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Le nouveau système d'avancement au mérite face à  la politisation de l'administration publique béninois


par Aubin Sessou Adroh
Université d'Abomey-Calavie - Ecole Nationale d'Administration 2002
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION GENERALE

La plupart des Etats de l'Afrique Occidentale Française (AOF), ont commencé par manifester au cours des années 50 leur ferme désir de se libérer de la domination coloniale et de jouir de leur autonomie. C'est ainsi qu'après des luttes anticoloniales, intervint la vague des indépendances de 1960.

Mais, deux ans plus tôt, c'est-à-dire en 1958, la République du DAHOMEY avait déjà été proclamée. Dès lors, en 1959 la première loi régissant la fonction publique au DAHOMEY a été adoptée : la loi 59-21 du 31 août 1959 portant statut général de la fonction publique au Dahomey. Cette loi s'appliquait à tous les ressortissants de la communauté franco-africaine en fonction au DAHOMEY.

La loi 59-21 a connu des évolutions dans le temps. Elle a été ainsi suivie d'autres textes à savoir :

- L'ordonnance 72-23 du 24 juillet 1972 ;

- L'ordonnance 79-21 du 04 juin 1979 ;

- La loi 86-013 du 26 février 1986 portant statut général des agents permanents de l'Etat (APE) ;

- La loi 89-020 du 29 avril 1989 modifiant et complétant la loi 86-013.

Aujourd'hui, c'est le projet de loi 98-035 du 15 septembre 1998 modifiant et complétant la loi 86-013 modifiée par la loi 89-020 qui constitue la pomme de discorde entre les travailleurs et l'Etat béninois.

Ce projet de loi intervenu dans le cadre de la réforme de l'administration publique béninoise a pour principal fondement l'avancement des agents permanents de l'Etat au mérite, c'est-à-dire sur la base réelle de leur performance.

Désormais donc, l'avancement des agents permanents de l'Etat sera beaucoup plus basé sur la compétence que sur l'ancienneté. Ceci résultera d'une évaluation qui sera sanctionnée par une note attribuée à l'agent par son supérieur hiérarchique.

Malheureusement, cette philosophie que véhicule le projet de loi 98-035 semble se heurter à des réserves chez les fonctionnaires béninois. Pour certains, ce système vise à plafonner les salaires des agents permanents de l'Etat ; pour d'autres, les fonctionnaires perdront leurs droits acquis et le Bénin avance par ailleurs vers la contractualisation de la fonction publique. Mais, tous s'accordent sur un fait : « l'administration publique béninoise est politisée ».

C'est ce dernier point qui a retenu notre attention et nous a poussé à y mener des recherches. D'où le thème : « le nouveau système d'avancement au mérite face à la politisation de l'administration publique béninoise ».

La lecture de ce thème suffit à s'interroger sur les réelles motivations qui pourraient conduire à mettre en relation deux logiques apparemment opposées :

- avancement au mérite (progression de l'agent dans sa carrière selon ses performances) ;

- politisation de l'administration publique (intervention abusive du politique dans les sphères administratives).

Mieux, ce libellé qui met en jeu la notion de politisation, devenue très sensible dans le débat sur l'avancement au mérite, pourrait paraître provocateur voire prétentieux. Tant mieux si la démarche peut constituer un pas en avant dans le débat.

En effet, bien des travaux (rapports, séminaires, communications etc.) déjà, ont analysé les deux notions d'avancement au mérite et de politisation. Mais, pour la plupart, ils ne se sont pas intéressés à les analyser l'une par rapport à l'autre.

Le plan de réforme et de modernisation de l'administration publique béninoise, comme pour mettre l'accent sur la nécessité d'une administration politiquement neutre pour l'effectivité de la réforme administrative soutient que : « c'est dans le contexte d'un Etat de Droit, caractérisé par la « bonne gouvernance » (et non d'un Etat patrimonial) qu'une réforme administrative centrée sur le service public, le mérite et le contrôle peut produire les résultats escomptés ».

Mamadou Dia, parlant de la politisation écrit : « ... les politiciens et les bureaucrates se servent de l'Etat pour s'octroyer à eux-mêmes et à leurs partisans des emplois lucratifs, des contrats, des monopoles publics et des allocations, etc... ». 1(*)

Emmanuel ADJOVI quant à lui, fait remarquer que « dans la fonction publique béninoise, les recrutements, nominations et promotions ne sont pas toujours à l'abri de l'emprise du politique »2(*).

L'objectif de notre travail est d'analyser le nouveau système d'avancement au mérite tel qu'il est conçu afin de proposer une situation susceptible de permettre la mise en application effective du système sans la main du politique.

L'intérêt d'une telle approche réside en ce qu'elle sera dans une certaine mesure une contribution à la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite en apportant des solutions aux blocages qui pourraient naître de la politisation de l'administration publique béninoise.

C'est pourquoi, il sera question dans notre démarche de présenter et d'analyser les impacts que pourrait avoir la politisation sur la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite en vue de proposer des mesures correctives susceptibles de permettre d'aboutir à l'idéal : la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite à l'abri de l'emprise du politique.

Pour y parvenir, la défense de ce thème empruntera volontiers les canaux suivants :

- premièrement, il s'agira d'une présentation des fondements du nouveau système d'avancement au mérite ;

- deuxièmement, il sera question des obstacles qui pourraient naître de la politisation de l'administration publique béninoise mais aussi des mesures préventives en vue de l'application correcte du système.

PREMIERE PARTIE :

LES FONDEMENTS DU NOUVEAU SYSTEME

D'AVANCEMENT AU MERITE.

Cette première partie sera consacrée à la présentation générale du nouveau système d'avancement au mérite. Il s'agira d'abord de retracer les grandes lignes du processus de réforme qui a abouti à sa recommandation. Ensuite, partant d'un exposé général du système à travers ses caractéristiques et ses principes de base, nous aboutirons aux modalités pratiques de sa mise en application.

Chapitre I :

DE LA REFORME ADMINISTRATIVE A LA RECOMMANDATION

D'UN NOUVEAU MECANISME D'AVANCEMENT.

Dans le présent chapitre, nous présenterons d'abord les constats des états généraux de la fonction publique et de la modernisation administrative. Ensuite, nous présenterons le nouveau système d'avancement au mérite à travers sa philosophie.

SECTION I : LES CONSTATS DES ETATS GENERAUX :

La tenue à Cotonou du 12 au 16 décembre 1994 des états généraux de la fonction publique et de la modernisation administrative s'inscrivait dans la droite ligne des recommandations de la Conférence Nationale des forces vives de la nation de février 1990.

Ces assises qui apparaissaient comme un procès de la fonction publique béninoise ont posé un diagnostic sévère du fonctionnement de l'administration publique béninoise. Elles ont abouti à des recommandations assez pertinentes.

Cette section sera consacrée au dysfonctionnement constaté dans l'administration publique béninoise dans le cadre des états généraux mais aussi à la question de la politisation de l'administration publique béninoise puis aux recommandations des états généraux.

PARAGRAPHE I- LE DYSFONCTIONNEMENT CONSTATE DANS

L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BENINOISE

1- L'administration béninoise vue par les états généraux :

a- Les conclusions des états généraux : 3(*)

Les travaux des états généraux ont abouti aux conclusions suivantes :

- les objectifs et missions de l'Etat ne sont pas définis avec toute le clarté requise. Ainsi, d'une part, les priorités entre les diverses actions publiques exercées ou envisageables ne sont pas définies ; d'autre part, la répartition des fonctions étatiques ne s'effectue pas avec toute la rationalité attendue ;

- le dispositif législatif et réglementaire est incomplet, dépassé souvent mal appliqué. La mise en place des fondements de l'Etat de droit est juste amorcée. Il s'ensuit que la « bonne gouvernance » caractérisée essentiellement par la responsabilité politique légale et administrative des gouvernants, est quasi inexistante du fait de la prédominance de l'état patrimonial ;

- la culture administrative est fondée sur le « patronage » (système des protections politiques) et non sur le mérite ; de ce fait, elle n'est nullement orientée vers l'amélioration continue des performances et de la qualité des prestations des services ;

- faute d'une définition ou d'une répartition satisfaisante des missions de l'Etat, l'organisation de l'administration publique présente de nombreuses lacunes qui sont autant des sources de gaspillage que de contre-performance ;

- le cadre éthique public est fortement dégradé et les principes qui doivent guider l'action publique sont perdus de vue ou négligés. Ainsi, la pratique de pot-de-vin, la corruption, le trafic d'influence, l'abus de pouvoir, et le détournement de deniers publics rongent notre administration, ce qui induit une détestable image du secteur public ainsi qu'un grand fossé entre les citoyens et leur administration.

Il ressort de ces conclusions un échec quasi total de l'administration béninoise dans l'accomplissement de ses missions. Cet échec est sous-tendu par une fragilité et une instabilité des bases du fonctionnement de l'administration publique béninoise. Du coup, l'urgence de réconcilier le citoyen béninois avec son administration s'est imposée. Il a été aussi jugé nécessaire d'asseoir et de consolider  le principe de la continuité du service public  et d'orienter l'administration publique vers une administration de développement afin de permettre au budget national de contenir le coût de la fonction publique béninoise.

Pour y parvenir, les états généraux ont formulé une série de recommandations qui, jusqu'à nos jours ont tout gardé de leur originalité. Pour l'essentiel, elles peuvent être résumées à la mise en place d'un nouveau mécanisme d'avancement des agents permanents de l'Etat, essentiellement basé sur le mérite.

Seulement, on est porté à se poser des questions quant à la crédibilité d'une telle entreprise dans l'administration béninoise où la politisation semble régner à outrance.

b- Quelques illustrations du dysfonctionnement constaté par les états

généraux :

Ici, nous nous baserons essentiellement sur les travaux de la Société d'Audit, de Finance, d'Expertise comptable et d'Informatique de gestion (SAFECO), présentés en octobre 1994. (Rapport du bilan diagnostic des administrations, PNUD, MFPTRA, octobre 1994)

En effet, dans le cadre de la préparation des états généraux de décembre 1994, il a été confié à la SAFECO, entre autres, l'audit de dix (10) ministères.

Pour notre analyse, nous avons choisi au hasard trois (3) parmi ces dix (10) ministères à savoir : le ministère de la culture et des communications (MCC), le ministère de l'environnement, de l'habitat et de l'urbanisme (MEHU) et le ministère des finances (MF).

Pour chaque ministère, nous présenterons trois volets de l'étude à savoir :

- les missions du ministère ;

- la gestion des ressources humaines ;

- la capacité de contrôle et de suivi.

b-1 Ministère de la Culture et des Communications  (MCC):

b-1-1 Les missions du ministère :

Les résultats de l'audit du ministère de la culture et des communications ont révélé que nonobstant l'existence de texte créant et définissant les attributions du ministère (Décret 91-271 du 17/12/91), ses objectifs n'étaient pas clairement définis. Cette situation générait des conflits d'attribution et des contradictions entre les diverses instances du ministère.

