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L'humanisation des lieux de détention au Cameroun

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par Vincent Pascal MOUEN MOUEN
Université catholique d'Afrique centrale - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2009
  

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PREMIERE PARTIE :

L'APPLICATION LIMITEE DES MESURES EXISTANTES

La volonté de protéger les hommes contre les actes de barbarie de leurs alter egos a engagé la « famille humaine »30(*) dans une logique de protection de la dignité humaine. Ce souci de protection de l'être humain contre les actes de torture et autres traitements qui renient la nature humaine de l'homme a conduit la communauté internationale à se doter de moyens juridiques de protection contre de tels actes et de mécanismes visant leur prévention. Les moyens juridiques dont il est question sont essentiellement constitués de principes internationalement admis et codifiés par les instruments de droit alors que les mécanismes auxquels il est fait référence s'entendent comme des stratégies visant la prévention des atteintes aux droits de l'homme soit par leur effet de sensibilisation, de dissuasion, ou de répression. Si le respect des droits fondamentaux de l'homme est nécessaire à l'épanouissement des membres de la « famille humaine », la protection de la dignité humaine est encore plus impérative pour ceux d'entre eux qui sont privés de leur liberté car l'état de privation de liberté est un facteur aggravant de vulnérabilité pour déjà fragilisées par un contexte général de pauvreté. D'ailleurs la 57ème règle de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus31(*) précise que :

 «L'emprisonnement et les autres mesures qui ont pour effet de retrancher un délinquant du monde extérieur sont afflictives par le fait même qu'elles dépouillent l'individu du droit de disposer de sa personne en le privant de sa liberté. Sous réserve des mesures de ségrégation justifiées ou du maintien de la discipline, le système pénitentiaire ne doit donc pas aggraver les souffrances inhérentes à une telle situation ».

 En ratifiant un certain nombre d'instruments internationaux de droit, le Cameroun s'est imposé entre autres devoirs, celui de faire respecter la dignité des personnes privées de leur liberté. Cependant, malgré cet encadrement juridique, l'humanisation des lieux de détention au Cameroun tarde encore à se concrétiser et à devenir une réalité observable du fait de la minimisation des principes internationaux de droit (Chapitre I) et de l'inexistence d'un cadre juridique interne favorable à la protection des personnes privées de leur liberté (Chapitre II).

Chapitre 1er : LA MINIMISATION DES PRINCIPES JURIDIQUES INTERNATIONAUX APPLICABLES AUX PERSONNES INCARCEREES

La nature humaine des personnes privées de liberté ressort dans la plupart des textes des Nations Unies32(*) qui, bien que n'ayant aucun caractère contraignant pour certains, réaffirment cependant tous l'appartenance totale et entière de ces personnes à la « famille humaine». La privation de liberté, même lorsqu'elle est légale, n'altère pas la nature humaine de ceux qui en sont victimes. D'ailleurs le premier principe de l'Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement réitère, sans être impératif, la nécessité de traiter avec humanité et respect toute personne privée de sa liberté.33(*) Ce texte consacre également des garanties procédurales en termes des droits de la défense et des conditions physiques de détention. Membre de la communauté internationale, le Cameroun a également ratifié la plupart des instruments internationaux ayant un caractère obligatoire relatifs à la protection de la dignité humaine et partant, celle des personnes privées de leur liberté. Il résulte donc de l'engagement international de l'Etat du Cameroun, un ensemble de principes de droit qui lui sont opposables aussi bien du point de vue de la protection des droits physiques des personnes détenues que de celui des garanties procédurales qui leur assurent un procès équitable. Cependant, l'effectivité de cette protection se heurte à une application mitigée desdits principes (section 1) et à la minoration des garanties procédurales ainsi édictées (section 2).

Section 1 : Une application mitigée des principes de protection des droits physiques des personnes détenues

La préservation de la dignité humaine34(*) est l'un des idéaux que la communauté internationale s'est fixée comme objectif. Pour l'atteindre, le droit international s'est doté de normes juridiques les unes contraignantes, les autres permissives, mais qui devraient toutes s'appliquer à tous les êtres humains sans considération aucune du statut juridique. Ces normes sont relatives d'une part au respect de l'intégrité de la personne humaine, et d'autre part à la jouissance des droits économiques sociaux et culturels. Cependant, la protection des personnes privées de leur liberté se trouve diluée dans le caractère épars de ces normes (paragraphe 1) et dans la permissivité de certains des instruments qui les consacrent (paragraphe 2).

Paragraphe 1er : Le caractère épars des normes juridiques de protection de la personne détenue

Au Cameroun, la dignité de toute personne humaine en général et des personnes privées de liberté en particulier est protégée par des normes internationales, régionales et locales qui se diluent cependant dans la multiplicité des instruments de droit (A) et dans le caractère relatif des interdictions énoncées(B).

A- La dilution de la protection de la dignité des personnes privées de leur liberté dans la multiplicité des instruments de droit

La protection de l'intégrité physique de la personne humaine occupe une place prépondérante dans le droit international des droits des l'homme. Elle suppose la protection de la partie charnelle du corps humain contre toutes les atteintes possibles allant des mauvais traitements à la suppression de la vie en passant par des mutilations ou actes de torture. Mais cette protection suppose également la satisfaction des besoins élémentaires de l'être humain.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dans son article 635(*) consacre le droit à la vie et protège du même coup l'intégrité physique de la personne humaine. De même, l'article 736(*) de ce texte interdit de manière formelle la pratique de la torture et des traitements qui avilissent l'être humain. Cette protection de la dignité humaine s'étend spécifiquement aux personnes privées de leur liberté dans l'article 10 alinéa 1 du même texte.37(*)Quant à la Convention contre la torture, elle fait obligation aux Etats parties entre autre « d'incorporer le crime de torture dans la législation nationale et de réprimer les actes de torture par des peines appropriées (...) ».38(*) La Convention relative aux droits de l'enfant exhorte les Etats partie à veiller à ce que les enfants soient protégés contre les actes de torture et les traitements cruels inhumains et dégradants.39(*)

Au plan régional, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples à laquelle le Cameroun est partie protège également l'intégrité de personne humaine à travers son article 440(*)

Le Cameroun a pour sa part ratifié les instruments qui protègent l'intégrité physique de la personne humaine pour préserver sa crédibilité internationale.41(*) D'où la pénalisation de la torture à travers l'article 132 bis du code pénal camerounais.

L'intégrité physique trouve une autre source de protection juridique à travers le droit civil. En effet, le Code civil français définit le droit à l'intégrité physique comme un droit en vertu duquel chacun a droit au respect de son corps.42(*) Ce droit peut s'exprimer de façon différente selon que la personne est vivante ou décédée.43(*)

La satisfaction des besoins fondamentaux de l'homme est elle aussi garantie par de nombreux instruments internationaux. La Convention relative aux droits de l'enfant dans ses articles 24 (le droit à la santé), 26 (le droit à la sécurité sociale), 27 (le droit à un niveau de vie suffisant), 28 (le droit à l'éducation), protège les droits relatifs à cette catégorie sociale. Mais, le principal instrument international contraignant qui garantit la satisfaction des besoins fondamentaux de la personne humaine est le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (PIDESC).44(*) Il garanti notamment à tous le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible (article 12), le droit à un niveau de vie suffisant (article 11). Il érige « le droit d'être à l'abri de la faim » comme un droit fondamental (article 11) et pose le principe de l'éducation primaire obligatoire (article 13 al.2-a). Le PIDESC protège spécifiquement les mères (article10 al. 2) et les enfants (article 10 al.3). Le caractère global et général de cette protection fait qu'elle s'étend aux personnes privées de liberté. D'ailleurs l'article 2 alinéa 2 précise qu'aucune situation ne saurait justifier la discrimination dans l'application des droits qui sont énoncés dans ce texte.45(*)

D'autres instruments bien que non contraignants participent également à la protection des personnes incarcérées. Il s'agit pour la plupart des instruments des droits de l'homme intervenant dans l'administration de la justice. On peut citer entre autre l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus qui visent « à établir, en s'inspirant des conceptions généralement admises de nos jours et des éléments essentiels des systèmes contemporains les plus adéquats, les principes et les règles d'une bonne organisation pénitentiaire et de la pratique du traitement des détenus, des principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus »46(*), l'Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement  et les Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus.

A la lecture des dispositions de tous ces textes, l'on remarque que la communauté internationale, dans un souci d'efficacité a adopté de nombreux instruments contraignants qui mettent un accent particulier sur la protection de la dignité de la personne humaine en général. Mais en voulant cette protection également spécifique aux détenus, les nations unies ont adoptées de nombreux textes à valeur déclarative, contribuant ainsi à parsemer davantage les normes de protection de la personne détenue.

* 30 Notion consacrée par le premier considérant de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 et reprise par le plus grand nombre de conventions internationales relatives aux droits de l'homme. Cependant, il faut noter que la Conférence mondiale sur les droits de l'homme de 1993 dont est issue la Déclaration de Vienne oublie volontairement ou mieux éclipse la notion de « famille humaine » au profit de celle moins controversée de le « communauté internationale ».

* 31 Texte adopté lors du 1er congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants tenu à Genève en 1955. Il est approuvé par le Conseil Economique et Social dans ses résolutions 663C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977.

* 32 Il s'agit des, principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus et de l'ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement adoptés par l'Assemblée générale des Nations Unies respectivement dans ses résolutions 42/111 du 14 décembre 1990 et 43/173 du 9 décembre 1988.

* 33 Principe 1er de l'ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement : « toute personne soumise à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».

* 34 La notion de dignité fait référence à une qualité liée à l'être même de chaque homme. Ce qui explique qu'elle soit la même pour tous et qu'elle n'admette pas de degrés. Même si la DUDH n'en détermine ni sa signification ni son contenu, cette notion se voit accorder dans ce texte la préséance sur les droits. Ce qui en fait « une notion centrale des doits de l'homme ». (Lire le Pr. Bernard-Raymond GUIMDO, « Droit au développement et dignité humaine », in Les droits Fondamentaux, Actualité Scientifique, (dir.) Jacques-Yvan Morin, Bruylant, AUPELF-UREF Bruxelles, 1997, pp. 73-89.

* 35 L'article 6 al.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 stipule que : « le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie».

* 36L'article 7 du PIDCP : « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique »

* 37 L'article 10 du PIDCP dans son alinéa 1 précise : « toute personne privée de sa liberté est traitée avec le respect et la dignité inhérente à la personne humaine ».

* 38Nations Unies, « Droits de l'homme : combattre la torture », fiche d'information n°4, (Rev.1), Genève, 2003, p. 10.

* 39 Article 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant

* 40L'article 4 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples dispose que : «  la personne humaine est inviolable, tout être humain a droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne : nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit ».

* 41 NGONO MVOGO (Josiane Appolonie), La police camerounaise et l'interdiction de la torture, Mémoire de Master droits de l'homme et action humanitaire, APDHAC/UCAC, année 2003-2004.

* 42 http://playmendroit.free.fr/droit_civil/le_droit_a_l_integrite_physique.htm, consulté le 01.04.09.

* 43 Ibid.

* 44 Adopté le 10 décembre 1966, et entré en vigueur le 3 janvier 1976 conformément aux dispositions de l'article 27, ce texte avait pour objectif de garantir l'épanouissement de l'être humain à travers la satisfaction de certains de ses droits tels que le droit à une alimentation suffisante, le droit au logement, le droit à la santé, etc....la jurisprudence internationale en se basant sur d'autre instruments, à également protégée un certain nombre de droits qui n'étaient explicitement garantis par ce texte : c'est la protection par ricochet.

* 45 L'alinéa 2 de l'article 2 du PIDESC stipule que : « Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.».

* 46 1ère règle de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery