La frontière internationale est la droite de division
de premier ordre des structures territoriales des États
indépendants. En droit international, les frontières font
état d'objet inviolable, mais elles ne sont pas intangibles (Faucher,
2023). Au cours du temps, les frontières entre les États se font
et se défont au gré de la conjoncture géopolitique du
moment. Aujourd'hui, nous comptons cent quatre-vingt quinze États
indépendants reconnus par l'ONU à travers les cinq continents qui
se répartissent ainsi : deux en Amérique du Nord,
cinquante-quatre en Afrique, quarante-huit en Asie, quarante-quatre en Europe,
quatorze en Océanie et trente-trois en Amériques latines et
Caraïbes (Deluzarche, 2023).
Dans le bassin de la Caraïbe se situent Haïti et la
République Dominicaine, deux pays indépendants partageant la
deuxième grande île de la région. Des 76,480 km2
dont mesure l'île entière, la République d'Haïti
occupe le tiers soit 27,750 km2. Cette superficie est faite à
80% de montagnes contre seulement 7,000 km2 de plaine. Selon les
estimations récentes, la partie occidentale abrite une population de
près de douze millions d'habitants. Force est d'essayer de saisir
l'impact des phénomènes socio-historiques de la frontière
sur les représentations sociales et mentales des différentes
composantes de la société haïtienne.
Les documents écrits nous permettent de faire remonter
l'histoire de la frontière haïtiano-dominicaine aux traités
de Ryswick (1697) et d'Aranjuez (1777). Abstraction faite des circonstances
particulières favorisant ces traités, des
événements conflictuels ont conduit à des effacements
répétitifs des frontières entre ses deux territoires. Le
premier moment d'effacement en date serait le traité de Bâle de
1795 qui prenait plein effet sous l'administration de Toussaint
Louverture, gouverneur de Saint-Domingue 1800-1802. La
deuxième période fut l'unification administrative et politique
qui s'établissait à l'intervalle entre 1822 à 1844. La
troisième occasion s'est produite durant l'occupation américaine
de la République d'Haïti qui a engendré l'unification
administrative de l'île entière au cours de la période de
1916 à 1924.
Cette mouvance de rapprochement s'achemine vers une dynamique
d'ouverture réciproque des deux sociétés, bien
évidemment à l'avantage déterminant de la
République Dominicaine, et enfin, aboutit à la logique de la
coopération (Alexandre, 2020, p. 61). Néanmoins, la rengaine des
positions extrémistes et racistes de l'anti-haïtianisme n'en
démord pas. Une preuve se justifie dans les récentes actions
politiques qui trouvent une expression dans l'arrêt TC 0168/13 de la Cour
constitutionnelle dominicaine adopté en date du 23 septembre 2013.
Près de 250,000 personnes d'origines haïtiennes qui jouissaient de
la nationalité dominicaine deviennent apatrides avec l'application de
cet arrêt. Mais aussi, la compréhension de l'évolution des
alliances politiques4 en 1994, selon Pérez (2020, p. 101),
pour contrer la montée de Peña Gomez à la
présidence, - Dominicain noir, disciple de Juan Bosch au parti de
PRD5-, illustra fort bien les sentiments racistes, xénophobes
et anti-haïtianistes qui sont toujours vivaces dans les classes sociales
dominantes en République Dominicaine. Les conséquences
éprouvantes se répercutèrent plus fortement depuis le
massacre de 1937 sur les rapports entretenus avec les populations
haïtiennes des milieux frontaliers. D'où résulte
l'importance de la compréhension du phénomène de
frontière entre Haïti et la République Dominicaine dans la
dimension socio-historique de sa création.
À chaque moment d'agitation discursive sur la ligne
frontière entre Haïti et la République Dominicaine,
l'épineux problème de sa délimitation s'impose, entre
autres, dans toute sa complexité. Rappelons bien, qu'avant
l'arrivée de la proclamation6 de 1794 consacrant l'abolition
de l'esclavage à Saint-Domingue, Toussaint Louverture qui, - s'alliant
tour à tour avec les
4 César Pérez a projeté une analyse sur
le caractère invraisemblable de l'alliance de deux partis politiques PLD
(Partido de la Liberacion Dominicana), parti fondé par Juan Bosch,
incarnation du marxisme en République dominicaine et PRSC (Partido
Reformista Social Cristiano), parti fondé par Joaquin Balaguer,
héritier politique de Trujillo, conservateur historiquement
opposés et même des adversaires pour bloquer l'arrivée de
Dr Peña Gomez à la présidence en 1996. Parmi d'autres
raisons, la classe politique le considérait comme un Dominicain noir
à descendance haïtienne.
5 PRD (Partido Revolucionario Dominicano) est le parti
politique de tendance gauche que Juan Bosch avait créé. Ce qui
lui avait permis d'arriver au pouvoir aux élections de 1962 après
la mort de Trujillo. Juan Bosch s'opposait toujours au secteur dominant
représenté par Trujillo puis Balaguer. Après avoir
été évincé au pouvoir en 1963 par un coup
d'État, il partit pour l'exil et son parti, sous la direction de
Peña Gomez, organisa la résistance contre l'invasion
américaine de 1965 et entra en opposition contre Balaguer, revenu au
pouvoir en 1966. Lorsque Bosch eut à revenir au pays, il abandonna son
parti et créa le parti PLD.
Espagnols et les Anglais contre les Français, à
la recherche des moyens de l'émancipation du peuple de Saint-Domingue -
devait se résoudre à renouer ses relations avec les
Français qui dominaient à l'Ouest. De son retour dans le camp
français, il permit la conquête de toute la région du Nord
qui rejoint à la rivière massacre.
Par ailleurs, le fait que Toussaint Louverture fut fondateur
de la ville de Barahona y justifia bien plus une grande affluence de Noirs
devenus Haïtiens après 1804, tout comme à bien d'autres
endroits. Cantonnée à la frontière, dans les hauteurs de
Mirebalais avant la campagne de l'Est, une branche de l'armée ayant
à sa tête Jean-Jacques Dessalines a été rejointe par
celle du Nord pour faire le siège de Santo Domingo en 1805. Cette
campagne a certainement permis l'occupation des villes frontalières de
Lascahobas, Hinche, Saint-Michel et Saint-Raphael. Il en ressort donc une sorte
de maniement et remaniement de points de limites qui bougent soit au gré
des situations de statu quo post bellum (Castor, 1988/2021) ou de tentatives de
négociations où se sont proposées en cession à
Faustin Soulouque (1847-1859), les plaines de Vega Real et Neyba7
(De Lespinasse et al., 2013). Mais l'intransigeance de l'Empereur Faustin
1er le tailla en mille pièces en voulant toute l'île
sous la domination haïtienne. Certaines villes frontalières, toutes
occupées par des Haïtiens, ont été bien obtenues par
le combat diplomatique du Président Fabre Nicolas Geffrard (1859-1867).
Mais cependant, l'indétermination des lignes a été si
perplexe que la Constitution de 1874 a admis la fixation des limites en raison
de l'occupation des habitations des Haïtiens sur l'île. Plus tard
encore, dans les négociations de 1924 et 1931, il y a lieu de relever la
revendication du droit de propriété d'Haïti sur une bande de
l'espace de Monte Cristi et la région d'Azua.
Avec l'exiguïté des plaines dans la partie
occidentale de l'île et la forte croissance démographique de la
République d'Haïti, les Haïtiens avaient l'habitude d'occuper
beaucoup de terres laissées en friche dans la zone frontalière de
la partie de l'Est pour entreprendre des activités de l'agriculture, et
également, s'y installèrent tout simplement8.
L'évolution des conditions socio-économiques en obligeaient la
plupart du temps.
8 Entre autres procédés qui ont permis
l'installation des populations dans la zone frontalière, il y a le
mouvement va-et-vient des esclaves en marronnage. Au début, les marrons
sortent de l'Est. Rappelons par exemple, la rébellion des esclaves
à Saint-Domingue en 1679 avec Padrejean qui fut esclave en fuite de la
partie espagnole. La grande plantation qui s'intensifie avec la
L'occupation des espaces territoriaux par les paysans de la
zone frontalière de la 2e Section de Lociane dans la Commune
de Thomassique suscite l'intérêt de la présente
étude sur les conditions socio-économiques dans la recherche de
compréhension des facteurs potentiels de développement de cette
zone. À telle enseigne, il revient à comprendre
l'évolution de la production des échanges économiques et
culturels dans leurs rapports systémiques qui traversent ce milieu
frontalier.
Grande fut notre curiosité intellectuelle pour orienter
notre recherche vers l'espace géographique nous permettant de comprendre
les déterminants des facteurs socio-économiques qui expliquent
l'évolution de la zone frontalière entre Haïti et la
République Dominicaine. Et particulièrement, le travail noue le
rapport de spatialité avec la frontière de la 2e
Section Lociane dans les conditions socio-économiques des paysans y
vivant tout en considérant les phénomènes sociaux qui s'y
produisaient au cours de la période allant de 2010 à 2021.
Nous sommes convaincus que la zone frontalière de la
Commune de Thomassique dispose des potentialités qui lui permettraient
d'avoir un élan de progrès en faveur de la majorité de ses
habitants. Le point culminant de ses atouts se focalise sous sa position
frontalière. La 2e Section Lociane est le point frontal sur
la frontière. Elle joue un rôle important dans les rapports des
échanges commerciaux avec la République Dominicaine. Mais nous
croyons que la 2e Section Lociane pourrait faciliter de plus vastes
avantages par d'autres types de relations concernant des points
d'échanges culturels, soit le tourisme environnemental et culturel, de
productions coopératives. Aussi l'espace frontalier peut-il accueillir
des projets de développement d'infrastructures, de création de
zones industrielles indépendantes, de gestion commune de services,
d'aménagement commun de territoire (nouvelles voies de communication,
extension du réseau de transports en commun, parcs binationaux, etc.)
À telle enseigne qu'il importe de souligner la valeur historique des
localités de Playe et de Savane Mulâtre. La première
localité fut un lieu de combat des cacos dans la résistance
contre l'occupation américaine dès le mois d'août
19159, et la seconde transpire les retranchements des éclats
épiques de champs de bataille au cours
colonie française à l'ouest provoquera la tendance
inverse. Il fut évident que ce mouvement de traversée conduisit
à des campements dans les zones de tampons entre les deux colonies (par
exemple, il y eut le campement de Noirs insurgés dans la zone de
Hinche). Depuis lors, la nécessité d'une délimitation
officielle des frontières commença bien à s'imposer. 9 La
localité de Playe dans la 2e Section Lociane de Thomassique
fut l'objet d'une confrontation entre les cacos en 1917 (mouvement armé
de paysans sous la direction de Charlemagne Péralte et Benoit
Batraville) et des troupes de marines de l'occupation américaine en
1915-1934. Cf [Gilles, Justin, « Des choses à savoir sur
la Commune de Thomassique », Loop Haiti News, publication du 13
septembre 2022, en ligne,
www.haiti.loopnews.com,
consultation au cours du mois de juin 2023.]
des campagnes de l'Est après 1844. C'est un fort
potentiel touristique qui se renferme dans la substantivité historique
des quelques rares évènements qui survinrent dans ce milieu.
Cependant, la réalité ne semble augurer de telles perspectives
à ce jour dans cette zone d'étude de l'espace frontalier
haïtiano-dominicain. Mais, malgré tout, il s'avère que les
échanges commerciaux s'intensifient continuellement dans cet axe central
qui jouit de l'avantage de la proximité géographique à la
grande région métropolitaine et par rapport au Nord, en
particulier.
Des raisons d'ordre personnel nous conviennent
également à étudier certains aspects sur Thomassique,
Commune ayant en front de l'Est, la zone frontalière de la 2e
Section Lociane. Car, il parait sincèrement d'une obligation toute
naturelle de participer à la recherche d'une explication scientifique
par rapport aux difficultés auxquelles est confrontée la
population de la 2e Section Lociane, en guise de contribution
sociale au processus de production de réflexions scientifiques. Ainsi,
des raisons du moins personnelles et intellectuelles animent-elles notre
curiosité à investiguer et explorer ce champ d'étude. La
période de onze années retenue, pour développer cette
étude est motivée dans l'optique de suivre la
régularité de certaines données autant que possible qui
puissent nous permettre de bien établir notre objectif de recherche. La
2e Section Lociane caractérise un choix
privilégié en fonction de sa situation directe sur la ligne
frontalière de la Commune de Thomassique.
Cette position de grande proximité avec la
République Dominicaine répond pour la plupart des paysans
à une logique d'opportunité économique. D'ailleurs,
celle-ci s'offrant par la facilité d'échanger de marchandises
existe depuis des lustres. En outre, il y a la mobilité de travail
à court, moyen et long terme dans l'autre partie, la proximité
familiale avec des personnes qui vivent de l'autre côté. Et, au
cas échéant, la possibilité de bénéficier
des services scolaires et de soins médicaux qui sont disponibles dans la
partie de l'Est. Des raisons d'attachement aux patrimoines justifient encore la
vie de beaucoup de paysans dans cette zone. Les paysans se résignent
tant bien que mal à cultiver de la terre comme principale
activité généralement occupée par la plupart
d'entre eux dans la 2e Section Lociane. C'est à la faveur de
bien de pareilles considérations socio-historiques qu'il convient
globalement de faire poindre les horizons du sujet de recherche sur une
explication démontrant l'importance particulière de la
frontière de la 2e Section Lociane entre autres facteurs
significatifs et déterminants dans l'évolution des conditions
socio-économiques des paysans du milieu. Ce qui revient à
caractériser une analyse profonde de la problématique du mileu et
de ses paysans dans la dimension de leurs conditions
socio-économiques.
La dynamique de construction et de production itérative
d'idées compréhensives du milieu en vue se délimite dans
les confins de la 2e Section Lociane de la Commune de Thomassique du
Haut Plateau Central comme unité spatiale de l'étude, au cours de
la période de 2010 à 2021. De là, elle recoupe
l'intérêt d'appréhender les principales
caractéristiques du niveau de développement qui y sont
susceptibles avec les données sur les conditions
socio-économiques des paysans actées dans le prisme de la gestion
accentuée sur le schéma organisationnel
décentralisé en fonction des prescriptions de la Constitution de
1987. La démarche visant à cerner la complexité de la
question des conditions socio-économiques des paysans de Lociane
saurait-elle écarter la logique d'instrumenter les rapports
d'échanges développés avec la frontière dans son
développement ?
Le développement d'Haïti, comme la plupart des
pays ex-colonisés encore sous-développés, dépend de
quelques enjeux majeurs qui sont, en général : l'accès aux
services de santé en fonction des principaux indicateurs sanitaires et
autres services de bases placés au coeur de la problématique de
développement (Mathon, 2012). De plus, il y a lieu d'interroger des
aspects qui touchent :
Les réflexions sur la problématique de
l'industrialisation par les transformations 12 technologiques ;
· Les choix sur les questions migratoires, le
renforcement institutionnel des cadres normatifs d'État : la lutte
contre la corruption, l'établissement d'un État de droit, la
concrétisation des mécanismes de décentralisation et la
garantie de la sécurité nationale.
Les discussions s'enchainent à la définition d'un
agenda sur :
· Les thématiques de l'environnement :
réduction des risques de catastrophes diverses et désastres,
arrêt et renversement de la dégradation écologique et de la
pollution ;
· La maîtrise de la stabilisation des tensions
économiques et financières à l'ère
néolibérale : la réduction de la croissance des
inégalités (la lutte contre la pauvreté) ;
· La lutte contre les trafics illégaux de toutes
sortes et la lutte contre la contrebande ;
· La gestion des espaces frontaliers, etc.
Ce sont autant de préoccupations vitales et cruciales
qui déterminent les conditions socio-économiques et politiques
des populations des pays en question. Ce, dont l'élévation du
niveau de vie de manière significative requiert, en grande partie, d'un
effort réel pour institutionnaliser un régime de gouvernance qui
permet de prendre en compte des principes fondamentaux de la défense des
intérêts généraux de la Nation13,
indépendamment du contexte social et politique d'autant bien qu'ils
soient égoïstes ou non. À cet égard, la Nation
haïtienne accuse une absence complète de vision d'État
moderne14 dans son fonctionnement.
En général, les dysfonctionnements de
l'État sont aigus : son désengagement en milieu rural rend la
situation encore plus chaotique. En ce qui concerne la réalité de
la 2e Section Lociane, nous disposons des données
récentes qui ressortent de l'observation au cours de plusieurs visites
sur les lieux en 2022. Il s'agissait de procéder directement à
des déplacements dans plusieurs localités de la Section Lociane
qui se trouve dans la Commune de Thomassique. Nous avons observé
l'état
12 À ce propos, Irma Adelman affirme que dans les pays
en développement, les transformations technologiques se font davantage
sous la forme de transferts de technologie que des Recherches et
Développement qui sont trop couteuses.
13 L'académie française, 1694,
définit la nation comme l'ensemble des habitants d'un même Etat,
d'un même pays, vivant sous les mêmes lois et utilisant le
même langage.
Http://www.universalis.fr,
consulté le 02/7/2022.
14 Le concept d'État moderne renferme un mode
d'organisation politico-administrative qui présente des capacités
étatiques et de structures institutionnelles internes de garantie de
droits dans une territorialité. Cf [Sassen Saskia. Critique de
l'État. Territoire, autorité et droits, de l'époque
médiévale à nos jours, en ligne, 14/05/2009,
https://www.contretemps.eu/wp-contents/uploads/Sassen
ch1.pdf, site visité en janvier 2024].
9
précaire des conditions de vie des habitants ou paysans
de cette zone. La lecture faite de la situation des habitants dans cette zone
frontalière interroge l'efficacité des politiques publiques qui
visent au développement de la Commune y compris celui de ses deux
Sections communales. Il s'agit de projets effectifs tendant à justifier
la mobilisation et l'affectation des fonds communaux15 (Cadet,
2014). Les courantes utilisations faites par les autorités de ces fonds
ont-elles un impact concret sur les conditions de vie de la population ? Cette
dernière est confrontée à bien des problèmes sur
tous les plans qui comptent de manière non exhaustive,
l'assèchement des rivières et cours d'eau qui présente
l'état de fait assez visible où les rivières (Lociane, Don
Diègue, Rio Hondo, Los Ratones16 et Boucan Taureau) et le
cours d'eau (Augustina) diminuent considérablement en débit. Tout
compte fait, la situation observée semble accuser des difficultés
de toutes sortes dans les facteurs de développement visant à
fournir un accès aux services relatifs à la santé, l'eau
potable, l'éducation, etc.
La considération de certains indicateurs
économiques permet d'évaluer la détérioration des
conditions socio-économiques résultant de l'incapacité de
l'État à propulser la modernisation des filières
économiques. Celles-ci se fondent surtout sur l'agriculture,
l'élevage, la commercialisation et sur la fabrication du charbon de
bois, un fléau pour la couverture végétale. Les terres
quasi désertiques deviennent moins rentables pour les cultures
traditionnelles telles que la patate douce, le maïs, le manioc, le pois
congo, etc. L'aridité des terres est une préoccupation pour les
paysans étant bien confrontés aux problèmes de
l'exploitation agricole manuelle traditionnelle sur des superficies
extrêmement réduites au fil du temps. Les difficultés de
communication ne sont pas les moindres : la plupart des routes sont tortueuses,
impraticables aux convois par camions.
Le contexte de la 2e Section Lociane de la Commune
de Thomassique accuse la complexité de la gestion territoriale qui
semble jouer un rôle prépondérant dans les conditions
socio-économiques des paysans haïtiens vivant dans cette zone
frontalière. Comme toute Section communale, Lociane est concernée
par la décentralisation qui fait l'objet des articles 61 à 87 de
la Constitution de 1987. Par exemple, l'article 66 fait injonction aux
autorités de l'État de permettre aux collectivités
territoriales de jouir de l'autonomie nécessaire à leur
développement.
15 Depuis l'exercice 2012-2013,
le budget national a prévu un décaissement de 10 millions de
gourdes disponibles pour chacune des 142 communes du pays. Le montant sert
à financer des projets qui concernent leur développement
socio-économique.
16 Les rivières de la zone sont
dénommées en espagnol. Loratoun en créole tire sa
traduction du mot espagnol Los Ratones.
10
Mais en réalité, il y a une centralisation
à outrance dont souffrent toutes les Sections communales accentuant de
surcroît une situation de disparité entre les localités.
Entre autres conséquences de ce fait, sans de véritables
réseaux d'organisation communautaire, les paysans de Lociane sont
empêtrés dans une dynamique d'échange commercial avec la
République Dominicaine qui est tout à fait défavorable
à leur encontre et tendant à les entrainer dans une
dépendance accrue. Cette situation est exploitée pour
caractériser une position hégémonique - tant
supputée par le système néo-colonialiste et
impérialiste raciste de l'Occident - de la République Dominicaine
sur Haïti. Ces problèmes observés sur le terrain,
constituent l'objet de la présente étude. Des nombreuses
questions qui pourraient susciter les débats, retenons quelques-unes
dont : comment les collectivités territoriales appréhendent-elles
la question de la décentralisation ? Comment pouvons-nous comprendre les
réticences de l'État haïtien à concéder
l'autonomie pleine et entière des collectivités territoriales qui
doivent planifier et implémenter leur développement ? Quelles
sont les causes fondamentales expliquant ou conditionnant la
détérioration des conditions socio-économiques des paysans
haïtiens des zones frontalières en général, et ceux
de la 2e Section Lociane en particulier ? Quelle relation peut-elle
exister entre gestion de l'espace territorial et les conditions
socio-économiques des paysans ? Quel peut être
l'intérêt à tirer d'une gestion plus efficace de ces zones
frontalières pour l'amélioration des conditions
socio-économiques des paysans y vivant ?
Ainsi, une revue de littérature et les informations
tirées des données recueillies sur le terrain de la recherche
s'avèrent-elles nécessaires à la clarification des
questions posées. Entre-temps, nous prenons soin de préciser le
champ de notre d'étude en formulant des questions comme : quels sont les
facteurs qui déterminent les conditions socio-économiques des
paysans haïtiens de la zone frontalière de la 2e Section
Lociane? En quoi le processus de décentralisation consiste-t-il à
fournir des facteurs de gestion constituant un modèle autre que celui
qui est en vigueur dans l'espace territorial de cette zone frontalière ?
Quel peut être l'apport de la décentralisation par rapport
à la dynamique d'accentuation des politiques publiques visant à
affecter ou impacter les conditions socio-économiques des paysans de la
2e Section Lociane de la Commune de Thomassique ? En quoi le levier
déterminant des conditions socio-économiques des paysans de
Lociane constitue-t-il un facteur corollaire de l'intervention de
l'État, des autorités de la collectivité territoriale dans
le prisme de la décentralisation, des rapports d'échanges sur la
frontière et des différentes formes d'organisation
développées pour défendre les intérêts locaux
?
11
Quels sont les facteurs de relation des groupes sociaux
internes et des relations internationales qui s'emploient-ils à affecter
les conditions socio-économiques des paysans de la zone
frontalière de la 2e Section Lociane de Thomassique ?
2.1.-Question de recherche
Toutes ces questions peuvent être
résumées comme il suit : en quoi consistent-elles
l'évaluation et la compréhension de l'impact de la
frontière de la 2e Section Lociane sur les conditions
socio-économiques des paysans dans la dynamique politique de la
décentralisation et l'évolution des structures d'organisation du
milieu pour un développement local ?
2.2.-Hypothèses
L'implantation de la décentralisation dans la
frontière de la 2e Section Lociane entraine la gestion
territoriale pénétrant une nouvelle dynamique de participation de
ses paysans dans la production de développement local tout en
intégrant les agents de la collectivité territoriale et les
structures d'organisation dans la défense des intérêts
locaux pour améliorer les conditions socio-économiques.
D'où découle une autre qui enjoint la
volonté politique de l'État pour le processus de la
décentralisation de la frontière de la 2e Section
Lociane comme clé de réussite en complément de la gestion
des ressources de tous ordres qui doivent être mobilisées dans la
définition de politiques publiques affectant les conditions
socio-économiques dans cette spatialité spécifique.
3.-Principaux objectifs de l'étude
3.1.-Objectif général
Comprendre l'évolution des facteurs
déterminants des conditions socio-économiques des paysans de
Lociane dans les rapports systémiques établis à ce niveau
sur la ligne frontière entre Haïti et la République
Dominicaine.
3.2.-Objectifs spécifiques
Comprendre la forme de relation développée
entre les autorités de la collectivité territoriale et les
paysans de Lociane dans la dynamique de recherche de participation.
Montrer l'enjeu de la géopolitique dans les rapports
d'échanges au niveau de la frontière de la 2e Section Lociane.
12
Relever les traits caractéristiques de la vie
organisationnelle des paysans dans la 2e Section Lociane.
Évaluer certains indicateurs sur les conditions
socio-économiques des paysans de Lociane.
Dans le but de mieux organiser les données de cette
recherche, nous avons jugé utile de retenir un certain nombre
d'indicateurs pour la vérification des concepts de l'hypothèse.
Ces indicateurs permettent de construire les variables à vérifier
ou de mieux opérationnaliser les concepts.
La méthode mixte de recherche exploratoire et
descriptive nous permet de saisir les dimensions qui définissent et
opérationnalisent des variables de l'hypothèse
multi-variée caractérisant ce travail. C'est ainsi que
l'hypothèse première comporte la variable indépendante de
l'implantation de la décentralisation avec la participation des forces
vives dans le développement local. La variable dépendante
comprend l'amélioration des conditions socio-économiques des
paysans de Lociane. La variable intermédiaire ressort de
l'intégration des agents de la collectivité territoriale et des
structures d'organisation dans la défense des intérêts
locaux.
Aussi, la seconde hypothèse contient-elle la variable
indépendante de la volonté politique de l'État dans le
processus de la décentralisation de la frontière de la
2e Section Lociane. La variable intermédiaire se dresse dans
la gestion des ressources de divers ordres qui doivent être
mobilisées dans la définition de politiques publiques.
Ces différentes variables comportent des concepts qui
vont essentiellement caracteriser l'outillage de cette étude de
recherche. Pour l'élaboration de ces outils, un certain nombre
d'indicateurs ont été d'abord sélectionnés, puis
traduits sous forme de questions. Les principales questions de l'argumentation
portent sur les constructions des variables suivantes :
? Compréhension des acteurs locaux de la CT de la
2e Section Lociane du processus de la décentralisation.
? Niveau d'adaptation des paysans de Lociane aux rapports
d'échanges dans la frontière de la 2e Section
Lociane.
? Participation des paysans de Lociane aux structures
d'organisation en vue défendre les intérêts locaux.
? Importance de la gestion territoriale dans la production de
développement local dans la 2e Section Lociane.
13
4.-Structuration de l'étude
La présente étude comporte cinq (5) chapitres.
Le premier chapitre, présenté sous le nom de Cadre
conceptuel et méthodologie de la recherche, contient la
documentation qui nous permet de définir les concepts et de faire choix
des méthodes ou des outils méthodologiques adaptés
à l'étude et renferme la revue de la littérature tout en
démontrant des points justificatifs. Le deuxième chapitre,
intitulé Lociane et conditions socio-économiques des
paysans, comporte la dimension caractérisée sur la
géolocalisation de la spatialité de l'étude tout en
présentant le contexte de l'observation de terrain qui permet de
déceler les différents facteurs agissant dans la
détermination des conditions socio-économiques des paysans. Il
établit également l'enjeu du développement local avec la
participation de l'acteur paysan. Ce qui prouve le degré d'engagement du
paysan dans la lutte pour son émancipation socio-économique. Le
troisième chapitre, intitulé Gestion de la
frontière Haïti-République Dominicaine, entend
démontrer la complexité de la notion de frontière et la
particularité socio-historique de la frontière
haïtiano-dominicaine et présente les enjeux de la
délimitation de la ligne frontalière entre les deux États.
Le quatrième chapitre, dénommé
Décentralisation et organisation des collectivités
territoriales, embrasse succinctement la question de la
décentralisation de l'État et détermine le rôle
prépondérant qu'il joue dans la mise en oeuvre de la
décentralisation à côté d'autres acteurs. Enfin, le
cinquième chapitre, présenté sous le titre de
Résultat de l'étude, se déroule
autour de la démonstration des résultats
interprétés après l'analyse des données pour en
dégager une étude scrutée sur une réalité
concrète des informations vérifiables. Ces dernières
permettent de saisir la situation globale de la population-cible qui
éprouve des contraintes majeures dans son développement. Les
considérations objectives sur les données significatives
suscitent toutes sortes d'intérêts pour des études de
recherche scientifique.
14
Chapitre I. Cadre conceptuel et méthodologie de la
recherche 1.1.-Cadre théorique et conceptuel
En Haïti, la concrétisation des mécanismes
de la décentralisation de l'État est toujours
considérée comme une opportunité pour les
collectivités territoriales. Elle consiste à favoriser
l'intervention croissante et consistante des collectivités territoriales
dans la définition de politiques publiques de gestion spécifique
de leurs régions pour déterminer la production nécessaire
de développement local qui puisse conduire à
l'amélioration des conditions socio-économiques des populations
concernées. La collectivité territoriale de Thomassique devrait
être en mesure de partager des responsabilités qui favoriseraient
son développement et surtout tirer profit de sa position
frontalière. La responsabilité des autorités locales
s'avère nécessaire au développement local. Les structures
sociales, mentales, politiques, économiques sont importantes dans la
prise en compte de politique publique. Ce qui implique donc d'ouvrir tout
l'espace de réflexion à accueillir la participation des paysans
concernés dans l'implantation du modèle de développement
dans leur communauté en tenant compte des efforts associatifs
déjà germés un peu partout dans les localités de la
2e Section Lociane en dehors même de toute
représentativité significative de l'État.
La recherche sur les conditions socio-économiques des
paysans de la 2e Section Lociane de la Commune frontalière de
Thomassique introduit implicitement le concept de frontière à
côté d'autres qu'ils s'avèrent nécessaire de
considérer en ampleur pour pouvoir saisir toute la dimension de cette
étude. Il s'agit bien d'une obligation cruciale de préciser le
champ d'orientation conceptuelle qui permet de chevaucher sur deux courants
partageant la conception des conditions socio-économiques dans cette
recherche. Premièrement, elles renferment des considérations sur
le développement économique, des salaires dans le marché
du travail, le prix des marchandises, le capital, l'état des transports,
la diffusion des medias, etc. Et, deuxièmement, elles sont
perçues dans l'optique d'un certain nombre de facteurs de
bien-être qui sont entre autres une alimentation suffisante, de l'eau
potable, un abri sûr, de bonnes conditions sociales et un milieu
environnemental et social apte à maîtriser les maladies
infectieuses (Yonkeu et al., 2003). Ce second aspect concentre des facteurs
d'intérêt pour la présente étude. Des facteurs qui
articulent des composantes de développement économique,
renfermant des éléments nécessaires à la croissance
économique. Par croissance économique, nous entendons, selon
Perkins et al. (2014, p. 29), une élévation du revenu par
habitant, ainsi que de la production de biens et de services.
15
D'après eux, le développement économique
contient davantage d'implications, et, en particulier, des améliorations
de la santé, de l'éducation et d'autres aspects du
bien-être humain. Il importe d'assurer une augmentation de
l'espérance de vie, la réduction de mortalité infantile et
l'accroissement des taux d'alphabétisation qu'autant d'élever le
revenu per capita pour combler certains paliers substantiels du
développement.
Par développement, nous entendons l'ensemble des
transformations techniques, sociales, territoriales, démographiques et
culturelles accompagnant la croissance de la production. Un défi de la
société haïtienne tient à concevoir un
développement qui puisse inclure le milieu paysan.
La notion de paysan17 est abordée dans le
sens de la déclaration adoptée en décembre 2018 par les
Nations Unies sur les droits des paysans. Ceux-ci sont considérés
comme des personnes18 se consacrant individuellement ou
collectivement aux activités de production agricole (culture,
élevage, etc.). Il importe aussi de voir l'aspect symbolique de sa
fonction. Ce qui comporte aussi les intérêts de cette classe
sociale19 évoluant en marge d'influence des sphères
centrales de direction des affaires politiques, économiques et sociales.
Ce qui a donc interpellé l'importance de la décentralisation
étant entendue comme le partage, l'octroi, le transfert de
responsabilité et de pouvoir que l'État unitaire
centralisé consent de manière dévolutive ou subsidiaire
aux collectivités territoriales qui s'engagent à gérer en
toute autonomie leurs propres ressources en vue de mener des actions de
développement économique pour leurs populations. Une telle
dynamique peut favoriser le potentiel catalytique du développement
local. Le développement local 20 est une dynamique
économique et sociale, concertée et impulsée par des
acteurs individuels et collectifs -- collectivités locales, acteurs
économiques, organisations de la société civile, services
de
17 En 2018, l'Organisation des Nations unies (ONU)
déclare que si les paysans sont à la base de l'alimentation des
humains, ils rencontrent souvent des problèmes quant à leurs
droits, par exemple à cause de politiques ou de relations
économiques qui sont en leur défaveur. Paysan --
Wikipédia (
wikipedia.org)
18 La Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de
l'homme, Michelle Bachelet, a aussi rappelé que les paysans et les
autres personnes travaillant en zone rurale contribuent à
préserver la culture, l'environnement, les moyens de se nourrir et de
vivre et les traditions des humains, et qu'il faut donc en tenir compte dans le
cadre de l'Agenda 2030 pour le développement durable.
19 La notion de classe sociale renvoie au groupe social de
grande dimension pris dans une hiérarchie de fait et non de droit.
20 Le développement local fait l'objet de
définitions nombreuses et variées. Pour Mengin (1989) le
développement local constitue pour une communauté la
faculté de relocaliser son développement en s'appuyant sur les
caractéristiques de son espace : richesses naturelles, humaines,
spécificité de l'espace, organisation sociale propre et tradition
culturelle ; Selon Bernard Vachon (cité dans Dorvilier, 2011), il est
une stratégie qui vise, par des mécanismes de partenariat
à créer un environnement propice aux initiatives locales,
à s'adapter aux nouvelles règles du jeu de la croissance
macro-économique, à travers d'autres formes de
développement qui, par des modes d'organisation et de production
inédits, intègreront des préoccupations d'ordre social,
culturel et environnemental parmi des considérations purement
économiques ; De l'avis de Diane-Gabrielle Tremblay et Jean-Marc Fontan,
aussi cités par Dorvilier(2011), le développement local constitue
un processus global, une stratégie intégrée dont
l'objectif est de promouvoir une autre manière de penser et de faire
inclusivement les lieux de vie et mettant l'accent sur les notions de
solidarité et de citoyenneté .» (p. 15).
16
proximité et administrations
déconcentrées de l'État, etc. -- sur un territoire
donné21. À tel égard, Azoulay (2002, p.
27)22 estime que « l'état des conditions
matérielles d'existence d'une population constitue un niveau de
développement parallèlement à l'amélioration de ses
conditions matérielles qui sont un préalable au processus du
développement ». C'est ainsi qu'il parait intelligent de
considérer l'aspect de développement local dans un espace
frontalier sous le même angle qu'un espace métropolitain. La
spatialité de la 2e Section Lociane, dans sa
prépondérance frontalière entre Haïti et la
République Dominicaine, constitue une base solide d'appropriation de
l'influx nerveux du cadre conceptuel sur la notion de frontière dont la
revue de la littérature de la recherche rôde essentiellement tout
autour de son champ.
1.2.-Revue de littérature
Depuis toujours, la frontière suscite beaucoup
d'intérêts dans ses différents aspects. La frontière
haïtiano-dominicaine n'en fait pas exception. La corrélation
existant entre l'évolution de la conscience sociale et les ambitions de
développement des conditions socio-économiques des peuples des
deux Républiques ressort de la saisine de la file historique qui
confectionne les actions des hommes politiques dans l'espace et le temps.
Ainsi avons-nous recensé, pour la plupart, quelques
textes récents d'étude traitant de la question du
développement de la frontière entre Haïti et la
République Dominicaine qui renferme notre intérêt
particulier. Nous en abordons certaines approches théoriques de
plusieurs auteurs dans les lignes suivantes :
Selon Diamond (2006), il y a une histoire qui démarre
avec l'arrivée des Européens sur l'île baptisée
Hispaniola, toute couverte de forêt. L'exploitation colonialiste et
esclavagiste qui s'ensuivait au cours des siècles23
accouchera deux peuples dont les différences recoupent :
l'environnement, l'économie et une frontière. Il souligne que
l'exploitation à outrance qui se produisait du sol de la tiers partie
ouest de l'île et le déboisement provoqué par le
colonialisme
21 Voir le site d'internet IRAM
(Institut de Recherches et d'Applications des Méthodes de
développement). France. URL :
Https://www.iram-fe.org>développement-local-et-décentralisation,
page consultée le 6/7/22.
22 Azoulay, G. Les théories du
développement. Du rattrapage des retards à l'explosion des
inégalités, France, Presses Universitaires de Rennes,
2002.
23 Diamond, J., dans son ouvrage intitulé
Effondrement. Comment les sociétés décident de leur
disparition ou de leur survie, expose les effets désastreux du
système colonialiste et esclavagiste, au cours des trois siècles
successifs à partir du XVIe jusqu'au XVIIIe, des Européens sur la
destinée des peuples de l'île Hispaniola dans une division
territoriale imposée sans l'avis des individus du terroir et d'autres
considérations d'aucunes sortes d'eux.
17
entrainera un déséquilibre se créant en
défaveur de celle-ci devenue Haïti qui connaitra, au final, un plus
fort taux de croissance démographique résultant
spécifiquement de l'établissement accru des masses d'esclaves.
Dilla Alfonso (2008, pp. 89-110), dans son texte sur la
question du développement de la frontière
dominico-haïtienne24, défend le point de vue que le
développement de la frontière dominico-haïtienne
dépend de quatre aspects :
1) perspective de développement local comme processus
d'activation économique, vu des opportunités locales par rapport
à la frontière en termes de ressource ; 2) investissement social
en vue d'augmenter le capital humain dans la frontière ; 3) vision et
programmation transfrontalières par des accords politiques et
commerciaux, etc. ; 4) règlement d'un cadre juridique institutionnel
révisé.
En général, la frontière est
génératrice d'échanges culturels qui permettent de
nouvelles perspectives de développement socio-économique des
communautés impliquées. Cela n'opère pas pour autant un
changement systématique dans le coût socio-culturel qu'implique le
regard différent fait, du contexte historique et politique de la
frontière, par les deux peuples. La frontière devient un
processus marqué par l'asymétrie, la discontinuité
spatiale et fragmentation systémique. À la croisée des
deux sociétés si inégales, dans la concurrence de
marché, sans contrepoids publics et sociaux, il en résulte donc
un échange inégal qui - marqué par le commerce de biens,
la migration de main-d'oeuvre et les processus naissant d'investissement -
prend place à la frontière tout en mettant en évidence la
vulnérabilité haïtienne. Il subsiste une situation qui
génère une restructuration spatiale à régions et
couloirs transfrontaliers inégaux dans leurs niveaux de
développement et leurs rôles fonctionnels qui affectent gravement
les composantes du système transfrontalier (économie, relations
sociales, légalité, idéologie, etc.). Fragmentation qui
s'explique dans le retard juridico-politique par rapport aux évolutions
dans les sociétés. La frontière connait une dynamique
démographique variée au travers des deux côtés de
l'île. Et, les populations entretiennent des échanges commerciaux
qui constituent la principale ressource économique. Mais, ces
considérations du moins encourageantes dans les relations entre les deux
économies de l'île ne vont pas anéantir le poids des
facteurs idéologiques qui conduisent les mécanismes
d'exploitation des travailleurs haïtiens en République Dominicaine.
Tout ce dont il
24 Dilla Alfonso, H., « La question du
développement de la frontière dominico-haïtienne »
in Les défis du développement insulaire.
Développement durable, migrations et droits humains dans les relations
dominico-haitiennes au XXIe siècle, Wilfido Lozano et Bridget
Wooding (sous la dir de), 2008, Editions Editora Buho, Rép.
Dom.
18
faut recadrer par concertation binationale en touchant des
questions telles que : la migration, le commerce, l'usage des ressources
naturelles partagées (en particulier l'eau).
Dilla Alfonso (ibid.), précise plus loin dans
ce texte, - avec un oeil optimiste sur les bonnes relations entre les deux
Républiques -, qu'on peut profiter des multiples opportunités que
génère l'interaction transfrontalière pour bâtir des
solides liens de coopération en parallèle au développement
local.
Entre autres, des articles de presses et des articles
scientifiques de certains auteurs, qui nous sont parvenus sous les mains
jusqu'à présent fournissent une documentation assez
enrichissante, notamment le travail académique de Mathon (2012)
présente l'intérêt d'une ressource extrêmement
notable sur le sujet crucial de l'accès aux services de base en
santé dans les Communes respectives de Hinche et de Thomassique.
Théodat (2020, p. 81), dans son papier
dénommé la frontière haitiano-dominicaine : une île
dans l'île, s'attarde sur une démonstration d'expressions
distinctives25 de deux identités historiquement
conflictuelles qui rejoignent un pont en la valeur de la région
frontalière pour faciliter des échanges sur tous les plans :
social, commercial, culturel, etc. L'adresse politique des gouvernements
dominicains leur a conduit à saisir les voies d'orientations
économiques assez substantielles qui déterminent leur position
dynamique à prendre avantage de producteur-vendeur sur l'île
où Haïti est simplement client-consommateur. Les échanges
entre les deux parties sont une base historique depuis la période
coloniale qui soude les mailles de la chaine de
population-frontière-échanges à travers tous les
points de passage. Les règlements politico-administratifs ne sont que
procédure subsidiaire d'une réalité propre à la
nature des deux peuples qui se complémentent. Ainsi, la migration se
pratique en dépit de tout, les marchés binationaux fonctionnent,
les échanges continuent au profit de la partie de l'Est et
l'Haïtien s'accommode à la réalité.
Aussi Théodat (ibid.) poursuit-il, la
conjonction du fait des dispositions de circulation via Carrizal et la
construction d'un nouveau marché dominicain vis-à-vis de la
Commune haïtienne de Belladère, fait accroître l'importance
de cette ville dans le commerce transfrontalier. Aussi, deux fois par semaine,
des marchés fonctionnent-ils à Tilori, Los Cacaos, Las Matas de
Farfán, Hato
25 Théodat, J-M., « La frontière
haitiano-dominicaine: une île dans l'île » in La
négation du droit à la nationalité en République
dominicaine. La situation d'apatridie des dominicains et dominicaines
d'ascendance haïtienne, Denis Watson (sous la dir.), Editions de
l'Université d'Etat d'Haïti, Port-au-Prince, Haïti, 2020.
19
Viejo, Banica, etc. Des relations sociales interagissent en
plus des échanges commerciaux entre les acteurs des deux pays.
Cependant, en raison des avantages structuraux dont dispose la
République Dominicaine, elle fournit d'autres biens et services à
la plupart des femmes constituant le noyau névralgique des
commerçants transfrontaliers. En somme, les Dominicains profitent de
l'acquisition des marchandises ou biens produits en Haïti à vil
prix, à défaut, du côté haïtien, de conditions
adéquates de stockage et de moyens de transport. Enfin, de plus en plus,
les habitants de Belladère dépendent des infrastructures sociales
de la République Dominicaine.
Un article du journal en ligne Alter Presse 26 en
date du 3 octobre 2012, a fait état d'une rencontre que les
autorités des municipalités des Communes respectives de la
région frontalière du haut plateau, ont eue avec leurs homologues
dominicains des municipalités de Pedro Santana, de Elias Pina, de las
Matas de Farfán. La partie dominicaine en a profité pour
dénoncer la légèreté dont font montre les
autorités locales haïtiennes en matière de gestion de
frontière, le vol de bétail qui fait rage, l'immigration
clandestine, le commerce illicite et la protection des droits fondamentaux des
personnes menant des activités commerciales le long de la
frontière. Du côté haïtien, soutient cet article
d'Alter Presse, certains habitants de la zone frontalière qualifient
d'humiliante cette réalité de deux poids et deux mesures,
à partir de laquelle les Dominicains se déplacent librement,
à l'heure voulue, pour se procurer de la pintade ou autre produit
haïtien, tandis que les nationaux font toujours face à des
restrictions.
Aussi, ce même article s'enchaine-t-il, des habitants
des zones frontalières du Plateau central se plaignent des avantages des
termes des échanges commerciaux qui vont aux Dominicains se constituant
en véritable fournisseur du marché haïtien des
matériaux de construction, une grande variété de produits
alimentaires. En contrepartie, les Haïtiens leur vendent principalement du
tamarin, du pois congo27 et de la pintade.
Depuis le début de l'année 2016, des Communes
frontalières telles que « Ouanaminthe, Belladère,
Anse-à-Pitres, Savanette, Fonds-Verettes et Thomassique sont
confrontées à des problèmes de sécheresse qui
plongent leurs populations dans la famine. » Suivant (Alter Presse,
2016)28.
26 Odatte, R., « Plateau Central-
Problématiques frontalières : Les municipalités
dominicaines et haïtiennes en quête de solutions »,
[AlterPresse] | [en ligne], publié le 3 oct. 2012, Url :
https://alterpresse.org,
(page consultée le 08/04/2022).
27 Cette expression désigne un haricot
commun des variétés typiques d'haricots en Haïti.
28 Odatte, R., « Haïti : Des communes
frontalières frappées par la sécheresse spécial
», [AlterPresse] | [en ligne], publié le 29/03/2016, Url :
https://alterpresse.org,
(page consultée le 08/04/2022).
20
Un long discours s'étire sur la thématique de la
frontière entre Haïti et la République Dominicaine par la
contribution de plusieurs écrivains, notamment avec l'un des papiers de
Théodat (2007) ayant abordé la différence des deux
territoires29 qui s'étaient pourtant soumis à une
trajectoire historique en partie similaire. Son idée aiguise la
compréhension sur l'importance de l'orientation des politiques
économiques dans le processus de développement d'un pays. Mathon
(2012), dans le fond de son travail sur l'accès aux services de
santé de base dans deux Communes du Haut Plateau central : Hinche et
Thomassique, a réalisé le diagnostic de la distribution spatiale
des services de santé qui renferme le besoin d'améliorer :
l'accessibilité géographique aux équipements (centre de
santé fonctionnel) et le réseau routier sur
l'accessibilité spatiale. Dans un texte assez convaincant, Bobea (2008)
propose une analyse sur la sécurité
frontalière30 qui s'inscrit dans une dimension
interdépendante et régionale dans une démarche
concertée pour endiguer l'effet de débordement
générant l'instabilité sociale et politique, narcotrafic,
armes, trafic humain. Cette situation sécuritaire caribéenne
résulte de la répercussion de plusieurs schémas
contextuels : le niveau international de l'atmosphère post 11 septembre
2001. Elle caractérise le nouveau rapport des États-Unis
d'Amérique avec la région des caraïbes, la perspective
intra-caribéenne qui renvoie à une révision des forces de
sécurité des États caribéens pour affronter la
criminalité organisée dans l'espace caribéen avec
l'état délétère de la sécurité
nationale d'État caribéen. Cette situation interpelle l'action
d'appropriation par d'autres États pour concourir à la
défaillance sécuritaire nationale. Enfin, elle redoute toute
confrontation entre l'État de droit et des pratiques de gouvernance qui
s'apparentent à l'État délinquant dans l'optique de
conservation de pouvoir. D'autres écrivains dominicains, Lozano et
Wooding (2008, p. 11)31 ont fait état d'une
détérioration du niveau de vie des populations qui habitent la
région frontalière des deux côtés de la
frontière dominicano-haïtienne. La question reste à
comprendre les causes d'une telle situation de détérioration des
conditions de vie au niveau de la frontière entre Haïti et la
République Dominicaine?
29 Théodat, J-M., « Les localités
d'Aménagement Concerté. L'exemple de la Mésopotamie
banicéenne», EchoGéo [en ligne], 2 | 2007, mis en ligne le
25 janvier 2010, URL :
http://journals.openedition.org/echogeo/1350;
DOI :
https://doi.org/10.4000/echogeo.1350,
consulté le 01 août 2021.
30 Bobea, L., « Insécurité insulaire
vis-à-vis sécurité régionale » in Les
défis du développement insulaire : Développement durable,
migrations et droits humains dans les relations dominicano-haitiennes au XXIe
Siècle, Wilfido Lozano et Bridget Wooding (sous la dir de), 2008,
Editions Editora Buho, Rép Dom.
31Lozano, W. et Wooding, B., (sous la dir. de),
Les défis du développement insulaire : Développement
durable, migrations et droits humains dans les relations dominicano-haitiennes
au XXIe Siècle, Rép. Dom., Editora Buho, 2008.
21
Lozano et Wooding (ibid.) ont, par ailleurs, mis en
exergue des réflexions sur le processus d'articulation de schémas
nouveaux de libre-échange et d'ouverture économique qui comprend
les questions d'assurer des agendas liés à des thèmes
urgents requérant des actions coordonnées entre Haïti et la
République Dominicaine sur le thème de l'environnement et de la
gestion des risques, en particulier des réserves d'eau des deux pays.
En passant en revue quelques documents qui ont
été jusqu'ici disponibles sur la question, nous remarquons un
manque de données précises fournissant des explications assez
rigoureuses sur des causes qui justifient pourquoi les conditions
économiques des populations des régions frontalières des
Communes respectives haïtiennes ont connu de tels désavantages par
rapport à l'importance de la frontière. Tandis qu'il y a une
augmentation croissante du volume des échanges qui se réalisent
entre les classes d'affaires respectives d'Haïti et la République
Dominicaine. Et enfin, qu'est-ce qu'il est urgent de faire en vue d'en proposer
des pistes de solution pour cette situation ? Aussi ne rencontrons-nous pas
encore une étude qui cherche spécifiquement à expliquer
une telle situation de détérioration du niveau de vie de la
population qui habite la région frontalière des deux
côtés. Ce qui nous permettrait d'avoir plus d'éclairage sur
la question. Bien évidemment, cette étude sur la zone
frontalière haïtiano-dominicaine est circonscrite dans la Commune
de Thomassique du Haut plateau central, et plus particulièrement dans la
2e Section Lociane dont la démarche consiste à
fouiller les données sur les conditions socio-économiques des
paysans qui y vivent en nous étendant sur la période allant de
2010 à 2021. Par ailleurs, nous n'avons pas trouvé de politiques
publiques32 qui s'articulent autour de la spécificité
de la zone frontalière, malgré le fait qu'il existe des organes
qui sont créés dans cette optique. Par exemple, le fonds de
développement frontalier fonctionnant sous la tutelle du MEF. En cela,
il y a une nécessité d'accorder une gestion spécifique des
Communes respectives de la frontière qui, même si elles sont
rurales pour Haïti, sont placées sur une porte internationale avec
la République Dominicaine. Cela traduit une interface économique
traditionnelle rurale s'ouvrant sur une dynamique commerciale internationale et
présentant bien plus d'intérêts à capitaliser (en
termes de gestion et de contrôle) que le délaissement pur et
simple qui s'y fait maintenant. Peut-être, était-ce une
préoccupation qui s'apparentait au projet du Président
Dumarsais33 Estimé dans la construction
32 Les politiques publiques désignent un ensemble de
dispositions légales, techniques, financières que le secteur
public met en place pour résoudre des problèmes dans un secteur
donné. Elles caracterisent la prépondérance de la
gouvernementalisation qui, dans le sens de Michel Foucault, institue un
rôle déterminant du gouvernement dans le service donné
à la population tout en implémentant son emprise sur elle.
33 Le président Dumarsais Estimé a gouverné
le pays au cours de la période allant du 16 août 1946 au 10 mai
1950.
22
moderne34 de la ville frontalière de
Belladère en 1948 (Nelson, 2018), bien que cette ville fût
fondée35 en 1910. En quoi cette intervention de l'État
peut-elle présupposer la détermination de ses prérogatives
spécifiques dans la politique publique de développement local et
frontalier ? À propos du concept de développement, il est
sous-entendu dans la finalité du sujet à traiter comme
aboutissant de toute action de politique publique.
1.3.-Méthodologie de recherche
Les approches méthodologiques caractérisent
l'orientation des réflexions qui sont produites dans l'application des
concepts de l'hypothèse multi-variée formulée pour la
réalisation de ce travail de recherche. Il faut remarquer que les normes
élémentaires de la pédagogie canadienne ont
été appliquées pour le codage bibliographique et dans le
corps du document de recherche. Ces règles fournissent une
méthode de rédaction dans le domaine des sciences sociales
(Dionne, 2008). Ces éléments de méthodologie fournissent
un cadre indispensable à l'élaboration des travaux scientifiques
(Toussaint, 2017, p. 62). La méthode est enjointe à conduire
l'ensemble des procédures qui aboutissent à la finalité
des résultats déterminés dans le cadre de la recherche.
Elle fait recours à la méthode de recherche
exploratoire et descriptive privilégiant à la fois l'approche
qualitative et quantitative, dite recherche par méthodes mixtes. Le
choix est fait sur la conception à systèmes embarqués en
vue de disposer des données qualitatives et quantitatives en même
temps. L'emprunt de la ligne directrice de l'essence théorique permet de
rapprocher à l'esprit scientifique. Une tournée est faite vers
Gingras et Côté (2009, p. 110) qui considèrent que la
théorie crée la capacité d'imaginer des explications pour
tout phénomène social. La théorie est à la base des
hypothèses et des concepts. Elle reprend la stimulation à poser
de nouvelles questions qui visent à enrichir le savoir. Plusieurs
approches sont donc abordées pour essayer d'apprécier les
différentes thématiques de la recherche. Ainsi, la question de la
frontière Haïti-République Dominicaine est-elle d'abord
abordée dans le vaste champ doctrinaire de structuralisme36.
Ensuite,
34 Nelson, G., (Un documentaire pour les 70 ans de
Belladère), Le nouvelliste | [en ligne] publication du 12 octobre
2018|url :www.lenouvelliste.com, page consultée le 12/09/2022.
35 Ces informations sont fournies sur le site internet
www.fenamh.org.ht/belladere,
site consulté le 12/09/2022.
36 Le structuralisme est la méthode
d'analyse qui tend à détecter des relations constantes à
travers un ensemble d'éléments qui sont variables. Il revêt
une forme atemporelle. Il consiste à déceler l'ordre
présent derrière les faits et leurs variations. La mise en
évidence de relations constantes malgré la modification pousse
à établir l'existence pertinente de la structure. Cf [Juignet
Patrick, « structuralisme et sciences humaines » |en ligne,
publication mise à jour 11/02/2023|
http://www.philosciences.com,
page consultée le 29/05/2023]
23
c'est l'approche d'analyse fonctionnaliste37 que
nous tentons de privilégier dans la compréhension des
mécanismes sociaux du paysan dans la société
haïtienne, en considérant les finalités des conditions
d'évolution des paysans de la 2e Section Lociane. Et puis,
pour la notion de l'espace territorial des localités dans le processus
de la décentralisation dans la 2e Section Lociane, il est
question de procéder par considération d'étude de
cas38 dans une démarche inductive.
D'après Robert K. Yin (cité dans Sballil, 2015,
p. 70), un phénomène contemporain suivant un contexte réel
peut être décortiqué par une recherche empirique,
étant une étude de cas à partir des frontières
où se cache une réalité entre le phénomène
et le contexte, mais que de ressources empiriques multiples puissent y
être mobilisées. De poursuivre, Alex Mucchielli (cité dans
Sballil, 2015, p.70) estime que la recherche empirique consiste à
décrire une situation réelle dans son contexte et à
l'analyser pour en faire ressortir les phénomènes suivant
l'intérêt du chercheur. L'étude de cas gagne en importance
en observant directement dans le contexte la réalité des
personnes et de recueillir les données. Cette approche s'applique
à l'induction que Chevrier (2009) considère comme une
réalité en quête d'une théorie, donc inductive et
générative.
Dans cette étude de cas, portée à
décrire la qualité dans la dimension d'analyse sur les conditions
socio-économiques des paysans dans la zone frontalière de la
deuxième Section Lociane de Thomassique, il est entendu
nécessaire d'adopter une approche interpretative dont la nature se
révèle heuristique39, descriptive40,
particulariste41 et inductive. En fonction de l'étude de cas,
il peut se présenter une approche s'inscrivant dans une perspective
interprétative et visant à la compréhension, la
découverte et la description du phénomène
étudié. Ce qui permet de faciliter l'émergence de
nouvelles interactions, de nouvelles variables et peut mener à
redéfinir le phénomène en fonction du raisonnement du
chercheur qui se base sur l'observation des faits. Le
37 Le fonctionnalisme est pris dans le sens absolu tel que
prôné par Bronislaw Malinowsky et Radcliffe Brown pour camper une
analyse fonctionnelle qui tient compte de la fonction vitale que remplissent
les idées, les objets matériels, les coutumes et les croyances
dans l'ensemble systémique de la société. Chacune de ces
entités représente une partie indispensable d'une totalité
organique. Cf [Delas, Jean-Pierre, Mily, Bruno, « Les fonctionnalismes
» in Histoire des pensées sociologiques |en ligne, publication du
9/3/2016|
https://doi.org/10.3917/arco.delas.2015.01.0293].
38 L'étude de cas est une approche de
recherche empirique consistant à enquêter sur un
phénomène, un groupe d'individus, sélectionnés de
façon non aléatoire, afin d'en tirer une description
précise et une interprétation qui dépasse ses bornes. Cf
[Simon N. Roy « L'étude de Cas » in Recherches sociale. De
la problématique à la collecte de données. Benoit
Gauthier (sous la dir.), 5e Edition, Presses de l'Université du
Québec, Québec, 2009, p 207].
39 La nature est heuristique parce qu'elle fournit
une nouvelle description trouvée dans le phénomène
étudié par la découverte de nouveau sens ou
l'élargissement des expériences déjà vécues
par la confirmation.
40 La description apporte une présentation riche et
profonde du phénomène étudié.
41 Elle s'effectue dans une focalisation sur un cas
particulier. Ce cas lui-même représente un élément
très important pour le phénomène étudié.
24
raisonnement inductiviste fait recours à la logique et
l'expérience à la base de la science dans sa démarche
objective (Chalmers, 2009).
Quant au concept propre de la décentralisation, nous
l'approchons dans la perspective théorique descriptive. Mais en fait, la
thèse se limite dans l'analyse d'un sous-système à travers
des conditions socio-économiques des habitants de quelques
localités territoriales qui permettra de mieux comprendre un
système plus large. Sur ce, la perspective globale de l'étude
renvoie, au final, à l'adoption de la démarche sociale
systématique de Talcott Parsons (cité dans Louis, 2019, p. 141)
dans le cadre du structuro-fonctionnalisme. L'initiative rejoint la
préoccupation de déceler les fonctions des acteurs sociaux dans
le processus de la décentralisation dans leur unité d'action pour
dégager une compréhension des liens tissant la globalité
du corps social. Aussi cette vision méthodologique a-t-elle guidé
nos objectifs dans la recherche de compréhension des facteurs
déterminants des conditions socio-économiques des paysans de la
2e Section Lociane. Cette option théorique conduit à
un système axiomatique qui permet de concevoir la théorie et la
logique de développement comme des systèmes ouverts qui
s'associent dans un enchevêtrement de compétences des acteurs
sociaux. C'est un modèle d'étude qui permet aussi de
considérer le sens des actions individuelles devant la confrontation des
options variées dans l'intérêt du corps social. Elle adopte
également dans cette même logique l'approche théorique des
parties prenantes.
Selon Lorraine Savoie-Zajc (cité dans Sballil, 2015,
p. 69), les sciences humaines devraient généralement s'attacher
à la compréhension des situations humaines et sociales. Cette
tournure va à l'encontre de la finalité d'élucider un
phénomène par le lien de cause à effet entre les variables
constructives du phénomène. Aussi le courant
épistémologique est-il caractérisé par cette
finalité. Ce faisant, il a été logique de recourir
à la méthode de recherche à la fois qualitative et
quantitative en mettant l'emphase sur une étude de cas à
côté de celle du structuro-fonctionnalisme. Ce type de recherche
se justifie par deux raisons. La première raison est qu'il s'agit de
relever certaines données non quantifiables sur des
phénomènes sociaux à l'instar du type de relation qui
existe entre les acteurs sociaux présents dans cette zone
frontalière. La seconde raison est que les données sur les
conditions socio-économiques des habitants de la 2e Section
Lociane de la Commune de Thomassique par rapport aux résultats des
politiques publiques qui pilotent les actions évolutives et
développementistes de l'espace frontalier de ce ressort, ne sont
disponibles dans les manières précises et convenables à
cette recherche ni au niveau des ministères, ni au niveau des
institutions non gouvernementales, d'où résulte la
nécessité de mener des enquêtes directes auprès
de
25
différents acteurs. L'interaction des différents
acteurs sociaux définit l'importance du rôle remplit par chacun
dans un système global.
1.3.1.-Collecte de données
Un précieux temps a été mis pour aller
rechercher des données dans les bureaux du MAE, plus
précisément dans les bureaux de la Direction des Affaires
Dominicaines, du MPCE et de certaintes organisations nationales et
internationales. Les bibliothèques de la Faculté d'Ethnologie et
de la Faculté des Sciences Humaines ont été
régulièrement fouillées à la recherche des ouvrages
en rapport avec les thématiques du sujet de recherche et ceux qui s'en
rapprochent de près. Aucunes données précises n'ont
été trouvées à même de satisfaire notre
recherche. Aussi avons-nous consulté des bibliothèques virtuelles
de notoriété telles que google scholar, erudit, corpus.ulaval,
etc., pour essayer de tirer les meilleurs partis des connaissances disponibles
en la matière, en vue de conduire une recherche rigoureuse qui
répond aux normes académiques de la méthodologie
adoptée ici.
Ainsi, s'avère-t-il important de faire l'utilisation
aussi bien de la source primaire que secondaire. La source primaire consiste au
fait de nous disposer, autour d'une semaine de déplacements dans les
différentes localités au cours de cinq (5) jours
consécutifs. En somme, il s'agit de mener des observations42
participantes ouvertes et des entrevues (entretiens)
semi-dirigées43 qui se déroulent au cours d'une
semaine de collecte de données lors de nos déplacements à
pied et à mototaxi sur les lieux. L'échantillonnage est
constitué de manière aussi variée que des couches sociales
qui vivent dans sept localités de la 2e Section Lociane,
à savoir : Boc Banic, Nan Croix, Savane Mulâtre, Don Diègue
2, Malary, Carrefour Suzely et Terre Blanche. Ces localités sont
situées sur le flan Nord'est, Est et Sud'est, bordant la
frontière dans la zone de la Commune de Thomassique vis-à-vis de
la Commune dominicaine de Banica et des localités comptées
respectivement Hato Viejo, Savanna Cruz, Mata Jaja, etc. Mais, au final, les
participants ne sont pas statistiquement représentatifs de l'ensemble de
la population étudiée et le chercheur ne peut extrapoler les
résultats à cette population. C'est d'ailleurs une des faiblesses
de la méthode qualitative en termes de représentativité.
Cependant, il ne relève d'aucune exigence d'avoir une quantité
donnée de participants dans un échantillonnage. Mais, par rapport
à l'échantillon de la population de 37,467
42 Selon Dionne(1998), l'observation
participante ouverte est une tâche dans laquelle le chercheur qui,
s'appliquant à la description d'un portrait global d'un
phénomène inconnu, s'intègre ouvertement dans la situation
comme observateur extérieur.
43 Dans ce type d'entretiens le chercheur suit
l'interviewé dans la direction de l'entrevue avec ses idées.
26
habitants de la 2e Section Lociane, une
étude comportant des données sur cinquante-et-une (51) personnes
fournit une vision relative de l'ensemble de la population. Néanmoins,
c'est surtout par la consultation des informateurs-clés et à
l'analyse systématique des données quantitatives que nous avons
pu caractériser l'objet scientifique de cette étude.
1.3.2.-Méthode utilisée pour la collecte
de données
La collecte de données détermine
l'activité par laquelle les données sont recueillies dans le but
de conduire à la mise à l'épreuve de l'hypothèse.
Des outils tels que les entretiens semi-dirigés et l'observation sont
employés pour ramasser des données sur le terrain de
l'étude. Une observation systématique a été
réalisée au cours de deux séances de visite sur le terrain
dans les localités ci-dessus évoquées en fonction des
critères objectifs que requiert la réalisation de la recherche.
Aussi avons-nous continué avec la série d'observations
participantes d'où résulte une description à partir d'une
grille d'observation qui comprend les services publics, leur
disponibilité, leur fonctionnalité et leur potentialité.
Il s'agit aussi de faire la description de la culture agricole
prédominante dans la zone, les différentes activités
économiques et commerciales et la présentation de la faune et de
la flore de la région. Le rôle prépondérant des
acteurs locaux sur le plan socio-économique et politique et les grands
propriétaires de terres et d'autres moyens de productions sont des
éléments pris également en compte dans notre étude.
Le travail consiste à dégager une analyse de manière la
plus objective que possible.
Il faut souligner l'utilisation des entrevues
semi-dirigées qui a été faite dans cette recherche pour
créer une plus grande flexibilité. Cela donne de la
possibilité de changer l'ordre des questions en conséquence et en
fonction des commentaires des répondants.
En fait, la collecte de données a été
réalisée au cours de la semaine du 26 au 30 décembre 2022.
Des déplacements ont été effectués dans le cadre
d'observation systématique. Et des entretiens ont eu lieu avec
cinquante-et-une (51) personnes réparties en vingt-et-une (21) femmes et
trente (30) hommes à travers les sept (7) localités choisies pour
piloter la recherche. Les personnes avec qui ont été tenus des
entretiens constituent des informateurs clés. L'âge moyen des
participants à l'échantillonnage de l'étude est de 40
ans.
27
1.3.3.-Méthode d'analyse et
d'interprétation des données
Aussi, la recherche mixte s'en tient-elle à un double
avantage qui contient, d'une part, les résultats étant
accessibles et la production de connaissance pour rechercher des données
en raison des variables interprétées par le chercheur et en
fonction de la teneur sensorielle de la recherche, d'autre part, quant aux
résultats formulés en des termes clairs et simples aux
participants à la recherche, il y a une interaction qui se
développe entre les paysans de Lociane eux-mêmes et avec leur
environnement dans le cours de la recherche. Les individus, en prenant
connaissance des résultats de la recherche, se mettent en position de
délibération, de critique et questionnent son
applicabilité et sa transférabilité dans leur propre
contexte, c'est-à-dire ils s'imaginent des retombées positives
suivant des possibilités d'une prise en compte des propositions
formulées en termes de perspectives à travers la conclusion de
l'étude. La démarche méthodologique permet
l'étalage de différents procédés scientifiques qui
ont guidé les contours réflexifs et discursifs de l'étude.
Ce qui nous amène à être rigoureux dans la façon
dont les données sont interprétées et les méthodes
appliquées pour les collecter. Car, la meilleure façon que nous
jugeons utile d'aborder une étude de terrain est de considérer la
situation globale de la population-cible dans la mise en contexte de
l'observation et des entretiens in situ.
1.4.-Contextualisation de l'observation
ethnographique
La démarche d'observation retrace l'attention
portée sur le déroulement du travail de terrain effectué
dans les différentes localités déterminées dans le
choix de l'étude. C'est la descente des lieux. Des parcours
systématiques réalisés à pied et à mototaxi
au cours des journées entières impriment des moments forts de
pénétration des espaces intérieurs de cette partie du pays
qui détient toute sa spécificité dans la paysannerie
haïtienne. Le besoin de comprendre les conditions socio-économiques
des paysans de la 2e Section Lociane ne saurait être
comblé que de la nécessité d'aller écouter les gens
dans la paysannerie pour pouvoir saisir leurs réalités de vie. La
recherche sur les conditions socio-économiques des paysans de la
2e Section Lociane répond aux méthodes qualitatives et
quantitatives qui adoptent une approche inductive impliquant de collecter des
données à partir des techniques. Comme moyens techniques de
collecte de données, nous utilisons, d'abord de l'observation ensuite
nous procédons à des entretiens semi-dirigés.
L'expérimentation de terrain offre un créneau de source
première pour la collecte de données qui sont ensuite
28
analysées et interprétées44.
L'arrivée sur le terrain attire la curiosité des paysans qui sont
vigilants en ce temps-ci face à tout visage inconnu. Cela traduit le
niveau de risque qu'il comporte dans le fait pour des jeunes gens de se
déplacer n'importe où sur le territoire en ce moment. Vu la
conjecture sociale d'insécurité. Il aura fallu vite expliquer
amplement la signification de la présence sur les lieux. Après
s'être identifié comme étudiant de la Faculté
d'Ethnologie à l'Université d'État d'Haïti menant une
recherche de données avec pièces d'identification à
l'appui, les paysans comme brigades des lieux ont fini par accepter
dubitativement de laisser le libre champ aux démarches de
l'étude. Sitôt, on a entendu loin des voix résonnant :
Primo, quien es esse moreno? Ki sa nèg sila vini chache por
aqui ? De ceux-là qui se tenaient tout près en sortait cette
question : tù tienes problemas nèg an mwen ?
Entre-temps, des gens venant des quatre coins s'amassent rapidement autour de
nous ...
Des questions tendancieuses ont exprimé la
méfiance vis-à-vis des jeunes garçons dans l'insinuation
de pouvoir intercepter tout suspect qui serait en fuite dans la
frontière. La notoriété de quelques personnes nous a aussi
facilité la protection nécessaire à la libre circulation.
Mais l'étranger n'est pas bien perçu à priori. Surtout,
ils réprouvent la présence des politiciens. N'empêche
qu'ils espèrent que des projets soient nécessaires à
réaliser dans la zone pour aider à améliorer les
conditions de vie des habitants de la 2e Section Lociane.
Aussitôt disposés à nous entendre, nous leur avons beau
expliquer que notre présence ne s'inscrivait dans aucun des deux cas
ci-dessus évoqués.
Nous supposons que leur méfiance, à prime
abord, démontre qu'ils ont l'habitude de rencontrer des politiciens, des
enquêteurs des ONG, des arnaqueurs et des imposteurs. De grands efforts
ont été déployés pour faire passer le discours sur
la recherche de données dans le cadre d'une étude universitaire.
Il a fallu incessamment reprendre le but et l'objectif de notre
présence. Le motif de cueillette de données pour la
compréhension d'un tel phénomène social dans ce milieu
leur paraissait nouveau. Donc, ils en appréhendent une dissimulation des
vraies raisons de notre présence. Preuve que ces paysans ne s'appliquent
pas à tout croire du premier coup. Ils questionnent beaucoup comme des
juges d'instruction qui posent une même question sous des formes
différentes pour corréler la cohérence des
réponses. Ils cherchent même à se montrer prêts
44 L'interprétation des données
répond à une organisation cohérente des données, la
transparence au processus utilisés et la limitation des biais
subjectifs. Nous tenons compte de la relativité des données,
c'est pour cela que nous en avons procédé à trois phases :
au nettoyage, à l'analyse et au codage des données.
29
à sympathiser à votre cause si vous leur dites
votre réelle intention. Ils ne sont pas dupes. Même s'ils vous
parlent, ils ne vous livrent pas tout. Il avait fallu que nous nous
entretenions avec des leaders communautaires en tant qu'informateurs
clés, en l'occurrence Edouard communément appelé `Ti
Edouard' à Carrefour Suzely pour que d'autres paysans acceptent
volontiers de nous parler. Aussi fallait-il que nous tombions, à Savane
Mulâtre, sur le jeune Alpha Pierre qui a fait des études
classiques à Thomassique pour que d'autres gens s'entendent à
entrer dans nos démarches. Certaines figures servent de leaders
communautaires qui inspirent de la confiance nécessaire pour d'autres
personnes qui manifestent un sentiment répulsif vis-à-vis de
l'étranger. Malgré tout, plusieurs personnes ont refusé de
nous parler.
1.4.1.-Rapport descriptif du paysage
observé
La plupart des paysans de la 2e Section Lociane
sont propriétaires de leur maison de deux à trois pièces,
faites de toit en tôle à pavée non cimentée qui sont
de plus en plus dispersées au fur et à mesure que nous entrons
dans la profondeur de la Section communale. Encastrées dans des
clôtures en raquette, à grandeur inégale, les maisons ont
des portes en bois, les parois en palissade pour certaines et en
clissade45 et pisé pour la plupart.
Sur la route empruntée par Nan Latte, en passant par savane
sucre, nous remarquons le chantier d'un tronçon de route en
béton, étant donnés les caniveaux des deux
côtés de la chaussée en terre sablée, pour conduire
au nouveau lycée encore inachevé, qui est en construction depuis
2015. Une route de sept (7) mètres de largeur longe savane sucre
pour arriver à ravine Zoranje, aux bordures
déboisées, qui est presque asséchée en ce
moment de fin de décembre. Poursuivant ainsi notre traversée des
passes des ravières Loratoun 1 et 2 sur la route en terre
battue qui conduit à Malary dans une distance de près de deux
heures de marche. De vastes champs presque dépourvus d'arbres sont
encerclés en pâturage à raquette à piquants. Nous
atteignons Malary à partir de l'écriteau du mur qui enclôt
le puits d'eau à traction humaine qui se situe devant le champ de pois
congo quasi desséché en aval d'une église
protestante en palissade à toiture en tôle sur une petite pente.
Une foule de personne en majorité de jeune fille avec des gallons de
couleur jaune débordent l'encerclement du puits en attente de son
ouverture. Il est presque 16 heures d'horloge. La manche de manoeuvre du puits
artésien est cadenassée en ce moment de la journée. Un
responsable de l'église détenant les clés doit venir
ouvrir le puits artésien, a répondu une jeune fille à qui
nous avons demandé : à quelle heure vous allez pouvoir
45 La clissade c'est l'expression qui désigne
l'armature en lattes disposées horizontalement entre les poteaux en bois
de maison.
30
remplir vos seaux ? Il fonctionne le plus souvent fort tard
dans l'après-midi, en rajoute-t-elle. Dans un horaire variant à
intervalle de deux jours durant la semaine. Des jeunes femmes ou jeunes filles
et petits enfants sont amassés sous un arbre à l'attente de
l'ouverture du puits.
Avec une quantité imposante de demande, c'est fort
tard dans la soirée que beaucoup d'entre ces personnes vont parvenir
à avoir un peu d'eau pour pouvoir tenir pendant deux jours. Il semble
que la crainte de toute éventualité soit d'une panne ou autre du
puits artésien attise plus de cupidité à tirer la plus
grande quantité d'eau possible.
Un peu plus avant à près de 200 mètres,
nous constatons, sur le côté droit en direction du point central
de l'artère principale de Malary, un espace déboisé
presque enclos qui constituait un lagon où se tenaient des trous
creusés dans un amas de boue en plein air, sans aucun arbre de
couverture sous le vif fouet du soleil. Des enfants s'y retrouvèrent,
notamment il y avait une petite fille s'agenouillant sur la bouche d'un trou
assez coincé en forme de puits d'eau pour pénétrer un
petit bol en vue de tirer de l'eau sale à jeter en guise de filtrage de
la substance potable. N'a-t-il pas raison, Alexis (1955), dans son roman
Compère Général Soleil, de soutenir que : « le Soleil
est le seul service d'hygiène dans les campagnes haïtiennes. Il
attaquait les microbes...» (p. 171).
En approchant plus près d'eux, après une
respectueuse salutation, nous leur avons questionné en ces termes :
« bonswa ti moun, kouman nou ye ? Epi kisa nap fè la ?
» De répondre, ils ont adressé en choeur : « Bonswa
wi tonton, nap pran ti dlo pou nou sèvi.» De relancer, nous
leur avons exclamé : « men nou bwè li tou ! »,
ils nous ont répliqué : « wi, si nou pa jwen n dlo nan
pi a, nou kon n kite'b poze ak ti bout rakèt pou nou ka bwè`b
».
En voici des prises de photographie illustrant la situation
de l'eau potable à Malary. La première photographie (photo 1),
affichée à la page 31, montre la partie de devant du puits
artésien qui comprend un écriteau en anglais. GVCM, est une ONG
qui caractérise une mission chrétienne opérant dans divers
endroits dans le Plateau Central. Elle intervient dans la fourniture de
quelques services de bases aux populations démunies de certaines
localités. Elle a donc financé la construction de ce puits
artésien qui dessert la population de Malary.
La deuxième prise de vue photographique (photo 2),
présentée aussi à la page 32 de l'encadrement
photographique, montre la source de filtrage d'eau qui est investie par des
enfants à la recherche de l'eau en attendant que le cadenas du puits
artésien soit ouvert. C'est l'autre point de ravitaillement
immédiat en eau sur place. Après avoir parcouru à pied une
longue distance pour arriver à Malary, il se faisait déjà
tard.
31
Il n'était nullement conseillé de poursuivre ce
chemin au-delà des quatre heures de l'après-midi. Le chemin
était rebroussé pour rentrer à Thomassique...
Dans l'amas d'eau de la rivière Loratoun à la
seconde passe dite Loratoun 2, aux deux bords vidés des arbres dont les
bouts enracinés justifient des existences anéanties dans
l'exploitation du charbon de bois, le lendemain matin, il est presque 7 heures,
nous avons remarqué beaucoup de gens qui viennent chercher de l'eau dans
une source d'eau dans ce qui reste de la rivière de Loratoun.
Des motocyclettes vrombissent leur bruit de cylindres à la rampe des
mornes abruptes dans les traces peu praticables des sentiers ruisselés
par les pluies des dernières saisons. Des animaux à sacs en
paille remplis d'objets, certains sont montés par des personnes tenant
les cordes à brider, d'autres sont laissés libres avec une corde
autour du cou, bien chargés et suivis de meneurs portant de petits sacs
ou une cuvette à la tête en allant au marché. Pour le coup,
une dispute vive s'engage entre un motard et un meneur d'animal à un
endroit de passage coincé où l'un et l'autre se croient avoir la
priorité de passage. Un local peint en vert et blanc loge
l'écriteau d'un centre socio-médical dans la zone, placé
à quelques 50 mètres à droite au fond d'une cour sans
barrière et quasi encerclée de grande raquette à piquants.
Mais, il ne fonctionne pas depuis plus de 10 ans nous a annoncé des
riverains. Le centre de santé servait surtout à la vaccination
dans la zone, en rajoutent-ils. Aussi s'indignent-ils de l'absence de
politiques publiques visant à intégrer Malary dans une dynamique
de développement local. Kermanci, un jeune motard de 23 ans, avance :
« depuis plus de deux ans, l'ex-député Francisco Delacruz,
originaire de la zone, avait rompu tout contact avec nous parce qu'il fut
vivement critiqué pour son manque délibéré
d'intérêt pour les problèmes de Malary ».
PHOTO 1: ILLUSTRATION DE PUITS ARTÉSIEN DE
MALARY

Le puits artésien construit par l'ONG GVCM
à Malary
Le mur à écriteau qui est devant le puit
artésiens Par-derrière
Source : Frantz Isidor en date du 26 décembre
2022
Source : Frantz Isidor en date du 26 décembre
2022

PHOTO 2: ILLUSTRATION DE SOURCE D'EAU À MALARY
32
Chemin faisant, nous traversons Malary en direction de
Savanette et atteignons vers les 10 heures et demie, l'espace semi-aride de Don
Diègue 2. Les arbres ne tiennent plus débours ici. Les sentiers
sont difficiles même pour les motocyclettes. Des terres quasi non
cultivées sont habitées par des arbustes clairsemés. Un
établissement d'école assez grand et long avec sa toiture en
tôle soutenue par des poteaux en bois en paroi de béton à
faible épaisseur dont le socle de ferrailles s'en tient aux fils de fer.
C`est la modernité par rapport à la palissade ou la clissade
et pisé. Cet établissement dispose des portes
d'entrée et des fenêtres qui empêchent à n'importe
quel individu d'y pénétrer. Les raquettes à piquants
enclosent la cour. C'est une école congréganiste de section
primaire, car, dirigée par un prêtre catholique. Les gens se
plaignent que ce dernier augmente le prix annuel de
33
1000 mille gourdes en sortant des 2000 mille. Plus loin, nous
avons vu un chaume à toiture en tôle et cloisonné en
feuille de tache à palmis. C'est quand même rare. En ce
beau matin de décembre, au sommet de la morne qui conduit à la
rivière de Don Diègue, le regard peu lointain sur les cimes du
Pico Duarte décrit une image pittoresque de grande sensation. En y
traversant pour atteindre l'autre rive de Don Diègue 2, il y a un petit
carrefour où le chemin à gauche mène à Terrier
Rouge, la Playe, Don Diègue 3, Locoray, La Saintery, Canicey, etc.
Mais prolongeant la route droite nous traversons Kolorine et
pénétrons à Boc Banic, il est presque 12 heures. C'est un
centre attractif avec beaucoup d'activités commerciales. Des maisons en
bloc sont recouvertes de béton et comportant même des
étages à côté de celles gardant le style
démodé de la zone rurale. Des cours encerclées en fil de
fer accroché aux poteaux en bois. La principale artère est en
chantier avec les caniveaux aux deux côtés de la chaussée
en terre battue. Une petite place publique datée des vieux temps tient
lieu de réception des visiteurs. Les gens y sont moins curieux des
étrangers. Il y a un sous-commissariat de police avec 2 ou 3 policiers
en poste, un tribunal de paix, une chapelle de l'Église catholique, et
plusieurs églises protestantes, un centre de santé pour
l'État et trois cliniques privées. Il y a aussi un bureau du
ressort de CTE Hinche de l'Orepa Centre relevant de la Dinepa qui se tient tout
près des installations des antennes-relais de transmission pour le
réseau d'une compagnie de télécommunications
(téléphonie mobile desservant la population haïtienne de
l'ère des NTIC). Quelques écoles primaires privées, une
école nationale et un collège de niveau 9e A.F.
desservent cette grande localité que certains s'abusent d'appeler
quartier. Il y a des débits d'eau au domicile de certains habitants dans
un périmètre réduit. Un marché à quelques
tonnelles en paille. En effet, la présence de l'État s'y fait
pourtant montre.
Mais les structures ministérielles de MDE, MARNDR,
MPCE et les agents de la collectivité territoriale n'interviennent pas
encore dans la protection de l'environnement qui est dévasté par
le déboisement dans cette Section communale. Aucun plan n'est tenu pour
remédier à la dégradation de l'environnement avec la coupe
des arbres pour fabriquer du charbon de bois. D'ailleurs, l'article 253.1 de la
Constitution de 1987 amendée le 9 mai 2011 impose toute action de
politique publique nécessaire et urgente pour remédier à
la dégradation de la couverture végétale en dessous de
10%. Cependant depuis quelque temps déjà les estimations de la
couverture végétale du pays sont à moins de 2%. L'absence
d'arbre est à la base de la sécheresse prolongée qui
chauffe davantage la terre. Une terre chaude rend inapte toute agriculture dans
certaine partie du paysage. À côté de
34
Lociane, une rivière bien propice à
l'agriculture mais d'où le risque de perte est plus élevé
avec l'inondation. Des mornes abruptes rendent plus nécessaire
l'ingéniosité des techniciens qualifiés pour
étudier les possibilités d'irrigation.
Des camions à 6 et 10 roues de transport de
matériaux de construction, de produits manufacturés et des
mototaxi portant des passagers et autres objets provenant de la
République Dominicaine se dressent devant la chaine de police barrant la
route sur la pente descendante vers la grande rivière de
Lociane46 d'une faible largeur dans un très grand lit. C'est
sa beauté renfermée dans sa longue portée de circuits
à travers plusieurs localités qui impose son nom à la
Section communale. Après l'avoir traversée, peu profonde en ce
moment, nous parcourons quelques 30 minutes de marche à pied avant
d'arriver au fleuve de l'Artibonite qui s'étend sur une assez grande
largeur. Les véhicules traversent les deux rivières dans ce mois
de sécheresse sans difficulté.
Une cotisation pécuniaire est exigée à
verser à l'agent du point d'arrêt pour laisser-passer. Ainsi, un
agent de la police nationale détient-il l'autorité du droit de
passage. Il n'y a pas de service de douane à Thomassique depuis
après 7 décembre 2015. Par suite des altercations entre les
agents du poste douanier de Thomassique et des chauffeurs de camions qui ont
occasionné la mort de deux d'entre ces derniers atteints de projectiles
des agents douaniers. Allait s'ensuivre l'incendie du poste douanier par des
membres de la population en réaction de leur colère.
Le service douanier s'est installé depuis lors
à Papaye, près de Hinche, aux environs de 18 kilomètres de
Thomassique, dans un chaume sous des grands arbres. Des hommes lourdement
armés font office d'agents douaniers travaillant dans des conditions
très précaires (Odatte, 2016)47. L'absence de service
douanier est un vaste champ libre pour la circulation de marchandises
importées en République Dominicaine dans toute la zone. C'est
seulement lorsqu'il faut traverser Papaye pour se rendre à Hinche que la
douane puisse taxer. Mais, comme le souligne Théodat (2014, p. 99), le
prélèvement de taxes ne sert pas le financement direct des
politiques publiques de développement de la communauté locale
sans parler de la question de la contrebande48.
46 La rivière Lociane mesure 45 km. Sa source
découle du massif du Nord. Elle se jette dans le fleuve de l'Artibonite.
Elle traverse toutes les principales localités de la 2e
Section de Lociane. Cette raison explique le choix nom du ruisseau
attribué à la Section communale.
47 Odatte, R. « Haïti-économie : des agents
douaniers toujours absents à Thomassique. Plus d'un mois après
l'incendie de la douane »|En ligne publication du 27/01/2016|
www.alterpresse.org, page
consultée le 04/12/2022.
48 La contrebande est prise ici dans un sens
plus large, la frontière avec la République Dominicaine est
l'objet de pertes de recettes pour Haïti de l'ordre annuel de 350 à
500 millions de dollars au minimum. Alors que le pays n'y collecte qu'environ
50 millions par an. Cf [Laleau, Wilson, Haïti, pétrocaribe et
ses déraisons. Manifeste pour une éthique de
responsabilité, Editions C3, Delmas, Haïti, 2020, p. 86].
35
En sortant de Boc Banic, nous empruntons la route principale
qui traverse Don Diègue 1 et Carrefour Suzely. Cette voie en terre
battue est praticable pour les gros véhicules de transport. Tout
à Carrefour Suzely, un chemin conduit à Savane Mulâtre. Et,
de poursuivre le chemin nous atteignons Latine qui constitue la localité
de limite de la 2e Section Lociane par rapport à la
circonscription de Cerca-la-Source.
Carrefour Suzely est une localité tout aussi
ravagée dans sa structure environnementale. L'église adventiste,
structurée en paroi de palissade est en rénovation pour une
construction en bloc. Une école de niveau primaire y est logée.
À l'autre côté de la route se situe l'école
nationale. Les maisons à toiture en tôle, aux cours toutes
cloisonnées démontrent le symbolisme de la
propriété privée dans toute cette zone frontalière.
C'est chez Edouard que des personnes tombées malades peuvent se procurer
des premiers soins à frais payé. Il n'y a pas de puits d'eau et
débits d'eau du bassin de captage de 75 mètres cubes construit en
2019 à Don Diègue 1, non loin de Carrefour Suzely dont la
distribution concerne uniquement Boc Banic. Mais l'absence
d'électricité est palliée avec des panneaux solaires que
certains exposent par devant leurs maisons. Un habitant eut à nous dire
qu'en « République Dominicaine, le panneau solaire se vend à
plus bas prix y compris le coût de revient par rapport à
Haïti. Et qu'il lui parait plus facile de parcourir une plus longue
distance telle que se rendre à Santo Domingo au lieu d'aller à
Hinche ». Les routes sont dans de mauvais états de circulation dans
cette zone.
Savane Mulâtre, au nord, s'enfonce dans un long chemin
d'un état calamiteux qui regorge les deux artères qui viennent
soit de Terre Blanche ou de Carrefour Suzely. La motocyclette et le
véhicule tout terrain sont les seules automobiles capables de se rendre
à Savane Mulâtre. Mais la majorité de la population
pratiquent la route à dos d'âne ou à motocyclette de nos
jours. La pratique du charbon de bois a affecté tout l'environnement de
cette Section communale, notamment Savane Mulâtre qui ne renferme que des
arbustes de bayarondes49 parsemées
sur un sol rocailleux. Les pluies ont ruisselé des pans entiers des
ravins dépossédés des bordures boisées. La
rivière Lociane juxtapose l'entrée de la localité qui
s'abrite sur une basse altitude. Des toits de chaume résonnent
l'état de misère des habitants qui assomme
l'émerveillement historique caractérisant ce coin de terre.
Savane Mulâtre est en situation très difficile sur le plan
socio-économique en dépit de sa proximité avec la
frontière comparativement à Boc Banic. Elle renferme un petit
cimetière débordé de sa capacité à
accueillir des cadavres. Il n'y a pas de marché public ni centre de
santé. Les
49 C'est l'expression haïtienne qui
désigne un arbuste très répandu dans nos régions
campagnardes.
36
habitants disposent d'une chapelle de l'église
catholique et quatre autres églises protestantes. Il y a deux
écoles primaires dont l'une est nationale. Elles ont grande raison
pratique d'enseigner les bienfaits de l'eau potable pour la santé. La
conscience citoyenne en sera bien prise en compte. La rivière de Lociane
pourrait faire l'objet de projet d'assainissement. Mais, la localité ne
dispose pas de l'eau potable. Rien que penser à voir la rivière
de Lociane en crue effraie. D'ailleurs, il n'y a aucun pont jeté sur une
rivière dans la 2e Section de Lociane. C'est une zone qui est
très dangereuse parce que des paysans y sont assassinés en plein
jour par des voyous criminels ou bandits armés opérant
systématiquement dans cette zone frontalière.
À l'effroi des motards pour emprunter la route de
Savane Mulâtre, s'ajoute la longue distance qui renchérit le
coût de transport. Autre risque de déconvenue expose à la
frayeur de s'y retrouver bloqué par manque de motard transporteur
(taximoto) qui ne s'y aventure pas au-delà des deux heures de
l'après-midi. Les paysans y sont pourtant courtois, quoiqu'ils soient un
peu indifférents vis-à-vis de l'étranger. C'est la teneur
de la conversation engagée qui peut faciliter la tâche.
Grâce à des leaders communautaires, les entretiens se
déroulent plus facilement. Le travail de recherche est pourtant tenu
dans la rigueur. Les problèmes de la localité sont exposés
avec clarté. Des maisons à toit en tôle contrastent avec
d'autres chaumes de styles plus antiques qui diversifient le décor du
paysage semi-aride d'où balaye un léger vent qui bouffe les
visages. Des petites croix symbolisent les refuges mortuaires consacrés
dans les basses-cours des familles à côté des latrines sans
cloison où certains habitants font leur aisance en plein air. Il faut
souligner que la plupart de cette population ne dispose pas de latrines. Sans
électricité, le panneau solaire est d'une grande utilité
pour recharger les appareils de télécommunication dont les
compagnies démontent fort bien qu'elles s'étendent
véritablement dans tout cet espace du territoire national mais la palme
revient à la compagnie de télécommunications Natcom. Parce
que tous les contacts que nous avons établis avec les habitants du
milieu en ressortaient absolument.
À la sortie de Savane Mulâtre, au passage
à Terre Blanche, le paysage incruste le délaissement d'un endroit
livré à la nature sauvage. La localité de Terre Blanche
est dépourvue de tout type de services sociaux. À part de deux
petites églises protestantes abritées dans des chaumes à
tromper le soleil, sans école ni rivière, ni puits d'eau, des
petites maisons de deux pièces en palissage ou en clissade et
pisé, cette localité abrite une faible quantité de
population dans une situation dispersée. Des caveaux sont construits
dans des cours en absence de cimetière qui est
généralement
37
la norme dans cette zone pour enterrer les morts. C'est un
signe qui démontre également la différence de quelques
valeurs anthropologiques des habitants de cette localité.
Les arbres y sont extrêmement rares. Des haies vives
séparent les champs de pois congo qui résistent au
soleil de plomb massacreur de fin décembre se réduisant à
leur plus simple expression de plantes rabougries et fanées. À
Terre Blanche, des cours clôturées en candélabre gardent
une propreté de balayage entretenu. Les localités proches
Hatonuevo, Savane Plate et Garde Salnave desservent respectivement Terre
Blanche aux besoins d'éducation au niveau atteignant la 6e
année fondamentale et d'eau potable à près de 4 à 5
km. Pour ce qui concerne le besoin en soin de santé, un
déplacement plus conséquent de près de 8 à 12 km
s'impose relativement au choix de se rendre soit à Thomassique ou soit
à Cerca-la-Source ou soit à Boc Banic.
Au rythme saccadé, ronflant son moteur avec trois
passagers à bord d'une mototaxi, deux ont dû descendre pour
marcher à pied afin de permettre au véhicule de ramper le morne
abrupt et tortueux de la rivière loratoun avec l'autre passager
agrippé au motard qui n'arrête de plaindre de l'attitude des
dirigeants politiques qui ne font semblant de connaitre la douleur de la
population que pour obtenir le vote aux élections. Après mille et
une promesses, plus jamais on ne les reverra. « Si se pou mwen,
s'indignait-il, volè sa yo pap jwen n yon vwa ankò nan
eleksyon bò isit la. Se sèl manman yo ak papa yo ak rès
fanmi yo kap bay yo vòt ».
Nous n'osons pas imaginer l'emprunt de cette route dans la
saison pluvieuse. Nous allons à Nan Croix qui est une localité
gardant plus ou moins une couverture végétale. La route en terre
battue, en très mauvais état, bordée de candélabre
aux deux côtés regroupe de nombreux chaumes à
l'intérieur des arbres fruitiers, des cocotiers. Certaines cours des
paysans renferment des sacs de charbon empilés. C'est une aussi un
constat valable pour toutes les localités de la zone. Les
rivières traversées pour pénétrer la
localité sont dépourvues de bordure végétale. Rares
sont des cabrits qui sont amarrés au bord du chemin qui s'amenuise au
fur et à mesure que s'apercoive l'entrée au centre du bourg de
Nan Croix. Les maisons à toiture en tôle de diverses dimensions
à portes en bois constituent la seule originalité d'une
région qui abrite une population dépourvue de tout service
même au minimum. Des latrines précaires desservent une faible
portion de cette population.
Le puits d'eau à traction humaine que l'ONG World
Vision avait construit depuis 2004 est la source de débit d'eau
disponible dans la localité. « Dans les moments de panne, c'est
à deux heures
38
de marche que nous nous rendons au fleuve de l'Artibonite pour
prendre de l'eau », a martelé Faton, ancien membre de Casec,
près de 60 ans qui est natif natal de la zone. Les saisons pluvieuses
sont encore plus dures pour nous avec la route qui est impraticable, en a-t-il
ajouté.
Très dépendants de la Dominicanie, les paysans
des localités les plus proches de la frontière profitent des
jours de marché des localités frontalières dominicaines
pour s'y approvisionner en produits tels que l'huile, sucre, macaroni, salami
et en volaille50. Cette volaille est de plus forte grosseur que la
poule de race en Haïti. Cette affaire de volaille importée en
République Dominicaine a grandement attiré notre attention dans
ce milieu rural. Cette étude ne va pas y entrer. Mais c'est très
important ! Les volailles ont subi de fortes maladies qui les déciment
en grande quantité. De manière générale, à
chaque année il y a une période de maladie pour les volailles
mais c'est la forte recrudescence des maladies au cours d'une même
année qui rend la situation plus inquiétante.
Le commerce occupe une grande place dans les activités
des femmes paysannes de la 2e Section Lociane, mais le métier
agriculteur est général dans la région. Selon Bastien
(ibid.), le paysan apprend non seulement à manier de la houe et
de la faucille mais aussi quand, et comment semer, nettoyer le terrain et
procéder à la récolte.
1.4.2.-Grille d'observation
TABLEAU 1 : DÉMONSTRATION DES INDICATEURS
SOCIO-ÉCONOMIQUES DE LA 2E SECTION LOCIANE
Grille d'observation des localités : Boc Banic, Savane
Mulâtre, Terre Blanche, Nan Croix, Carrefour Suzely, Malary et Don
Diègue 2