De plus, le personnel n'était pas toujours informé des objectifs du ministère.

b-1-2 La gestion des ressources humaines :

A ce niveau, il a été constaté que le ministère de la culture et des communications ne disposait pas d'un fichier du personnel. Le personnel n'était pas affecté en fonction de son expérience et de sa formation. Le ministère n'avait pas une politique de formation et de recyclage de son personnel.

A tout cela s'ajoutait l'inexistence de règles de promotion des agents. Il convient enfin de souligner la mauvaise répartition du personnel du ministère.

b-1-3 La capacité de contrôle et de suivi :

Ici, beaucoup de dysfonctionnements ont été constatés dans la gestion du ministère. Toutes les données interrogées dans cette rubrique ont donné un résultat négatif.

Il s'agit de l'inexistence d'un programme d'action annuel et de procédures spécifiques de suivi de l'application des décisions du ministère et du gouvernement. Le ministère ne disposait pas de structure active de contrôles internes.

b-2 Ministère de l'Environnement, de l'Habitat et de l'Urbanisme (MEHU) :

b-2-1 Les missions du ministère :

Ici, les résultats des audits ont été satisfaisants. Les objectifs généraux du ministère étaient définis conformément au Décret créant et définissant les attributions du ministère (Décret 94-267 du 12/08/94). Les attributions des composantes du ministère étaient également définies par décrets et arrêtés (Décret 94-267 + Arrêtés relatifs au Décret 92-17 du 28/01/92). Les missions du ministère étaient connues des agents et mises en oeuvre normalement.

b-2-2 La gestion des ressources humaines :

Jusqu'en septembre 1994, le ministère de l'environnement, de l'habitat et de l'urbanisme n'avait pas un fichier du personnel et il n'y avait pas de règles de promotion du personnel. Il n'existait pas non plus une politique d'affectation du personnel hors de Cotonou.

b-2-3 La Capacité de contrôle et du suivi :

A ce niveau, on pouvait noter l'existence et le suivi d'un programme d'action annuel pour le ministère.

Cependant, il n'existait pas de procédures spécifiques de suivi de l'application des décisions du ministère et du gouvernement. Il a été également constaté l'inexistence de structure active de contrôles internes et de structure active de contrôles externes.

b-3 Ministère des Finances :

b-3-1 Les missions du ministère :

Au ministère des finances, les objectifs généraux existaient conformément au texte créant et définissant les attributions du ministère et de ses composantes (Décret 93-44 du 11/03/93). Cependant, les missions du ministère n'étaient pas connues et n'étaient donc pas appliquées. De plus, l'application des réglementations était difficile, faute de moyens.

b-3-2 La gestion des ressources humaines :

Ici, il a été noté que le ministère des finances ne disposait pas, jusqu'en 1994, d'un fichier du personnel. L'affectation du personnel ne tenait pas compte de l'expérience et de la formation à tous les niveaux. Il a été aussi noté que le ministère ne disposait pas d'une politique de formation et de recyclage de son personnel. De plus, il n'existait pas une politique d'affectation du personnel hors de Cotonou et les effectifs du ministère n'étaient pas connus, faute d'élaboration d'un fichier du personnel.

b-3-3 La capacité de contrôle et de suivi :

Ici, il a été  constaté que le ministère n'avait pas un programme d'action annuel. Il n'existait pas non plus une structure active de contrôles externes.

Toutefois, il existait des procédures spécifiques de suivi de l'application des décisions du ministère et du gouvernement (réunions hebdomadaires du Comité de Direction). Le ministère disposait également d'une structure active de contrôles externes.

b-4 Synthèse :

L'étude du fonctionnement du ministère de la culture et des communications, du ministère de l'environnement, de l'habitat et de l'urbanisme et du ministère des finances tel qu'il était présenté en octobre 1994, fait ressortir que les objectifs généraux et les missions n'étaient pas connus (sauf au MEHU) et n'étaient donc pas mis en oeuvre.

Au niveau de la gestion des ressources humaines, on pouvait constater l'inexistence d'un fichier du personnel.

Enfin, au niveau de la capacité de contrôle et du suivi, le constat général était l'inexistence d'un programme d'action annuel dans les ministères.

Ces constats ont confirmé et imposé la nécessité d'une solution d'urgence. D'où l'imminence des états généraux de la fonction publique et de la modernisation administrative.

2- Les limites de la loi 86-013 :

Eu égard au dysfonctionnement constaté au niveau de l'administration publique béninoise, la nécessité d'un diagnostic s'est fait sentir. Mais cette nécessité trouve aussi son fondement dans les carences constatées au niveau de la Loi 86-013 du 26 février 1986 portant statut général des APE.

En réalité, la fonction publique béninoise est aujourd'hui malade du Statut des APE. Elle souffre d'un mal entretenu par le statut des APE lui-même. En effet, ce  cadre juridique traçant la ligne directrice du fonctionnement de la fonction publique béninoise repose sur des principes très peu orientés vers l'instauration d'une fonction publique de développement et d'une administration performante. Samson DOSSOUMON pense de son côté que : « Le système de carrière doublé de l'automaticité des avancements, lesquels se traduisent par une augmentation de traitement ne tiennent pas compte des possibilités d'un pays en développement et plus particulièrement en restructuration économique ». 4(*)

En effet, le statut des APE comporte deux types d'avancement à savoir l'avancement d'échelon et l'avancement de grade à travers lesquels il a surtout révélé ses insuffisances quant à leur mise en application.

L'avancement d'échelon qui est constaté tous les deux ans automatiquement ne tient aucunement compte du mérite de l'agent. De ce fait, il ne permet pas de motiver les agents travailleurs et les traite au même titre que les paresseux. Cette situation pèse lourdement sur la masse salariale car, chaque année,

des agents avancent et ont par conséquent droit à une augmentation de leur solde indiciaire.

L'avancement de grade ou promotion quant à elle entretient des insuffisances sur trois plans :

- d'abord, les critères de notation ne sont pas adéquats et tiennent très peu compte du rendement de l'Agent Permanent de l'Etat. Cette base très fragile de la notation favorise la corruption, le règlement de compte et la complaisance promus par le secret de la note ;

- ensuite, le mécanisme de la péréquation qui subordonne le nombre d'agents à promouvoir au nombre de postes vacants dans le grade constitue un facteur de découragement de l'agent performant mais promeut dans certaines circonstances des agents juste moyens. Car, si dans un grade donné il n'y a pas de postes vacants, la compétence de l'agent n'est pas récompensée. Paradoxalement, dans un autre grade où des vacances de poste sont constatées, le "mérite" de l'agent est simplement mesuré par rapport au seuil de ces vacances. D'où des promotions non méritées ;

- enfin, les agents promus et qui ont normalement vocation à occuper un emploi supérieur n'occupent pas toujours cet emploi. De même, l'article 8 du statut général des APE dispose que les promotions ne doivent être accordées que dans la limite des disponibilités budgétaires.

Cette situation de contre-performance entretenue par le statut général des APE est la source des nombreux dysfonctionnements constatés dans la fonction publique béninoise et diagnostiqués par les travaux préparatoires des états généraux de la fonction publique et de la modernisation administrative.

PARAGRAPHE II : LA POLITISATION DE L'ADMINISTRATION

PUBLIQUE BENINOISE :

1- Les manifestions de la politisation dans l'administration béninoise :

L'un des constats pertinents des états généraux est la politisation de l'administration publique béninoise. Il a été constaté que « la culture administrative est fondée sur le « patronage » (système des protections politiques) et non sur le mérite » et qu'elle n'est pas orientée vers l'amélioration des performances et de la qualité des prestations de service ; c'est dire que la politisation constitue un grand obstacle au bon fonctionnement de l'administration publique béninoise

En effet, la fonction publique béninoise n'est pas toujours à l'abri de l'emprise du politique, au point où sa neutralité politique est aujourd'hui fortement contestée. Cette politisation de la fonction publique béninoise a pris des formes plus ou moins variées au fur et à mesure de l'évolution de notre pays depuis son indépendance. «Si de 1959, année d'adoption du premier statut de la fonction publique, à 1972, la politisation de l'administration sortait des limbes, elle a pris des allures franchement idéologiques sous le régime révolutionnaire (1972 à 1990) avant de se draper dans les habits de la démocratie après la Conférence Nationale des forces vives de février 1990 »5(*).

Dans l'administration publique béninoise, le recrutement et les nominations n'échappent pas toujours aux considérations politiques. C'est le cas par exemple des nominations d'instituteurs, de contrôleurs du travail, de secrétaires des services administratifs, d'enseignants du cours secondaire aux postes de sous-préfet ou de secrétaire général de certains départements. La fidélité au pouvoir en place apparaît alors parfois plus déterminante que le mérite. Dans ces conditions où la loyauté politique et personnelle et la docilité sont plus récompensées que le mérite, une réforme essentiellement basée sur un système objectif aura du mal à être amorcée dans l'administration publique béninoise.

2- Les recommandations des états généraux :

Face aux blocages constatés dans le fonctionnement de l'administration publique béninoise, les états généraux ont formulé des recommandations visant à redorer le blason de l'administration publique béninoise. Ces recommandations visent à dépolitiser l'administration béninoise et à y instaurer une réforme basée essentiellement sur le mérite.

a- La dépolitisation  de l'administration béninoise :

Sur ce plan, les états généraux ont recommandé entre autres que la séparation des fonctions techniques et politiques soit strictement observée afin d'assurer la continuité de l'Etat et protéger l'intégrité, l'efficacité et le caractère républicain de l'administration publique. Cette recommandation apparaît ainsi comme un remède contre la politisation de l'administration béninoise. Si est elle suivie, elle devra alors contribuer à la dépolitisation de notre administration.

b- La réforme administrative :

En vue de réorienter l'administration publique béninoise vers une administration de développement, les états généraux ont proposé une série de voies d'accès dans les termes suivants :

- Les missions et objectifs de l'Etat doivent faire objet d'une parfaite clarification afin que les ressources publiques puissent être utilisées efficacement en fonction des priorités nationales d'une part ; que les missions et fonctions se renforcent mutuellement pour permettre de bénéficier du rendement d'échelon d'autre part ;

- la culture administrative doit être réorientée vers le mérite, le contrôle de gestion ou des résultats ;

- les techniques de management du secteur privé telles que les cercles de qualité et les Systèmes d'Information appliquées à la Gestion (SIG) doivent être utilisées dans les administrations publiques afin d'en améliorer les performances ;

partant des objectifs et des missions clairement définis, on peut et doit déboucher sur une organisation publique rationalisée, stabilisée et surtout, adaptée aux missions qui lui sont confiées ;

- le dispositif législatif et réglementaire national doit être révisé, complété, correctement appliqué et constamment évalué pour obtenir un véritable Etat de droit et la restauration du cadre éthique public ;

- les méthodes de gestion publique doivent être modernisées et adaptées en accordant la priorité à la gestion des ressources humaines, des finances publiques et de l'information ;

- l'administration publique doit se mettre au service des usagers et respecter les lois pour assumer correctement ses fonctions et ainsi contribuer à la restauration de l'image de l'Etat qui, à l'heure actuelle est fortement dégradée.

