lutte contre le terrorisme que l'on présente comme la lutte contre le financement du terrorisme. Le terrorisme ne peut prospérer sans être financé. Couper les réseaux d'alimentation des terroristes revient donc à prévenir de possibles perpétrations d'attentats qui appelleraient à des mesures répressives. Pourtant, comme le souligne Alina Miron, « la dimension préventive n'est jamais absente de la sanction, c'en est même la seconde raison d'être »14. En effet, si l'on se place du point de vue de la personne qui voit ses fonds gelés en amont, la mesure est répressive. Du point de vue de l'objectif de lutte contre le

10 Comme le dispose l'article 1er, les finalités de l'acte terroriste doivent viser à : «

- gravement intimider une population ou

- contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque ou

- gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou une organisation internationale; »

11 Position commune 2001/931/PESC du Conseil du 27 décembre 2001 relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, JOCE, n° L 344/93 du 28 décembre 2001.

12 BENOIT L., « La lutte contre le terrorisme dans le cadre du deuxième pilier : un nouveau volet des relations extérieures de l'Union européenne », R.D.U.E., 2/2002, p. 300.

13 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », R.T.D.E., 2009, n° 45 (2), p. 231.

14 MIRON A., « Les « sanctions ciblées du Conseil de sécurité des Nations Unies, réflexions sur la qualification juridique des listes du Conseil de sécurité », in THOUVENIN J-M. (dir.), « La rencontre des droits (international, communautaire et interne) », Journée d'étude organisée par le CEDIN de Paris Ouest Nanterre La Défense du 20 mars 2009, R.M.C.U.E., juin 2009, n°529, p. 361.

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financement du terrorisme, de l'objectif général de garantir la sécurité des citoyens européens et de la prévention de futurs attentats, la mesure devient préventive en aval.

Comme le démontre la démarche du Groupe d'action financière internationale (GAFI)15, la lutte contre le financement du terrorisme entretient des liens étroits avec la lutte contre le blanchiment d'argent16. La lutte contre le blanchiment d'argent, plus ancienne, vise essentiellement la préservation de l'intégrité du système financier et des intermédiaires qui y opèrent17 (comme les professions libérales ou les organisations à but non lucratif18). Il s'agit en conséquent d'identifier les institutions financières complices des activités terroristes et d'entraver l'accès des terroristes aux circuits financiers.

L'identification des sources de revenus des terroristes est rendue extrêmement difficile par la mutation des financements. Certains États soutenaient autrefois directement des mouvances terroristes, mais les conditions géopolitiques internationales depuis une vingtaine d'année ont conduit ces derniers à mettre un terme à cette forme de sponsorship19. Les terroristes se sont alors tournés vers des organisations dédiées à la collecte et au transfert de fonds vers les terroristes comme Al-Qaida. Ils existent également des financements directs qui sont alimentés de plusieurs manières. Cela permet en outre de distinguer le financement du terrorisme du blanchiment de capitaux. Alors que dans le cadre du blanchiment de capitaux, l'origine des fonds est dissimulée car elle résulte d'activités criminelles, la provenance des fonds importe peu dans le cadre de la lutte antiterroriste. En résumé, la lutte contre le blanchiment vise à identifier la provenance des fonds et non leur destination (les fonds sont réinvestis légalement dans les circuits financiers), contrairement à la lutte antiterroriste. Les terroristes ont généralement recours autant à des financements illicites (trafic de stupéfiants, prise d'otages, extorsions de fonds) que licites grâce à des activités commerciales ou immobilières. Cette dernière hypothèse, qualifiée de « noircissement » d'argent, est la plus originale et consiste à dissimuler la destination de fonds « propres ».

15 Voir infra, p. 13.

16 Voir notamment la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, JOCE n° L 309 du 25 novembre 2005.

17 FRATANGELO P., « L'Union européenne face à la lutte contre le financement du terrorisme », R.D.U.E., 2006, n° 4, p. 816.

18 Voir à cet égard la communication de la Commission du 28 novembre 2005 - Prévenir et combattre le financement du terrorisme par une meilleure coordination au niveau national et une plus grande transparence des organismes à but non lucratif : COM(2005) 620 final, JOCE n° C 122 du 23 mai 2006.

19 FRATANGELO P., article préc., p. 820.

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Les deux luttes sont complémentaires mais il convient de bien les distinguer pour la suite de l'étude. Il est indispensable d'empêcher les terroristes de tirer profit du marché commun et de la liberté de circulation des capitaux qu'il garantit. La lutte contre le blanchiment, contrairement à la lutte antiterroriste, a un impact important sur le marché intérieur car elle a un caractère global dans le sens où elle inclut toute la société civile20. La lutte contre le financement du terrorisme privilégie quant à elle les sanctions ciblées, dites intelligentes (« smart sanctions ») qui ont par nature une incidence moindre sur le marché des capitaux.

La complexité de la lutte atteint son paroxysme lorsqu'elle se heurte à la faiblesse des montants en jeu21, et de surcroît, à la difficulté de les détecter. Les sommes investies n'étant pas importantes, les techniques de blanchiment ou de noircissement sont relativement simples, ce qui aboutit à des transactions indétectables. Ceci entraîne des conséquences désastreuses car les terroristes recherchent, par la minimisation des moyens, la maximisation d'une part, des pertes humaines, et d'autre part, des dégâts matériels22. Cependant, la lutte contre le financement peut transcender ses avatars en portant un coup au « travail préparatoire »23 des terroristes, du recrutement à l'entraînement militaire, en passant par l'aide aux familles des martyrs et l'achat d'armes et d'équipements électroniques. De lourds investissements précèdent donc la frappe terroriste, cette dernière représentant un coût moindre.

L'évolution du financement des activités terroristes est allée de pair avec une évolution des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies. En effet, les premiers régimes de sanctions visaient les États directement24 et se sont progressivement tournés vers les individus et les entités eux-mêmes, débarrassés de leurs liens avec un État d'accueil, avec les sanctions ciblées. En résumé, il y a eu une évolution premièrement rationae materiae en passant de sanctions économiques globales et des embargos au gel des avoirs financiers, et

20 Sont notamment concernés par la directive 2005/60/CE, les avocats, les commissaires aux comptes, les experts-comptables et les conseillers fiscaux.

21 Les attaques du 11 septembre 2001 auraient coûté entre 400 000 et 500 000 dollars, selon un rapport gouvernemental sur les attentats du 11 septembre, V. The 9/11 Commission Report, Washington D.C., U.S. Governement Printing Office, 2004, 567 p., p. 172. Les attentats de Madrid et de Londres auraient respectivement coûté 8 000 et 10 000 euros, voir FRATANGELO P., article préc., p. 817.

22 JOHNSTON R.B., NEDELESCU O.M., The impact of Terrorism on Financial Markets, IMF Working Paper, Washington D.C., 2005, p. 6. Le rapport montre, qu'outre les coûts directs entraînés par les dégâts matériels, le bilan des attentats incluait aussi les coûts indirects touchant à la perte de confiance des investisseurs, à la chute de la demande, à la baisse de la productivité qui ont touché l'économie américaine à la suite du 11 septembre.

23 SOREL J-M., « Avant-propos », in SOREL J-M. (dir.), La lutte contre le financement du terrorisme : Perspective transatlantique, Cahiers internationaux n°21 du CERDIN, Paris, Pedone, 2009, p. 5.

24 Historiquement, le premier pays sanctionné fut la Rhodésie du Sud. Suivirent l'Afrique du Sud, l'Irak, le Koweït, l'ex-Yougoslavie et Haïti.

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deuxièmement rationae personae en ce qui concerne les destinataires des mesures en passant des États à des individus25. Ainsi est née la procédure de « blacklisting » et le gel des fonds qui l'accompagne.

On entend dans l'expression gel des fonds le fait d'« interdire le transfert, la conversion, la cession ou le déplacement de fonds ou d'autres biens par suite d'une mesure prise par une autorité ou un tribunal compétent [...] et ce, pour la durée de validité de ladite mesure. Les fonds [...] gelés restent la propriété de la (les) personne(s) ou entité(s) détenant des intérêts sur lesdits fonds [...] au moment du gel, et ils peuvent continuer d'être administrés par l'institution financière ou par tout autre dispositif désigné à cet effet par lesdites personne(s) ou entité(s) avant le lancement de l'initiative dans le cadre d'un mécanisme de gel »26.

La définition générale est complétée par la notion que recouvre le mot « fond »27 qui concerne des biens de toute nature. Aussi ne faut-il pas confondre le gel dont il est question dans cette étude de la confiscation28 voire de la déchéance. En effet, le gel ou la saisie se distinguent des mesures de confiscation ou de déchéance en ce que les premières, contrairement aux secondes, n'entraînent pas de transfert de propriété29. Ainsi est caractérisé le caractère provisoire de la mesure de gel que l'on retrouve dans la définition précitée.

Le phénomène de l'inclusion des personnes et entités soupçonnées de financement des activités terroristes pourrait n'être compris que comme concernant les droits de la défense. La notion de gel des fonds, en ce que le gel est la conséquence de l'inclusion sur une liste antiterroriste, concerne alors les droits de la défense (droit d'être entendu, obligation de

25 MIRON A., article préc., p. 356.

26 D'après la définition donnée dans la note interprétative de la Recommandation spéciale III : Gel et confiscation des biens des terroristes du Groupe d'Action Financière Internationale (GAFI), [ http://www.fatf-gafi.org/dataoecd/53/33/34262245.PDF.]

27 Article 1er : « Aux fins du présent règlement, on entend par: 1) «fonds», les actifs financiers et les avantages économiques de toute nature, y compris notamment le numéraire, les chèques, les créances en numéraire, les traites, les ordres de paiement et autres instruments de paiement; les dépôts auprès d'établissements financiers ou d'autres entités, les soldes en comptes, les créances et les titres de créance; les instruments de la dette au niveau public ou privé, et les titres négociés notamment les actions et autres titres de participation, les certificats de titre, les obligations, les billets à ordre, les warrants, les titres non gagés, les contrats sur produits dérivés; les intérêts, les dividendes ou autres revenus d'actifs ou plus-values perçus sur des actifs; le crédit, le droit à compensation, les garanties, les garanties de bonne exécution ou autres engagements financiers; les lettres de crédit, les connaissements, les contrats de vente; tout document attestant la détention de parts d'un fonds ou de ressources financières, et tout autre instrument de financement à l'exportation; »

28 Selon la note interprétative de la Recommandation spéciale III, précitée.

29 LE FLOCH G., « La contribution des Nations Unies à la lutte contre le financement du terrorisme », in SOREL J-M. (dir.), La lutte contre le financement du terrorisme : Perspective transatlantique, Cahiers internationaux n° 21 du CERDIN, Paris, Pedone, 2009, p. 18.

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motivation des griefs, protection juridictionnelle effective) mais aussi le droit au respect de la propriété.

Les débats jurisprudentiels et doctrinaux se sont rapidement tournés vers le contrôle juridictionnel des mesures de gel. Celles-ci, adoptées sur la base de deux, voire de trois piliers (le second pilier s'apparente à la Politique Étrangère et de Sécurité Commune (PESC), le troisième à Justice et Affaires Intérieures (JAI)), et s'inscrivant dans une lutte globale où la raison d'État et la confidentialité sont de mise, semblaient insaisissables pour le juge de Luxembourg. Il est en effet tentant de réduire au minimum les garanties juridiques normalement offertes aux citoyens de l'UE lorsque ces individus sont présumés faciliter l'action des terroristes. Dans un espace de liberté, de sécurité et de justice, ambition consacrée par le traité de Lisbonne30, la justice apparait alors, dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme, comme le point d'équilibre entre les deux pôles classiques que sont la sécurité et la liberté. La « guerre » initiale contre le terrorisme semble finalement s'être métamorphosée en « guerre » du droit dans l'enceinte de la Cour de justice des communautés européennes. Comme le fait justement remarquer Jean-Marc Sorel, la fin ne doit pourtant pas faire oublier les moyens31. Ainsi, il convient de s'interroger sur la manière dont a été appréhendé le mécanisme de gel des fonds dans l'Union européenne, à la fois par les institutions, le juge communautaire et par la doctrine.

A cause de la complexité de ses sources et de sa nature, le gel des fonds se distingue par sa singularité au sein des autres instruments de l'Union européenne. Répondant à plusieurs qualifications d'acte juridique, le gel des fonds est un mécanisme sui generis de lutte contre le terrorisme (Première Partie). Le juge communautaire, tenu de transcender les catégories juridiques, a consacré sa compétence juridictionnelle dans la lutte antiterroriste et soumis à son contrôle les mesures de gel des fonds (Seconde Partie).

30 Le traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre 2009. Voir les versions consolidées du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, JOUE n° C 83 du 30 mars 2010.

31 SOREL J-M., « Avant-propos », in SOREL J-M. (dir.), La lutte contre le financement du terrorisme : Perspective transatlantique, op.cit., p. 3.

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PREMIÈRE PARTIE. LE GEL DES FONDS, MESURE SUI GENERIS DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME

Le gel des fonds est un mécanisme récent dont les deux partenaires, les États Unis et Union européenne, ont rapidement entendu tirer profit et maîtriser. Malgré certaines divergences que l'on traitera majoritairement dans la seconde partie, les deux organisations oeuvrent pour une lutte nouvelle qui vise, en gelant ou confisquant tout financement suspecté de favoriser une activité terroriste, les moyens du terrorisme et non l'activité terroriste en tant que telle. Pourtant, un manque de clarté et de cohérence dans l'action de ces deux « pôles » de la lutte internationale contre le terrorisme grève la complexité de cette lutte. Cela se ressent clairement à la fois dans l'imbroglio juridique que forment les diverses sources des mesures de gel (Chapitre 1), et devant la difficulté à définir le mécanisme du gel des fonds à proprement parler (Chapitre 2). C'est en cela que l'on peut désigner les mesures de gel comme sui generis car on verra que celles-ci n'obéissent à aucun schéma connu et préétabli à l'avance.

Chapitre 1. La complexité des sources

L'Organisation des Nations Unies (ONU) a été le laboratoire « historique » du droit international du financement des activités terroristes. Cela s'explique d'une part par le caractère global de la menace terroriste, et d'autre part par la légitimité de cet organe à adopter un cadre normatif en puisant dans toutes les possibilités que lui offre le chapitre VII de la Charte (Section 1). Les obligations incombant aux États parties ont revêtis un caractère inédit qui en dit long sur l'importance de la mobilisation. L'Union européenne, succédant aux obligations des États membres également parties à la Convention, ne pouvait pas ne rien faire. Les instances communautaires ont donc opéré un difficile travail de transposition de ces obligations dans un corpus diffus et complexe, alliant à la fois les outils du traité CE tout en laissant une part significative à la logique intergouvernementale (Section 2).

11

Section 1. La complexité relative des sources internationales

Le thème du financement du terrorisme a rapidement fait irruption dans les résolutions du Conseil de sécurité après les attentats du 11 septembre 2001. L'ONU est devenue le cadre évident du développement de normes de lutte contre le financement du terrorisme. La réglementation onusienne se concentre principalement sur deux volets de cette lutte. Le premier volet concerne l'élaboration d'instruments de prévention à long terme, notamment la convention pour la répression du financement du terrorisme du 9 décembre 199932. On reviendra rapidement sur ce volet conventionnel mais ce sont surtout les résolutions prévoyant des mesures de gel des fonds qu'il convient d'envisager dans la suite des développements. Ces résolutions diffèrent selon qu'elles ont été adoptées avant (paragraphe 1) ou suite (paragraphe 2) aux attentats des tours jumelles du 11 septembre 2001.

Paragraphe 1. Le caractère ciblé de la réglementation ante-11 septembre 2001

Il n'a pas fallu attendre les attentats du 11 septembre 2001 pour voir émerger une réglementation internationale s'intéressant à la fois à la répression des activités terroristes et plus spécialement, de leur financement. En effet, le régime des Talibans en place en Afghanistan dans les années 1990 donne l'occasion au Conseil de sécurité d'innover en la matière. Deux résolutions majeures du Conseil sont la conséquence du développement du financement du terrorisme : la résolution 1267 (1999)33 et la résolution 1333 (2000)34.

La résolution 1297(1999) est l'un des premiers édifices de cette lutte et demeure la première grande résolution en matière de gel des fonds de personnes et entités privées soupçonnées de financer des activités terroristes35. Cette résolution a un profil bien particulier puisqu'elle est dédiée à la lutte contre Oussama Ben Laden, Al-Qaida (qui est ciblée par la suite, par la résolution 1333) et les Talibans, ce qui démontre bien que la réglementation antiterroriste est souvent conjoncturelle.

32 Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, Résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies [sur le rapport de la Sixième Commission (A/54/615)], A/RES/54/109, New York, 9 décembre 1999.

33 Résolution S/RES/1267(1999) adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa réunion n° 4051 du 15 octobre 1999.

34 Résolution S/RES/1333(2000) adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa réunion n° 4251 du 19 décembre 2000.

35 Il existait des résolutions antérieures mais elles ne concernaient pas des personnes et entités non directement liés à un État, voir en particulier les résolutions 1189 (1998) du 13 août 1998 ; 1193 (1998) du 28 août 1998 et 1214 (1998) du 8 décembre 1998.

12

Adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte qui s'intitule « Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression » et de son article 3936, la résolution est une fois adoptée directement et immédiatement contraignante pour les États parties. Le paragraphe 4, b)37 de celle-ci concerne directement le gel des fonds et ordonne les États de procéder à ce gel. Le paragraphe 7 rappelle l'obligation faite à tous les États parties d'appliquer les dispositions de la résolution nonobstant leurs obligations internationales résultant d'un autre accord. Cette obligation reprend toute la teneur de l'article 10338 de la Charte, dont l'article 307 CE39 (article 351 TFUE) est aussi une application.

L'une des nouveautés instituée par cette résolution est la création du Comité des sanctions (CDS), dit « Comité 1267 » (article 6). Ce Comité est en charge de l'exécution de la résolution et a une mission de centralisation et d'examen des données que lui envoient les États, qui sont chargés, quant à eux, de coopérer pleinement avec le CDS en lui communiquant tous les éléments d'informations susceptibles de l'intéresser.

Avec la résolution 1333 (2000), qui partage beaucoup de similitudes avec la résolution 1267 (1999), les missions du Comité sont réaffirmées40. Sur la base des informations fournies par les États, le CDS est compétent pour identifier les Talibans ainsi que les entreprises contrôlées par eux, mais aussi les individus ou entités associés à Oussama ben Laden afin d'établir une liste de personnes privées à l'encontre desquelles les mesures de gel des fonds ordonnées par le Conseil de sécurité doivent être exécutées. Le Comité est aussi chargé

36 « Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. »

37 « [T]ous les États devront [...] b) Geler les fonds et autres ressources financières, tirés notamment de biens appartenant aux Taliban ou contrôlés directement ou indirectement par eux, ou appartenant à, ou contrôlés par, toute entreprise appartenant aux Taliban ou contrôlée par les Taliban, tels qu'identifiés par le comité créé en application du paragraphe 6 ci-après, et veiller à ce que ni les fonds et autres ressources financières en question, ni tous autres fonds ou ressources financières ainsi identifiés ne soient mis à la disposition ou utilisés au bénéfice des Taliban ou de toute entreprise leur appartenant ou contrôlée directement ou indirectement par les Taliban, que ce soit par leurs nationaux ou par toute autre personne se trouvant sur leur territoire, à moins que le comité n'ait donné une autorisation contraire, au cas par cas, pour des motifs humanitaires; »

38 L'article 103 de la Charte dispose qu' « En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront. »

39 L'article 307 CE (désormais 351 TFUE) dispose que « Les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement au 1er janvier 1958 ou, pour les États adhérents, antérieurement à la date de leur adhésion, entre un ou plusieurs États membres, d'une part, et un ou plusieurs États tiers, d'autre part, ne sont pas affectés par les dispositions du présent traité ».

40 CORTEN O., « Vers un renforcement des pouvoirs du Conseil de sécurité dans la lutte contre le terrorisme ? », in BANNELIER K., CHRISTAKIS T., CORTEN O., DELCOURT B (dir.), Le droit international face au terrorisme, op.cit., p. 269.

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d'examiner les demandes de retrait de la liste, des dérogations aux mesures de gel41 et du réexamen annuel de la liste.

Le volet conventionnel, avec la convention pour la répression du financement du terrorisme signée à New York le 9 décembre 1999, peut être signalé dans la mesure où les résolutions postérieures à la résolution 1267 (1999) en reprennent en partie le contenu. La convention prévoit une obligation générale de geler les fonds utilisés ou destinés pour commettre des infractions. Pourtant, certains y voient plutôt une compilation à l'efficacité douteuse42 de ce qui pouvait exister préalablement (c'est-à-dire des clauses standard de conventions antérieures). Dans un registre différent, il faut aussi signaler les neuf recommandations spéciales du GAFI43 dont une en particulier concerne le gel des fonds, ici aussi sans grande innovation44.

Ce cadre juridique qui institue le mécanisme de gel des fonds à l'encontre des particuliers en droit international entraîne une sorte de « déconcentration » de l'exécution. Le Comité 1267 édicte la liste sur la base des informations émanant des États, en retour ceux-ci doivent transposer cette liste et la faire exécuter sur leur territoire.

Paragraphe 2. Le caractère général de la réglementation post-11 septembre 2001

Suite aux attentats de Manhattan et du Pentagone, le dispositif normatif de lutte contre le financement du terrorisme est renforcé. Le mois de septembre 2001 voit l'édiction de plusieurs résolutions45 dont la résolution 1373 (2001)46 est sans doute celle qui marquera l'histoire de cette lutte47. En plus d'intensifier les mesures à l'encontre d'Oussama Ben Laden, les Talibans et Al-Qaida, le Conseil de sécurité va - à la fois dans un souci de bien faire et dans la précipitation - incorporer dans le corps de cette résolution une série de dispositions issues de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme signée

41 Par exemple pour des motifs humanitaires comme le dispose le paragraphe 4 c) de la résolution 1267 (1999).

42 SOREL J-M., « Some Questions About the Definition of Terrorism and the Fight Against Its Financing », E.J.I.L., 2003, Vol. 14, n°2, pp. 372.

43 Groupe d'Action Financière internationale. Organe normalisateur, le GAFI est reconnu comme l'organisme international d'établissement de normes en matière de lutte contre le financement du terroris me et le blanchiment d'argent et a notamment adopté 40 recommandations en matière de blanchiment d'argent.

44 SOREL J-M., article préc., p. 373.

45 Voir notamment les résolutions 1368 (2001) et 1377 (2001).

46 Résolution S/RES/1373(2001) adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa réunion n° 4385 du 28 septembre 2001.

47 Sur ce point, voir LE FLOCH G., « La contribution des Nations Unies à la lutte contre le financement du terroris me », article préc., pp. 5-39.

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en 1999. En ce qui concerne le gel des fonds, une attention toute particulière doit être portée au paragraphe 1, littera c48 (condensé des résolutions antérieures et de l'article 8 paragraphe 1 de la convention de 1999), qui prévoit une obligation destinée à tous les États parties de geler les fonds des personnes suspectées de soutenir des activités terroristes.

Le cadre normatif créé par ces résolutions post-11 septembre se différencie du précédent système ayant comme fondements les résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000) de deux manières.

Tout d'abord, contrairement au cadre de lutte antérieur, la résolution 1373 (2001) revêt un caractère « global, général, permanent et abstrait »49. Cette décision est la première50 du Conseil de sécurité à énoncer de telles obligations et a pu entraîner la réaction d'une partie de la doctrine qui y a vu un moyen pour le Conseil de sécurité de s'arroger des pouvoirs de nature judiciaire et législative qui ne lui ont jamais été explicitement reconnus par la Charte51.

Le statut contentieux des résolutions onusiennes ne vient pas rassurer cette frange de la doctrine mais au contraire nourrit de grands doutes quant à la légitimité du Conseil pour adopter lesdites résolutions. En effet, par deux fois52, la Cour internationale de Justice (CIJ) a refusé de prendre position sur la question de savoir si elle avait compétence pour apprécier la conformité d'une résolution du Conseil de sécurité à la Charte. A l'exception53 de l'affaire

48 Ce paragraphe dispose que en son c) que « Gèlent sans attendre les fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, des entités appartenant à ces personnes ou contrôlées, directement ou indirectement, par elles, et des personnes et entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes et entités, y compris les fonds provenant de biens appartenant à ces personnes, et aux personnes et entités qui leur sont associées, ou contrôlés, directement ou indirectement, par elles; ».

49 MOINY Y., « Aperçu de la jurisprudence communautaire développée dans le cadre de la lutte contre le financement du terroris me international », R.D.U.E., 2009, n°1, p. 36.

50 ANGELET N., « Vers un renforcement de la prévention et la répression du terrorisme par des moyens financiers et économiques », in BANNELIER K., CHRISTAKIS T., CORTEN O., DELCOURT B (dir.), Le droit international face au terrorisme, op. cit., p. 219. Voir aussi sur point CORTEN O., « Vers un renforcement des pouvoirs du Conseil de sécurité dans la lutte contre le terrorisme ? », article préc., p. 259-277 ; KLEIN P., « Le Conseil de Sécurité et la lutte contre le terrorisme : dans l'exercice de pouvoirs toujours plus grands ? », Revue québécoise de droit international, hors série, 2007, pp. 133-147,

Oliver Corten cite des résolutions antérieures présentant aussi un caractère général mais amputées de la vocation obligatoire que revêt la résolution 1373, voir pp. 274 et 275.

51 KLEIN P., article préc., p. 138.

52 Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. États-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 14 avril 1992, Rec., p. 114 ; Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. États-Unis d'Amérique), exceptions préliminaires, arrêt du 27 février 1998, Rec., p. 115

53 Comme le souligne Syméon Karagiannis, « Il ne s'agit pas d'un réel précédent car on remarque que la résolution, dont la Chambre d'appel a examiné la conformité à la Charte, porte tout simplement sur la création et l'étendue de compétence du Tribunal pour l'Ex-Yougoslavie lui-même ». Voir « L'action de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe dans le cadre de la protection des droits de l'homme : l'exemple des

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Dusko Tadiæ devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie où ce dernier avait accepté de prendre position sur la conformité de la résolution en cause avec la Charte 54, ce surcroît de pouvoir du Conseil est donc corroboré par l'immunité contentieuse notoire des résolutions qu'il édicte.

La résolution requiert de la part des États parties une réaction globale contre le terrorisme, et leur impose diverses obligations d'incriminations des actes de terrorisme. Elle contient de surcroît des incitations voire des obligations à ratifier les conventions préexistantes de l'ONU sur le terrorisme55 et notamment la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de 199956. La résolution présente l'avantage d'imposer aux États parties le respect des dispositions de ces conventions en dépit des réticences de certains d'entre eux. Instauré dans l'urgence, le nouveau système, bien qu'universel, souffre néanmoins de lacunes en pratique57, telles que le caractère sélectif de la résolution (certains principes de la convention sont transposés, d'autres non) et le flou quant aux conditions d'exercice des pouvoirs exorbitants du Conseil en vertu du Chapitre VII de la Charte.

Enfin, la résolution 1373 (2001) porte création d'un second comité (au paragraphe 6), le « Comité contre le terrorisme » (CCT) qui est chargé de contrôler la mise en oeuvre de la résolution par les États parties. Contrairement au « Comité 1267 », le CCT n'a pas de compétence explicite dans l'établissement des listes des personnes ou entités suspectées de supporter des activités terroristes58. Comme il a été précisé, le caractère général des obligations qui résultent du texte veut qu'à l'inverse de la résolution 1267 visant expressément les Talibans, Oussama Ben Laden et Al-Qaida, aucune liste particulière ne soit nécessaire à l'échelle de l'ONU. Ce volet de la lutte est laissé à la discrétion des États parties alors que dans le cadre de la résolution 1267 (1999), la liste est édictée directement par le Comité éponyme et doit être transposée et appliquée comme tel par les États parties. Comme le souligne le Président du Comité à l'époque de sa création en 2001, « c'est aux États de

« listes noires » du Conseil de sécurité des Nations Unies » in SOREL J-M. (dir.), La lutte contre le financement du terrorisme : Perspective transatlantique, op. cit., p. 144.

54 Voir l'arrêt in [ http://www.un.org/icty/tadic/appeal/decision-f/51002JN3.htm].

55 Voir UNODC, « Legislative Guide to the Unisersal Anti-Terrorism Conventions and Protocols », Vienne, 2004.

56 A la date du 11 septembre 2001, la Convention n'avait été signée que par 42 États et ratifiée par 3 États seulement. Voir [ www.un.org/terrorism].

58 Des auteurs s'accordent pourtant à dire que les tâches des deux comités sont largement similaires, notamment quant à la supervision des États. Voir notamment ANGELET N., article préc., p. 230.

57 ANGELET N., article préc., p. 220.

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préciser de qui ils parlent »59. On peut donc qualifier cette procédure de « décentralisation » aux profits des États et organisations régionales comme on avait qualifié le système antérieur de « déconcentration ». Les sources communautaires attestent des deux mouvements de « décentralisation » et de « déconcentration ».

Section 2. La complexité avérée des sources communautaires

La lutte contre le financement du terrorisme s'est développée au sein de l'Union européenne à la même époque qu'au sein des Nations Unies. Quelques mois après le sommet européen de Tampere en octobre 1999 qui aboutit à l'élaboration d'un plan d'action, le Conseil adopte une recommandation du 9 décembre 1999 sur la coopération en matière de lutte contre le financement du terrorisme60 (le même jour que la signature de la convention de New York, voir supra p. 14). L'optique d'une intervention intergouvernementale est sérieusement abordée. A la suite des attentats du 11 septembre 2001, le Conseil européen extraordinaire du 21 septembre 2001 exprime la vive nécessité de légiférer. On assiste alors à un processus normatif hybride61 et particulièrement complexe car le législateur communautaire a recours à des instruments tant du premier pilier que du deuxième pilier (PESC) voire du troisième pilier (JAI). Une typologie se dessine selon l'origine des listes, internationale (Paragraphe 1) ou européenne (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. Une liste internationale d'exécution

Le travail de transposition des résolutions onusiennes par les instances communautaires a consisté à reprendre le contenu de la liste édictée par le Comité 1267 selon la procédure qu'il convient de qualifier de « déconcentration ». Cela conduit à présenter la liste communautaire exécutant les sanctions décidées par le Comité des sanctions des Nations Unies par la voie de l'adoption du règlement CE n° 881/200262. Un précédent règlement

59 Transcription de la conférence de presse de Sir Jeremy Greenstock, en date du 19 octobre 2001, p. 5, publiée sur [ www.un.org/terrorism].

60 JOCE n° C 373 du 23 décembre 1999.

61 MOINY Y., article préc., p. 37.

62 Règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil du 27 mai 2002 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l'exportation de certaines marchandises et de certains services vers l'Afghanistan, renforçant l'interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l'encontre des Taliban d'Afghanistan, JOCE n° L 139/9 du 29 mai 2002, p. 9.

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communautaire n° 467/200163 avait déjà été adopté suite aux résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000). Celui-ci se voit donc abroger par le nouveau règlement CE n° 881/2002 en vue d'exécuter la position commune 2002/402/PESC64, adoptée le même jour sur la base de l'article 15 TUE (PESC). Cette évolution du cadre normatif s'était en effet accélérée avec la résolution 1390 (2002) qui renforçait la portée des mesures de gel des fonds imposés par les résolutions précédentes. Il est notable de préciser que le règlement accompagne l'exécution de la position commune 2002/402 qui, prise dans le cadre de la PESC (article 15 UE) vise à atteindre l'un des « objectifs de l'Union » au titre de la PESC. On notera ici que l'article 34 n'est pas utilisé comme base juridique, ce qui prive l'Union d'user de ses propres outils de coopération pénale du troisième pilier. Cette position commune mentionne qu'elle s'applique aux personnes listées par le Comité 1267 (article 1er). Faisant une référence implicite au rôle de passerelle entre Communauté et PESC des articles 60 et 301 CE65, la position commune dispose qu' « [u]ne action de la Communauté est nécessaire afin de mettre en oeuvre certaines mesures », notamment les mesures de gel (article 3).

La question se pose quant à la nature exacte de cette liste, est-elle communautaire ou internationale ? La liste contenue à l'annexe 1 du règlement CE n° 881/2002 est une copie de la liste attachée à la résolution 1267 (1999) en intégrant les modifications et mises à jour intervenues suite aux résolutions suivantes66. Elle concerne les mesures de gel à l'encontre d'Oussama ben Laden, Al-Qaida et les Talibans. Par conséquent, ce règlement revêt aussi un caractère ciblé et non universel (même si les obligations qu'il contient peuvent être générales). En vertu de l'article 7.1 du règlement CE n° 881/2002, il est précisé qu'il appartient à la Commission de mettre à jour, au niveau communautaire, la liste ainsi établie en fonction des modifications opérées à l'échelle internationale par le Comité 1267. En résumé, ce premier volet de la lutte antiterroriste « sectorielle » s'articule autour d'un instrument ayant pour fondement le deuxième pilier et d'un règlement pris pour son application relevant du pilier communautaire.

Il est donc plus approprié de parler de liste internationale d'exécution. En effet, la liste contenue dans le règlement CE n° 881/ 2002 a une origine internationale mais s'applique dans

63 Règlement (CE) n° 467/2001 du 6 mars 2001, JOCE n° L 67, p. 1.

64 Position commune du Conseil du 27 mai 2002 concernant des mesures restrictives à l'encontre d'Oussama ben Laden, des membres de l'organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés, et abrogeant les positions communes 96/746/PESC, 1999/727/PESC, 2001/154/PESC et 2001/771/PESC, JOCE n° L 139 du 29 mai 2002.

65 Voir infra pp. 26 et s., à propos du contentieux lié à cette double base juridique.

66 Notamment les résolutions 1333 (2000) et 1390 (2002).

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l'Union, ce qui démontre bien cette « déconcentration » de l'exécution. Ce n'est pas le cas des deux listes communautaires d'exécution établies dans le cadre du régime de la résolution 1373 (2001) qui possèdent quant à elle une origine communautaire. C'est en partie le fondement des listes qui détermine le régime applicable aux mesures de gel des fonds.

Paragraphe 2. Deux listes communautaires complémentaires

Mutadis mutandis, l'opération de transposition du régime de sanction instauré par la résolution 1373 (2001) a eu lieu dans l'ordre communautaire. L'UE a estimé nécessaire de légiférer par le biais de différents instruments faisant intervenir tous les piliers. Comme il a été dit, la résolution 1373 (2001), bien qu'universelle, ne prévoit aucun pouvoir pour le Comité contre le terrorisme quant à la manière d'identifier et de lister les personnes et entités devant faire l'objet de mesures de gel. Le processus normatif au niveau de l'Union illustre cette complexité67.

Sur la base conjointe de l'article 15 UE (PESC) et de l'article 34 UE (JAI), le Conseil a adopté dans un premier temps deux positions communes qu'il convient de bien distinguer. La première position commune 2001/930/PESC68, dite de « couverture », a une vocation générale et déclarative et donc peu d'incidences pratiques en ce qu'elle énonce les principes qui résultent de la résolution 1373 (2001). Elle ne contient aucune liste. La deuxième position commune est plus intéressante dans le cadre de notre étude et met en oeuvre les orientations de la position commune précédente. La position commune 2001/931/PESC69 organise notamment en vertu des paragraphes 4, 5 et 6 de son article 1er une procédure de « listing » « établie sur la base d'informations précises ou d'éléments de dossier qui montrent qu'une décision a été prise par une autorité compétente à l'égard des personnes, groupes et entités visés ». Cette formule, notamment les expressions d' « informations précises » et d'« éléments de dossier » pourront avoir une certaine pertinence dans le contentieux devant les instances communautaires. L'intérêt de la double base juridique de cette liste, plus « européenne » que « communautaire », (elle intervient dans le cadre des piliers PESC et JAI) permet de faire appel à l'entraide répressive du troisième pilier. A la différence de la position

67 MOINY Y., article préc., p. 39.

68 Position commune 2001/930/PESC du Conseil du 27 décembre 2001 relative à la lutte contre le terrorisme, JOCE n° L 344 du 28 décembre 2001, p. ??

69 Position commune 2001/931/PESC du Conseil du 27 décembre 2001 relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terroris me, JOCE n° L 344/93 du 28 décembre 2001, p. 93.

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commune 2002/402/PESC (voir supra p. 18), cette double base juridique se justifie par le fait que la liste doit être non transposée mais plutôt édictée au sein de l'UE ce qui nécessite des outils de coopération. Cette seconde position commune institue donc une liste de personnes et entités en annexe, dont les fonds doivent être gelés par la Communauté.

Le même jour de l'adoption des deux positions communes, le Conseil considérant qu'une action de la Communauté était « nécessaire » en vertu des articles 60, 301 et 308 CE, édicte le règlement (CE) n° 2580/200170. Cette complémentarité des sources veut que les mesures relevant de la PESC (et en partie du JAI) et de la position commune 2001/931/PESC soient transposées et mises en oeuvre au plan communautaire (c'est-à-dire dans le cadre du premier pilier). L'article 2, § 3, du règlement prévoit que « le Conseil, statuant à l'unanimité, établit, révise et modifie la liste de personnes, de groupes et d'entités auxquels le présent règlement s'applique ». Cette liste applicable au pilier communautaire est logiquement la « copie fidèle »71 de la liste résultant de la procédure mise en place à l'article 1er de la position commune 2001/931/PESC72.

En résumé, on peut dire que l'UE a adopté trois « blacklists » pour mettre en oeuvre les exigences découlant des résolutions onusiennes dans le domaine de la lutte contre le financement du terrorisme. Il est plus exact de parler de deux types de listes. La première liste, de nature communautaire, se trouve dans le corps du règlement CE n° 881/2002 concernant les personnes et entités associées à Oussama ben Laden, Al-Qaida et les Talibans et trouve son origine au niveau international dans la liste établie par le Comité 1267 qu'elle exécute. Les secondes listes, concernant toute autre personne, groupe et/ou entité suspectées d'activité terroristes sont identiques du point de vue de leur contenu et de leur nature mais différentes d'un point de vue organique. Une liste « européenne » est contenue dans la position commune 2001/931/PESC dont le règlement CE n° 2580/2001 assure la mise en oeuvre au plan communautaire en contenant par conséquent une liste jumelle « communautaire ».

70 Règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil du 27 décembre 2001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terroris me, JOCE n° 344/70 du 28 décembre 2001, p. 70.

71 MOINY Y., article préc., p. 39.

72 Voir pour une analyse plus approfondie, MOINY Y., « Le règlement (CE) n° 2580/2001concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités impliquées dans des actes de terrorisme - Un règlement communautaire à revoir en profondeur ? », R.T.D.I., n° 28, 2007, pp. 189-190 ; CAMERON I., « European Union Anti-Terrorist Blacklisting », Human Rights Law Review, n° 2, 2003, pp. 225-256.

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Après avoir présenté le cadre juridique et les sources des sanctions ciblées ou intelligentes (smart sanctions en anglais), il est possible de saisir la complexité du système normatif, passé d'embryonnaire à universel en moins d'une dizaine d'année73. Un système systématiquement actualisé74, qui du point de vue de l'Union européenne, a une double origine et a l'originalité de s'adresser à des personnes physiques bien identifiées. Ce caractère novateur prouve bel et bien que les mesures de gel des fonds sont des mesures sui generis. Il convient maintenant de compléter l'étude sur le cadre juridique par une étude sur la nature juridique de ces sanctions.

Chapitre 2. Les discussions sur la nature juridique

A l'instar des difficultés à définir le terrorisme (voir supra pp. 5-6), les mesures de gel semblent n'appartenir à aucune catégorie juridique existante. Plus exactement, elles possèdent des caractéristiques empruntées à plusieurs catégories juridiques. La discussion sur l'objet des mesures de gel (Section 1) se bornera à une approche internationale, car le mécanisme de gel des fonds y trouve son origine. Il sera notamment question du régime des mesures de sanction. Sur la question des fondements (Section 2), qu'on traitera à la lumière des bases juridiques, la discussion prendra une tournure communautaire. Cette discussion est en outre issue du contentieux des listes devant le juge communautaire, contentieux qui fait l'objet de la seconde partie de cette étude, mais pour plus de pédagogie, il est intéressant de l'envisager pour qualifier la nature des listes et des mesures de gel des fonds, notamment leurs finalités.

Section 1. La discussion sur l'objet

La discussion sur l'objet de la mesure de gel n'est pas seulement théorique. Elle entraîne des enjeux très pratiques notamment sur le niveau des garanties et de la protection des droits individuels qui accompagnent la mesure de gel selon que celle-ci est assimilée à un

73 Pour illustrer l'importance des saisies opérées dans ce contexte communautaire, le Foreign and Commonwealth Office estimait qu'une somme de 466.000£ avait été saisie au Royaume-Uni sur la base du règlement (CE) n° 881/2002 contre un montant de 27.000£ sur la base du règlement 2580/2001 dans le courant des années 2006 et 2007, Voir House of Lords, Select Committee on Economic Affairs, « The Impact of Economic Sanctions », 2nd Report of Session 2006-2007, vol. II, p. 5.

74 La mise à jour des listes est régulière voire démesurée. Pour le règlement 881/2002, la dernière modification en date est le 120e règlement amendant le règlement d'origine, Voir règlement (UE) n° 110/2010 de la Commission, JOUE n° L 36 du 9 février 2010, p. 9. On dénombrait 27 personnes physiques et morales confondues, les chiffres globaux semblent néanmoins inconnus.

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acte administratif ou à un acte de nature pénale. Comme le souligne Alina Miron, « c'est la qualification qui détermine le régime et non pas l'inverse »75. Pour illustrer le caractère particulier des mesures de gel, on pourra avoir recours au droit comparé, notamment par le biais du droit administratif français.

La mesure de gel est la conséquence du « listing » d'une personne ou entité par un des comités du Conseil de sécurité ou par les États eux-mêmes, la procédure de « blacklisting » fait donc partie de la définition à donner à ce mécanisme. Tant des éléments de droit pénal (Paragraphe 1) que de droit administratif (Paragraphe 2) sont amenés à jouer un rôle dans la recherche de la nature des mesures, ce qui renforce le statut spécifique de celle-ci.

Paragraphe 1. La discussion sur le caractère pénal de la mesure

Il faut distinguer deux étapes dans la procédure qui aboutit à une mesure de gel des fonds. Il existe d'abord un acte à portée générale qui est la résolution initiale prise sur la base du Chapitre VII (ou les positions communes et leurs règlements correspondants pris sur la base des traités CE et UE). Cet acte général sert ensuite de base à l'adoption de mesure à portée individuelle telle que l'inscription sur la liste d'une personne ou entité et la mesure de gel des fonds les concernant. La résolution initiale a donc une double fonction76 : elle qualifie une situation donnée (sur la base d'informations émanant des États prouvant des soupçons de financement d'une activité terroriste incriminée) et la place sous un régime juridique. Elle sert également de base juridique aux sanctions individuelles subséquentes.

Afin de savoir si l'on peut parler de sanctions pénales, il convient d'envisager deux grandes séries de critères : celui de la finalité et des effets de la mesure et enfin celui de l'autorité de la décision77.

Quant à la finalité et aux effets de la mesure de gel, il est indéniable que l'inscription sur une liste présente un caractère diffamatoire et infamant78 et s'assimile ainsi à une sanction pénale. La prolongation dans le temps des mesures de gel, contrastant avec la vocation provisoire de la mesure, ainsi que l'absence d'indemnisation en cas d'erreur accentue l'aspect

75 MIRON A., article préc., p. 362.

76 Ibidem, p. 358.

77 MIRON A., article préc., p. 360.

78 Ibid. Voir aussi l'affaire Zollmann c./ Royaume-Uni du 23 novembre 2003, req. n° 62902/00.

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répressif de la sanction79. Une mesure de gel n'a toutefois jamais entraîné une mesure privative de liberté des individus concernés.

Quant au critère organique de l'autorité de la décision, il est permis d'avoir des doutes sur la nature pénale de la sanction. Il est généralement admis que le prononcé d'une sanction pénale est du ressort exclusif du juge. C'est d'ailleurs le choix réalisé en droit français contrairement au droit américain par exemple80. Or, le Conseil de sécurité dont dépendent les comités créés par les résolutions, est l'organe social des Nations Unies, et n'est pas un organe juridictionnel mais politique. Comme le souligne l'équipe d'appui analytique fonctionnant auprès du Comité 1267, « [l]es régimes de sanctions de l'ONU n'exigent pas que les personnes visées aient été condamnées par un tribunal. (...) [C]es régimes n'imposent pas de sanction ou de procédure pénale, telle que la détention, l'arrestation, mais des mesures administratives comme le gel des avoirs, l'interdiction des voyages internationaux et des ventes d'armes »81.

La combinaison de ces deux critères aboutit à une qualification douteuse quant au caractère pénal des sanctions. « [L]'hybride ainsi créé »82 pourrait alors transcender le clivage traditionnel entre sanctions pénales et sanctions administratives et devenir une nouvelle catégorie de sanction sui generis, empruntant à chaque catégorie des caractéristiques. Michel Dobkine disait à propos de cette évolution qu'« [u]ne nouvelle catégorie de sanctions, les «sanctions pécuniaires» est peut-être appelée à unifier la matière répressive non passible de l'emprisonnement, et à rendre caduques les distinctions traditionnelles entre sanctions administratives et pénales »83.

Comme l'écrivait Alina Miron (voir supra p. 22), la qualification détermine le régime applicable. L'une des implications de ce débat est notamment l'application de l'article 6 de la

79 Voir TPICE, Sison c./ Conseil, 11 juillet 2007, T-47/03, points 233-251.

80 ROSENFELD E., VEIL J., « Sanctions administratives, sanctions pénales », Pouvoirs, 2009/1, n° 128, p. 63 : « Le droit français a adopté un critère organique : est une sanction administrative celle qui est prononcée par une autorité administrative. La jurisprudence américaine et la Cour européenne des droits de l'Homme (Cedh) penchent pour un critère matériel. Aux États-Unis, quel qu'en soit l'auteur, le juge se livre à un examen de la sanction, l'autorité sanctionnatrice ou la volonté du législateur n'étant que deux critères parmi d'autres, pour déterminer sa nature. La CEDH admet elle aussi que la matière pénale déborde de beaucoup les juridictions pénales. Cette analyse est plus réaliste mais le système français parvient néanmoins à un résultat comparable par l'intégration de la sanction administrative à la catégorie plus ample du droit répressif qui justifie alors, sans le détour de la requalification, l'application des principes communs de ce droit. »

81 Troisième rapport de l'équipe d'appui analytique et surveillance des sanctions créée en application de la résolution 1526 (2004) concernant l'organisation Al-Qaida et les Taliban et les personnes et entités qui leur sont associées, 9 septembre 2005, S/2005/572, § 39-41.

82 ROSENFELD E., VEIL J., article préc., p. 62.

83 « L'ordre répressif administratif », Recueil Dalloz, Chronique, 1993, p. 157.

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Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH). Pour Mireille Delmas-Marty, sanction administrative et sanction pénale appartiennent toutes deux à la matière pénale au sens de la CESDH84. C'est une série de garanties procédurales qui sont en jeu. En ce sens, c'est la substance de ce qu'affirme Alina Miron, « la simple qualification d'actes restrictifs des droits subjectifs des individus aurait dû suffire pour conduire à la mise en place de garanties minimales »85.

Le caractère pénal étant difficilement perceptible, il convient d'envisager la potentielle nature administrative des sanctions.

Paragraphe 2. La discussion sur le caractère administratif de la mesure

Les arguments en faveur de la reconnaissance du caractère administratif de la procédure d'inscription sur les listes et du gel des fonds sont manifestement plus nombreux. A tel point qu'une partie de la doctrine s'interroge sur le fait de savoir s'il s'agirait d'une forme d'acte administratif international86. Il ne s'agit pas de lister tous ces arguments mais de présenter les principaux.

D'un point de vue organique, le renforcement du pouvoir de décision des comités par rapport à l'influence qu'exercent les États (notamment par la nomination annuelle d'un président permanent du comité) renforce la procéduralisation voire « l'administrativisation » des institutions.

Toujours du point de vue organique, en recourant une fois de plus au droit administratif français, on s'aperçoit qu'il existe une similitude entre les listes et les actes administratifs unilatéraux. On retrouve la situation triangulaire qu'il existe en droit français87 entre les cibles des sanctions (personnes et entités soupçonnées) de l'acte qui voient leur situation juridique modifiée sans que leur consentement soit requis, les destinataires de l'acte (les États) et l'auteur de la décision (le Conseil de sécurité)88.

84 « Code pénal d'hier, droit pénal d'aujourd'hui, matière pénale de demain », Recueil Dalloz, Chronique, 1986, p. 27.

85 MIRON A., article préc., p. 359.

86 MIRON A. article préc., notamment, Voir aussi OST F., VAN DER KERCHOVE M., « De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit », Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint Louis, 2002, p. 230 et s. ; DOBKINE M., article préc., p. 157.

87 CHAPUS R., Droit administratif, Tome 1, 15ème édition, Paris, Montchrestien, n° 697 et s.

88 MIRON A., article préc., p. 358.

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Le principe de droit administratif du privilège du préalable se retrouve aussi dans la pratique du Conseil89. Ce principe sous-tend la logique du chapitre VII de la Charte en ce que les décisions du Conseil sont présumées conformes au droit et de ce fait, directement et immédiatement exécutoires. Dans ce sens, la Cour internationale de justice affirmait dans son avis de 1971 que « [t]oute résolution émanant d'un organe des Nations Unies régulièrement constitué, prise conformément à son règlement et déclarée adoptée par son président, doit être présumée valable »90. Le privilège du préalable impartit généralement l'administration d'une contrepartie solide au bénéfice des particuliers91.

Du point de vue de la finalité de la sanction, une différenciation peut être opérée et a été mise en lumière par la doctrine92. Il s'agit de celle qui existe entre les sanctions administratives et les mesures de police en droit français. Comme le soulignent à juste titre Mattias Guyomar et Pierre Collin, « [l]es sanctions sont d'une nature essentiellement répressive. Elles procèdent d'une intention de punir un manquement à une obligation. Elles se fondent sur un comportement personnel considéré comme fautif. Au contraire, les mesures de police ont une finalité essentiellement préventive »93. Le clivage entre répression et prévention est ainsi, une fois de plus (voir supra p. 6), mis en avant. Plusieurs allégations de la pratique des sanctions ciblées en droit international prouvent que cette distinction n'est pas étanche. Lorsque le Conseil édicte une mesure de sanction et de gel des fonds, il y a indéniablement un côté préventif de dissuasion des futurs comportements fautifs94. Selon certains auteurs95, l'étanchéité tombe définitivement lorsque l'on constate que l'inscription sur une liste de gel des fonds constitue la conséquence directe de la violation de la résolution en question et n'a donc pas d'effet préventif. Néanmoins, l'inscription sur les listes agit autant comme moyen de protection de l'ordre public international (la paix et la sécurité internationale du Chapitre VII) que comme conséquence négative de la violation de la norme internationale en question.

89 MIRON A., article préc., p. 358.

90 CIJ, avis consultatif, 21 juin 1971, Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, Rec. 1971, p. 22, § 20.

91 Voir ROSENFELD E., VEIL J., article préc., p. 66-67 ; « [...] le condamné pénal est présumé innocent jusqu'à l'épuisement des recours ; le sanctionné administratif est, à compter du prononcé, présumé coupable et doit immédiatement déférer à la sanction sauf à obtenir, difficilement, le bénéfice du sursis à exécution. Plus la sanction pécuniaire est importante moins ce trait distinctif conserve de légitimité. » Pour aller plus loin, voir RIVERO J., WALINE J., « Droit administratif », Dalloz, 2004, pp. 332 et s.

92 MIRON A., article préc., p. 361.

93 AJDA, 2001, p. 634.

94 MIRON A., article préc., p. 361.

95 Ibid.

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Entre mesures de polices ou sanctions administratives, il semble compliqué de vouloir définir les contours des sanctions ciblées, de l'inscription sur les listes à la mesure effective de gel des fonds qui lui est associée. Comme il a été dit, de nombreuses garanties procédurales sont en jeu (application de l'article 6 CESDH ; droit d'être entendu, égalité des armes, obligation de motivation, protection juridictionnelle effective ...). Il n'est pas pour autant nécessaire que la répression administrative doive se couler dans le moule pénal96. Comme l'indiquent Emmanuel Rosenfeld et Jean Veil :

« Tous les pays ont multiplié les sanctions administratives pour pallier les insuffisances de la répression pénale : lenteur, complexité et technicité croissante des mécanismes économiques, [...]. Ce phénomène est une réponse à un problème plus général : l'inadéquation d'institutions de proportions nécessairement restreintes (le législatif ; le judiciaire) à l'implication toujours plus massive de l'administration dans les rapports socio-économiques. »97

En 2007, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe identifiait les risques de la discussion sur la qualification juridique des sanctions ciblées : « Bien que la nature de ces sanctions - pénale, administrative ou civile - ne soit pas du tout claire et encore sujette à débat, leur application doit, en vertu de la Convention européenne des droits de l'Homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, respecter des normes minimales de procédure et sécurité juridique »98.

Protéiformes, les mesures de gel semblent être distinctes des autres catégories juridiques. En complément des discussions sur l'objet, une analyse des fondements de ces mesures permet de mieux définir les contours de leur nature.

Section 2. La discussion sur les fondements

La difficulté des instances communautaires à justifier les fondements en vertu desquels l'Union est compétente pour adopter des sanctions ciblées illustre une partie du

96 ROSENFELD E., VEIL J., article préc., p. 66, voir aussi p. 72 : « La sanction administrative n'est pas un ersatz inutile de la sanction pénale. Elle n'est pas seulement le fouet dont tout régulateur a besoin pour être crédible dans sa mission quotidienne. Elle est une possibilité offerte à l'autorité de poursuite de graduer la punition en fonction de la gravité des comportements et de gérer de la manière la plus efficace les dossiers. ».

97 Ibid, p. 62

98 Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, rapport de D. Marty, Listes noires du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l'Union européenne, 16 novembre 2007, Doc. 11454, [ http://assembly.coe.int/mainf.asp?Link=/documents/workingdocs/doc07/fdoc11454.htm].

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débat portant sur les listes adoptées dans l'Union européenne. Lors de l'affaire Kadi,

l' « âpreté »99 des discussions devant le Tribunal de première instance (Paragraphe 1) puis devant la Cour de Luxembourg aboutit finalement au même résultat, mais au prix d'une substitution complexe du raisonnement du Tribunal par la Cour (Paragraphe 2). La discussion sur les fondements est importante s'agissant de la compétence de la Communauté pour adopter les sanctions ciblées de gel des fonds.

Paragraphe 1. La solution du Tribunal de première instance

Le juge communautaire était appelé à statuer sur la légalité du règlement CE n° 881/2002 adopté par les institutions communautaires. Le Tribunal devait donc examiner la base juridique sur laquelle ces actes avaient été adoptés. A la fois le règlement CE n° 881/2002 et le règlement CE n° 2580/2001 pris pour l'exécution des positions communes correspondantes (voir supra pp. 17 et s.) avaient reçus pour fondements les articles 60, 301 et 308 CE100. Introduits par le traité de Maastricht pour formaliser l'articulation entre le premier et le deuxième pilier, les articles 60 et 301 CE répondent à des considérations essentiellement politiques (faire pression sur un régime dictatorial ou appuyer le règlement pacifique d'un différend)101 et permettent des sanctions économiques.

Les arrêts Yusuf 102 et Kadi 103 du Tribunal, puis l'arrêt de la Cour dans ces mêmes affaires ont été l'occasion pour le juge communautaire de se prononcer à propos du régime des sanctions ciblées. Deux séries de moyens étaient avancées, l'une tenant à la violation des articles 60 et 301 CE, l'autre à la violation des articles 60, 301 et 308 CE pris conjointement.

99 MOINY Y., article préc., p. 44.

100 L'article 60 § 1 CE dispose que, « [s]i, dans les cas envisagés à l'article 301, une action de la Communauté est jugée nécessaire, le Conseil, conformément à la procédure prévue à l'article 301, peut prendre, à l'égard des pays tiers concernés, les mesures urgentes nécessaires en ce qui concerne les mouvements de capitaux et les

paiements. » En vertu de l'article 301 CE, « [l]orsqu'une position commune ou une action commune adoptées en vertu des dispositions du traité sur l'Union européenne relatives à la politique étrangère et de sécurité commune

prévoient une action de la Communauté visant à interrompre ou à réduire, en tout ou en partie, les relations

économiques avec un ou plusieurs pays tiers, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, prend les mesures urgentes nécessaires. » Enfin, la clause de flexibilité de l'article 308 prévoit que,

« [s]i une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées. »

101 TERPAN F., « Article 301 CE », in PINGEL I. (dir.), De Rome à Lisbonne - Commentaire article par article, Bâle, Paris, Bruxelles, Helbing Lichtenhahn, Dalloz, Bruylant, 2ème éd., 2010, p. 1871.

102 TPICE, 21 septembre 2005, Ahmed Ali Yusuf et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, aff. T-306/01, Rec. II-3533.

103 TPICE, 21 septembre 2005, Yassin Abdullah Kadi c./ Conseil et Commission, aff. T-315/01, Rec. II-3649.

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On ne traitera ici que de la deuxième série de moyens104, car celle-ci est complète et reprend en totalité l'appréciation de la première série de moyens (les griefs étant identiques dans les deux cas, la seule différence tenant à la présence de l'article 308). Les requérants reprochaient au Conseil et à la Commission d'avoir choisi des bases juridiques inadéquates. Ils invoquaient le fait que la combinaison de ces articles qui fonde la compétence de la Communauté pour imposer des mesures économiques (« interrompre ou à réduire, en tout ou en partie, les relations économiques » selon l'article 301 CE, sous la forme d'embargo, de blocage d'avoir par exemple105) ne concernaient que des États (le texte de l'article 60 parle bien de mesures « à l'égard des pays tiers ») dans le cadre de la PESC et non des personnes et entités privées. De plus, aucune base juridique ne prévoit de mécanisme de gel des fonds à l'encontre de particuliers, que ce soit dans le traité UE ou dans le traité CE. Par ailleurs, ils invoquaient aussi le caractère disproportionné du règlement en question par rapport aux objectifs fixés dans les articles 60 et 301 CE. Enfin, ils contestaient l'utilisation de la clause passerelle de l'article 308 CE pour conférer au Conseil un pouvoir qu'il ne possède pas, vu l'absence de liens entre les sanctions ciblées et l'un des objets de la Communauté106.

Le Tribunal, après avoir constaté l'absence de compétences communautaires explicites ou implicites autonomes, rejette les moyens des requérants en procédant à une deuxième analyse. Comme l'écrivent Denys Simon et Florian Mariatte, « [s]i les trois dispositions prises isolément ne peuvent servir de bases légales au second règlement litigieux, elles le peuvent cependant conjointement, à raison de la "passerelle" établie entre les piliers PESC et communautaire de l'Union »107. En effet, le Tribunal avait préalablement reconnu que les deux seuls articles 60 et 301 ne s'adressaient qu' « aux pays tiers » et étaient donc insuffisants. C'est la même chose pour l'article 308 qui ne peut servir selon le Tribunal de

104 Quant à la première étape du raisonnement, voir notamment SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de première instance des Communautés : Professeur de droit international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », Europe, décembre 2005, comm. 12 ; STANGOS P., GRYLLOS G., « Le droit communautaire à l'épreuve des réalités du droit international : leçons tirées de la jurisprudence communautaire récente relevant de la lutte contre le terrorisme international », Cahiers de droit européen, n° 3-4, 2006, pp. 454-464.

105 PARTSCH PH-E., « Article 60 CE », in PINGEL I. (dir.), De Rome à Lisbonne - Commentaire article par article, op. cit., p. 595.

106 TPICE, Yusuf, arrêt préc., points 84 et 110.

107 SIMON D., MARIATTE F., article préc., p. 39.

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base unique pour l'adoption des mesures108, celui-ci ne s'articulant pas avec l'un des objets de la Communauté décrits aux articles 2 et 3 CE, ni à un objectif plus général de défense109.

Le Tribunal insiste par la suite sur la spécificité des articles 60 et 301 CE110 qui illustrent « la coexistence de l'Union et de la Communauté en tant qu'ordres juridiques intégrés mais distincts », ainsi que de « l'architecture constitutionnelle des piliers voulues par les auteurs des traités actuellement en vigueur »111. Suite à cette remarque, il estime finalement que « le recours à la base juridique cumulée des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE permet de réaliser, en matière de sanctions économiques et financières, l'objectif poursuivi dans le cadre de la PESC par l'Union et par ses États membres, tel qu'il est exprimé dans une position commune ou une action commune, nonobstant l'absence d'attribution expresse à la Communauté des pouvoirs de sanctions économiques et financières visant des individus ou entités ne présentant aucun lien suffisant avec un pays tiers déterminé »112. La reconnaissance de la triple base juridique et corrélativement, d'un nouveau titre de compétence au Conseil pour adopter les mesures en question113, est consacrée lorsque le Tribunal affirme que les conditions d'application de l'article 308 sont remplies114. En l'occurrence, la lutte contre le financement du terrorisme apparaît comme étant l'un des objectifs de l'Union en vertu de l'article 11 UE115, et semble devoir bénéficier d'une action de la Communauté116. Le Tribunal admet donc que des mesures prises sur cette triple base juridique puissent frapper des ressortissants d'un Etat membre, résidant dans la Communauté, s'ils sont suffisamment liés au régime d'un État tiers contre lequel des sanctions sont dirigées117. Le champ d'application

108 Voir Yusuf, points 134 à 157 et Kadi, points 98 à 121, arrêts préc., notamment voir Yusuf, point 156, « il n'apparaît pas possible d'interpréter l'article 308 CE comme autorisant de façon générale les institutions à se fonder sur cette disposition en vue de réaliser l'un des objectifs du traité UE ».

109 SIMON D., MARIATTE F., article préc., p. 39.

110 Le Tribunal affirme au point 160 de l'arrêt Yusuf que les articles 60 CE et 301 CE, « sont des dispositions tout à fait spécifiques » du traité CE en ce qu'elles « envisagent expressément qu'une action de la Communauté puisse s'avérer nécessaire en vue de réaliser non pas l'un des objets de la Communauté, tels qu'ils sont fixés par le traité CE, mais un des objectifs spécifiquement assignés à l'Union par l'article 2 UE, à savoir la mise en oeuvre d'une politique étrangère et de sécurité commune ».

111 TPICE, Yusuf, point 156 ; Kadi, point 120, arrêts préc.

112 TPICE, Yusuf, point 166 ; Kadi, point 130, arrêts préc.

113 SIMON D., MARIATTE F., article préc., p. 39.

114 TPICE, Yusuf, point 168 ; Kadi, point 132, arrêts préc.

115 TPICE, Yusuf, arrêt préc., point 167, « la lutte contre le terrorisme international et son financement relève incontestablement des objectifs de l'Union au titre de la PESC, tels qu'ils sont définis à l'article 11 UE, même lorsqu'elle ne vise pas spécifiquement les pays tiers ou leurs dirigeants. »

116 Ibid, point 168, « Il est constant, par ailleurs, que la position commune 2002/402 a été adoptée par le Conseil, à l'unanimité, dans le cadre de cette lutte et qu'elle prescrit l'imposition par la Communauté de sanctions économiques et financières à l'encontre de particuliers soupçonnés de contribuer au financement du terrorisme international, sans plus établir un quelconque lien avec le territoire ou le régime dirigeant d'un pays tiers. »

117 Ibid, point 115. Voir aussi sur ce point, TPICE, 31 janvier 2007, Leonid Minin c./ Commission, aff. T-362/04, Rec. II-002003.

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rationae personae des sanctions prévues aux articles 60 et 301 CE est donc largement étendu. Des arguments extra-juridiques étayent également l'argumentaire du Tribunal, notamment lorsqu'il cite la nécessaire adaptation de l'Union à la lutte contre le financement du terrorisme118.

Lors de l'examen du pourvoi des deux affaires, la Cour présentera un raisonnement différent qui, malgré sa fragilité, aboutit à la même conclusion que le Tribunal.

Paragraphe 2. Le raisonnement fragile de la Cour

Le débat sur les bases juridiques permettant d'adopter des sanctions ciblées atteint une réelle complexité lorsqu'il est porté devant la Cour lors de l'affaire Kadi. A tel point qu'il est permis de douter que la Cour ait réussi à légitimer l'exercice d'une nouvelle compétence de sanction. Celle-ci rend un arrêt qui, sur conclusions contraires, sanctionne le Tribunal tout en donnant raison à sa solution.

Contrairement au Tribunal, l'avocat général Poiares Maduro conclut que la double base juridique composée des articles 60 et 301 CE est suffisante. Celui-ci avance en effet que « [...] [l]e Tribunal a interprété l'article 308 CE comme un «pont» entre la PESC et le pilier communautaire. Néanmoins, si l'article 301 CE peut être considéré comme un pont entre les piliers du traité, l'article 308 CE ne peut certainement pas remplir cette fonction. Comme l'article 60, paragraphe 1, CE, l'article 308 CE est uniquement une disposition d'autorisation : il indique les moyens, mais pas les objectifs119 ». Ainsi il rappelle implicitement le principe des compétences d'attribution120 qui impose une lecture stricte de l'article 308 CE121. La

118 TPICE, Yusuf, arrêt préc., point 169, « [...] le recours à l'article 308 CE, afin de compléter les pouvoirs de sanctions économiques et financières conférés à la Communauté par les articles 60 CE et 301 CE, est justifié par la considération que, dans le monde actuel, les États ne peuvent plus être considérés comme la seule source des menaces à la paix et à la sécurité internationales. Pas plus que la communauté internationale, l'Union et son pilier communautaire ne sauraient être empêchés de s'adapter à ces nouvelles menaces par l'imposition de sanctions économiques et financières non seulement à l'encontre des pays tiers, mais également à l'encontre des personnes, groupes, entreprises ou entités associés développant une activité terroriste internationale ou portant autrement atteinte à la paix et à la sécurité internationales. »

119 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, aff. jointes C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. I-0635, conclusions Poiares Maduro, § 16.

120 Ibid, voir in fine ; « Même si l'article 308 CE se réfère aux «objectifs de la Communauté», ces objectifs lui sont exogènes; ils ne peuvent pas être introduits par l'article 308 CE lui-même. Par conséquent, si l'on exclut l'interruption des relations économiques avec des acteurs non étatiques du domaine des moyens acceptables pour atteindre les objectifs autorisés par l'article 301 CE, on ne peut avoir recours à l'article 308 CE pour réintroduire ces objectifs. Soit une mesure dirigée contre des acteurs non étatiques répond aux objectifs de la PESC, que la Communauté peut poursuivre en vertu de l'article 301 CE, soit, si tel n'est pas le cas, l'article 308 CE n'est d'aucun secours. »

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Commission soutient également la thèse de la double base juridique et argue notamment que les mesures en questions relèvent de la politique commerciale commune122.

Il était avant tout question de la détermination des bases juridiques nécessaires à l'exercice d'une nouvelle compétence confiée à la Communauté par le biais des résolutions du Conseil de sécurité ; celle d'exécuter ces résolutions et d'ordonner des mesures de gel des fonds à l'encontre d'individus et d'entités privés. Pour cela, la Cour confirme la position du Tribunal sur le fait que la double base juridique constituée par les articles 60 et 301 CE est insuffisante pour les mêmes motifs avancés par le Tribunal123.

Comme l'a fait le Tribunal avant elle, la Cour aboutit finalement à la conclusion que la triple base juridique est adéquate. Le raisonnement est néanmoins divergent et pas nécessairement satisfaisant. La Cour de justice sanctionne le tribunal par deux fois124, pour les erreurs de droit qu'elle estime que celui-ci a commis.

En premier lieu, il s'agissait pour la Cour de corriger le statut extensif attribué à l'article 308 CE afin de faire jouer un effet de passerelle entre, d'une part, les actions de la Communauté quant aux sanctions économiques au titre des articles 60 CE et 301 CE, et d'autre part, les objectifs du traité UE en matière de relations extérieures. La Cour refuse que cette passerelle entre Communauté et Union s'étende à l'article 308 CE125. L'action de la Communauté ayant trait au « fonctionnement du marché commun » et visant à réaliser l'un des « objets de la Communauté » (termes de l'article 308 CE), celle-ci n'inclut donc pas les objectifs de la PESC au sens de l'article 11 UE126. Il y aurait danger à accepter la thèse du Tribunal car « cette disposition permettrait, dans le contexte particulier des articles 60 CE et 301 CE, l'adoption d'actes communautaires visant non pas l'un des objets de la Communauté, mais l'un des objectifs relevant du traité UE en matière de relations extérieures, au nombre desquels figure la PESC »127. Cela s'oppose à la « coexistence » voulue entre l'Union et la Communauté en tant qu'ordres juridiques distincts128.

121 SIMON D., RIGAUX A., « Le jugement des pourvois dans les affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions pour le Tribunal de première instance? », Europe, novembre 2008, comm. 9, p. 7.

122 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, aff. jointes C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. I-0635, points 135-142.

123 Ibid, points 183-197 et 190-193.

124 Ibid, points 196 et 223.

125 Ibid, point 197.

126 Ibid, points 200 et 201.

127 Ibid, point 198.

128 Ibid, point 202.

31

En second lieu, la Cour accepte la thèse de la triple base juridique en livrant des arguments peu convaincants. Le Tribunal avait statué que l'objectif poursuivi par le règlement litigieux ne pouvait être rattaché à l'un des objets de la Communauté au sens de l'article 308 CE129. La Cour statue en sens contraire. Sur la base du postulat que la Communauté ne disposait d'aucun moyen pour sanctionner financièrement des destinataires privés n'entretenant aucun lien avec le régime d'un pays tiers donné, elle estime que « [...] l'objectif poursuivi par le règlement litigieux peut être rattaché à l'un des objets de la Communauté au sens de l'article 308 CE ». En effet, selon elle, les articles 60 CE et 301 CE « sont l'expression d'un objectif implicite et sous-jacent, à savoir celui de rendre possible l'adoption de telles mesures par l'utilisation efficace d'un instrument communautaire ». Elle conclut donc que « [c]et objectif peut être considéré comme constituant un objet de la Communauté au sens de l'article 308 CE » 130.

Au risque de déplaire, la Cour tente tant bien que mal de légitimer cette nouvelle compétence par un raisonnement qualifié de byzantin131 qui se veut respectueux de l'architecture communautaire mais peut néanmoins laisser perplexe132. Yves Moiny écrit à ce propos que la Cour « semble avoir voulu coûte que coûte défendre la stabilité juridique de l'édifice sans cependant avoir évité de tomber dans une certaine forme d'incohérence »133. Denys Simon parle d'une « rare sophistication entre objet et objectif ». Ce qui frappe en effet à la lecture de l'arrêt, c'est le manque de pédagogie de la Cour pour atteindre au final la même solution que le Tribunal.

Les rédacteurs du traité de Lisbonne ont intégrés ces controverses. Il était en effet permis de douter de la pérennité de l'article 60 qui visait des « mesures urgentes »134 à l'égard des pays tiers dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme. La Cour ayant légitimé une nouvelle compétence sur une fragile triple base juridique, le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) entré en vigueur le 1er décembre 2009 dote la lutte contre le terrorisme d'une nouvelle base juridique avec l'article 75 TFUE (ex-article 60 CE) qui prévoit expressément que le Conseil et le Parlement peuvent adopter des règlements

129 TPICE, Kadi, point 116 ; Yusuf, point 152, arrêts préc.

130 CJCE, Kadi, points 225 à 227, arrêt préc, italiques ajoutées.

131 SIMON D., RIGAUX A., article préc., p. 7.

132 MOINY Y., article préc., p. 46.

133 Ibid.

134 10 ans après les attentats du 11 septembre, peut-on encore parler d'urgence à adopter de telles mesures ?

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imposant des mesures de gel135. Enfin, l'article 301 CE, suite à la suppression de la Communauté, a également été modifié. Le nouvel article 215 TFUE, place désormais l'ensemble de la procédure sous l'égide de l'Union sans altérer la substance de l'article, c'est-à-dire l'articulation entre une décision PESC sur la base de laquelle est prise une mesure par le Conseil.136 Il est notable de constater qu'un nouveau paragraphe est introduit en vue de permettre l'adoption de « mesures restrictives à l'encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d'entités non étatiques ». Ces deux nouveaux articles permettront à l'avenir plus de cohérence et de transparence dans l'adoption de mesures individuelles de gel des fonds.

Ce premier chapitre a tenté de dessiner les contours des mesures de gel des fonds adoptées dans le cadre des sanctions intelligentes instituées par le Conseil de sécurité. Ces mesures sont l'objet d'un enchevêtrement des sources juridiques internationales et européennes et il est de surcroît difficile de trancher quant à leur nature pénale ou administrative. Les fondements de celles-ci, récemment rénovés comme on l'a vu avec le traité de Lisbonne, tentent d'insuffler un gage de cohérence à ce que l'on pourrait qualifier de « chimère » juridique. Le qualificatif de sui generis refaisant surface à l'étude de chacune des caractéristiques de ces mesures, il convient de voir désormais que les mesures de gel des fonds en tant que moyen de lutte contre le financement du terrorisme ont entraîné un contentieux passionnant quant à la possibilité d'un contrôle juridictionnel de ces mesures, contrôle dont l'intensité est variable et dont l'une des raisons d'être est la garantie des droits fondamentaux.

135 L'article 75 TFUE dispose que « Lorsque la réalisation des objectifs visés à l'article 67 l'exige, en ce qui concerne la prévention du terrorisme et des activités connexes, ainsi que la lutte contre ces phénomènes, le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, définissent un cadre de mesures administratives concernant les mouvements de capitaux et les paiements, telles que le gel des fonds, des avoirs financiers ou des bénéfices économiques qui appartiennent à des personnes physiques ou morales, à des groupes ou à des entités non étatiques, sont en leur possession ou sont détenus par eux. »

136 TERPAN F., « article 301 CE », in PINGEL I. (dir.), De Rome à Lisbonne - Commentaire article par article, op. cit., p. 1871.

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SECONDE PARTIE. LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DU GEL DES FONDS

Dans l'affaire OMPI, le Tribunal mentionnait à juste titre que le contrôle juridictionnel constitue « la seule garantie procédurale permettant d'assurer un juste équilibre entre les exigences de la lutte contre le terrorisme international et la protection des droits fondamentaux »137. Le contrôle des mesures de gel des fonds par la Cour de justice est d'autant plus important que la Cour a jugé que le traité offre un « système complet de voies de recours » de sorte que dans une « communauté de droit [...] ni ses États membres ni ses institutions n'échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu'est le traité »138. Il fallait d'abord pour le juge communautaire relever les obstacles au contrôle juridictionnel des règlements d'exécution des résolutions des Nations Unies pour pouvoir les dépasser et poser le principe du contrôle juridictionnel des mesures de gel des fonds dans l'ordre communautaire (Chapitre 1). Une fois le principe consacré, il restait encore à la Cour d'en déterminer les modalités (Chapitre 2).

Chapitre 1. Les obstacles au contrôle

Il n'était pas évident d'affirmer le principe d'un contrôle juridictionnel des mesures de gel des fonds par le juge communautaire. Un constat d'impuissance de sa part face aux obstacles à franchir en vue d'un contrôle juridictionnel aurait consacré une certaine immunité des mesures de gel. A la fois dans le cadre de la « décentralisation » de l'exécution de la résolution 1373 (2001) par la voie de la position commune 2001/931/PESC qui contenait une liste propre à l'Union, que dans le cadre de la « déconcentration » voulue par la résolution 1267 (1999), se posaient deux problèmes majeurs. Les obstacles consistant en l'immunité contentieuse des positions communes (section 1) et la primauté des résolutions onusiennes (section 2) ont été successivement franchis par le juge de Luxembourg.

Section 1. L'immunité contentieuse des positions communes

Saisi de recours visant à l'annulation d'actes des institutions communautaires à l'origine du gel des fonds des requérants, le juge communautaire a d'abord fait état de son

137 TPICE, 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d'Iran (OMPI) c./ Conseil, aff. T228/02, Rec. II-4665, point 155.

138 CJCE, 23 avril 1986, « Les Verts » c./ Parlement européen, aff. 294/83, Rec. 1350, point 23.

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impuissance face à l'absence de contrôle juridictionnel prévu à l'endroit des positions communes à la fois dans le titre V et dans le titre VI du traité sur l'Union européenne (Paragraphe 1). Ces carences textuelles ne pouvant être dépassées qu'au prix d'une révision des traités, le juge de Luxembourg a pourtant posé dès 2007, le principe du contrôle indirect des positions communes portant mesures de gel des fonds (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. Les carences du traité sur l'Union européenne

Il importe d'analyser les lacunes inhérentes au traité UE quant aux possibilités offertes au particulier d'avoir accès au juge communautaire en vue du contrôle juridictionnel de l'acte l'inscrivant sur une liste ou ordonnant le gel de ses fonds. La dichotomie, désormais modifiée par le traité de Lisbonne, entre traité UE et traité CE est parfaitement pertinente pour l'analyse suivante étant donné que la quasi-totalité des arrêts du Tribunal et de la Cour ont jusqu'aujourd'hui été rendus sous l'empire de la version consolidée du Traité de Maastricht (suite au Traité de Nice). Il convient dans la suite des développements de distinguer nettement le titre V du titre VI du traité sur l'UE.

En vertu du titre V, l'Union met en oeuvre une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) dont les objectifs sont listés à l'article 11 UE, et dispose pour ce faire d'instruments de droit dérivé propres pour certains aux deuxième et troisième piliers, en vertu de l'article 12 UE. Parmi ces actes, on trouve notamment les positions communes que le Conseil peut adopter sur la base de l'article 15 UE139. Le titre V du traité ne dit mot de la compétence de la Cour en matière de contrôle juridictionnel des actes adoptés dans le cadre de la PESC. Il convient alors de tirer comme conclusion que les actes adoptés au titre de la PESC jouissent d'une immunité contentieuse patente. Cela est d'autant plus manifeste que l'on sait que la position commune 2002/402/PESC a pour seule base juridique l'article 15 UE.

Le titre VI du traité UE sur la coopération policière et judiciaire en matière pénale contient à cet égard plus d'informations quant à la compétence de la Cour de justice. L'absence totale de contrôle juridictionnel à l'endroit des actes du titre V (deuxième pilier) est remplacée par un régime strict de mise en oeuvre de ce contrôle à l'endroit des actes du titre VI (en partie le troisième pilier).

139 L'article 15 UE dispose que « Le Conseil arrête des positions communes. Celles-ci définissent la position de l'Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique. Les États membres veillent à la conformité de leurs politiques nationales avec les positions communes. »

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Le Conseil est également compétent pour adopter des positions communes au titre du troisième pilier en vertu de l'article 34 UE140. L'article suivant, l'article 35 UE, énonce à proprement parler les compétences de la Cour de justice dans le cadre du titre VI. La Cour voit ses compétences réduites tant sur le plan du renvoi préjudiciel que sur le plan du recours en annulation.

Le premier paragraphe de l'article 35 UE pose le principe de la compétence préjudicielle de la Cour mais le tempère immédiatement par des conditions141. La première constatation qui s'impose à la lecture de ce premier paragraphe est qu'il ne mentionne pas les positions communes. Celles-ci se verraient-elles ainsi exclues du contrôle ? Le fait qu'elles ne soient pas citées expressément dans la liste des actes justiciables laisse effectivement penser que le constituant ait entendu ne pas les inclure. Le renvoi préjudiciel se voit encore plus circonscrit par les paragraphes 2 et 3 de l'article 35 UE. En effet, la compétence préjudicielle de la Cour n'est pas automatique car elle est soumise à l'acceptation des États membres au travers d'une déclaration142. En outre, même une fois la compétence de la Cour reconnue par les États, ces derniers peuvent l'aménager en se réservant la faculté de poser des questions préjudicielles à la Cour ou en rendant ce renvoi obligatoire143. Cela correspond finalement à un retour à la logique interétatique et au bon vouloir des États.

Quant au recours en annulation, celui-ci est réservé à des requérants privilégiés en vertu de l'article 35, § 6, UE. En effet, seuls un État ou la Commission peuvent l'exercer. Le particulier se voit donc exclu de l'accès à un contrôle de la légalité des positions communes. Si l'on y ajoute le fait que la Commission ne peut agir en manquement dans le troisième pilier, il ressort manifestement qu'il persiste un déficit juridictionnel quant au contrôle des actes des deuxième et troisième piliers. Cette compétence à « géométrie variable » entraîne indéniablement une brèche dans la protection juridictionnelle des particuliers. La Cour a du dépasser ces limites matérielles qui s'opposent à un contrôle complet dans le contentieux qui a été porté devant elle.

140 L'article 34 § 2 UE dispose que : « [...] Le Conseil, sous la forme et selon les procédures appropriées indiquées dans le présent titre, prend des mesures et favorise la coopération en vue de contribuer à la poursuite des objectifs de l'Union. À cet effet, il peut, statuant à l'unanimité à l'initiative de tout État membre ou de la Commission :

a) arrêter des positions communes définissant l'approche de l'Union sur une question déterminée; [...] »

141 Le premier paragraphe dispose que « La Cour de justice des Communautés européennes est compétente, sous réserve des conditions définies au présent article, pour statuer à titre préjudiciel sur la validité et l'interprétation des décisions-cadres et des décisions, sur l'interprétation des conventions établies en vertu du présent titre, ainsi que sur la validité et l'interprétation de leurs mesures d'application. »

142 Article 35 §2 UE.

143 Article 35 §3 UE.

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Paragraphe 2. Le contrôle indirect des positions communes

[a position commune, sans impliquer nécessairement de mise en oeuvre particulière au plan national, exige néanmoins des États membres qu'ils adoptent un comportement qui soit conforme à celle-ci en vertu du principe de coopération loyale (article 10 TUE, nouvel article 4 § 3 TFUE). [a Cour de justice a considéré dans l'affaire Segi et Gestoras Pro Amnistia qu'une position commune « n'est pas censée avoir par elle-même d'effet juridique vis-à-vis des tiers »144. Cette affirmation « fictive » corrobore parfaitement l'absence de recours juridictionnel en vue de contester la légalité des positions communes par des particuliers.

Dans l'affaire OMPI, l'Organisation des modjahedines du peuple d'Iran145 contestait son inscription par la position commune 2002/340/PESC146 sur la liste des personnes, groupes et entités auxquelles la position commune 2001/931/PESC s'appliquait. Deux séries de moyens pouvaient être dégagées de cette demande d'annulation de l'acte d'inscription sur la liste, l'une sur la compétence matérielle stricto sensu du Tribunal147, l'autre sur la méconnaissance des compétences de la Communauté par le Conseil en adoptant la position commune en question.

A propos de sa compétence, la Cour constate qu'aucun recours devant elle n'était prévu par le traité UE étant donné les caractéristiques des positions communes148. Elle affirme de surcroît que l'article 6, § 2, UE qui proclame le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est d'aucun secours en l'espèce du point de vue de la compétence du juge de l'Union dès lors que l'ensemble du système repose sur le principe des compétences

144 CJCE, 27 février 2007, Segi et Gestoras Pro Amnistia c./ Conseil de l'Union européenne, aff. jointes C354/04 P et C-355/04 P, Rec. I-1579 I-1657.

145 Selon Yves Moiny, cette organisation semble avoir renoncé à toute action militaire depuis le mois de juillet 2001. Voir « Le contrôle, par le juge européen, de certaines mesures communautaires visant à lutter contre le financement du terroris me », Journal de droit européen, mai 2008, n°149, p. 138.

146 Position commune 2002/340/PESC du Conseil du 2 mai 2002 portant mise à jour de la position commune 2001/931/PESC relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutte contre le terrorisme, JOCE n° L 116 du 3 mai 2002, p. 75.

147 MOINY Y., « Le contrôle, par le juge européen, de certaines mesures communautaires visant à lutter contre le financement du terrorisme », article préc., p. 138.

148 Selon la Cour, une position commune est définie comme « un acte du Conseil, composé des représentants des gouvernements des États membres, adopté sur la base des articles 15 UE, relevant du titre V du traité UE relatif à la PESC, et 34 UE relevant du titre VI du traité UE relatif à la JAI », TPICE, 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d'Iran (OMPI) c./ Conseil, arrêt préc., point 46.

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d'attribution (article 5 UE). En effet, l'article 6 UE ne saurait constituer une voie de droit spéciale149. Par conséquent, le Tribunal conclut à l'irrecevabilité du recours en annulation150.

Quant à la méconnaissance par le Conseil des compétences de la Communauté lors de l'adoption de la position commune, le Tribunal se reconnaît compétent151, mais conclut de façon décevante au rejet du recours car il estime que la position commune n'a pas méconnu les compétences de la Communautés152. Se refusant à faire oeuvre prétorienne, la Cour se cantonne à des positions conservatrices, et devient plus « spectatrice » qu' « architecte »153. Elle aurait pu par ailleurs utiliser une méthode d'« importation » des notions du pilier communautaire au troisième pilier, ce qu'elle avait déjà effectué par le passé154.

La Cour de justice, peu de temps après le prononcé de l'arrêt OMPI, dans les affaires Segi et Gestoras Pro Amnistia du 27 février 2007, a quant à elle fait preuve d'une certaine ouverture, voire de « hardiesse »155. Le Conseil avait inscrit les organisations Segi et Gestoras Pro Amnistia sur la liste des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme. Elles étaient soupçonnées d'appartenir à l'ETA. Suite à cette inscription, elles avaient fait l'objet d'actions judiciaires conduisant à l'emprisonnement de certains de leurs membres et à la cessation de leurs activités. Après avoir tenté d'obtenir réparation devant la Cour de Strasbourg, les deux organisations ont intenté un recours en vue de l'annulation de la position commune portant mise à jour de la position commune 2001/931/PESC.

La Cour juge qu' « [...] une position commune qui aurait, du fait de son contenu, une portée qui dépasse celle assignée par le traité UE à ce type d'acte doit pouvoir être soumise au contrôle de la Cour. »156. Le juge semble donc opérer un contrôle au fond, des effets de la position commune, et cela peu importe la forme juridique de l'acte. Il déclare finalement que « la possibilité de saisir la Cour à titre préjudiciel doit donc être ouverte à l'égard de toutes les dispositions prises par le Conseil, quelles qu'en soient la nature ou la forme, qui visent à

149 BERRAMDANE A., « Les limites de la protection juridictionnelle dans le cadre du titre VI du traité sur l'Union européene », R.D.U.E., 2007, n° 2, p. 441.

150 TPICE, 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d'Iran (OMPI) c./ Conseil, arrêt préc., point 56.

151 Ibid.

152 Ibid, points 59 et 60.

153 Pour reprendre l'expression de LABAYLE H. in « Architecte ou spectatrice ? La Cour de justice de l'Union dans l'Espace de liberté, sécurité et justice », R.T.D.E., 2006, n° 42 (1).

154 CJCE, 16 juin 2005, Procédure pénale contre Maria Pupino, aff. C-105/03, Rec. I-05285, points 42 et s., à propos de la notion d'interprétation conforme.

155 MOINY Y., « Le contrôle, par le juge européen, de certaines mesures communautaires visant à lutter contre le financement du terrorisme », article préc., p. 138.

156 CJCE, 27 février 2007, Segi et Gestoras Pro Amnistia c./ Conseil de l'Union européenne, arrêt préc., point 54.

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produire des effets de droit vis-à-vis des tiers »157. C'est donc à la fois pour connaître des recours en annulation que des renvois préjudiciels que la Cour se déclare compétente et ainsi corrige les imperfections du « régime à la carte de la compétence préjudicielle fondée sur l'article 35 UE »158. Cependant, la Cour ne consacre pas la garantie d'une protection juridictionnelle totale et n'achève pas son raisonnement. Elle confirme ensuite dans l'arrêt l'incompétence du juge communautaire pour connaître d'une action tendant à la réparation d'un préjudice causé par des positions communes adoptées par le Conseil dans le cadre du troisième pilier. En résumé, elle accepte le principe du contrôle sur le terrain de la légalité, mais refuse de consacrer une quelconque responsabilité extra contractuelle de la Communauté du fait des positions communes et en appelle au constituant159.

Comme avec l'article 75 TFUE précité, les auteurs du traité de Lisbonne ne sont pas restés sourds à ces controverses. On constate dans le traité TFUE une nouvelle base juridique à l'article 275160 où ont été intégrées les avancées de la jurisprudence Segi. Ce nouvel article réaffirme l'immunité contentieuse des actes relatifs à la PESC mais consacre le contrôle juridictionnel de la légalité des actes prévoyant des mesures restrictives à l'encontre des particuliers dans la lignée du critère introduit par l'arrêt Segi, « [...] qui visent à produire des effets de droit vis-à-vis des tiers ».

Section 2. La primauté des résolutions onusiennes sur le droit communautaire

L'évolution jurisprudentielle sur la question de savoir si les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies peuvent être soumises au contrôle du juge communautaire a connu deux étapes majeures. Il convient de s'intéresser au raisonnement qui a conduit la Cour à

157 CJCE, 27 février 2007, Segi et Gestoras Pro Amnistia c./ Conseil de l'Union européenne, arrêt préc., point 53 et s.

158 CJCE, 27 février 2007, Segi et Gestoras Pro Amnistia c./ Conseil de l'Union européenne, conclusions avocat général Mengozzi, point 127.

159 « La Cour déclare au point 50 de l'arrêt Segi que « [...] les traités ont établi un système de voies de recours dans lequel les compétences de la Cour sont, en vertu de l'article 35 UE, moins étendues dans le cadre du titre VI du traité sur l'Union européenne qu'elles ne le sont au titre du traité OE. Elles le sont d'ailleurs encore moins dans le cadre du titre V. Si un système de voies de recours, et notamment un régime de responsabilité extracontractuelle autre que celui mis en place par les traités est certes envisageable, il appartient, le cas échéant, aux États membres, conformément à l'article 48 UE, de réformer le système actuellement en vigueur. »

160 « La Cour de justice de l'Union européenne n'est pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, ni en ce qui concerne les actes adoptés sur leur base.

Toutefois, la Cour est compétente pour contrôler le respect de l'article 40 du traité sur l'Union européenne et se prononcer sur les recours, formés dans les conditions prévues à l'article 263, quatrième alinéa, du présent traité

concernant le contrôle de la légalité des décisions prévoyant des mesures restrictives à l'encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur la base du titre V, chapitre 2, du traité sur l'Union européenne. »

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affirmer le principe du contrôle de la légalité des règlements qui assurent l'exécution des résolutions onusiennes dans l'ordre communautaire (paragraphe 2) en réponse au Tribunal qui avait conclu, face aux données du problème, à l'immunité juridictionnelle des résolutions dans l'ordre communautaire (paragraphe 1).

Paragraphe 1. Un contrôle délicat

La question de l'effet des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies dans l'ordre juridique communautaire n'était pas nouvelle en 2005 lorsque furent portées devant le prétoire du Tribunal de première instance les affaires Yusuf, Al Barakaat International Foundation et Kadi en septembre 2005161. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Bosphorus162, avait bien remarqué que l'Irlande ne faisait qu'appliquer un règlement communautaire lequel mettait en oeuvre un régime de sanctions contre la Yougoslavie. Toutefois, la Cour de Strasbourg s'était bien gardée de se prononcer sur les relations entre la CESDH et le droit des Nations Unies ainsi que sur la prévalence des obligations découlant de la Charte sur toute autre obligation des États membres. En filigrane apparaissait bien sur le contrôle juridictionnel à l'aune de la CESDH du contenu de la résolution onusienne.

Suite à ce silence, le Tribunal a estimé nécessaire de livrer son point de vue sur sa compétence juridictionnelle. Les affaires Yusuf et Kadi posaient la question dans des termes différents par rapport à la position commune. Dans la mesure où le règlement litigieux ne faisait que « recopier » les obligations figurant dans les résolutions onusiennes (la résolution 1267 (1999) et les résolutions subséquentes la mettant à jour), le Tribunal se trouvait face à un dilemme. Il était contraint dans un premier temps de s'interroger sur l'existence d'une compétence liée ou discrétionnaire des États membres et de la Communauté vis-à-vis des résolutions du Conseil de sécurité. Selon Denys Simon, cela l'amenait naturellement à se prononcer sur l'articulation entre l'ordre juridique des Nations Unies et l'ordre juridique communautaire163. Le Tribunal pouvait ainsi dans un second temps livrer son interprétation

161 TPICE, 21 septembre 2005, Ahmed Ali Yusuf et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, et Yassin Abdullah Kadi c./ Conseil et Commission, arrêts préc.

162 CEDH, Gde Ch., 30 juin 2005, Bosphorus Hava Yollari Turizm Ve Ticaret Sirketi c./ Irlande, Requête n° 45036/98. Rec. 2005-VI.

163 SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de première instance des Communautés : Professeur de droit international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », Europe, décembre 2005, comm. 12., p. 6.

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sur l'étendue de sa compétence juridictionnelle s'agissant du contrôle des actes communautaires d'exécution des résolutions onusiennes. En résumé, le juge communautaire, saisi d'un recours en annulation formé contre un règlement assurant l'exécution d'une résolution n'était-il pas amené à apprécier de la sorte, de manière incidente, la validité de cette résolution ?

Sur la première interrogation164, le Tribunal, conclut formellement que les « États membres ont la faculté, et même l'obligation, de laisser inappliquée toute disposition de droit communautaire, fût-elle une disposition de droit primaire ou un principe général de ce droit, qui ferait obstacle à la bonne exécution de leurs obligations en vertu de la charte des Nations Unies »165.

Dans la suite du raisonnement du Tribunal, en constatant que la Communauté n'exerce qu'une compétence liée dans l'exécution des résolutions, celui-ci décline toute compétence pour apprécier de manière incidente la légalité des résolutions du Conseil de sécurité. Il déclare ainsi que « [...] les résolutions en cause du Conseil de sécurité échappent en principe au contrôle juridictionnel du Tribunal et [...] celui-ci n'est pas autorisé à remettre en cause, fut-ce de manière incidente, leur légalité au regard du droit communautaire. Au contraire, le Tribunal est tenu, dans toute la mesure du possible, d'interpréter et d'appliquer ce droit d'une manière qui soit compatible avec les obligations des États membres au titre de la charte des Nations Unies »166. Si ce refus n'exclut pas un possible contrôle de la légalité externe du règlement, tout contrôle de la légalité interne semble impossible car il reviendrait à contrôler de manière incidente la résolution167.

Pourtant le Tribunal admet sa propre compétence pour contrôler de manière incidente la légalité des résolutions en cause « au regard du jus cogens, entendu comme un ordre public international qui s'impose à tous les sujets du droit international, y compris les instances de l'ONU, et auquel il est impossible de déroger »168. Ce raisonnement « incongru »169 et

164 Sur cette question, voir notamment SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de première instance des Communautés : Professeur de droit international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », article préc., et JACQUÉ J-P., « Le Tribunal de Première instance face aux résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies Merci monsieur le Professeur' », L'Europe des Libertés, 2006, n °19, pp. 2-6.

165 TPICE, Yusuf, point 240 ; Kadi, point 190, arrêts préc.

166 TPICE, Yusuf, point 276 ; Kadi, point 206, arrêts préc.

167 SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de première instance des Communautés : Professeur de droit international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », article préc., p. 6.

168 TPICE, Yusuf, point 277 ; Kadi, point 226, arrêts préc.

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contradictoire170 permet de relativiser l'immunité juridictionnelle des résolutions onusiennes171. Pourtant, l'invocation du jus cogens172 en tant que normes de référence semble dès lors moins opportune lorsque le Tribunal va successivement examiner la violation des droits fondamentaux soulevés en l'espèce (protection de la propriété, droit d'être entendu et protection juridictionnelle effective) pour affirmer qu'aucun d'entre eux ne fait partie du jus cogens173 et finalement rejeter les allégations des requérants.

Malgré la bienveillance174 du Tribunal, c'est finalement un très fragile contrôle voire une absence de contrôle qui est consacré dans sa solution. Dans deux arrêts175 postérieurs dont les faits sont identiques, le Tribunal confirme la vision restrictive qu'il a de sa mission juridictionnelle. Il ajoute toutefois, en réponse aux requérants qui invoquaient l'ineffectivité du mécanisme de réexamen des mesures individuelles de gel des fonds devant le Comité des sanctions du Conseil de sécurité, qu'il existe une obligation pour les États membres d'assurer la « protection diplomatique » des personnes visées par des sanctions internationales devant ledit Comité176.

A la même période, lors d'un contentieux très similaire, le juge a esquissé un progrès notable en matière de contrôle juridictionnel. En effet, à propos de l'inscription de l'OMPI (voir supra p. 37) par la position commune 2001/931/PESC, le juge était aussi amené à se

169 SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de première instance des Communautés : Professeur de droit international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », article préc., p. 7.

170 Un précédent peut cependant être signalé, dans l'arrêt Racke de 1998, dans lequel la Cour admettait qu'elle puisse contrôler la validité d'un règlement communautaire au regard des règles du droit international coutumier, en l'espèce au regard du principe coutumier de changement fondamental de circonstances, voir CJCE, 16 juin 1998, Racke, aff. C-162/96, Rec. I-03655.

171 JACQUÉ J-P., « Le Tribunal de Première instance face aux résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies Merci monsieur le Professeur' », article préc., p. 4.

172 L'article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités précise qu'une norme de jus cogens se définit comme : « [...] une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par la

communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère. »

173 Jean-Paul Jacqué ajoute à ce propos que « [c]e qui fait le caractère impératif d'une règle n'est pas son universalité, mais la reconnaissance par la Communauté internationale dans son ensemble de ce caractère impératif », « Le Tribunal de Première instance face aux résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies Merci monsieur le Professeur' », article préc., p. 4.

174 SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de première instance des Communautés : Professeur de droit international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », article préc., p. 9.

175 TPICE, 12 juillet 2006, Chafiq Ayadi c./ Conseil, aff. T-253/02, Rec. II-2139 ; TPICE, 12 juillet 2006, Faraj Hassan c./ Conseil et Commission, aff. T-49/04, Rec. II-2139, voir aussi MARIATTE F., « Sanctions économiques internationales, jus cogens et droit à la protection diplomatique », Europe, octobre 2006, comm. 270.

176 TPICE, 12 juillet 2006, Chafiq Ayadi c./ Conseil, points 141-149 ; Faraj Hassan c./ Conseil et Commission, points 111-119, arrêts préc.

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prononcer sur la légalité d'une décision d'inscription prise par le Conseil sur la base du règlement (CE) n° 2580/2001. L'inscription de la requérante reposait effectivement sur une double base juridique. Refusant le contrôle de la position commune (voir supra p. 38), le Tribunal acceptait néanmoins le contrôle de la décision d'inscription177. A la différence des arrêts Yusuf et Kadi, les instruments communautaires mettaient en oeuvre la résolution 1373 (2001), laquelle confère aux États ou à la Communauté le pouvoir d'édicter la liste de manière discrétionnaire. En l'espèce, la Communauté disposait donc d'une marge d'appréciation. Le Tribunal annule donc la décision n° 2005/930/CE178 pour autant que celle-ci concerne l'organisation requérante179.

Paragraphe 2. « L'internalisation »180 du différend

L'arrêt Kadi du 3 septembre 2008181 peut être vu de deux manières. La première veut qu'il ne soit qu'une étape de plus dans le processus d'intensification du contrôle juridictionnel des actes exécutant les régimes de sanction instaurés par le Conseil de sécurité dans le cadre de la lutte antiterroriste. Il serait dans ce sens, la continuation des progrès effectués dans les affaires Segi et OMPI. La seconde envisage la solution de l'arrêt Kadi comme un réel renversement paradigmatique du raisonnement du juge communautaire dans la relation qu'il entretient avec l'ordre juridique international. L'arrêt de la Cour de justice apparaîtrait comme une « force perturbatrice, au sens astronomique du terme, dont l'effet modifie celui d'une

177 TPICE, 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d'Iran (OMPI) c./ Conseil, arrêt préc. Voir aussi, selon la même configuration, TPICE, 14 octobre 2009, Bank Melli Iran c./ Conseil, aff. T-390/08, non encore publié au Recueil, JOUE n° C 282 du 21 novembre 2009.

178 Décision n° 2005/930/CE du Conseil du 21 décembre 2005 mettant en oeuvre l'article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2005/848/CE, JOUE n° L 340/64 du 21 décembre 2005.

179 Ibid, point 108, « Dès lors que l'identification des personnes, groupes et entités visés par la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité et l'adoption de la mesure de gel des fonds qui s'ensuit relèvent de l'exercice d'un pouvoir propre, impliquant une appréciation discrétionnaire de la Communauté, le respect des droits de la défense des intéressés s'impose en principe aux institutions communautaires concernées, en l'occurrence le Conseil, lorsqu'elles agissent en vue de se conformer à ladite résolution. »

180 Expression empruntée au raisonnement de Pierre d'Argent « Arrêt Kadi : le droit communautaire comme le droit interne, Journal de droit européen, 2008, n° 153 pp. 265-268.

181 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, arrêt préc.

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force plus importante »182. Il se situerait alors dans la lignée des grands arrêts Van Gend en Loos et Costa 183dans le cadre du processus d'autonomisation du droit communautaire.

De nombreuses études, auxquelles il convient de se reporter184, ont largement traité l'aspect constitutionnel de la solution de la Cour dans l'arrêt Kadi et la confrontation de l'ordre communautaire avec l'ordre issu de la Charte des Nations Unies. Il ne s'agit donc pas d'être exhaustif à ce sujet (dans un arrêt comportant pas moins de 380 points) mais plutôt reste t-il à envisager l'apport de l'arrêt quant au contrôle juridictionnel.

La prise de position de la CJCE revient donc à confronter les ordres juridiques communautaire et international pour définir un cadre de référence du contrôle juridictionnel du règlement communautaire d'exécution du régime de sanction instauré par les résolutions onusiennes. Consacrant une « vision radicalement dualiste »185 et une primauté « inversée »186 au profit du droit communautaire, la Cour fait preuve de bon sens. Elle réduit le problème de droit qui lui est posé à un contrôle de la légalité de l'acte communautaire assurant l'exécution de la résolution, et non à un contrôle portant sur le droit issu du Chapitre VII des Nations Unies. Contrairement à la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Behrami187, elle affirme ainsi qu' « [u]n éventuel arrêt d'une juridiction communautaire par lequel il serait décidé qu'un acte communautaire visant à mettre en oeuvre une telle résolution [du Conseil de sécurité] est contraire à une norme supérieure relevant de l'ordre juridique communautaire n'impliquerait pas une remise en cause de la primauté de cette résolution au plan du droit international »188.

182 MIRON A., article préc., p. 356.

183 CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62, Rec. 00003 ; CJCE, 15 juillet 1964, Costa, aff. 6/64, Rec. 01141.

184 Voir notamment SIMON D., RIGAUX A., « Le jugement des pourvois dans les affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions pour le Tribunal de première instance? », Europe, novembre 2008, comm. 9., LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », R.T.D.E., 2009, n° 45 (2), pp. 231-265, D'ARGENT P. « Arrêt Kadi : le droit communautaire comme le droit interne », Journal de droit européen, 2008, n° 153 pp. 265-268, HALBERSTAM D., STEIN E., « The United Nations, the European Union, and the King of Sweden : economic sanctions and individual rights in a plural world order », C.M.L.R., 2009, Vol. 46, pp. 13-72, JACQUÉ J-P., « Primauté du droit international versus protection des droits fondamentaux, à propos de l'arrêt Kadi de la Cour de justice des Communautés européennes », R.T.D.E., 2009, n° 45, pp. 161-179.

185 SIMON D., RIGAUX A., « Le jugement des pourvois dans les affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions pour le Tribunal de première instance? », article préc., p. 8.

186 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », article préc., p. 245.

187 CEDH, Gde Ch., 31 mai 2006, Behrami et Behrami c./ France (Requête n° 71412/01) et Saramati c./ France, Allemagne et Norvège (Requête n° 78166/01). La CEDH s'était déclarée incompétente pour examiner les recours devant elle au motif que les actes contestés étaient attribuables aux Nations Unies.

188 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, arrêt préc., point 288.

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La Cour étoffe son raisonnement en renversant chaque argument avancé par le Tribunal. Quant à la primauté des engagements internationaux en vertu de l'article 103 de la Charte des Nations Unies et de l'article 307 CE, la Cour précise que cela ne peut aboutir à remettre en cause « des principes qui relèvent des fondements mêmes de l'ordre juridique communautaire, parmi lesquels celui de la protection des droits fondamentaux, qui inclut le contrôle par le juge communautaire de la légalité des actes communautaires quant à leur conformité avec des droits fondamentaux »189. Elle conclut que le contrôle de la validité des actes communautaire à l'aune des droits fondamentaux dont elle est chargée correspond à « l'expression, dans une communauté de droit, d'une garantie constitutionnelle découlant du traité CE en tant que système juridique autonome à laquelle un accord international ne saurait porter atteinte »190. La Cour annule finalement le règlement litigieux pour autant qu'il concernait les requérants.

Outre les risques que la solution de la Cour peut engendrer191, le juge communautaire, en érigeant le contrôle juridictionnel des mesures de gel des fonds en tant que garantie constitutionnelle, met fin à l'immunité juridictionnelle des résolutions onusiennes dans l'ordre communautaire192. Par conséquent, la distinction opérée entre compétence liée et compétence discrétionnaire n'a désormais plus lieu d'être et le traitement des régimes de sanction résultants d'une part de la résolution 1267 (1999), et d'autre part, de la résolution 1373 (2001) est unifié dans l'ordre communautaire. Le principe du contrôle juridictionnel étant posé, le juge communautaire devait simultanément en déterminer les modalités.

Chapitre 2. Les modalités du contrôle

La détermination des modalités du contrôle allait conduire le juge à en mesurer l'étendue et l'intensité et à choisir un cadre de référence. Fidèle à sa jurisprudence 193, la Cour décide de se baser sur le référentiel des droits fondamentaux, dont la protection dans l'ordre

189 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, arrêt préc., point 304.

190 Ibid, point 316.

191 Voir sur cette question SIMON D., RIGAUX A., « Le jugement des pourvois dans les affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions pour le Tribunal de première instance? », article préc., pp. 9-10, LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », article préc., p. 247.

192 Cette solution a été confirmée récemment par la Cour de justice de l'Union, voir CJUE, 3 décembre 2009, Faraj Hassan et Chafiq Ayadi c./ Conseil et Commission, aff. jointes C-399/06 P et C-403/06 P, non encore publiés au Recueil, JOUE n° C 24 du 30 janvier 2010.

193 CJCE, 12 novembre 1969, Stauder, aff. 29/69, Rec. 00419 ; CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft mbH, aff. 11/70, Rec. 01125 ; CJCE, 14 mai 1974, Nold, aff. 4/73, Rec. 00491.

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communautaire est à la fois la raison d'être du contrôle des mesures de gel des fonds et la motivation du juge à exercer un tel contrôle (Section 1). Toutefois, la Cour se montre sensible aux exigences du système de sécurité collective du chapitre VII de la Charte des Nations Unies et à l'effectivité des mesures de gel des fonds et tempère son contrôle par des limites propres à la lutte antiterroriste (Section 2).

Section 1. Un contrôle à l'aune des droits fondamentaux

La juge de Luxembourg n'a cessé d'affirmer que le respect des droits de l'homme constitue une condition de la légalité des actes communautaires et que ne sauraient être admises dans la Communauté des mesures incompatibles avec le respect de ceux-ci194. Ce faisant, dans le contentieux des listes antiterroristes, il a consacré la garantie d'un certain nombre de droits fondamentaux (Paragraphe 1). Les particularités du contrôle des mesures de gel des fonds allaient cependant forcer le juge à moduler son contrôle selon le régime de sanction ou la nature de la décision d'inscription et de gel (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. La reconnaissance de garanties variées

Lors des diverses affaires portées devant le prétoire du juge communautaire, les requérants invoquaient le fait que les actes communautaires d'exécution des résolutions du Conseil de sécurité portaient atteinte à certains droits fondamentaux. L'absence de garanties procédurales au bénéfice des personnes, groupes et entités visés par les mesures de gel des fonds apparaissait difficilement conciliable avec les exigences d'une « communauté de droit ». A la fois dans le contentieux des mesures mettant en oeuvre le régime instauré par la résolution 1373 (2001) que dans celui mettant en oeuvre la résolution 1267 (1999), le juge de Luxembourg a examiné la conformité des règlementations en cause au regard de deux séries de droits fondamentaux. La première, la plus substantielle, concerne les droits procéduraux195,

194 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, arrêt préc., point 283. Voir aussi CJCE, 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone, aff. C305/05, Rec. I-05305, et CJCE, 12 juin 2003, Schmidberger, aff. C-112/00, Rec. I-05659.

195 Voir les lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme, adoptées par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 11 juillet 2002, et le Livre vert de la Commission du 26 avril 2006 sur la présomption d'innocence, COM (2006) 174 final. Flavien Mariatte remarque que si ces actes de soft law comportent des développements sur le droit à une protection juridictionnelle effective dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ils sont cependant muets quant aux droits de la défense tels que le Tribunal les envisage

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et comprend le droit à la communication des motifs, le droit d'être entendu, l'obligation de motivation et généralement le principe de protection juridictionnelle effective. A titre secondaire, le juge a récemment aussi reconnu en tant que principe général la présomption d'innocence (garantie par l'article 6, § 2, CEDH et l'article 48, § 1, de la Charte des droits fondamentaux) dans le contentieux de la lutte antiterroriste196. La seconde série se concentre, quant à elle, essentiellement autour du droit de propriété.

Dans l'affaire Kadi, la condamnation des violations des droits procéduraux succède à la consécration du contrôle juridictionnel. La Cour, rappelle que le principe de protection juridictionnelle effective est un principe général de droit communautaire et est désormais inscrit à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne197. Ce principe impose la communication des motifs de la décision, soit au moment de l'adoption de celle-ci, soit dès que possible afin de garantir l'exercice des voies de recours, et le droit d'être entendu. Le juge précise que ce principe « doit être assuré même en l'absence de toute règlementation concernant la procédure » et que les destinataires des décisions qui voient leurs intérêts affectés par celles-ci puissent être en mesure « de faire connaître utilement leur point de vue »198. La Cour constate que ni la position commune 2002/402/PESC, ni le règlement n° 881/2002 ne prévoient de telles garanties199. Le Conseil semble n'avoir fourni aux requérants aucune information relative à leur inscription sur la liste ni n'apparait leur avoir permis de prendre connaissance des éléments à leur charge dans un délai raisonnable après l'édiction de la mesure. Il résulte de cette absence de communication des motifs que les requérants n'ont pu faire connaître utilement leur point de vue et n'ont pu par la suite défendre leurs droits dans des conditions satisfaisantes lors de la procédure contentieuse, ce qui équivaut à une violation du droit fondamental à un recours juridictionnel effectif. Par ailleurs, le Tribunal avait délimité dans l'arrêt OMPI l'exercice de ce droit fondamental au seul contrôle juridictionnel de la légalité, mais avait attribué une portée large à son contrôle200. Tout en reconnaissant un pouvoir d'appréciation au Conseil, le Tribunal

hors du champ d'application des articles 6 et 13 CESDH. Voir « Lutte contre le terroris me, sanctions économiques et droits fondamentaux », Europe, février 2007, comm. 45.

196 TPICE, 2 sept. 2009, Mohamed El Morabit c./ Conseil soutenu par Royaume-Uni et Commission , aff. T37/07 et T-323/07, non encore publié au Recueil, JOUE C 256 du 24 octobre 2009, p. 23.

197 Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, JOUE n° C 83 du 30 mars 2010, p. 389.

198 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi, arrêt préc., point 348, voir aussi CJCE, 24 octobre 1996, Commission c./

Lisrestal, aff. C-32/95 P, Rec. I-5373.

199 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi, arrêt préc., point 352.

200 « Les limitations apportées par le Conseil aux droits de la défense des intéressés devant être contrebalancées par un strict contrôle juridictionnel indépendant et impartial [...] le juge communautaire doit pouvoir contrôler la légalité et le bien-fondé des mesures de gel des fonds, sans que puissent lui être opposés le secret ou la

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s'autorisait à contrôler non seulement la légalité externe de la décision litigieuse mais aussi l'exactitude matérielle des faits, l'absence d'erreur manifeste d'appréciation, le détournement de pouvoir voire même « l'appréciation des considérations d'opportunité »201.

L'obligation de motivation (contenue à l'article 253 CE) est au même titre sanctionnable. Consacrée dans le cadre des mesures antiterroristes par l'arrêt OMPI202, le juge a indiqué ce qui recouvrait cette exigence notamment dans deux arrêts postérieurs prononcés à la même date. Dans Al Aqsa, le Tribunal précise que l'absence de mention de l'ordonnance de référé émanant d'une juridiction néerlandaise dans les motifs de la décision initiale aboutit à la violation de la protection juridictionnelle effective de l'entité requérante203. Dans un arrêt Sison, le Tribunal constate que ni la décision initiale ni celle de maintien ne mentionnent « les informations précises » ou les « éléments de dossier » montrant qu'une décision justifiant l'inclusion du requérant dans la liste litigieuse avait été prise à son égard par une autorité nationale compétente204. En l'espèce, le dossier de demande de droit de séjour du requérant était classé confidentiel. Le Tribunal conclut également à la violation de l'obligation de motivation et donc de la protection juridictionnel effective du requérant205.

Enfin, les griefs des requérants portaient sur la violation du droit de propriété206. Les ingérences au droit de propriété doivent, d'une part, poursuivre des objectifs d'intérêt général et, d'autre part, ne pas constituer, au regard de l'objectif poursuivi, une intervention démesurée et intolérable à la substance de ce droit. Dans l'arrêt Kadi, La Cour rappelle que ce droit n'est pas une prérogative absolue et que les ingérences à celui-ci ne sauraient en soi être inadéquates ou disproportionnées207. Dans cette affaire, le juge conclut que les mesures de gel à l'encontre des requérants, constituent « une restriction injustifiée à son droit de

confidentialité des éléments de preuve et d'information utilisés par le Conseil ». TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil, arrêt préc., point 155.

201 Ibid, point 159.

202 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil, arrêt préc., points 138-151.

203 TPICE, 11 juillet 2007, Al-Aqsa c./ Conseil, aff. T-327/03, Rec. II-00079., point 64.

204 Tel qu'il ressort des exigences de l'article 1er, § 4, de la position commune n° 2001/931/PESC (voir supra p. 16).

205 TPICE, 11 juillet 2007, Sison c./ Conseil, aff. T-47/03, Rec. II-00073., points 215-226.

206 Principe interprété au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel de la CESDH et de la jurisprudence de la CEDH. La Charte des droits fondamentaux de l'Union rappelle la teneur du droit de propriété à l'article 17.

207 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi, arrêt préc., point 363. Voir aussi sur ce point, pour les entités soupçonnées de contribuer au financement de la prolifération nucléaire, TPICE, 14 octobre 2009, Bank Melli Iran c./ Conseil, arrêt préc.

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propriété »208. Le juge considère cette restriction « considérable » en l'espèce, en prenant en compte « la portée générale et la durée effective des mesures restrictives »209.

Finalement, dans ses modalités, le contrôle juridictionnel n'apparait pas comme une simple déclaration de bonnes intentions par le juge communautaire. Aussitôt consacré, le juge confirme la réalité du contrôle et sa portée relativement large. En résumé, c'est la constatation de la violation des droits fondamentaux allégués par les requérants qui conduit à l'annulation de l'acte litigieux. Le traité de Lisbonne ajoute à ce titre à l'article 215 TFUE (précité), alinéa 3 que « [l]es actes visés au présent article [notamment les mesures de gel à l'encontre des particuliers] contiennent les dispositions nécessaires en matière de garanties juridiques. » Le traité semble donc consacrer une obligation de respecter certaines garanties juridiques lors de la mise en oeuvre des mesures de gel des fonds, en restant néanmoins très évasif sur ces garanties.

Paragraphe 2. Le risque d'un traitement discriminatoire

Le caractère particulier des mesures de lutte antiterroriste et l'architecture des sources des actes d'inscription et de gel des fonds ne tendent pas vers une unification des régimes de sanction. Des nuances dans le contrôle juridictionnel apparaissent alors, d'une part selon que la règlementation soit issue du régime de la résolution 1267 (1999) ou de la résolution 1373 (2001). D'autre part, l'intensité du contrôle juridictionnel (et corrélativement les droit fondamentaux qui y sont attachés) dépendra selon que l'acte litigieux soit une décision initiale ou une décision de maintien.

208 Ibid, point 370.

209 Ibid, point 369.

Premièrement, comme l'illustre le contentieux quant au principe du contrôle juridictionnel des mesures de gel des fonds, un traitement discriminatoire des requérants avait indirectement été créé. Les personnes ou entités faisant l'objet de la réglementation issue du règlement CE n° 881/2002 (et de la position commune 2002/402/PESC) se voyaient privées de recours juridictionnel effectif210 contrairement aux requérants, tel l'OMPI, qui poursuivaient l'annulation d'un acte pris sur le fondement de la réglementation issue du

210 TPICE, 21 septembre 2005, Ahmed Ali Yusuf et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, et Yassin Abdullah Kadi c./ Conseil et Commission, arrêts préc.

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règlement CE n° 2580/2001211. Les requérants, dans la première hypothèse, ne jouissaient que de faibles palliatifs, à savoir l'existence d'un contrôle à l'aune du jus cogens212 et le recours à la protection diplomatique devant les instances de l'ONU213.

L'arrêt Kadi a mis fin à ce traitement discriminatoire des requérants devant le juge communautaire selon la source de la réglementation qu'ils attaquaient. Pourtant, une forme de discrimination « potentielle » persistait à l'issue de cette harmonisation du contrôle de juge. Il faut pour cela se reporter au raisonnement du juge dans l'affaire Segi (voir supra p. 38). Celui-ci consacrait sa compétence pour contrôler indirectement la légalité de la position commune 2001/931/PESC. Or, la Cour semblait avoir limité son contrôle aux seules positions communes adoptées dans le cadre du titre VI du TUE, en vertu de l'article 35, § 6, UE alors que la juridiction communautaire n'a aucun rôle selon le TUE dans le cadre du titre V. La position commune 2001/931/PESC, prise sur la base d'un double fondement (articles 15 et 34 UE) rentrait donc dans cette catégorie. L' « ambiguïté »214 de cette solution conduit à s'interroger dans quelle mesure l'arrêt Segi aurait introduit une discrimination envers les personnes et entités faisant l'objet de la position commune 2002/402/PESC215, prise sur le seul et unique fondement de l'article 15 UE (titre V). La discrimination n'est pourtant que potentielle car le règlement CE n° 881/2002 et les actes pris sur son fondement sont quant à eux attaquables.

Enfin, le contrôle juridictionnel revêt une intensité différente selon qu'il porte sur une décision initiale ou de maintien. Cette distinction doit être aussi comprise à la lumière du processus de décision, constitué d'une première phase nationale, puis d'une phase communautaire216. A ce propos, le principe de coopération entre les autorités communautaires et les autorités compétentes nationales implique que le Conseil doit s'en remettre autant que possible à l'appréciation de l'autorité nationale compétente, à tout le moins s'il s'agit d'une

211 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil, arrêt préc.

212 TPICE, 21 septembre 2005, Ahmed Ali Yusuf et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et

Commission, et Yassin Abdullah Kadi c./ Conseil et Commission, arrêts préc.

213 TPICE, 12 juillet 2006, Chafiq Ayadi c./ Conseil, et Faraj Hassan c./ Conseil et Commission, arrêts préc.

214 MOINY Y., « Aperçu de la jurisprudence communautaire développée dans le cadre de la lutte contre le

financement du terrorisme international », article préc., p. 43.

215 Ibid.

216 Selon l'article 1er , § 4, de la position commune 2001/931/PESC, cette phase nationale consiste en la décision

prise par une autorité compétente, en principe judiciaire, à l'encontre d'une personne et entité, devant reposer sur des « preuves ou des indices sérieux et crédibles ». La phase communautaire consiste en la décision d'inclusion de la personne ou entité dans la liste sur la base « d'informations précises ou d'éléments de dossier qui montrent

qu'une décision a été prise par une autorité nationale compétente ».

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autorité judiciaire217, notamment quant aux « preuves ou [aux] indices sérieux et crédibles » sur lesquels la décision de celle-ci est fondée218. En ce qui concerne la décision initiale, le juge communautaire admet que la communication des motifs soit concomitante ou intervienne aussitôt après l'adoption de la décision219, afin de préserver un certain « effet de surprise » sans lequel les mesures de gel ne pourraient poursuivre leur objectif de lutte contre le terrorisme220. Ces exigences se comprennent aisément au regard de la singularité de la lutte antiterroriste. Toutefois, il en découle que la communication des motifs, le droit d'être entendu, et l'obligation d'audition de la personne ou entité ne peuvent intervenir que postérieurement à l'adoption de la mesure litigieuse.

La décision de maintien, ou décision subséquente de gel des fonds, justifie par nature un contrôle « plus poussé »221. A ce stade, les fonds sont déjà gelés, l'effet de surprise et l'urgence n'ont donc plus lieu d'être des justifications pour ne pas satisfaire au respect des droits fondamentaux. Etant donné la mise à jour semestrielle des listes antiterroristes par le Conseil, le contrôle de la décision de maintien s'est révélé bien plus important qu'on ne le croyait. En substance, le contrôle est renforcé car le maintien du requérant sur la liste litigieuse doit être justifié par des « raisons spécifiques et concrètes », qui doivent lui être communiquées au moment de l'adoption de la décision de maintien. De plus, une telle décision doit en principe être précédée d' « une communication des nouveaux éléments à charge et d'une audition »222. En revanche, ni dans l'arrêt OMPI ni dans l'arrêt Kadi, le juge ne précise l'étendue de l'obligation de procéder à l'audition du requérant.

Section 2. Un contrôle limité par la Cour

Les développements suivants traitent de la portée du contrôle. Le juge de Luxembourg, bien qu'attentifs aux intérêts des requérants et à l'importance d'un contrôle juridictionnel, prend manifestement en considération les intérêts des institutions et par ce fait, limite la portée du contrôle qu'il a lui-même consacré. Il souligne fréquemment l'importance

217 Lorsque l'autorité est judiciaire, le juge constate dans l'arrêt OMPI, que « le respect des droits de la défense a un objet relativement restreint, au niveau de la procédure communautaire de gel des fonds », TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil, arrêt préc., point 126.

218 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil, arrêt préc., point 124, confirmé par TPICE, 30 septembre 2009, Jose Maria Sison c./ Conseil, aff. T-341/07, JOUE n° C 282 du 21 novembre 2009, point 95.

219 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil, arrêt préc., point 129.

220 Voir CJCE, 11 octobre 2007, Möllendorf, aff. C-117/06, Rec. I-8361.

221 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », article préc., p. 255.

222 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil, arrêt préc., point 137.

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des objectifs d'efficacité de la lutte contre le financement du terrorisme (Paragraphe 1) et va même jusqu'à limiter les effets de ses arrêts dans le temps (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. La prise en compte des exigences de la lutte antiterroriste

Le Tribunal et la Cour ne sont pas restés insensibles aux intérêts du Conseil. Loin d'être réticent aux objectifs affichés de lutte contre le financement du terrorisme et la singularité de cette lutte, le juge communautaire a progressivement aménagé un « régime dérogatoire général »223 reposant sur des « considérations impérieuses touchant à la sûreté de la Communauté et de ses États membres, ou à la conduite de leurs relations internationales »224. Ces objections propres aux intérêts des États membres et de la Communauté peuvent s'opposer à « la communication de certains éléments à charge aux intéressés et, dès lors, à l'audition de ceux-ci sur ces mêmes éléments, au cours de la procédure administrative »225.

Instaurées à la demande des États membres (par exemple le Royaume Uni dans l'affaire OMPI), ces considérations impérieuses illustrent parfaitement « un rapport de force classique, celui qui oppose depuis toujours sécurité et liberté »226. Dans l'arrêt OMPI, le Tribunal, justifie et légitime ce raisonnement en invoquant le fait que de telles limitations sont conformes aux traditions constitutionnelles communes aux États membres et à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg227. Succède ainsi aux modalités du contrôle juridictionnel énoncées par le juge, un régime général d'exception. Les limitations au contrôle du juge pourront être justifiées lorsque les moyens employés, à savoir le gel des fonds, apparaissent proportionnés et nécessaires au regard de l'objectif poursuivi par l'Union, la lutte contre le terrorisme.

Selon Yves Moiny, ce régime dérogatoire s'inspire des exceptions au droit d'accès aux documents telles qu'elles résultent du règlement CE n° 1049/2001 relatif à l'accès du public

223 MOINY Y., « Le contrôle, par le juge européen, de certaines mesures communautaires visant à lutter contre le financement du terrorisme », article préc., p. 140.

224 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil, arrêt préc., point 133, voir par analogie TPICE, 21 septembre

2005, Yusuf, arrêt préc., point 320.

225 Ibid.

226 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », article préc., p. 259.

227 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil, arrêt préc., points 134-135.

»231.

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aux documents des institutions communautaires228. Dans l'arrêt OMPI, le Tribunal précise dans cette même lignée la portée de ces exceptions quant aux garanties procédurales des requérants. Il estime que les autorités nationales ou le Conseil peuvent opposer aux requérants des restrictions à l'accès au contenu précis ou à la motivation particulière d'une décision les visant, voire l'identité de l'autorité dont elle émane229. Le Tribunal, dans l'affaire Sison, avait en effet introduit cette faculté pour les autorités nationales de ne pas dévoiler certaines informations230. Il mentionne même que « dans certaines circonstances très particulières », il serait possible de refuser de fournir aux requérants des informations relatifs à l'identification de l'État membre ou du pays tiers dans lequel une autorité compétente a pris une décision à leurs égards, lorsqu'une telle décision « est susceptible de nuire à la sécurité publique, en fournissant à l'intéressé une information sensible dont il pourrait faire un mauvais usage

Ainsi chaque droit fondamental reconnu et garanti par le juge communautaire voit son effectivité circonstanciée à la bonne volonté des États membres. Tout en affirmant dans l'arrêt OMPI que l'obligation de motivation « constitue l'unique garantie permettant à l'intéressé, à tout le moins après l'adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision »232, le Tribunal admet qu'il est possible d'y déroger par des raisons impérieuses d'intérêt général. Comme certains auteurs l'ont remarqué, il aurait été préférable dans ce cas de garantir le respect inconditionnel de l'obligation de motivation233.

Largement empreint de consensualisme, ce régime dérogatoire général apparait très peu transparent et atténue réellement l'effectivité du contrôle juridictionnel, au nom de la lutte contre le terrorisme. Au risque de « perdre toute substance »234 et se transformer en simple contrôle formel des mesures de gel, il sera impératif pour le juge d'effectuer une juste balance des intérêts en présence en vertu d'un contrôle strict de la proportionnalité, sans quoi la raison d'État n'en ressortirait que renforcée.

228 Règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, JOCE n° L 145 du 31 mai 2001.

229 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil, arrêt préc., point 136.

230 TPICE, 26 avril 2005, José Maria Sison c./ Conseil de l'Union européenne, aff. jointes T-110/03, T-150/03 et T-405/03, Rec. II-01429, point 77 : « l'efficacité de la lutte contre le terrorisme suppose que les informations détenues par les autorités publiques [...] soient maintenues secrètes afin que ces informations gardent leur pertinence et permettent une action efficace », confirmé par CJCE, 1er février 2007, Jose Maria Sison c./ Conseil, C-266/05, Rec. I-1233.

231 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil, arrêt préc., point 136.

232 Ibid, point 148.

233 MOINY Y., « Le contrôle, par le juge européen, de certaines mesures communautaires visant à lutter contre le financement du terrorisme », article préc., p. 141.

234 Ibid.

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Paragraphe 2. La limitation dans le temps des effets des arrêts

Le juge communautaire a adopté l'habitude de ne déclarer l'annulation des actes litigieux que « pour autant qu'ils concernent les requérants » dans le contentieux sur les listes antiterroristes portée devant lui, afin de maintenir les effets de l'acte erga omnes et garantir l'effectivité de la lutte contre le terrorisme235. Cette limitation rationae personae s'accompagne d'une limitation rationae temporis des effets de l'arrêt dans l'affaire Kadi. La Cour, considère que l'impact de l'annulation du règlement litigieux pourrait affecter la légitimité politique des positions communes et plus largement risquerait d'entraîner la responsabilité de la Communauté ou de ses États membres devant les instances de l'ONU.

Sur la base de l'article 231 CE236 (article 264 TFUE), la Cour fait donc le choix dans l'arrêt Kadi de maintenir les effets de l'acte communautaire litigieux et de différer les effets de l'annulation de celui-ci « pendant une brève période qui doit être fixée de façon à permettre au Conseil de remédier aux violations constatées, mais qui tienne aussi dûment compte de l'importance incidente des mesures restrictives dont il s'agit sur les droits et libertés des requérants »237. Le Conseil se voit ainsi octroyée la possibilité d'adopter un acte conforme aux exigences de la Cour et de l'idée de communauté de droit. Outre l'étendue du pouvoir de la Cour238, cet article repose sur le postulat que « la sécurité juridique impose parfois de prendre quelques distances avec la constatation objective de l'illégalité »239, même si l'équilibre entre légalité et sécurité juridique peut parfois être délicat à déterminer240.

235 Denys Simon et Anne Rigaux souligne le « paradoxe » de celle solution : « on comprend mal alors ce qui justifie le maintien en vigueur de dispositions procédurales jugées illégales, lesquelles affectent à l'évidence les droits fondamentaux de l'ensemble des personnes et entités relevant du champ d'application du règlement », « Le jugement des pourvois dans les affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions pour le Tribunal de première instance? », article préc., p. 10.

236 L'article 231, alinéa 2, CE dispose « Toutefois, en ce qui concerne les règlements, la Cour de justice indique, si elle l'estime nécessaire, ceux des effets du règlement annulé qui doivent être considérés comme définitifs.». Avec le traité de Lisbonne, l'article 264 TFUE étend le champ d'application de l'article à tous les actes.

237 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi, arrêt préc., point 376.

238 Selon Henri Labayle, le juge peut choisir librement au sein du règlement contesté « ceux des effets » qui doivent être considérés comme définitifs, sans aucune limitation ou restriction de ce point de vue, tant du point de vue matériel que personnel et dispose à ce titre d'une compétence sortant de l'ordinaire, « La Cour de justice et la modulation des effets de sa jurisprudence : autres lieux ou autres moeurs ? », R.F.D.A., 2004, p. 663.

239 LABAYLE H., « La Cour de justice et la modulation des effets de sa jurisprudence : autres lieux ou autres moeurs ? », R.F.D.A., 2004, p. 663.

240 CJCE, 22 mars 1961, SNUPAT c/ Haute Autorité, aff.42 et 49/59, Rec. p. 103, « le principe du respect de la sécurité juridique, tout important qu'il soit, ne saurait s'appliquer de façon absolue, mais... son application doit

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Alors même que ni le Conseil, ni la Commission ni même les États membres intervenus lors de la procédure n'avaient sollicité ce report, la Cour fixe la période de maintien des effets du règlement litigieux à 3 mois. La Cour justifie ce mécanisme juridictionnel car « il ne saurait être exclu que, sur le fond, l'imposition de telles mesures aux requérants puisse tout de même s'avérer justifiée »241. Il est vrai que l'illégalité n'entache que la procédure suivie devant le Conseil et l'absence de garanties procédurales au profit des requérants, et ne préjuge en rien de l'opportunité et de la légalité de la décision sur le fond. Les dispositions du règlement litigieux ne seront nulles et non avenues en vertu de l'article 231, alinéa 1, CE qu'à l'issue de ce délai de 3 mois, ce qui prive le requérant pendant cette période de l'effet de sa requête242.

La Cour décide ainsi d'exercer la compétence qu'elle tire de l'article 231 CE dans l'attente de l'adoption d'une nouvelle réglementation par le Conseil qui soit conforme aux exigences que la Cour a posé en matière de droits fondamentaux. Cette prise de position, favorable aux intérêts des institutions, illustre la logique institutionnelle à laquelle répond l'article243. Suite au prononcé de l'arrêt, la Commission a communiqué aux parties les motifs de leur inscription sur la liste et leur a donné la possibilité de formuler leurs observations. Elle a finalement édicté dans le délai de 3 mois un nouveau règlement réinscrivant M. Kadi et Al Barakaat Internation Foundation sur la liste actualisée des personnes et entités visées par une mesure de gel des fonds244.

Le bilan des arrêts de la Cour montre que celle-ci est définitivement attachée à l'effectivité de son contrôle juridictionnel et à la protection des droits fondamentaux245. Celle-ci, transposant le raisonnement Solange246 dans l'ordre communautaire, pourrait cependant

être combinée avec celle du principe de la légalité ; ...la question de savoir lequel de ces principes doit l'emporter dans chaque cas d'espèce dépend de la confrontation de l'intérêt public avec les intérêts privés en cause »

241 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi, arrêt préc., point 374.

242 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », article préc., p. 263.

243 LABAYLE H., « La Cour de justice et la modulation des effets de sa jurisprudence : autres lieux ou autres moeurs ? », article préc., p. 663.

244 Règlement (CE) n° 1190/2008 de la Commission du 28 novembre 2008 modifiant pour la cent et unième fois le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, JOUE n° L 322/25 du 2 décembre 2008.

245 Voir les derniers développements de cette jurisprudence avec CJUE, 29 avril 2010, M (FC) e.a. c./ Her Majesty's Treasury, aff. C-340/08, non encore publié au Recueil, conclusions de l'Avocat général Paolo Mengozzi présentées le 14 janvier 2010.

246 BVerfGE, 29 mai 1974, Solange I, BvL 52/71, BVerfGE t. 37, p. 271.Voir aussi CEDH, 20 juin 2005, Bosphorus, arrêt préc.

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n'être habilitée que d'une compétence par défaut, en dépit de la carence des procédures onusiennes247. Une possible évolution desdites procédures dessaisirait alors le juge communautaire de son office, à la lumière de la solution Solange II 248. Ce renversement de paradigme apparaît peu probable vu l'affirmation forte et récurrente de l'autonomie de l'ordre communautaire. Le contrôle juridictionnel s'est en effet vu consacré « fondement même de l'ordre juridique communautaire » et « garantie constitutionnelle ». Pourtant, comme le souligne Henri Labayle et Rostane Mehdi à juste titre, à propos de la limitation rationae temporis des effets de l'arrêt Kadi, « plus qu'il n'en assure la réalité, l'arrêt Kadi entretient l'illusion d'une protection efficace »249.

247 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », article préc., p. 365.

248 BVerfGE, 22 octobre 1986, Solange II, BvR 197/83, EuGRZ, p. 10.

249 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », article préc., p. 365.

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CONCLUSION

Claude Lévi-Strauss écrivait que « [c]haque progrès donne un nouvel espoir, suspendu à la solution d'une nouvelle difficulté. Le dossier n'est jamais clos. »250 Comme le prouvent les suites des affaires OMPI ou Kadi lors desquelles des progrès fondamentaux ont été effectués grâce au juge communautaire, de nouvelles difficultés sont rapidement apparues.

Suite à l'arrêt Kadi rendu par la Cour, Thomas Hammarberg affirmait que « l'arrêt de la Cour de justice devrait se traduire par une évolution des procédures au Conseil de sécurité »251. Malgré des améliorations esquissées dès 2005252, les procédures onusiennes d'aménagement des listes restaient encore largement discrétionnaires en 2009253. La pratique du Conseil au sein de l'Union prouve également bel et bien que la dépolitisation du contentieux des mesures de gel des fonds n'est pas achevée. L'OMPI, maintenue sur les listes antiterroristes après le prononcé de l'arrêt du Tribunal en 2006, est un parfait exemple du « mépris » du Conseil pour le principe de l'autorité de la chose jugée et plus généralement du droit. Suite à trois décisions de justice, l'OMPI a été définitivement retirée de la liste annexée au règlement CE n° 2580/2001254.

L'intervention du Parlement européen permettra peut être de renverser la tendance sécuritaire du Conseil et d'équilibrer les intérêts en présence lors de l'édiction des sanctions intelligentes. L'article 215 TFUE pose en effet l'obligation d'information du Parlement par le Conseil à propos des mesures adoptées. Plus contraignant encore, la nouvelle base juridique de l'article 75 TFUE dispose en outre que l'établissement du cadre de mesures de gel des fonds devra répondre à l'exigence de la participation du Parlement européen, jusqu'ici privé de tout rôle dans la lutte antiterroriste par le Conseil, selon la procédure législative ordinaire.

250 Mythologiques, t. I : Le Cru et le cuit, Paris, Plon, 1964.

251 Commissaire aux droits de l'Homme auprès du Conseil de l'Europe.

Voir « Terrorisme : vers la fin de l'arbitraire dans l'établissement de listes noires ? », [ http://www.coe.int/t/commissioner/Viewpoints/081201_fr.asp].

252 MIRON A., article préc., p. 362 et s.

253 Ibid.

254 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI, arrêt préc. ; TPICE, 23 octobre 2008, People's Mojahedin Organization of Iran c/ Conseil, aff. T-256/07, Rec. II-03019 ; TPICE, 4 décembre 2008, People's Mojahedin Organization of Iran c./ Conseil, T-284/08, Rec. II-03487.

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2. Législation en vigueur

Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JOCE n° L 281du 23 novembre 1995.

Règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil du 27 décembre 2001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, JOCE n° 344/70 du 28 décembre 2001, p. 70.

Règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil du 27 mai 2002 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l'exportation de certaines marchandises et de certains services vers l'Afghanistan, renforçant l'interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l'encontre des Taliban d'Afghanistan, JOCE n° L 139/9 du 29 mai 2002, p. 9.

64

Position commune 2001/930/PESC du Conseil du 27 décembre 2001 relative à la lutte contre le terrorisme, JOCE n° L 344/90 du 28 décembre 2001, p. 90.

Position commune 2001/931/PESC du Conseil du 27 décembre 2001 relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, JOCE, n° L 344/93 du 28 décembre 2001, p. 93.

Position commune du Conseil du 27 mai 2002 concernant des mesures restrictives à l'encontre d'Oussama ben Laden, des membres de l'organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés, et abrogeant les positions communes 96/746/PESC, 1999/727/PESC, 2001/154/PESC et 2001/771/PESC, JOCE n° L 139 du 29 mai 2002, p. 4.

Décision-cadre du Conseil n° 2002/475/JAI du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, JOCE n° L 164 du 22 juin 2002, p. 3.

Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen du 28 novembre 2005 - Prévenir et combattre le financement du terrorisme par une meilleure coordination au niveau national et une plus grande transparence des organismes à but non lucratif, COM (2005) 620 final, 29 novembre 2005, JOCE n° C 122 du 23 mai 2006.

Livre vert de la Commission du 26 avril 2006 sur la présomption d'innocence, COM (2006) 174 final, 26 avril 2006, disponible en ligne à l'adresse suivante : http://eur-ex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2006:0174:FIN:FR:PDF.

3. Conclusions du Conseil européen

Conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, disponible en ligne à

l'adresse suivante :
http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressdata/fr/ec/00200-r1.f9.htm.

Conclusions et Plan d'action du Conseil européen extraordinaire, 21 septembre 2001,

disponible en ligne à l'adresse suivante :
http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/fr/ec/ACF3B0F.pdf.

B - Organisation des Nations Unies

1. Conventions

Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, Résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies [sur le rapport de la Sixième

65

Commission (A/54/615)], A/RES/54/109, New York, 9 décembre 1999, disponible en ligne à l'adresse suivante : http://untreaty.un.org/French/terrorism/Conv12.pdf.

2. Résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies

Résolution S/RES/1267(1999) adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa réunion n° 4051

du 15 octobre 1999, disponible en ligne à l'adresse suivante :
http://www.un.org/french/docs/sc/1999/99s1267.htm.

Résolution S/RES/1333(2000) adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa réunion n° 4251

du 19 décembre 2000, disponible en ligne à l'adresse suivante :
http://www.un.org/french/docs/sc/2001/res1363f.pdf.

Résolution S/RES/1373(2001) adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa réunion n° 4385

du 28 septembre 2001, disponible en ligne à l'adresse suivante :
http://www.un.org/french/docs/sc/2001/res1373f.pdf.

C - Conseil de l'Europe

Convention européenne pour la répression du terrorisme, Strasbourg, 27 janvier 1977, amendée par un protocole en date du 15 mai 2003, disponible en ligne à l'adresse suivante : http://conventions.coe.int/treaty/fr/treaties/html/090.htm.

Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme, adoptées par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 11 juillet 2002 lors de la 804e réunion des Délégués des ministres, Strasbourg, Editions du Conseil de l'Europe, 2ème édition, 2002, 48 p, disponible en ligne à l'adresse suivante : http://www.coe.int/t/E/Human_Rights/5692-1.pdf.

Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, rapport de D. Marty, Listes noires du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l'Union européenne, 16 novembre 2007, Doc. 11454, [ http://assembly.coe.int/mainf.asp?Link=/documents/workingdocs/doc07/fdoc11454.htm].

D - Rapports, notes

Note interprétative de la Recommandation spéciale III : Gel et confiscation des biens des terroristes du Groupe d'Action Financière Internationale (GAFI), disponible en ligne à l'adresse suivante : http://www.fatf-gafi.org/dataoecd/53/33/34262245.PDF.

JOHNSTON R.B., NEDELESCU O.M., The impact of Terrorism on Financial Markets, WP/05/60, IMF Working Paper, Washington D.C., 2005.

66

House of Lords, Select Committee on Economic Affairs, The Impact of Economic Sanctions, 2nd Report of Session 2006-2007, vol. II, p. 5.

V. Sites internet

http://curia.europa.eu/

http://europa.eu/

http://eur-lex.europa.eu/

http://www.un.org/french/terrorism/

http://www.coe.int/t/commissioner/Viewpoints/081201_fr.asp (Points de vue,

2008, « Terrorisme : vers la fin de l'arbitraire dans l'établissement de listes noires », par Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe).

http://parlemento.wordpress.com/2009/10/23/a-quoi-servent-les-listes-terroristes/

67

JURISPRUDENCE

I. JURIDICTIONS COMMUNAUTAIRES

A - Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes (TPICE)

TPICE, 26 avril 2005, José Maria Sison c./ Conseil de l'Union européenne, aff. jointes T110/03, T-150/03 et T-405/03, Rec. II-01429.

TPICE, 21 septembre 2005, Ahmed Ali Yusuf et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, aff. T-306/01, Rec. II-3533.

TPICE, 21 septembre 2005, Yassin Abdullah Kadi c./ Conseil et Commission, aff. T-315/01, Rec. II-3649.

TPICE, 12 juillet 2006, Chafiq Ayadi c./ Conseil, aff. T-253/02, Rec. II-2139.

TPICE, 12 juillet 2006, Faraj Hassan c./ Conseil et Commission, aff. T-49/04, Rec. II-2139.

TPICE, 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d'Iran (OMPI) c./ Conseil, aff. T-228/02, Rec. II-4665.

TPICE, 31 janvier 2007, Leonid Minin c./ Commission, aff. T-362/04, Rec. II-002003. TPICE, 11 juillet 2007, Sison c./ Conseil, aff. T-47/03, Rec. II-00073.

TPICE, 11 juillet 2007, Al-Aqsa c./ Conseil, aff. T-327/03, Rec. II-00079.

TPICE, 3 avril 2008, Osman Ocälan c./ Conseil de l'Union européenne, aff. T-229/02, Rec. II-00045.

TPICE, 23 octobre 2008, People's Mojahedin Organization of Iran c./ Conseil, aff. T-256/07, Rec. II-03019.

TPICE, 4 décembre 2008, People's Mojahedin Organization of Iran c./ Conseil, T-284/08, Rec. II-03487.

TPICE, 2 septembre 2009, Mohamed El Morabit c./ Conseil, aff. T-37/07 et T-323/07, non encore publié au Recueil, JOUE n° C 256 du 24 octobre 2009.

TPICE, 30 septembre 2009, Jose Maria Sison c./ Conseil, aff. T-341/07, non encore publié au Recueil, JOUE n° C 282 du 21 novembre 2009.

TPICE, 14 octobre 2009, Bank Melli Iran c./ Conseil, aff. T-390/08, non encore publié au Recueil, JOUE n° C 282 du 21 novembre 2009.

68

B - Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE)

CJCE, 12 novembre 1969, Stauder, aff. 29/69, Rec. 00419, conclusions de l'avocat général Roemer présentées le 29 octobre 1969.

CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft mbH, aff. 11/70, Rec. 01125, conclusions jointes de l'avocat général Dutheillet de Lamothe présentées le 2 décembre 1970.

CJCE, 14 mai 1974, Nold, aff. 4/73, Rec. 00491, conclusions de l'avocat général Trabucchi présentées le 28 mars 1974.

CJCE, 23 avril 1986, « Les Verts » c./ Parlement européen, aff. 294/83, Rec. 1350, conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 4 décembre 1985.

CJCE, 16 juin 1998, Racke, aff. C-162/96, Rec. J-03655, conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 4 décembre 1997.

CJCE, 12 juin 2003, Schmidberger, aff. C-112/00, Rec. J-05659, conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 11 juillet 2002.

CJCE, 16 juin 2005, Procédure pénale contre Maria Pupino, aff. C-105/03, Rec. J-05285, conclusions de l'avocat général Kokott présentées le 11 novembre 2004.

CJCE, 18 janvier 2007, Osman Ocälan au nom de PKK e.a., aff. C-229/05 P, Rec. J-439, conclusions de l'avocat général Kokott présentées le 27 septembre 2006.

CJCE, 1er février 2007, Jose Maria Sison c./ Conseil, C-266/05, Rec. J-1233, conclusions de l'avocat général Geelhoed présentées le 22 juin 2006.

CJCE, 27 février 2007, Segi et Gestoras Pro Amnistia c./ Conseil de l'Union européenne, aff. jointes C-354/04 P et C-355/04 P, Rec. J-1579 J-1657, conclusions de l'avocat général Mengozzi présentées le 26 octobre 2006.

CJCE, 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germonanophone, aff. C-305/05, Rec. J-05305, conclusions de l'avocat général Poiares Maduro présentées le 14 décembre 2006.

CJCE, 11 octobre 2007, Möllendorf, aff. C-117/06, Rec. J-8361, conclusions de l'avocat général Mengozzi présentées le 8 mai 2007.

CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, aff. jointes C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. J-06351, conclusions de l'avocat général Poiares Maduro présentées le 16 janvier 2008.

69

C - Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) (à partir du 1er décembre 2009)

CJUE, 3 décembre 2009, Faraj Hassan, et Chafiq Ayadi c./ Conseil et Commission, aff. jointes C-399/06 P et C-403/06 P, non encore publié au Recueil, JOUE n° C 24 du 30 janvier 2010.

CJUE, 29 avril 2010, M (FC) e.a. c./ Her Majesty's Treasury, aff. C-340/08, non encore publié au Recueil, conclusions de l?avocat général Paolo Mengozzi présentées le 14 janvier 2010.

II. JURIDICTIONS EUROPÉENES ET INTERNATIONALES

A - Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)

CEDH, Gde Ch., 30 juin 2005, Bosphorus Hava Yollari Turizm Ve Ticaret Sirketi c./ Irlande, Requête n° 45036/98. Rec. 2005-VI.

CEDH, Gde Ch., 31 mai 2006, Behrami et Behrami c./ France (Requête n° 71412/01) et Saramati c./ France, Allemagne et Norvège (Requête n° 78166/01).

CEDH, 23 mai 2002, SEGI & Gestoras Pro-Amnistia, Requêtes n° 71412/01 et 78166/01.

B - Cour internationale de justice de la Haye (CIJ)

(i) Avis

CIJ, avis consultatif, 21 juin 1971, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, Rec. 1971, p. 22.

(ii) Arrêts

CIJ, Ordonnance du 14 avril 1992, demande en indication de mesures conservatoires, Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique), Rec. 1992, p. 114.

70

CIJ, arrêt du 27 février 1998, exceptions préliminaires, Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique), Rec. 1998, p. 115.

III. JURIDICTIONS NATIONALES

A - Tribunal constitutionnel allemand (Bundesverfassungsgericht)

BVerfGE, 29 mai 1974, Solange I, BvL 52/71, BVerfGE t. 37, p. 271. BVerfGE, 22 octobre 1986, Solange II, BvR 197/83, EuGRZ, p. 10.

71

INDEX JURISPRUDENTIEL

Al-Aqsa

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

45

Bank Melli Iran

 
 
 
 
 
 
 
 
 

40,

45

Behrami

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

41

Bosphorus

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

37

Chafiq Ayadi

 
 
 
 
 
 
 
 
 

39,

46

Commission c./ Lisrestal

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

44

Costa

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

41

Faraj Hassan

 
 
 
 
 
 
 
 
 

39,

46

Faraj Hassan et Chafiq Ayadi

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

42

Internationale Handelsgesellschaft mbH

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

42

Kadi et Al Barakaat International Foundation

Leonid Minin

 

1,

27,

28,

29,

40,

41,

42,

43,

44,

45

26

Les Verts

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

31

M (FC) e.a.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

52

Maria Pupino

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

35

Mohamed El Morabit

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

44

Möllendorf

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

47

Nold

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

42

Ordre des barreaux francophones et germanophone

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

43

Organisation des Modjahedines du peuple d'Iran

31,

34,

35,

40,

44,

45,

46,

47,

48,

49,

50

Racke

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

39

Schmidberger

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

43

Segi et Gestoras Pro Amnistia

 
 
 
 
 

34,

35,

36,

40,

46,

47

Sison

 
 
 
 
 
 
 

20,

45,

47,

49

SNUPAT c/ Haute Autorité

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

51

Solange

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

52

Stauder

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

42

Van Gend en Loos

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

41

Yassin Abdullah Kadi

 
 
 
 
 

24,

26,

29,

37,

38,

46

Yusuf et Al Barakaat International Foundation

 
 
 

24,

25,

26,

29,

37,

38,

39,

46

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE 1

LISTE DES ABRÈVIATIONS 2

INTRODUCTION 3

PREMIÈRE PARTIE. LE GEL DES FONDS, MESURE SUI GENERIS DE LUTTE

CONTRE LE TERRORISME 10

Chapitre 1. La complexité des sources 10

Section 1. [a complexité relative des sources internationales 10

Paragraphe 1. Le caractère ciblé de la règlementation ante-11 septembre 2001 11

Paragraphe 2. Le caractère général de la règlementation post-11 septembre 2001 13

Section 2. [a complexité avérée des sources communautaires 16

Paragraphe 1. Une liste internationale d'exécution 16

Paragraphe 2. Deux listes communautaires complémentaires 18

Chapitre 2. Les discussions sur la nature juridique 20

Section 1. La discussion sur l?objet 20

Paragraphe 1. La discussion sur le caractère pénal de la mesure 21

Paragraphe 2. La discussion sur le caractère administratif de la mesure 23

Section 2. [a discussion sur les fondements 25

Paragraphe 1. La solution du Tribunal de première instance 26

Paragraphe 2. Le raisonnement fragile de la Cour 29

72

SECONDE PARTIE. LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DU GEL DES FONDS ... 33

73

Chapitre 1. Les obstacles au contrôle 33

Section 1. L'immunité contentieuse des positions communes 33

Paragraphe 1. Les carences du traité sur l'Union européenne 34

Paragraphe 2. Le contrôle indirect des positions communes 36

Section 2. La primauté des résolutions onusiennes 38

Paragraphe 1. Un contrôle délicat 39

Paragraphe 2. « L'internalisation » du différend 42

Chapitre 2. Les modalités du contrôle 44

Section 1. Un contrôle à l'aune des droits fondamentaux 45

Paragraphe 1. La reconnaissance de garanties variées 45

Paragraphe 2. Le risque d'un traitement discriminatoire 48

Section 2. Un contrôle limité par la Cour 50

Paragraphe 1. La prise en compte des exigences de la lutte antiterroriste 51

Paragraphe 2. La limitation dans le temps des effets des arrêts 52

CONCLUSION 56

BIBLIOGRAPHIE 57

JURISPRUDENCE 67

INDEX JURISPRUDENTIEL 71






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