INTRODUCTION GENERALE
La plupart des Etats de l'Afrique Occidentale Française
(AOF), ont commencé par manifester au cours des années 50 leur
ferme désir de se libérer de la domination coloniale et de jouir
de leur autonomie. C'est ainsi qu'après des luttes anticoloniales,
intervint la vague des indépendances de 1960.
Mais, deux ans plus tôt, c'est-à-dire en
1958, la République du DAHOMEY avait déjà
été proclamée. Dès lors, en 1959 la première
loi régissant la fonction publique au DAHOMEY a été
adoptée : la loi 59-21 du 31 août 1959 portant statut
général de la fonction publique au Dahomey. Cette loi
s'appliquait à tous les ressortissants de la communauté
franco-africaine en fonction au DAHOMEY.
La loi 59-21 a connu des évolutions dans le temps. Elle
a été ainsi suivie d'autres textes à savoir :
- L'ordonnance 72-23 du 24 juillet 1972 ;
- L'ordonnance 79-21 du 04 juin 1979 ;
- La loi 86-013 du 26 février 1986 portant statut
général des agents permanents de l'Etat (APE) ;
- La loi 89-020 du 29 avril 1989 modifiant et
complétant la loi 86-013.
Aujourd'hui, c'est le projet de loi 98-035 du 15 septembre
1998 modifiant et complétant la loi 86-013 modifiée par la loi
89-020 qui constitue la pomme de discorde entre les travailleurs et l'Etat
béninois.
Ce projet de loi intervenu dans le cadre de la réforme
de l'administration publique béninoise a pour principal fondement
l'avancement des agents permanents de l'Etat au mérite,
c'est-à-dire sur la base réelle de leur performance.
Désormais donc, l'avancement des agents permanents
de l'Etat sera beaucoup plus basé sur la compétence que sur
l'ancienneté. Ceci résultera d'une évaluation qui sera
sanctionnée par une note attribuée à l'agent par son
supérieur hiérarchique.
Malheureusement, cette philosophie que
véhicule le projet de loi 98-035 semble se heurter à des
réserves chez les fonctionnaires béninois. Pour certains, ce
système vise à plafonner les salaires des agents permanents de
l'Etat ; pour d'autres, les fonctionnaires perdront leurs droits acquis et
le Bénin avance par ailleurs vers la contractualisation de la fonction
publique. Mais, tous s'accordent sur un fait :
« l'administration publique béninoise est
politisée ».
C'est ce dernier point qui a retenu notre attention
et nous a poussé à y mener des recherches. D'où le
thème : « le nouveau système
d'avancement au mérite face à la politisation de l'administration
publique béninoise ».
La lecture de ce thème suffit à
s'interroger sur les réelles motivations qui pourraient conduire
à mettre en relation deux logiques apparemment opposées :
- avancement au mérite (progression de l'agent dans sa
carrière selon ses performances) ;
- politisation de l'administration publique (intervention
abusive du politique dans les sphères administratives).
Mieux, ce libellé qui met en jeu la notion de
politisation, devenue très sensible dans le débat sur
l'avancement au mérite, pourrait paraître provocateur voire
prétentieux. Tant mieux si la démarche peut constituer un pas en
avant dans le débat.
En effet, bien des travaux (rapports, séminaires,
communications etc.) déjà, ont analysé les deux notions
d'avancement au mérite et de politisation. Mais, pour la plupart, ils ne
se sont pas intéressés à les analyser l'une par rapport
à l'autre.
Le plan de réforme et de modernisation de
l'administration publique béninoise, comme pour mettre l'accent sur la
nécessité d'une administration politiquement neutre pour
l'effectivité de la réforme administrative soutient que :
« c'est dans le contexte d'un Etat de Droit,
caractérisé par la « bonne gouvernance » (et
non d'un Etat patrimonial) qu'une réforme administrative centrée
sur le service public, le mérite et le contrôle peut produire les
résultats escomptés ».
Mamadou Dia, parlant de la politisation écrit :
« ... les politiciens et les bureaucrates se servent de l'Etat pour
s'octroyer à eux-mêmes et à leurs partisans des emplois
lucratifs, des contrats, des monopoles publics et des allocations,
etc... ». 1(*)
Emmanuel ADJOVI quant à lui, fait remarquer que
« dans la fonction publique béninoise, les recrutements,
nominations et promotions ne sont pas toujours à l'abri de l'emprise du
politique »2(*).
L'objectif de notre travail est d'analyser le nouveau
système d'avancement au mérite tel qu'il est conçu afin de
proposer une situation susceptible de permettre la mise en application
effective du système sans la main du politique.
L'intérêt d'une telle approche
réside en ce qu'elle sera dans une certaine mesure une contribution
à la mise en application du nouveau système d'avancement au
mérite en apportant des solutions aux blocages qui pourraient
naître de la politisation de l'administration publique béninoise.
C'est pourquoi, il sera question dans notre
démarche de présenter et d'analyser les impacts que pourrait
avoir la politisation sur la mise en application du nouveau système
d'avancement au mérite en vue de proposer des mesures correctives
susceptibles de permettre d'aboutir à l'idéal : la mise en
application du nouveau système d'avancement au mérite à
l'abri de l'emprise du politique.
Pour y parvenir, la défense de ce thème
empruntera volontiers les canaux suivants :
- premièrement, il s'agira d'une présentation
des fondements du nouveau système d'avancement au
mérite ;
- deuxièmement, il sera question des obstacles qui
pourraient naître de la politisation de l'administration publique
béninoise mais aussi des mesures préventives en vue de
l'application correcte du système.
PREMIERE PARTIE :
LES FONDEMENTS DU NOUVEAU SYSTEME
D'AVANCEMENT AU MERITE.
Cette première partie sera consacrée à la
présentation générale du nouveau système
d'avancement au mérite. Il s'agira d'abord de retracer les grandes
lignes du processus de réforme qui a abouti à sa recommandation.
Ensuite, partant d'un exposé général du système
à travers ses caractéristiques et ses principes de base, nous
aboutirons aux modalités pratiques de sa mise en application.
Chapitre I :
DE LA REFORME ADMINISTRATIVE A LA RECOMMANDATION
D'UN NOUVEAU MECANISME D'AVANCEMENT.
Dans le présent chapitre, nous présenterons
d'abord les constats des états généraux de la fonction
publique et de la modernisation administrative. Ensuite, nous
présenterons le nouveau système d'avancement au mérite
à travers sa philosophie.
SECTION I : LES CONSTATS DES ETATS
GENERAUX :
La tenue à Cotonou du 12 au 16 décembre
1994 des états généraux de la fonction publique et de la
modernisation administrative s'inscrivait dans la droite ligne des
recommandations de la Conférence Nationale des forces vives de la nation
de février 1990.
Ces assises qui apparaissaient comme un procès de
la fonction publique béninoise ont posé un diagnostic
sévère du fonctionnement de l'administration publique
béninoise. Elles ont abouti à des recommandations assez
pertinentes.
Cette section sera consacrée au dysfonctionnement
constaté dans l'administration publique béninoise dans le cadre
des états généraux mais aussi à la question de
la politisation de l'administration publique béninoise puis aux
recommandations des états généraux.
PARAGRAPHE I- LE DYSFONCTIONNEMENT CONSTATE DANS
L'ADMINISTRATION
PUBLIQUE BENINOISE
1- L'administration béninoise vue par les
états généraux :
a- Les conclusions des états
généraux : 3(*)
Les travaux des états généraux ont abouti
aux conclusions suivantes :
- les objectifs et missions de l'Etat ne sont pas
définis avec toute le clarté requise. Ainsi, d'une part, les
priorités entre les diverses actions publiques exercées ou
envisageables ne sont pas définies ; d'autre part, la
répartition des fonctions étatiques ne s'effectue pas avec toute
la rationalité attendue ;
- le dispositif législatif et réglementaire est
incomplet, dépassé souvent mal appliqué. La mise en place
des fondements de l'Etat de droit est juste amorcée. Il s'ensuit que la
« bonne gouvernance » caractérisée
essentiellement par la responsabilité politique légale et
administrative des gouvernants, est quasi inexistante du fait de la
prédominance de l'état patrimonial ;
- la culture administrative est fondée sur le
« patronage » (système des protections politiques)
et non sur le mérite ; de ce fait, elle n'est nullement
orientée vers l'amélioration continue des performances et de la
qualité des prestations des services ;
- faute d'une définition ou d'une répartition
satisfaisante des missions de l'Etat, l'organisation de l'administration
publique présente de nombreuses lacunes qui sont autant des sources de
gaspillage que de contre-performance ;
- le cadre éthique public est fortement
dégradé et les principes qui doivent guider l'action publique
sont perdus de vue ou négligés. Ainsi, la pratique de pot-de-vin,
la corruption, le trafic d'influence, l'abus de pouvoir, et le
détournement de deniers publics rongent notre administration, ce qui
induit une détestable image du secteur public ainsi qu'un grand
fossé entre les citoyens et leur administration.
Il ressort de ces conclusions un échec quasi
total de l'administration béninoise dans l'accomplissement de ses
missions. Cet échec est sous-tendu par une fragilité et une
instabilité des bases du fonctionnement de l'administration publique
béninoise. Du coup, l'urgence de réconcilier le citoyen
béninois avec son administration s'est imposée. Il a
été aussi jugé nécessaire d'asseoir et de
consolider le principe de la continuité du service public
et d'orienter l'administration publique vers une administration de
développement afin de permettre au budget national de contenir le
coût de la fonction publique béninoise.
Pour y parvenir, les états généraux ont
formulé une série de recommandations qui, jusqu'à nos
jours ont tout gardé de leur originalité. Pour l'essentiel, elles
peuvent être résumées à la mise en place d'un
nouveau mécanisme d'avancement des agents permanents de l'Etat,
essentiellement basé sur le mérite.
Seulement, on est porté à se poser des
questions quant à la crédibilité d'une telle entreprise
dans l'administration béninoise où la politisation semble
régner à outrance.
b- Quelques illustrations du dysfonctionnement
constaté par les états
généraux :
Ici, nous nous baserons essentiellement sur les travaux de la
Société d'Audit, de Finance, d'Expertise comptable et
d'Informatique de gestion (SAFECO), présentés en octobre 1994.
(Rapport du bilan diagnostic des administrations, PNUD,
MFPTRA, octobre 1994)
En effet, dans le cadre de la préparation des
états généraux de décembre 1994, il a
été confié à la SAFECO, entre autres, l'audit de
dix (10) ministères.
Pour notre analyse, nous avons choisi au hasard trois (3)
parmi ces dix (10) ministères à savoir : le
ministère de la culture et des communications (MCC), le ministère
de l'environnement, de l'habitat et de l'urbanisme (MEHU) et le
ministère des finances (MF).
Pour chaque ministère, nous présenterons trois
volets de l'étude à savoir :
- les missions du ministère ;
- la gestion des ressources humaines ;
- la capacité de contrôle et de suivi.
b-1 Ministère de la Culture et des
Communications (MCC):
b-1-1 Les missions du
ministère :
Les résultats de l'audit du ministère de la
culture et des communications ont révélé que nonobstant
l'existence de texte créant et définissant les attributions du
ministère (Décret 91-271 du 17/12/91), ses objectifs
n'étaient pas clairement définis. Cette situation
générait des conflits d'attribution et des contradictions entre
les diverses instances du ministère.
De plus, le personnel n'était pas toujours
informé des objectifs du ministère.
b-1-2 La gestion des ressources
humaines :
A ce niveau, il a été constaté que le
ministère de la culture et des communications ne disposait pas d'un
fichier du personnel. Le personnel n'était pas affecté en
fonction de son expérience et de sa formation. Le ministère
n'avait pas une politique de formation et de recyclage de son personnel.
A tout cela s'ajoutait l'inexistence de règles
de promotion des agents. Il convient enfin de souligner la mauvaise
répartition du personnel du ministère.
b-1-3 La capacité de contrôle et
de suivi :
Ici, beaucoup de dysfonctionnements ont été
constatés dans la gestion du ministère. Toutes les données
interrogées dans cette rubrique ont donné un résultat
négatif.
Il s'agit de l'inexistence d'un programme d'action
annuel et de procédures spécifiques de suivi de l'application des
décisions du ministère et du gouvernement. Le ministère ne
disposait pas de structure active de contrôles internes.
b-2 Ministère de l'Environnement, de
l'Habitat et de l'Urbanisme (MEHU) :
b-2-1 Les missions du
ministère :
Ici, les résultats des audits ont
été satisfaisants. Les objectifs généraux du
ministère étaient définis conformément au
Décret créant et définissant les attributions du
ministère (Décret 94-267 du 12/08/94). Les attributions des
composantes du ministère étaient également
définies par décrets et arrêtés (Décret
94-267 + Arrêtés relatifs au Décret 92-17 du 28/01/92). Les
missions du ministère étaient connues des agents et mises en
oeuvre normalement.
b-2-2 La gestion des ressources
humaines :
Jusqu'en septembre 1994, le ministère de
l'environnement, de l'habitat et de l'urbanisme n'avait pas un fichier du
personnel et il n'y avait pas de règles de promotion du personnel. Il
n'existait pas non plus une politique d'affectation du personnel hors de
Cotonou.
b-2-3 La
Capacité de contrôle et du
suivi :
A ce niveau, on pouvait noter l'existence et le suivi d'un
programme d'action annuel pour le ministère.
Cependant, il n'existait pas de procédures
spécifiques de suivi de l'application des décisions du
ministère et du gouvernement. Il a été également
constaté l'inexistence de structure active de contrôles internes
et de structure active de contrôles externes.
b-3 Ministère des
Finances :
b-3-1 Les missions du
ministère :
Au ministère des finances, les objectifs
généraux existaient conformément au texte créant et
définissant les attributions du ministère et de ses composantes
(Décret 93-44 du 11/03/93). Cependant, les missions du ministère
n'étaient pas connues et n'étaient donc pas appliquées. De
plus, l'application des réglementations était difficile, faute de
moyens.
b-3-2 La gestion des ressources
humaines :
Ici, il a été noté que le
ministère des finances ne disposait pas, jusqu'en 1994, d'un fichier du
personnel. L'affectation du personnel ne tenait pas compte de
l'expérience et de la formation à tous les niveaux. Il a
été aussi noté que le ministère ne disposait pas
d'une politique de formation et de recyclage de son personnel. De plus, il
n'existait pas une politique d'affectation du personnel hors de Cotonou et les
effectifs du ministère n'étaient pas connus, faute
d'élaboration d'un fichier du personnel.
b-3-3 La capacité de contrôle et
de suivi :
Ici, il a été constaté que
le ministère n'avait pas un programme d'action annuel. Il n'existait pas
non plus une structure active de contrôles externes.
Toutefois, il existait des procédures
spécifiques de suivi de l'application des décisions du
ministère et du gouvernement (réunions hebdomadaires du
Comité de Direction). Le ministère disposait également
d'une structure active de contrôles externes.
b-4 Synthèse :
L'étude du fonctionnement du ministère
de la culture et des communications, du ministère de l'environnement, de
l'habitat et de l'urbanisme et du ministère des finances tel qu'il
était présenté en octobre 1994, fait ressortir que les
objectifs généraux et les missions n'étaient pas connus
(sauf au MEHU) et n'étaient donc pas mis en oeuvre.
Au niveau de la gestion des ressources humaines, on pouvait
constater l'inexistence d'un fichier du personnel.
Enfin, au niveau de la capacité de contrôle et du
suivi, le constat général était l'inexistence d'un
programme d'action annuel dans les ministères.
Ces constats ont confirmé et imposé la
nécessité d'une solution d'urgence. D'où l'imminence des
états généraux de la fonction publique et de la
modernisation administrative.
2- Les limites de la loi
86-013 :
Eu égard au dysfonctionnement constaté au niveau
de l'administration publique béninoise, la nécessité d'un
diagnostic s'est fait sentir. Mais cette nécessité trouve aussi
son fondement dans les carences constatées au niveau de la Loi 86-013 du
26 février 1986 portant statut général des APE.
En réalité, la fonction publique
béninoise est aujourd'hui malade du Statut des APE. Elle souffre d'un
mal entretenu par le statut des APE lui-même. En effet, ce cadre
juridique traçant la ligne directrice du fonctionnement de la fonction
publique béninoise repose sur des principes très peu
orientés vers l'instauration d'une fonction publique de
développement et d'une administration performante. Samson DOSSOUMON
pense de son côté que : « Le système de
carrière doublé de l'automaticité des avancements,
lesquels se traduisent par une augmentation de traitement ne tiennent pas
compte des possibilités d'un pays en développement et plus
particulièrement en restructuration économique ».
4(*)
En effet, le statut des APE comporte deux types
d'avancement à savoir l'avancement d'échelon et l'avancement
de grade à travers lesquels il a surtout révélé ses
insuffisances quant à leur mise en application.
L'avancement d'échelon qui est constaté
tous les deux ans automatiquement ne tient aucunement compte du mérite
de l'agent. De ce fait, il ne permet pas de motiver les agents travailleurs
et les traite au même titre que les paresseux. Cette situation
pèse lourdement sur la masse salariale car, chaque
année,
des agents avancent et ont par conséquent droit
à une augmentation de leur solde indiciaire.
L'avancement de grade ou promotion quant à elle
entretient des insuffisances sur trois plans :
- d'abord, les critères de notation ne sont pas
adéquats et tiennent très peu compte du rendement de l'Agent
Permanent de l'Etat. Cette base très fragile de la notation favorise
la corruption, le règlement de compte et la complaisance promus par le
secret de la note ;
- ensuite, le mécanisme de la péréquation
qui subordonne le nombre d'agents à promouvoir au nombre de postes
vacants dans le grade constitue un facteur de découragement de l'agent
performant mais promeut dans certaines circonstances des agents juste moyens.
Car, si dans un grade donné il n'y a pas de postes vacants, la
compétence de l'agent n'est pas récompensée.
Paradoxalement, dans un autre grade où des vacances de poste sont
constatées, le "mérite" de l'agent est simplement mesuré
par rapport au seuil de ces vacances. D'où des promotions non
méritées ;
- enfin, les agents promus et qui ont normalement vocation
à occuper un emploi supérieur n'occupent pas toujours cet emploi.
De même, l'article 8 du statut général des APE dispose que
les promotions ne doivent être accordées que dans la limite des
disponibilités budgétaires.
Cette situation de contre-performance entretenue par le
statut général des APE est la source des nombreux
dysfonctionnements constatés dans la fonction publique béninoise
et diagnostiqués par les travaux préparatoires des états
généraux de la fonction publique et de la modernisation
administrative.
PARAGRAPHE II : LA
POLITISATION DE L'ADMINISTRATION
PUBLIQUE
BENINOISE :
1- Les manifestions de la politisation dans
l'administration béninoise :
L'un des constats pertinents des états
généraux est la politisation de l'administration publique
béninoise. Il a été constaté que « la
culture administrative est fondée sur le
« patronage » (système des protections politiques)
et non sur le mérite » et qu'elle n'est pas
orientée vers l'amélioration des performances et de la
qualité des prestations de service ; c'est dire que la politisation
constitue un grand obstacle au bon fonctionnement de l'administration publique
béninoise
En effet, la fonction publique béninoise n'est
pas toujours à l'abri de l'emprise du politique, au point où sa
neutralité politique est aujourd'hui fortement contestée. Cette
politisation de la fonction publique béninoise a pris des formes plus ou
moins variées au fur et à mesure de l'évolution de notre
pays depuis son indépendance. «Si de 1959, année d'adoption
du premier statut de la fonction publique, à 1972, la politisation de
l'administration sortait des limbes, elle a pris des allures franchement
idéologiques sous le régime révolutionnaire (1972 à
1990) avant de se draper dans les habits de la démocratie après
la Conférence Nationale des forces vives de février
1990 »5(*).
Dans l'administration publique béninoise, le
recrutement et les nominations n'échappent pas toujours aux
considérations politiques. C'est le cas par exemple des nominations
d'instituteurs, de contrôleurs du travail, de secrétaires des
services administratifs, d'enseignants du cours secondaire aux postes de
sous-préfet ou de secrétaire général de certains
départements. La fidélité au pouvoir en place
apparaît alors parfois plus déterminante que le mérite.
Dans ces conditions où la loyauté politique et personnelle
et la docilité sont plus récompensées que le
mérite, une réforme essentiellement basée sur un
système objectif aura du mal à être amorcée dans
l'administration publique béninoise.
2- Les recommandations des états
généraux :
Face aux blocages constatés dans le fonctionnement de
l'administration publique béninoise, les états
généraux ont formulé des recommandations visant à
redorer le blason de l'administration publique béninoise. Ces
recommandations visent à dépolitiser l'administration
béninoise et à y instaurer une réforme basée
essentiellement sur le mérite.
a- La dépolitisation de
l'administration béninoise :
Sur ce plan, les états généraux ont
recommandé entre autres que la séparation des fonctions
techniques et politiques soit strictement observée afin d'assurer la
continuité de l'Etat et protéger l'intégrité,
l'efficacité et le caractère républicain de
l'administration publique. Cette recommandation apparaît ainsi comme un
remède contre la politisation de l'administration béninoise. Si
est elle suivie, elle devra alors contribuer à la dépolitisation
de notre administration.
b- La réforme
administrative :
En vue de réorienter l'administration publique
béninoise vers une administration de développement, les
états généraux ont proposé une série de
voies d'accès dans les termes suivants :
- Les missions et objectifs de l'Etat doivent faire objet
d'une parfaite clarification afin que les ressources publiques puissent
être utilisées efficacement en fonction des priorités
nationales d'une part ; que les missions et fonctions se renforcent
mutuellement pour permettre de bénéficier du rendement
d'échelon d'autre part ;
- la culture administrative doit être
réorientée vers le mérite, le contrôle de gestion ou
des résultats ;
- les techniques de management du secteur privé telles
que les cercles de qualité et les Systèmes d'Information
appliquées à la Gestion (SIG) doivent être utilisées
dans les administrations publiques afin d'en améliorer les
performances ;
partant des objectifs et des missions clairement
définis, on peut et doit déboucher sur une organisation publique
rationalisée, stabilisée et surtout, adaptée aux missions
qui lui sont confiées ;
- le dispositif législatif et réglementaire
national doit être révisé, complété,
correctement appliqué et constamment évalué pour obtenir
un véritable Etat de droit et la restauration du cadre éthique
public ;
- les méthodes de gestion publique doivent être
modernisées et adaptées en accordant la priorité à
la gestion des ressources humaines, des finances publiques et de
l'information ;
- l'administration publique doit se mettre au service des
usagers et respecter les lois pour assumer correctement ses fonctions et ainsi
contribuer à la restauration de l'image de l'Etat qui, à l'heure
actuelle est fortement dégradée.
En terme clair, il s'agit là d'une
véritable thérapie contre la léthargie dans laquelle
plonge l'administration publique béninoise. Les états
généraux ont eu le mérite de révéler les
caractéristiques d'une administration béninoise où le
gaspillage et la contre-performance sont hébergés. Ils ont en
outre démontré que la culture administrative doit être
orientée vers le mérite et le contrôle des
résultats, c'est-à-dire vers l'amélioration continue des
performances et la qualité des prestations de service.
C'est alors que s'est affichée la
nécessité de réinventer la fonction publique
béninoise en adaptant surtout l'évaluation des APE aux nouvelles
orientations des états généraux. D'où l'idée
d'un nouveau système d'avancement au mérite.
SECTION II : EXPOSE DU NOUVEAU SYSTEME
D'AVANCEMENT AU
MERITE :
Dans la présente section, nous présenterons le
nouveau système d'avancement au mérite à travers sa
philosophie et ses principes de base.
PARAGRAPHE I :
CONTEXTE ET CARACTERISTIQUES
DU NOUVEAU
SYSTEME :
1- Contexte :
La mise en oeuvre d'un nouveau système de
carrière et de rémunération dans la fonction publique est
l'une des actions majeures de la réforme administrative au Bénin.
Elle doit être reliée notamment aux deux actions
suivantes :
- la refonte des systèmes de gestion de la fonction
publique et de la solde ;
- la rationalisation des effectifs et des emplois.
La première action conditionne la mise en place
réelle du nouveau système dans la mesure où, sans outils
informatiques de gestion (gestion solde, gestion administrative, gestion des
compétences et performances), et sans véritable base de
données des agents (fichier unique de référence), il y a
bien peu de chance pour que le système d'avancement puisse fonctionner
et être sous contrôle.
A la seconde action, le nouveau système d'avancement au
mérite doit l'identification précise des postes de travail et
leur description, indispensables à la fixation d'objectifs de
performance (il est cependant prévu d'effectuer un énoncé
succinct des principales activités du poste lors de l'entretien
d'appréciation).
Le nouveau système d'avancement au mérite vise
principalement deux objectifs :
- d'abord, celui de l'amélioration de la
qualité du service public qui passera par une amélioration de
l'organisation des services et la modernisation des outils de travail, mais il
dépend surtout de l'homme ;
- deuxièmement, celui de la maîtrise des
dépenses du personnel, que ne permettent pas les règles
statutaires actuelles, puisque le Gouvernement s'est trouvé depuis plus
de dix (10) ans dans l'incapacité d'honorer régulièrement
l'effet financier des avancements.
La reconnaissance du mérite dans l'appréciation
du personnel répond à un souci d'équité de
traitement des agents et de motivation des plus méritants. C'est une
véritable révolution culturelle qui s'inscrit en rupture par
rapport à la facilité et au laxisme ambiants.
2- Les principales caractéristiques du
nouveau système d'appréciation :
L'appréciation des performances est un exercice annuel
obligatoire qui concerne l'ensemble des personnels civils de la fonction
publique. Elle se base sur le principe d'entretien individuel s'appuyant sur
des échanges ouverts. Ceux-ci permettent à la hiérarchie
et aux agents d'examiner dans le détail les résultats de
l'exercice passé, de fixer les objectifs futurs et de définir les
besoins en formation.
La fixation des objectifs et l'évaluation des
performances se feront par un entretien annuel entre l'agent et son
supérieur hiérarchique. Le supérieur hiérarchique,
en vue de bien expliciter son choix devra se servir d'une fiche
d'appréciation qui lui servira de guide. C'est à partir de cette
fiche que se fera l'évaluation. Elle permettra de faire avec l'agent le
point non seulement sur ses performances réalisées mais aussi de
ses faiblesses.
L'appréciation débouchera sur la notation qui
permettra de ranger les agents par ordre de mérite puis de les
répertorier par classe de performance (trois classes). Sur la base de
cette classification seront proposés les avancements de grade et
l'attribution d'une prime annuelle de performance.
PARAGRAPHE II :
L'AVANCEMENT DANS LE NOUVEAU
SYSTEME :
Comme le système actuel, le nouveau système de
carrière et de rémunération prévoit deux types
d'avancement : l'avancement de grade et l'avancement d'échelon.
1- L'avancement de grade :
L'avancement de grade dans le nouveau système est
exclusivement au mérite c'est-à-dire qu'il ne prendra en compte
que les performances de l'agent. Les échelles sont structurées en
quatre (4) grades (le système actuel en contient 5). Ces 4 grades
sont :
- grade normal ou grade 4 ;
- grade supérieur ou grade 3 ;
- grade exceptionnel ou grade 2 ;
- grade 1 ou hors grade.
L'avancement au mérite intervient de grade à
grade. Il devient accessible relativement tôt, après un minimum de
cinq (5) années passées dans le grade et se traduit par une
progression indiciaire sensible.
L'avancement de grade est soumis à des conditions
précises relatives à l'appréciation (appartenance à
la classe de performance la plus élevée trois fois au moins au
cours des cinq (5) dernières années), à la proposition
à l'avancement (inscription au tableau d'avancement), et à
l'ouverture des postes budgétaires.
2- L'avancement
d'échelon :
Comme dans le système actuel, l'avancement
d'échelon est à l'ancienneté. Seulement, le nouveau
système propose 90 échelons répartis sur les 4 grades
comme suit :
- grade normal ou grade 4 : 30 échelons ;
- grade supérieur ou grade 3 : 25
échelons;
- grade exceptionnel ou grade 2 : 20
échelons ;
- grade 1 ou hors grade : 15 échelons.
Dès lors, tout agent pourra être en mesure de
progresser tout au long de sa carrière même en l'absence
d'avancement de grade. L'avancement d'échelon se déroulera
exclusivement à l'intérieur du grade.
Il interviendra automatiquement après un an et se
traduira par un gain indiciaire faible qui sera constaté sur le
bulletin de paie sans autre formalisme.
Chapitre II :
LA MISE EN APPLICATION DU NOUVEAU SYSTEME D'AVANCEMENT
AU MERITE
Dans ce chapitre, nous présenterons essentiellement les
modalités pratiques de mise en application du nouveau système
d'avancement au mérite.
SECTION I : L'APPRECIATION DU MERITE ET
LA GRILLE
SALARIALE :
Nous présenterons dans la présente section les
modalités de l'appréciation du mérite dans le nouveau
système de rémunération et de carrière mais aussi
la grille salariale telle qu'elle est proposée par le nouveau
système.
PARAGRAPHE I :
L'APPRECIATION DU MERITE :
1- Les conditions d'appréciation du
mérite dans le nouveau système d'avancement au mérite
:
En effet, à l'instar du système actuel, le
nouveau système d'avancement au mérite prévoit
l'avancement automatique d'échelon mais qui a lieu désormais
chaque année. Il est de ce fait lié à l'ancienneté.
L'avancement de grade quant à lui est exclusivement au mérite,
donc tient compte nécessairement de la qualité de l'agent. Il
prend en compte à la fois les performances individuelles et les
performances collectives. C'est-à-dire que non seulement l'agent sera
noté selon ses compétences personnelles mais il le sera aussi en
tenant compte de son esprit d'équipe. La part individuelle sera de 80%
tandis que la part collective sera de
20%. Le résultat obtenu donnera lieu à une note
qui correspondra selon le cas à l'une des appréciations
suivantes :
- très bon ;
- bon ;
- à améliorer.
L'appréciation est un processus qui nécessite la
mobilisation des acteurs suivants :
- le comité interministériel de fixation
d'objectifs ;
- la hiérarchie ;
- l'agent apprécié ;
- la hiérarchie supérieure ;
- la commission d'arbitrage et de contrôle ;
- le médiateur ;
- l'inspecteur général des services.
L'appréciation des performances se fera à partir
de trois catégories de critères à savoir :
- critères universels ou
généraux ;
- critères spécifiques (propres à
l'emploi ou à la fonction) ;
- degré de réalisation des objectifs
fixés.
Les critères universels ou généraux
peuvent s'énumérer comme suit :
* la connaissance professionnelle ;
* la culture générale ;
* l'efficacité et la disponibilité ;
* le sens du service public ;
* la ponctualité et l'assiduité ;
* soins et rapidité dans l'exécution des
tâches.
Outre les critères universels ou
généraux, pourront être pris en compte dans le cas des
enseignants du primaire par exemple les critères spécifiques tels
que :
* le rapport de l'instituteur avec son environnement
humain et professionnel ;
* rapport avec ses collaborateurs ;
* avec l'Association des Parents d'Elèves ;
* avec les élèves etc.
Enfin, le degré de réalisation des objectifs
fixés quant à lui constitue un critère fondamental dans
l'appréciation des agents.
Pour l'instituteur par exemple, l'appréciation
de sa performance prendra en compte les résultats scolaires de ses
élèves.
L'agent permanent de l'Etat est tenu d'avoir au moins
trois fois l'appréciation "Très bon" avant d'être
proposé au tableau d'avancement. Ce tableau est préparé
par le ministre de tutelle et soumis à la commission paritaire
d'avancement du département ministériel concerné. La
commission paritaire détermine le nombre d'agents pouvant être
promus. Ce nombre ne devant pas dépasser le nombre de postes vacants,
tous les autres sont victimes de la péréquation.
C'est-à-dire qu'ils doivent attendre l'année suivante pour
être inscrits au tableau d'avancement avec d'autres agents.
Lorsque deux agents se retrouvent au mérite
égal, ils seront départagés par l'ancienneté ;
en cas d'égale ancienneté, leur mérite sera
déterminé sur une période assez longue.
2- les éléments
d'appréciation du mérite :
2-1- Le contrat
d'objectifs :
Chaque année, au cours d'un entretien entre l'agent
et son supérieur hiérarchique les objectifs sont fixés
à l'agent et sont consignés sous forme de contrat d'objectifs.
Ces objectifs prennent en compte la lettre de mission du
ministre, les attributions et le programme d'action du ministère, de la
direction ou du service, la nature du poste de travail ainsi que les
compétences de l'agent. Il en sera ainsi pour tous les emplois, des
moins élevés aux plus hauts.
La fixation d'objectifs et l'appréciation des
performances doivent être validés par le supérieur
hiérarchique de l'appréciateur.
2-2- L'évaluation des
performances :
Elle se fera à la fin de chaque année par le
supérieur hiérarchique au regard des résultats atteints
dans le cadre de l'exécution des tâches retenues dans le
contrat.
Des évaluations intermédiaires de performance
sont possibles en cas de besoin.
Le résultat de l'évaluation est consigné
sur une grille de cotation ou d'appréciation qui prend en compte aussi
bien les critères universels et spécifiques que les performances
réalisées par l'agent.
Ledit résultat est communiqué par le
supérieur hiérarchique à l'agent qui a la
possibilité de le contester.
PARAGRAPHE II : LA GRILLE
SALARIALE :
1- L'actuelle grille salariale :
L'actuelle grille est celle prise par décret
N°85-388 du 11 septembre 1985. Elle est structurée de la
manière suivante :
- Les catégories :
Aux termes de l'article 3 de la loi 86-013 du 26
février 1986 « les agents des différents secteurs
d'activités de l'Etat sont répartis suivant leur niveau de
qualification professionnelle en cinq catégories désignées
dans l'ordre hiérarchique : A-B-C-D-E,
à savoir :
Catégorie A : Catégorie des Agents
dont les emplois correspondent aux fonctions de direction, de conception ou de
contrôle.
Catégorie B : Catégorie des Agents dont
les emplois correspondent aux fonctions d'élaboration et d'application
à un haut niveau.
Catégorie C : Catégorie des Agents dont
les emplois correspondent à des tâches d'exécution
spécialisées.
Catégorie D : Catégorie des Agents dont
les emplois correspondent à des tâches d'exécution
courantes.
Catégorie E : Catégorie des personnels
dont les emplois ne nécessitent pas une qualification
particulière. »
- Les échelles et échelons :
Les catégories sont subdivisées en
échelles et les échelles en échelons. La
répartition des échelles à l'intérieur de ces
catégories est fixée par décret (article 4 du statut des
APE).
- Le corps et le grade :
Le corps se définit comme un groupe de fonctionnaires
soumis au même statut particulier et ayant vocation au même grade.
Quant au grade, il définit la position de l'agent permanent de l'Etat
dans la hiérarchie de son corps et lui confère vocation à
occuper un emploi d'une qualification déterminée. Les corps sont
subdivisés en un ou plusieurs grades.
Le système de rémunération
utilisé jusqu'à ce jour dans la fonction publique
Béninoise subdivise les grades comme suit :
- Trois normaux :
L'initial avec 4 échelons ;
L'intermédiaire avec 3 échelons ;
Le terminal avec 4 échelons.
- Un hors classe avec un échelon.
La répartition des échelles de
traitement dans les catégories A, B, C, D, et E ainsi que les indices
de traitement affectés à chaque grade et échelon de la
hiérarchie des corps des agents permanents de l'Etat sont
fixés par décret.
Le salaire annuel brut s'obtient à partir de la valeur
du point indiciaire que multiplie l'indice correspondant à chaque
échelon. Le total trouvé est divisé par douze (12) pour
donner le salaire mensuel.
Rappelons que l'indice est un coefficient de
traitement affecté à chaque grade et échelon de la
hiérarchie des corps des agents permanents de l'Etat. Les indices par
grade sont fixés par la commission paritaire en tenant compte du
coût de vie économique des agents alors que la valeur annuelle de
l'indice est fixée par décret. Actuellement, cette valeur est de
2425 F CFA.
Certaines retenues sur salaire sont faites sur le
salaire brut de l'agent permanent de l'Etat. Puis viennent s'ajouter les
accessoires du traitement pour obtenir le salaire net.
Les accessoires du salaire sont déterminés
comme suit :
- les prestations familiales qui sont allouées aux
agents permanents de l'Etat en considération du nombre
d'enfants ;
- les indemnités (résidence,
logement, déplacement, fonction...) ;
Le traitement se définit sur la base du
diplôme acquis. La hiérarchisation des salaires tient compte des
catégories qui sont des reflets des corps de la fonction publique
béninoise.
2- La nouvelle grille salariale
La nouvelle grille salariale prévoit quatre (4)
catégories à savoir A, B, C et D qui correspondent à des
formations professionnelles précises à partir de certains
diplômes de bases requis ou de leurs équivalents.
Concernant les grades, le nouveau système de gestion de
carrière, comme nous l'avons souligné plus haut en comporte
quatre (4) :
- Grade normal ou grade 4 avec 30 échelons ;
- Grade supérieur ou grade 3 avec 25
échelons ;
- Grade exceptionnel ou grade 2 avec 20
échelons ;
- Hors grade ou grade 1 avec 15 échelons.
Ce système réduit le régime indemnitaire
actuellement en vigueur à :
- l'indemnité de logement ;
- l'indemnité de responsabilité
(indemnités de risque ou de sujétion et indemnités pour
certains hauts emplois) ;
- la prime de spécialité ;
- la prime de performance.
Dans cette nouvelle grille notons que l'avancement dans le
grade se fera tous les ans, contrairement à ce qui se fait
actuellement.
SECTION II - LES CONSEQUENCES DU NOUVEAU SYSTEME
D'AVANCEMENT AU MERITE :
Nous étudierons d'abord les avantages qui pourraient
découler de la mise en application du nouveau système
d'avancement au mérite aussi bien pour l'Etat que pour les
fonctionnaires béninois. Ensuite, nous aborderons les
inconvénients que pourrait contenir le système.
PARAGRAPHE I :
LES AVANTAGES
1- Pour les APE :
Le nouveau système comporte pour l'agent permanent de
l'Etat de nombreux avantages. Le gain par rapport à l'avancement de
grade se présente par exemple comme suit :
- le passage du grade 4 au grade 3 entraîne une
augmentation de salaire de 20% ;
- le passage du grade 3 au grade 2 entraîne une
augmentation de salaire de 25% ;
- le passage du grade 2 au grade 1 entraîne une
augmentation de salaire de 30%.
De même, l'avancement d'échelon se
traduit par un gain annuel d'indice et une prime annuelle de performance est
accordée aux agents selon leur classe de performance.
La jouissance de l'effet financier de ces avantages sera
immédiate et constatée sur la fiche de paie de l'agent. Le
mérite de l'agent en terme de rémunération pourra
être désormais apprécié sur une base objective, ce
qui sera une source de motivation, d'émulation des agents et de
création de richesses.
L'agent, après avoir participé à la
fixation des objectifs et à l'appréciation de ses performances a,
en outre, la possibilité de contester la note à lui
attribuée en empruntant les différentes voies de recours qui lui
sont offertes par le système.
En effet, il convient de retenir qu'il est
désormais prévu des avancements d'échelons tous les ans et
des avancements de grades tous les (5) cinq ans. Aussi est-il possible à
ce rythme, d'atteindre le grade HORS CLASSE, et ce, au bout de 15 années
de carrière ; l'essentiel étant de réunir trois fois
au moins tous les (5) cinq ans la note de performance qui rend
éligible.
2- Pour l'administration publique
:
Pour l'administration publique, le nouveau système
d'avancement au mérite, s'il est bien appliqué, permettra une
meilleure efficacité de l'administration publique avec des services et
produits de qualité aux citoyens. Il éviterait au budget de
l'Etat le poids lourd que constituent les agents médiocres.
En effet, ce système de
rémunération semble équitable et motivant et se base sur
la performance et le rendement des agents. De plus, il semble favorable
à un système administratif efficace et pérenne à
l'abri des partis et mouvements politiques. Il pourrait mettre en valeur les
ressources humaines de l'Etat du fait qu'il conditionne une gestion
participative de la chose publique.
PARAGRAPHE II- LES
INCONVENIENTS
1- Pour les APE :
L'application du nouveau système d'avancement mettra
fin à une fonction publique sociale où il n'y aura plus de
pitié pour les agents non performants. Les promotions tiendront
désormais compte à la fois des postes et des crédits
disponibles.
Sur un tout autre plan, des responsables administratifs
à certains postes seraient incapables de se libérer des
considérations politiques, tribales, partisanes, régionalistes ou
d'intérêts immédiats dans l'appréciation des agents.
A noter également que certaines
revendications ou requêtes en révision des appréciations
des performances pourraient tarder à être conclues ou
tranchées.
Le système pourrait alors favoriser une
éventuelle subjectivité de la note et offrir des
possibilités de règlement de conflits.
2- Pour l'administration
publique :
Pour l'administration publique, la mise en application du
nouveau système d'avancement au mérite n'est pas aussi sans
inconvénients. En voulant instaurer ce système, l'Etat vise un
meilleur rendement et une motivation des agents permanents de l'Etat. Mais,
sachant bien que le favoritisme est bien ancré dans nos moeurs, il
convient de se demander si cet avancement tiendra vraiment compte des
performances de l'agent. Le développement du népotisme que
pourrait emporter ce système risque de créer la désolation
et la démotivation dans le rang des travailleurs méritants. Le
souci de mieux satisfaire les usagers pourrait de ce fait échouer.
De même, l'envoi en formation en pleine
carrière qui est sanctionné par un reclassement de plein droit
peut occasionner une perturbation temporaire du service, mais aussi la
frustration des agents non formés.
DEUXIEME PARTIE :
LA POLITISATION DE L'ADMINISTRATION PUBLIQUE
BENINOISE : OBSTACLE A LA MISE EN OEUVRE DU NOUVEAU SYSTEME D'AVANCEMENT
AU MERITE
« On parle de politisation lorsque le pouvoir
discrétionnaire des gouvernants sur la gestion des postes publics
augmente.... Il y a politisation des activités lorsque les
états-majors politiques, appelés aussi cabinets ou entourages
sortent de leur rôle traditionnel - le suivi des dossiers personnels des
autorités publiques-, pour mettre sous tutelle les directions
administratives et gérer à leur place l'appareil
d'Etat ». Jean-Patrice LACAM, Regards sur
l'actualité, sept.-oct. 1994
Cette deuxième partie traitera des obstacles qui
pourraient naître de la politisation de l'administration publique
béninoise dans la mise en application du nouveau système
d'avancement au mérite. Nous y présenterons ensuite les solutions
proposées dans le système pour le mettre à l'abri de
l'arbitraire. Enfin, nous proposerons des mesures préventives afin
de protéger le système contre les effets pervers qui pourraient
naître de la politisation.
Chapitre I :
L'IMMIXTION DE LA POLITIQUE DANS LA GESTION
ADMINISTRATIVE AU BENIN
Dans ce chapitre nous présenterons les effets que
pourrait avoir la politisation sur la mise en application du nouveau
système d'avancement au mérite. Ensuite, nous présenterons
les solutions proposées dans le système.
SECTION I : LES MANIFESTATIONS DE LA
POLITISATION
SUR LE NOUVEAU SYSTEME D'AVACEMENT AU MERITE :
La présente section sera consacrée à
l'analyse des effets que la politisation de l'administration pourrait avoir sur
la mise en application du nouveau système d'avancement au
mérite.
PARAGRAPHE I :
L'OBJECTIVITE DE LA NOTATION :
1- Le " mérite " des amis
politiques :
La note dans le nouveau système de
rémunération et de carrière constitue un facteur
déterminant. Elle conditionnera nécessairement l'avancement de
grade et de ce fait pourrait faire l'objet de toute manipulation.
Dans une administration aussi favorable à la
politisation comme la nôtre, l'objectivité de la note - surtout
pour les agents proches de la classe au pouvoir -, pourrait être
compromise. Elle pourra subir le coup des ambitions politiques et des
performances non méritées pourraient être attribuées
à certains agents pour récompenser leur appartenance à
telle ou telle autre idéologie. De ce fait, la réforme sera celle
de la classe au pouvoir une fois le système mis en application car, elle
profitera nécessairement aux amis politiques dans le contexte actuel de
l'administration publique béninoise.
L'illustration est très simple : prenons une
administration où le supérieur hiérarchique est du
même bord politique que son collaborateur qu'il doit noter ; il lui sera
difficile de noter cet agent sur la base effective de ses compétences.
Deux raisons peuvent justifier un tel comportement : la première
est de lutter pour se maintenir à son poste en entretenant de bonnes
relations avec les alliés politiques de son service afin que ces
derniers ne se plaignent ; la deuxième raison répond elle
aussi à une obligation politique : celle de maintenir
l'électorat en ménageant les "compagnons de lutte" que l'on a
sous sa tutelle.
La mise en application du nouveau système
d'avancement au mérite dans les conditions actuelles de forte
politisation de l'administration publique profitera certainement aux
individus ; seulement c'est l'intérêt général
qui en sortira lésé et les résultats attendus de la
réforme administrative fortement piétinés. Car, des agents
avanceront sans mérite et se préoccuperont très peu de la
qualité du travail qu'ils accomplissent.
Les stimulants pour un penchant à la paresse et aux
violations des normes prescrites sont multiples. Il n'est pas par exemple
extraordinaire dans l'administration béninoise d'assister à des
réunions politiques pendant des heures de service, même dans les
locaux de l'administration. Pendant ce temps, c'est la continuité du
service public qui est atteinte au détriment des intérêts
politiques. Comment pourrait-on apprécier objectivement dans ces
conditions le collaborateur à qui l'on confie l'organisation et la
direction de ces rencontres politiques à des heures de service ou
parfois à ses heures de repos ? La récompense ne serait-elle
pas une bonne note pour lui permettre d'être inscrit au tableau
d'avancement ? Le mérite dans ce cas ne serait-il pas un
mérite politique ? Certes, ce n'est pas le souhait, mais, c'est
plutôt la réalité à laquelle le nouveau
système d'avancement au mérite risque de faire face si rien n'est
fait.
L'autre effet pervers est la situation qui pourrait
prévaloir dans les services publics en période de campagne
électorale. Le constat depuis l'avènement de la démocratie
est que très peu d'agents s'occupent effectivement de leur travail en
période de campagne électorale. Un tour dans les salles de cours
des lycées et collèges publics pendant ces périodes suffit
pour s'en convaincre. Dans les services administratifs, le constat est
invariable ou même plus piquant, où ce que nous pouvons appeler la
"formule de solidarité professionnelle", comme toujours d'ailleurs
est : « il s'est levé ». Dans bien des cas,
c'est le poste radio allumé sur le bureau et la veste accrochée
à la chaise qui trompent la vigilance de l'usager. Mais il suffit pour
cet usager d'attendre quelques heures pour remarquer que celui qui s'est
levé ne revient plus s'asseoir. Le phénomène est monnaie
courante et aisément contagieux, car, même des stagiaires dans les
services administratifs ne perdent pas du temps pour s'approprier la
formule.
Cette situation d'absentéisme plus remarquable en
période de campagne électorale est favorisée et même
encouragée par la politisation de l'administration publique
béninoise. Car, l'APE n'a rien à craindre lorsqu'il
déserte le service pour aller en campagne aux côtés de son
supérieur hiérarchique qui, en fin d'année devra le
noter.
Du coup, c'est la qualité du service rendu par
l'administration publique béninoise qui n'est pas exportable. Pourtant,
tous ces agents doivent avancer et réclamer l'incidence
financière de leur "performance". Or, non seulement ils auraient
contribué à ralentir le rendement de l'Etat mais les usagers du
service public ne sont pas aussi satisfaits.
Comment la réforme administrative pourrait-elle alors
atteindre les résultats escomptés dans une administration
où la volonté de faire la politique est encouragée et la
performance politique promue ? Sinon, à quel souci
répondrait la nomination d'un instituteur à un poste de
sous-préfet ?
L'avancement au mérite, si l'on n'y prend garde risque
d'être un avancement suivant le mérite politique, car, les amis
politiques seront toujours récompensés et il n'y a pas meilleure
récompense pour un agent permanent de l'Etat que sa promotion.
D'où l'urgence de trouver des mesures dissuasives.
2- Le sort des adversaires politiques :
Sur les adversaires politiques, la mise en application du
nouveau système d'avancement au mérite risque d'avoir des effets
très peu souhaités.
La réforme administrative, si elle est appliquée
dans les conditions actuelles de l'administration publique béninoise
où la politisation règne à outrance, risque de
léser - quel que soit le gouvernement- les "ennemis politiques". Car,
tout le monde peut constater aujourd'hui que la politique provoque une
séparation de plus en plus nette entre les fonctionnaires en harmonie
avec le pouvoir et ceux dits de l'opposition. Ces derniers, exclus de la
participation à l'exercice du pouvoir d'Etat dans biens des cas et
ramenés au rôle de simples exécutants sont
désavoués dans leur choix politique et souvent guettés par
des mutations fantaisistes ou purement tendancieuses.
Leur sort est souvent décidé sans tenir compte
de leurs qualités professionnelles. Ils sont de ce fait
démoralisés et découragés puisque leurs
qualités d'imagination et de courage ne sont pas
récompensées. Ils sont victimes de l'arbitraire et refusent de
participer aux objectifs du service où ils travaillent.
Dans cette atmosphère peu favorable aux relations
professionnelles, c'est la réforme administrative qui sera une
réforme bancale car elle deviendra soit une réforme
unidirectionnelle soit simplement une réforme
déviée :
- la réforme administrative risque d'être une
réforme unidirectionnelle car, les opposants politiques,
désavoués et victimes de l'arbitraire pourraient à un
moment donné s'abstenir de se battre pour les objectifs de leur service
car pour eux, leur mérite n'est pas récompensé et profite
plutôt à leurs collègues juste acceptables ou parfois
suffisamment paresseux. Pour eux, le salut n'interviendrait qu'à la
suite d'une alternance en leur faveur : le revers de fortune chez les
autres. Dans cette attente, toute cette frange de l'effectif des APE restera
indifférente au contrat d'objectifs, chacun dans son service et à
son niveau. Dans ces conditions, le souci d'aboutir à une administration
de développement restera un mythe. Car, il doit requérir la
participation de tous les acteurs de l'administration publique béninoise
et ne pourra jamais aboutir si toute une idéologie lui refuse son
soutien ;
- la réforme administrative risque d'être une
réforme déviée car, elle sera une réforme du
prestige de la classe au pouvoir - pas nécessairement celle actuellement
au pouvoir- parce que le mécanisme de sa mise en application dans
l'administration publique béninoise peut créer un fort d'esprit
et un faible d'esprit. Le fort d'esprit sera nécessairement l'agent en
harmonie avec la politique du supérieur et qui avancera normalement ou
plus facilement. Le faible sera l'"ami d'en face", l'adversaire politique.
Celui-ci sera mal vu par son supérieur hiérarchique et n'avancera
pas facilement en dépit de ses performances.
Dans cette situation de règlement de compte, on
assistera à une bipolarisation de l'administration publique
béninoise qui sera illustrée bien évidemment par le manque
d'objectivité dans la notation. L'administration publique
béninoise risque de devenir moins "compétitive" qu'elle l'est
aujourd'hui, car, les opposants politiques ne se battront plus pour le
mérite puisqu'ils n'avanceront pas ; les agents en harmonie avec
leur supérieur hiérarchique ne se gêneront pas non plus car
ils sont sûrs d'avancer. Dans ce cas, seuls les "neutres" se battront
peut-être.
PARAGRAPHE II : LE SORT
DES AGENTS APOLITIQUES ET
L'AVENIR DE
L'ECONOMIE BENINOISE :
1- Impact du nouveau système d'avancement au
mérite sur les agents
apolitiques :
On peut désigner par agents apolitiques ceux qui ne
sont d'aucun bord politique ou ceux qui n'ont jamais affiché leur
couleur politique.
Ceux là, normalement, n'ont rien à craindre
quant aux effets pervers de la politisation sur la mise en application du
nouveau système d'avancement au mérite. S'ils sont performants,
ils devront avancer ; dans le cas contraire ils ne devront pas crier au
scandale s'ils n'avancent pas. Mais hélas, cet idéal pourrait
être facilement manipulable.
A moins de posséder de vertus édifiantes, les
agents neutres seront obligés de choisir un camp politique. Car, la mise
en application du nouveau système d'avancement au mérite donnera
au supérieur hiérarchique un pouvoir intangible sur ses
collaborateurs ou du moins sur leur carrière. On assistera alors
à coup sûr à la corruption, à l'intimidation et
à des menaces de tout genre de la part des supérieurs
hiérarchiques sur leurs collaborateurs.
On assistera à la corruption car, il sera très
facile à un agent, sans bord politique de tendre un pot-de-vin à
son supérieur hiérarchique pour négocier une bonne note et
s'inscrire au tableau d'avancement. Cette pratique loin de promouvoir la
performance pourra instaurer un réseau de corruption dans les services
publics béninois où l'on risque de n'avoir que des "patrons"
corrompus.
D'un autre côté, l'intimidation sera
poussée car les agents qui tenteraient de résister aux pratiques
malsaines en échange d'une bonne note, pourront subir des pressions de
tout genre. Des demandes d'explication pourront être adressées
sans que des fautes de cette taille aient été commises. Des
avertissements pourront être donnés dans les mêmes mesures.
Dans ce cas, l'agent qui n'avait pas encore fait son choix politique le ferait
et certainement en faveur de son supérieur chargé de le noter.
Désormais donc, il est, lui aussi admis au cercle des
protégés et n'a donc plus besoin de cultiver la performance pour
progresser dans sa carrière.
Si l'on n'y prend garde, on risque d'aboutir à une
violation des libertés politiques des APE béninois. Car, pour la
plupart, ils pourraient, malgré eux choisir une tendance afin d'avancer.
L'autre danger qui guette notre administration, c'est qu'elle risque de
devenir une administration où dominera ce que nous pouvons appeler un
système de "tendance politique unique". C'est-à-dire que tous les
APE seront obligés d'adhérer à l'idéologie de la
classe au pouvoir. La bataille pour le mérite n'existerait alors plus et
le souci d'aboutir à une administration de développement sera
emporté par le vent de la contre-performance concertée.
Le processus pour aboutir au système de tendance
politique unique sera très simple : l'agent apolitique, lui,
cèdera très vite devant les pressions de son supérieur en
harmonie avec la classe au pouvoir. Quant aux adversaires politiques, ils
tenteront, pour les véritables opposants, de résister. Mais, cela
ne durera qu'un bout de temps. Ils finiront par céder pour progresser
dans leur carrière.
L'analyse est peut-être trop abstraite, mais les
retournements de veste après chaque alternance dans notre pays
illustrent aisément cette situation. Des députés ont
laissé entendre et continuent de dire dans ce pays, qu'ils ne passeront
pas dix (10) ans dans l'opposition. Les plus habiles n'y sont plus
aujourd'hui ; d'autres cherchent toujours des moyens pour s'en sortir.
Cette situation qui ne date pas d'aujourd'hui, quelle que soit l'alternance que
connaîtra notre pays, se produira toujours. Il en sera de même dans
la fonction publique où des agents permanents de l'Etat, fatigués
de leur statut d'opposant finiront par devenir dociles à ceux qui auront
le pouvoir en main et qui doivent encore les noter. Ainsi, plus personne ne se
soucierait du mérite, car, il n'y aurait plus d'opposition, plus de
mouvance dans l'administration publique béninoise. Et, l'avancement au
mérite deviendrait ainsi un outil politique facilement manipulable par
l'alliance qui aurait le pouvoir en main.
2- L'avenir de l'économie
nationale :
L'un des objectifs que vise le nouveau système
d'avancement au mérite est la maîtrise de la masse salariale.
Mais, le contraire risque de se produire avec l'ampleur que prend la
politisation. Si des mesures de salubrité ne sont pas prises, le
mérite risque de peser lourdement dans la balance et le danger de
réduction des effectifs de l'Etat guette encore de la fonction
publique béninoise.
a- Le poids du
"mérite" :
Si aucune disposition n'est prise pour contenir la
politisation, le mérite de l'agent n'aura certainement de sens que dans
un contexte politique et il n'y aura d'autres méritants que ceux qui
seraient en harmonie avec la classe au pouvoir, ou qui auraient
réalisé des performances politiques.
Dans ces conditions où la tendance politique au pouvoir
verrait ses effectifs grossis du fait de son privilège, les agents
"performants" seront plus nombreux. La mise en application de l'avancement au
mérite sera alors l'ère du record jamais réalisé
en matière de performance au Bénin. Or, tous ceux qui avanceront
réclameront l'incidence de leurs efforts.
Dès lors, l'avancement au mérite au lieu de
maîtriser la masse salariale à la limite réelle des
performances de la fonction publique risque d'envenimer la situation
économique de notre pays.
b- Le risque de réduction des effectifs
de l'Etat :
La résultante inéluctable de la non
maîtrise de la masse salariale par le budget national sera le blocage des
avancements ou mieux le blocage du paiement des droits afférant à
l'avancement. Ce sera peut-être la meilleure des solutions car, la suite
pourrait être une réduction de l'effectif des APE. Non pas parce
que les APE seraient plus nombreux mais parce que leur rendement ne permettrait
même plus à l'Etat de payer les salaires à quelque indice
que ce soit. La dernière solution serait, à nouveau,
d'opérer des départs volontaires ou des départs
ciblés, comme ce fut le cas vers la fin des années 80 où
6 000 fonctionnaires sont partis de la fonction publique béninoise.
On pourrait assister aussi à la même situation de blocage des
recrutements dans la fonction publique.
D'où l'urgence de réfléchir à des
mesures préventives afin que la politisation ne puisse empêcher
la mise en application du nouveau système d'avancement au
mérite.
SECTION II : LES SOLUTIONS PROPOSEES PAR LA
REFORME :
Dans cette section, nous présenterons les mesures de
sécurité qui conduisent le nouveau système d'avancement au
mérite et les efforts consentis par l'Etat pour garantir une
administration à l'abri des effets pervers de la politisation.
PARAGRAPHE I :
LES ACTIONS PRECONISEES ET L'EFFORT
AMORCE
1- Les actions de transparence contenues dans le
système :
Ces actions sont présentées dans le document
"Révision du mécanisme d'avancement des
fonctionnaires au Bénin", MFPTRA, octobre 1997, Pp
16-17 et préconisent les dispositions suivantes :
- procéder effectivement dans le cadre des attributions
de chaque ministère, à une définition annuelle voire
mensuelle des principaux objectifs ;
- instaurer une culture de contrôle au sein de la
fonction publique. Pour ce faire, l'évaluation des performances des
agents doit se faire au quotidien d'où la nécessité pour
les responsables à divers niveaux de créer une fiche individuelle
de suivi de chaque agent comportant des critères, des barèmes et
des périodicités de notation selon les cas de figure ;
- asseoir un mécanisme d'évaluation
périodique des résultats obtenus par la structure
considérée par rapport aux objectifs préalablement
fixés et ce, dans une approche participative où chacun pourra
prendre conscience de ses atouts et surtout de ses faiblesses pour mieux servir
à l'avenir ;
- rendre effective l'application des récompenses et des
punitions car le contrôle n'aurait pas de sens s'il n'engendrait pas des
motivations profondes chez les uns et les autres : primes, promotions,
formations pour encourager les agents méritants à toujours bien
faire pour préserver leurs acquis et pour servir de modèles aux
autres, avertissement ou blâme par exemple pour les agents
médiocres ou ayant une mauvaise volonté manifeste etc. Ces
sanctions positives ou négatives devront faire l'objet d'une
publicité suffisante ;
- instaurer une note d'ensemble du service et créer un
lien indispensable entre celle-ci et la note individuelle de chaque agent afin
de coller avec la réalité, cultiver l'esprit de corps et de
solidarité de groupe au sein de l'administration. Par exemple, si les
objectifs assignés au service sont atteints à 50%, tout agent qui
aurait une note supérieure à 16/20 devra bénéficier
d'un rapport spécial justifiant son mérite particulier, il en
sera de même dans l'hypothèse contraire. Cette mesure permettra de
réduire quelque peu la complaisance observée dans la notation des
agents. Elle pourra aussi contribuer à corriger le
phénomène de marginalisation ou d'indifférence qui tend
à s'implanter dans certains milieux de travail ;
- rendre surtout obligatoire la communication des
résultats de l'évaluation à l'agent qui doit pouvoir en
tirer des leçons pour l'avenir et lui donner des possibilités de
recours en cas de contestation de la note qui lui est attribuée.
Ces mesures ont le mérite de renforcer la
volonté du système à faire de la fonction publique
béninoise une fonction publique compétitive, en mesure de rendre
des services de qualité à l'usager de l'administration publique
béninoise.
Seulement, dans leur ensemble, ces mesures semblent ne pas
tenir compte de la politisation qui est aujourd'hui bien assise dans notre
administration. Elles se sont limitées à présenter des
directives à suivre en vue d'un meilleur rendement de l'agent, mais
elles n'ont pas explicitement préconisé des comportements
à adopter au cas où le politique tenterait de mettre sous
contrôle certaines actions hors de son rôle traditionnel.
Il convient alors de renforcer ces mesures en les orientant
davantage vers la lutte contre la politisation à outrance qui menace
notre administration.
2- La création des secrétariats
généraux des ministères :
La volonté de séparation des postes techniques
et des postes politiques exprimée dès l'avènement de la
démocratie au Bénin a connu depuis 1996 un début de
concrétisation.
Cette amorce de la dépolitisation de l'administration
publique béninoise a été consacrée par le
décret 96-402 du 18 septembre 1996 fixant les structures de la
Présidence de la République et des Ministères qui institue
la création des postes de secrétaire général de
ministère. Ce décret indique que le secrétaire
général de ministère (SGM), coordonne l'ensemble des
activités techniques du ministère alors que les fonctions
politiques sont assurées par le cabinet dirigé par un directeur
de cabinet.
Le secrétaire général du ministère
incarne la continuité de l'administration ; il est la
mémoire du ministère. Dans l'exercice de ses fonctions, il ne
peut faire valoir ses convictions politiques et ne peut être
déplacé de son poste, sauf cas de fautes graves
avérées.
La coexistence, au sein d'un même ministère d'un
secrétaire général et d'un directeur de cabinet peut, dans
certains cas, affecter la bonne coordination de l'action administrative. C'est
la raison pour laquelle cette expérience est poursuivie. Après
une période d'expérimentation de cinq (5) ans, elle sera
réévaluée et le gouvernement décidera alors soit de
la poursuivre, soit au contraire de ne maintenir que le directeur de cabinet ou
le secrétaire général.
L'initiative est louable quant à sa volonté
affirmée de lutter contre la politisation de l'administration publique
béninoise. Mais, dans le contexte du nouveau système d'avancement
au mérite où la lutte contre la politisation requiert des mesures
plus astucieusement conçues, cette idée de création des
secrétariats généraux des ministères telle qu'elle
est conçue nécessite d'être renforcée surtout en ce
qui concerne les attributions du secrétaire général du
ministère.
PARAGRAPHE II : LES VOIES DE
RECOURS ET L'ARBITRAGE :
1- Les voies de recours :
La mise en application du nouveau système d'avancement
au mérite pourra susciter des contestations dans le rang des agents
permanents de l'Etat. Ainsi, les Agents qui s'estimeront mal
appréciés par leur supérieur pourront formuler des
réclamations. Des voies de recours sont alors prévues à
cet effet pour permettre soit de porter des corrections aux notes
attribuées, soit de les maintenir.
Il n'en demeure pas moins que des contestations
débouchent sur des crises ; c'est pourquoi, le texte en vigueur a
prévu des voies de recours qui sont : le recours gracieux, le
recours hiérarchique et le recours juridictionnel. La mise à
l'abri de l'agent dans ces cas de figure devrait lui permettre une plus grande
assistance soit des délégués du personnel, soit des
organisations syndicales au niveau des recours gracieux et
hiérarchiques.
2- L'arbitrage :
Pour préserver l'atmosphère conviviale qui doit
régner dans l'administration, le système de médiateur a
été instauré. Ainsi, après les recours gracieux et
hiérarchique, le médiateur devra être nécessairement
saisi avant le recours en juridiction. Celui-ci pourra être nommé
par le gouvernement et plus précisément par décret du
Président de la République après avis des partenaires
sociaux. Cela ne devrait pas cependant le placer sous la dépendance du
pouvoir exécutif et par suite entraver son action auprès de
l'administration. Le médiateur pourra intervenir auprès des
autorités compétentes s'il estime justifiée la
réclamation de l'APE. En premier, agissant comme intercesseur, il est en
droit de faire toutes les recommandations nécessaires au
règlement de l'affaire dont il est saisi. En second lieu et en se
comportant en promoteur des réformes, il pourrait formuler toutes les
propositions tendant à améliorer le fonctionnement du service en
cause.
Cette idée est assez noble et pourrait effectivement
renforcer la crédibilité de la note mais aussi du système.
Cependant, on est porté à se poser des questions notamment sur
la personne du médiateur ou du moins sur sa provenance. Car, des
inquiétudes peuvent naître du fait que le médiateur sera
nommé par le Président de la République. D'où
l'urgence de veiller à avoir nécessairement un médiateur
digne, compte tenu du caractère délicat de son rôle.
Chapitre II :
CRITIQUES ET SUGGESTIONS
Ce chapitre sera consacré à la critique des
mesures proposées pour accompagner le système mais aussi aux
recommandations d'autres mesures en vue d'une bonne application du nouveau
système d'avancement au mérite.
Notre analyse ayant abordé la politisation comme
étant un obstacle principal à la mise application correcte du
nouveau système d'avancement au mérite, nos recommandations
seront axées sur les moyens à mettre en oeuvre pour combattre le
phénomène afin que le système soit bien
appliqué.
SECTION I : CRITIQUE DES MESURES PROPOSEES :
PARAGRAPHE I :
DYNAMISER LE SYSTEME DE RECOURS
1- Nécessité de renforcer les voies
de recours :
Le nouveau système de rémunération et de
carrière a eu le mérite d'instaurer des voies de recours en cas
de contestation de la note par l'agent. La disposition paraît assez
éloquente ; mais elle suscite des interrogations aussi bien sur le
recours contentieux que sur la personne du médiateur.
D'abord, concernant le recours contentieux, il est à
noter que le peuple béninois n'a pas encore acquis la pratique de
formuler de recours devant la chambre administrative de la Cour Suprême.
La première action serait alors de veiller à instaurer cette
pratique dans nos moeurs afin qu'elle puisse profiter effectivement aux agents
permanents de l'Etat. Pour ce faire la déconcentration de cette
juridiction doit être une condition incontournable dans la mise en
application du nouveau système d'avancement au mérite, afin de
rapprocher le juge du contentieux administratif de l'agent.
Quant au médiateur, sa provenance peut susciter
également des inquiétudes. En réalité si l'on veut
réellement garantir la neutralité du médiateur, ce dernier
ne devra pas être nommé par le Gouvernement. Car l'on risque
d'avoir un médiateur au service du pouvoir en place et de ce fait, un
médiateur qui pourrait servir des intérêts tendancieux.
D'où la nécessité de veiller à avoir un
médiateur neutre par nature et qui puisse alors servir
l'intérêt général.
On pourrait par exemple désigner le médiateur
après une élection dans le rang des travailleurs jugés
compétents pour accomplir cette tâche. Le postulant au poste de
médiateur doit avoir accompli le maximum d'années de service
public et faire l'objet d'une enquête de moralité. Il devra
être politiquement neutre et accepté de tous les syndicats des
travailleurs comme tel. Sa désignation doit faire l'objet d'un appel
à candidature conjointement organisé par l'Etat et les centrales
syndicales sur des critères adoptés par les deux parties. Son
mandat ne doit pas être renouvelable.
2- Favoriser l'exécution des
décisions du juge administratif :
Il arrive souvent que l'administration elle-même doive
prendre une mesure positive pour que soit appliquée l'exécution
d'une décision du juge administratif en faveur d'un citoyen et
prononçant alors contre l'administration une condamnation. Selon les
entretiens que nous avons eus avec des greffiers de la Cour Suprême, tous
les arrêts rendus par la chambre administrative de la Cour Suprême
contre l'Etat béninois ne sont pas appliqués ou souvent, le sont
à moitié. Cela n'est pas de nature à encourager l'agent au
recours juridictionnel. De plus, le fait que quelques unes de ces
décisions soient parfois appliquées compromet
l'impartialité de l'Etat et pourrait amener à croire que l'Etat
sélectionne les décisions à exécuter selon l'agent.
Il est alors urgent de résoudre ce problème de
l'inexécution par le pouvoir public des décisions
prononcées par le juge administratif en faveur des citoyens.
Pour ce faire, on peut recourir au système en vigueur
dans l'ex URSS qui consiste à mettre en cause la responsabilité
pénale et civile du fonctionnaire qui refuse l'exécution d'une
décision de justice. Evidemment, le problème se posera de
déterminer et d'atteindre le fonctionnaire responsable. On pourrait
alors instituer, peut-être au niveau du ministère de la justice
une structure chargée de l'exécution du contentieux de l'Etat et
de la défense de l'intérêt de l'Etat devant le juge
administratif, constituée de fonctionnaires. A cette structure, seront
alloués des moyens lui permettant de dédommager les
bénéficiaires d'une condamnation de l'Etat ou de suivre la mise
en application des décisions du juge administratif hors de leur
ressort. Ces fonctionnaires qui composeraient cette structure devront
bénéficier d'une prime de rendement. C'est la
responsabilité civile et pénale de ces derniers qui sera
engagée en cas d'inexécution des décisions du juge
administratif contre l'Etat.
PARAGRAPHE II : LA
SEPARATION DES POSTES
1- Contribution à la nomination des
secrétaires généraux des
ministères :
Il est vrai que l'existence d'un poste de secrétaire
général de ministère peut décourager la
politisation de l'administration. Cependant, il serait trop précoce et
assez naïf de décerner une distinction honorifique à
l'initiative sans s'intéresser à certaines réalités
relatives aux conditions de nomination, aux attributions et aux conditions de
révocation du secrétaire général de
ministère.
Si cela est vrai que le secrétariat
général de ministère est un poste technique et que le
secrétaire général de ministère ne peut faire
valoir ses convictions politiques, on est en droit de se poser des questions
sur la procédure de nomination de ce dernier qui paraît
très peu convaincante pour constituer un obstacle à la
politisation de l'administration, car, dans le schéma actuel, le
secrétaire général de ministère est proposé
par le ministre et le type d'homme qu'il doit être, du point de vue de
ses ambitions et de ses colorations politiques, reste au seul jugement du
ministre. Il est aussi vrai que le ministre n'est autorisé à
proposer qu'un cadre de la catégorie A, échelle 1 ayant un
certain nombre d'années de fonction. Mais, des hommes ou des femmes
répondant à ce profil, on peut en avoir facilement dans son parti
politique ou parmi ses amis politiques.
C'est pour cela qu'il serait plus juste de procéder par
un appel à candidature pour retenir les secrétaires
généraux des ministères afin de garantir réellement
la transparence dans leur gestion.
Ensuite, il est nécessaire que le secrétaire
général de ministère soit incontournable dans le processus
de nomination à la tête des différentes directions du
ministère. Ceci permettra de respecter l'adéquation entre le
profil et le poste et empêchera le ministre de nommer des personnes qui
ne répondraient pas aux exigences du poste.
Si le secrétaire général de
ministère n'intervient pas activement dans les propositions de
nomination à la tête des directions du ministère, quelle
serait alors l'étendue de la volonté de séparation des
postes ? Il est alors inconcevable qu'une réelle volonté
de séparation des postes se limite à la simple nomination des
secrétaires généraux des ministères et pire, dans
ces conditions où le secrétaire général de
ministère n'a dans la pratique aucun pouvoir d'étendre ses
compétences techniques sur toutes les directions supposées
être techniques du ministère en matière de gestion du
processus de nomination et de révocation des différents
directeurs techniques.
C'est pourquoi on est aujourd'hui en droit de conclure que
l'existence des postes de secrétaire général de
ministère dans les conditions actuelles est très peu
orientée vers le souci de combattre la politisation, car :
- d'abord le secrétaire général
étant proposé par le ministre, donc certainement dans les
mêmes conditions qu'un directeur de cabinet ou un attaché de
cabinet, sa nomination risque d'être fortement influencée par
des considérations politiques ;
- ensuite, même si l'on suppose que le
secrétaire général de ministère est nommé
dans de bonnes conditions, le fait qu'il n'ait pas le pouvoir de gérer
la nomination des différents directeurs limite son action de
dépolitisation de l'administration.
Il faut donc que le secrétaire général de
ministère ait plus d'attributions et qu'il ait surtout un pouvoir de
contrôle plus strict sur les différents directeurs.
De plus, il serait souhaitable que le SGM soit nommé
non plus pour cinq (5) mais plutôt pour dix (10) ans au moins pour
assurer la continuité entre deux mandats présidentiels au
moins.
On peut aussi envisager que les secrétaires
généraux de ministère soient affectés dans les
ministères par le ministre de la fonction publique comme tout agent
permanent de l'Etat, mais directement nommés par arrêté de
ce dernier pour occuper le poste de secrétaire général de
ministère.
Pour des mesures de sécurité, on peut exiger
que le ministre de la fonction publique fasse examiner ses propositions par le
syndicat dont relève chaque agent à nommer avant de les soumettre
à la commission chargée des affectations qui devra analyser la
proposition en dernier ressort.
Dans ces conditions, on est sûr d'avoir des
secrétaires généraux de ministère dignes.
Enfin, il est important que le SGM soit réellement
rattaché au ministre et dépende directement de ce dernier et non
du directeur de cabinet comme cela s'observe dans presque tous les
ministères.
2- Plaidoyer pour un renforcement de la
volonté de séparation des
postes :
La politisation de l'administration publique béninoise
ne pourra être découragée si des efforts ne sont pas faits
pour distinguer les postes politiques des postes techniques afin de promouvoir
l'adéquation entre le poste et le profil de celui qui l'occupe.
Il serait alors nécessaire que les différents
responsables nommés à divers postes soient choisis après
un appel à candidature. Dans ces conditions si la sélection est
confiée à un jury vraiment indépendant, rien ne pourra
piétiner le caractère transparent de son choix et l'on a la
chance d'avoir des hommes et des femmes sûrs à la tête des
services publics.
Il est vrai que
« pour appliquer une politique, il faut
que soient mis aux postes clés des hommes et des femmes en harmonie
avec cette politique », Jean POPEREN, Le
Monde, 30/06/1982. Mais, aux grands maux, grands
remèdes, dit-on. Le Bénin a besoin de renoncer à la
politisation de l'administration et il vaut mieux y aller par tous les moyens.
De plus, les directeurs des organismes publics ou semi-publics et des
sociétés et offices d'Etat doivent être nommés dans
les mêmes conditions d'étude minutieuse de dossiers de
candidature. Le cas des nominations récentes à l'ORTB (Office de
Radiodiffusion et Télévision du Bénin) est une
illustration du processus que nous préconisons et peut servir de
repère. Ce faisant, la mauvaise gestion des entités d'Etat,
encouragée par l'impunité pourra diminuer. Car, il sera plus
facile de punir celui qui ne sert aucun intérêt - parce qu'il est
nommé suivant sa compétence - que celui que l'on a placé
pour sauvegarder des intérêts politiques. Le premier aura
peut-être peur d'être puni ou d'être révoqué
parce qu'il n'est jugé que sur la base de son rendement, tandis que le
second, couvert par l'autorité politique ne craint rien, même s'il
fait mal. Le résultat dans ce dernier cas, c'est souvent la faillite des
sociétés d'Etat. Mais, privatisées, ces
sociétés sont souvent mieux gérées. C'est le cas
par exemple de "La Béninoise", actuelle SO.BE.BRA et de la SONICOG,
actuelle I.B.C.G.
Il urge alors de revoir les conditions de nomination à
la tête des entités d'Etat afin d'assurer l'adéquation
entre le profil et le poste qui constitue un élément important
pour la performance de notre administration.
SECTION II : SUGGESTIONS
Paragraphe I :
LES DONNEES JURIDIQUES :
1- Limiter l'accès des fonctionnaires
à la politique :
Afin d'empêcher les fonctionnaires d'embrasser la
carrière politique, il est nécessaire que soient revues les
conditions d'accès des APE aux cercles politiques en faisant du passage
à la politique une sortie à haut risque. On peut contraindre par
exemple le fonctionnaire qui embrasse la carrière politique à
démissionner de la fonction publique et l'empêcher ainsi d'y
retourner en cas de revers de fortune.
En grande Bretagne par exemple, la démission du
fonctionnaire doit être un préalable à l'élection.
Pourquoi ne pas appliquer une telle disposition au Bénin ? Mieux,
on peut faire des mises à disposition ou des détachements pour
des raisons politiques une mise en disponibilité d'office où
l'agent ne peut réclamer ses droits à la retraite ou à
l'avancement durant toute la période qu'il passe dans la sphère
politique.
Par ailleurs, l'alinéa dernier de l'article 63 du
projet de loi 98-035 dispose : « l'agent permanent de l'Etat
détaché pour exercer une fonction politique ou un mandat
d'organisation des travailleurs bénéficie d'avancement et de
promotion automatiques pendant l'exercice de ladite fonction ». cette
disposition semble ne pas être en harmonie avec le mécanisme
d'avancement tel qu'il est institué dans le nouveau système de
rémunération et de carrière. Car, pour qu'un agent avance
dans le grade, il faut qu'il puisse réunir en cinq (5) années,
trois fois l'appréciation "très bon". Dés lors, l'agent
qui, après quatre années d'évaluation n'a encore obtenu
une seule fois ladite appréciation, ne peut plus en aucun cas, en une
année, obtenir trois fois cette mention. Or, si au cours de cette
dernière année d'évaluation l'agent
bénéficie d'un détachement, il avance d'office.
C'est là une disposition de la loi 86-013 qui a
été simplement reconduite dans le projet de loi 98-035 et qui
met en mal le mérite dans le nouveau système où
l'avancement de grade est nécessairement au mérite.
Il faut alors que des précisions soient
apportées afin que la promotion ne soit plus d'office dans des
conditions où l'agent détaché n'a plus aucune
possibilité d'avancer s'il était resté à son
poste.
2- Limiter le pouvoir de nomination du
Président de la République :
Il serait nécessaire, pour réduire la
politisation, de limiter l'emprise du Président de la République
sur la nomination des hauts fonctionnaires. De ce fait, des amendements
devraient être apportés à l'article 56 de la loi 90-32 du
11 décembre 1990 portant Constitution de la République du
Bénin qui dispose : « le Président de la
République nomme trois des membres de la Cour Constitutionnelle.
Après avis du président de l'Assemblée
Nationale, il nomme en conseil des ministres : le président de la
Cour Suprême, le président de la Haute Autorité de
l'Audiovisuelle et de la Communication, le Grand Chancelier de l'Ordre
National.
Il nomme également en conseil des ministres les membres
de la Cour Suprême, les ambassadeurs, les envoyés extraordinaires,
les magistrats, les Officiers généraux et supérieurs, les
hauts fonctionnaires dont la liste est fixée par une loi
organique ».
Cette disposition de la Constitution donne en effet
trop de pouvoir à l'exécutif de contrôler surtout les
institutions de notre pays mais aussi la haute fonction publique.
Il est alors nécessaire qu'un texte législatif
définisse notamment la gamme des emplois soumis à la nomination
discrétionnaire du pouvoir exécutif et les critères
minimaux de compétence que le choix politique ne saurait
négliger.
Mieux, pour des raisons de transparence, la nomination du
président de la Cour Suprême et du président de la HAAC
peut faire par exemple l'objet d'un vote devant l'Assemblée Nationale
après un appel à candidature.
PARAGRAPHE II : L'URGENCE
D'UNE REVALORISATION DE LA
FONCTION PUBLIQUE ET
D'UNE EDUCATION
CIVIQUE.
1- Nécessité d'une revalorisation de
la fonction publique béninoise :
La fonction publique béninoise est aujourd'hui moins
glorieuse qu'autrefois. Ceci est rendu possible par les réalités
économiques que traverse le pays et l'essor que prend le secteur
privé depuis l'avènement de la démocratie. En quelques
années, l'univers du secteur public béninois a basculé.
Aujourd'hui, l'Etat est dévalué et le fonctionnaire symbolisant
autrefois la réussite sociale au service de la République est
détrôné.
Ce malaise dans la fonction publique pousse le fonctionnaire
à chercher dans l'engagement partisan un moyen de se soustraire aux
effets de la situation actuelle des travailleurs béninois : non
paiement des salaires à l'indice réel, non satisfaction des
revendications, etc. C'est ainsi que des fonctionnaires choisissent de faire la
politique hors de l'administration et se retrouvent soit dans les cabinets
ministériels, soit au commandement, dans l'administration territoriale,
soit à l'Assemblée Nationale. Ces APE désormais
politisés par la crise, comptent sur leurs réseaux relationnels
et sur la conjoncture électorale pour intégrer les directions,
bénéficier des promotions et faire des carrières
brillantes et rapides hors de la fonction publique.
Ainsi, force est de constater qu'avec la situation actuelle
des APE, a émergé une politisation de type opportuniste qui
désavoue la fonction publique.
Dès lors, se fait sentir l'urgence de
réconcilier le fonctionnaire avec sa propre carrière en lui
offrant une situation qui lui permette de faire face à ses besoins
vitaux et de se sentir à l'aise au service de l'Etat.
De ce fait, les conditions de rémunération des
fonctionnaires béninois doivent être revues pour mettre le
fonctionnaire à l'abri des ambitions politiques. Cela doit aussi rendre
au fonctionnaire la dignité de sa fonction et revaloriser le sens du
service public.
Il faut aussi penser à la revalorisation du point
indiciaire des APE mais aussi du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti
(SMIG).
Ensuite, l'Etat devra se battre pour payer les fonctionnaires
à l'indice réel et leur garantir l'incidence des avancements. De
plus, le régime indemnitaire des APE devra être
révisé pour une récompense effective des efforts fournis
par les fonctionnaires.
En revoyant ces préalables avec les APE, on pourra
redorer à la fonction publique béninoise son blason et donner aux
fonctionnaires des raisons de s'y plaire.
2- Nécessité d'une éducation
civique :
La résolution de la question de la politisation de
l'administration publique béninoise passera nécessairement par
des leçons de civisme. Aujourd'hui, les dirigeants politiques
béninois se soucient très peu de la nécessité pour
notre administration de devenir une administration compétitive. Cela se
traduit dans les nominations à divers postes de responsabilité
où ils tiennent à peine compte de l'adéquation entre le
poste à occuper et le profil de l'aspirant (près de 20
instituteurs sont actuellement sous-préfets en fonction). Il se pose
alors un problème de respect de la chose publique et de culture du
travail bien fait qui devraient normalement guider les dirigeants politiques
dans leurs choix.
Il faudrait alors introduire un système
d'éducation civique dans le public en général et dans la
fonction publique en particulier, car le fonctionnaire travaille en osmose avec
la société civile. C'est là une action à long terme
indispensable qui doit commencer dès le système éducatif
primaire et secondaire.
Ce système devra être conçu de
manière à enseigner au jeune écolier, dirigeant de demain,
une culture basée sur la crainte de la chose publique et le goût
du travail bien fait.
Dès lors, sera encré dans les moeurs du
politique béninois l'obligation morale de recourir à des
critères d'objectivité dans ses choix politiques. Ainsi, on
pourrait aboutir un jour à une administration où l'appartenance
à une idéologie ne sera plus un critère
déterminant.
La neutralité politique de la fonction publique pourra
être alors renforcée afin de permettre d'aboutir à une
administration compétitive, capable d'offrir un service de
qualité aux usagers.
Il est alors indispensable d'entamer cette action
d'éducation civique à tous les niveaux, un travail de longue
haleine qui pourrait créer un environnement favorable à
l'application du principe de neutralité dans le service public
béninois.
Par ailleurs, le rôle de la société civile
doit être déterminant. Elle devra s'armer de moyens
nécessaires lui permettant de dénoncer toute sorte d'intervention
abusive du politique dans les sphères de l'administration publique
béninoise. De ce fait, les associations et les organisations non
gouvernementales devront davantage orienter leurs actions vers la lutte contre
la corruption, le favoritisme et l'ethnocentrisme dans l'administration
publique béninoise. Ce faisant elles auront mieux accompli leur vocation
qui consiste à suppléer l'Etat dans ses missions. Car, en
matière de lutte contre la politisation, l'Etat béninois ne
semble qu'amorcer le balbutiement de ces actions.
CONCLUSION GENERALE
Après l'analyse menée le long de ce document,
une grande question reste occultée : peut-on appliquer le nouveau
système d'avancement au mérite si l'administration publique
béninoise est toujours politisée ?
La réponse à une telle interrogation trouvera sa
justification dans les effets que la politisation pourrait avoir sur la mise en
application du système.
En effet, notre analyse des effets que la politisation
pourrait avoir sur la mise en application du nouveau système
d'avancement au mérite a révélé des lendemains
sombres pour l'administration publique béninoise si le système en
vient à y être appliqué dans les conditions actuelles
caractérisées par une forte politisation.
Faut-il le rappeler, si le nouveau système d'avancement
au mérite est appliqué dans les conditions actuelles de
l'administration publique béninoise, les
fonctionnaires en harmonie avec la classe au pouvoir, du fait
de la politisation, avanceront plus facilement qu'aujourd'hui ; il
s'ensuivra alors l'incapacité du budget national à faire face
à l'incidence des avancements. D'où, le risque de blocage des
avancements et des recrutements mais aussi de réduction des effectifs
de la fonction publique béninoise. La réforme administrative sera
alors une réforme tordue et largement orientée vers le
favoritisme et la contre-performance.
Or, d'un autre côté, la nécessité
d'aboutir à une administration de développement presse. Il faut
alors choisir.
Seulement, si l'analyse des effets de la politisation sur le
nouveau système d'avancement au mérite nous a amené
à comprendre que la politisation constitue un grand obstacle pour le
système, l'urgence de ce dernier ne nous offre que deux
possibilités de choix : soit initier des efforts pour combattre la
politisation avant de mettre en application la réforme, soit laisser
l'administration béninoise végéter dans sa
léthargie -l'application du nouveau système dans le contexte
actuel étant la pire des situations-. Cela interpelle alors la
responsabilité des uns et des autres, surtout des gouvernants qui ont du
mal à opérer des choix neutres et objectifs dans le rang des
fonctionnaires. Chacun devra alors opérer son choix en toute
responsabilité et le traduire dans ses comportements vis-à-vis de
la chose publique. La réforme en viendrait ainsi à être
amorcée, à travers les comportements des uns et des autres.
L'administration publique béninoise est malade des
Béninois. Et elle est davantage malade des dirigeants politiques
béninois. C'est pourquoi tout système de réforme doit
être intégré dans un processus de prise de conscience
individuelle ou collective qui permette à chaque Béninois de
s'approprier librement les exigences qu'implique une gestion patriotique de la
chose publique. Elle devra alors intervenir d'elle-même, mais elle
pourrait être stimulée par l'instauration d'une éducation
civique incorporée au système éducatif et susceptible de
faire de l'enfant béninois une valeur morale sûre au service du
développement de sa nation.
Tout ceci mettra nécessairement du temps et il vaut
mieux patienter afin d'éviter le pire à notre administration. La
politisation de l'administration publique béninoise est partie d'une
source et il faut l'attaquer à partir de cette source. L'avancement au
mérite est comme un bébé précoce que
l'administration publique béninoise n'est pas encore prête
à accueillir.
BIBLIOGRAPHIE :
I - OUVRAGES GENERAUX :
- GUILLEN, R et VINCENT, Jean, Lexique des termes juridiques,
11è édition 1995, Dalloz, Paris ;
- Dictionnaire universel : édition HACHETTE,
Edicef, 1998 ;
- Cours de Statut des APE de Monsieur Sossou Etienne
AHOUANKA, professeur de droit administratif à L'ENAM.
II- TEXTES ET LOIS :
- Loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 portant
Constitution de la République du Bénin ;
- Loi N° 59-21 du 31 août 1959 portant statut
général de la fonction publique ;
- Loi N° 86-013 du 26 février 1986 portant statut
général des agents permanents de l'Etat ;
- Loi N° 98-035 du 15 septembre 1998 modifiant et
complétant la loi 86-013 du 26 février 1986 portant statut
général des agents permanents de l'Etat, modifiée par la
loi N° 89-020 du 29 avril 1989. (cette loi n'est pas encore
promulguée) ;
- Décret 96-402 du 18 septembre 1996 fixant les
structures de la Présidence de la République et des
ministères ;
III- OUVRAGES SPECIALISES :
- DOSSOUMON, Samson, Etude et analyse du statut
général de la fonction publique béninoise,
Bénin, octobre 1994 ;
- Ministère de la fonction publique, du travail et de
la réforme administrative, Révision du mécanisme
d'avancement des fonctionnaires au Bénin, octobre
1999 ;
- Ministère de la fonction publique, du travail et de
la réforme administrative, La réforme administrative au
Bénin, document-cadre, juin 2000 ;
- Programme des Nations Unies pour le Développement,
Ministère de la fonction publique, du travail et de la réforme
administrative, Rapport du bilan diagnostic des administrations (volet bilan
rapide des ministères non audités), octobre
1994 ;
- Ministère de la fonction publique, du travail et de
la réforme administrative, Etude d'un nouveau système de
carrière et de rémunération dans la fonction publique, les
points clés du nouveau système, juillet 1994 ;
- Multipartisme, pouvoir politique et fonction
publique , VIè conférence des directeurs des ENA, IAP, ISM
d'Afrique, TANGER (Maroc), 6-8 décembre 1993 ;
- NLEP, Roger Gabriel, L'administration publique
camerounaise. Contribution à l'étude des systèmes
africains d'administration publique, Paris, 1986 ;
- Le fonctionnaire et la politique , 11è
colloque d'AVIGNON, juillet 1988 ;
- VIRAPATIRIN, Marie E., DEMEY, Ronald, La fonction
publique au Burkina-Faso : Etude de cas, OFPA-Cotonou,
1995 ;
- ADJOVI, Emmanuel, La fonction publique béninoise
malade de la politique, Paris 1994.
* 1Mamadou DIA, Meilleure
gouvernance comme base de la réforme de la fonction publique en Afrique
du Sud du Sahara, séminaire de Ouagadougou, (Burkina Faso), novembre
1993
* 2 Emmanuel
ADJOVI, La fonction publique béninoise malade de la politique.
Paris, 1994.
* 3 MFPTRA, La réforme
administrative au Bénin, document cadre, juin 2002, Pp 25 - 26
* 4 Samson DOSSOUMON, Etude
et analyse du statut général de la fonction publique
béninoise, Bénin, octobre 1994
* 5 Emmanuel
ADJOVI, La fonction publique béninoise malade de la politique.
Paris, 1994.
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