En terme clair, il s'agit là d'une véritable thérapie contre la léthargie dans laquelle plonge l'administration publique béninoise. Les états généraux ont eu le mérite de révéler les caractéristiques d'une administration béninoise où le gaspillage et la contre-performance sont hébergés. Ils ont en outre démontré que la culture administrative doit être orientée vers le mérite et le contrôle des résultats, c'est-à-dire vers l'amélioration continue des performances et la qualité des prestations de service.

C'est alors que s'est affichée la nécessité de réinventer la fonction publique béninoise en adaptant surtout l'évaluation des APE aux nouvelles orientations des états généraux. D'où l'idée d'un nouveau système d'avancement au mérite.

SECTION II : EXPOSE DU NOUVEAU SYSTEME

D'AVANCEMENT AU MERITE :

Dans la présente section, nous présenterons le nouveau système d'avancement au mérite à travers sa philosophie et ses principes de base.

PARAGRAPHE I : CONTEXTE ET CARACTERISTIQUES

DU NOUVEAU SYSTEME :

1- Contexte :

La mise en oeuvre d'un nouveau système de carrière et de rémunération dans la fonction publique est l'une des actions majeures de la réforme administrative au Bénin. Elle doit être reliée notamment aux deux actions suivantes :

- la refonte des systèmes de gestion de la fonction publique et de la solde ;

- la rationalisation des effectifs et des emplois.

La première action conditionne la mise en place réelle du nouveau système dans la mesure où, sans outils informatiques de gestion (gestion solde, gestion administrative, gestion des compétences et performances), et sans véritable base de données des agents (fichier unique de référence), il y a bien peu de chance pour que le système d'avancement puisse fonctionner et être sous contrôle.

A la seconde action, le nouveau système d'avancement au mérite doit l'identification précise des postes de travail et leur description, indispensables à la fixation d'objectifs de performance (il est cependant prévu d'effectuer un énoncé succinct des principales activités du poste lors de l'entretien d'appréciation).

Le nouveau système d'avancement au mérite vise principalement deux objectifs :

- d'abord, celui de l'amélioration de la qualité du service public qui passera par une amélioration de l'organisation des services et la modernisation des outils de travail, mais il dépend surtout de l'homme ;

- deuxièmement, celui de la maîtrise des dépenses du personnel, que ne permettent pas les règles statutaires actuelles, puisque le Gouvernement s'est trouvé depuis plus de dix (10) ans dans l'incapacité d'honorer régulièrement l'effet financier des avancements.

La reconnaissance du mérite dans l'appréciation du personnel répond à un souci d'équité de traitement des agents et de motivation des plus méritants. C'est une véritable révolution culturelle qui s'inscrit en rupture par rapport à la facilité et au laxisme ambiants.

2- Les principales caractéristiques du nouveau système d'appréciation :

L'appréciation des performances est un exercice annuel obligatoire qui concerne l'ensemble des personnels civils de la fonction publique. Elle se base sur le principe d'entretien individuel s'appuyant sur des échanges ouverts. Ceux-ci permettent à la hiérarchie et aux agents d'examiner dans le détail les résultats de l'exercice passé, de fixer les objectifs futurs et de définir les besoins en formation.

La fixation des objectifs et l'évaluation des performances se feront par un entretien annuel entre l'agent et son supérieur hiérarchique. Le supérieur hiérarchique, en vue de bien expliciter son choix devra se servir d'une fiche d'appréciation qui lui servira de guide. C'est à partir de cette fiche que se fera l'évaluation. Elle permettra de faire avec l'agent le point non seulement sur ses performances réalisées mais aussi de ses faiblesses.

L'appréciation débouchera sur la notation qui permettra de ranger les agents par ordre de mérite puis de les répertorier par classe de performance (trois classes). Sur la base de cette classification seront proposés les avancements de grade et l'attribution d'une prime annuelle de performance.

PARAGRAPHE II : L'AVANCEMENT DANS LE NOUVEAU

SYSTEME :

Comme le système actuel, le nouveau système de carrière et de rémunération prévoit deux types d'avancement : l'avancement de grade et l'avancement d'échelon.

1- L'avancement de grade :

L'avancement de grade dans le nouveau système est exclusivement au mérite c'est-à-dire qu'il ne prendra en compte que les performances de l'agent. Les échelles sont structurées en quatre (4) grades (le système actuel en contient 5). Ces 4 grades sont :

- grade normal ou grade 4 ;

- grade supérieur ou grade 3 ;

- grade exceptionnel ou grade 2 ;

- grade 1 ou hors grade.

L'avancement au mérite intervient de grade à grade. Il devient accessible relativement tôt, après un minimum de cinq (5) années passées dans le grade et se traduit par une progression indiciaire sensible.

L'avancement de grade est soumis à des conditions précises relatives à l'appréciation (appartenance à la classe de performance la plus élevée trois fois au moins au cours des cinq (5) dernières années), à la proposition à l'avancement (inscription au tableau d'avancement), et à l'ouverture des postes budgétaires.

2- L'avancement d'échelon :

Comme dans le système actuel, l'avancement d'échelon est à l'ancienneté. Seulement, le nouveau système propose 90 échelons répartis sur les 4 grades comme suit :

- grade normal ou grade 4 : 30 échelons ;

- grade supérieur ou grade 3 : 25 échelons;

- grade exceptionnel ou grade 2 : 20 échelons ;

- grade 1 ou hors grade : 15 échelons.

Dès lors, tout agent pourra être en mesure de progresser tout au long de sa carrière même en l'absence d'avancement de grade. L'avancement d'échelon se déroulera exclusivement à l'intérieur du grade.

Il interviendra automatiquement après un an et se traduira par un gain indiciaire faible qui sera constaté sur le bulletin de paie sans autre formalisme.

Chapitre II :

LA MISE EN APPLICATION DU NOUVEAU SYSTEME D'AVANCEMENT AU MERITE 

Dans ce chapitre, nous présenterons essentiellement les modalités pratiques de mise en application du nouveau système d'avancement au mérite.

SECTION I : L'APPRECIATION DU MERITE ET

LA GRILLE SALARIALE :

Nous présenterons dans la présente section les modalités de l'appréciation du mérite dans le nouveau système de rémunération et de carrière mais aussi la grille salariale telle qu'elle est proposée par le nouveau système.

PARAGRAPHE I : L'APPRECIATION DU MERITE :

1- Les conditions d'appréciation du mérite dans le nouveau système d'avancement au mérite :

En effet, à l'instar du système actuel, le nouveau système d'avancement au mérite prévoit l'avancement automatique d'échelon mais qui a lieu désormais chaque année. Il est de ce fait lié à l'ancienneté. L'avancement de grade quant à lui est exclusivement au mérite, donc tient compte nécessairement de la qualité de l'agent. Il prend en compte à la fois les performances individuelles et les performances collectives. C'est-à-dire que non seulement l'agent sera noté selon ses compétences personnelles mais il le sera aussi en tenant compte de son esprit d'équipe. La part individuelle sera de 80% tandis que la part collective sera de

20%. Le résultat obtenu donnera lieu à une note qui correspondra selon le cas à l'une des appréciations suivantes :

- très bon ;

- bon ;

- à améliorer.

L'appréciation est un processus qui nécessite la mobilisation des acteurs suivants :

- le comité interministériel de fixation d'objectifs ;

- la hiérarchie ;

- l'agent apprécié ;

- la hiérarchie supérieure ;

- la commission d'arbitrage et de contrôle ;

- le médiateur ;

- l'inspecteur général des services.

L'appréciation des performances se fera à partir de trois catégories de critères à savoir :

- critères universels ou généraux ;

- critères spécifiques (propres à l'emploi ou à la fonction) ;

- degré de réalisation des objectifs fixés.

Les critères universels ou généraux peuvent s'énumérer comme suit :

* la connaissance professionnelle ;

* la culture générale ;

* l'efficacité et la disponibilité ;

* le sens du service public ;

* la ponctualité et l'assiduité ;

* soins et rapidité dans l'exécution des tâches.

Outre les critères universels ou généraux, pourront être pris en compte dans le cas des enseignants du primaire par exemple les critères spécifiques tels que :

* le rapport de l'instituteur avec son environnement humain et professionnel ;

* rapport avec ses collaborateurs ;

* avec l'Association des Parents d'Elèves ;

* avec les élèves etc.

Enfin, le degré de réalisation des objectifs fixés quant à lui constitue un critère fondamental dans l'appréciation des agents.

Pour l'instituteur par exemple, l'appréciation de sa performance prendra en compte les résultats scolaires de ses élèves.

L'agent permanent de l'Etat est tenu d'avoir au moins trois fois l'appréciation "Très bon" avant d'être proposé au tableau d'avancement. Ce tableau est préparé par le ministre de tutelle et soumis à la commission paritaire d'avancement du département ministériel concerné. La commission paritaire détermine le nombre d'agents pouvant être promus. Ce nombre ne devant pas dépasser le nombre de postes vacants, tous les autres sont victimes de la péréquation. C'est-à-dire qu'ils doivent attendre l'année suivante pour être inscrits au tableau d'avancement avec d'autres agents.

Lorsque deux agents se retrouvent au mérite égal, ils seront départagés par l'ancienneté ; en cas d'égale ancienneté, leur mérite sera déterminé sur une période assez longue.

2- les éléments d'appréciation du mérite :

2-1- Le contrat d'objectifs :

Chaque année, au cours d'un entretien entre l'agent et son supérieur hiérarchique les objectifs sont fixés à l'agent et sont consignés sous forme de contrat d'objectifs.

Ces objectifs prennent en compte la lettre de mission du ministre, les attributions et le programme d'action du ministère, de la direction ou du service, la nature du poste de travail ainsi que les compétences de l'agent. Il en sera ainsi pour tous les emplois, des moins élevés aux plus hauts.

La fixation d'objectifs et l'appréciation des performances doivent être validés par le supérieur hiérarchique de l'appréciateur.

2-2- L'évaluation des performances :

Elle se fera à la fin de chaque année par le supérieur hiérarchique au regard des résultats atteints dans le cadre de l'exécution des tâches retenues dans le contrat.

Des évaluations intermédiaires de performance sont possibles en cas de besoin.

Le résultat de l'évaluation est consigné sur une grille de cotation ou d'appréciation qui prend en compte aussi bien les critères universels et spécifiques que les performances réalisées par l'agent.

Ledit résultat est communiqué par le supérieur hiérarchique à l'agent qui a la possibilité de le contester.

PARAGRAPHE II : LA GRILLE SALARIALE :

 

1- L'actuelle grille salariale :

L'actuelle grille est celle prise par décret N°85-388 du 11 septembre 1985. Elle est structurée de la manière suivante :

- Les catégories :

Aux termes de l'article 3 de la loi 86-013 du 26 février 1986 « les agents des différents secteurs d'activités de l'Etat sont répartis suivant leur niveau de qualification professionnelle en cinq catégories désignées dans l'ordre hiérarchique : A-B-C-D-E, à savoir :

Catégorie A : Catégorie des Agents dont les emplois correspondent aux fonctions de direction, de conception ou de contrôle.

Catégorie B : Catégorie des Agents dont les emplois correspondent aux fonctions d'élaboration et d'application à un haut niveau.

Catégorie C : Catégorie des Agents dont les emplois correspondent à des tâches d'exécution spécialisées.

Catégorie D : Catégorie des Agents dont les emplois correspondent à des tâches d'exécution courantes.

Catégorie E : Catégorie des personnels dont les emplois ne nécessitent pas une qualification particulière. »

- Les échelles et échelons :

Les catégories sont subdivisées en échelles et les échelles en échelons. La répartition des échelles à l'intérieur de ces catégories est fixée par décret (article 4 du statut des APE).

- Le corps et le grade :

Le corps se définit comme un groupe de fonctionnaires soumis au même statut particulier et ayant vocation au même grade. Quant au grade, il définit la position de l'agent permanent de l'Etat dans la hiérarchie de son corps et lui confère vocation à occuper un emploi d'une qualification déterminée. Les corps sont subdivisés en un ou plusieurs grades.

Le système de rémunération utilisé jusqu'à ce jour dans la fonction publique Béninoise subdivise les grades comme suit :

- Trois normaux :

L'initial avec 4 échelons ;

L'intermédiaire avec 3 échelons ;

Le terminal avec 4 échelons.

- Un hors classe avec un échelon.

La répartition des échelles de traitement dans les catégories A, B, C, D, et E ainsi que les indices de traitement affectés à chaque grade et échelon de la hiérarchie des corps des agents permanents de l'Etat sont fixés par décret.

Le salaire annuel brut s'obtient à partir de la valeur du point indiciaire que multiplie l'indice correspondant à chaque échelon. Le total trouvé est divisé par douze (12) pour donner le salaire mensuel.

Rappelons que l'indice est un coefficient de traitement affecté à chaque grade et échelon de la hiérarchie des corps des agents permanents de l'Etat. Les indices par grade sont fixés par la commission paritaire en tenant compte du coût de vie économique des agents alors que la valeur annuelle de l'indice est fixée par décret. Actuellement, cette valeur est de 2425 F CFA.

Certaines retenues sur salaire sont faites sur le salaire brut de l'agent permanent de l'Etat. Puis viennent s'ajouter les accessoires du traitement pour obtenir le salaire net.

Les accessoires du salaire sont déterminés comme suit :

- les prestations familiales qui sont allouées aux agents permanents de l'Etat en considération du nombre d'enfants ;

- les indemnités (résidence, logement, déplacement, fonction...) ;

Le traitement se définit sur la base du diplôme acquis. La hiérarchisation des salaires tient compte des catégories qui sont des reflets des corps de la fonction publique béninoise.

2- La nouvelle grille salariale

La nouvelle grille salariale prévoit quatre (4) catégories à savoir A, B, C et D qui correspondent à des formations professionnelles précises à partir de certains diplômes de bases requis ou de leurs équivalents.

Concernant les grades, le nouveau système de gestion de carrière, comme nous l'avons souligné plus haut en comporte quatre (4) :

- Grade normal ou grade 4 avec 30 échelons ;

- Grade supérieur ou grade 3 avec 25 échelons ;

- Grade exceptionnel ou grade 2 avec 20 échelons ;

- Hors grade ou grade 1 avec 15 échelons.

Ce système réduit le régime indemnitaire actuellement en vigueur à :

- l'indemnité de logement ;

- l'indemnité de responsabilité (indemnités de risque ou de sujétion et indemnités pour certains hauts emplois) ;

- la prime de spécialité ;

- la prime de performance.

Dans cette nouvelle grille notons que l'avancement dans le grade se fera tous les ans, contrairement à ce qui se fait actuellement.

SECTION II - LES CONSEQUENCES DU NOUVEAU SYSTEME D'AVANCEMENT AU MERITE  :

Nous étudierons d'abord les avantages qui pourraient découler de la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite aussi bien pour l'Etat que pour les fonctionnaires béninois. Ensuite, nous aborderons les inconvénients que pourrait contenir le système.

PARAGRAPHE I : LES AVANTAGES 

1- Pour les APE :

Le nouveau système comporte pour l'agent permanent de l'Etat de nombreux avantages. Le gain par rapport à l'avancement de grade se présente par exemple comme suit :

- le passage du grade 4 au grade 3 entraîne une augmentation de salaire de 20% ;

- le passage du grade 3 au grade 2 entraîne une augmentation de salaire de 25% ;

- le passage du grade 2 au grade 1 entraîne une augmentation de salaire de 30%.

De même, l'avancement d'échelon se traduit par un gain annuel d'indice et une prime annuelle de performance est accordée aux agents selon leur classe de performance.

La jouissance de l'effet financier de ces avantages sera immédiate et constatée sur la fiche de paie de l'agent. Le mérite de l'agent en terme de rémunération pourra être désormais apprécié sur une base objective, ce qui sera une source de motivation, d'émulation des agents et de création de richesses.

L'agent, après avoir participé à la fixation des objectifs et à l'appréciation de ses performances a, en outre, la possibilité de contester la note à lui attribuée en empruntant les différentes voies de recours qui lui sont offertes par le système.

En effet, il convient de retenir qu'il est désormais prévu des avancements d'échelons tous les ans et des avancements de grades tous les (5) cinq ans. Aussi est-il possible à ce rythme, d'atteindre le grade HORS CLASSE, et ce, au bout de 15 années de carrière ; l'essentiel étant de réunir trois fois au moins tous les (5) cinq ans la note de performance qui rend éligible.

2- Pour l'administration publique :

Pour l'administration publique, le nouveau système d'avancement au mérite, s'il est bien appliqué, permettra une meilleure efficacité de l'administration publique avec des services et produits de qualité aux citoyens. Il éviterait au budget de l'Etat le poids lourd que constituent les agents médiocres.

En effet, ce système de rémunération semble équitable et motivant et se base sur la performance et le rendement des agents. De plus, il semble favorable à un système administratif efficace et pérenne à l'abri des partis et mouvements politiques. Il pourrait mettre en valeur les ressources humaines de l'Etat du fait qu'il conditionne une gestion participative de la chose publique.

PARAGRAPHE II- LES INCONVENIENTS 

1- Pour les APE :

L'application du nouveau système d'avancement mettra fin à une fonction publique sociale où il n'y aura plus de pitié pour les agents non performants. Les promotions tiendront désormais compte à la fois des postes et des crédits disponibles.

Sur un tout autre plan, des responsables administratifs à certains postes seraient incapables de se libérer des considérations politiques, tribales, partisanes, régionalistes ou d'intérêts immédiats dans l'appréciation des agents.

A noter également que certaines revendications ou requêtes en révision des appréciations des performances pourraient tarder à être conclues ou tranchées.

Le système pourrait alors favoriser une éventuelle subjectivité de la note et offrir des possibilités de règlement de conflits.

2- Pour l'administration publique :

Pour l'administration publique, la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite n'est pas aussi sans inconvénients. En voulant instaurer ce système, l'Etat vise un meilleur rendement et une motivation des agents permanents de l'Etat. Mais, sachant bien que le favoritisme est bien ancré dans nos moeurs, il convient de se demander si cet avancement tiendra vraiment compte des performances de l'agent. Le développement du népotisme que pourrait emporter ce système risque de créer la désolation et la démotivation dans le rang des travailleurs méritants. Le souci de mieux satisfaire les usagers pourrait de ce fait échouer.

De même, l'envoi en formation en pleine carrière qui est sanctionné par un reclassement de plein droit peut occasionner une perturbation temporaire du service, mais aussi la frustration des agents non formés.

DEUXIEME PARTIE :

LA POLITISATION DE L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BENINOISE : OBSTACLE A LA MISE EN OEUVRE DU NOUVEAU SYSTEME D'AVANCEMENT AU MERITE

« On parle de politisation lorsque le pouvoir discrétionnaire des gouvernants sur la gestion des postes publics augmente.... Il y a politisation des activités lorsque les états-majors politiques, appelés aussi cabinets ou entourages sortent de leur rôle traditionnel - le suivi des dossiers personnels des autorités publiques-, pour mettre sous tutelle les directions administratives et gérer à leur place l'appareil d'Etat ». Jean-Patrice LACAM, Regards sur l'actualité, sept.-oct. 1994

Cette deuxième partie traitera des obstacles qui pourraient naître de la politisation de l'administration publique béninoise dans la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite. Nous y présenterons ensuite les solutions proposées dans le système pour le mettre à l'abri de l'arbitraire. Enfin, nous proposerons des mesures préventives afin de protéger le système contre les effets pervers qui pourraient naître de la politisation.

Chapitre I :

L'IMMIXTION DE LA POLITIQUE DANS LA GESTION ADMINISTRATIVE AU BENIN

 

Dans ce chapitre nous présenterons les effets que pourrait avoir la politisation sur la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite. Ensuite, nous présenterons les solutions proposées dans le système.

SECTION I : LES MANIFESTATIONS DE LA POLITISATION

SUR LE NOUVEAU SYSTEME D'AVACEMENT AU MERITE :

La présente section sera consacrée à l'analyse des effets que la politisation de l'administration pourrait avoir sur la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite.

PARAGRAPHE I : L'OBJECTIVITE DE LA NOTATION :

1- Le " mérite " des amis politiques :

La note dans le nouveau système de rémunération et de carrière constitue un facteur déterminant. Elle conditionnera nécessairement l'avancement de grade et de ce fait pourrait faire l'objet de toute manipulation.

Dans une administration aussi favorable à la politisation comme la nôtre, l'objectivité de la note - surtout pour les agents proches de la classe au pouvoir -, pourrait être compromise. Elle pourra subir le coup des ambitions politiques et des performances non méritées pourraient être attribuées à certains agents pour récompenser leur appartenance à telle ou telle autre idéologie. De ce fait, la réforme sera celle de la classe au pouvoir une fois le système mis en application car, elle profitera nécessairement aux amis politiques dans le contexte actuel de l'administration publique béninoise.

L'illustration est très simple : prenons une administration où le supérieur hiérarchique est du même bord politique que son collaborateur qu'il doit noter ; il lui sera difficile de noter cet agent sur la base effective de ses compétences. Deux raisons peuvent justifier un tel comportement : la première est de lutter pour se maintenir à son poste en entretenant de bonnes relations avec les alliés politiques de son service afin que ces derniers ne se plaignent ; la deuxième raison répond elle aussi à une obligation politique : celle de maintenir l'électorat en ménageant les "compagnons de lutte" que l'on a sous sa tutelle.

La mise en application du nouveau système d'avancement au mérite dans les conditions actuelles de forte politisation de l'administration publique profitera certainement aux individus ; seulement c'est l'intérêt général qui en sortira lésé et les résultats attendus de la réforme administrative fortement piétinés. Car, des agents avanceront sans mérite et se préoccuperont très peu de la qualité du travail qu'ils accomplissent.

Les stimulants pour un penchant à la paresse et aux violations des normes prescrites sont multiples. Il n'est pas par exemple extraordinaire dans l'administration béninoise d'assister à des réunions politiques pendant des heures de service, même dans les locaux de l'administration. Pendant ce temps, c'est la continuité du service public qui est atteinte au détriment des intérêts politiques. Comment pourrait-on apprécier objectivement dans ces conditions le collaborateur à qui l'on confie l'organisation et la direction de ces rencontres politiques à des heures de service ou parfois à ses heures de repos ? La récompense ne serait-elle pas une bonne note pour lui permettre d'être inscrit au tableau d'avancement ? Le mérite dans ce cas ne serait-il pas un mérite politique ? Certes, ce n'est pas le souhait, mais, c'est plutôt la réalité à laquelle le nouveau système d'avancement au mérite risque de faire face si rien n'est fait.

L'autre effet pervers est la situation qui pourrait prévaloir dans les services publics en période de campagne électorale. Le constat depuis l'avènement de la démocratie est que très peu d'agents s'occupent effectivement de leur travail en période de campagne électorale. Un tour dans les salles de cours des lycées et collèges publics pendant ces périodes suffit pour s'en convaincre. Dans les services administratifs, le constat est invariable ou même plus piquant, où ce que nous pouvons appeler la "formule de solidarité professionnelle", comme toujours d'ailleurs est : « il s'est levé ». Dans bien des cas, c'est le poste radio allumé sur le bureau et la veste accrochée à la chaise qui trompent la vigilance de l'usager. Mais il suffit pour cet usager d'attendre quelques heures pour remarquer que celui qui s'est levé ne revient plus s'asseoir. Le phénomène est monnaie courante et aisément contagieux, car, même des stagiaires dans les services administratifs ne perdent pas du temps pour s'approprier la formule.

Cette situation d'absentéisme plus remarquable en période de campagne électorale est favorisée et même encouragée par la politisation de l'administration publique béninoise. Car, l'APE n'a rien à craindre lorsqu'il déserte le service pour aller en campagne aux côtés de son supérieur hiérarchique qui, en fin d'année devra le noter.

Du coup, c'est la qualité du service rendu par l'administration publique béninoise qui n'est pas exportable. Pourtant, tous ces agents doivent avancer et réclamer l'incidence financière de leur "performance". Or, non seulement ils auraient contribué à ralentir le rendement de l'Etat mais les usagers du service public ne sont pas aussi satisfaits.

Comment la réforme administrative pourrait-elle alors atteindre les résultats escomptés dans une administration où la volonté de faire la politique est encouragée et la performance politique promue ? Sinon, à quel souci répondrait la nomination d'un instituteur à un poste de sous-préfet ?

L'avancement au mérite, si l'on n'y prend garde risque d'être un avancement suivant le mérite politique, car, les amis politiques seront toujours récompensés et il n'y a pas meilleure récompense pour un agent permanent de l'Etat que sa promotion. D'où l'urgence de trouver des mesures dissuasives.

2- Le sort des adversaires politiques :

Sur les adversaires politiques, la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite risque d'avoir des effets très peu souhaités.

La réforme administrative, si elle est appliquée dans les conditions actuelles de l'administration publique béninoise où la politisation règne à outrance, risque de léser - quel que soit le gouvernement- les "ennemis politiques". Car, tout le monde peut constater aujourd'hui que la politique provoque une séparation de plus en plus nette entre les fonctionnaires en harmonie avec le pouvoir et ceux dits de l'opposition. Ces derniers, exclus de la participation à l'exercice du pouvoir d'Etat dans biens des cas et ramenés au rôle de simples exécutants sont désavoués dans leur choix politique et souvent guettés par des mutations fantaisistes ou purement tendancieuses.

Leur sort est souvent décidé sans tenir compte de leurs qualités professionnelles. Ils sont de ce fait démoralisés et découragés puisque leurs qualités d'imagination et de courage ne sont pas récompensées. Ils sont victimes de l'arbitraire et refusent de participer aux objectifs du service où ils travaillent.

Dans cette atmosphère peu favorable aux relations professionnelles, c'est la réforme administrative qui sera une réforme bancale car elle deviendra soit une réforme unidirectionnelle soit simplement une réforme déviée :

- la réforme administrative risque d'être une réforme unidirectionnelle car, les opposants politiques, désavoués et victimes de l'arbitraire pourraient à un moment donné s'abstenir de se battre pour les objectifs de leur service car pour eux, leur mérite n'est pas récompensé et profite plutôt à leurs collègues juste acceptables ou parfois suffisamment paresseux. Pour eux, le salut n'interviendrait qu'à la suite d'une alternance en leur faveur : le revers de fortune chez les autres. Dans cette attente, toute cette frange de l'effectif des APE restera indifférente au contrat d'objectifs, chacun dans son service et à son niveau. Dans ces conditions, le souci d'aboutir à une administration de développement restera un mythe. Car, il doit requérir la participation de tous les acteurs de l'administration publique béninoise et ne pourra jamais aboutir si toute une idéologie lui refuse son soutien ;

- la réforme administrative risque d'être une réforme déviée car, elle sera une réforme du prestige de la classe au pouvoir - pas nécessairement celle actuellement au pouvoir- parce que le mécanisme de sa mise en application dans l'administration publique béninoise peut créer un fort d'esprit et un faible d'esprit. Le fort d'esprit sera nécessairement l'agent en harmonie avec la politique du supérieur et qui avancera normalement ou plus facilement. Le faible sera l'"ami d'en face", l'adversaire politique. Celui-ci sera mal vu par son supérieur hiérarchique et n'avancera pas facilement en dépit de ses performances.

Dans cette situation de règlement de compte, on assistera à une bipolarisation de l'administration publique béninoise qui sera illustrée bien évidemment par le manque d'objectivité dans la notation. L'administration publique béninoise risque de devenir moins "compétitive" qu'elle l'est aujourd'hui, car, les opposants politiques ne se battront plus pour le mérite puisqu'ils n'avanceront pas ; les agents en harmonie avec leur supérieur hiérarchique ne se gêneront pas non plus car ils sont sûrs d'avancer. Dans ce cas, seuls les "neutres" se battront peut-être.

PARAGRAPHE II : LE SORT DES AGENTS APOLITIQUES ET

L'AVENIR DE L'ECONOMIE BENINOISE :

1- Impact du nouveau système d'avancement au mérite sur les agents

apolitiques :

On peut désigner par agents apolitiques ceux qui ne sont d'aucun bord politique ou ceux qui n'ont jamais affiché leur couleur politique.

Ceux là, normalement, n'ont rien à craindre quant aux effets pervers de la politisation sur la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite. S'ils sont performants, ils devront avancer ; dans le cas contraire ils ne devront pas crier au scandale s'ils n'avancent pas. Mais hélas, cet idéal pourrait être facilement manipulable.

A moins de posséder de vertus édifiantes, les agents neutres seront obligés de choisir un camp politique. Car, la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite donnera au supérieur hiérarchique un pouvoir intangible sur ses collaborateurs ou du moins sur leur carrière. On assistera alors à coup sûr à la corruption, à l'intimidation et à des menaces de tout genre de la part des supérieurs hiérarchiques sur leurs collaborateurs.

On assistera à la corruption car, il sera très facile à un agent, sans bord politique de tendre un pot-de-vin à son supérieur hiérarchique pour négocier une bonne note et s'inscrire au tableau d'avancement. Cette pratique loin de promouvoir la performance pourra instaurer un réseau de corruption dans les services publics béninois où l'on risque de n'avoir que des "patrons" corrompus.

D'un autre côté, l'intimidation sera poussée car les agents qui tenteraient de résister aux pratiques malsaines en échange d'une bonne note, pourront subir des pressions de tout genre. Des demandes d'explication pourront être adressées sans que des fautes de cette taille aient été commises. Des avertissements pourront être donnés dans les mêmes mesures. Dans ce cas, l'agent qui n'avait pas encore fait son choix politique le ferait et certainement en faveur de son supérieur chargé de le noter. Désormais donc, il est, lui aussi admis au cercle des protégés et n'a donc plus besoin de cultiver la performance pour progresser dans sa carrière.

Si l'on n'y prend garde, on risque d'aboutir à une violation des libertés politiques des APE béninois. Car, pour la plupart, ils pourraient, malgré eux choisir une tendance afin d'avancer. L'autre danger qui guette notre administration, c'est qu'elle risque de devenir une administration où dominera ce que nous pouvons appeler un système de "tendance politique unique". C'est-à-dire que tous les APE seront obligés d'adhérer à l'idéologie de la classe au pouvoir. La bataille pour le mérite n'existerait alors plus et le souci d'aboutir à une administration de développement sera emporté par le vent de la contre-performance concertée.

Le processus pour aboutir au système de tendance politique unique sera très simple : l'agent apolitique, lui, cèdera très vite devant les pressions de son supérieur en harmonie avec la classe au pouvoir. Quant aux adversaires politiques, ils tenteront, pour les véritables opposants, de résister. Mais, cela ne durera qu'un bout de temps. Ils finiront par céder pour progresser dans leur carrière.

L'analyse est peut-être trop abstraite, mais les retournements de veste après chaque alternance dans notre pays illustrent aisément cette situation. Des députés ont laissé entendre et continuent de dire dans ce pays, qu'ils ne passeront pas dix (10) ans dans l'opposition. Les plus habiles n'y sont plus aujourd'hui ; d'autres cherchent toujours des moyens pour s'en sortir. Cette situation qui ne date pas d'aujourd'hui, quelle que soit l'alternance que connaîtra notre pays, se produira toujours. Il en sera de même dans la fonction publique où des agents permanents de l'Etat, fatigués de leur statut d'opposant finiront par devenir dociles à ceux qui auront le pouvoir en main et qui doivent encore les noter. Ainsi, plus personne ne se soucierait du mérite, car, il n'y aurait plus d'opposition, plus de mouvance dans l'administration publique béninoise. Et, l'avancement au mérite deviendrait ainsi un outil politique facilement manipulable par l'alliance qui aurait le pouvoir en main.

2- L'avenir de l'économie nationale :

L'un des objectifs que vise le nouveau système d'avancement au mérite est la maîtrise de la masse salariale. Mais, le contraire risque de se produire avec l'ampleur que prend la politisation. Si des mesures de salubrité ne sont pas prises, le mérite risque de peser lourdement dans la balance et le danger de réduction des effectifs de l'Etat guette encore de la fonction publique béninoise.

a- Le poids du "mérite" :

Si aucune disposition n'est prise pour contenir la politisation, le mérite de l'agent n'aura certainement de sens que dans un contexte politique et il n'y aura d'autres méritants que ceux qui seraient en harmonie avec la classe au pouvoir, ou qui auraient réalisé des performances politiques.

Dans ces conditions où la tendance politique au pouvoir verrait ses effectifs grossis du fait de son privilège, les agents "performants" seront plus nombreux. La mise en application de l'avancement au mérite sera alors l'ère du record jamais réalisé en matière de performance au Bénin. Or, tous ceux qui avanceront réclameront l'incidence de leurs efforts.

Dès lors, l'avancement au mérite au lieu de maîtriser la masse salariale à la limite réelle des performances de la fonction publique risque d'envenimer la situation économique de notre pays.

b- Le risque de réduction des effectifs de l'Etat :

La résultante inéluctable de la non maîtrise de la masse salariale par le budget national sera le blocage des avancements ou mieux le blocage du paiement des droits afférant à l'avancement. Ce sera peut-être la meilleure des solutions car, la suite pourrait être une réduction de l'effectif des APE. Non pas parce que les APE seraient plus nombreux mais parce que leur rendement ne permettrait même plus à l'Etat de payer les salaires à quelque indice que ce soit. La dernière solution serait, à nouveau, d'opérer des départs volontaires ou des départs ciblés, comme ce fut le cas vers la fin des années 80 où 6 000 fonctionnaires sont partis de la fonction publique béninoise. On pourrait assister aussi à la même situation de blocage des recrutements dans la fonction publique.

D'où l'urgence de réfléchir à des mesures préventives afin que la politisation ne puisse empêcher la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite.

SECTION II : LES SOLUTIONS PROPOSEES PAR LA REFORME :

Dans cette section, nous présenterons les mesures de sécurité qui conduisent le nouveau système d'avancement au mérite et les efforts consentis par l'Etat pour garantir une administration à l'abri des effets pervers de la politisation.

PARAGRAPHE I : LES ACTIONS PRECONISEES ET L'EFFORT

AMORCE

1- Les actions de transparence contenues dans le système :

Ces actions sont présentées dans le document "Révision du mécanisme d'avancement des fonctionnaires au Bénin", MFPTRA, octobre 1997, Pp 16-17 et préconisent les dispositions suivantes :

- procéder effectivement dans le cadre des attributions de chaque ministère, à une définition annuelle voire mensuelle des principaux objectifs ;

- instaurer une culture de contrôle au sein de la fonction publique. Pour ce faire, l'évaluation des performances des agents doit se faire au quotidien d'où la nécessité pour les responsables à divers niveaux de créer une fiche individuelle de suivi de chaque agent comportant des critères, des barèmes et des périodicités de notation selon les cas de figure ;

- asseoir un mécanisme d'évaluation périodique des résultats obtenus par la structure considérée par rapport aux objectifs préalablement fixés et ce, dans une approche participative où chacun pourra prendre conscience de ses atouts et surtout de ses faiblesses pour mieux servir à l'avenir ;

- rendre effective l'application des récompenses et des punitions car le contrôle n'aurait pas de sens s'il n'engendrait pas des motivations profondes chez les uns et les autres : primes, promotions, formations pour encourager les agents méritants à toujours bien faire pour préserver leurs acquis et pour servir de modèles aux autres, avertissement ou blâme par exemple pour les agents médiocres ou ayant une mauvaise volonté manifeste etc. Ces sanctions positives ou négatives devront faire l'objet d'une publicité suffisante ;

- instaurer une note d'ensemble du service et créer un lien indispensable entre celle-ci et la note individuelle de chaque agent afin de coller avec la réalité, cultiver l'esprit de corps et de solidarité de groupe au sein de l'administration. Par exemple, si les objectifs assignés au service sont atteints à 50%, tout agent qui aurait une note supérieure à 16/20 devra bénéficier d'un rapport spécial justifiant son mérite particulier, il en sera de même dans l'hypothèse contraire. Cette mesure permettra de réduire quelque peu la complaisance observée dans la notation des agents. Elle pourra aussi contribuer à corriger le phénomène de marginalisation ou d'indifférence qui tend à s'implanter dans certains milieux de travail ;

- rendre surtout obligatoire la communication des résultats de l'évaluation à l'agent qui doit pouvoir en tirer des leçons pour l'avenir et lui donner des possibilités de recours en cas de contestation de la note qui lui est attribuée.

Ces mesures ont le mérite de renforcer la volonté du système à faire de la fonction publique béninoise une fonction publique compétitive, en mesure de rendre des services de qualité à l'usager de l'administration publique béninoise.

Seulement, dans leur ensemble, ces mesures semblent ne pas tenir compte de la politisation qui est aujourd'hui bien assise dans notre administration. Elles se sont limitées à présenter des directives à suivre en vue d'un meilleur rendement de l'agent, mais elles n'ont pas explicitement préconisé des comportements à adopter au cas où le politique tenterait de mettre sous contrôle certaines actions hors de son rôle traditionnel.

Il convient alors de renforcer ces mesures en les orientant davantage vers la lutte contre la politisation à outrance qui menace notre administration.

2- La création des secrétariats généraux des ministères :

La volonté de séparation des postes techniques et des postes politiques exprimée dès l'avènement de la démocratie au Bénin a connu depuis 1996 un début de concrétisation.

Cette amorce de la dépolitisation de l'administration publique béninoise a été consacrée par le décret 96-402 du 18 septembre 1996 fixant les structures de la Présidence de la République et des Ministères qui institue la création des postes de secrétaire général de ministère. Ce décret indique que le secrétaire général de ministère (SGM), coordonne l'ensemble des activités techniques du ministère alors que les fonctions politiques sont assurées par le cabinet dirigé par un directeur de cabinet.

Le secrétaire général du ministère incarne la continuité de l'administration ; il est la mémoire du ministère. Dans l'exercice de ses fonctions, il ne peut faire valoir ses convictions politiques et ne peut être déplacé de son poste, sauf cas de fautes graves avérées.

La coexistence, au sein d'un même ministère d'un secrétaire général et d'un directeur de cabinet peut, dans certains cas, affecter la bonne coordination de l'action administrative. C'est la raison pour laquelle cette expérience est poursuivie. Après une période d'expérimentation de cinq (5) ans, elle sera réévaluée et le gouvernement décidera alors soit de la poursuivre, soit au contraire de ne maintenir que le directeur de cabinet ou le secrétaire général.

L'initiative est louable quant à sa volonté affirmée de lutter contre la politisation de l'administration publique béninoise. Mais, dans le contexte du nouveau système d'avancement au mérite où la lutte contre la politisation requiert des mesures plus astucieusement conçues, cette idée de création des secrétariats généraux des ministères telle qu'elle est conçue nécessite d'être renforcée surtout en ce qui concerne les attributions du secrétaire général du ministère.

PARAGRAPHE II : LES VOIES DE RECOURS ET L'ARBITRAGE :

1- Les voies de recours :

La mise en application du nouveau système d'avancement au mérite pourra susciter des contestations dans le rang des agents permanents de l'Etat. Ainsi, les Agents qui s'estimeront mal appréciés par leur supérieur pourront formuler des réclamations. Des voies de recours sont alors prévues à cet effet pour permettre soit de porter des corrections aux notes attribuées, soit de les maintenir.

Il n'en demeure pas moins que des contestations débouchent sur des crises ; c'est pourquoi, le texte en vigueur a prévu des voies de recours qui sont : le recours gracieux, le recours hiérarchique et le recours juridictionnel. La mise à l'abri de l'agent dans ces cas de figure devrait lui permettre une plus grande assistance soit des délégués du personnel, soit des organisations syndicales au niveau des recours gracieux et hiérarchiques.

2- L'arbitrage :

Pour préserver l'atmosphère conviviale qui doit régner dans l'administration, le système de médiateur a été instauré. Ainsi, après les recours gracieux et hiérarchique, le médiateur devra être nécessairement saisi avant le recours en juridiction. Celui-ci pourra être nommé par le gouvernement et plus précisément par décret du Président de la République après avis des partenaires sociaux. Cela ne devrait pas cependant le placer sous la dépendance du pouvoir exécutif et par suite entraver son action auprès de l'administration. Le médiateur pourra intervenir auprès des autorités compétentes s'il estime justifiée la réclamation de l'APE. En premier, agissant comme intercesseur, il est en droit de faire toutes les recommandations nécessaires au règlement de l'affaire dont il est saisi. En second lieu et en se comportant en promoteur des réformes, il pourrait formuler toutes les propositions tendant à améliorer le fonctionnement du service en cause.

Cette idée est assez noble et pourrait effectivement renforcer la crédibilité de la note mais aussi du système. Cependant, on est porté à se poser des questions notamment sur la personne du médiateur ou du moins sur sa provenance. Car, des inquiétudes peuvent naître du fait que le médiateur sera nommé par le Président de la République. D'où l'urgence de veiller à avoir nécessairement un médiateur digne, compte tenu du caractère délicat de son rôle.

Chapitre II :

CRITIQUES ET SUGGESTIONS

Ce chapitre sera consacré à la critique des mesures proposées pour accompagner le système mais aussi aux recommandations d'autres mesures en vue d'une bonne application du nouveau système d'avancement au mérite.

Notre analyse ayant abordé la politisation comme étant un obstacle principal à la mise application correcte du nouveau système d'avancement au mérite, nos recommandations seront axées sur les moyens à mettre en oeuvre pour combattre le phénomène afin que le système soit bien appliqué.

SECTION I : CRITIQUE DES MESURES PROPOSEES :

PARAGRAPHE I : DYNAMISER LE SYSTEME DE RECOURS

1- Nécessité de renforcer les voies de recours :

Le nouveau système de rémunération et de carrière a eu le mérite d'instaurer des voies de recours en cas de contestation de la note par l'agent. La disposition paraît assez éloquente ; mais elle suscite des interrogations aussi bien sur le recours contentieux que sur la personne du médiateur.

D'abord, concernant le recours contentieux, il est à noter que le peuple béninois n'a pas encore acquis la pratique de formuler de recours devant la chambre administrative de la Cour Suprême. La première action serait alors de veiller à instaurer cette pratique dans nos moeurs afin qu'elle puisse profiter effectivement aux agents permanents de l'Etat. Pour ce faire la déconcentration de cette juridiction doit être une condition incontournable dans la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite, afin de rapprocher le juge du contentieux administratif de l'agent.

Quant au médiateur, sa provenance peut susciter également des inquiétudes. En réalité si l'on veut réellement garantir la neutralité du médiateur, ce dernier ne devra pas être nommé par le Gouvernement. Car l'on risque d'avoir un médiateur au service du pouvoir en place et de ce fait, un médiateur qui pourrait servir des intérêts tendancieux. D'où la nécessité de veiller à avoir un médiateur neutre par nature et qui puisse alors servir l'intérêt général.

On pourrait par exemple désigner le médiateur après une élection dans le rang des travailleurs jugés compétents pour accomplir cette tâche. Le postulant au poste de médiateur doit avoir accompli le maximum d'années de service public et faire l'objet d'une enquête de moralité. Il devra être politiquement neutre et accepté de tous les syndicats des travailleurs comme tel. Sa désignation doit faire l'objet d'un appel à candidature conjointement organisé par l'Etat et les centrales syndicales sur des critères adoptés par les deux parties. Son mandat ne doit pas être renouvelable.

2- Favoriser l'exécution des décisions du juge administratif :

Il arrive souvent que l'administration elle-même doive prendre une mesure positive pour que soit appliquée l'exécution d'une décision du juge administratif en faveur d'un citoyen et prononçant alors contre l'administration une condamnation. Selon les entretiens que nous avons eus avec des greffiers de la Cour Suprême, tous les arrêts rendus par la chambre administrative de la Cour Suprême contre l'Etat béninois ne sont pas appliqués ou souvent, le sont à moitié. Cela n'est pas de nature à encourager l'agent au recours juridictionnel. De plus, le fait que quelques unes de ces décisions soient parfois appliquées compromet l'impartialité de l'Etat et pourrait amener à croire que l'Etat sélectionne les décisions à exécuter selon l'agent. Il est alors urgent de résoudre ce problème de l'inexécution par le pouvoir public des décisions prononcées par le juge administratif en faveur des citoyens.

Pour ce faire, on peut recourir au système en vigueur dans l'ex URSS qui consiste à mettre en cause la responsabilité pénale et civile du fonctionnaire qui refuse l'exécution d'une décision de justice. Evidemment, le problème se posera de déterminer et d'atteindre le fonctionnaire responsable. On pourrait alors instituer, peut-être au niveau du ministère de la justice une structure chargée de l'exécution du contentieux de l'Etat et de la défense de l'intérêt de l'Etat devant le juge administratif, constituée de fonctionnaires. A cette structure, seront alloués des moyens lui permettant de dédommager les bénéficiaires d'une condamnation de l'Etat ou de suivre la mise en application des décisions du juge administratif hors de leur ressort. Ces fonctionnaires qui composeraient cette structure devront bénéficier d'une prime de rendement. C'est la responsabilité civile et pénale de ces derniers qui sera engagée en cas d'inexécution des décisions du juge administratif contre l'Etat.

PARAGRAPHE II : LA SEPARATION DES POSTES

1- Contribution à la nomination des secrétaires généraux des ministères :

Il est vrai que l'existence d'un poste de secrétaire général de ministère peut décourager la politisation de l'administration. Cependant, il serait trop précoce et assez naïf de décerner une distinction honorifique à l'initiative sans s'intéresser à certaines réalités relatives aux conditions de nomination, aux attributions et aux conditions de révocation du secrétaire général de ministère.

Si cela est vrai que le secrétariat général de ministère est un poste technique et que le secrétaire général de ministère ne peut faire valoir ses convictions politiques, on est en droit de se poser des questions sur la procédure de nomination de ce dernier qui paraît très peu convaincante pour constituer un obstacle à la politisation de l'administration, car, dans le schéma actuel, le secrétaire général de ministère est proposé par le ministre et le type d'homme qu'il doit être, du point de vue de ses ambitions et de ses colorations politiques, reste au seul jugement du ministre. Il est aussi vrai que le ministre n'est autorisé à proposer qu'un cadre de la catégorie A, échelle 1 ayant un certain nombre d'années de fonction. Mais, des hommes ou des femmes répondant à ce profil, on peut en avoir facilement dans son parti politique ou parmi ses amis politiques.

C'est pour cela qu'il serait plus juste de procéder par un appel à candidature pour retenir les secrétaires généraux des ministères afin de garantir réellement la transparence dans leur gestion.

Ensuite, il est nécessaire que le secrétaire général de ministère soit incontournable dans le processus de nomination à la tête des différentes directions du ministère. Ceci permettra de respecter l'adéquation entre le profil et le poste et empêchera le ministre de nommer des personnes qui ne répondraient pas aux exigences du poste.

Si le secrétaire général de ministère n'intervient pas activement dans les propositions de nomination à la tête des directions du ministère, quelle serait alors l'étendue de la volonté de séparation des postes ? Il est alors inconcevable qu'une réelle volonté de séparation des postes se limite à la simple nomination des secrétaires généraux des ministères et pire, dans ces conditions où le secrétaire général de ministère n'a dans la pratique aucun pouvoir d'étendre ses compétences techniques sur toutes les directions supposées être techniques du ministère en matière de gestion du processus de nomination et de révocation des différents directeurs techniques.

C'est pourquoi on est aujourd'hui en droit de conclure que l'existence des postes de secrétaire général de ministère dans les conditions actuelles est très peu orientée vers le souci de combattre la politisation, car :

- d'abord le secrétaire général étant proposé par le ministre, donc certainement dans les mêmes conditions qu'un directeur de cabinet ou un attaché de cabinet, sa nomination risque d'être fortement influencée par des considérations politiques ;

- ensuite, même si l'on suppose que le secrétaire général de ministère est nommé dans de bonnes conditions, le fait qu'il n'ait pas le pouvoir de gérer la nomination des différents directeurs limite son action de dépolitisation de l'administration.

Il faut donc que le secrétaire général de ministère ait plus d'attributions et qu'il ait surtout un pouvoir de contrôle plus strict sur les différents directeurs.

De plus, il serait souhaitable que le SGM soit nommé non plus pour cinq (5) mais plutôt pour dix (10) ans au moins pour assurer la continuité entre deux mandats présidentiels au moins.

On peut aussi envisager que les secrétaires généraux de ministère soient affectés dans les ministères par le ministre de la fonction publique comme tout agent permanent de l'Etat, mais directement nommés par arrêté de ce dernier pour occuper le poste de secrétaire général de ministère.

Pour des mesures de sécurité, on peut exiger que le ministre de la fonction publique fasse examiner ses propositions par le syndicat dont relève chaque agent à nommer avant de les soumettre à la commission chargée des affectations qui devra analyser la proposition en dernier ressort.

Dans ces conditions, on est sûr d'avoir des secrétaires généraux de ministère dignes.

Enfin, il est important que le SGM soit réellement rattaché au ministre et dépende directement de ce dernier et non du directeur de cabinet comme cela s'observe dans presque tous les ministères.

2- Plaidoyer pour un renforcement de la volonté de séparation des

postes :

La politisation de l'administration publique béninoise ne pourra être découragée si des efforts ne sont pas faits pour distinguer les postes politiques des postes techniques afin de promouvoir l'adéquation entre le poste et le profil de celui qui l'occupe.

Il serait alors nécessaire que les différents responsables nommés à divers postes soient choisis après un appel à candidature. Dans ces conditions si la sélection est confiée à un jury vraiment indépendant, rien ne pourra piétiner le caractère transparent de son choix et l'on a la chance d'avoir des hommes et des femmes sûrs à la tête des services publics.

Il est vrai que « pour appliquer une politique, il faut que soient mis aux postes clés des hommes et des femmes en harmonie avec cette politique », Jean POPEREN, Le Monde, 30/06/1982. Mais, aux grands maux, grands remèdes, dit-on. Le Bénin a besoin de renoncer à la politisation de l'administration et il vaut mieux y aller par tous les moyens. De plus, les directeurs des organismes publics ou semi-publics et des sociétés et offices d'Etat doivent être nommés dans les mêmes conditions d'étude minutieuse de dossiers de candidature. Le cas des nominations récentes à l'ORTB (Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin) est une illustration du processus que nous préconisons et peut servir de repère. Ce faisant, la mauvaise gestion des entités d'Etat, encouragée par l'impunité pourra diminuer. Car, il sera plus facile de punir celui qui ne sert aucun intérêt - parce qu'il est nommé suivant sa compétence - que celui que l'on a placé pour sauvegarder des intérêts politiques. Le premier aura peut-être peur d'être puni ou d'être révoqué parce qu'il n'est jugé que sur la base de son rendement, tandis que le second, couvert par l'autorité politique ne craint rien, même s'il fait mal. Le résultat dans ce dernier cas, c'est souvent la faillite des sociétés d'Etat. Mais, privatisées, ces sociétés sont souvent mieux gérées. C'est le cas par exemple de "La Béninoise", actuelle SO.BE.BRA et de la SONICOG, actuelle I.B.C.G.

Il urge alors de revoir les conditions de nomination à la tête des entités d'Etat afin d'assurer l'adéquation entre le profil et le poste qui constitue un élément important pour la performance de notre administration.

SECTION II : SUGGESTIONS

Paragraphe I : LES DONNEES JURIDIQUES :

1- Limiter l'accès des fonctionnaires à la politique :

Afin d'empêcher les fonctionnaires d'embrasser la carrière politique, il est nécessaire que soient revues les conditions d'accès des APE aux cercles politiques en faisant du passage à la politique une sortie à haut risque. On peut contraindre par exemple le fonctionnaire qui embrasse la carrière politique à démissionner de la fonction publique et l'empêcher ainsi d'y retourner en cas de revers de fortune.

En grande Bretagne par exemple, la démission du fonctionnaire doit être un préalable à l'élection. Pourquoi ne pas appliquer une telle disposition au Bénin ? Mieux, on peut faire des mises à disposition ou des détachements pour des raisons politiques une mise en disponibilité d'office où l'agent ne peut réclamer ses droits à la retraite ou à l'avancement durant toute la période qu'il passe dans la sphère politique.

Par ailleurs, l'alinéa dernier de l'article 63 du projet de loi 98-035 dispose : « l'agent permanent de l'Etat détaché pour exercer une fonction politique ou un mandat d'organisation des travailleurs bénéficie d'avancement et de promotion automatiques pendant l'exercice de ladite fonction ». cette disposition semble ne pas être en harmonie avec le mécanisme d'avancement tel qu'il est institué dans le nouveau système de rémunération et de carrière. Car, pour qu'un agent avance dans le grade, il faut qu'il puisse réunir en cinq (5) années, trois fois l'appréciation "très bon". Dés lors, l'agent qui, après quatre années d'évaluation n'a encore obtenu une seule fois ladite appréciation, ne peut plus en aucun cas, en une année, obtenir trois fois cette mention. Or, si au cours de cette dernière année d'évaluation l'agent bénéficie d'un détachement, il avance d'office.

C'est là une disposition de la loi 86-013 qui a été simplement reconduite dans le projet de loi 98-035 et qui met en mal le mérite dans le nouveau système où l'avancement de grade est nécessairement au mérite.

Il faut alors que des précisions soient apportées afin que la promotion ne soit plus d'office dans des conditions où l'agent détaché n'a plus aucune possibilité d'avancer s'il était resté à son poste.

2- Limiter le pouvoir de nomination du Président de la République :

Il serait nécessaire, pour réduire la politisation, de limiter l'emprise du Président de la République sur la nomination des hauts fonctionnaires. De ce fait, des amendements devraient être apportés à l'article 56 de la loi 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin qui dispose : « le Président de la République nomme trois des membres de la Cour Constitutionnelle.

Après avis du président de l'Assemblée Nationale, il nomme en conseil des ministres : le président de la Cour Suprême, le président de la Haute Autorité de l'Audiovisuelle et de la Communication, le Grand Chancelier de l'Ordre National.

Il nomme également en conseil des ministres les membres de la Cour Suprême, les ambassadeurs, les envoyés extraordinaires, les magistrats, les Officiers généraux et supérieurs, les hauts fonctionnaires dont la liste est fixée par une loi organique ».

Cette disposition de la Constitution donne en effet trop de pouvoir à l'exécutif de contrôler surtout les institutions de notre pays mais aussi la haute fonction publique.

Il est alors nécessaire qu'un texte législatif définisse notamment la gamme des emplois soumis à la nomination discrétionnaire du pouvoir exécutif et les critères minimaux de compétence que le choix politique ne saurait négliger.

