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L'humanisation des lieux de détention au Cameroun

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par Vincent Pascal MOUEN MOUEN
Université catholique d'Afrique centrale - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2009
  

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Section 2 : La minoration des garanties procédurales et des règles d'incarcération

L'humanisation des lieux de détention trouve une autre entrave dans la méconnaissance des principes et des normes consacrés par les instruments internationaux et qui sont universellement admis parce que garantissant le respect de la dignité humaine des personnes incarcérées. Il s'agit des garanties procédurales (paragraphe 1) et des règles relatives à l'incarcération (paragraphe 2).

Paragraphe 1er : La méconnaissance des garanties procédurales

Le respect des droits de l'homme suppose aussi la reconnaissance et la garantie du respect de tous les droits inhérents à la personne humaine. La méconnaissance de certains d'entre eux altère l'essence même de l'homme.57(*) Bien que les textes internationaux aient codifiés certains droits de l'homme sous la forme de garanties procédurales judiciaires, le contexte camerounais reste toujours marqué par « un décalage entre l'intention et les résultats, entre la théorie et la pratique »58(*). La violation du principe de la présomption d'innocence et le dénie des droits de la défense contribue, certes de manière indirecte, mais de façon significative tout de même, à déshumaniser les lieux de détention au cameroun.

A- Le non respect du principe de la présomption d'innocence

La présomption d'innocence est un principe de droit internationalement59(*) reconnu et en vertu duquel toute personne soupçonnée d'un chef d'accusation est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie au cours d'un procès durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa défense lui seront assurées. C'est un droit fondamental en matière pénale qui vise à assurer à l'accusé que sa culpabilité sera prouvée au-delà de tout doute raisonnable.60(*) A l'échelle internationale, ce principe est codifié dans l'article 11 de la DUDH61(*) et l'article 14 du PIDCP62(*). La Convention internationale relative aux droits de l'enfant quant à elle, enjoint aux Etats de veiller à ce que tout enfant suspecté ou accusé d'infraction à la loi pénale ait au moins le droit entre autre, à la garantie de la présomption d'innocence jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie.63(*)

Au niveau national, la présomption d'innocence est un principe constitutionnel. La Loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin1972 l'exprime clairement dans son préambule64(*) en ces termes :

« Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie au cours d'un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense »

La loi n° 2005/007 du 27 Juillet 2005 portant Code de procédure pénale réitère ce principe et précise même la constance de son application tout au long du procès pénal, c'est-à-dire de la poursuite jusqu'au jugement en passant par l'instruction.65(*)

La manifestation la plus frappante de la violation du principe de la présomption d'innocence est la détention préventive. C'est une mesure privative de liberté prise soit par le Procureur de la République dans le cadre de la procédure de flagrant délit, soit par le magistrat instructeur à l'information judiciaire. Bien que pouvant se justifier par plusieurs raisons liées pour les unes à l'intérêt social et pour les autres, à la bonne administration de la justice66(*), le résultat de cette mesure est toujours effroyable.67(*) C'est d'ailleurs la principale cause du surpeuplement carcéral au Cameroun;68(*)

Le PACDET (programme d'amélioration des conditions de détention et respect des droits de l'homme)69(*) en présentant le contexte de la mise en oeuvre de la deuxième phase de ce projet dans l'annexe II de la convention de financement, indique un taux de surpopulation carcérale de 400 pour cent dans l'ensemble des 70 centres pénitentiaires que compte le pays, avec un taux de détention provisoire global de l'ordre de 60 pour cent et 70 pour cent lorsqu'on ne tient compte que des 10 prisons centrales. Ces statistiques justifient la réflexion de Rogatien TEJIOZEM qui pense que la détention préventive est une mesure « attentatoire aux garanties des droits de la personne devant la justice dans ce sens qu'elle est contraire à la présomption d'innocence ».70(*) Quand on sait que la privation de liberté dans la vie d'un individu peut avoir des conséquences fâcheuses, surtout lorsque après une longue détention celui-ci est déclaré non coupable, l'on pourrait penser avec cet auteur que « la détention préventive, utilisée de manière abusive, constitue une atteinte aux droits de l'homme».71(*)

Dans sa communication n° 39/90, la Commission africaine affirme qu'une «détention fondée sur la seule suspicion qu'un individu pourrait être à l'origine des troubles est une violation du droit à la présomption d'innocence.»72(*). En effet, l'intéressé (Abdoulaye Mazou) qui avait été arrêté et condamné pour subversion après le coup d'Etat du 06 avril 1984 a été gardé en détention jusqu'en Mai 1990 alors qu'il devait être libéré au mois d'Avril de la même année. L'Etat Camerounais craignant ainsi que la libération de l'intéressé pourrait entraîner des troubles à l'ordre public.

Mais la pratique judiciaire au Cameroun se caractérise aussi par « les habitudes de reniement du principe du droit à un procès équitable dans un délai raisonnable».73(*)

* 57 TEJIOZEM (Rogatien), La détention préventive et les droits de l'homme au Cameroun, Mémoire de Master en droit de l'homme et action humanitaire, Université catholique d'Afrique centrale, p.6, octobre 2005.

* 58 Ibid.

* 59 Le caractère international de la présomption d'innocence découle de la consécration de ce principe par un certains nombre d'instruments internationaux tels que la DUDH article 11 et le PIDCP article 14.

* 60 FOKA (F.), Le contentieux africain des droits de l'homme et des peuples, 3ft, septembre 2008, p. 63. La notion de doute raisonnable en droit pénal doit toujours profiter à l'accusé. Elle vise à protéger ce dernier contre les erreurs judiciaires en écartant tout préjugé susceptible de provenir de la part du juge.

* 61 L'alinéa 1er de l'article 11 de la DUDH stipule que : « toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées ».

* 62 L'alinéa 2 de l'article 14 de la DUDH stipule que : « toute personne accusée d'une infraction pénale est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».

* 63 Article 40 alinéa 2

* 64 L'article 65 de la constitution affirme que : « le préambule fait partie de la constitution ».

* 65 L'article 8 alinéa 2 précise que la présomption d'innocence s'applique au suspect, à l'inculpé, au prévenu et à l'accusé. Ces qualificatifs correspondent aux appellations des mis en cause aux différentes phases du procès pénal. Le suspect correspondant à la phase de poursuites (enquête de police), l'inculpé à la phase d'instruction, le prévenu et l'accusé à la phase de jugement. (cf. article 9 du code de procédure pénale).

* 66 NGWAFOR TANGYYIE (Walters), Les conditions de vie et le respect des droits du détenu au Cameroun, Mémoire de master en droit de l'homme et action humanitaire, Université catholique d'Afrique centrale, p 27, 2003.

* 67 TCHAKOUA (J.M.), « les droits de l'homme au village », in Justice et paix en Afrique centrale, presses de l'UCAC, septembre 1995, P12.

* 68 TEJIOZEM (Rogatien), op. cit.

* 69 C'est un programme financé en grande partie par la communauté européenne et qui entend améliorer les conditions de détention au cameroun. Il a été conçu suite à une mission menée en mars 2001 par Me Eric Plouvier et Julie Godin qui a relevé une série de dysfonctionnements de la chaîne pénale et plus particulièrement de la détention préventive.

* 70 TEJIOZEM (Rogatien), op. cit. p. 4.

* 71 Ibid.

* 72 Communication n° 39/90, Annette PAGNOULE (pour le compte de Abdoulaye MAZOU) c/ Etat du Cameroun, paragraphe 19.

* 73 NGWAFOR TANGYYIE (Walters), op. cit p. iii

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