1.1.2-L'organisation de la zone économique
spéciale de Nkok
Les zones économiques spéciales (ZES) sont des
zones franches3 à l'échelle d'un port, d'un quartier,
d'une ville, fonctionnant comme des enclaves économiques et fiscales
(Géo confluences, 2015). Elles sont apparues en Chine en 1978 et se
définissent comme de très vastes territoires au sein desquels les
entreprises agréées peuvent s'implanter librement, soit dans des
zones industrielles et des parcs d'activités, soit sous la forme de
points francs (Bost, 2007). Elles bénéficient
d'infrastructures de qualité, d'un régime fiscal et/ou douanier
particulier, parfois de régimes dérogatoires aux
législations sur l'accès à la terre ou sur l'emploi. Leur
rôle est de développer une industrie pour l'exportation,
principalement en attirant les investisseurs étrangers (CNUCED, 2021).
Selon la conférence des nations unies pour le commerce et le
développement (CNUCED), il existe en 2019, 5383 zones économiques
spéciales dans le monde dont 237 en Afrique (CNUCED, 2021). La
multiplication de ces ZES dans le monde est alimentée par la
volonté des décideurs politiques d'améliorer la situation
économique de leur pays, confronté à un retard de
croissance.
3 Zone Franche : espace de libéralisation
des échanges, d'ouverture à l'économie de marché.
Ils sont destinés à attirer les entreprises et activités
exportatrices grâce aux avantages qui leurs sont accordés.
22
Les objectifs de développement d'une ZES sont
définis par l'augmentation des taux d'investissements directs
étrangers (IDE), du taux d'exportation et du taux de création
d'emplois. Elles visent aussi le développement de
l'écosystème industriel local vers des capacités de
production plus élevées (CNUCED, 2021). Selon le rapport ZESS
Afrique « Des Zones Économiques Spéciales
Sécurisées », les zones économiques spéciales
se caractérisent par leur taille, le modèle de gouvernance, le
nombre et la propriété des entreprises, le nombre d'emplois
générés et les secteurs cibles (Pommier et al., 2021).
Initiée à la suite de la mesure gouvernementale
de 2009 interdisant l'exportation complète des grumes, la Zone
Économique à Régime Privilégié (ZERP) de
Nkok a été établie par le décret
n°0461/PR/MPITPTHAT du 10 octobre 2012. Elle s'étend sur 1127 ha de
superficie et est la première zone économique spéciale au
Gabon, créée en vue de dynamiser le secteur industriel du bois.
Elle est issue d'un partenariat public-privé entre l'État
gabonais et le groupe ARISE IIP afin d'installer au sein du territoire
national, un écosystème adapté et des infrastructures
favorables à l'industrialisation de la filière bois. Cependant,
au fil du temps, d'autres secteurs de transformation s'y sont installés,
à savoir : la sidérurgie, l'agro-industrie, le BTP, la chimie et
l'industrie pharmaceutique. Toutefois, dans cet espace, la transformation du
bois reste l'activité majeure. Le secteur mobilise 80 % des
activités, pour une production des bois de qualité (GSEZ-Nkok,
2022). En 2022, la ZES de Nkok compte plus de 80 entreprises exerçant
dans la transformation du bois et génère près de 4517
emplois directs et indirects dans l'industrie du bois (Mouissi, 2023). La carte
2 ci-dessous fait une présentation des infrastructures qui composent la
ZIS de Nkok, en distinguant les unités de transformation du bois des
autres industries, les bâtiments administratifs et autres infrastructures
présentes dans la ZIS (cf. Carte 2).
23
Carte 2 : Occupation du sol de la ZIS de Nkok

À l'instar d'autres pays africains, la création
de la zone économique spéciale de Nkok par l'État
gabonais, procède d'une volonté de s'industrialiser à
partir des matières premières locales. Ceci, dans le but de
satisfaire le marché intérieur et d'assurer la
souveraineté de son développement en créant de la valeur
ajoutée aux produits exploités localement. Notons que la zone
économique spéciale de Nkok est à l'origine de près
de 40 % des exportations hors pétrole (PIA Africa, 2021), et a acquis
une réputation internationale comme en témoigne les prix qu'elle
a reçu pour diverses raisons. En 2020 par exemple, elle a reçu le
prix « Woods products » à l'édition 2020 des
« Global Free Zone of the Year » récompensant la
promotion de la transformation locale du bois (Mabimba, 2020). Elle s'identifie
également comme une zone à économie verte qui essaie tant
bien que mal de préserver l'environnement.
Le 20 janvier 2023, sur décision gouvernementale, la
ZERP de Nkok change de statut juridique pour devenir la Zone d'Investissement
Spéciale de Nkok (ZIS de Nkok). Le décret n°0018/PR/MIPPPAEA
du 07 mars 2023 portant création de la ZIS, confirme le changement de
statut juridique. Il s'agit selon les articles 1 et 2 de ce décret,
d'une réorganisation qui porte sur la redéfinition du statut
juridique, des activités, du cadre institutionnel et des
régimes
24
applicables à la Zone Économique à
Régime Privilégié (Décret N° 0018, du
07/03/2023). Contrairement à la ZERP qui était axée sur la
transformation du bois, c'est désormais une zone beaucoup plus ouverte
aux autres activités industrielles et de recherche. Les investisseurs,
détenteurs d'un agrément prévu par la loi
n°0036/2018, bénéficient ou non du régime
privilégié.
1.1.3-Les conditions fiscales et douanières des
entreprises dans la ZIS de Nkok
Les conditions fiscales et douanières dans la ZIS de
Nkok, permettent aux investisseurs d'évoluer dans un climat
économique assez favorable au développement de leurs
activités. En effet, dans la Zone d'Investissement Spéciale de
Nkok, les entreprises bénéficient des avantages selon le
régime auquel elles sont inscrites. Il ne s'agit plus de donner de facto
à toutes les entreprises, les mêmes privilèges comme ce fut
le cas dans la ZERP. Les avantages sont définis en fonction des
dispositions légales prévues pour chaque sous zone. Le tableau 2
ci-après définit les avantages fiscaux et douaniers des
entreprises dans la ZIS de Nkok.
Tableau 2 : Avantages fiscaux et douaniers dans la ZIS de
Nkok
Avantages fiscaux
|
Avantages douaniers
|
Exonération de la retenue à la source de 20%
|
Exonération des droits, taxes, redevances de
|
sur les paiements au profit des prestataires ;
|
douanes pour les commodités importées du
|
Exonération de toutes les retenues à la source
|
territoire douanier national ou non par les
|
pour 25 ans ; Exonération de la Taxe sur la
|
investisseurs des ZIS à régime
privilégié et leurs
|
Valeur Ajoutée (TVA) sur 25 ans pour les ventes faites
à l'intérieur de la ZIS et à l'exportation
|
sous-traitants
|
Exonération totale de l'impôt sur les
sociétés
|
Exonération de tous les impôts, droits et taxes
|
ou sur les bénéfices industriels et commerciaux
|
indirects, dont la TVA à la sortie du territoire
|
pendant 10 ans ; Exonération de l'impôt
|
national ou à l'entrée de la ZIS à
régime privilégié
|
minimum
|
pour 25 ans
|
Source : Loi N°036/2018 du 08/02/2019 Réalisation :
OBONE MBA Cécilia A, 2024
De ce tableau, il faut noter que les dispositions
évoquées ne concernent que les entreprises enregistrées au
régime privilégié de la ZIS. Pour ce qui est de
l'exonération totale de l'impôt sur les sociétés, il
est mentionné dans l'article 67 de la loi n°036/2018 qu'à
partir de la onzième année, les entreprises paieront 10% durant
les cinq années à venir. Soit pratiquement 15 ans
d'exonération totale d'impôt sur les sociétés. La
particularité de la ZIS-ZERP est qu'elle doit toujours exporter au moins
75% de sa production, les 25% restant peuvent être écoulés
sur
25
le territoire national sans perdre le bénéfice
des exonérations et avantages prévues par la loi sur les ZIS en
République Gabonaise (Loi n°36/2018, art. 69). Les conditions
douanières évoquées dans ce tableau concernent entre
autres, les dispositions sur les importations et exportations des entreprises
ZIS et affiliées. Elles déterminent si les droits et taxes seront
acquittés ou non, si les contrôles de commerce extérieurs
seront réalisés ou non vis-à-vis des marchandises. Ainsi,
comme nous montre le tableau 2 ci-dessus, les entreprises installées
dans la ZIS sont exonérées de nombreuses taxes et redevances
fiscales en lien avec leurs activités, à l'import comme à
l'export. Tous ces avantages fiscaux et douaniers accordés aux
investisseurs bénéficiant du régime
privilégié sont censés représenter un manque
à gagner pour l'État, qui, en permettant aux entreprises de faire
des économies d'argent sur le long terme, attire dans la zone plus
d'investisseurs.
Concernant les entreprises ne disposant pas du régime
privilégié, elles sont soumises aux règles de droit commun
pour tous les aspects fiscaux et douaniers. En s'installant dans la ZIS, elles
bénéficient des conditions pratiques (espace pour exercer leurs
activités, sécurité, facilité de créer d'une
entreprise etc.).
|