Mieux, pour des raisons de transparence, la nomination du président de la Cour Suprême et du président de la HAAC peut faire par exemple l'objet d'un vote devant l'Assemblée Nationale après un appel à candidature.

PARAGRAPHE II : L'URGENCE D'UNE REVALORISATION DE LA

FONCTION PUBLIQUE ET D'UNE EDUCATION

CIVIQUE.

1- Nécessité d'une revalorisation de la fonction publique béninoise :

La fonction publique béninoise est aujourd'hui moins glorieuse qu'autrefois. Ceci est rendu possible par les réalités économiques que traverse le pays et l'essor que prend le secteur privé depuis l'avènement de la démocratie. En quelques années, l'univers du secteur public béninois a basculé. Aujourd'hui, l'Etat est dévalué et le fonctionnaire symbolisant autrefois la réussite sociale au service de la République est détrôné.

Ce malaise dans la fonction publique pousse le fonctionnaire à chercher dans l'engagement partisan un moyen de se soustraire aux effets de la situation actuelle des travailleurs béninois : non paiement des salaires à l'indice réel, non satisfaction des revendications, etc. C'est ainsi que des fonctionnaires choisissent de faire la politique hors de l'administration et se retrouvent soit dans les cabinets ministériels, soit au commandement, dans l'administration territoriale, soit à l'Assemblée Nationale. Ces APE désormais politisés par la crise, comptent sur leurs réseaux relationnels et sur la conjoncture électorale pour intégrer les directions, bénéficier des promotions et faire des carrières brillantes et rapides hors de la fonction publique.

Ainsi, force est de constater qu'avec la situation actuelle des APE, a émergé une politisation de type opportuniste qui désavoue la fonction publique.

Dès lors, se fait sentir l'urgence de réconcilier le fonctionnaire avec sa propre carrière en lui offrant une situation qui lui permette de faire face à ses besoins vitaux et de se sentir à l'aise au service de l'Etat.

De ce fait, les conditions de rémunération des fonctionnaires béninois doivent être revues pour mettre le fonctionnaire à l'abri des ambitions politiques. Cela doit aussi rendre au fonctionnaire la dignité de sa fonction et revaloriser le sens du service public.

Il faut aussi penser à la revalorisation du point indiciaire des APE mais aussi du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG).

Ensuite, l'Etat devra se battre pour payer les fonctionnaires à l'indice réel et leur garantir l'incidence des avancements. De plus, le régime indemnitaire des APE devra être révisé pour une récompense effective des efforts fournis par les fonctionnaires.

En revoyant ces préalables avec les APE, on pourra redorer à la fonction publique béninoise son blason et donner aux fonctionnaires des raisons de s'y plaire.

2- Nécessité d'une éducation civique :

La résolution de la question de la politisation de l'administration publique béninoise passera nécessairement par des leçons de civisme. Aujourd'hui, les dirigeants politiques béninois se soucient très peu de la nécessité pour notre administration de devenir une administration compétitive. Cela se traduit dans les nominations à divers postes de responsabilité où ils tiennent à peine compte de l'adéquation entre le poste à occuper et le profil de l'aspirant (près de 20 instituteurs sont actuellement sous-préfets en fonction). Il se pose alors un problème de respect de la chose publique et de culture du travail bien fait qui devraient normalement guider les dirigeants politiques dans leurs choix.

Il faudrait alors introduire un système d'éducation civique dans le public en général et dans la fonction publique en particulier, car le fonctionnaire travaille en osmose avec la société civile. C'est là une action à long terme indispensable qui doit commencer dès le système éducatif primaire et secondaire.

Ce système devra être conçu de manière à enseigner au jeune écolier, dirigeant de demain, une culture basée sur la crainte de la chose publique et le goût du travail bien fait.

Dès lors, sera encré dans les moeurs du politique béninois l'obligation morale de recourir à des critères d'objectivité dans ses choix politiques. Ainsi, on pourrait aboutir un jour à une administration où l'appartenance à une idéologie ne sera plus un critère déterminant.

La neutralité politique de la fonction publique pourra être alors renforcée afin de permettre d'aboutir à une administration compétitive, capable d'offrir un service de qualité aux usagers.

Il est alors indispensable d'entamer cette action d'éducation civique à tous les niveaux, un travail de longue haleine qui pourrait créer un environnement favorable à l'application du principe de neutralité dans le service public béninois.

Par ailleurs, le rôle de la société civile doit être déterminant. Elle devra s'armer de moyens nécessaires lui permettant de dénoncer toute sorte d'intervention abusive du politique dans les sphères de l'administration publique béninoise. De ce fait, les associations et les organisations non gouvernementales devront davantage orienter leurs actions vers la lutte contre la corruption, le favoritisme et l'ethnocentrisme dans l'administration publique béninoise. Ce faisant elles auront mieux accompli leur vocation qui consiste à suppléer l'Etat dans ses missions. Car, en matière de lutte contre la politisation, l'Etat béninois ne semble qu'amorcer le balbutiement de ces actions.

CONCLUSION GENERALE 

Après l'analyse menée le long de ce document, une grande question reste occultée : peut-on appliquer le nouveau système d'avancement au mérite si l'administration publique béninoise est toujours politisée ?

La réponse à une telle interrogation trouvera sa justification dans les effets que la politisation pourrait avoir sur la mise en application du système.

En effet, notre analyse des effets que la politisation pourrait avoir sur la mise en application du nouveau système d'avancement au mérite a révélé des lendemains sombres pour l'administration publique béninoise si le système en vient à y être appliqué dans les conditions actuelles caractérisées par une forte politisation.

Faut-il le rappeler, si le nouveau système d'avancement au mérite est appliqué dans les conditions actuelles de l'administration publique béninoise, les

fonctionnaires en harmonie avec la classe au pouvoir, du fait de la politisation, avanceront plus facilement qu'aujourd'hui ; il s'ensuivra alors l'incapacité du budget national à faire face à l'incidence des avancements. D'où, le risque de blocage des avancements et des recrutements mais aussi de réduction des effectifs de la fonction publique béninoise. La réforme administrative sera alors une réforme tordue et largement orientée vers le favoritisme et la contre-performance.

Or, d'un autre côté, la nécessité d'aboutir à une administration de développement presse. Il faut alors choisir.

Seulement, si l'analyse des effets de la politisation sur le nouveau système d'avancement au mérite nous a amené à comprendre que la politisation constitue un grand obstacle pour le système, l'urgence de ce dernier ne nous offre que deux possibilités de choix : soit initier des efforts pour combattre la politisation avant de mettre en application la réforme, soit laisser l'administration béninoise végéter dans sa léthargie -l'application du nouveau système dans le contexte actuel étant la pire des situations-. Cela interpelle alors la responsabilité des uns et des autres, surtout des gouvernants qui ont du mal à opérer des choix neutres et objectifs dans le rang des fonctionnaires. Chacun devra alors opérer son choix en toute responsabilité et le traduire dans ses comportements vis-à-vis de la chose publique. La réforme en viendrait ainsi à être amorcée, à travers les comportements des uns et des autres.

L'administration publique béninoise est malade des Béninois. Et elle est davantage malade des dirigeants politiques béninois. C'est pourquoi tout système de réforme doit être intégré dans un processus de prise de conscience individuelle ou collective qui permette à chaque Béninois de s'approprier librement les exigences qu'implique une gestion patriotique de la chose publique. Elle devra alors intervenir d'elle-même, mais elle pourrait être stimulée par l'instauration d'une éducation civique incorporée au système éducatif et susceptible de faire de l'enfant béninois une valeur morale sûre au service du développement de sa nation.

Tout ceci mettra nécessairement du temps et il vaut mieux patienter afin d'éviter le pire à notre administration. La politisation de l'administration publique béninoise est partie d'une source et il faut l'attaquer à partir de cette source. L'avancement au mérite est comme un bébé précoce que l'administration publique béninoise n'est pas encore prête à accueillir.

BIBLIOGRAPHIE :

I - OUVRAGES GENERAUX :

- GUILLEN, R et VINCENT, Jean, Lexique des termes juridiques, 11è édition 1995, Dalloz, Paris ;

- Dictionnaire universel : édition HACHETTE, Edicef, 1998 ;

- Cours de Statut des APE de Monsieur Sossou Etienne AHOUANKA, professeur de droit administratif à L'ENAM.

II- TEXTES ET LOIS :

- Loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin ;

- Loi N° 59-21 du 31 août 1959 portant statut général de la fonction publique ;

- Loi N° 86-013 du 26 février 1986 portant statut général des agents permanents de l'Etat ;

- Loi N° 98-035 du 15 septembre 1998 modifiant et complétant la loi 86-013 du 26 février 1986 portant statut général des agents permanents de l'Etat, modifiée par la loi N° 89-020 du 29 avril 1989. (cette loi n'est pas encore promulguée) ;

- Décret 96-402 du 18 septembre 1996 fixant les structures de la Présidence de la République et des ministères ;

III- OUVRAGES SPECIALISES :

- DOSSOUMON, Samson, Etude et analyse du statut général de la fonction publique béninoise, Bénin, octobre 1994 ;

- Ministère de la fonction publique, du travail et de la réforme administrative, Révision du mécanisme d'avancement des fonctionnaires au Bénin, octobre 1999 ;

- Ministère de la fonction publique, du travail et de la réforme administrative, La réforme administrative au Bénin, document-cadre, juin 2000 ;

- Programme des Nations Unies pour le Développement, Ministère de la fonction publique, du travail et de la réforme administrative, Rapport du bilan diagnostic des administrations (volet bilan rapide des ministères non audités), octobre 1994 ;

- Ministère de la fonction publique, du travail et de la réforme administrative, Etude d'un nouveau système de carrière et de rémunération dans la fonction publique, les points clés du nouveau système, juillet 1994 ;

- Multipartisme, pouvoir politique et fonction publique , VIè conférence des directeurs des ENA, IAP, ISM d'Afrique, TANGER (Maroc), 6-8 décembre 1993 ;

- NLEP, Roger Gabriel, L'administration publique camerounaise. Contribution à l'étude des systèmes africains d'administration publique, Paris, 1986 ;

- Le fonctionnaire et la politique , 11è colloque d'AVIGNON, juillet 1988 ;

- VIRAPATIRIN, Marie E., DEMEY, Ronald, La fonction publique au Burkina-Faso : Etude de cas, OFPA-Cotonou, 1995 ;

- ADJOVI, Emmanuel, La fonction publique béninoise malade de la politique, Paris 1994.

* 1Mamadou DIA, Meilleure gouvernance comme base de la réforme de la fonction publique en Afrique du Sud du Sahara, séminaire de Ouagadougou, (Burkina Faso), novembre 1993

* 2 Emmanuel ADJOVI, La fonction publique béninoise malade de la politique. Paris, 1994.

* 3 MFPTRA, La réforme administrative au Bénin, document cadre, juin 2002, Pp 25 - 26

* 4 Samson DOSSOUMON, Etude et analyse du statut général de la fonction publique béninoise, Bénin, octobre 1994

* 5 Emmanuel ADJOVI, La fonction publique béninoise malade de la politique. Paris, 1994.






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld