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Processus d'externalisation en Grande-Bretagne et privatisation de la sécurité: Quels rapports, quels enjeux ?

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par Hugues de Bonnières
Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr -  2007
  

Disponible en mode multipage

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    Direction Générale de l'Enseignement et de la Recherche

    Processus d'externalisation en Grande-Bretagne et privatisation de la sécurité : Quels rapports, quels enjeux ?

    Mémoire présenté par le Sous-lieutenant de BONNIERES Hugues

    Sous la direction de Monsieur André BRIGOT, Professeur à Saint-Cyr- Coëtquidan

    Filière Relations internationales et Stratégie

    Promotion décembre 2006

    Lieutenant Brunbrouck

    Option : Relations Internationales et Stratégie

    Sujet du mémoire : Processus d'externalisation en Grande-Bretagne et privatisation de la sécurité. Quels rapports, quels enjeux ?

    Grade, nom, prénom du rédacteur : Sous-Lieutenant de Bonnières Hugues Directeur de séminaire : M. André BRIGOT

    Directeur de mémoire : M. André BRIGOT

    Jury:

    Date de soutenance :

    Résumé du mémoire :

    Les changements conséquents à la fin de la Guerre Froide, les mutations des armées occidentales et les nouvelles missions qu'elles doivent remplir ont permis le développement magistral de la privatisation de la sécurité. La Grande-Bretagne présente un visage particulier, autorisant l'expression de ce phénomène, tout en cherchant à le réglementer, et à se prémunir contre ses effets indésirables. Que ce soit l'externalisation, c'est à dire la sous-traitance de certaines fonctions militaires, ou la privatisation, c'est à dire la possibilité libre pour des Sociétés Militaires Privées de se placer en concurrence des forces armées, le phénomène génère des problèmes dans les domaines financier, éthique, politique, juridique, etc. Fortement engagé dans ce phénomène, le Royaume-Uni doit donc s'affranchir des problèmes qui y sont liés, ce qui passe par une réglementation forte à mettre en place, tâche délicate et ardue ; af in de conserver un rôle majeur dans les activités de Défense, sans pour autant que cela se traduise par un renoncement à l'exercice de fonctions régaliennes majeures, comme certains critiques l'affirment.

    Mots clés : Armée - Etat - Externalisation - Grande-Bretagne - Mercenariat - MoD ONU - Private Finance Initiative - Privatisation - Public Private Partnership Sociétés Militaires Privées

    Option: International Affairs & Strategy

    Dissertation subject: Outsourcing Processes in Great-Britain, Privatisation of Security: Which Relations, Which Stakes?

    Rank, Last name, First name: Second Lieutenant de BONNIERES Hugues Head of seminar: Mr André BRIGOT

    Dissertation director: Mr André BRIGOT

    Jury:

    Date of presentation:

    Summary of dissertation:

    The changes, consequent upon the end of the Cold War, the mutations that the western armies know, and the new missions they have to carry out have let a massive increase in the privatisation of security. The special position of the United Kingdom, allowing such a phenomenon to exist, whilst searching to cope with its side-effects, is a very instructive one. By outsourcing, which consists to subcontract some military functions, or by privatisation, which lets the possibility arise that some Private Military Companies act as serious competitors with the armed forces, this global phenomenon generates a lot of difficulties in politics, economics, ethics and international law. Strongly involved in this way, Great Britain has to cast itself off the yoke created by these problems; which does mean that the government has to implement effective regulation, a tricky and arduous task, in order to keep its major role in defence activities, and to prevent as much as possible a state's abdication of its duties, as some critics assert is the case.

    Key words: British Army - Mercenaries Activity - MoD - Outsourcing - UNO Private Finance Initiative - Private Military Companies - Privatisation - Public Private Partnerships

    Avertissement

    « Les idées et opinions émises dans ce mémoire n'engagent que la responsabilité de son
    auteur, et ne reflètent en aucun cas celles du directeur de séminaire ou des Ecoles de
    Saint-Cyr Coëtquidan. »

    REMERCIEMENTS

    Je tiens à exprimer ma reconnaissance et mes remerciements à :

    M. André Brigot, mon directeur pour ce mémoire,

    au Dr Stephen Deakin, MBA, de la Royal Military Academy de Sandhurst, à M. Sami Makki, pour ses conseils,

    au lieutenant-colonel Kohn,

    et à madame Valérie Girard,

    pour leur aide.

    SOMMAIRE

    Introduction.

    A. Une situation particulièrement favorable pour l'externalisation et la privatisation de fonctions militaires : la Grande-Bretagne.

    1. Les conditions d' une situation favorable.

    a) Un héritage culturel et politique adapté.

    b) Les actions gouvernementales.

    c) Mécanismes & acteurs de la privatisation et de l'externalisation.

    2. Un secteur mature.

    a) Un secteur mature.

    b) L'exemple de SERCO.

    c) Les critiques du secteur.

    d) Un apport pour l' Union Européenne ?

    B. La Réglementation est-elle une réponse adaptée à l'externalisation et à la privatisation de la sécurité ?

    1. Les difficultés de l' externalisation et de la privatisation.

    a) L'épineuse question de la rentabilité.

    b) Le domaine de l'intangible.

    c) Différences entre Paix et Guerre, ultime critère.

    2. Volonté de changement et contraintes liées à la réglementation du secteur privé de la Défense.

    a) Un point de départ : le Green Paper de 2002.

    b) Quelle(s) option(s) retenir ?

    3. Réglementer, une bonne option ?

    a) L'instabilité du secteur.

    b) Le double-jeu des acteurs ? c) Une tâche trop ardue ?

    C. Privatiser les fonctions régaliennes de la sécurité et de la Défense, quel contexte, quels enjeux ?

    1. La réponse britannique au phénomène de privatisation.

    a) Une réponse locale à un phénomène globale.

    b) Un modèle exportable ?

    2. Une réflexion de toutes les parties.

    a) Les commanditaires.

    b) Les prestataires.

    c) La communauté internationale.

    3. Privatiser la sécurité, privatiser l' Etat ?

    a) L'extension du domaine étatique.

    b) La dilution de la responsabilité. c) Démission ou adaptation de l'Etat ?

    Conclusion générale.

    Table des Abréviations

    BAPSC : British Association of Private Security Companies

    CICR : Comité International de la Croix Rouge.

    ESS : Eurest Support Services, « contractor » britannique.

    IPOA : International Peace Operations Association.

    MoD : Ministry of Defence, ministère britannique de la Défence

    MPRI : Military Professional Ressources Incorporated.

    ONU : Organisation des Nations Unies.

    PESC : Politique Etrangère et de Sécurité Commune.

    PESD : Politique Européenne de Sécurité et de Défense.

    PFI : Private Finance Invitiative, Initiative de Financement Privé.

    PMC : Private Military Company, Société Militaire Privée.

    PPP : Public Private Partnership, Partenariat Public-Privé.

    PSC : Private Security Company, Société de Sécurité Privée.

    SMP: Société Militaire Privée.

    SSP : Société de Sécurité Privée.

    UE : Union Européenne.

    «Some have even suggested that private security firms, like the one which recently helped restore the elected president to power in Sierra Leone, might play a role in providing the United Nations with the rapid reaction capacity it needs.

    When we had need of skilled soldiers to separate fighters from refugees in the Rwandan refugee camps in Goma, I even considered the possibility of engaging a private firm.

    But the world may not be ready to privatize peace.»

    Kofi Annan,
    Secrétaire Général de l' Organisation des Nations Unies,
    Lecture XXXV de la Ditchley Foundation,
    le 26 juin 1998.

    INTRODUCTION.

    Le monde de la Guerre Froide n'est plus.

    Le temps des blocs, de l'affrontement Est - Ouest, dans lequel chaque Etat se situait par rapport à l'une ou l'autre des grandes puissances est révolu. La disparition de l'Empire Soviétique a provoqué d'innombrables changements de par le monde, particulièrement dans les affaires militaires. En effet, la Guerre Froide achevée, un nombre considérable de soldats ont été démobilisés, que ce soit en Russie ou dans des pays occidentaux.

    La fin de la conscription en France en 1996 montre que les armées se sont adaptées aux besoins : les formats se sont réduits, les missions ont changés. Les guerres dans les Balkans sont l'exemple de ces mutations des missions que connaissent les armées occidentales de l'après Guerre Froide. De plus, l'influence des grandes puissances dans certaines parties du monde se fait plus discrète dès lors qu'elles ne s'y affrontent plus indirectement. En conséquence, certaines zones du monde sont devenues « grises », c'est à dire que la présence de l'Etat y est faible, et que le pouvoir est à celui qui peut le prendre. Parallèlement, les armées des Etats modernes se sont tournées vers le monde civil, afin d'y trouver des solutions à leurs nouveaux problèmes : comment rester compétent dans le domaine militaire, tout en fonctionnant à format réduit ? Certaines armées, de différentes manières, se sont donc engagées dans la voie de la sous-traitance, dans l' audit et le conseil, l' aide à la formation, etc.

    Tout cela a contribué au développement d'un nouveau secteur d'activités, regroupant la sécurité privée par le biais des Sociétés Militaires Privées (SMP), et l'externalisation des fonctions de Défense.

    Bien que le thème de la privatisation de la guerre ne soit pas nouveau, comme l'histoire en témoigne avec les armées privées des condottieri italiens du XIVe et XVe siècles, il se trouve que la situation actuelle est assez intéressante et justifie que l' on revienne sur ce phénomène : en effet, à l'heure où les Etats-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni et d'autres pays sont engagés en Irak, aussi bien avec des troupes régulières qu'avec des Sociétés Militaires Privées, la France a adopté le 14 avril 2003

    une loi relative à la répression de l' activité mercenaire (Cf. Annexe V), faisant écho à la Convention Internationale du 4 décembre 1989 contre le Recrutement, l' Utilisation, le Financement et l'Instruction des Mercenaires (Cf. Annexe IV). Comment peut-on, d' une part, bannir l' activité des mercenaires , et d' autre part sous-traiter des activités militaires, externaliser certaines fonctions de Défense ? C' est bien à cette question que la Grande-Bretagne cherche à répondre, afin de satisfaire au mieux ses besoins : avoir une armée relativement réduite (207 000 hommes et femmes pour l'Armée de Terre, la Marine et l'Armée de l'Air réunies) présente dans de nombreux théâtres d'opérations (Irak, Afghanistan, ex-Yougoslavie...), tout en remplissant des missions nouvelles, avec des budgets qui diminuent.

    L'étude des processus d'externalisation en Grande-Bretagne, ainsi que de la privatisation de la sécurité, nous permet de voir quels sont les rapports entre les secteurs public et privé, les enjeux d'un partenariat pour la Grande-Bretagne, et comment réglementer cette relation relativement récente. L'externalisation, par l'introduction dans le domaine public de la Défense de sociétés privées, commence dans les années 1960 avec la décolonisation et connaît une forte augmentation depuis seulement une petite dizaine d'années. C'est cette dernière décennie que nous étudierons, avec comme objectif d' analyser les conséquences des changements en cours pour le visage de la guerre, le fonctionnement des armées et la conception du rôle de l'Etat. De plus, si la dynamique générale de ce phénomène est mondiale, nous nous limiterons à celle affectant le Royaume-Uni, sans toutefois nous y cantonner de manière exclusive.

    Le secteur que représentent les activités militaires privées est en pleine expansion, mais ce dernier trouve sa place dans un système où des règles juridiques existent, sans pour autant être nécessairement adaptées. L'aspect économique de ce secteur doit être pris en compte, le marché mondial annuel des Sociétés Militaires Privées est évalué pour l'ensemble du monde à plus de 100 milliards de dollars et devrait doubler d'ici dix ans, ce qui explique en partie l'incroyable augmentation du nombre de ces entreprises : en Grande-Bretagne, avant mars 2003, il y avait seulement trois Sociétés Militaires Privées (Kroll, ArmorGroup & Control Risks). Il y en a maintenant au moins vingt-trois.

    La première difficulté de cette étude se trouve dans la définition des termes de Société Militaire Privée. Pour Sami Makki, une Société Militaire Privée est une << entreprise fournissant des services militaires d' ordre offensif, destinés clairement à provoquer un changement dans une situation donnée, et dont les commanditaires sont généralement des Etats >>. Cependant, Doug Brooks, président de International Peace Operations Association, va plus loin dans sa propre définition, puisqu'il entend par SMP une << société recherchant le profit et proposant tout l'éventail des services légaux qui étaient auparavant fournis par les armées nationales. >> Nous nous trouvons, avec cette définition, face à une nouvelle interrogation : l'appel par un gouvernement aux services d' une société privée n' est il pas, de facto, un renoncement certain à quelques fonctions régaliennes ? Peut-on, sans risques, rendre privées les fonctions étatiques ?

    Les principales sources utilisées lors de la rédaction de ce mémoire proviennent de revues spécialisées dans les affaires de politique, de relations internationales et de Défense, de langue anglaise en général, comme The R USI Journal, European Security, International Peacekeeping, Small Wars and Insurgencies, The British Army Review, World Today, Civil Wars, Foreign Affairs, Armed Forces Journal, Defence Studies, and Foreign Policy, ou The Financial Times et Jane's Defence Weekly pour ne citer que ces titres. Quelques articles en français aussi, extraits du Monde Diplomatique, de Politique Etrangère, ou des publications de l'Ifri, nous ont permis d'avoir un regard extérieur sur notre sujet. A cela s'ajoutent quelques livres, mais leur nombre reste limité. Une bibliographie détaillée se trouve à la fin de ce mémoire.

    Les changements provoqués par la fin de la Guerre Froide (que ce soit la réduction des effectifs, l' ouverture vers le secteur privé, ou l' apparition de nouvelles missions de maintien de la paix), sont à l'origine d'une évolution dans la conception de l' action militaire, et de nouvelles activités dans le domaine de la sécurité.

    En lien avec ces mutations de la fin du siècle dernier, nous pouvons examiner les processus d'externalisation et les relations entre les secteurs publics et privés du domaine militaire et de la sécurité. Quelles sont les caractéristiques de ces relations ? Comment se sont-elles développées, quels sont les fruits de ces rapports ?

    Toutefois, la situation mondiale révèle des différences flagrantes selon les Etats et les régions du globe. Si les Etats-Unis d'Amérique apparaissent comme les précurseurs de l'externalisation et du rapport privilégié entre secteurs public et privé, bien des Etats semblent souffrir de cette évolution, notamment ceux d'Afrique. Nous ne pouvons nous empêcher de voir ici l'une des limites de ces rapports : une fructueuse collaboration se fait nécessairement au détriment d'une tierce partie, comme ce fut le cas lors des activités de SMP au Sierra Leone ou en Papouasie Nouvelle-Guinée. Le nombre d'Etats concernés par les activités du secteur privé de la sécurité et du militaire augmente considérablement, ainsi que le nombre d' acteurs sur le terrain : l' Etat, l' Organisation des Nations Unies, quelques Organisations Non Gouvernementales, quelques grandes sociétés industrielles de la matière première et quelques Sociétés Militaires Privées se côtoient en plusieurs points du globe.

    Face à une telle situation, la Grande-Bretagne depuis 2002 se pose la question d'une régulation. En effet, au regard de la disparité des lois et règlements au niveau mondial, du nombre de Sociétés Militaires Privées, du large spectre de leurs activités, le Royaume-Uni estime nécessaire de clarifier les activités de ce secteur. Le problème est d'une part d'entamer une clarification du sujet par un travail de définition des acteurs et des activités, puis d' autre part de s' accorder sur la forme de la régulation.

    Partant du postulat de principe selon lequel une régulation est possible, il demeure cependant de nombreux problèmes à résoudre : Quelle devra être la forme de la régulation, quels seront les organes de contrôle ? Une réglementation, pour être un tant soit peu efficace, devra être d' ordre international, est-ce seulement envisageable ?

    En dernier lieu, une seule interrogation demeure, problématique : La régulation et l 'externalisation de fonctions militaires ne seraient-elle pas une façon de privatiser la sécurité ? Que doit-on penser de cette nouvelle tendance qu 'ont certains Etats à se détacher de leur fonction régalienne qu 'est l 'utilisation de la force ?

    Ainsi, afin de répondre à cette problématique, nous étudierons l'exemple de la Grande-Bretagne, replacé dans un contexte européen et mondial.

    Dans notre première partie, nous étudierons la situation particulière de la Grande-Bretagne et du secteur de la sécurité privée : en effet, les SMP, l' externalisation de nombreuses activités au sein des forces armées britanniques, la PFI

    (Private Finance Initiative ; ou quête de nouvelles sources de financements dans le secteur de la Défense), le PPP (Private-Public Partnership ; concept de relation de travail entre les secteurs publics et privés) font du Royaume-Uni un Etat à part dans ce domaine. Cela se justifie par un héritage adéquat, qui fait du secteur de la sécurité privée un secteur mature et en croissance, mais qui présente cependant toujours des difficultés.

    Notre deuxième partie sera consacrée à la question suivante : Peut-on affirmer que réglementer le secteur de la sécurité privée soit une réponse adaptée à ce phénomène ? En effet, au delà de la volonté de changement qui se fait sentir dans ce secteur, de nombreuses contraintes appartenant à la régulation elle-même apparaissent et semblent empêcher tout évolution. Ainsi, les options de la régulation et de la réglementation ne semblent pas être de bonnes options en réaction à ce phénomène.

    La troisième partie de notre travail nous amène à nous interroger sur ce que signifie vraiment une réglementation. Peut-on dire que l 'on assiste à un phénomène de privatisation de la sécurité ? Quelles en seraient les conséquences ? Effectivement, si l' essai britannique pour réguler l' activité des SMP et l' externalisation de certaines de ses fonctions dans les armées peut apparaître comme un modèle pour l'Union Européenne, les acteurs de la sécurité (de l'Etat à l'Organisation Non Gouvernementale, de la SMP à l'Organisation des Nations Unies) ont entamé une réflexion qui va plus dans le sens d' une privatisation de la sécurité. Il semble que l' Etat n' a plus, désormais, le monopole de la violence, de l'usage de la force. Il nous est alors permis de nous interroger, au risque de choquer, sur une éventuelle démission de quelques Etats de leur fonction régalienne qu' est l' usage de la force.

    A. Une situation particulièrement favorable pour l'externalisation et la privatisation de la sécurité : la Grande-Bretagne.

    Le Royaume-Uni présente une situation unique en Europe et dans le monde concernant l'activité de sociétés travaillant dans le domaine militaire privé, dans la sécurité privée. A cela s' ajoute une ouverture forte vers le secteur privé par l' externalisation, la sous-traitance d' activités publiques, qui concerne d' ailleurs tous les différents domaines étatiques : santé, éducation, forces armées, police...

    Une telle situation est l'héritage d'une situation sociale et culturelle particulière, et permet au secteur des activités militaires privées d'être mature, en pleine croissance, sans pour autant éviter quelques difficultés.

    1. les conditions d'une situation favorable.

    a) un héritage culturel et politique adapté

    La Grande-Bretagne connaît une culture économique libérale, où la liberté d'entreprendre est une notion largement partagée et acceptée. L'Angleterre a depuis bien longtemps une politique économique libérale, et les thèses d'Adam Smith (1723- 1790) sur le libre échange traduisent cet état d' esprit. Dans sa Recherche sur la Nature et la Cause de La Richesse des Nations, publiée en 1776, Smith développe l'idée que la richesse provient des marchandises (entendues maintenant comme biens et services) ; et que l'économie politique a deux objets : procurer d'une part au peuple un revenu (une substante abondante) mieux, de le mettre en état de se procurer lui-même cette abondante substante ; et d'autre part de fournir à l'Etat ou à la communauté un revenu suffisant pour le service public. Partant de ce principe, la « main invisible » qu'est la concurrence assure l'intérêt de tous, à condition que celle-ci soit libre. David Ricardo, en 1817 avec ses Principes de l'Economie Politique et de l'Impôt, propose une théorie du libre échange dans laquelle toutes les parties engagées trouvent un avantage à faire du commerce entre elles. Nous comprenons dès lors pourquoi il apparaît comme étant naturel pour la Grande-Bretagne, comme les Etats-Unis d'Amérique d'ailleurs, de permettre une privatisation de certaines fonctions considérées comme relevant de l'Etat. A ce sujet, il est intéressant de noter que les thèses de Smith ont étés modifiées depuis,

    car il considérait que l'armée et l'usage de la force étaient des prérogatives de l'Etat. En effet, dans un pays où il n'est pas choquant de s'affirmer sur les marchés économiques, de souscrire aux thèses libérales, la possibilité d'entreprendre librement est utilisée jusqu'au bout. Et le seul domaine qui n'est pas concerné par la liberté d'entreprendre est normalement celui qui appartient à l'Etat, c'est à dire que ses fonctions régaliennes comme l'usage de la force, l'éducation, etc. ne peuvent être assurées par personne d'autre. Dans un système libéral, l'Etat peut envisager et permettre la réalisation de certaines fonctions : il possède toujours la fonction régalienne, mais en confie l'exécution à une société privée. Le lien est ainsi fait entre les théories et les idées du XVIIe siècle et la situation actuelle.

    Cependant, les idées libérales ont dû trouver des échos dans les faits, ont dû être actualisées ; les lois britanniques ont permis d'ancrer cet état d'esprit dans la mentalité des gens et dans les coutumes économiques.

    Deux textes sont fondamentaux dans la situation actuelle de la Grande-Bretagne : le premier est le Foreign Enlistment Act de 1870, et le second, plus d'un siècle après, est le Diplock Report de 1976 (du nom de son auteur, Lord Diplock).

    En 1870, de nombreux officiers et soldats de l'armée britannique désertèrent et partirent se battre en Amérique du Sud dans les guerres d'indépendance contre l'Espagne. La loi adoptée par le Parlement cette année-là rends tout citoyen britannique qui s'enrôle dans une armée étrangère coupable d'un crime. Rapidement, la loi est devenue honteuse pour le gouvernement, car il était impossible de l'appliquer, et le dernier procès eut lieu en 1896. Mais cette loi est toujours valide, et sert de point de départ juridique face à la question de l' externalisation et de privatisation de la sécurité.

    En 1976, Lord Diplock, rédacteur du rapport éponyme1, recommande au gouvernement qu'il interdise le recrutement de tout citoyen britannique par une force armée étrangère au Royaume-Uni. Une telle option est proposée car beaucoup plus simple à appliquer que le Foreign Enlistment Act. Ce rapport a été publié en 1976, en conséquence de l'implication de mercenaires anglais en Angola, où trois citoyens britanniques furent condamnés à mort et exécutés le 10 juillet 1976, neuf autres étant

    1. Report of the Committee of Privy Counsellors appointed to inquire into the recruitment of mercenaries (the «Diplock Report»), Her Majesty Stationery Office, Londres, août 1976.

    condamnés à des peines de prison. Le rapport de Lord Diplock rappelle qu'il est virtuellement impossible de déterminer exactement les motivations des combattants, des mercenaires en l'occurrence: « [...] toute définition des mercenaires qui requerrait un indice positif de motivation serait [...] inopérante, ou tellement hasardeuse dans son application entre deux cas individuels identiques qu'elle en serait inapplicable. Nous pensons que les mercenaires ne peuvent être définis qu'en référence à ce qu'ils font, et non en référence à pourquoi ils le font ». Le rapport recommande donc d'interdire toute activité militaire à l' étranger pour toute personne n' étant pas au service de la Reine. Il propose aussi une loi d'habiitation, qui pourrait être renforcée ponctuellement, afin de cibler les pays qui seraient concernés par le recrutement de mercenaires. L'Etat britannique n'a pas désiré cependant donner suite aux recommandations de Lord Diplock, considérées comme trop fortes, et allant à l'encontre de la liberté individuelle et économique. En effet, si l'on va au bout de la pensée de lord Diplock, les employés des sociétés privées font exactement ce que font les mercenaires : soutien, conseil, entraînement, instruction et combat. Dès lors, il devient extrêmement délicat pour le gouvernement de légiférer sur le mercenariat sans légiférer du même coup sur la privatisation, entamée depuis déjà plus de quinze ans à l'époque de la publication du rapport.

    Après ces deux textes à caractère législatif, qui n' ont pas cependant l' aspect coercitif de véritables lois, la Grande-Bretagne a adopté en 2001 une loi sur l' industrie de la sécurité privée. Elle permet de facto la privatisation de son monopole étatique dans la production de services publics, et par là même l' expression des SMP.

    The Private Security Industry Act 2001 pose les bases de la gestion des services de sécurité privée au Royaume-Uni. Cependant, à l'automne 2006, cette loi n'a pas encore été mise en application dans sa totalité. La loi a mis en place une Security Industry Authority (SIA), qui a contribué à définir des critères spécifiques pour accorder des licences particulières aux gardiens, aux entreprises de sécurité événementielle, etc. En 2004, il était question d' étendre ces licences aux détectives privés et aux consultants du domaine de la sécurité. Les critères retenus dans l' accord d' une licence sont assez restrictifs : une enquête est réalisée afin de vérifier que les casiers judiciaires des prétendants soient vierges, même si une simple supposition ne doit pas empêcher l'octroi de la licence. Il est par ailleurs exigé des candidats qu'ils reçoivent une

    formation d'une trentaine d'heure (une semaine) afin de se garder de certaines erreurs dues à un manque de formation. La loi comprend donc un certain nombre de réglementations qui contribuent à la bonne gestion de ces activités. Cependant, cette loi n' est valable que sur le territoire britannique, et ne couvre pas l' export de services d' ordre militaire à des clients outre-mer.

    De plus, les contrats passés avec ce secteur par le gouvernement, ainsi que les décisions financières imposées par le ministère des finances britannique favorisent l'activité privée dans le domaine de la Défense et de la sécurité.

    b) les actions gouvernementales

    Les actions gouvernementales sont en réalité complexes et variées. Du Private Finance Initiative (Initiative de Financement Privée - PFI) au concept de Best Value for Money, du Public Private Partnership (Partenariat Public - Privé, PPP) à la soustraitance, le gouvernement anglais mène de nombreuses actions renforçant le poids du secteur privé dans les activités de Défense, qui se traduisent de manière très concrète: ces actions sont à l'origine de la fermeture des hôpitaux militaires, de la location de véhicules pour les Forces Armées, de la location d'avions de transport par la Royal Air Force...

    Le PPP (Public - Private Partnership) est un système dans lequel un service public est financé et mis en place par un partenariat entre le gouvernement et une ou plusieurs sociétés privées. Dans le PPP, le gouvernement utilise le secteur privé comme investisseur permettant de fournir des services qui sont dispensés par le secteur public. Nous nous trouvons ici dans le cas d'une économie mixte, dans laquelle des fonctions publiques sont fournies par le secteur public qui a cependant fait appel au secteur privé. Le PPP trouve son origine dans les inquiétudes des années 1960 à 1980 au sujet du niveau de la dette publique, pendant les bouleversements macroéconomiques. Le gouvernement a alors encouragé les investissements privés dans l' infrastructure, pensant utiliser le secteur privé pour augmenter la rentabilité d'un service ou d'un produit, par la baisse des coûts de fabrication. En résumé, le secteur public passe un contrat avec le secteur privé par le biais d'entreprises, afin de fournir à moindre coût ce

    qui lui est nécessaire pour assurer ses propres fonctions. Un exemple type du PPP serait les bâtiments d'un hôpital financés, construits et entretenus par une société privée, qui louerait alors la structure hospitalière à l'Etat. La société privée est alors propriétaire foncière de l' hôpital, fournissant les fonctions de gestion et d' entretien, tandis que l' Etat lui même fournit les fonctions et services de santé. L'intérêt majeur du PPP réside dans le fait que ce système permet une réduction des coûts de production des services, une plus grande flexibilité, une gestion dans laquelle les risques financiers sont mieux contrôlés. Initialement, les partenariats étaient négociés individuellement, mais John Major, Premier Ministre conservateur, a introduit en 1992 le PFI, programme qui encourage systématiquement le recours au PPP. Concrètement, lorsqu'un service public envisage la production d'un service, il doit envisager avant tout recours au financement public l' appel au secteur privé pour financer sa prestation. Un tel raisonnement est érigé en dogme dans la fonction publique, et le financement par l'Etat n'est envisagé qu'en dernier recours.

    La Private Finance Initiative (PFI) a débuté sous le mandat du premier ministre conservateur John Major en 1992. Immédiatement, elle a été controversée, et les critiques ont affirmé que c'était là l'antichambre de la privatisation. Néanmoins, le ministère des finances britannique a trouvé cette perspective d'allégement de ses budgets tellement intéressante du point de vue financier qu'il a poussé les travaillistes à l'adopter après les élections législatives de 1997. La PFI a donc été maintenue et a connu une croissance certaine depuis lors. En 2002, le congrès annuel du parti travailliste a voté une motion contre la PFI, mais cela n'a en rien changé la position du gouvernement. Le gouvernement britannique a consacré à la PFI depuis 1987 plus de 48 412 millions de livres2, tous secteurs d'activités confondus (du ministère des transports à l'Education, du cabinet du Premier Ministre à la Défense.). Nous détaillerons ces chiffres, principalement ceux en lien avec le ministère de la défense britannique (MoD), et tenterons d'établir un bilan de la PFI plus tard dans notre étude.

    Développée par la Grande-Bretagne, la PFI consiste à fournir un soutien financier pour le Partenariat Public - Privé ; en rapport avec la réforme plus large du secteur public et de ses prestations menée par l'Organisation Mondiale du Commerce, le

    2. Au sujet du PPP et de la PFI, consulter le site officiel du Trésor britannique, visité le 9 octobre 2006. http://www.hm-treasury. gov.uk./documents/public private partnerships/ppp index.cfm

    Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, en vertu de leur campagne de déréglementation et privatisation. Le projet vise à fournir toutes les sortes de prestations du service public, avec des prestataires du service privé. En échange, le secteur privé est payé, au dessous du prix demandé par le service public si ce dernier avait eu ces prestations à fournir, conformément aux normes établies par les deux parties. La PFI est utiisée par les autorités locales et nationales, et le gouvernement national permet le recours à la PFI pour une autorité locale par le biais de << crédits >> qu'il lui octroie. Faire appel à la PFI n'est pas seulement un emprunt, c'est une gestion calculée des risques que les autorités ne sont pas prêtes à assumer : le coût effectif de la PFI est plus cher qu'un emprunt gouvernemental, mais moindre quand les risques sont mieux gérés et pris en compte par le secteur privé. Bien que tous les contrats souscrits au titre de la PFI diffèrent au regard des circonstances locales, ils ont de nombreux points communs. L'autorité du secteur public (un ministère, ou une autorité locale) signe un contrat avec un << contractor >> du secteur privé. Pendant la durée du contrat, le << contractor >> fournit un service qui était précédemment fourni par le service public et est payé pendant le contrat sur la base d'un accord stipulant qu'en l'absence de prestations, il n'y a pas de paiement. L' autorité rédige un cahier des charges, qui sert de base à l' accord ; si le << contractor >> faillit à l'un des termes du cahier des charges, le << Plan Gate Approval >>, et qu' il ne corrige pas sa prestation, l' autorité peut diminuer ses honoraires et/ou mettre un terme au contrat. Ainsi, le bon fonctionnement d'un contrat dépend du bon intérêt qu'ont les deux parties à l'appliquer. Tous les contrats sont examinés par The National Audit Office, The Public Accounts Committee et The Audit Commission. L'exemple type d' un contrat passé au titre de la PFI est celui où l' on a volontairement utilisé le secteur privé afin de produire un service public, comme lors du projet de la nouvelle ambassade britannique à Berlin, construite et gérée par une société privée.

    Cependant, en avril 2006, un rapport intitulé "PFI : Strenghtening Long-Term Partnerships" a confirmé le modèle de la PFI tout en proposant des améliorations. Ce système continuera à représenter 10 à 15 % du total des investissements dans les services publics, soit 200 projets d'une valeur de 37 milliards d'euros au cours des cinq prochaines années.

    c) Mécanismes et acteurs de la privatisation en Grande-Bretagne.

    Ainsi, le gouvernement britannique permet et encourage l'externalisation de fonctions et services publics. Nous allons d' abord étudier les entreprises qui sont les prestataires de ces services externalisés, puis nous étudierons la mise en place d'un contrat ayant recours à la PFI.

    Comme nous l'avons vu en introduction, le terme de Société Militaire Privée regroupe plusieurs réalités. Nous nous accordons sur la définition selon laquelle une SMP est une société privée fournissant des services du domaine de la Sécurité ou de la Défense, autrefois pris en charge par les gouvernements ou les armées nationales, dans le but légal de réaliser des bénéfices. L' éventail des prestations fournies nécessite d'être prudent avec ce concept : toutes les SMP ne sont pas à loger à la même enseigne ; certaines se contentent de conseiller, de former ou de faire de la maintenance ; d' autres se spécialisent dans la protection de biens et de personnes, ou encore dans les actions de déminage ou de reconstruction... Bref, si toutes les activités des SMP ont un lien avec les affaires miitaires, seules de très rares entreprises prennent directement part aux combats. Il faut ici éviter l'habituelle erreur d'assimiler les SMP à du simple mercenariat.

    Nous avons vu en introduction toute la difficulté de bien définir les termes qui sont souvent utilisés, sans toujours signifier la même chose. Si les mercenaires sont souvent des individus qui se battent dans des conflits étrangers afin de s'enrichir, et leurs employeurs souvent des groupes armés non-étatiques, rarement des gouvernements, les SMP, quand à elles, sont des sociétés de droit privé qui fournissent des services offensifs, ayant pour but d'avoir un impact militaire dans une situation donnée. Signalons d'ailleurs qu'elles oeuvrent en majorité pour des gouvernements, des organismes internationaux comme l' ONU, ou des firmes multinationales.

    Les SSP (Sociétés de Sécurité Privées) fournissent quant à elles des services de Défense, de protection de biens et personnes, en général pour des grandes entreprises

    internationales (du secteur de l' extraction de matières premières), des individus, des agences humanitaires dans des situations instables ou conflictuelles3.

    Enfin, certaines sociétés du secteur privé, en rapport avec le MoD, ne sont pas des SMP. Elles ne sont que des prestataires de services ordinaires, de la vie courante, n'ayant aucun rapport avec le domaine militaire. Nous parlons ici des sociétés fournissant des véhicules civils, des logements pour les militaires et leurs familles, ou les prestataires dans le domaine du nettoyage des locaux, de la restauration, du transport...

    Pour autant, si les SMP nous intéressent particulièrement, car ce sont elles les plus impliquées dans le domaine de la Défense et de son externalisation au RoyaumeUni, les sociétés normales ont un rôle bien plus important dans la privatisation des fonctions de Défense. Nous pourrions assimiler les SMP à la partie émergée de l'iceberg de l' externalisation, car plus médiatiques que les sociétés normales, elles les occultent trop par rapport à leurs véritables rôles. Possédant des structures internes à l'image de n'importe quelle société commerciale (conseil d'administration, actionnariat, etc.), les SMP travailent pour leurs clients avec des contrats clairs, des obligations de résultat, et s' engagent dans des opérations militaires si nécessaire, ce que ne font pas, ou très rarement les SSP, voire les simples « contractors ».

    Kevin O'Brien, en revanche, ne juge pas nécessaire de faire la distinction entre SMP et SSP : pour lui, les activités ayant rapport au miitaire, à la Défense et à la sécurité sont à considérer comme un tout 4. Ainsi, les activités des SMP peuvent être classifiées en trois domaines :

    · Les activités létales : activités de combat, et activités de soutien sur le théâtre des opérations.

    · Les activités de soutien opérationnel : entraînement des forces armées, protection de biens et de personnes (personnages politiques, autorités militaires de haut niveau...), gardiennage d'installations (ambassades ou sites d'extractions de matières premières), conseils d' ordre tactique ou stratégique, renseignement, activités policières et applications de lois...

    3. Ces trois définitions ( mercenaires, SMP et SSP ) sont celles de Sami MAKKI, Damian LILLY, Sarah MEEK et alii, in Private Military Companies and the Proliferation of Small Arms : Regulating the Actors, Londres, juin 2001.

    4. Kevin O'BRIEN, Private Military Companies: Britain's Options for Regulation, The World Today, août / septembre 2003, pp. 37 - 40.


    · Enfin, les activités générales : conseil lors d' achats, aide médicale, transport, administration, aide logistique, soutien lors d'aide aux réfugiés, déminage, etc.

    Dans ce sens, que nous conserverons tout au long de ce mémoire, la privatisation est un phénomène national en Grande-Bretagne, regroupant deux aspects différents : celui de l' activité des SMP / SSP et celui des activités de sous-traitance militaire. Phénomène national, généralisé à tous les types de prestations étatiques, mais dont le secteur de la Défense fait apparaître des difficultés particulières. Dans les transports, dans l'éducation, les intervenants sont tous les mêmes, en revanche, dans le domaine militaire, certains intervenant diffèrent des autres : c' est le cas pour les SMP et les SSP. Ne serait-ce l'utiisation de la force, le problème serait réglé ; cependant, utiliser la violence ne peut pas être accepté de n'importe quelle société, ce qui explique la séparation de facto entre les différents fournisseurs de services au Royaume-Uni.

    Après avoir vu les différents prestataires qui peuvent apparaître dans le secteur de la Défense en plus des institutions gouvernementales, voyons maintenant quels sont les mécanismes mis en place dans un processus de financement privé. De manière simple, le paragraphe suivant répond à la question << comment ça marche ? >>, et est basé sur un document de travail du MoD, la PFI Procurement Process Guidance Note 5. Dans une telle démarche, il y a quatre principaux acteurs :

    - L'Inte grated Project Team (IPT), équipe de travail du MoD, chargée de l'évaluation ;

    - Le << premier client >> qui est le MoD au travers du Director of Equipment Capability (DEC) lequel possède l'argent ;

    - Le << deuxième client >> qui est le bénéficiaire du service ; une arme, un service, ou un régiment... ;

    - Le fournisseur de service, issu de la société civile.

    Le lieutenant-colonel Philippe Kohn, officier de liaison ALAT à Middle Wallop au sein de l'Aviation Army, arme qui utilise de manière très importante la PFI, pour la maintenance, la formation, les services météorologiques..., a produit une étude sur ce

    5. PFI Procurement Process Guidance Note, http://www.mod.uk/NR/rdonlyres/13454ABA-FC75-4723- 8C5B-DDA8015B0058/0/pfupfi proc process guide note.pdf , visité le 25 septembre 2006.

    sujet : L'externalisation de la formation dans l'Army Aviation, en novembre 2005.6 Laissons-le nous expliquer le mécanisme de l' acquisition d'un service par le biais de la PFJ :

    - « La conception du besoin relève de la responsabilité conjointe du DEC et de l'JPT et apparaît dans un document commun marquant la première étape (Initial Gate). Ce document (User Requirement Document - URD) sera approuvé dans le cadre de l'évaluation (Assessment) devant l'Investment Approval Board (JAB). Cette démarche correspond plus ou moins à la stratégie d'acquisition établie au ministère de la Défense français où l'on envisage toutes les possibilités de répondre aux différents besoins exprimés, tout en conservant des solutions de repli.

    - Le document détaillant les spécifications (le System Requirement Document-SRD) sera rédigé sous la responsabilité de l'JPT, en vue de l'étape principale (Main Gate) et de la réalisation d'un démonstrateur. Cette étape sera éclairée par les résultats de la Training Needs Analysis (TNA) qui va détailler le savoir, les compétences et le comportement nécessaires à la prestation. C' est à l'issue de cette démonstration que se terminera la mise en concurrence des compagnies.

    - Après la signature du contrat, pourra commencer la phase de production (Manufacture) sous la responsabilité du DLO. La date de mise en service (In Service date- JSD) est planifiée dans le contrat.

    - La réception s' effectue selon les termes du SRD sous l' autorité de l' JPT. Dans le cas d'une mise en conformité insuffisante, la réception peut être progressive. Encore une fois les termes du contrat décideront des pénalités à appliquer.

    - La phase de mise en service suivra les éléments contenus dans le Through Life Management Plan (TLMP). Ce document détaille les résultats escomptés par le client, les modifications susceptibles d'intervenir en cours de vie du produit ainsi que l'ensemble des coûts. La date de mise en service sera prononcée par le DEC lorsque l' ensemble est jugé opérationnel. »

    Le mécanisme du processus d'un contrat souscrit par le biais de la PFJ est relativement compliqué. La question n'est pas néanmoins de juger de sa complexité dans l'absolu, mais bien par rapport aux mécanismes d'acquisitions du MoD autre que la PFJ. Cette dernière introduit des contraintes supérieures en comparaison avec le

    6. Document personnel de l'auteur, transmis gracieusement lors de la rédaction de ce mémoire.

    précédent système. Contraintes à mettre en relation avec les gains qu' apporte le système de la PFI, afin de savoir dans quelle mesure avoir recours à la PFI est une stratégie gagnante.

    2. Un secteur mature.

    a) un secteur mature

    L' éventail des activités des SMP est un exact parallèle des activités de Défense que l'on trouvait il y a quelques années dans un gouvernement national. A l'époque de la conscription et de la guerre froide, les Etats faisaient réaliser tout le spectre des activités touchant de près ou de loin au secteur de la Défense par leurs forces armées. L'armée construisait les bases, les gérait, fournissait le personnel nécessaire à l'entretien, au service de restauration, de santé, s'occupait de maintenir en état opérationnel les véhicules, les armes... Suite à la focalisation des armées sur le « coeur du métier » qu' ont connus les pays développés, les fonctions préalablement remplies et assurées par l' armée elle-même sont maintenant dévolues à des entreprises civiles. Ainsi, chaque maillon de la chaîne miitaire a son équivalent dans une entreprise civile de sécurité et de Défense, à l'exception des combattants, qui n'ont comme équivalents que les mercenaires. Les raisons de tels changements se trouvent dans la volonté de continuer à mener les missions qui dépendent de l'armée, comme les opérations de guerre, sans pour autant se disperser dans des opérations de soutien, de logistique, qui exigent du temps et des moyens en terme de personnel et de financement. C'est pourquoi sont apparus les concepts que nous avons vus plus haut : le PPP et la PFI.

    Avec un budget de 33,2 milliards de livres en 2005-2006 (soit près de 50 milliards d'euros), le Ministry of Defence se place au deuxième rang mondial en terme de budgets militaires, loin après les Etats-Unis d'Amérique, mais juste devant la France. Comme dans tous les budgets militaires, la majeure partie des ressources est consacrée aux personnels : 11,3 milliards de livres sterling (17 milliards d' euros) sont consacrés aux salaires, pensions et retraites des soldats de Sa Majesté. En 2004-2005, le MoD a dépensé 14,5 milliards de livres (21,7 milliards d' euros) avec l' industrie britannique, ce

    qui a permis l'emploi de plus de 310 000 personnes. Ces chiffres montrent bien l'importance et le poids financier qu'ont les activités de Défense dans une économie nationale. Plus encore, le ministère de la Défense a passé en 2005 - 2006 près de 26 000 contrats pour une valeur totale de 18,2 milliards de livres (27 milliards d'euros). Le nombre de contrats passés par la Défense, comprenant les contrats passés au titre de la PFI, a diminué, tandis que la valeur de ces derniers a augmenté de 3,4 milliards (5,1 milliards d'euros), soit 22,5 % en un an7. Il faut noter, évidemment, que les paiements de ces contrats ne sont pas effectués dans l'année, mais sont échelonnés sur la durée des contrats, qui peut atteindre plusieurs décennies. C' est ici qu' interviennent deux concepts importants dans les mécanismes favorisant la PFI : les Value for Money et Whole Life Costing. Le Whole Life Costing est l'évaluation du coût total d'un projet sur l' ensemble du processus d' acquisition depuis le concept initial, et en inté grant l' ensemble des coûts (conception, fabrication, entretien,...). C'est probablement l'une des principales difficultés de la conception économique de la privatisation : comment peut-on envisager, de manière précise, le coût réel d'un projet ? Même si les études de marché et l' expérience permettent d' apprécier les coûts, les marges d' erreurs restent importantes. Il suffit de se rappeler les chocs pétroliers des années 1970 pour comprendre aisément que les paris sur l'avenir comportent tous leurs parts d'incertitude. Le concept de Value for Money est l'association entre le Whole Life Costing et la qualité du service ou du produit qui correspond le mieux aux besoins exprimés. Autrement dit, la quête de la PFI consiste à se tourner vers le secteur privé afin de se procurer au meilleur coût le meilleur produit ou service. Mais cette quête est donc délicate, car les démarches effectuées préalablement à la signature d'un nouveau contrat exigent beaucoup de temps, et par là même mobiisent beaucoup de moyens et de personnes.

    b) l'exemple de SERCO

    Une entreprise comme SERCO, qui se définit comme une « entreprise internationale de service, qui combine des savoir-faire commerciaux avec une véritable culture du service public »8 , se trouve être un exemple très révélateur de ce que peut être une compagnie militaire privée. Le graphique suivant nous montre que SERCO est

    7. Ces chiffres sont extraits de UK Defence Statistics 2006, publié par le MoD.

    8 . Les citations, ainsi que les graphiques, sont extraites du site Internet de SERCO, www.serco.co.uk .

    véritablement l'exemple d'une compagnie qui fonctionne sur le système du PPP et PFT, car toutes ses activités sont directement issues des fonctions autrefois dévolues au seul service public.

    25 % de son activité appartient au secteur de la Défense, le reste étant dédié au service public : « SERCO soutient des gouvernements, des agences et des entreprises qui recherchent un partenaire de confiance, avec des antécédents solides dans la fourniture de services d'excellence. Notre personnel vous offre un management opérationnel, une expertise à titre de consultant, dans les domaines de l'espace, la Défense, l' éducation, la santé, les affaires intérieures, la science et la technologie, les transports et le commerce... »

    SERCO est un acteur majeur dans les marchés mondiaux de la Défense. Son expérience dans ce domaine remonte à 1964 quand le tout premier contrat d'externalisation britannique lui a été confié, la maintenance et la mise en service du Missile Early Warning sur la base de la RAF de Fylingdales. Aujourd'hui, ce sont plus de 2,5 milliards de livres - 3,75 milliards d'euros - de contrats que SERCO a passé avec la Défense, entre les secteurs terrestres, aériens, maritimes et spatiaux.

    Les enjeux financiers pour une entreprise comme SERCO sont énormes, et ne cessent de croître. Ce deuxième graphique nous montre les revenus de SERCO en 2005 et 2006, et nous pouvons noter l' augmentation de 161 milliers livres (240 milles euros) d'une année sur l'autre. La raison d'une telle progression dans le chiffre d'affaire de SERCO se trouve dans le fait que le principal atout de cette société est sa présence dans tous les domaines de la Défense, dans tous les secteurs de service, sur tous les continents.

    A terre, SERCO fournit des services de soutien à la vie de garnison pour le
    Ministère de la Défense australien et gère trois centres d'entraînement pour la
    Bundeswehr. Le groupe dirige aussi un consortium qui a défini, construit et financé le
    Joint Services Command and Staff College à Wiltshire, un de ses contrats majeurs avec
    le MoD britannique. Sami Maki y consacre un paragraphe dans son Processus et Bilan
    de l'Externalisation dans l'Armée Britannique : Quels Enseignements pour la France ?:
    « Le Joint Services Command and Staff College basé à Shrivenham fut créé en
    janvier 1997 et mis en oeuvre par une formule de financement innovant pour être géré
    sur 30 ans par Defence Management (Watchfield) à partir de juin 1998. Dans ce projet
    important de l'Académie de Défense britannique, les partenaires Serco Investments
    Limited
    et Equion plc ont investi 3 millions de livres (4,5 millions d'euros) chacun.
    Serco Defence and Aerospace (...) est l'organisme en charge de la gestion du projet de
    Shrivenham. L'enseignement et la recherche ont été sous- traités pour 10 ans au
    Defence Studies Department (DSD) dans le cadre d'un partenariat avec le King's
    College de Londres. La mise en place de ce partenariat original entre le client (les forces
    armées) et le fournisseur de services (Serco Defence Aerospace) repose sur un
    processus d'évaluation conjoint (joint analysis). (...) l'expérience du Joint College (et de
    la Defence Academy) présente sur de nombreux points une illustration des capacités
    britanniques à exploiter les possibilités offertes par la PFI pour offrir aux forces armées,
    et au-delà à la nation britannique toute entière, un cadre innovant permettant de fournir
    une formation de haut niveau en mobilisant les experts de talent tout en développant une
    culture civio-militaire bénéfique pour le lien Armée-Nation. Cet important projet mis
    en oeuvre par un financement novateur comporte différentes dimensions. Il existe sur le

    site du JSCSC, qui conserve un net caractère militaire bien qu' étant géré par le secteur privé, divers sous-traitants chargés d' offrir de nombreux services d' entretien et de maintenance du Collège interarmées.» 9

    SERCO fournit aussi des services dans le domaine de la marine, pour les marines du Royaume-Uni et d'Australie. En Australie, SERCO dispense des services portuaires et a récemment remporté un contrat PPP de 18 ans pour construire et mettre en oeuvre des navires de patrouille pour surveiller les côtes australiennes.

    Le soutien dans le domaine aérien est une de ses compétences majeures de par le monde, y compris des services de maintenance aérienne, de lutte anti-incendie, des services d'urgence, de sécurité et de contrôle du trafic aérien. La base aérienne de Goose Bay au Canada est gérée par le groupe, qui fournit par ailleurs des repas aux armées de l'air du Royaume-Uni, d'Allemagne, et d'Italie. SERCO a aussi la gestion des simulateurs de vol pour hélicoptères de la base de Benson, en Grande-Bretagne, au profit de la RAF. SERCO délivre aussi des services de communications par satellite, via le programme Skynet 5 aux forces armées britanniques, qui est le plus gros contrat passé par le MoD.

    De cet exemple nous pouvons retenir le fait que SERCO, à l'image de beaucoup de ces sociétés, possède deux dimensions: la première, verticale, représente la variété de ses domaines d'activités : Transport, Défense, Administration... SERCO gère aussi bien une flotte de satellites de communication militaire que des plateaux repas pour l'armée de l'air. La deuxième dimension, horizontale, de SERCO est son caractère géographique. Par ses implantations dans le monde entier, SERCO est devenu un acteur international du secteur de la Défense. Pour résumer, le paysage des activités étatiques de Défense, loin de se simplifier par l'externalisation, devient de plus en plus complexe. Mais, de même que le paysage devient de plus en plus complexe, le nombre de problèmes qu' il soulève augmente.

    c) les critiques du secteur

    Le professeur Keith Hartley est directeur du Centre d'Economie de la Défense à l'université de York. Il est l'un des économistes majeurs d'Angleterre et travaille

    9. Processus et Bilan de l 'Externalisation dans l 'Armée Britannique : Quels Enseignements pour la France ? , Centre d'Etudes en Sciences Sociales de la Défense, octobre 2004.

    comme consultant pour le MoD, et son équivalent américain, le DoD. Rédacteur pour Defence & Peace Economics, il a publié de nombreux ouvrages dans le domaine des finances de la Défense. Le professeur Hartley est Secrétaire Général de l'Association Internationale de l'Economie de la Défense, et aussi conseiller de commissions parlementaires en Grande-Bretagne. Ses travaux reconnus dans le domaine de l'économie de la Défense lui permettent d'être assez critique face à la PFI et au PPP.

    Il a publié en octobre 2002 un essai intitulé The Economics of UK Procurement Policy, dont nous avons traduit l'extrait qui suit :

    « La politique actuelle du Royaume-Uni face à l'externalisation s'exprime à travers la PFI et le PPP. Ces deux options ont pour but de faire réaliser des économies, et elles comprennent :

    1. des économies par la diminution des coûts de construction et d' entretien,

    2. le transfert des risques d'un projet au secteur privé,

    3. l'encouragement des sociétés privées à innover dans la conception, la réalisation, la mise en oeuvre et la maintenance.

    Une fréquente méprise doit être mise en évidence dès à présent. Transférer des ressources du budget public au secteur privé n'a aucune conséquence efficace si ce sont les mêmes ressources qui sont utilisées. De plus, les gouvernements peuvent toujours emprunter à des taux plus intéressants que le secteur privé : en conséquence, si l'on attend des économies par le PPP ou la PFI, les coûts supplémentaires que supportent le secteur privé devront être compensés par des économies dans une autre partie du projet (c'est à dire sur l'ensemble de la durée du projet).

    Le secteur de la Défense est souvent regardé comme un bien public qui requiert
    à la fois des financements publics et privés. PFI et PPP montrent les intérêts qu'ont les
    deux secteurs, public et privé, à financer de tels projets. Actuellement, le Royaume-Uni
    s'intéresse à de nouveaux et radicaux projets. Nous trouvons parmi ces nouveaux
    projets celui qu'a la RAF d'externaliser son ravitaillement aérien et la formation des
    pilotes militaires. Le MoD prétend que la PFI et le PPP lui feront réaliser des économies
    de 5 à 40 % ; cependant, il est difficile d' accorder du crédit à de telles affirmations (les
    contrats portant sur 30 ans, l' estimation des économies est nécessairement incomplète.).
    Le PPP comme la PFI soulève deux problèmes. Premièrement, mettre en place
    de longs contrats (25-30 ans) qui fournissent une gamme de services d'une qualité

    connue et approuvée pour faire face à une gamme d'événements inconnus qui vont de la paix à la guerre est un risque. Deuxièmement, les sociétés ont une tendance à économiser sur la part des contrats qu'il est difficile de spécifier et de faire appliquer [l'intangible, la disponibilité totale...] ; de tels comportements peuvent avoir de sérieuses conséquences pour les capacités militaires (c'est à dire qu' elles peuvent faire la différence entre le succès et l'échec au combat.). » 10

    Le professeur Hartley a donné comme exemple le ravitaillement aérien de la Royal Air Force (RAF) qui était en projet lors de la rédaction de son article, publié en 2002. Depuis lors, la RAF a effectivement passé un contrat d'une valeur de 13 milliards de livres sterling (20 milliards d' euros) le 28 février 2005 avec AirTanker11, une société privée, et pour une durée de 27 années, pour sous-traiter sa capacité opérationnelle de ravitaillement aérien et de transport aérien. AirTanker possède une flotte d'Airbus A330, en version ravitailleurs et transporteurs (passager ou fret), les entretient, les répare, et forme les équipages. La RAF possède cependant toujours la première main sur l'utilisation des appareils, même en temps de crise. Ce contrat vient du fait que la RAF n'a pas le besoin permanent de tous ses appareils, car elle ne fonctionne que rarement à plein régime. En revanche, le fait pour cette dernière de posséder de nombreux appareils ne signifie pas qu'elle ne paie que pour ceux qui volent. Les appareils au sol aussi nécessitent un entretien, une maintenance en capacité opérationnelle qui a son coût. Alors, plutôt que d'avoir une flotte dont un tiers vole, un autre tiers est en réparation, et le tiers restant en réserve, la RAF a décidé de louer ses appareils de transports et de ravitaillement chez AirTanker. Cette dernière loue les appareils en fonction de la demande, à la RAF et à des compagnies privées, ce qui lui permet de satisfaire deux clients, avec une primeur pour la RAF en cas de nécessité. L' entretien et la maintenance en capacité opérationnelle sont ainsi assurés, et mieux amortis par le fait d'avoir plusieurs clients. Il faut savoir que les avions ravitailleurs transportent leurs carburant non pas en soute mais dans les ailes, ce qui laisse la soute des avions toujours libre pour une autre utilisation (fret, passagers...). Les manipulations à effectuer sur les appareils

    10 . On trouvera l'article complet en suivant ce lien, visité le 29 octobre 2006. http://www.rmc.ca/academic/poli-econ/idrm/papers/Hartley-2.pdf

    11. Le site Internet d'AirTanker Limited, bien construit, présente toutes les données relatives à ce contrat. http://www.airtanker.co.uk, dernière visite le 9 octobre 2006.

    lors du changement entre les différents clients ne nécessitent que quelques heures, et ne présentent pas de coût particulier : il s'agit seulement de monter ou démonter les rangées de sièges dans la carlingue, et l'avion est en version cargo ou ligne. L'intérêt pour la RAF est énorme : elle n'achète pas les avions, ne les entretient pas ; elle n'achète que des heures de vol par avion, et ne paye pas même les équipages. Seule la notion de crise pourrait être un inconvénient à ce contrat : un équipage civile accepterat-il tous les risques d'une mission en cas de conflit ? Comment, sous l' aspect du droit et de la légalité, considérer alors les équipages : sont-ils civils, militaires ? Autant de questions qui montrent déjà les éventuelles limites d'un tel système. La situation cependant au Royaume-Uni donne pour l'instant de bons résultats, malgré un dépassement par AirTanker de 10 millions de livres - 15 millions d'euros - par rapport à la Plan Gate Approval, étape où le prestataire et le client se mettent d'accord sur les valeurs des contrats.

    Dans une autre publication, The Economics of Military Outsourcing 12 , le professeur Hartley recommande des évaluations critiques et prudentes, nécessaires pour identifier les véritables limites entre les secteurs publics et privés lorsqu'il s'agit de fournir des activités de Défense. Selon lui, les économistes peuvent contribuer à estimer les coûts et profits dégagés par l'avancée d'une privatisation plus grande des activités militaires. Le défi consiste à désigner clairement ce qui est le coeur de l'activité militaire, ce qui doit être du domaine des forces armées et ce qui donc ne peut être sujet à l' externalisation.

    Cependant, si ce phénomène affecte le Royaume-Uni, il concerne aussi la majorité de la communauté internationale. La polymorphie est une des caractéristiques principales du phénomène de privatisation, dans lequel nous comprenons les activités des SMP aussi bien que l'externalisation par le PPP ou le PFI. La privatisation de fonctions miitaires, quels que soient les armées, les sociétés, ou les gouvernements qui y ont recours, s'inscrit toujours dans deux dimensions : l'une horizontale, l'autre verticale.

    La première dimension est celle qui représente la variété des activités externalisées par un gouvernement, ou proposées par une société civile ou militaire. On

    12 . HARTLEY Keith, The Economics of Military Outsourcing, in Defence Studies, Vol. 4, N° 2, été 2004, pp. 199 - 206.

    y trouve ce que nous avons vu en première partie, de l'activité de conseil à la restauration des troupes, du transport à la gestion de satellites militaires. Nous pouvons classer ces activités selon une méthode simple, dont le critère est l' engagement sur le champ de bataille, idée que nous avons déjà rencontré chez Kévin O'Brien, et que Peter Warren Singer 13 reprends et nomme typologie << Fer de Lance >>.

    o f 0

    Espace de Bataille

     

    En 0 nous avons les activités non mortelles d' aide et d' assistance, comme les services de santé, de restauration, etc. En f nous trouvons les activités de conseil et d'entraînement, comme la gestion des simulateurs de vols, les réseaux de transmissions... Enfin, en 0 nous sommes en présence des activités de mise en oeuvre, de commandement, de maintien de la paix, où l'usage de la force est possible.

    La seconde dimension est la dimension géographique de l'activité : les localisations géographiques des sociétés (sièges sociaux), des clients (armées, gouvernements, entreprises, etc.) et des lieux de prestations sont souvent différentes. Par exemple, SERCO, entreprise britannique, gère plus de 450 000 km² d'espace aérien dans 5 pays différents.

    Il nous est donc possible de classer alors les activités du secteur selon un axe vertical (<< fer de lance >>) et un axe géographique, comme dans le schéma suivant :

    13 . P. W. SINGER, Corporate Warriors, Cornell University Press, Londres, 2003.

    Si l'on pointe sur le schéma les différentes caractéristiques des contrats, chaque prestation aura sa propre représentation et pas une ne sera identique aux autres. Nous prenons donc bien conscience de la difficulté qu'il y a de gérer un phénomène de cette ampleur, et dont les manifestations sont multiples.

    Nous pouvons valider cette théorie par l'étude des contrats passés par le MoD. Le tableau référencé comme Annexe I à la fin de ce mémoire, extrait du Ministry of Defence Annual Report and Accounts, publié par The Stationery Office le 14 juillet 2006, nous donne un aperçu général de l'ampleur des contrats que le MoD a signé. Ce sont au total plus de 4 milliards de livres (6,5 milliards d' euros) qui ont étés dépensés par le biais du PFI, depuis 1996.

    Deux points sont importants suite à la lecture d'un tel tableau. Le premier est celui de la diversité des contrats. Tout ce qui peut être externalisé l' est, des simples tâches ménagères (Aquatrine Project A, approvisionnement en eau et traitement des eaux usées, contrats d'avril 2003 et septembre - octobre 2004, courant jusqu'en 2030 pour une valeur totale de 604 millions de livres, soit un milliard d'euros) à la gestion des satellites militaires (Skynet 5, activités de gestion des satellites militaires, contrat d'octobre 2003 de plus de 2,7 milliards de livres - 4 milliards d'euros - courant jusqu'en 2020). Sont aussi sous-traitées des tâches comme la construction des logements militaires, la gestion et l'utiisation de chalands de débarquement, les services d'archivages, l'entraînement par simulateur de vol pour avions (E3 Sentry) et hélicoptères (Lynx, Chinook CH - 47...), maintenance et armements des hélicoptères d'attaque, etc. Le problème qui peut alors apparaître suite à cette externalisation massive est celui d'une dispersion qui pourrait être fatale en cas de situation conflictuelle. Peut-on espérer raisonnablement que la diversité des intervenants dans l' activité des militaires ne les gênera pas lors de leurs interventions ? Externaliser la formation au pilotage, par le biais de simulateurs, n'est-ce pas prendre le risque de ne plus avoir une pleine assurance de la bonne formation des pilotes ? Le nombre d'acteurs non militaires dans cette branche de la Défense ne risque-t-il pas de créer des différences au sein des pilotes ? Il est probable que des formations différentes provoquent des compétences professionnelles différentes : même si les procédures sont identiques, ne prend-on pas un risque en les faisant apprendre par des formateurs

    civils ? De même, peut-on attendre d'un équipage de roulier (chaland de débarquement Roll-on / Roll-off, appelé RoRo en anglais) le même comportement qu'un équipage servant à bord d'un navire de Sa Majesté ? Pour les opérations en tant de paix, ou ne présentant pas de danger majeur, l'utiisation de ces moyens civils peut s'avérer justifiée. Dès lors que le danger apparaît, il est permis de se demander si les équipages se comporteront comme des soldats, et s'acquitteront de leurs tâches quoi qu'il puisse leur en coûter.

    L'autre point particulièrement intéressant dans ce tableau est la durée des contrats. La plupart des contrats passés par le MoD sont signés pour des durées qui paraissent normales, c'est à dire entre 2 et 10 ans. C' est le cas par exemple avec << RAF Mail >> qui est un contrat signé pour dix années en vue de fournir un service postal interne à la Royal Air Force. De même, les 10 ans du contrat de location et d'entretien d'une flotte de 240 véhicules civils que loue le MoD ne paraissent pas être une durée incohérente, par rapport à l'espérance de vie même du matériel utilisé. En revanche le contrat << Medium Support Helicopter Aircrew Training Facility (MSHATF) >>, signé le 16 octobre 1997 pour une valeur de 114 millions de livres, pour une durée de 40 ans, paraît être des plus surprenants. Si l'on comprend aisément que certains contrats courent sur deux ou trois décennies, comme tel est le cas pour les contrats de construction de logements militaires, on peut s'interroger sur des contrats de quarante ans ayant pour but de dispenser une formation de piote sur des appareils Chinook CH-47 et Puma. Quelles garanties possède en effet la Royal Air Force que ces appareils seront toujours en service d'ici 2037, sachant que les premiers CH 47 sont en service depuis 1980 ? N'est-il pas pensable aux yeux des chargés de contrats de la RAF que ces appareils soient remplacés, que de nouveaux appareils soient achetés ? Si les contrats doivent être modifiés quand l'Armée change ses matériels, pourquoi alors miser sur 40 ans ? L'idée du contrat est relativement simple : une société privée, CAE (Canadian Aviation Electronics Ltd.) fait l'investissement initial de l'achat de 6 simulateurs de vol, constitue une équipe d'instructeurs et propose ses services à des clients civils et militaires. La RAF achète alors un certain nombre d'heures de vol sur simulateurs et envoie ses pilotes en formation. Le gain économique est très intéressant, car l' armée s'affranchit de l'achat, assez conséquent, des simulateurs et n'a pas à sa charge l'entretien de ces derniers. La RAF doit cependant créer le programme des cycles de

    formations, et établir un cahier des charges, respecté par la société CAE. Le point particulier ici est bien la durée du contrat: si CAE doit refondre ses programmes quand l'armée change ses matériels, le prix des prestations de cette société augmente nécessairement. En effet, il lui faudra acquérir de nouveaux simulateurs, établir de nouvelles procédures, etc. Si le contrat est établi pour une durée de 40 ans, il est raisonnable d'espérer que les prix n'iront pas en augmentant ; il faut cependant attendre le changement des appareils, dans quelques années, pour valider l'expérience. En effet, s' il est dans l' intérêt de l' armée de signer des contrats qui courent sur de longues durées afin d'épargner un maximum d'argent, la société prestataire a tout intérêt en revanche à dégager du profit. Le bât blesse lorsqu'un changement survient au cours du contrat, entraînant une hausse des coûts, qui se fait nécessairement sentir sur le prix demandé pour la prestation fournie. Or, si la RAF change ses types d'hélicoptères, CAE va devoir changer ses simulateurs de vols et ne voudra pas en supporter seule le coût, qu'elle s' empressera d' intégrer dans ses factures. La RAF sera alors face au pire : la prestation achetée (des heures de vol), contrairement aux prévisions, risque de ne plus s'avérer rentable en comparaison de l' ancien système pendant lequel l' armée formait ses propres pilotes.

    Ainsi, la majorité des contrats conclus au titre du PFI ont des durées trop longues pour que l'on puisse savoir avec certitude s'ils sont économiquement de bonnes options. Il faudrait pour cela attendre la fin des contrats, mais il y a bien un moment ou le choix s'avère nécessaire : Externaliser, pour faire des économies conséquentes dès la signature d'un contrat ; ou bien continuer à produire tous les services nécessaire au fonctionnement d'une armée, quitte à dépenser plus ? Lorsque l'Armée doit justifier de ses dépenses, l'externalisation paraît être une bonne solution, adoptée à ce moment-là comme la recherche d'un mieux.

    d) un apport pour l 'Union Européenne ?

    Au regard de ce qui se fait en France, en Allemagne ou aux Etats-Unis d'Amérique, il est possible de s'interroger sur la capacité britannique à ouvrir une troisième voie dans la relation entre les secteurs privés et publics.

    En Allemagne, le gouvernement imite la Grande-Bretagne depuis 1994, dans une moindre mesure cependant. Afin de toujours garder un contrôle fort sur les activités

    privatisées, le gouvernement allemand ne signe que des contrats de courte durée (de cinq à dix années), et base leur reconduction sur une satisfaction en termes économiques et qualitatifs. Dans les contrats de formation au pilotage outre-Rhin, European Aeronautic Defence and Space (EADS) fournit à la Bundeswehr une formation au pilotage d'hélicoptères. Cependant, l'Armée allemande, tenant à conserver le contrôle de ses activités récupère ensuite les pilotes formés par EADS et en fait ses propres formateurs. Le contrat est conclu pour trois ans, et n' est pas reconduit ; ce qui laisse à la Bundeswehr une grande marge de manoeuvre dans le choix de l'externalisation. L'Allemagne agit en toute prudence, imitant la Grande-Bretagne par petites touches, ce qui semble satisfaire et l'Etat et le secteur privé. Selon Elke Krahmann, dans Private Military Services in the UK and Germany, << pendant que le gouvernement britannique plaçait une confiance considérable dans la privatisation de la sécurité et qu'il n'a que tout récemment renforcé la réglementation nationale, l' administration allemande a été prudente dans sa capacité à garder la barre pour elle, par le biais de partenariats publicprivé restreints des fonctions militaires importantes et par une législation plus stricte. >>14

    La France, quand à elle ne fait pas le choix de l'externalisation. Le rapport de monsieur Michel Dasseux, député de l'Assemblée Nationale, nous présente la situation française en février 2002, expliquant la réticence gouvernementale face à la soustraitance et à l' externalisation. Seules les activités non stratégiques, dans lesquelles les notions de danger et d' urgence ne sont pas présentes, et qui sont effectuées uniquement sur le territoire national peuvent être sous-traitées en France.

    << Le ministère de la Défense externalise ce qui est jugé << délégable >> et qui ne fait pas partie du << coeur du métier >> : ces activités portent notamment sur l' entretien des immeubles et espaces verts, la propreté et le ramassage des ordures, les transports de personnels, mais aussi, de manière partielle, le gardiennage et la sécurité, la restauration, l' hôtellerie, la formation.

    Plusieurs principes ont été posés :

    - les activités concernées relèvent principalement des fonctions de soutien sans qu'aucune liste ne soit publiée, les décisions d'externalisation étant prises au cas par

    14 . Dr Elke KRAHMANN, Private Military Services in UK and Germany, in European Security, Vol. 14, N° 2, juin 2005, pp. 277-295.

    cas; [ nous voyons bien que pour la France, la PFI ne constitue aucunement un dogme, contrairement à ce que fait la Grande-Bretagne.]

    - dans un souci d' efficacité, l' externalisation est gérée au niveau le plus déconcentré ;

    - dans un but de réversibilité il a été décidé de conserver au sein du ministère une compétence minimale pour pouvoir éventuellement réintégrer l'activité externalisée. » 15 Au contraire d'autres pays, la France hésite à perdre ses savoir-faire par l'externalisation, ce qui ne préoccupe pas le Royaume-Uni ou les Etats-Unis d'Amérique.

    La Défense américaine, très fortement engagée dans l'externalisation, a dépensé par le biais du Département de la Défense plus de 300 milliards de dollars avec au moins 3061 contrats identifiés fournis par 12 compagnies américaines. Les prévisions américaines quand aux gains de l'externalisation (estimés en 2003 à 6 milliards de dollars par an) sont revues à la baisse : il apparaît que l'externalisation aux USA permet l'épargne de seulement 1 milliard par an.

    En conclusion, rappelons donc qu'il existe autant de manières d'externaliser qu'il existe de pays. L'externalisation à outrance des Etats-Unis d'Amérique se solde par un semi échec sur le plan financier, car les gains sont infimes rapportés au budget de la Défense : un milliard de dollar est épargné sur les 419 milliards de dollars dépensés en 2006 par le département de la Défense. Le Royaume-Uni externalise beaucoup d' activités, de fonctions et de services, et les économies semblent plus intéressantes, de l'ordre de 6 milliards de livres - plus d'une dizaine de nos milliards d'euros. Quant à elle, l'Allemagne externalise quelques fonctions, le temps pour elle de se les approprier, ce qui lui permet certaines économies, dans une moindre échelle, mais un meilleur contrôle sur l' externalisation et l' acquisition de savoir-faire directement issu s du secteur privé. Enfin, la France s'implique très peu dans l'externalisation, car elle tient, par dessus les possibles économies, à conserver ses savoir-faire.

    15. Rapport d'Information déposé par la Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées, sur l 'externalisation de certaines tâches relevant du ministère de la Défense et présenté par M. Michel DASSEUX, député ; enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 février 2002. Disponible sur http://www.assemblee-nationale.fr/legislatures/11/pdf/rap-info/i3595.pdf, dernière visite le 13 novembre 2005.

    B. La Réglementation est-elle une réponse adaptée à l'Externalisation et à la Privatisation de la Sécurité ?

    Nous avons vu dans notre première partie que la principale caractéristique de la situation en Grande-Bretagne est celle d'une situation très complexe, dans laquelle nous pouvons sentir confusément que de bonnes choses peuvent être tirées du parti de l'externalisation. Cependant, quelques points particuliers attirent notre attention sur la nécessité de changer certaines règles de ce jeu moderne de l' externalisation. Que l' on considère cette dernière comme une véritable tendance, ou comme simple effet de mode, ses processus sont à reprendre, de manière à recadrer ses effets. La problématique de cette partie est de savoir si les problèmes occasionnés par l'externalisation sont suffisants pour créer une volonté de changement assez importante qui sera à l'origine de la création d'un nouveau cadre d'action à l'externalisation de fonctions de la Défense. Cette question en appelle une autre : comment réglementer un tel secteur ? Sur qui doit-on peser pour obtenir une clarification de la situation ? Enfin, et tout naturellement, nous nous posons la question de savoir si une réglementation serait une réponse adaptée à ce phénomène de « sur - externalisation » ?

    1. Les difficultés de l' externalisation et de la privatisation.

    a) La question épineuse de la rentabilité effective de la privatisation.

    Si la question du coût était un problème épineux lors même du passage à l'externalisation, il n'a toujours pas été prouvé que les processus d'externalisation soient rentables. Du reste, l'emploi du secteur privé pour remplir des missions d'ordre public a pour conséquences de créer des difficultés dans plusieurs domaines, comme ceux de « l'intangible » et dans le contrôle de l'externalisation. Nous pouvons ici considérer que l'externalisation est un échec relatif, eu égard simplement aux coûts qu'elle engendre.

    En effet, et bien que le but officiel premier de l' externalisation soit la recherche d' économies substantielles, force nous est de constater l' absence de résultats clairs et

    convaincants dans ce domaine. La question de la rentabilité se trouve être plus simple à expliquer à l'aide d'un graphique. Le premier graphique nous montre deux courbes, A et B.

    Symbolisant le coût d'une prestation lorsqu'elle est fournie par le secteur public, A est volontairement horizontale pour simplifier le problème (nous ne prenons pas en compte une éventuelle inflation, les amortissements...). B, quand à elle, représente le coût de la même prestation, fournie par le secteur privé. La zone hachurée représente l'économie réalisée par l'externalisation, proportionnelle aux qualités que présente le secteur privé. En effet, contrairement au secteur public, les sociétés privées ont recours aux outils du capitalisme : ce sont des gestions de stocks différentes, des recours aux aides informatiques, la mise en application de concepts comme le JIT ( Just In Time), les flux tendus, le zéro stock, etc.

    Prenons maintenant la même situation, mais avec un facteur extérieur perturbateur.

    Nous avons étudié le cas de l'externalisation de la formation au pilotage d'hélicoptères. Supposons un changement dans la dotation de l'armée britannique, qui engendre de nouveaux coûts pour le sous-traitant ; ces derniers se traduisent dans le coût de l'externalisation, comme le schéma précédent l'indique. La courbe des coûts de l'externalisation augmente lorsque le facteur perturbateur se dévoile. Certes, la courbe des coûts de la prestation si elle avait été réalisée par le service public aurait augmenter aussi, mais probablement moins. En effet, l'effort d'adaptation est plus important à l'échelle d'une société privée, qui dispose de moins de ressources que l'Etat. Par ailleurs, l'Etat sous traite sa formation d'hélicoptères à plusieurs sociétés. Chacune doit donc acquérir de nouveaux simulateurs en petites quantités, tandis que l'Etat, en regroupant tous ses besoins aurait pu bénéficier d' économies substantielles. C' est pourquoi certains cas montrent bien les limites de la privatisation à des sociétés d'importance plus modeste que le commanditaire.

    Le problème est donc le suivant : seule l'expérience montre la rentabilité du système de l'externalisation. En effet, beaucoup de variables ont des effets considérables sur les coûts de ce système. Un changement de matériel, une mise à niveau (comme les problèmes de calibres, de réseau de transmission interopérables, etc.) comme celles que peuvent engendrer les normes de l'OTAN sur les armées, une pénurie de matière première, etc. sont autant de risques. Mais le fait pour un Etat d' externaliser les fonctions de son secteur public ne signifie pas la fin de ces risques et de leurs répercussions sur les finances publiques. Tôt ou tard l'Etat assumera ces coûts. Reste à savoir si les économies réalisées entre le début de l' externalisation et l' arrivée d'un facteur perturbateur sont supérieures aux pertes engendrées par ces perturbations, comme le montre ce schéma :

    Ainsi donc, à la vue de ces trois schémas expliquant les mécanismes de rentabilité, seule la durée peut donner une véritable réponse à la question de la rentabilité de l'externalisation. Cependant, rappelons que si la rentabilité reste le principal objectif de la privatisation, beaucoup d'autres aspects entrent en ligne de compte dans le bilan qu'il faut en faire. Et c'est le cas avec tout ce que l'on ne peut mesurer précisément.

    b) Le domaine de « l 'intangible »

    Le domaine de << l'intangible >> ne semblait pas a priori être gênant lors du passage à la privatisation et à l'externalisation, mais il recouvre une certaine réalité dans le service public, et plus particulièrement dans les forces armées. Lors du passage à l'externalisation, il n'a, semble-t-il, pas ou très peu été pris en compte. Nous appelons << intangible >> tout ce qui comprend l'Esprit de Corps, la Tradition, la Culture d'un métier. Nous avons des exemples de << l'intangible >> dans tous les régiments, dans toutes les Armes, dans toutes les armées du monde. Qui ne ressent pas la fierté d'appartenir à un corps ? Tout personne ayant un métier, qu'il soit civil ou militaire, a la certitude d'oeuvrer au sein d'une entité matérielle, son entreprise ou son unité, mais aussi d'une entité morale, comme peut l'être le service public pour le fonctionnaire, ou le corps médical pour le médecin, etc. L'arrivée dans le service public de travailleurs civils, par la mise en place de l' externalisation de fonctions de Défense, fragilise l'appartenance à ces structures. Prenons l'exemple du cercle-mess de la Royal Military Academy of Sandhurst, identique à ceux que l'on peut trouver en France. Externalisée il y a 12 ans, la gestion du mess est civile, et c'est le Groupe Eurest Support Services16 (ESS) qui en assure le bon fonctionnement. Aux dires de nombreux officiers, le service et la qualité de la prestation sont quasiment identiques à ce qu'ils étaient avant, quand le mess était géré par l'armée. Cependant, l'esprit à changé, l'atmosphère du lieu n'est plus la même. Cela provient du fait que les personnes travaillant dans la restauration ne sont plus en uniforme mais en civil, et surtout de la mise en place du système << Pay as you dine >> (Littéralement : << payez ce que vous mangez >>, Cf. en fin de mémoire

    16. Il est assez intéressant de comparer ESS avec SERCO, ce qu l'on peut faire sur http://www.essglobal.com/index.htm et sur http://www.serco.co.uk , visités le 29 septembre 2006.

    l'Annexe II). Les mess étaient véritablement des lieux de détente, de calme, où l' on pouvait se reposer, sans penser à des choses qui paraissent bassement matérielles à certains comme le prix des repas. Alors qu'autrefois une somme forfaitaire était déduite de la solde de tout miitaire, qu' il prenne ou non ses repas au cercle, la gestion est devenue plus rigoureuse : le consommateur paye ce qu'il consomme exactement à chacun de ses repas. Si l'on comprend aisément la recherche d'économies, le fait que cette dernière entraîne une modification de l' état d' esprit dans lequel est réalisé la prestation est moins bien accepté.

    Faut-il alors sacrifier << l' intangible >> afin de diminuer les coûts ? Cet exemple du mess est révélateur d'un sentiment largement partagé en Grande-Bretagne, et qui concerne plusieurs activités. Prenons l'exemple dont nous avons déjà parlé d'AirTanker. Peut-on attendre que des relations de travail entre des équipages civils, payés par une entreprise, et des militaires, payés par l' Etat, soient identiques à ce qu' elles sont entre militaires ou entre civils uniquement ? Il est permis de penser que la confiance entre les deux mondes n'est pas innée, ni aussi naturelle qu'au sein de la même entité. Un militaire fait plus confiance à quelqu'un qui appartient à son monde, plutôt qu'à un civil qui ne partage pas les mêmes motivations, la même culture que la sienne ; et inversement. Lorsque l'on est au quartier, la coopération entre le monde civil et le monde militaire ne pose que des problèmes d'ordre pratiques : coordination des horaires, hiérarchies parallèles, régime et droit du travail différent... En France, si les uns n'ont pas le droit de grève, les autres ne peuvent travailler plus de 35 heures par semaine. Il est parfois difficile de nourrir les troupes hors des horaires réguliers de repas, dans le cas, relativement fréquent, où le départ en mission se fait tôt le matin, ou dans la nuit.

    Le problème de la confiance est crucial : elle diminue quand la difficulté de la mission augmente. Si le problème est quasiment inexistant en temps de paix, il semble avoir des conséquences importantes sur le moral des soldats en opérations. Le raisonnement est le suivant : engagé en Irak ou en Afghanistan, le << Tommy >> accorde moins de confiance aux civils travaillants dans les activités de soutien. Il se sent plus isolé ; son lien naturel avec l'arrière, avec sa hiérarchie, son commandement, son gouvernement, semble plus ténu, plus fragile. Le cordon ombilical entre le pays et le soldat, rompu seulement pour certaines forces spéciales, est impératif pour la bonne

    réussite de la mission. Si un soldat ne sent plus sa relation avec l'arrière, s'il traite avec des civils plutôt que d'autres soldats, cela peut être préjudiciable à sa mission, il peut failir.

    Une polémique a éclatée en Grande-Bretagne suite à la fermeture de 6 hôpitaux militaires sur les 7 existants au Royaume-Uni, au début des années 1990. Sous l'administration de sir Malcolm Rifkind, Ministère de la Défense britannique de 1992 à 1995, la décision de fermer les hôpitaux a été prise dans le but d'épargner 500 millions de livres (750 millions d'euros) en 10 ans. Il ne reste donc plus qu'un seul hôpital militaire, le Royal Navy Hospital Haslan à Gosport ; les autres sont maintenant sous l'administration du ministère de la Santé, ou laissés à l'abandon. Le Daily Telegraph, grand journal conservateur de référence, atlantiste et anti-européen sur le fond, pugnace et engagé sur la forme, publie de manière très régulière des articles à ce sujet. Le 17 octobre de cette année, il publie un témoignage, celui de Nick Britten, soldat britannique, assez impressionnant au sujet de cette rupture de cordon ombilical 17:

    «They put me in a ward with grannies and drug addicts». «Nick Britten, a soldier who was treated in a civilian NHS (National Health Service) ward said yesterday that he was left screaming in pain for five hours as nurses struggled to cope with under-staffing. He painted a grim picture of how members of the Armed Forces were being cared for on civilian wards, and said the Government had "betrayed" them by closing military hospitals. The man, who suffered serious combat wounds, said he awoke to find himself sandwiched between pensioners and drug addicts. He said civilian nurses and patients failed to understand the trauma some soldiers had suffered and were not trained or equipped to cope with the flashbacks and night terrors they experienced. Soldiers feared for their lives because of a lack of security and their recovery was being hindered because they were not surrounded by fellow servicemen who understood the culture of the Army and what they had been through.»

    Plus grave évidemment que l'exemple du cercle des officiers de Sandhurst, le témoignage de Nick Britten révèle une conséquence inattendue de l'externalisation, de la quête absolue de l'économie au sein des forces armées britanniques. On estime à plus

    17 . Les citations suivantes sont extraites du Daily Telegraph, et l'article complet est disponible, ainsi que d' autres, sur : http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2006/10/17/nsoldier17.xml , visité le 17 octobre 2006.

    de 5 000 le nombre de soldats blessés, inaptes temporaires, qui ne peuvent reprendre leurs postes dans leurs affectations, à cause des listes d' attentes des hôpitaux du service public, et dont les séjours en milieu hospitalier se passent parfois mal :

    «A paratrooper wounded in Afghanistan was threatened by a Muslim visitor to the British hospital where he is recovering. Seriously wounded soldiers have complained that they are worried about their safety after being left on wards that are open to the public at Selly Oak Hospital, Birmingham. On one occasion a member of the Parachute Regiment, still dressed in his combat uniform after being evacuated from Afghanistan, was accosted by a Muslim over the British involvement in the country.» 18

    Ces deux extraits nous montrent l'ampleur du phénomène : les soldats blessés sont rapatriés d'Irak ou d'Afghanistan en Grande-Bretagne, après avoir étés stabilisés (c'est à dire mis en condition pour leur permettre de supporter le retour au pays) et ne sont réellement soignés que dans des hôpitaux publics en Angleterre. Ils reprennent donc conscience après avoir étés opérés, parfois amputés, dans des salles communes, au milieu de civils. Au traumatisme de la blessure s'ajoute la fracture psychologique que le sentiment d'abandon occasionne, car ils se sentent abandonnés par l'Armée, par l'Etat.

    Une fois de plus, la question de la confiance est cruciale. On reproche souvent, dans le débat de la privatisation et l'externalisation, le manque de confiance dans les sociétés privées : selon le Professeur Keith Hartley, « il y a des problèmes de loyauté, de confiance et de réputation. Les chefs d'Etats doivent croire à la loyauté de leurs forces armées. Il y a une croyance forte dans l'idée que les forces nationales (donc publiques) sont plus loyales et plus dignes de confiance que les firmes privées »19 . De plus, les sociétés privées sont soupçonnées de ne pas remplir leurs contrats comportant des opérations de combat, même si des armées régulières peuvent, elles aussi, se mutiner, se rebeller, ou fuir l'ennemi. Cependant, des SMP qui ne rempliraient pas leurs missions en souffriraient car leurs contrats ne seraient pas reconduits, et leurs réputations seraient ternies. Le point particulier ici est de retourner les reproches de confiance : peut-on reprocher à l'Etat de ne plus mériter la confiance de ses soldats ? N' est-ce pas le devoir de chacun (Etats et soldats) de mériter la confiance de l' autre ?

    18 . http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2006/10/02/ntroops02.xml. Visité le 23 octobre 2006.

    19 . Keith Hartley, The Economics of Military Outsourcing, op. cit.

    Nous l'avons vu, les premiers à souffrir de ce problème de confiance sont les soldats eux-mêmes : l'Etat, en employant des SMP, montre bien le peu de confiance qu'il leur accorde pour réaliser des types de missions assez particulières. Réduire les budgets ne doit pas signifier diminuer la confiance à l'égard des soldats. La confiance fait partie de l'intangibles, et a une place prépondérante dans les affaires militaires. Dans l'histoire des armées, les tensions entre politiques et militaires ont toujours existé, et les grandes crises ont souvent été dues à un manque de confiance de la part des militaires vis-à-vis de leurs gouvernants, de leurs chefs politiques. Peut-être qu'ici nous touchons du doigt le véritable coeur du problème de la privatisation : rendre privé un service peut parfois être interprété comme tourner sa confiance vers d' autres...

    Après l'étude de l'intangible, peut être faut-il bien prendre conscience que l'aspect économique, qui au départ du processus était l'objectif majeur, s'avère mis en question par les effets secondaires qui n' apparaissaient pas au début. Mais ces effets indésirables ont tous des conséquences majeures sur l'exercice du métier, notamment pour les soldats, plus que pour les employés privés du secteur. L'objet de ce mémoire n'est pas de juger une quelconque situation, mais de décrire et d'analyser ce qui se passe outre-Manche. Nous nous autoriserons cependant le droit de trouver de telles situations désolantes et absurdes, et de nous demander si, en autorisant cela, l'Etat ne failit pas à certains de ses devoirs, ce que nous traiterons en dernière partie.

    c) L'ultime problème : la différenciation entre paix et guerre.

    Enfin, dernière donnée du problème, la différence entre temps de paix et temps de guerre. Les situations sont en général assez simples, assez claires en temps de paix : les contrats peuvent être honorés sereinement, la prestation peut être de qualité. En revanche, dès lors que la prestation a lieu outre-mer, dans un cadre d' opérations réelles comme l'Irak ou l'Afghanistan, la qualité du service rendu n'est plus la même. L'armée, pour pallier ces problèmes se sert de plusieurs outils : la Territorial Army (une réserve opérationnelle), et la Sponsored Reserve (une réserve ponctuelle). De fait, la plupart des employés des sociétés qui sont en contrat avec le MoD appartiennent à la TA ou à la

    Sponsored Reserve.20 Ainsi, lorsque la situation l' exige, ils sont mis en situation militaire, portent un uniforme et des grades correspondants à leurs responsabiités, et sont obligés de faire leur travail quelles que soient les conditions dans lesquelles ils l'effectuent (ligne de front, théâtres d'opérations extérieures...). La Sponsored Reserve regroupe des personnels civils, employés par des entreprises civiles, dont le contrat de travail est particulier. Possédant des compétences particulières (dockers, médecins, informaticiens, etc.), travaillant dans des entreprises déjà sous contrats pour l' armée, les termes des contrats de travail stipulent qu'ils peuvent être appelés par l'armée à poursuivre leur travail en cas de besoin, lors d'un conflit ou d'une intervention humanitaire, par exemple. Ils revêtent alors l'uniforme et sont employés en fonction des besoins de l'armée, pour quelques jours ou semaines, et reçoivent une double paye. Ce système semble faire ses preuves et a fonctionné notamment avec les navires roll-on / roll-off lors de l' Opération TELIC, nom donné à l' intervention britannique en Irak. Lors de l'engagement britannique en Irak, plus de 1500 personnes ont servi sous le titre de Sponsored Reserves. Ce chiffre est à mettre en relation avec les 7500 militaires britanniques présents là-bas. Si la différence entre le temps de paix et le temps de guerre est maintenant un moyen de faire la distinction entre forces armées et civils travaillant pour la Défense, elle ne s'applique pas dans le cas du travail de certaines SMP. Certaines d' entre elles fournis sent des services à la Défense et aux armées, en temps de paix comme en temps de guerre. Si l'on assiste bien à une multiplication des acteurs dans le système britannique de la Défense, il est important de réguler, de réglementer ce secteur en conséquence de ce phénomène.

    Ces exemples attirent notre attention sur la nécessité du contrôle de l' externalisation, de la privatisation. L' Etat doit s' assurer que la prestation externalisée est assurée de la même manière qu'elle l'était avant. Cela suppose un contrôle des coûts, une vérification scrupuleuse de la qualité de la prestation. Le problème est que l'armée ne peut pas se permettre de ne pas vérifier la bonne exécution des contrats qu' elle signe avec le secteur privé. Il lui faut donc monopoliser des hommes et des moyens pour vérifier cela, effectuer des enquêtes sur les prestations fournies... Les procédures de contrôles existaient aussi au sein des armées, avec les services administratifs et financiers, mais la procédure a maintenant une importance accrue, car

    20. Sur http://www.archive.official-documents.co.uk/document/mod/defence/c5tx4.htm on trouve les textes officiels définissant la réserve britannique. Visité le 10 octobre 2006.

    elle est garante du bon fonctionnement effectif de l'externalisation, ce qui est un des rôles du National Audit Office, ou du Her Majesty Treasury, le ministère des finances britannique.

    Le National Audit Office examine chaque année les comptes du gouvernement (plus de 650 milliards de livres) et publie des rapports (une cinquantaine à l'année) visant à améliorer la Value for Money. EN 2001, le NAO a permis l'épargne de 250 millions de livres et a proposé plus de 1200 changements aux procédures existantes. Pour aboutir à de tels résultats, le NAO se base sur trois critères, lesquels constituent la règle des 3 E : Economy (dépenser moins), Efficiency (dépenser mieux) et Effectiveness (dépenser sagement). C'est aussi le rôle du Defence Select Committee, que l'on pourrait comparer à la commission parlementaire de Défense en France, et qui publie des rapports concernant les finances, les dépenses et l' administration du MoD.

    Les deux organes se rejoignent dans leur volonté de rendre les contrôles du phénomène de privatisation et d' externalisation plus stricts, plus critiques, afin de les rendre plus efficaces.

    2. Volonté de changement et contraintes liées à la réglementation du secteur privé de la Défense.

    L'augmentation massive du nombre de SMP, la diversité des << conseillers >>, des << experts en sécurité >>, le nombre croissant de civils au service de la Défense, les statuts des personnels des forces armées (Army, Territorial Army, Sponsored Reserve, High Readiness Reserve...), font du secteur de la Défense un secteur sans cesse plus complexe. Le gouvernement britannique en a pris conscience, et a publié en 2002 un Green Paper (littéralement Livre Vert, l' équivalent de nos Livres Blancs de la Défense) à ce sujet : << Private Military Companies, Option for Regulation >>. 21

    a) Un point de départ : le Green Paper de 2002.

    21 . «Pivate Military Companies: Option for Regulation», House of Commons, 12 février 2002, Londres, Her Majesty Stationery Office. http://www.fco.gov.uk/Files/kfile/mercenaries,0.pdf, en date du 19 novembre 2006.

    L' origine de ce document est une requête faite par le Ministère des Affaires Etrangères à la Chambre des Communes suite aux actions menées par Sandline International en Sierra Leone et son implication dans la guerre civile en 1997 et 1998. Cet engagement, contractualisé entre la société et le président Tejan Kabbah, portait sur des activités de soutien mais aussi de combat. Comme le souligne l'avertissement du Green Paper, « Le contrôle de la violence est un des problèmes fondamentaux de la politique. (...) c'est donc un sujet que nous devons prendre avec sérieux. » Le Green Paper recommande en effet en premier lieu que le gouvernement britannique reconnaisse les SMP comme de nouveaux acteurs de la scène internationale.

    Jack Straw, alors ministre des Affaires Etrangères, rappelle les nouveaux problèmes et les nouvelles opportunités conséquentes à la fin de la Guerre Froide. Il ajoute à cela que le monde est en passe de demander de plus en plus l'aide des PMC, qui ne sont plus à considérer comme celles des années 1960. Il fait ensuite deux suggestions importantes. Selon lui, les PMC pourrait constituer une alternative viable aux forces nationales. Il rejoint en cela le point de vue de Koffi Annan, lors de la Lecture XXXV de la Ditchley Foundation, le 26 juin 1998:

    «When we had need of skilled soldiers to separate fighters from refugees in the Rwandan refugee camps in Goma, I even considered the possibility of engaging a private firm. But the world may not be ready to privatize peace.»22

    Il suggère ensuite que le gouvernement considère l' option d' accorder une licence à certaines SMP pour distinguer les SMP correctes du point de vue moral, du point de vue de la législation de celles qui le sont moins. Le défi que doit relever le gouvernement du Royaume-Uni est donc d'établir ce qui peut être mis en application dans ce domaine, et ce qui peut satisfaire les points clés de cette situation : défendre l'intérêt public, c'est à dire défendre l'intérêt du gouvernement et du peuple britannique, tout en permettant aux compagnies privées de continuer à exercer leurs activité légales.

    Christopher Kinsey, auteur de Regulation and Control of Private Military Companies : The Legislative Dimension,23 trouve huit principales raisons de réglementer les SMP. Il s'agit par des mesures fortes de réglementation de s'assurer que

    22 . Le discours entier du Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies est disponible sur le site suivant : http://www.ditchley.co.uk/page/173/lecture-xxxv.htm ,visité le 3 décembre 2006. 23. Christopher KINSLEY, Regulation and Control of Private Military Companies : The Legislative Dimension, Contemporary Security Policy, Vol. 26, N°1, avril 2005, pp. 84 - 102.

    les SMP n' ont pas d' impact sur la paix, la sécurité et le règlement des conflits ; que faire appel à elles n' est ni illé gal, ni illégitime, que cela ne contrevient pas aux droits de l'homme ; que le SMP ne sapent pas la politique du gouvernement ; qu'elles ne causent pas de dommages économiques à leurs clients ; qu'elles puissent être tenues responsables de leurs actions et de celles de leurs employés ; qu'elles soient le plus transparentes possible ; de les prémunir contre tout jugement illégal ; et enfin de garantir qu' elles ne fragilisent pas la souveraineté des Etats.

    Le Green Paper étudie donc six propositions de réglementation, qui vont de la plus restrictive à la moins contraignante pour l'activité des SMP. Nous avons donc dans l'ordre :

    · Une interdiction des activités militaires à l' étranger ; bien qu'une telle proposition soit des plus difficiles à mettre en pratique, elle poserait un problème dans la définition de l'activité militaire (pour toutes les activités de conseil et de soutien, pour les opérations humanitaires...). Selon les conclusions du rapport Diplock, une telle interdiction irait à l'encontre des libertés individuelles. De plus, les Etats faibles, mais légitimes, pourraient souffrir plus fortement que d' autres Etats les privent du soutien reçu par le biais des SMP.

    · Une interdiction du recrutement à l' étranger pour des activités militaires serait plus adaptée, car elle libérerait le gouvernement britannique de la difficulté de légiférer sur les activités militaires privées, mais lui permettrait d'intervenir quand ses intérêts sont menacés. Cependant, une telle option pourrait avoir un impact économique négatif sur l' industrie militaire privée depuis que les SMP ont tendance à sous traiter certains contrats. Le contrôle de ces interdictions pourrait s' avérer difficile si les SMP se réfugient à l' étranger et recrutent par Internet, et augmenterait le nombre de SMP réfugiées dans des paradis fiscaux à l'étranger.

    · Régime de Licence. Cette solution reçoit en apparence le soutien des SMP. Chaque société devrait obtenir une licence du gouvernement afin d' exercer ses activités ; le parlement aurait la responsabilité de décider quelles activités doivent être ou non autorisées, par le biais de la licence. Attribuer des licences poserait le problème des délais, ce que ne pourraient supporter certains clients, ni certaines SMP. La confidentialité de certains contrats, qui ne s'oppose pas à la transparence, pourrait souffrir de l'attribution de licences. Faut-il étaler au grand jour les contrats pour

    contrôler vraiment l'activité des SMP ? Le système de licence pourrait être conditionné à l' emploi de la force : une société fournissant des services sans usage de la force pourrait être dispensée de la demande de licence.

    · Enregistrement et Notification. Une base de donnée regroupant les noms des SMP agréées par le gouvernement serait constituée ; les entreprises n' auraient alors qu' à rendre compte des contrats qu' elles prétendent signer, ce qui serait plus souple. Cependant, ce système désavantagerait les SMP britanniques qui ne seraient plus en concurrence avec les SMP étrangères qui n'auraient pas de notification ni d'enregistrement à obtenir avant chaque contrat. Cette option serait soumise aux mêmes problèmes que les autres : mise en application, circonstances changeantes, confidentialité et discrétion, évasion par déménagement à l'étranger.

    · Licence Générale. Le gouvernement accorderait une licence d'ordre général à une SMP, quels que soient les contrats passés. C'est le cas aux Etats-Unis d'Amérique, ce qui améliore l'image de l'industrie en lui donnant une réputation de sérieux. Cependant, le gouvernement peut alors devenir caution de services dont il n'est pas au courant, ce qui peut nuire à ses intérêts. Le problème de cette solution réside dans le fait qu'elle risque de léser les SMP de petites tailles, peu connues, mais qui honorent cependant leurs contrats.

    · « Self-Regulation » : Une dernière option consisterait à introduire dans les SMP un code de bonne conduite, mais cette option s'oppose à de nombreux détracteurs : certains reprochent aux SMP de ne pas respecter les Droits de l'Homme, d'autres pensent que ce système est voué à l'échec car il n'y aurait pas de possibilité de sanctions à l' encontre des SMP contrevenantes à ces règles.

    A toutes ces propositions, dont aucune n'a été retenue par le gouvernement britannique depuis plus de quatre ans qu'elles ont été publiées, s'ajoute une autre solution, proposée par Kévin O'BRIEN 24 . Il s'agirait d'un système de licence en trois phases, afin de contrôler l'industrie des SMP depuis l'origine (la compagnie privée), jusqu'à la prestation réalisée. La première phase consiste à obtenir une licence pour la gamme d'activités réalisées par une SMP, la seconde consiste à obtenir une licence pour

    24 . Kévin O'BRIEN est l'auteur de nombreuses études sur le sujet, référencées dans la bibliographie de ce mémoire. Il est Senior Policy Analyst à RAND Europe, think-tank international dont la mission est d'améliorer la gouvernance étatique et mondiale et la prise de décision par la recherche et l'analyse.

    les moyens militaires de la SMP (matériels, armement, etc.) ; enfin, la troisième étape est la notification par la SMP de chaque contrat qu'elle passe, afin d'obtenir l'autorisation d'exercer son activité. Ce renforcement complet du régime de la licence rassurerait les Etats et le public, car le contrôle serait ici véritablement effectif ; il serait néanmoins la cause d'une bureaucratie importante, et rendrait les SMP moins concurrentes face aux sociétés étrangères non soumises à cette triple licence.

    La conclusion de ce Green Paper s'impose d'elle-même : rien n'est véritablement préconisé par les rédacteurs de ce rapport, et les solutions envisagées ne règlent pas tous les problèmes. Tenter de réprimer ou de réguler l' activité des SMP ne supprimera pas la demande dans le secteur. Les pays développés trouveront d'autres SMP, moins regardantes sur les valeurs des Droits de l'Homme, et la Grande-Bretagne en souffrira économiquement. La seule solution qui peut paraître intéressante est celle de O'Brien, car c' est la plus contraignante pour tous les acteurs et pour les activités du secteur qui sont alors prises en compte. En effet, s'il existe réellement une urgence dans la régulation des sociétés qui vendent de la sécurité militaire privée, il ne faut pas que cette réglementation soit précipitée. L'introduction d'un régime de régulation adéquat devrait avoir une influence positive sur la stabilité et la sécurité internationale. Cependant, un tel régime ne peut fonctionner que si les employés des SMP adhèrent sans réserve aux idées d'un comportement respectueux des Droits de l'Homme. Enfin, et plus que tout, un tel régime ne peut fonctionner que si un gouvernement le met en place, ce qui n' est touj ours pas le cas en Grande-Bretagne, et que si ce régime est partagé à l'échelle mondiale. Si cela n'est pas le cas, un Etat seul qui introduirait une législation stricte se pénaliserait lui-même, car il s' imposerait seul des limites dans cette activité. Son secteur privé de la sécurité en pâtirait, et le problème ne serait pas résolu.

    b) Quelles options en définitive ?

    Pourquoi rien n'a été fait depuis le Green Paper ? Sorti en 2002, avant la deuxième guerre en Irak, il annonçait des problèmes qui se sont effectivement révélés dans le Golf. Dans les faits, le Royaume-Uni est d'une certaine manière en guerre, ce qui ne lui laisse peut être pas beaucoup de temps pour s'occuper de mettre en place une organisation de contrôle des SMP, une pour le contrôle des contrats passés au titre du

    PFI, etc. Cependant, si la régulation, comme nous serions tentés de le croire, est un réel avantage pour le gouvernement, pour l'Etat, pourquoi tarde-t-il à répondre au phénomène des SMP ? Est-il possible de prendre le contre-pied de cette question et de dire que le gouvernement n'a pas, en réalité, la volonté de réguler les SMP ? En effet, tous les obstacles à la réglementation des sociétés privées constituent une gêne pour l'Etat : les délais engendrés par l' enregistrement ou l' octroi d' une licence, les coûts d'un organisme de contrôle, la transparence nécessaire, tout cela pourrait en fait ne pas être absolument du goût de l'Etat.

    Il s' agit donc, d' une part, de repenser le problème des SMP comme si elles n' étaient que des sociétés sous contrat avec le MoD, au titre de la PFI par exemple, et d'autre part de trouver une solution qui satisferait toutes les parties : gouvernement, SMP, etc.

    Considérer les SMP comme des entreprises tout à fait normales aurait des conséquences délicates du point de vue du droit et de la morale. Ce serait, nous l'avons dit, faire de l' usage de la force un marché, un bien, que l'on pourrait vendre ou acheter. Une fois de plus, privatiser la force, usage régalien par excellence, serait un progrès dans la manière qu' on les Etats de gérer leurs relations internationales, de protéger leurs intérêts, selon la tradition économique libérale. Mais certains pensent que privatiser l'usage de la force, même de manière limitée et encadrée, reviendrait à diminuer le pouvoir et la souveraineté étatique. Si l'on confie à une société le pouvoir d'agir par la force, même dans un but juste et honorable, comment ensuite réaffirmer le rôle de l'Etat ? Se pose ici le problème de la légalité de l' externalisation. S' il est évident que tout est légal dans l'externalisation, la sous-traitance et l'emploi par un gouvernement de « contactors » civils, le phénomène met en exergue les limites du droit sous sa forme actuelle, qu'il soit international, privé, ou de la guerre.

    Nous connaissons les textes en vigueur concernant les mercenaires, notamment la Convention Internationale contre le Recrutement, l'Utilisation, le Financement et l'Instruction des Mercenaires, adoptée par l'ONU le 4 décembre 1989 (Cf. Annexe IV). La définition d'un mercenaire qui nous est donnée par cette convention est très restrictive et énonce plusieurs critères cumulatifs qui sont très rarement satisfaits :

    «Le terme "mercenaire" s'entend de toute personne:

    a) Qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour combattre dans

    un conflit armé;

    b) Qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d'obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise, par une partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou payée à des combattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette partie;

    c) Qui n'est ni ressortissante d'une partie au conflit, ni résidente du territoire contrôlé par une partie au conflit;

    d) Qui n'est pas membre des forces armées d'une partie au conflit; et

    e) Qui n'a pas été envoyée par un Etat autre qu'une partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit Etat. » 25

    Dès lors, il devient très difficile de faire valoir cette déclaration, de l' appliquer et de sanctionner les contrevenants. Il est intéressant de noter que les employés de SMP peuvent facilement être considérés comme des mercenaires, si l' alinéa e) ne les excluait pas de la définition, bien que ce point soit très limite au regard de la loi : en effet, les employés civils d'entreprises ne font pas partie des forces armées, alors qu'il sont cependant mandatés par un Etat.

    Ainsi, au vu des difficultés que pose l' externalisation, et les contraintes liées à l' application d' une réglementation, il est permis de se demander si réglementer un tel secteur est véritablement un bon choix.

    A ce sujet, la Suisse a tenue une conférence internationale à Montreux fin novembre 2006, afin de réfléchir sur un cadre juridique international au sujet de l'activité des SMP. Directeur du droit international public au ministère suisse des Affaires Etrangères, Paul Seger nous explique que « le nombre de ces entreprises s'est multiplié dans le monde entier, au point de devenir un phénomène international. De plus en plus d'Etats recourent à ce genre de milices privées et d'entreprises de sécurité. C'est pourquoi nous pensons que c'est le moment de rappeler leurs obligations internationales aux Etats qui mandatent ce genre d'entreprises. Notre objectif est de

    25. Le texte intégral de la convention est disponible en français sur le site de la Croix-Rouge : http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/530?OpenDocument, visité le 19 septembre 2006.

    définir quelques normes juridiques communes au niveau international applicables dans ces situations. Nous voulons rappeler aux Etats qu'ils ont des obligations. Il est faux de dire que les entreprises privées de sécurité opèrent dans un désert juridique. Les réglementations internationales comptent de multiples règles en matière de droit humanitaire et de droits de l'homme. Il n'est pas question d'interdire ces sociétés, mais nous aimerions améliorer les pratiques en développant, sur la base des obligations existantes, des recommandations et des indications pour aider les Etats à assumer leurs responsabilités en matière de respect du droit international humanitaire et des droits humains. Le but n'est pas nécessairement une convention internationale parce que ce serait trop difficile. >> 26

    La Suisse semble avoir compris que l'activité des SMP ne peut être interdite, que l'enjeu n'est donc pas, contrairement aux premières propositions du Green Paper britannique de 2002, dans l'interdiction, mais bien dans la réglementation. L'aspect international de la réflexion semble effrayer la plupart des gouvernements, mais la présence du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) montre bien que les choses semblent évoluer dans leurs perceptions au niveau international.

    Cependant, face aux difficultés annoncées et rencontrées dans les faits, de nombreux gouvernements semblent penser de plus en plus que la mise en place d'une règlementation ne soit plus la meilleure des options.

    3. Réglementer, une bonne option ?

    Trois aspects du secteur de l'industrie militaire privée nous amènent à penser que réglementer un tel secteur n'est pas une chose facile. En effet, le secteur est, par essence, très instable ; de plus, il est possible de penser que la plupart des « contractors >> mènent une sorte de double-jeu avec leurs commanditaires ; enfin, la tâche apparaît comme véritablement trop ardue pour être menée à bien.

    26 . Interview de Paul Seger par le journal swissinfo, le 20 octobre 2006, disponible en ligne sur : http://194.6. 181. 127/fre/swissinfo.html?siteSect=105&sid=7 179458, visité le 29 novembre 2006.

    a) L'instabilité du secteur.

    L'instabilité du secteur de la sécurité privée impose d'être très prudent. Nous avons vu que bien des choses peuvent changer, surtout pendant les 25 ou 30 années que durent la majorité des contrats. Les doctrines peuvent changer, les alliés ou les ennemis aussi, le matériel évolue... Autant de raisons de rester prudent. Nous pouvons voir trois causes majeures d' instabilité dans ce domaine : l' instabilité du mécanisme de la privatisation comme de l' externalisation, l' instabilité des acteurs, et enfin l'instabilité des services fournis.

    Les arguments avancés en faveur de l'externalisation ne sont pas toujours recevables ; ce qui est le cas, à notre avis, pour la gestion des risques, partie majeure du mécanisme de privatisation par le biais du PFI. La PFI aurait l'avantage de permettre une meilleure gestion des risques, notamment financiers, par leur transfert de l'organisme commanditaire (ici, le MoD) à l'entreprise privée (« contractor »). S'il est évident que l'Etat ne supporte plus ce risque, cela ne signifie en aucune manière qu'il cesse d' exister. Les risques existent toujours, l'Etat les fait peser sur l' entreprise avec laquelle il passe contrat, mais si le risque se réalise, l' entreprise ne pourra le supporter comme l' Etat. Selon le RUSI, la PFI pourrait être une meilleure manière de gérer le risque financier. Quand les capitaux d'un projet sont privés, le risque est calculé plus sérieusement, et la relation entre le coût du projet et les risques liés est des plus stimulantes pour la société privée. L'entreprise tend alors naturellement à diminuer ses risques, ce que ne fait pas nécessairement un ministère.27 Cependant, si l' argument est valable tant que le risque ne se manifeste pas, dès lors que ce dernier se réalise, le mécanisme s'inverse : la société privée, ne pouvant assurer le risque financier, se voit contrainte de modifier son contrat en cours d' action. Dans le meilleur des cas, la société augmente le coût de sa prestation, ce qui fait que le risque se retrouve de nouveau transféré vers le commanditaire. Dans le pire des cas, la firme privée ne peut assumer ce risque et doit fermer ; l' Etat assume alors totalement les risques : il supporte à lui seul d'honorer un contrat qui ne lui apporte rien, et doit réinvestir dans le privé pour satisfaire sa demande. S'il le souhaite, il peut toujours reprendre à son compte la

    27. C'est la position du Royal United Services Institute (RUSI), que l'on trouve dans The Whitehall Paper, The Innovative Use of PFI in Defence Acquisition, 7 janvier 2005, Londres.

    prestation, comme avant, mais il ne dispose déjà plus du savoir faire et de la main d'oeuvre compétente. L' Etat est donc doublement perdant : ni lui, ni le secteur privé ne peuvent assurer une fonction dont il a besoin.

    Une autre cause d'instabilité se trouve dans la mutation des acteurs : nous avons déjà abordé le problème de la multiplicité des acteurs, mais il nous apparaît nécessaire d' y voir une des principales raisons de l' instabilité de ce secteur. Les commanditaires possibles dans un processus de privatisation sont nombreux : ce peut être un Etat, comme c'est le cas déjà pour les Etats-Unis d'Amérique ou la Grande-Bretagne, ce peut être une communauté d'Etats comme l'ONU, ou une autre plus restreinte comme l'OTAN ou l'Union Européenne. A ce sujet, il serait intéressant de voir dans quelle mesure une opération de maintien de la paix pourrait être confiée à une SMP ou à une entreprise privée. C'est d'ailleurs ce qu'a réclamé Doug Brooks, dans un entretien donné au Washington Post, le 2 juin 2003 28, en se fondant sur l'inefficacité des missions de l' Union Européenne en Afrique. Selon lui, les opérations de maintien de la paix pourraient être menées de meilleure façon et à moindre coût par des SMP. Le débat pourrait s'élargir encore un peu plus si l'Union décidait d'étudier la possibiité d'envoyer des troupes privées dans le cadre de la PESD et de la PESC.

    Un autre facteur d'instabilité provient des mutations des services fournis. Nous avons vu que l'éventail des prestations est le même que l'éventail des prestations d'une armée nationale. Cependant, si les missions, les doctrines, les matériels des forces armées évoluent, il en va de même pour les prestations fournies par le secteur privé. Ainsi donc, toute évolution dans le secteur de la Défense a une répercussion immédiate sur la privatisation. Cela complique encore plus le phénomène et rend vaine toute tentative de figer ces activités par une réglementation. Cela signifie en d' autres termes que la réglementation mise en place pour contrôler ce secteur doit être aussi souple que le secteur lui-même, afin de correspondre au plus juste aux prestations fournies. La mutation de ce secteur est peut être trop rapide pour permettre une quelconque réglementation.

    28 . http://www.sandline.com/hotlinks/beleaguered peacekeepers.html, le 12 octobre 2006.

    b) Le double jeu des acteurs

    La question de savoir qui perd ou qui gagne dans des relations économiques comme celles qu'engendrent le PPP et la PFI pose naturellement le problème de savoir si les deux parties sont bien honnêtes dans leurs comportements. Nous étudierons d'abord la question du point de vue du secteur privé, puis du côté des commanditaires.

    Il ne s'agit pas de faire le procès de l'une ou l'autre des parties, mais la simple raison nous autorise à penser que dans l' intérêt des entreprises privées, il est certes nécessaire de satisfaire le client, mais il faut aussi tirer profit de ces contrats. Ainsi, il est légitime de croire que les sociétés privées ne mettent pas tout leur potentiel dans les prestations demandées, qu'elles se réservent de manière à bénéficier de profits plus grands encore. Milton Friedman, économiste américain, évoque pour nous ce qui gêne dans ces relations entre société capitalistes et Etats : << la responsabilité sociale de l'entreprise est d'accroître son bénéfice. >> Dès lors, comment ne pas se demander si les entreprises n' ont pas intérêt à remplir leurs contrats, mais aussi à rester toujours en deçà d'une limite qui leur permet de tirer un maximum de profit lors d'un contrat. En clair, le raisonnement est le suivant : les entreprises n' ont aucun intérêt à tout donner, à tout mettre en oeuvre pour réaliser leurs missions, ce qui est exactement l'inverse de ce que font les armées nationales.

    La difficulté de contrôler de manière efficace les contrats au titre de la PFI rend cette possibilité de double-jeu plus forte. Les SMP ont tout avantage à remplir leurs missions pour voir leurs contrats reconduits et augmentés. Cependant, si elles investis sent trop dans telle ou telle opération, elles ne peuvent assurer les suivantes. L'intérêt des entreprises n'est pas satisfait dans ce cas. En clair, l'Etat se défait d'une fonction qu'il confie à une entreprise qui ne se donnera pas totalement pour l' assurer. Il y alors probablement une perte : en qualité, en quantité, dans l'esprit de la mission... Cette perte est faible, car le << contractor >> ne doit pas se la faire reprocher, et l' Etat cherche toujours à savoir si les prestations sont bien réalisées, s' il n' est pas perdant.

    Le revers de ce problème se trouve dans la collusion des intérêts des gouvernements et des gouvernants. Lorsque nous parlons des Etats, nous avons trop tendance à considérer l'Etat comme une personne morale, en oubliant peut être que

    l'Etat n'est rien de plus que la somme des hommes détenant le pouvoir. Afin d'apporter un nouvel éclairage à ce phénomène, nous tenons à présenter ici un exemple polémique. Les décisions de l'Etat sont les décisions de ce certains hommes. Et parfois les décisions, les attitudes de certains surprennent. Nous n'affirmons pas que tel est toujours le cas, mais il est des choses surprenantes que nous avons vues lors de nos recherches : M. Dick Cheney, vice-président des Etats-Unis d'Amérique depuis 2001, était pendant les cinq années précédentes le Chief Executive Officer de Halliburton Corporation qui possède Kellogg Brown & Root, laquelle SMP a remporté en 2001 le contrat américain portant sur le LogCap (LOGistic Civil Augmentation Program, c'est à dire la gestion de toute la chaîne logistique en opérations extérieures), faisant d' elle le premier contractant des opérations de paix du Department of Defence américain 29 . Un tel exemple, bien que non généralisé, devrait attirer notre attention sur les précautions à prendre dans les processus d' externalisations, sur la nécessité de mettre en place des organes de contrôles. Le 13 avril 2004, sir Malcolm Rifkind est nommé «non executive chairman» de Armor Group (l'équivalent du poste de directeur de conseil de surveillance, ou président d' une entreprise ; ce poste a surtout une vocation de conseil et d' administration, et n' est pas exécutif.) ; cette entreprise de sécurité privée réalise 60% de son chiffre d'affaire en Irak, et emploie plus de 5000 personnes dans plus de 50 pays. Il est intéressant de voir que sir Rifkind a été précédemment Ministre de la Défense et Ministre des Affaires Etrangères sous le gouvernement de John Major, avant de démissionner pour prendre ses fonctions chez Armor Group, et se pose maintenant en faveur du retrait des troupes britanniques en Irak.

    Dernier point intéressant au sujet du double-jeu des acteurs de la privatisation et de l'externalisation des fonctions militaires, dans un document de la cellule en charge du PFI au MoD, la MoD Private Finance Unit, nous pouvons découvrir ce diagramme, intitulé « PFI Performance ». Nous trouvons assez intéressant de noter que selon le MoD lui-même, tous les contrats signés au titre du PFI s'avèrent être globalement avoir des effets positifs, et que les différentes rubriques n' incluent pas de possibiité négatives dans ce diagramme.

    29 . In Sami MAKKI, Militarisation de l'Humanitaire, Privatisation du Militaire, Cahier d'Etudes Stratégiques 36 - 37, juin 2004, p. 73.

    Ainsi donc, si la critique du secteur privée est la plus aisée, il s'agit de relativiser et de voir que les deux parties peuvent tomber dans des travers qui leurs sont préjudiciables. Les gouvernements comme les sociétés privées cherchent à gagner sur tous les plans, ce qui n' était pas le cas lorsque les fonctions de Défenses étaient assurées entièrement au sein d' une même voie hiérarchique : gouvernement, Ministère de la Défense, Etatmajor, Armée. Dans ce cas de figure, l'intérêt commun primait sur l' intérêt particulier. En revanche, dans le mécanisme actuel, les intérêts parfois divergent, et il est difficile pour tous les acteurs de rester conscients de leurs devoirs et de faire preuve de renoncement à leurs intérêts personnels.

    c) Une tâche trop ardue ?

    Mettre en place une réglementation efficace du secteur privé des affaires militaires apparaît comme une véritable gageure. Tous les arguments vus ci-dessus nous amènent à penser que mettre en place une réglementation internationale, applicable et appliquée, est proprement impossible. Il ne s' agit pas ici de se montrer pessimiste ou défaitiste, mais les grands responsables de l' ordre international sont aussi les premiers fournisseurs et acheteurs de services de sécurité privée. Les Etats-Unis d'Amérique et la Grande-Bretagne, tous deux ayant un siège au Conseil de Sécurité de l' ONU en tant que membre permanent, fournissent à eux seuls plus de 80 % de la demande et de l'offre de ce marché. La Chine et la Russie ne devraient pas tarder à suivre ce chemin, le temps pour elles de s'adapter à ces nouvelles règles du jeu. Seule la France fait bande à part, par son refus catégorique de se lancer dans cette course. Cependant, si la privatisation

    prend un aspect de plus en plus humanitaire, par les missions des SMP, il est très probable que la France se mette à l'heure des américains et des britanniques.

    Un autre point intéressant quand à la difficulté de mettre en place une réglementation est le suivant : << Un État peut être responsable des violations du droit international humanitaire commises par une entreprise miitaire et de sécurité privée qu' il a habilité à exercer une partie de l' autorité gouvernementale, ou qui agit de facto selon ses instructions ou sous son contrôle direct >> explique Mme Emanuela-Chiara Gillard. << De plus, même si l' entreprise privée n' agit pas en tant que représentante de l'État, celui-ci a le devoir d'assurer le respect du droit international humanitaire et d'user de la << diligence voulue >>, en faisant le nécessaire pour prévenir et réprimer les violations commises par des personnes ou des entités qui opèrent sur son territoire ou à partir de celui-ci. >> Mme Gillard est conseillère juridique au département du Droit du CICR, et en s'exprimant ainsi pointe du doigt le problème manifeste d'une réglementation : comment croire que les Etats vont se mettre d'accord pour se condamner eux-mêmes ? En effet, selon Mme Gillard, la responsabilité d'une SMP se trouve chez son commanditaire, chez le donneur d' ordre. Et c' est bien là l' intérêt de certains Etats : faire faire par le biais de SMP un travail que l'on peut qualifier de sale, à la place de ses propres forces armées. Dans le scandale d'Abou Ghraib, des SMP étaient impliquées, comme AEGIS, mais leurs membres n'ont pas été jugés contrairement aux membres des forces armées américaines. Peut-on penser que les Etats vont accepter de renoncer à cette opportunité pour eux de se détacher des aspects obscurs de la guerre si facilement ? Les SMP leurs permettent de réaliser certaines choses de manière plus discrète, et les liens entre une SMP et le gouvernement d'un Etat sont moins évidents que les liens entre cet Etat et ses forces armées. Ainsi donc, l'intérêt des Etats ne réside pas nécessairement dans une réglementation trop stricte des activités des SMP, et encore moins dans un transfert de la responsabiité pénale de la SMP vers son employeur.

    Mettre en place une réglementation signifierait que certaines étapes doivent être respectées avant d'aboutir à un projet valable. Il faut tout d'abord que tous les Etats acceptent de se concerter sur le sujet, car tout prouve que le phénomène est mondial, et qu' aucun Etat ne peut être seul concerné par le sujet. Ensuite, il s' agit d' entamer une réflexion sur le point de vue juridique. << Si la responsabilité civile des entreprises militaires et de sécurité privées est généralement acceptée, leur responsabilité pénale est

    bien plus limitée dans la plupart des pays. La responsabilité des sociétés commerciales qui les engagent, telles que les compagnies pétrolières ou minières, peut aussi être aussi difficile à établir, spécialement dans les procédures pénales >>. Et Mme Gillard d' ajouter : << Il est parfois difficile d' intenter une action en justice contre des entreprises militaires et de sécurité privées pour des raisons pratiques. Elles peuvent avoir obtenu l'immunité de poursuite judiciaire auprès des tribunaux des pays où elles mènent leurs activités ; et il est possible que ces tribunaux locaux ne fonctionnent même pas, du fait du conflit armé. Une complication supplémentaire est qu'il peut être difficile d' intenter un procès devant les tribunaux des Etats où les entreprises sont constituées, car les violations présumées peuvent avoir été commises dans d'autres pays ; la plupart des tribunaux n'ont qu'une compétence extraterritoriale limitée. De même, continue Mme Gillard, bien que sur le plan juridique les employés de ces entreprises soient personnellement responsables des violations du droit international humanitaire, dans la pratique il peut être difficile de trouver un tribunal pénal national ayant compétence extraterritoriale pour connaître du crime allégué et la volonté politique d'exercer cette compétence. >> Le << désert juridique >> dont parle M. Paul Seger est bien présent, et véritablement au coeur du débat. Tant que ce point n'aura pas été résolu, rien ne pourra être fait. Ensuite, la tâche sera délicate car il s' agira de faire accepter par tous les Etats une définition et un statut juridique clair pour les SMP et leurs membres. Responsabiité, crime et délit, sanctions pénales, tout doit être abordé, et faire l'objet d'un consensus international. Dernière étape, la mise en place d'un organisme de contrôle et d'application des peines éventuellement décidées. Et donc nouveaux problèmes : comment accorder une compétence internationale à un tribunal national ? Peut-on envisager de créer une cour de justice spéciale pour les membres des SMP ? Faut-il juger ceux que l'on qualifie de << nouveaux mercenaires >> dans leurs pays d' origine, ou dans le pays où ils ont commis des crimes et délits ? Ici encore le débat n' est pas prêt de se terminer, et les questions qu' il soulève sont nombreuses.

    En résumé, les difficultés de l'externalisation comme de la privatisation sont parfaitement mises à jour par le problème de la rentabiité, par les changements que cela implique dans le domaine de l' intangible, et par les différences que cela entraîne dans les opérations en temps de paix et en temps de guerre. Cependant, la volonté de

    changement de la part d'un certain nombre d'Etats comme la Grande-Bretagne ou la Suisse montrent bien que les problèmes sont traités avec sérieux, mais la contrepartie de ceci se trouve dans les nouvelles difficultés qui surgissent : le Green Paper de 2002 s' avère être trop délicat pour être suivi d' effets. Enfin, toutes ces questions nous laissent penser que réglementer ce secteur des activités militaires privatisées n'est peut être pas la meilleure option, au regard de l'instabilité du secteur, du double-jeu des acteurs et de l'ardeur de la tâche.

    C. Pourquoi privatiser les fonctions régaliennes de Sécurité et de Défense ?

    Nos deux précédentes parties nous ont permis de voir que la Grande-Bretagne présente une situation particulièrement favorable pour l'externalisation des fonctions de Défense et de sécurité, mais aussi que les réponses qu'elle propose pour encadrer ce phénomène ne paraissent pas être satisfaisantes. Dans cette dernière partie, nous traiterons sur un plan plus large de ce phénomène, que nous pouvons interpréter comme une privatisation des fonctions régaliennes de l'usage de la force. Ce renoncement à une fonction essentielle de l'Etat n'est-il dû qu'à la quête objective d'une meilleure efficacité, ou relève-t-il plus de la démission de l'Etat ?

    Nous aborderons dans cette partie trois principales questions : il s'agira de voir dans quelle mesure la Grande-Bretagne modifie le débat de la privatisation de la sécurité ; puis de faire le point sur les réflexions que mènent les parties participants à ce phénomène ; et enfin de replacer le débat dans un cadre plus général, celui d'une nouvelle conception de l'Etat.

    Etudions en premier lieu l'essai britannique, en nous demandant dans quelle mesure la position anglaise quand au phénomène d'externalisation et de privatisation s' avère être positive, et si elle peut être un modèle pour l'Europe.

    1. La réponse britannique à la Privatisation de la Défense et de la sécurité.

    a) Une réponse locale à un phénomène global.

    Lorsque le gouvernement de Grande-Bretagne a publié le Green Paper en 2002, ce dernier fut bien accueilli par l' ensemble des acteurs concernés par l'externalisation et la privatisation. De nombreux Etats se sont penchés sur ce rapport afin de s'inspirer de la position anglaise pour définir les leurs, et la majorité des acteurs (simples « contractors » ou SMP) y ont vu un avertissement quand au futur de leur secteur. Des leçons ont étés tirées de ce document, ce qui a conduit bon nombre de SMP à prendre des décisions au sujet de leurs comportements : nombre d' entre elles ont adopté des

    chartes de bonne conduite, des codes d'honneur, dont nous présentons un exemple en annexe à ce mémoire. (cf. Annexe III).

    Le véritable problème au Royaume-Uni à l'heure actuelle est que rien n'a été fait, aucune décision significative n'a été prise, aucune orientation n'a été donnée par une autorité politique (Ministère de la Défense, cabinet du Premier Ministre, etc.) depuis 2002. La situation évolue comme avant le Green Paper, les contrats avec le MoD continuent à être signés chaque année, et le phénomène prend une ampleur qui inquiète certains, des analystes économiques aux militaires, en passant par les Défenseurs des Droits de l'Homme et les hommes de lois.

    Dans un article publié par l'Express le 31 octobre 2006, Eric Lecluyse rapporte que War on Want, une association internationale britannique qui se bat contre la pauvreté dans le monde, dénonce le manque d'action de la part du gouvernement de la Grande-Bretagne.

    D'après l'article, << Les SMP se sont accrues de manière "exponentielle" après l'invasion de l'Irak en 2003. Mais il est difficile, selon War on Want, d'obtenir qu'elles rendent des comptes sur le comportement de leurs employés dont certains ont été impliqués dans le scandale des tortures infligées aux prisonniers à la prison irakienne d'Abou Ghraib. L'association demande au gouvernement britannique d'interdire à ces sociétés de prendre directement part aux combats ou même d'agir comme force de soutien. Malgré la publication en 2002 d'un livre blanc [le Green Paper] du ministère des Affaires étrangères sur le thème, aucune mesure n'a été prise à leur encontre. "Dans un environnement de conflit comme l'Irak, la distinction entre combat et soutien au combat n'a plus de sens", considère War on Want dans son rapport. "Il n'y a souvent aucune différence perceptible entre soldats réguliers et forces de soutien privées engagées pour protéger les convois ou les matériels. Le risque d'abus des droits de l'homme dans de telles situations est toujours présent et il est presque impossible d'obtenir des employés des SMP qu'ils rendent des comptes".»

    L'article continue avec des chiffres alarmants : << War on Want estime que les SMP britanniques se sont considérablement enrichies avec ce conflit. Elles ont tiré de leurs contrats irakiens plus de 1,8 milliards de livres en 2004 (2,68 milliards d'euros), contre 320 millions de livres (477 millions d'euros) en 2003. "Le gouvernement n'a pas su

    légiférer [contre les mercenaires britanniques] pour punir leurs atteintes aux Droits de l'Homme, dont l'usage d'armes à feu contre des civils irakiens", a déclaré John Hilary, directeur de la campagne de War on Want. "Comment M. Tony Blair peut-il espérer ramener la paix et la sécurité en Irak tout en permettant à des armées de mercenaires d'opérer complètement en dehors de la loi?" a-t-il ajouté.

    Selon des chiffres fournis par le Congrès américain, environ 48 000 employés de SMP sont actuellement en Irak, la plupart travailant pour des compagnies britanniques. Ce chiffre représente presque sept fois le nombre des soldats britanniques (7000) présents dans le pays. >>30

    Sur le site Internet de War on Want 31 , on trouve le rapport de l'association intitulé << The Threat of Private Military & Security Companies >> et publié le lundi 30 octobre 2006 à l'intention du gouvernement de M. Tony Blair. Si le titre du rapport nous indique clairement l'état d'esprit de l'association, il n'en reste pas moins vrai que les données publiées sont exactes, et que la demande exprimée (une réglementation rapide) est un sentiment que beaucoup expriment.

    << Plus de quatre années se sont écoulées depuis que le gouvernement a publié le Green Paper mettant en relief le défi que posent les SMP, et il n'y a toujours pas eu de progrès dans la réglementation de leurs activités. Les mercenaires ne doivent en aucun cas constituer une menace pour la paix et la sécurité de par le monde, sous le prétexte qu' elles exercent une activité lucrative. Il n' y a aucune loi réglementant leurs activités au Royaume-Uni, et le gouvernement britannique a montré qu'il était particulièrement au courant des problèmes que soulèvent les SMP lorsqu' il a publié son Green Paper, lequel exprime une position en faveur d'un système de réglementation par l'octroi de licences, à l'image de ce qui se fait déjà pour l'export et le commerce de l'armement. Mais le Green Paper a été publié avant la guerre en Irak. Depuis lors, l' industrie des SMP et de la sécurité privée a connue une forte augmentation, tandis que les exactions qui sont en rapport avec ce phénomène se sont multipliées. La réglementation de ces activités fait défaut depuis trop longtemps. War on Want a la ferme conviction que le

    30 . La Privatisation de La Guerre en Question, Eric Lecluyse, L'Express du 31 octobre 2006. Disponible sur : http://www.lexpress.fr/info/quotidien/actu.asp?id=6837, visité le3 1 octobre 2006

    31. http://www.waronwant.org , et sur le sujet, voir le document disponible sur le lien suivant : http://www.waronwant.org/Corporate+Mercenaries+13275.twl, visité le 28 novembre 2006.

    gouvernement britannique doit faire de l'avancée de cette réglementation une de ses priorités. La législation à venir doit rendre ilé gale toute forme de participation directe à des activités de combat, et de soutien opérationnel, entendues dans leur sens le plus large possible. Une auto réglementation de ce secteur n'est pas une option à envisager. »

    Ainsi donc, les associations considèrent que rien n'a été fait, ce qu'elles trouvent inquiétant. Cependant, la position du gouvernement britannique n'est pas la plus évidente : elle doit concilier des intérêts économiques, des obligations éthiques et morales, des obligations de résultat sur le terrain (en Irak et en Afghanistan), des contraintes budgétaires... A ses yeux, les SMP et l' externalisation sont les meilleures options possibles, et réglementer ce secteur ne serait pas nécessairement une bonne option. En conclusion de son rapport, War on Want présente ses recommandations, au nombre de cinq :

    1. Le gouvernement britannique doit avancer vers une législation, et en faire une de ses priorités. Une auto réglementation n 'est pas une option. Ce qui signifie que selon War on Want, les SMP ne sont pas dignes de confiance, du point de vue de leur capacité à travailler en transparence et à se réglementer elles-mêmes. Cela montre la mauvaise image qu'elles offrent encore à la face du monde. Cependant, comme nous pouvons le constater, beaucoup de SMP ont entamé des réflexions au sujet de l'éthique de leurs activités et de leurs comportements.

    2. La législation à venir doit rendre illégale toute forme de participation directe à des activités de combat et de soutien opérationnel, entendues dans leur sens le plus large possible. La remarque faite ici nous ramène au problème de définition des activités des SMP: faut-il considérer la logistique ou l' entraînement comme du «support combat»? Le débat ici semble assez stérile, peut être faut-il rappeler que la Convention de Genève définit un combattant par le fait qu'il porte une arme ? Si donc on interdisait le port d'armes aux SMP, elles ne seraient plus dès lors considérées comme parties prenantes au combat. Mais rappelons que ce phénomène est mondial, et que pour l'exemple, les armes sont en vente libre aux Etats-Unis d'Amérique. La raison d'être des SMP est cependant bien de fournir des services d'ordre militaire. War on Want ne se montre-t-elle pas un peu trop idéaliste et rêveuse quand à ses exigences ? De plus, en

    imaginant que War on Want voit cette demande se réaliser, et que le port d'armes ne soit plus autorisé aux membres des SMP, cela signifierait-il pour autant la fin de leurs activités et des dommages qu' elles peuvent occasionner ? En effet, un technicien d'une SMP qui fournit des services de gestion de satellites, ou qui ravitaille des avions de combat pour un gouvernement, ne fournit-il pas toujours un service militaire, en lien direct avec la perte de vies humaines ? Le satellite permet de savoir quel endroit bombarder, le ravitaillement des avions permet des frappes aériennes. Ott donc est cette limite entre les activités de combat et les activités de soutien sans implications ni conséquences dans la guerre ?

    3. Toutes les autres SMP doivent être soumises à l'obtention d'une licence individuelle, et faire l 'objet d'enquêtes parlementaires et être validées par des scrutins publics. De plus, il devrait y avoir un registre public des SMP dans le but de pouvoir éliminer les sociétés possédant de mauvais antécédents. Les arguments du Green Paper sont repris ici par War on Want, qui renforce cependant l'aspect de contrôle des SMP et de leurs activités par le Parlement. Il est intéressant de noter que War on Want fait tout de même une distinction parmi les SMP : certaines ont de mauvais antécédents, ce qui signifie qu' il en existe quand même de correctes, effectuant leur travail sans se mettre hors la loi, ou commettre des infractions au droit international.

    4. De stricts contrôles devraient être mis en place sur les «revolving doors» afin de s'assurer que les anciens membres du gouvernement ou officiels ne puissent pas faire de lobbying en faveur des SMP. War on Want fait ici référence à ce dont nous avons déjà parlé, c'est à dire la communauté d'intérêts qu'il peut y avoir entre un gouvernant et les SMP. De la même manière que Dick Cheney entretient des rapports particuliers avec les SMP aux Etats-Unis, le phénomène existe aussi en Grande-Bretagne. Le fait que Sir Malcolm Rifkind, membre du parlement, ancien Ministre de la Défense et aussi des Affaires Etrangères, soit maintenant président d'ArmorGroup illustre bien cette remarque au sujet de la « revolving door ». ArmorGroup est probablement la plus grande SMP du Royaume-Uni ; elle a fourni des services de protection à des entreprise d'extraction de matières premières depuis sa création en 1981 sous le nom de Defence Systems Limited (DSL). En 2004, Armor Group s'est

    enregistrée comme société anonyme à responsabilité limitée, et est actuellement la seule SMP britannique cotée à la Bourse de Londres. Son chiffre d'affaires est passé de 71 millions de dollars en 2001 à 233,2 millions en 2005. The British Foreign Office et le Department for International Development (DFID) ont choisi ArmorGroup pour des contrats de sécurité à Kaboul (mars 2005), Bagdad (juin 2005) et Bassora (juin 2005), ainsi que pour le contrôle et l'entraînement de la police à Bassora. ArmorGroup a récemment soutenu la création de l'association britannique des SMP (BAPSC), l' association britannique des entreprises du secteur privé de la sécurité, et de ceux qui les soutiennent. Une fois de plus, ces rapports si particuliers entre des membres de gouvernements et des SMP montrent bien toute la complexité du phénomène de privatisation, ainsi que les enjeux immenses qui y sont liés.

    5. Tout gouvernement qui externalise un service à une SMP doit rester pleinement responsable du comportement de cette SMP. Les charges retenues contre des membres de SMP doivent être traitées de la même manière que sont traitées celles retenues contre des membres des forces armées régulières. La dernière recommandations de War on Want concerne les possibles dérives comportementales liées à l'emploi de SMP dans ce secteur. Les trop nombreux scandales impliquant des troupes régulières de pays occidentaux (Etats-Unis d'Amérique, Grande-Bretagne, Allemagne...) comme l'affaire de la prison d'Abou Ghraib fait craindre que ce comportement , qui est aussi celui de certains membres de SMP, ne soit pas considéré de la même manière. Si nos recherches ne nous ont pas permis de trouver jusqu'à quel point les compagnies privées sont concernées, excepté pour l'affaire de la prison d'Abou Ghraib et la société AEGIS, les inquiétudes restent grandes. En effet, les SMP, tout en disposant d'une hiérarchie comme les forces armées, sont moins sujettes à rendre compte de ce qui peut se passer lors de leurs missions, ni quels sont les moyens qu' elles ont pris pour réaliser leurs missions. On ne sait pas jusqu' à quel point elles ont recours à la torture, ou à des traitements humiliants, dégradant la condition humaine, envers les populations locales.

    Ainsi donc, la parution de ce rapport de War on Want montre bien la limite de l' action britannique dans la réglementation du secteur des SMP. Les cinq remarques que

    l'association fait en guise de conclusion, même sans apporter d'éléments véritablement neufs, nous permettent d'affirmer que l'essai anglais, s'il n'est pas renforcé par une mise en application efficace et totale, est voué à l'échec. Toutefois, il nous apparaît important de souligner le fait que War on Want semble négliger un aspect fondamental du problème. Si toutes les recommandations de cette association sont suivies et entrent en application, le problème ne cessera pas pour autant d' exister, il se déplacera tout simplement. Le problème est tellement vaste, qu'un Etat seul décidant d'agir ne peut en venir à bout. Seule une action commune, internationale, peut obtenir les résultats escomptés. Nous pouvons dès lors nous poser la question de savoir si cette réflexion de la Grande-Bretagne peut constituer un modèle pour l' Union Européenne.

    b) Un modèle exportable ?

    La tentative britannique prend une autre dimension si on la place dans la perspective européenne. En effet, si la position de la Grande-Bretagne montre bien qu'elle partage le point de vue américain sur l'externalisation et la privatisation, elle montre aussi qu' elle n' oublie pas le rôle qu' elle veut jouer à l' échelle européenne.

    Deux points attirent notre attention sur l'impossibilité pour le Royaume-Uni d'être un modèle pour l' Union Européenne : l' inefficacité de sa démarche, et les cultures particulières des pays européens.

    Si le modèle britannique n'est pas recevable aux yeux de pays européens comme la France ou l'Allemagne, c'est en raison du fait que le système semble apporter plus de problèmes que de solutions. L' apparente anarchie du secteur effraie certains Etats, et les difficultés rencontrées par les britanniques ne semblent pas contribuer à donner une image positive de ce changement dans la conception de la Défense et de la sécurité.

    Le rapport d'information de M. Michel Dasseux, déposé en février 2002 à la présidence de l' Assemblée Nationale, montre bien la position de la France. Cette position n' est pas celle du gouvernement, ni celle de militaires, mais bien celle de l'Assemblée. Cependant, la commission a entendu de nombreux témoins, tant militaires que civils, et a pu par là même se faire l'écho de sentiments partagés. L'idée générale de ce rapport est que « en accord avec le rapport du Comité économique de Défense, votre rapporteur [ Michel Dasseux ] considère que les expériences américaine, britannique et allemande

    démontrent que l'externalisation ne peut être réalisée dans la perspective d'économies à court terme. Si l'externalisation est supposée déboucher sur des économies budgétaires à long terme, les gains paraissent plutôt faibles et, en tout état de cause, très difficiles à évaluer. >> Au delà de cette simple constatation d'ordre économique, M. Michel Dasseux estime que « déjà lourde de conséquences en raison des pertes de savoir-faire qu'elle entraîne, des enjeux financiers et de la durée des engagements contractuels, l'externalisation se heurte à des limites inhérentes aux armées de projection que l'utilisation de réservistes [ ou de personnels civils ] ne permet pas de dépasser. >>

    Il s'agit donc de traiter d'une part le problème de l'externalisation, et d'autre part de créer un système permettant de contrôler le phénomène, de s' assurer qu' il ne nuise pas au bon fonctionnement des armées et à la qualité des services qu'elles produisent. La conception britannique de cette situation et la position française face à cela montrent que chaque pays possède sa propre culture de Défense, de sécurité, et que l' externalisation dans son ensemble est traitée différemment en fonction des pays, ce que nous avons vu avec les exemples britanniques, allemands et français.

    L'efficacité de l'externalisation dépend donc du dépassements des problèmes intrinsèques au phénomène (surcoût, cadre légal, principe de qualité, augmentation des charges de contrôle, gestion et administration, etc.), ainsi que de la culture du pays mettant en place une telle pratique. Ce qui fonctionne aux Etats-Unis d'Amérique ne fonctionne pas de la même manière en Grande-Bretagne, et l'exemple britannique ne convient pas à l'Allemagne, et ainsi de suite. Il est donc possible de voir ici une nouvelle limite à ce phénomène : chaque pays possédant une vision différente, des attentes différentes, il est illusoire de penser à unifier le problème, à faire de l'externalisation un mécanisme commun aux armées occidentales. Au même titre que les armées sont dans l' OTAN ou dans l' Union Européenne, que les pays font partie de la PESD ou de la PESC, les implications nationales varient selon les quantités, les qualités, les objectifs.

    Il n'est pas possible, selon nous, de concevoir un système unique. Chaque Etat fera de l'externalisation ce qu'il souhaite : axe d'effort comme les britanniques, à la limite du dogme (la PFI est fortement recommandée, peut être trop ?), ou source d'inspiration comme l'Allemagne. Il serait en revanche intéressant de mettre en place un organisme de contrôle au niveau supérieur. En effet, chaque Etat, concerné un tant soit peu par

    l' externalisation et la privatisation de la sécurité, dispose d' organes de contrôle qui vérifient les processus et les prestations du secteur privé. Que ce soit pour l'externalisation comme pour la privatisation de l'usage de la force, une chose est certaine : il y a une nécessité réelle à coordonner les nations. Le problème n'est pas ici de faire que toutes les nations aient la même politique, mais que tous les Etats puissent disposer d'une base juridique commune, d'un répertoire commun des acteurs, etc.

    Cela permettrait une meilleure transparence dans le secteur, et un travail plus sain. Reste à convaincre chaque acteur d'entamer une réflexion à ce sujet, de comprendre que ce changement dans la manière dont fonctionnent ces activités est nécessaire.

    2. Une réflexion de toutes les parties.

    Au vu de l'apparente anarchie du secteur, du polymorphisme de la privatisation de la Défense et de la sécurité (externalisation, sous-traitance, SMP, etc.) il nous paraît important de souligner l'idée de créer une organisation internationale. Organe de centralisation des données (répertoire des prestataires, des clients et fournisseurs de services...), voire de contrôle, cet organisme devrait apporter un bénéfice certain à chaque intervenant dans les processus de privatisation de la sécurité. Cependant, afin d'aboutir à une telle avancée, les différents acteurs prenant part aux différentes étapes des processus d'externalisation et de privatisation doivent d'abord entamer une réflexion à leurs niveaux.

    a) les commanditaires

    Les Etats, ainsi que les plus grandes entreprises du domaine de l'extraction de ressources naturelles (pétrole, gaz, charbon, métaux rares et pierres précieuses...), devraient être les plus favorables à un tel système. Il est en effet dans leurs intérêts de faire savoir publiquement quels sont les buts qu' ils poursuivent en se tournant vers le secteur privé, quels sont les moyens qu' ils mettent en oeuvre pour cela, quelles sont leurs éventuelles restrictions (charte éthique, Droits de l'Homme), et ainsi faire par ce biais à la fois des appels d'offres et des bilans de l'intervention du domaine privé au

    profit du service publique. Si les commanditaires acceptent l'idée de ce genre de structure, ils doivent passer outre leurs réticences naturelles et légitimes qui consistent à dissimuler aux autres la manière dont ils accomplissent ou font accomplir leurs obligations de service à la société, et la tendance à trouver des réglementations internationales et des formes de gouvernance << mondiale >> pour les sociétés internationales devrait s'appliquer aussi dans ce secteur. L'Organisation des Nations Unies pourrait peut être remplir cette fonction de dialogues, d'échanges et de réflexion commune. Une organisation commune devrait voir le jour, destinée à donner un cadre à l' existence de ce secteur de la privatisation. La question est donc de savoir quelle forme aura cette organisation, qui y prendra part, quels seront ses moyens et ses objectifs.

    b) les prestataires

    Il y a, nous l'avons vu tout au long de cette étude, deux catégories principales d'intervenants dans les processus de privatisation de la sécurité. La première catégorie regroupe les << contractors >>, c'est à dire les entreprises qui fournissent des prestations aux forces armées, dans le but de les aider à se focaliser sur le coeur de leur métier. Nous retrouvons ici les sociétés que nous avons étudiés plus haut, qui ne jouent pas de rôle significatif dans les opérations de combat. Cependant, une société qui fournit des repas à une force armée, même si elle se trouve sur le territoire national, peut avoir une influence sur les missions réelles menées par l'armée : << dans l'armée de l'Air, il n'est pas nécessaire de quitter le sol national pour que l'externalisation soit confrontée aux défis opérationnels. En effet, les forces aériennes participent souvent aux opérations extérieures depuis leurs bases nationales. Ainsi, la base de Mont-de-Marsan a hébergé au cours du conflit du Kosovo des avions ravitailleurs américains qui décollaient tous les matins très tôt et dont les équipages devaient prendre leur petit déjeuner vers une heure du matin. Un tel horaire n'étant pas prévu par le contrat d'externalisation liant l'armée de l'Air à la société de restauration, la surfacturation fut particulièrement élevée. Dans le même temps, le personnel militaire de la base était plutôt enthousiaste à l'idée de participer, même à une heure aussi inhabituelle, à un effort de guerre pour lequel il passe le plus clair de son temps à s' entraîner. >> 32

    32 . Rapport d'Information déposé par la Commission de Défense Nationale et des Forces Armées, op. cit.

    Ces entreprises, qui ne fournissent que des prestations annexes au métier militaire, ne peuvent pas être considérées comme appartenant au domaine des activités militaires, contrairement à la seconde catégorie, qui regroupe les sociétés fournissant des services d'ordre militaire, ou des prestations directement liées à ce domaine : entraînement, formation, ravitaillement, soutien logistique et même activités de combat.

    Nous avons vu qu'il existe déjà des cas dans lesquels des sociétés fournissent des services qui appartiennent aux deux catégories. L'intérêt pour les prestataires de la sécurité privée est donc double dans ce cas. La création d'un organisme de référence, reconnu publiquement, leur permettrait de se placer avantageusement sur le marché de la sécurité privée, et de gagner en respectabilité, en reconnaissance. Beaucoup de SMP exigent une meilleure reconnaissance, et veulent être connues comme des entreprises respectables, au comportement irréprochable :

    << Comme elle l'a toujours déclaré, Sandline International est en faveur d'une réglementation et d'un cadre légal strict qui engendrerait de la confiance dans le professionnalisme et les pratiques légales et éthiques des participants à la privatisation. >>33

    La majorité des entreprises travaillant pour l'Etat ne sont pas concernées par ce phénomène de transparence éthique. En effet, où se trouve l'éthique lorsque l'on est une société de restauration, de transport, de maintenance informatique, si ce n'est dans la bonne réalisation de la prestation. En revanche, les SMP sont plus que concernées par les aspects moraux de leur profession. Elles savent que de la gestion de leur réputation à ce niveau dépend leur survie, et que pas une << bavure >>, pas une erreur d'ordre moral ne doit entâcher leur travail. C' est pourquoi elles ont pris les devants, en se réclamant toutes de diverses chartes de bonne conduite, de différents codes d'honneur et de nombreuses associations (Cf. Annexe III, Code de conduite de l'IPOA). Est-il permis de se demander dès lors si l' auto réglementation tant critiquée par certains, comme War on Want, ne pourrait pas produire des effets positifs sur le secteur ?

    c) la communauté internationale

    33. Sandline International, Comments on Government Green Paper entitled Private Military Companies: Options for Regulation published 12 February 2002, juillet 2002.

    Elle devra venir à la volonté expresse de mettre en place ce système car elle a peut être le plus à gagner d'une telle organisation. Si le terme de << communauté internationale >> est un peu vague, l'idée est qu'une structure mondiale, au delà du simple débat public / privé, nationalisation / privatisation devrait voir le jour, afin de se positionner au dessus du problème. Cela lui permettrait alors de saisir l' ensemble des données du problème, et, pourquoi pas, d'instaurer une sorte de droit international dans ce domaine. Peut être qu'une telle idée est déjà présente dans la pensée de Kofi Annan, dès 1998 :

    «Some have even suggested that private security firms, like the one which recently helped restore the elected president to power in Sierra Leone, might play a role in providing the United Nations with the rapid reaction capacity it needs. When we had need of skilled soldiers to separate fighters from refugees in the Rwandan refugee camps in Goma, I even considered the possibility of engaging a private firm. But the world may not be ready to privatize peace.» 34

    L'utilisation des SMP par l'Organisation des Nations Unies, comme Kofi Annan l'avait envisagé, est le résultat d'une volonté particulièrement affirmée quand aux résultats recherchés par l'Organisation des Nations Unies. Il s'agit donc de voir jusqu'à quel point les Nations Unies sont prêtes à aller pour réaliser leur mission. Nous entrons ici dans une nouvelle problématique, qui concerne le secrétariat et le Conseil de Sécurité des Nations Unies : faut-il faire passer en premier l' efficacité ou la morale ? Si elle n' est pas neuve, cette alternative prends une nouvelle dimension car l'Organisation des Nations Unies à toujours su se positionner comme << arbitre moral >> dans la résolution des conflits à travers le monde. Cependant, le but premier de l'Organisation des Nations Unies est de « maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin de prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de

    34. Cf. note infrapaginale n° 22.

    caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ; (
    ·
    ·
    ·) i5,
    ce qui peut servir de justificatif au recours par l'ONU à l'utilisation des SMP.

    Cependant, l' article 42 du chapitre 7 (Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression) peut interdire l'emploi des SMP : << Si le Conseil de Sécurité estime que les mesures prévues à l'Article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies. >>36 Le problème ici est que l' on ne peut pas considérer une SMP, quelle qu'elle soit, comme une force militaire nationale d'un Etat membre de l'ONU. Dès lors donc, les Etats membres de l'ONU devront choisir entre l' efficacité des actions et le respect de la morale, de l' argumentation juridique de leur charte. Si l'efficacité est privilégiée, alors il suffirait que le Conseil de Sécurité de l'ONU mandate une SMP afin d'intervenir à son profit, en soutenant une partie des opérations, ou en organisant complètement la mission. L'ONU a déjà quelques relations avec des SMP, car ce sont elles qui protègent ses personnels, ses bureaux ou entrepôts.37 Aux yeux du président de l'International Peace Operations Organisation (IPOA), Doug Brooks, le fait pour l'ONU de passer contrat avec une SMP pour régler par la force un différend ne constituerait donc pas un précédent, et ne ferait donc pas non plus jurisprudence. Cependant, force nous est de constater que M. Brooks, par sa position et les intérêts qui en découlent, ne peut être que favorable à l' externalisation des missions de maintien (ou de rétablissement) de la paix de l'ONU. Il semble ne pas tenir compte de la différence qui existe entre un gardiennage de nourriture et une mission comme Artémis. Ce discours qui ne prend pas en compte la réalité de la diplomatie onusienne reflète assez le débat selon lequel l' ONU a perdu sa légitimité et sa crédibiité. Si l' ONU choisit de faire appel à une SMP à la place de forces armées régulières, elle devrait faire alors face à un problème que l'on pourrait qualifier de << dilution >> du

    35. Charte de l'Organisation des Nations Unies, Chap.1 (Buts et Principes), Art. 1, Alinéa premier. Cf. http://www.un.org/french/aboutun/charte/txt.html, visité le 30 octobre 2006.

    36 . Idem, Chap. 7, Art. 42.

    37. Christopher Spearin, «Private Security Companies and Humanitarians : A Corporate Solution to Securing Humanitarian Spaces?», International Peacekeeping, vol. 8, n°1, 2001, pp. 20-43.

    processus de résolution de crise : le Conseil de Sécurité vote une résolution, l' ONU envoie des troupes, qui ne sont pas des forces armées régulières. Porteront-elles quand même le casque bleu ? Auront-elles les mêmes règles d'engagement ? La population locale sera-t-elle apte à saisir qui sont ces hommes qui interviennent sur son territoire ? Certes, l' argument financier selon lequel le recours à des SMP arrangerait les membres de l' ONU est peu recevable : les missions de l' ONU sont en générales assez longues, comme l' Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve en Palestine (ONUST), qui dure depuis 1949. Nous reviendrions alors au même argument que celui de l'économie réalisée par l'externalisation de fonctions militaires, selon lequel l' externalisation n' est pas nécessairement rentable.

    Une dernière option s'offre aux Etats et au Conseil de Sécurité de l'ONU: ajouter un amendement à la charte de telle manière que l'on puisse considérer une SMP comme force armée mandatée par l'ONU comme une force armée nationale.

    Prononcées en 1998 les paroles de Kofi Annan prennent une toute autre dimension au moment où nous rédigeons cette étude. En effet, depuis lors, la guerre a montré un visage nouveau, et les 48 Sociétés Militaires Privées présentes en Irak nous le montrent bien.38

    Les scandales liés à la présence de forces armées en Irak comme celui d' Abou Ghraib sont la preuve que la guerre, et la manière dont elle est faite, demeure une chose extrêmement compliquée. Toutes les forces armées sont concernées, tous les pays sont susceptibles d'être un jour sous la critique pour les agissements de leurs soldats (est-il nécessaire de revenir sur les évènements dans les prisons iraquiennes ou, dans un autre registre ou sur l'affaire Mahé ?). Les SMP peuvent ici apparaître comme une solution intéressante pour les Etats : constituées généralement d' anciens militaires, elles offrent un profil de vieille troupe professionnelle, dynamique, et sensibilisée à la problématique du comportement des hommes sur un théâtre d'opération. Dans les prisons, ce sont généralement les soldats, ou les engagés sans grande expérience, qui sont les plus susceptibles de mal agir et de porter atteinte aux Droits de l'Homme. Cependant, le fait que les hommes des SMP aient une plus grande expérience peut signifier que s'ils sont moins enclins à commettre des exactions pour se distraire, il est probable qu'ils soient

    38. Cf. la liste de ces SMP en Irak disponible sur http://www.pscai.org/pscmembers.html, site de l'association des SMP engagées dans ce conflit. Visité le 15 novembre 2006.

    plus rudes que des jeunes soldats dans un contexte de recherche de renseignement, ou d'interrogatoire. Mais ce peut être un calcul de la part d'un Etat que de se dire qu'ils seront peut être aussi plus discrets, plus prudents dans leurs rapports avec les médias...

    Après donc avoir vu ce que nous devions penser et retirer de l'essai britannique et de la réflexion que doivent mener, à leurs niveaux puis ensemble, tous les acteurs de la privatisation, il nous reste à voir comment nous pouvons interpréter les phénomènes de privatisation de la sécurité, dans quel cadre plus général nous pouvons les replacer, afin de leur donner un sens plus large qu'une simple évolution économique des fonctions de Défense.

    3. Privatiser la Sécurité, Privatiser l'Etat ?

    La privatisation de la sécurité semble donc nous amener vers une autre réflexion : une telle privatisation semble être une partie mineure d'un phénomène plus large, regroupant tous les secteurs des prérogatives étatiques. Bien que la privatisation concerne tous les domaines des activités de l'Etat, comme la santé, l' éducation, les transports, et bien sûr la Défense, nous restons néanmoins focalisés sur le secteur de la sécurité. Le phénomène de la privatisation et de l' externalisation mérite que l' on se penche sur trois aspects de la sécurité entendue comme prérogative de l'Etat, et sur trois problèmes : c'est à dire l'extension du domaine étatique, la dilution de la responsabilité et enfin la question de savoir si l'Etat démissionne, ou s'il se réforme et s'adapte à un monde en mutation.

    a) l 'extension du domaine étatique.

    Il semble important de reconsidérer le mécanisme de la privatisation sous un angle différent. En effet, outre l' importance des transformations techniques et la globalisation des modes de production économique majoritairement fondés sur le marché, le XX° siècle remet en cause les structures étatiques de régulation, obligeant les Etats à les renouveler, à la fois seuls et en coopération entre eux. A cela s' ajoutent les changements dans la technique, dans la manière de vivre des gens et dans les mentalités. Mais ces

    changements dans la vie quotidienne, dans les idées philosophiques et politiques se traduisent par une augmentation du domaine étatique. L'Etat ne prends pas plus de place qu'avant, mais son domaine s'agrandit sans cesse : il occupe plus d'espace qu'autrefois dans les domaines de la géographie, de la politique, de l'économie, dans ses domaines d'action...

    L'Etat ne se cantonne plus aujourd'hui à ses simples frontières et ses habitants, et la zone de son influence ne cesse d'augmenter. << La doctrine s'accorde pour considérer qu'un État n'existe au sens du droit international public qu'à la condition de posséder trois éléments constitutifs : un espace territorial, la présence sur ce territoire d'une population, et leur gestion effective par des pouvoirs publics constitués. Lorsque ces trois éléments sont réunis, cela suffit en principe pour que l'État puisse être reconnu comme entité souveraine par les autres Etats et accepté comme interlocuteur dans les relations internationales.>> 39

    Il nous semble que cette définition ne soit pas une définition suffisante, au sens où elle ne prend en compte que le minimum constitutif de l'Etat. Il faudrait ajouter que dans le monde actuel, l'Etat qui << gère effectivement son territoire et sa population >> doit protéger ses intérêts et ceux de sa population à l' étranger. Il lui faut prendre en compte les intérêts de son économie, même à l'extérieur de son territoire (accords marchands, accords monétaires...), son espace géographique s'élargit sans cesse : métropole, outremer, et maintenant l'espace aussi joue un rôle (communication, météo, armement ...). Au vu de cet élargissement sans fin de ce qui constitue un Etat, la privatisation peut alors se concevoir comme une aide, comme un additif à la gestion de l'Etat.

    Territoire : National, International, Espace,...

    Population : en métropole et à l'étranger.

    Gouvernement : Elus, représentants...

    Economie : Nationale, Internationale, Communautaire (euro)...

    Politique : Intérieure, Etrangère, Commune (OTAN, ONU...)

    Domaines : Santé, Education, Défense & Sécurité...

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    39. Lexique de Droit International Public, Jean Paul Pancracio, Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr, Centre de Recherche des Ecoles de Coëtquidan, 2003.

    Loin d'être exhaustif, un tel schéma nous sert juste à montrer l'étendue du domaine étatique, et donc par là même des difficultés qu'il rencontre pour assurer le meilleur service possible à sa population.

    L'extension du domaine étatique provoque un autre problème dans les prestations que l' Etat doit fournir à ses membres : la responsabilité se dilue, à notre avis, à mesure que les frontières de son domaine s'étendent. Pour des Etats occidentaux, démocratiques, si le nombre de questions qui dépendent d'un Etat augmente, leur capacité à influencer directement sur ces dernières diminue. Il en va de même pour le domaine de la Défense : les engagements nombreux des forces armées, lointains géographiquement et très fréquents font que l'Etat risque de perdre une partie de son contrôle sur ces affaires militaires. A plus forte raison s'il externalise ou s'il emploie des SMP. Nous arrivons ici à la croisée des chemins de deux conceptions politiques de l'Etat. Pour certains, l'Etat est mort et la mondialisation des échanges (économie, politique internationale) et des idées (démocratie, liberté politique, etc.) les poussent à s'affirmer en faveur d'une conception mondiale de l'Etat. En revanche, d'autres considèrent que si l'Etat n'est pas encore mort, il doit s'adapter rapidement au monde actuel, et se transformer en structure plus vaste, généralement de type fédérale. Il est possible d' ailleurs de voir dans l' Union Européenne et dans des structures comme celles de l'ONU le point de départ de ces mutations. Lorsque Bruxelles décide à la place de Paris, le pas est franchi. Notre position par rapport à ces deux conceptions de l'Etat à l'heure actuelle est la suivante : Nous ne pouvons croire à la mort de l'Etat, mais affirmons son besoin de « modernisation ». Il ne s'agit pas pour l'Etat de s'effacer au profit d' une structure supranationale, mais d' envisager le recours à des structures qui lui sont supérieures, afin de mieux répondre à ses besoins, de trouver en elles des éléments de réflexions, et des organes de contrôles pour les nouveaux phénomènes comme ceux de l'externalisation et de la privatisation.

    Dès lors, externaliser pour l'Etat est bien une possibilité qu'il doit envisager ; ne pas le faire serait contraire à ses devoirs, tout du moins à l' obligation qu'a l'Etat de tout envisager pour choisir la meilleure option. Cependant, dogmatiser l'externalisation, la sous-traitance ou le recours aux SMP peut être interprété comme la fin d'un monde dans lequel l'Etat tenait une véritable place de commandement et d'exécution.

    Ce sujet s'inscrit donc bien dans une vaste discussion entre deux courants de pensée, séparées par leurs positions quand à leur conception du rôle de l'Etat. Certains pensent que l'Etat doit intervenir, de manière plus ou moins importante dans un nombre de domaines plus ou moins grand. Cette théorie est celle de la majorité des démocrates, terme accepté dans le sens large, car être de droite ou de gauche ici n'a aucune importance. Le critère ici à retenir est celui de la position que l'on tient concernant l'implication de l'Etat dans la gestion de la société. L'autre courant de pensée est celui des libéraux, qui pensent que l'Etat doit diminuer et réduire au strict minimum son implication dans la vie collective des citoyens. La privatisation et l'externalisation se trouvent donc être au coeur du débat opposants les ultra-libéraux aux conservateurs du point de vue de la fonction que l'Etat doit remplir.

    b) La dilution de la responsabilité étatique par le processus de privatisation et d'externalisation.

    L'idée même de décentraliser, de privatiser des fonctions étatiques comporte un risque majeur : celui de perdre, dans un processus de transfert de compétences, l'idée de responsabilité de l' Etat. Si l' Etat demeure toujours à l' origine des décisions mais qu' il ne s'occupe pas de leur réalisation, il dilue par cela sa responsabiité, et amoindrit alors son importance, son poids tant vis à vis de sa communauté que des autres pays. Que penser alors d'un Etat qui s'affaiblit volontairement ?

    Par ailleurs, est-il moralement acceptable que l' Etat traite la Défense et la sécurité comme des marchandises ? Est-ce une déviance acceptable ? Si l'Etat externalise, ou emploie des SMP, la tentation est grande alors pour lui de faire de la sécurité un bien, une marchandise à valeur commerciale. Lorsque le donneur d'ordre n'est pas la même personne que l'exécutant, les risques de déviance par rapport au but originel augmentent. L'objectif du donneur d'ordre peut être correctement interprété ou non, toujours est-il que l'objectif de l'exécutant est d'obéir au donneur d'ordre. Que se passe-t-il en cas de dissociation des volontés, des moyens, des questions d' ordre moral ou éthique, des responsabilités ? L'Etat peut trop facilement fuir ses responsabilités, et l'exécutant se décharger des siennes sur l'Etat. Comment traiter des affaires comme celles d'Abou Ghraib, si des SMP étaient impliquées ? Qui serait tenu pour responsable

    par l'opinion publique, par la communauté internationale, ou les tribunaux chargés de juger de tels actes ? Il est probable que l'Etat ne serait pas inquiété outre mesure au regard des accusations dont les exécutants auraient à répondre. Pareillement, les responsabilités de l'Etat ne sont pas pleines dès lors qu'il y a des intermédiaires : nous avons étudiés le cas des hôpitaux militaires en Grande-Bretagne, peut on raisonnablement incriminer les << contractors >> pour le fait que des soldats britanniques soient soignés dans des salles communes ? Non, et c'est au gouvernement britannique de prendre ses responsabilités, de les assumer et de réparer ses fautes, ses manquements à ce qu'il doit à ses propres soldats, qui demeurent cependant toujours le bras armé de sa propre volonté.

    Ne s' écarte-t-on pas alors de ce que doit être, idéalement pour le moins, le rôle de l'Etat et de ses représentants: assurer à ses membres paix et sécurité ? Nous n'affirmons pas que tel est toujours le cas, mais il est des choses surprenantes que nous avons vues lors de nos recherches : les exemples de M. Dick Cheney aux Etats-Unis d'Amérique et de sir Malcolm Rifkind en Grande-Bretagne sont là pour nous rappeler que ces liens entre politique et << business >> se généralisent, à l'image du secteur de la privatisation et de l' externalisation.

    Le problème de dilution des responsabilités vient du fait que certains Etats font d'un droit un bien que l'on marchande. L'article Trois de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1948, adopté par l'Assemblée Générale de l'ONU dans sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948, stipule que << tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. >> 40 Ainsi donc, si les Etats n' assurent plus eux-mêmes et directement leur rôle, il est possible de se demander si nous n'assistons pas à la faillite de l'Etat, à sa démission, au regard des engagements pris précédemment.

    c) Démission ou adaptation de l 'Etat ?

    Cette dernière sous partie nous place donc face à une alternative : faut-il considérer la tendance qu' ont les Etats à privatiser, à externaliser leurs services de Défense et de sécurité comme une démission des fonctions régaliennes ou comme une transformation naturelle en rapport avec l'époque dans laquelle nous vivons ?

    40 . Droits de l'Homme de 1948, adoptée à l'Assemblée Générale de l'ONU le 10 décembre 1948, disponible sur http://www.justice.gouv.fr/textfond/dudh1948.htm, visité le 18 novembre 2006.

    Dans son discours de Bayeux de 1952, le président Charles De Gaulle a fait cette déclaration : « la Défense, c'est la première raison d'être de l'Etat. Il n'y peut manquer sans se détruire lui même. » Un demi-siècle plus tard, cette affirmation est toujours d'actualité. Nous pouvons en effet considérer que la privatisation et l'externalisation sont des phénomènes par lesquels l'Etat se désengage de ses obligations, de ses responsabilités face au peuple dont il a la charge. Dans un Etat démocratique, le vote exprimé par un citoyen reflète la confiance qu'à ce dernier dans une personne, dans un gouvernement, et lui confère un pouvoir afin de s'occuper de la collectivité : l'Etat reçoit les pleins pouvoirs de ses citoyens dans les domaines politiques, économiques de la vie collective. Un citoyen ayant voté s'attend naturellement à ce que l'Etat lui apporte ce qu'il ne peut obtenir seul : un système dans lequel il pourra satisfaire ses demandes, qu'il juge légitimes, dans le domaine de la Santé, de l'Education, de la Défense. Le citoyen exige que l' Etat lui rende service, tout comme lui s' acquitte des devoirs de l'Etat : impôts, taxes, et autrefois service militaire. Cependant, l' externalisation, mais surtout la privatisation, peuvent se comprendre comme des fuites en avant de la part de l'Etat. Décidant de s'acquitter de son devoir d'assurer la sécurité et la Défense de ce qui le constitue (territoire, population et gouvernement), l'Etat confie cette tâche à une autre entité. Ce qui peut se comprendre au regard du principe de subsidiarité : le principe de subsidiarité est une maxime politique et sociale selon laquelle la responsabilité d'une action publique, lorsqu'elle est nécessaire, doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre le problème d'elle-même. Il va de pair avec le principe de suppléance, qui veut que quand les problèmes excèdent les capacités d'une petite entité, l'échelon supérieur a alors le devoir de la soutenir, dans les limites du principe de subsidiarité. C'est donc le souci de veiller à ne pas faire à un niveau plus élevé ce qui peut l'être avec autant d'efficacité à une échelle plus faible, c'est-à-dire la recherche du niveau pertinent d'action publique. La signification du mot latin d'origine (subsidiarii : troupe de réserve, subsidium : réserve, recours, appuis) reflète bien ce double mouvement, à la fois de nonintervention (subsidiarité) et de capacité d'intervention (suppléance). Trouvant son origine dans la doctrine sociale de l'Église catholique (par l'encyclique Rerum Novarum, du Pape Léon XIII, publiée en 1891) il est devenu un des mots d'ordre de l'Union européenne. Ce principe de subsidiarité est clairement inscrit tant dans le Droit que dans le Discours européen. La mise en application et le contrôle de la mise en

    oeuvre de ce principe de subsidiarité sont en revanche des questions légitimes, mais ouvertes à ce jour. Il est toutefois permis de se demander si un secteur étatique aussi important que la Défense et la sécurité peut être, ne serait-ce que partiellement, soumis au principe de subsidiarité. De plus, l'application du principe de subsidiarité implique que les échelons supérieurs à celui qui traite le problème ne sont plus à même de le résoudre, car ils perdent leur savoir faire et leur compétence. Ce qui signifie que si l' on désire, après avoir appliqué le principe de sub sidiarité trop longtemps, mettre en place le principe de suppléance, les organes chargées de ce principe n' en seront plus capable, ce que nous avons déjà étudié.

    Il est donc possible de considérer que les tendances qu'ont les Etats à se tourner vers le secteur privé afin de remplir leurs obligations vis à vis de leurs populations est une démission, et pourrait être le début de la fin de l'Etat. Au même titre que M. Francis Fukuyama considère que la fin de l'histoire commence avec la victoire de l'idéologie démocratique, peut-on considérer que la fin de l'Etat commence avec la privatisation ? Que nous reste-t-il alors ? L'Etat, tout du moins son concept sous sa forme actuelle, s'achève mais il faudra nécessairement qu'il soit remplacé, ou que l'on lui trouve un substitut. En nous rappelant la thèse émise par Alexandre Kojève selon laquelle Napoléon passant sous la fenêtre de Hegel en 1806 constitue le terme de l' Histoire, il nous est impossible de nous montrer catégorique quand à la fin de l'Etat.

    Nous devons alors chercher plus vers une transformation de l'appareil étatique, de sa manière de fonctionner. Max Weber définissait l'Etat par le monopole de la violence légitime. Si l'on est bien conscient que ce n'est plus le cas aujourd'hui, faut-il y voir nécessairement la fin d'un monde, celui de l'Etat ? Ne faut-il pas se poser plutôt la question de voir ici une conception réaliste de nos systèmes politiques, dans lequel la force de l'Etat réside dans le fait qu'il s'adapte ? Le rôle de l'Etat, encore une fois, est de réagir de manière efficace aux attentes de la population dont il a la charge, pas de correspondre à l'idée que l'on peut s'en faire. Si la tendance actuelle du monde fait que l'Etat éprouve le besoin ou la nécessité de sous traiter au secteur privé ce qui lui incombe, cela ne signifie pas nécessairement que l'Etat se privatise et que l'on assiste par cela à sa fin. L'Etat n'a jamais été figé, et l'histoire politique ainsi que l'étude des relations internationales nous le montrent bien. Des premiers Etats de l'époque gréco-

    romaine aux Etats de l'Europe de la paix de Westphalie, puis à ceux de la Révolution française, l'Etat au travers des siècles n'a jamais été le même. Il connaît lui aussi un polymorphisme institutionnel ou politique : aujourd'hui, les Etats-nations se déclinent en toute une variété de modèles institutionnels et politiques, chacun définissant sa forme de gouvernance (fédéral, unitaire, présidentiel, parlementaire, constitutionnel, démocrate, dictatorial, etc.).

    Dans tous les cas, l'Etat remplit cependant certaines fonctions, et c'est ici que la thèse de Léon Duguit (1859 - 1928) nous est d'un grand intérêt, et le fait que ces idées soient centenaires n' enlèvent rien à leur intérêts, bien au contraire même. Pour lui, l'État n'est caractérisé ni par la souveraineté, ni par son identification à un ordre juridique. L'État n'est qu'une coquile vide, il n'a pas de personnalité, ne peut disposer de droits subjectifs et ne saurait être en mesure d' imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. L'État est donc une coquille vide derrière laquelle se cachent des gouvernants, or rien ne garantit que ces gouvernants accepteront de limiter leur puissance pour touj ours et continueront à se soumettre au droit (nous retrouvons ici nos développements sur les intérêts croisés entre le secteur privé et les gouvernants). Ce qui justifie, selon Léon Duguit, l'existence de l'État, c'est le service public. L'État est en effet selon lui l'expression de la solidarité sociale. Les hommes, regroupés en sociétés, sont devenus de plus en plus interdépendants. Cette interdépendance a été accompagnée de la création de normes, et pour faire respecter ces normes, des dirigeants ont émergé afin de les faire respecter. Mais ces dirigeants ne restent dirigeants qu'aussi longtemps qu'ils continuent à se dévouer à la société et à l'organisation de la solidarité sociale au moyen du service public. Pour Léon Duguit, l'État n'est alors que l'émanation de la société et non pas la conséquence d'une quelconque souveraineté de l'État ou d'un ordre juridique préexistant. « La solidarité sociale au moyen du service public... » Voilà le véritable enjeu de notre discussion, car cette solidarité sociale englobe tous les domaines de l'Etat : Défense, éducation, santé, transports... Autant de domaines largement externalisés et privatisés en Grande-Bretagne ; autant de domaines sujets là-bas à quelques problèmes.

    La tendance étudiée ici trouve son aboutissement idéologique dans le mouvement minarchique, dont les ardents théoriciens sont des penseurs politiques comme David

    Friedman ou les penseurs du mouvement libertarien comme Robert Nozick ou Murray Rothbard.

    Les termes de << minarchisme >> et de << minarchie >>, qui datent du début des années 1970, sont des équivalents français des mots anglais << minarchism » et << minarchy ». Le minarchisme est une théorie politique appelant de ses voeux un État minimum (ou État minimal), réduit dans de strictes limites de légitimité. Le minarchisme est une version extrême du mouvement libertarien, dans lequel l'Etat étant caractérisé comme un monopole de la violence, ses prérogatives légitimes sont souvent identifiées aux seuls domaines où la violence est justifiée, les << fonctions régaliennes >> de l'État : le maintien de l'ordre, la justice, la Défense du territoire. On parle alors d'État gendarme. Parfois, les minarchistes assignent aussi à l'État des infrastructures qu'ils jugent essentielles, comme par exemple la santé ou l' éducation.

    Le minarchisme, appelant à une limitation de l'État, est donc une variante du libéralisme et s'oppose dès lors à l'étatisme. Au sein du libéralisme, on lui opposera l'anarcho-capitalisme. En marge intellectuelle du minarchisme (mais avec une assise politique bien plus étendue), on peut trouver des sociaux démocrates, et des néoconservateurs, qui ont une vision très proactive du maintien de l'ordre par l'État. Les thèses de David Friedman sont à cet égard intéressantes, en particulier à travers son premier ouvrage, Vers une société sans État (1973). David Friedman cherche à démontrer non seulement la faisabilité pratique, mais aussi la désirabilité d'une société fonctionnant sans le moindre Etat, défini comme une agence de type gouvernementale bénéficiant d'un monopole de la violence légale et parfois de divers autres droits exclusifs. Il s'attache donc à déterminer les conditions pratiques d'existence d'une telle société. Il défend ainsi la privatisation de fonctions régaliennes comme la justice, la police ou la monnaie. Il aborde également la question des services publics dans une économie libertarienne, c'est à dire que ces services ne sont pas de la responsabilité de l'Etat.

    En résumé, les partisans du maintien de la sécurité et de la Défense au sein des prérogatives de l'Etat sont des minarchistes, tandis que ceux qui soutiennent la privatisation de ces fonctions sont des ultra-libéraux. A titre personnel, nous ne prenons pas part à ce débat, mais tenons juste à rappeler que l'une comme l'autre de ces positions, restent des formes idéologiques de l' extrémisme politique ; et à ce titre, la plus grande prudence doit être observée.

    CONCLUSION GENERALE.

    Les changements conséquents de la Guerre Froide, et l'apparition de la « Global War on Terror » semblent rendre les prestations des forces armées occidentales plus délicates. Les prestations étatiques du domaine de la Défense sont aujourd'hui parfois remplies par des acteurs qui ne sont pas des Etats. Nous avons vu que la Grande-Bretagne, à la suite des Etats-Unis d'Amérique, s' inscrit très largement dans cette voie nouvelle. Notre conclusion s'articulera en trois mouvements : nous reprendrons les éléments principaux de notre étude, nous ferons ensuite des recommandations fondées sur l'expérience de plusieurs mois de travail et nous présenterons ensuite une matrice et son principe permettant de mieux saisir les enjeux de l'externalisation et de la privatisation.

    Suite à un héritage particulier dans le domaine politique et culturel, le gouvernement britannique depuis 1992 s'engage sans cesse dans la privatisation. Retenons bien que le phénomène de privatisation comprend deux aspects différents participants du même principe. Nous avons d'une part l'externalisation, qui consiste pour un gouvernement à sous-traiter certaines fonctions exercées auparavant par ses forces armées, comme le transport, l'alimentation, l'instruction, les soins des blessés, etc. L'externalisation peut aller jusqu'à concerner des activités véritablement militaires, comme le soutien en opérations extérieures, la gestion de flotte de satellites ou d'avions ravitailleurs et de transport, l' analyse et la gestion d' opérations, tâches confiées à des entreprises du secteur privé, et que remplissent donc des travailleurs civils. Si le secteur anglais de l' externalisation est fortement développé, les critiques qui lui sont adressées ne le sont pas moins. L'externalisation pose en effet un certain nombre de problèmes, liés à la manière dont se fait l'externalisation (est-ce bien moral, n'allons-nous pas un peu trop vite et trop loin ?), liés aux secteurs qu'elle concerne (activités militaires, traditionnellement dévolues aux Etats), et aux risques qu'elle génère (rentabilité limitée, problème éthiques et moraux, inquiétude juridique...). D'autre part, la Grande-Bretagne s'investit aussi dans le phénomène de la privatisation pure, qui consiste à autoriser des SMP à fournir des services militaires aux Etats ou à la communauté internationale. Ces sociétés se proposent de remplacer les forces armées dans la conduite d' opérations

    militaires, dans la délivrance de services de sécurité et de Défense. Ici également, au delà du marché économique florissant (100 milliards de dollars par an, chiffre qui devrait doubler en 10 ans), le phénomène fait face à de nombreux problèmes. Comment réglementer ces activités ? Comment concilier efficacité et morale ? Autant de questions délicates, que le Green Paper britannique de 2002 soulève, et dont les solutions proposées se heurtent à l'instabilité d'un secteur en permanente mutation, à un possible double-jeu des acteurs de la privatisation, et enfin à l'ardeur de la tâche : entreprendre un contrôle strict sur les activités et les sociétés privées de par le monde. Ainsi, la vertu de l' exemple britannique de la privatisation et de l' externalisation est peut être à chercher dans le fait que la Grande-Bretagne nous montre par son exemple ce qui fonctionne et ce qui dérange. Aux autres pays, principalement européens, de s'inspirer de l'exemple du Royaume-Uni avant de se lancer dans l'entreprise d'une privatisation massive. Nous nous trouvons par ailleurs avec cet exemple face à un débat politique. Comment interpréter l'externalisation de certaines fonctions régaliennes de l'Etat ? Estce à considérer comme une adaptation, une évolution destinée à augmenter la compétitivité de l'Etat, ou bien comme une démission, un renoncement de la part de l'Etat à des prérogatives que les citoyens lui concèdent ? La privatisation dans tous ses aspects ne serait-elle donc pas la partie la plus visible d'une évolution, ou d'une révolution, dans notre manière de concevoir l' Etat et son rôle dans la société civile ?

    Ne pourrait-on pas dire, à l' imitation de Kofi Anna, que nos société ne sont peut être pas prêtes pour privatiser l' Etat ?

    Ainsi donc, avant de conclure définitivement notre travail, nous tenons à lui donner une orientation pratique, ce qui permettrait à ceux qui le désirent de continuer notre réflexion. Nous proposons donc quelques recommandations, que plusieurs mois de travail justifient. Ces recommandations pourraient constituer des « règles » à respecter lors de toute réflexion concernant la privatisation et l' externalisation.

    La première d'entre elles se trouve dans le fait qu'il ne faut en aucune manière se focaliser uniquement sur l'épargne financière que pourraient permettre l'externalisation ou la privatisation de fonctions militaires. Il est dangereux de ne voir dans ces phénomènes d'externalisation que l'aspect économique, tout comme il est illusoire de croire fermement que l' externalisation permet de réaliser des économies

    substantielles. Il s'agit donc pour quiconque s'intéresse à ce sujet de considérer l'externalisation et la privatisation comme des outils à double tranchant. Les gains apportés par la privatisation ont une contrepartie trop souvent négligée, comme nous l'avons vu pour les services de santé dans l'armée britannique.

    La deuxième recommandation que nous nous autorisons à faire fait écho à la tentative britannique. Il ne faut aucunement chercher à imiter, mais à innover. Les britanniques n'ont pas cherché à imiter les Etats-Unis d'Amérique, ils ont innové par la PFI, par le PPP généralisé. De même, ne cherchons pas, dans l'Armée Française en particulier, et au niveau de l'Etat en général, à imiter nos voisins d'outre-manche. Il s' agit, en respectant ce qui fait notre spécificité historique, culturelle, politique, de trouver notre propre voie dans ce domaine de l'externalisation. Le sentiment qui nous anime ne doit pas être une banale concurrence avec la Grande-Bretagne, mais bien la quête d'un mieux. D'un mieux qui nous serait propre, et qui ne satisferait que nous.

    Une dernière recommandation nous semble importante. La privatisation, comme l'externalisation, doivent faire l'objet de réflexions communes. Les communautés interétatiques doivent communiquer en leur sein sur le sujet. A l'heure d'une certaine forme de mondialisation des échanges, d'une augmentation du domaine commun, les relations internationales ne peuvent faire l'impasse sur un tel sujet. Peu importe la forme que prendra cette réflexion collective, internationale ; il s'agit juste de mettre en commun des idées et d'agir en conséquence, ou la face du monde pourrait changer.

    Afin de mettre en pratique ces recommandations, nous avons construit deux outils de travail. Il s'agit d'abord d'une matrice qui permet d'analyser le bien fondé d'un recours à l'externalisation ou à la privatisation d'un service au regard des gains apportés au niveau économique et des pertes engendrés dans le domaine de l' intangible, de ses effets indésirables ; le tout à l'image de la matrice inventée par le Boston Consulting Group dans les années 1970. Ainsi, placer un service quelconque dans ce diagramme permet de savoir si une telle démarche est intéressante ou non, et une telle grille de lecture peut permettre de saisir en un coup d'oeil la viabiité d'un service externalisé ou privatisé. Il ne s'agit pas de révolutionner la manière de concevoir ou de réaliser la privatisation, mais bien de simplifier le problème du processus de prise de décision. Ce diagramme se trouve en Annexe VI. L'intérêt de cette matrice est de

    permettre au décideur, dans notre cas à un chef de corps ou un chef de service dans l'armée de saisir les enjeux de la privatisation. Il suffit de lister les activités que le décideur doit fournir, de les placer sur le diagramme. En clair apparaissent alors les domaines faisant partie du « coeur du métier » militaire, et ceux qui peuvent être assurés par le secteur civil. Dans tous les cas cette matrice est adaptable, il est possible de changer les critères, de mettre en abscisse le coût d' un service et en ordonnée le nombre d'hommes pour le réaliser. On peut donc alors avoir un élément de comparaison avec le secteur civil, ou voir quels sont les postes qui mobiisent le plus de personnes.

    Le second outil de travail est un diagramme mettant en forme les différentes questions qu'il faut se poser avant d'engager un processus d'externalisation ou de privatisation. Conçu comme une aide pour celui qui doit décider, cet organigramme, disponible en Annexe VII, constitue en quelque sorte un aide-mémoire, qui repose sur une série de questions et de conduite à tenir en fonction de leurs réponses. Il traite des trois aspects que nous voyons dans tout phénomène de privatisation et d' externalisation : la décision préalable, suivant les études ; le transfert au secteur public ; et enfin le contrôle et le retour d'expérience. Le diagramme présenté ici peut être certainement amélioré, mais s' il devient trop complexe, il perdrait de son utilité, car il doit cibler le coeur des problèmes.

    Ainsi, nous présentons deux outils afin de donner à nos recherches une portée matérielle. Ces deux outils nous ont manqués dans notre étude, c'est pourquoi nous nous sommes efforcés de les créer. Cependant, leurs limites sont assez visibles : le placement d' une activité et l' évaluation des critères restent assez largement subjectifs ; une fois de plus, il s'agit de considérer toutes les options possibles, et de choisir celle avec laquelle on se trouve être en accord.

    Bibliographie

    I. Sources

    1. Sources françaises.

    a) Articles de presse.

    CHAPLEAU Philippe, << De Bob Denard aux Sociétés Militaires Privées à la Française >>,

    Cultures & Conflits n°52, avril 2003, pp. 49-66.

    CONESA Pierre, << Les Ravages d'une Guerre Arbitraire, Modernes Mercenaires de la Sécurité, >>

    in Le Monde Diplomatique, avril 2003, p. 22 et 23.

    DOMINGUEZ François et VIGNAUX Barbara, << Zones grises entre public et privé, la nébuleuse des mercenaires français.>>,

    in Le Monde Diplomatique, août 2003, p. 4-5.

    LECLUYSE Eric, << Grande-Bretagne, la privatisation de la guerre en question >>, L'Express du 31 octobre 2006.

    SINGER Peter Warren, << Un Métier Vieux comme le Monde >>, in Le Monde Diplomatique, novembre 2004, pp. 24 & 25.

    b) Ouvrages.

    DUGUIT, Léon (1859-1928), << L'État, le droit objectif et la loi positive », Paris, Ed. A. Fontemoing, 1901, 20 p.

    FRIEDMAN David, << Vers une société sans État », (1973), Paris, Les Belles-Lettres, 1992.

    HUBAC Olivier (dir.), << Mercenaires et Polices Privées, la privatisation de la violence armée >>,

    Ed. Universalis, décembre 2005, 189 p.

    MAKKI Sami, << Militarisation de l 'Humanitaire, Privatisation du Militaire », cahier d'études stratégiques 36-37, CIRPES, 2004, 293 p.

    c) Sources officielles.

    Loi n° 2003-340 du 14 avril 2003 relative à la répression de l'activité mercenaire, Journal Officiel n° 89 du 15 avril 2003, p. 6636.

    Disponible sur : http://www.legifrance.gouv.fr

    DASSEUX Michel, député, << Rapport d'Information déposé par la Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées, sur l'Externalisation de certaines tâches relevant du Ministère de la Défense >>, 12 février 2002.

    MAKKI Sami, << Processus et Bilan de l'Externalisation dans l'Armée Britannique, Quels enseignements pour la France ? >>,

    Paris, La Documentation Française, octobre 2004, 154 p.

    d) Archives du Collège Interarmées de Défense.

    BEUCHET (CBA), << De l'Emploi des Sociétés Militaires Privées à l'Heure de l'Externalisation >>,

    in La Tribune du Collège Interarmées de Défense, n° 34, p 11 à 15, 2004.

    FARTEK Gilles (CDT), << Mercenariat : Vers une Privatisation des Conflits ? >>, in La Tribune du Collège Interarmées de Défense, n°27.

    SC HEEL (CCD), << L'Externalisation des Fonctions Opérationnelles et de Soutien : une Boîte de Pandore ? >>,

    in La Tribune du Collège Interarmées de Défense, n°28.

    e) Autres.

    KOHN Philippe, (LCL), Officier de Liaison Terre / ALAT à Middle Wallop, << L'Externalisation de la Formation dans l'Army Aviation >>, novembre 2005.

    PANCRACIO Jean-Paul, << Lexique de Droit International Public >>,

    Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr, Centre de Recherche des Ecoles de Coëtquidan, 2003.

    2. Sources britanniques. a) Articles.

    BURES Oldrich, «Private Military Companies: a second Best Peacekeeping Option?» International Peacekeeping, Vol. 12, N° 4, winter 2005, pp. 533 - 546.

    HARTLEY Keith, «The Economics of United Kingdom Procurement Policy», RMC, Canada, 2002.

    HARTLEY Keith, «Defence procurement in the United Kingdom», in Defence and Peace Economics, 1998.

    HARTLEY Keith, «The economics of military outsourcing», in Defence Studies, Vol. 4, N° 2, summer 2004, pp. 199 - 206.

    HARTLEY Keith and ARROWSMITH S., «Public Procurement»,

    International Library of Critical Writings in Economics 144, Elgar, Cheltenham, 2002.

    HARTLEY Keith and MARTIN S., «Study into Problems Related to Inflation and VOP Clauses in Ministry of Defence Contracts»,

    in Research Monograph Series 12, Centre for Defence Economics, University of York, United Kingdom, 1999.

    HARTLEY Keith and PARKER D., «Transaction costs, relational contracting and public-private partnerships: a case study of defence»,

    in European Journal of Purchasing and Supply Management, 2003.

    JACKSON Paul, «War is much too serious a thing to be left to military men. Private Military Companies, Combat and Regulation.»

    Civil Wars Vol. 5, N° 2, Summer 2002, pp. 30 - 55.

    KINSEY Christopher, «Regulation and Control of Private Military Companies: The Legislative Dimension»,

    Contemporary Security Policy, Vol. 26, N° 1; April 2005, pp.84 - 102.

    KRAHMANN Elke, «Private Military Services in the United Kingdom and Germany: between Partnership and Regulation.»

    European Security, Vol. 14, N° 2, June 2005, pp. 277 - 295.

    MAKKI Sami, LILLY Damian, MEEK Sarah et alii, «Private Military Companies and the proliferation of small arms: Regulating the Actors.»

    Biting the Bullet Briefing 10 for the United Nations 2001 Conference on Small Arms, policy briefing, International Alert, BASIC, Saferworld, London, June 2001.

    «Private Military Companies, Myths and Mercenaries: The Debate on Private Military Companies.»

    Royal United Services Institute Journal, Vol. 145, N° 1, February 2000, pp. 59 - 64.

    O'BRIEN Kevin, «Licence to Kill»,

    The World Today, August-September 2003, pp. 37 - 40.

    SIMONS David, «Occupation fore Hire. Private Military Companies and their Role in Iraq.»

    Royal United Services Institute Journal, Vol. 149, N° 3, June 2004, pp. 68 - 71.

    SPEARIN Christopher, «Private Security Companies and Humanitarians: A Corporate Solution to Securing Humanitarian Spaces?»

    in International Peacekeeping, Vol. 8, N° 1, Routledge, spring 2001, pp. 20-43.

    «Private Military Companies: Independent or Regulated ?» Sandline International, March 28th , 1998.

    «Comments on the Green Paper entitled PMCs: Option for Regulation», Sandline International, July 19th 2002.

    «The Innovative Use of Private Finance in Defence Acquisition: A Study Report»,

    The Royal United Services Institute Whitehall Paper N° 63, RUSI, London, September 2004

    b) Ouvrages.

    SINGER Peter Warren, «Corporate Warriors, the Rise of the Privatised Military Industry»,

    Cornell University Press, Ithaca & London, 2003, 327 p.

    c) Sources officielles.

    The Private Security Industry Act 2001. http://www.opsi.gov.uk/acts/acts2001/20010012.htm

    The Green Paper 2002 « Private Military Companies: Option for Regulation. »,

    Foreign and Commonwealth Office, London, Her Majesty's Stationery Office, 12 February 2002, 48p.

    http://www.fco.gov.uk/Files/kfile/mercenaries,0.pdf

    Foreign Affairs Committee, Private Military Companies, Ninth Report of Session 2001- 2002, Response of the Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, London, Her Majesty's Stationery Office, August 2002. http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200102/cmselect/cmfaff/922/922.pdf

    «Report of the Committee of Privy Counsellors appointed to inquire into the Recruitment of Mercenaries», also known as «The Diplock Report», London, Her Majesty Stationery Office; August 1976.

    «PFI: Strengthening Long-Term Partnerships», Her Majesty's Treasury, London, Her Majesty's Stationery Office, March 2006.

    «PFI Procurement Process Guidance Note», document de travail du MoD, February 2006 ; disponible sur http://www.mod.uk/NR/rdonlyres/13454ABA-FC75-4723-8C5BDDA80 15B0058/0/pfupfi_proc_process_guide_note.pdf

    «UK Defence Statistics»,

    Rapport annuel des statistiques de la Défense, Ministry of Defence, 2005.

    «Defence Industrial Policy»,

    Ministry of Defence Policy Paper, No 5, Ministry of Defence, London, 2002.

    «MoD Annual Report and Accounts»,

    MoD, Her Majesty's Stationery Office, London, July, 14th 2006.

    d) Autres

    «Picking Up the Pieces of Conflict»

    Reportage de la série «Real Story» du 22 novembre 2006, BBC One. Cf. http://news.bbc.co.uk/1/hi/programmes/real story/6 135286.stm

    Journal Télévisé de France 2, 14 novembre 2006, édition de 20 heures. Dossier de la Rédaction, les Sociétés Militaires Privées.

    3. Sources internationales.

    CHARTE DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES,

    En 1945, les représentants de 50 pays à la Conférence des Nations Unies sur l'organisation internationale se sont rencontrés à San Francisco pour élaborer la Charte des Nations Unies. Ils prirent pour base de leurs travaux les propositions rédigées entre août et octobre 1944 à Dumbarton Oaks (Etats-Unis) par les représentants de la Chine, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l'URSS. La Charte fut signée le 26 juin 1945 par les représentants des 50 pays; la Pologne, qui n'avait pas été représentée à la Conférence, la signa plus tard, mais elle fait néanmoins partie des 51 Etats Membres originels.

    http://www.un.org/french/aboutun/charte/index.html

    DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME

    Le 10 décembre 1948, les 58 Etats Membres qui constituaient alors l'Assemblée générale ont adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme à Paris au Palais de Chaillot (résolution 217 A (III)). Pour commémorer son adoption, la journée des droits de l'homme est célébrée chaque année le 10 décembre. Pour en savoir plus, lisez la rubrique consacrée à l'histoire de la Déclaration des droits de l'homme.

    http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm

    CONVENTION INTERNATIONALE CONTRE LE RECRUTEMENT, L'UTILISATION, LE FINANCEMENT ET L'INSTRUCTION DES MERCENAIRES.

    La Convention de l'ONU du 4 décembre 1989 "contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires" considère le mercenariat comme "infraction" (art. 2 et suivants ); ratifiée par 22 Etats, elle est entrée en vigueur le 20 octobre 2001.

    http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/530?OpenDocument.

    CONVENTION DE L'ORGANISATION DE L'UNITE AFRICAINE SUR L'ELIMINATION DU MERCENARIAT EN AFRIQUE.

    La Convention africaine sur le mercenariat signée à Libreville le 3 juillet 1977, est entrée en vigueur le 22 avril 1985. C'est un instrument régional important eu égard aux dangers réels ou supposés que représente le mercenariat pour de nombreux Etats africains depuis le début de la décolonisation. Ce texte, adopté moins d'un mois après les Protocoles de 1977 additionnels aux Conventions de Genève de 1949, définit de manière extensive le mercenaire mais ne contient pas de "clause de sauvegarde" du Droit International Humanitaire. Le mercenariat n'est pas considéré par le Protocole I de 1977 comme "infraction grave" alors que la Convention africaine incrimine le mercenaire et le mercenariat (art. 1er).

    http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/485?OpenDocument.

    II. Entretiens et aides reçues.

    M. Sami MAKKI,

    de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), chercheur au CIRPES, Centre Interdisciplinaire de Recherches sur la Paix et d'Etudes Stratégiques. Entretien le 29 juin 2006, à Paris.

    Mme Valérie GIRARD,

    Economiste et juriste, détachée au Ministère de la Défense britannique. Correspondance par mail, envoi de documents.

    M. le lieutenant-colonel KOHN,

    Officier de Liaison ALAT à Middle Wallop. Correspondance par mail, envoi de document.

    III. Internet. 1. Au sujet des Hôpitaux Militaires en Grande-Bretagne.

    «Scandal» of soldiers waiting for treatment», 05/10/2006; http://www.telegraph.co.uk/opinion/main.jhtml?xml=/opinion/2006/10/05/do0503.xml

    MoD pays NHS to speed up care of troops, 05/10/2006; http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2006/10/05/nmod05.xml

    «Pledge on wounded made two years ago», 06/10/2006; http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2006/10/06/npledge06.xml

    «They put me in a ward with grannies and drug addicts», 17/10/2006; http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2006/10/17/nsoldier17.xml

    2. Les publications du MoD.

    Defence Industrial Strategy, http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200506/cmselect/cmdfence/824/824.pdf

    Rapports Financiers Annuels du MoD, http://www.mod.uk/DefenceInternet/AboutDefence/CorporatePublications/AnnualRepo rts/MODAnnualReports0506

    << Using the Contract >>, MoD, http://www.nao.org.uk/publications/nao reports/05-06/0506 1047 .pdf

    3. Concernant le PPP / la PFI.

    PFI Process Guidance Note (Mode d'emploi de la PFI au sein du MoD), http://www.mod.uk/NR/rdonlyres/13454ABA-FC75-4723-8C5BDDA8015B0058/0/pfupfi proc process guide note.pdf

    << La privatisation de la guerre en question >>, Eric Lecluyse, L'Express du 3 1/10/2006, http://www.lexpress.fr/info/quotidien/actu.asp?id=6837

    New Finance Model for the new British Embassy, http://www.britischebotschaft.de/building/more.htm#oak

    What are Public Private Partnerships? http://news.bbc.co.uk/1/hi/uk/1518523.stm

    Public private partnerships,

    http://www.hm-treasury.gov.uk./documents/public private partnerships/ppp index.cfm

    4. Sociétés, Organisations.

    Archives officielles britanniques, http://www.archive.official-documents.co.uk

    Lex Defence, http://www.lexdefence.co.uk

    Air Tanker, http://www.airtanker.co.uk

    British Association of Private Security Companies, http://www.bapsc.org.uk/default.asp

    Eurest Support Services, http://www.ess-global.com/index.htm

    International Peace Operation Association, http:iipoaonline.org/php

    Private Security Companies Association Iraq, http://www.pscai.org

    Sandline International, http://www.sandline.com/site/index.html

    SERCO Group, http://www.serco.co.uk

    War on Want, http://www.waronwant.org/Corporate+Mercenaries+13275.twl

    Liste des Annexes.

    Annexe I : Tableau présentant les différents contrats signés par le MoD au titre de la
    PFI ;

    Annexe II : Le système « Pay As You Dine » ;

    Annexe III : Code de Conduite de l'International Peace Operations Association ;

    Annexe IV : Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le
    financement et l'instruction des mercenaires du 4 décembre 1989 ;

    Annexe V : Loi française n° 2003-340 du 14 avril 2003, relative à la répression de
    l'activité de mercenaire ;

    Annexe VI : Matrice d'aide à la décision dans les processus d'externalisation et de
    privatisation.

    Annexe VII : Diagramme d'aide à la décision dans les processus d'externalisation et de privatisation.

    Annexe I,

    Tableau présentant les différents contrats signés par le MoD au titre de la PFI,

    Extrait du Ministry of Defence Annual Report and Accounts,
    publié par The Stationery Office le 14 juillet 2006

    COMMISSIONING BODY

    LOCATION

    DATE OF
    FINANCIAL
    CLOSE

    VALUE
    (em)

    DETAILS

    Germany White Fleet

    National

    1-2-96

    52,0

    Provision of support vehicles in Germany

    Storage Facilities

    National

    1-4-96

    21,9

    Storage of submarine propulsion fuel

    RAF White Fleet

    National

    1-6-96

    35,0

    Provision of support vehicles for RAF

    TAFMIS (IT)

    National

    5-8-96

    41,0

    Training administration and financial management information system

    Material Handling Equipment (MHE)

    National

    17-9-96

    8,0

    Provision of tri-service material handling equipment for Army, Navy and RAF storage depots

    Defence Helicopter Flying School (DHFS)

    Shawbury

    1-12-96

    72,8

    Provision of helicopter training services

    Hazardous Stores Information System (HSIS)

    National

    27-2-97

    1,0

    Provision of a hazardous stores information system across whole MoD for 10.5 years

    Electronic Messaging System (Armymail)

    National

    24-4-97

    33,0

    Project to provide email connectivity between MoD IS networks

    Defence Fixed Telecommunications Service (DFTS)

    National

    1-7-97

    70,0

    Telecommunications services, consisting of six services managed by the Defence Communications Services Agency

    Medium Support Helicopter Aircrew Training Facility (MSHATF)

    Benson, Oxon

    16-10-97

    114,0

    Helicopter training facilities

    Armed Forces Personnel Administration Agency (AFPAA)

    National

    13-11-97

    264,0

    Project to implement tri-service pay, personnel and pensions following Betts Review

    Hawk Simulator

    Valley, Angelsey

    19-12-97

    20,2

    Provision of Hawk aircrew training simulators to replace existing facilities

    Tidworth Water & Sewerage

    Tidworth

    1-2-98

    5,0

    Provision of water and sewage services to Tidworth Garrison

    RAF Lossiemouth Family Quarters

    Lossiemouth

    1-6-98

    25,0

    Redevelopment and reprovision of 279family quarters

    Joint Services Command and Staff College

    Swindon

    5-6-98

    93,0

    Command and staff college for all three services, including construction, IT, furnishing and facilities management

    RAF Lyneham Sewerage

    Lyneham, Wilstshire

    1-7-98

    4,0

    Refurbishment of existing facilities to meet regulatory standards

    Yeovilton Family Quarters

    Yeovilton

    24-7-98

    8,0

    Accommodation for 88 aircrew of two Lynx squadrons

    Attack Helicopters Training - Apache Simulator Training

    Dishforth;
    Wattisham;
    Middle Wallop

    1-8-98

    165,0

    Aircrew training for the Apache Attack Helicopter and some REME training

    RAF Mail

    National

    1-11-98

    12,0

    Informal messaging service for RAF

    RAF Fylingdales (Power)

    Fyli ngdales

    1-12-98

    8,0

    Provision of guaranteed power supply to the missile early warning system

    Light Aircraft Flying Training (LAFT) (Bulldog)

    National

    30-1-99

    20,0

    Provision of flying training and support services for University Air Squadron (UAS) and Air Experience Flight (AEF) tasks

    RAF Cosford and Shawbury Family Quarters

    Cosford; Shawbury

    30-3-99

    15,0

    Accommodation for 145 service families

    NRTA Fire Fighting Training Units

    Portsmouth

    1-4-99

    21,8

    Provision of fire fighting training facilities for Naval Recruiting and Training Agency

    Defence Intelligence System (DIS)/Information System (Touchstone)

    National

    30-6-99

    5,0

    Defence Intelligence Service (DIS) IS/IT, media and information services

    Tornado GR4 Simulator

    Marham;
    Lossiemouth

    30-6-99

    54,2

    Full training package including simulators, CBT and instructors

    Central Scotland Family Quarters (HQ)

    Edinburgh; Glasgow

    18-8-99

    24,0

    Provision of accommodation for service families in Edinburgh and Glasgow. NOTE: The property portfolio is widely spread and is in a number of constituencies. Consequently the constituency references are an approximation only.

    Army Foundation College (AFC)

    Harrogate, North
    Yorkshire

    4-2-00

    73,6

    Design and build of foundation college

    Main Building Refurbishment

    Whitehall,London

    5-5-00

    345,0

    Project to redevelop MoD main building and staff decant during build phase

    Tri Service Materials Handling Service

    National

    31 -5-00

    35,0

    Provision of remaining MHE vehicle fleet

    Naval Communications

    National

    1-6-00

    58,0

    Submarine fleet communications service

    Defence Electronic Commerce Service (DECS)

    National

    21 -7-00

    9,0

    Strategic partnership to deliver e-business environment to share information between MoD and trading partners.

    RAF Sentry E3D Aircrew

    Waddington,
    Lincs

    1-8-00

    5,5

    Simulators, instructors and maintainers at RAF Waddington

    Lynx Aircrew Training

    Middle Wallop

    1-8-00

    15,0

    Provision of aircrew training service at Middle Wallop

    Defence Animal Centre (DAC)

    East Midlands

    18-8-00

    10,6

    Redevelopment of new office, residential accommodation, animal husbandry and training support

    Tri Service White Fleet

    National

    26-1-01

    40,0

    Standard commercial vehicles for non-operational functions

    Commercial Satellite Communication Service - INMARSAT

    National

    1-4-01

    2,5

    Provision of replacement Inmarset terminals and airtime contract for RN ships

    Wattisham Married Quarters

    Wattisham, nr
    Bury St
    Edmonds,
    Suffolk

    18-5-01

    34,0

    DBFO of serviced accommodation for 250 properties

    Defence Housing Executive - Information Systems (DOMIS)

    National

    7-9-01

    11,0

    Provision of IT/ IS infrastructure services to around 200 DHE sites

    ASTUTE Class Training Service (ACTS)

    Scotland

    13-11-01

    79,6

    Provision of a training environment for crewmen and maintainers to support Astute Class Submarines

    Bristol, Bath and Portsmouth Family Married Quarters

    Bristol; Bath; Portsmouth

    30-11-01

    78,0

    Provision of serviced accommodation for 317 service families. NOTE: The property portfolio is widely spread and is in a number of constituencies. Consequently the constituency references are an approximation only.

    Heavy Equipment Transporters (HET)

    National

    11-12-01

    58,0

    Provision of vehicles to replace existing fleet and meet future requirements

    Marine support to Range & Aircrew Services

    National

    20-1 2-01

    11,9

    To bring the management,

    manning, operation and maintenance of Air Support Craft and Range Safety Craft into one integrated company

    Material Handling Equipment (MHE) - (Follow on)

    National

    2-5-02

    12,3

    Provision of equipment, maintenance, training and IS for MHE fleet worldwide

    Strategic Sealift (Ro-Ro Ferries)

    National

    1-6-02

    175,0

    Provision of Strategic Sealift service based on six RO RO ferries in support of Joint Rapid Reaction Force

    Field Electrical Power Supplies (FE PS)

    National

    1-7-02

    73,5

    Provision of generator sets to support operational electrical requirements in the field

    MOD-wide Water and Waste Water Project (Aquatrine) (Package A)

    National

    1-4-03

    154,0

    Provision of water and waste water services

    Defence Sixth Form College (DSFC)

    Garats Hay, Leicestershire

    10-6-03

    20,0

    The development of a 6th Form college to help meet the future recruiting requirements technical officers for the Armed Forces and the MoD Civil Service.

    Hayes PFI Project - Records Storage and Management

    National

    18-9-03

    11,1

    Pan-government Records Management and Archive Services.

    Skynet 5

    National

    24-1 0-03

    1079,0

    Range of satellite services,

    including management of existing Skynet 4 satellites.

    Colchester

    Colchester,
    Essex

    9-2-04

    539,4

    Redevelopment, rebuilding and refurbishment of Colchester Garrison to provide accommodation and associated services (messing, education, storage workshops etc)

    Devonport Support Services - ARMADA

    Devonport

    6-7-04

    44,5

    Provision of Support Services and Fleet Accommodation Centre services at Devonport Naval Base (HMS Drake) for 25 years.

    MOD-wide Water and Wastewater (Project Aquatrine) - Package C

    National/More
    Than One
    Region

    26-6-05

    174,3

    Provision of water and wastewater services at over 1 ,500 MOD sites in GB covering north, east and southeast England.

    C vehicles

    National/More
    Than One
    Region

    27-6-05

    114,4

    Provision of "C" vehicles (Earthmoving and Specialist Plant. Engineer Construction Plant and Materials Handling Equipment) and support for 15 years.

    MOD-wide Water and Wastewater (Project Aq uatrine) - Package B

    Scotland

    7-9-04

    86,4

    Provision of water and wastewater services at over 490 MOD sites in Scotland.

    Portsmouth Housing 2

    Portsmouth

    1-10-05

    27,0

    Provision of accommodation for service families.

    Total:
    55 PFI contracts in 10 years

    Total 4,57 milliards de livres

    value : 6,85 milliards d'euros

    Annexe II,
    Le système « Pay As You Dine »,

    « FOCUS », novembre 2006, l'équivalent d'Armées d'Aujourd'hui en Grande-Bretagne.

    Annexe III,

    Code de Conduite de l'International Peace Operations Association.

    Préambule

    Les membres de l'IPOA qui fournissent des services militaires exercent leur profession avec un profond sens de responsabilité. Ils sont conscients du grand impact potentiel de leurs services et s'efforcent d'assurer que leur savoir-faire n'est ni mal employé ni abusé. Les membres croient que les sociétés privées devraient être plus responsables, transparentes et franches en ce qui concerne leurs motifs que les organisations militaires semblables qui sont gérées par les Etats. Les sociétés croient fermement que les restrictions et les contrôles rigoureux sont appropriés dans la prestation de ces services afin qu'ils soient utiisés au plus grand profit de l'humanité.

    Le présent Code de Conduite vise à faire respecter les normes éthiques par les sociétés membres de l'IPOA qui travaillent dans les situations de conflit et de post-conflit afin qu'ils puissent offrir leurs services au profit de la paix internationale et de la sécurité humaine.

    Les membres de l' IPOA ont pris l' engagement de respecter les principes suivants dans toutes leurs opérations:

    1. Des droits de l'homme

    1.1. Dans toutes leurs opérations, les signataires respecteront la dignité de tout être humain et s' adhéreront strictement à toutes les lois et tous les accords relevant des droits de l'homme.

    1.2. Ils prendront toutes les dispositions utiles pour minimiser la perte de vies humaines et la destruction des biens.

    1.3. Les signataires acceptent de suivre tout règlement relevant de Droit international humanitaire et de Droit des droits de l'homme ainsi que tout accord et toute convention internationale, y compris, entre autres:

    1.3.1. La Déclaration universelle des droits de l' homme (1948) 1.3.2. La Convention de Genève (1949)

    1.3.3. Les Protocoles additionnels des Conventions de Genève (1977) 1.3.4. Le Protocole sur l'usage des armes toxiques et chimiques (1979)

    1.3.5. Les Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme (2000)

    2. De la transparence

    2.1. Les signataires travailleront avec intégrité, honnêteté, et équité.

    2.2. Les signataires commis dans les opérations de la paix ou de la stabilité s'engagent, dans la mesure du possible et conformément aux limitations contractuelles, à être ouverts et communicatifs avec le Comité International de la Croix Rouge et d'autres autorités concernées en ce qui concerne la nature de leurs opérations et tout conflit d'intérêt qui pourrait de n'importe quelle façon être perçu comme facteur ayant de l'influence sur les initiatives actuelles ou potentielles.

    3. De la responsabilité

    3.1. Les signataires comprennent la nature unique de la situation de conflit ou postconflit dans laquelle ils travaillent, et ils reconnaissent entièrement l' importance des lignes de responsabiité nettes et opératives pour assurer les opérations de paix efficaces et la viabiité de l'industrie à long terme.

    3.2. Les signataires acceptent de répondre légalement de leurs actions et celles des employés de la société devant les autorités compétentes. Alors que les sociétés ellesmêmes devraient sanctionner les petites infractions, les signataires s' engagent, dans la mesure du possible et conformément aux limitations contractuelles et légales, à coopérer pleinement avec les investigations officielles en ce qui concerne des allégations des violations contractuelles et celles du Droit humanitaire international et du Droit des droits de l'homme.

    3.3. En outre, les signataires s' engagent à prendre des actions fermes et définitives si les employés de leur organisation s'adonnent aux activités illégales.

    4. Des clients

    4.1. Les signataires s'engagent à ne travailler que pour les gouvernements légitimes et reconnus, les organisations internationales, les organisations non-gouvernementales et les sociétés privées légitimes.

    4.2. Les signataires n'acceptent pas des clients illégaux ou ceux qui contrecarrent activement les efforts internationaux pour la paix.

    5. De la sûreté

    5.1. En reconnaissant les niveaux de risqué inhérents aux activités dans les situations de conflit et de post-conflit, les signataires s' efforceront touj ours à travailler de façon sûre,

    responsable, et prudente, et feront de leur mieux pour assurer que tout le personnel de la société se tienne à ces principes.

    6. Des employés

    6.1. Les signataires s' assurent que tous leurs employés sont entièrement informés vis-à-vis du niveau de risque associé à leur travail, ainsi que des dispositions, des conditions et du contenu de leurs contrats.

    6.2. Les signataires promettent d'assurer que leurs employés sont en bonne santé, et que tous leurs employés sont bien passés au crible en ce qui concerne les besoins physiques et mentaux de leurs obligations conformément aux termes de leur contrat.

    6.3. Les signataires s'engagent à utiiser le personnel suffisamment formé et préparé dans toutes leurs opérations conformément aux normes bien précises de la société.

    6.4. Tout personnel sera examiné soigneusement, bien formé, encadré et pourvu d' instruction supplémentaire sur le cadre légal applicable et les sensibilités régionales dans la zone des opérations.

    6.5. Les signataires s'engagent à ce que tous leurs employés aient un statu légal dans leurs pays respectifs de citoyenneté ainsi qu'au niveau international.

    6.6. Les signataires acceptant d'agir de façon responsable et éthique vis-à-vis de leurs employés, y compris s'assurer que les employés sont traités avec respect et dignité, et de répondre de manière appropriée au cas où les allégations de mauvaise conduite de la part de l'employé seraient soulevées.

    6.7. Les signataires s'engagent à fournir à tous les employés la formation, l'équipement, et les matériaux appropriés et nécessaires pour leurs obligations selon les dispositions de leur contrat.

    6.8. On exige que les employés se comportent humainement, avec honnêteté, intégrité, objectivité et diligence.

    7. Des assurances

    7.1. Les employés locaux et étrangers auront à leur disposition des polices d'assurances de santé et de vie proportionnelles à leur salaire et au niveau de risque de leur service conformément au droit.

    8. Du contrôle

    8.1. Les signataires approuvent fortement l'utilisation des contrats détaillés qui précisent le mandat, les restrictions, les objectifs, les points de références, les critères pour le retrait et la responsabilité pour l' opération.

    8.2. Dans tous les cas - et compte tenu du retrait sécurisé du personnel et des autres sous la protection des signataires - les signataires sont commis à se conformer de façon professionnelle et dans les meilleurs délais aux requêtes légitimes du client, y compris le retrait d'une opération à la demande éventuelle du client ou des autorités gouvernementales compétentes.

    9. De l'éthique

    9.1. Les signataires promettent d'aller au-delà des exigences légales minimales et de soutenir les besoins éthiques impératifs supplémentaires qui sont nécessaires aux opérations efficaces relatives à la sécurité et la paix.

    9.2. Des règles d'engagement

    9.2.1. Les signataires qui pourraient éventuellement s'engager dans des hostilités armées établiront des « Règles d'engagement » appropriés avec leurs clients avant le déploiement, et travailleront avec leur client pour toute modification nécessaire en cas de changement important au niveau de menace et de la situation politique.

    9.2.2. Tous les règlements devraient se conformer au Droit international humanitaire et au Droit des droits de l'homme et mettre l' accent sur la bonne retenue et la prudence afin de réduire le nombre de victimes et les dommages, tout en sauvegardant le droit inhérent d' auto-Défense.

    9.3. Du soutien des organisations internationales et des ONG/la société civile et la reconstruction

    9.3.1. Les signataires reconnaissent que les services fournis par les organisations humanitaires sont nécessaires pour mettre fin aux conflits et pour soulager la souffrance humaine y associée.

    9.3.2. Dans la mesure du possible et conformément aux limitations contractuelles et légales, les signataires s'engagent à soutenir les efforts des organisations internationales, humanitaires et les organisations non gouvernementales et d'autres entités qui oeuvrent à épargner la souffrance humaine et à soutenir les objectifs de reconstruction et de réconciliation des opérations de la paix.

    9.4. Du Contrôle d'armes

    9.4.1. Les signataires qui utilisent les armes promettent d'accorder une importance capitale en ce qui concerne la responsabiité et le contrôle de toutes armes et munitions utiisées pendant une opération.

    9.4.2. Ils promettent de soumettre un compte-rendu authentifié et approprié de ces armes, et de les déclasser au terme d'un contrat. Les signataires s'abstiennent d'utiliser les armes illégales, toxiques, ou chimiques ou celles qui pourraient nuire à la santé à long terme et compliquer l' assainissement post-conflit et elles se limiteront aux armes appropriées aux opérations militaires ou celles de sécurité ou de maintien de l'ordre.

    10. De la qualité

    10.1. Les signataires s' engagent à assurer la qualité de leur travail et la satisfaction des clients.

    11. Des sociétés partenaires et sous-traitantes

    11.1. Dû à la nature complexe des situations de conflit ou post-conflit, les sociétés recourent souvent aux services des sociétés partenaires et des sous-traitantes pour l'exécution des obligations de leur contrat.

    11.2. Les signataires acceptent de choisir des sociétés partenaires et des sous-traitantes avec le plus grand soin et la due diligence et d'assurer qu'ils sont en conformité aux normes éthiques appropriées - en l' occurrence le présent Code de Conduite.

    12. De l'application

    12.1. Le présent Code de Conduite est le code officiel de l'IPOA et de ses sociétés membres. Les signataires s' engagent à respecter les normes énumérées dans le présent Code.

    12.2. Tout signataire qui faillit à faire respecter une disposition quelconque du présent Code peut être sujet de la révocation de l'IPOA à la discrétion du Conseil d'Administration de l'IPOA.

    Version: 10, adoptée le 31 mars 2005, crée le 1er avril 2001.

    Annexe IV.

    Convention internationale du 4 décembre 1989,
    contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction des mercenaires.

    Les Etats parties à la présente Convention,

    Réaffirmant les buts et principes consacrés par la Charte des Nations Unies et par la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies,

    Sachant que des mercenaires sont recrutés, utilisés, financés et instruits pour des activités qui violent des principes du droit international tels que ceux de l'égalité souveraine, de l'indépendance politique et de l'intégrité territoriale des Etats ainsi que de l'autodétermination des peuples,

    Affirmant que le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires doivent être considérés comme des infractions qui préoccupent vivement tous les Etats et que toute personne ayant commis l'une quelconque de ces infractions doit être traduite en justice ou extradée,

    Convaincus de la nécessité de développer et de renforcer la coopération internationale entre les Etats

    en vue de prévenir, de poursuivre et de réprimer de telles infractions,

    Préoccupés par les nouvelles activités internationales illicites liant les trafiquants de drogues et les mercenaires dans la perpétration d'actes de violence qui sapent l'ordre constitutionnel des Etats,

    Convaincus également que l'adoption d'une convention contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires contribuerait à l'élimination de ces activités répréhensibles et, par conséquent, au respect des buts et principes consacrés par la Charte des Nations Unies,

    Conscients que les questions qui ne sont pas réglées par une telle convention continuent d'être régies par les règles et les principes du droit international,

    Sont convenus de ce qui suit:

    Article premier

    Aux fins de la présente Convention,

    1. Le terme "mercenaire" s'entend de toute personne:

    a) Qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour combattre dans un conflit armé;

    b) Qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d'obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise, par une partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou payée à des combattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette partie;

    c) Qui n'est ni ressortissante d'une partie au conflit, ni résidente du territoire contrôlé par une partie au conflit;

    d) Qui n'est pas membre des forces armées d'une partie au conflit; et

    e) Qui n'a pas été envoyée par un Etat autre qu'une partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit Etat.

    2. Le terme "mercenaire" s'entend également, dans toute autre situation, de toute personne:

    a) Qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour prendre part à un acte concerté de violence visant à:

    i) Renverser un gouvernement ou, de quelque autre manière, porter atteinte à l'ordre constitutionnel d'un Etat; ou

    ii) Porter atteinte à l'intégrité territoriale d'un Etat;

    b) Qui prend part à un tel acte essentiellement en vue d'obtenir un avantage personnel significatif et est poussée à agir par la promesse ou par le paiement d'une rémunération matérielle;

    c) Qui n'est ni ressortissante ni résidente de l'Etat contre lequel un tel acte est dirigé;

    d) Qui n'a pas été envoyée par un Etat en mission officielle; et

    e) Qui n'est pas membre des forces armées de l'Etat sur le territoire duquel l'acte a eu lieu.

    Article 2

    Quiconque recrute, utilise, finance ou instruit des mercenaires, au sens de l'article premier de la présente Convention, commet une infraction au sens de la Convention.

    Article 3

    1.Un mercenaire, au sens de l'article premier de la présente Convention, qui

    prend une part directe à des hostilités ou à un acte concerté de violence, selon le cas, commet une infraction au sens de la Convention.

    2. Aucune disposition du présent article ne limite le champ d'application de l'article 4 de la présente Convention.

    Article 4

    Commet une infraction quiconque:

    a) Tente de commettre l'une des infractions définies dans la présente Convention;

    b) Se rend complice d'une personne qui commet ou tente de commettre l'une des infractions définies dans la présente Convention.

    Article 5

    1. Les Etats parties s'engagent à ne pas recruter, utiliser, financer ou instruire de mercenaires et à interdire les

    activités de cette nature conformément aux dispositions de la présente Convention.

    2. Les Etats parties s'engagent à ne pas recruter, utiliser, financer ou instruire de mercenaires en vue de s'opposer à l'exercice légitime du droit inaliénable des peuples à l'autodétermination tel qu'il est reconnu par le droit international et à prendre, conformément au droit international, les mesures appropriées pour prévenir le recrutement, l'utilisation, le financement ou l'instruction de mercenaires à cette fin.

    3. Ils répriment les infractions définies dans la présente Convention par des peines appropriées qui prennent en

    considération la nature grave de ces infractions.

    Article 6

    Les Etats parties collaborent à la prévention des infractions définies dans la présente Convention, notamment:

    a) En prenant toutes les mesures possibles afin de prévenir la préparation sur leurs territoires respectifs de

    ces infractions destinées à être commises à l'intérieur ou en dehors de leur territoire, y compris des mesures tendant à interdire les activités illé gales des individus, groupes ou organisations qui encouragent, fomentent, organisent ou perpètrent de telles infractions;

    b) En coordonnant les mesures administratives et autres à prendre pour prévenir la perpétration de ces infractions.

    Article 7

    Les Etats parties collaborent en prenant les mesures nécessaires pour appliquer la présente Convention.

    Article 8

    Tout Etat partie qui a lieu de croire que l'une des infractions définies dans la présente Convention a été, est ou sera commise fournit aux Etats parties intéressés, directement ou par l'intermédiaire du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, conformément aux dispositions de sa législation nationale, tous renseignements pertinents dès qu'il en a connaissance.

    Article 9

    1. Chaque Etat partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions définies dans la présente Convention qui sont commises:

    a) Sur son territoire ou à bord d'un navire ou d'un aéronef immatriculé dans ledit territoire;

    b) Par l'un quelconque de ses ressortissants ou, si cet Etat le juge approprié, par les apatrides qui ont leur

    résidence habituelle sur son territoire.

    2. De même, chaque Etat partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions définies aux articles 2, 3 et 4 de la présente Convention dans le cas où leur auteur présumé se trouve sur son territoire et où ledit Etat ne l'extrade pas vers l'un quelconque des Etats mentionnés au paragraphe 1 du présent article.

    3. La présente Convention n'exclut pas une compétence pénale exercée en vertu de la législation nationale.

    Article 10

    1. S'il estime que les circonstances le justifient, tout Etat partie sur le territoire duquel se trouve l'auteur présumé de l'infraction assure, conformément à sa législation, la détention de cette personne ou prend toutes autres mesures appropriées pour s'assurer de sa personne pendant le délai nécessaire à l'engagement de poursuites pénales ou d'une procédure d'extradition. Cet Etat partie procède immédiatement à une enquête préliminaire en vue d'établir les faits.

    2. Lorsqu'un Etat partie a, conformément aux dispositions du présent article, mis

    une personne en détention ou pris toutes autres mesures prévues au paragraphe 1 du présent article, il en avise sans retard directement ou par l'entremise du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies:

    a) L'Etat partie où l'infraction a été commise;

    b) L'Etat partie qui a fait l'objet de l'infraction ou de la tentative d'infraction;

    c) L'Etat partie dont la personne physique ou morale qui a fait l'objet de l'infraction ou de la tentative d'infraction a la nationalité;

    d) L'Etat partie dont l'auteur présumé de l'infraction a la nationalité ou, si celui-ci est apatride, l'Etat partie sur le territoire duquel il a sa résidence habituelle;

    e) Tout autre Etat partie intéressé qu'il juge approprié d'aviser.

    3. Toute personne à l'égard de laquelle sont prises les mesures visées au paragraphe 1 du présent article est en droit :

    a) De communiquer sans retard avec le plus proche représentant qualifié de l'Etat dont elle a la nationalité ou qui est autrement habilité à protéger ses droits ou, s'il s'agit d'une personne apatride, de l'Etat sur le territoire duquel elle a sa résidence habituelle;

    b) De recevoir la visite d'un représentant de cet Etat;

    4. Les dispositions du paragraphe 3 du présent article sont sans préjudice du droit de tout Etat partie ayant établi sa compétence conformément à l'alinéa b du paragraphe 1 de l'article 9 d'inviter le Comité international de la Croix-Rouge à communiquer avec l'auteur présumé de l'infraction et à lui rendre visite.

    5. L'Etat qui procède à l'enquête préliminaire visée au paragraphe 1 du présent article en communique rapidement les conclusions aux Etats mentionnés au paragraphe 2 du présent article et leur indique s'il entend exercer sa compétence.

    Article 11

    Toute personne contre laquelle une action est intentée pour l'une quelconque des infractions définies dans la présente Convention bénéficie, à tous les stades de la procédure, de la garantie d'un traitement équitable et de tous les droits et garanties prévus par le droit de l'Etat intéressé. Les normes applicables du droit international devraient être prises en compte.

    Article 12

    L'Etat partie sur le territoire duquel l'auteur présumé de l'infraction est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, est tenu, sans aucune exception, et que l'infraction dont il s'agit

    ait été ou non commise sur son territoire, de soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale, selon une procédure conforme à la législation de cet Etat. Ces autorités prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute autre infraction de nature grave conformément à la législation de cet Etat.

    Article 13

    1.Les Etats parties s'accordent l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure pénale relative aux infractions définies dans la présente Convention, y compris en ce qui concerne la communication de tous les éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la procédure. Dans tous les cas, la loi applicable pour l'exécution d'une demande d'entraide est celle de l'Etat requis.

    2. Les dispositions du paragraphe 1 du présent article n'affectent pas les obligations relatives à l'entraide judiciaire stipulées dans tout autre traité.

    Article 14

    L'Etat partie dans lequel une action pénale a été engagée contre l'auteur présumé de l'infraction en communique, conformément à sa législation, le résultat définitif au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, qui en informe les autres Etats intéressés.

    Article 15

    1. Les infractions définies aux articles 2, 3 et 4 de la présente Convention sont de plein droit comprises comme cas d'extradition dans tout traité d'extradition conclu entre Etats parties. Les Etats parties s'engagent à comprendre ces infractions comme cas d'extradition dans tout traité d'extradition à conclure entre eux.

    2. Si un Etat partie qui subordonne l'extradition à l'existence d'un traité est saisi d'une demande d'extradition par un autre Etat partie avec lequel il n'est pas lié par un traité d'extradition, il a la latitude de considérer la présente Convention comme constituant la base juridique de l'extradition en ce qui concerne ces infractions. L'extradition est subordonnée aux autres conditions prévues par la législation de l'Etat requis.

    3. Les Etats parties qui ne subordonnent pas l'extradition à l'existence d'un traité reconnaissent ces infractions comme cas d'extradition entre eux dans les conditions prévues par la législation de l'Etat requis.

    4. Entre Etats parties, les infractions sont considérées aux fins d'extradition comme ayant été commises tant au lieu de leur perpétration que sur le territoire des Etats tenus d'établir leur compétence en vertu de l'article 9 de la

    présente Convention.

    Article 16

    La présente Convention n'affecte pas :

    a) Les règles relatives à la responsabilité internationale des Etats;

    b) Le droit des conflits armés et le droit international humanitaire, y compris les dispositions relatives au statut

    de combattant ou de prisonnier de guerre.

    Article 17

    1.Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties concernant l'interprétation ou l'application de la présente Convention qui n'est pas réglé par voie de négociation est soumis à l'arbitrage, à la demande de l'un d'entre eux. Si, dans les six mois qui suivent la date de la demande d'arbitrage, les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur l'organisation de l'arbitrage, l'une quelconque d'entre elles peut soumettre le différend à la Cour internationale de Justice, en déposant une requête conformément au Statut de la Cour.

    2. Tout Etat peut, au moment où il signe la présente Convention, la ratifie ou y adhère, déclarer qu'il ne se considère pas lié par les dispositions du paragraphe 1 du présent article. Les autres Etats parties ne sont pas liés par lesdites dispositions envers un Etat partie qui a formulé une telle réserve.

    3. Tout Etat partie qui a formulé une réserve conformément aux dispositions du paragraphe 2 du présent article peut à tout moment lever cette réserve par une notification adressée au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

    Article 18

    1. La présente Convention sera ouverte à la signature de tous les Etats jusqu'au 31 décembre 1990, au Siège de l'Organisation des Nations Unies, à New York.

    2. La présente Convention sera soumise à ratification. Les instruments de ratification seront déposés auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

    3. La présente Convention sera ouverte à l'adhésion de tout Etat. Les instruments d'adhésion seront déposés auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

    Article 19

    1. La présente Convention entrera en vigueur le trentième jour qui suivra la date de dépôt auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies du vingtdeuxième instrument de ratification ou d'adhésion.

    2. Pour chacun des Etats qui ratifieront la Convention ou y adhéreront après le dépôt du vingt-deuxième instrument de ratification ou d'adhésion, la Convention entrera en vigueur le trentième jour après le dépôt par cet Etat de son instrument de ratification ou d'adhésion.

    Article 20

    1. Tout Etat partie pourra dénoncer la présente Convention par voie de notification écrite adressée au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

    2. La dénonciation prendra effet un an après la date à laquelle la notification aura été reçue par le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

    Article 21

    L'original de la présente Convention, dont les textes anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe font également foi, sera déposé auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, qui en fera tenir copie certifiée conforme à tous les Etats.

    EN FOI DE QUOI les soussignés, dûment autorisés à cet effet par leurs gouvernements respectifs, ont signé la présente Convention.

    Annexe V,

    LOI FRANCAISE relative à la répression de l'activité de mercenaire,
    n° 2003-340 du 14 avril 2003

    L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,

    Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : Article unique.

    Après le chapitre V du titre III du livre IV du code pénal, il est inséré un chapitre VI ainsi rédigé :

    << Chapitre VI

    << De la participation à une activité de mercenaire

    << Art. 436-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende le fait

    << 1° Par toute personne, spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé et qui n'est ni ressortissante d'un Etat partie audit conflit armé, ni membre des forces armées de cet Etat, ni n'a été envoyée en mission par un Etat autre que l'un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces armées dudit Etat, de prendre ou tenter de prendre une part directe aux hostilités en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération nettement supérieure à celle qui est payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions analogues dans les forces armées de la partie pour laquelle elle doit combattre ;

    << 2° Par toute personne, spécialement recrutée pour prendre part à un acte concerté de violence visant à renverser les institutions ou porter atteinte à l'intégrité territoriale d'un Etat et qui n'est ni ressortissante de l'Etat contre lequel cet acte est dirigé, ni membre des forces armées dudit Etat, ni n'a été envoyée en mission par un Etat, de prendre ou tenter de prendre part à un tel acte en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération importants.

    << Art. 436-2. - Le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet le recrutement, l'emploi, la rémunération, l'équipement ou l'instruction miitaire d'une personne définie à l'article 436-1 est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 EUR d'amende.

    << Art. 436-3. - Lorsque les faits mentionnés au présent chapitre sont commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables.

    << Art. 436-4. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues par le présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes :

    << 1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 ;

    << 2° La diffusion intégrale ou partielle de la décision ou d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci dans les conditions prévues par l'article 131-35 ;

    << 3° L'interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l'article 131-31.

    << Art. 436-5. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 12 1-2, de l'infraction définie à l'article 436-2.

    << Les peines encourues par les personnes morales sont :

    << 1° L'amende, selon les modalités prévues par l'article 131-38 ; << 2° Les peines mentionnées à l'article 13 1-39.

    << L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

    La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat. Fait à Paris, le 14 avril 2003,

    Jacques Chirac,

    Président de la République.

    Annexe VI,
    Matrice.

    Annexe VII,
    Diagramme décisionnel de la privatisation.

    Chronologie de l'externalisation, de la privatisation et du mercenariat.

    1870: Foreign Enlistment Act britannique.

    22 octobre 1968: Arms Export Control Act américain.

    Années 1970: Le Royaume-Uni lance les Public Private Partnerships (PPP),
    afin de contrecarrer les désordres économiques en cours.

    Août 1976: Report of the Committee of Privy Counsellors appointed to inquire into the recruitment of mercenaries (the 'Diplock Report'), HMSO.

    3 juillet 1977: Convention de l'Organisation de l'Unité Africaine pour l'élimination du mercenariat en Afrique, entre en vigueur en 1985.

    4 décembre 1989: Convention des Nations Unies contre le Recrutement, l'utilisation, le Financement et l'Instruction des Mercenaires. Ratifiée par 22 Etats, elle entre en vigueur en 2001.

    1992: Le gouvernement conservateur de John Major lance la Private Finance Initiative (PFI) en Grande Bretagne, renforçant l'impact des PPP.

    26 février 1998: Regulation Foreign Military Assistance Act sud-africain.

    11 mai 2001: Private Security Industry Act britannique.

    12 février 2002: Green Paper britannique: «Private Military Companies: Option
    for Regulation».

    23 juillet 2002: Ninth Report of the Foreign Affairs Committee: Private Military
    Companies.

    14 avril 2003: Loi française n° 2003-340 relative à la répression de l'activité
    mercenaire.

    Index

    A

    Abou Ghraib 61, 65, 69, 77, 81

    AirTanker Ltd 31, 43

    Armée 2, 11, 16,
    25, 28, 29, 35, 36, 37, 41, 42, 45, 46, 47, 57,

    60, 73, 77, 90, 91, 92, 93

    Armor Group 59, 68

    B

    Blair Tony 66

    British Association of Private Security

    Companies 8, 69

    Brooks Doug 12, 57, 76

    C

    Cheney Dick 59, 68, 82
    Comité International de la Croix Rouge .... 8, 55,

    61, 107

    Contrat 18, 20, 21,
    22, 24, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 34, 35, 36, 37, 38, 45, 46, 47, 50, 51, 52, 53, 56, 58, 59, 65, 69, 73, 76, 100, 101, 108, 109, 110, 127

    Convention du 4 décembre 1989 100

    D

    Dasseux Michel 37, 70, 73

    Défense 2, 6, 7, 8,

    10, 11, 12, 14, 18, 19, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 32, 34, 37, 38, 39, 42, 44, 47, 48, 57, 59, 60, 64, 65, 68, 70, 71, 72, 73, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 85, 86, 88, 89, 93, 95, 97, 109, 126, 127

    Diplock Report 16, 50, 95, 123

    Duguit Léon 85

    E

    Etat 2, 7, 10,

    11, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 25, 36, 37, 38, 41, 43, 45, 46, 47, 50, 51, 52, 53, 54, 56, 57, 58, 60, 61, 63, 64, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 74, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 88, 89, 90, 96, 97, 106, 111, 112, 113, 117, 119, 120, 123, 127

    Etats-Unis 10, 13, 15,
    25, 36, 38, 51, 57, 59, 60, 67, 68, 69, 71, 82, 88, 90, 96

    Eurest Support Services 8, 42, 99

    Externalisation 1, 2, 6,
    10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 21, 22, 24, 27, 28, 29, 30, 32, 34, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 44, 45, 47, 48, 53, 54, 56, 59, 62, 64, 67, 70, 71, 72, 73, 76, 78, 80, 81, 82, 83, 88, 89, 90, 91, 93, 100, 123, 126, 127

    F

    Foreign Enlistment Act 16, 123

    France 10, 25, 28,
    29, 36, 37, 38, 42, 43, 48, 60, 70, 93, 96

    Friedman 58, 86

    G

    Gouvernement 12, 16, 18,
    19, 20, 21, 25, 27, 30, 32, 33, 36, 43, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 55, 58, 59, 60, 61, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 79, 82, 83, 88, 107, 112, 118, 123

    Grande-Bretagne 1, 2, 6,
    10, 11, 13, 15, 16, 17, 19, 21, 22, 23, 29, 30, 32, 36, 38, 39, 43, 44, 45, 49, 52, 57, 60, 63, 64, 65, 66, 68, 69, 70, 71, 82, 85, 88, 90, 92, 96, 97, 105, 123, 126

    Green Paper 6, 48, 49,

    50, 52, 55, 63, 64, 65, 66, 68, 74, 89, 95, 123, 126

    H

    Hartley Keith 29, 31, 32, 45

    Hôpitaux 18, 44, 45, 82, 97

    I

    Irak 10, 43, 45,
    46, 52, 59, 65, 66, 67, 77, 94, 99

    K

    Kinsey 49

    Kohn Philippe 5, 23

    Krahmann Elke 37

    M

    Major John 19, 59, 123

    Makki Sami 5, 12, 22, 59

    Mercenaire 11, 16, 21,

    22, 25, 53, 54, 62, 66, 92, 96, 97, 100, 111, 112, 113, 119, 123, 127

    Minarchisme 86

    Ministère de la Défense 24, 26, 28,
    37, 38, 44, 60, 65, 73, 93, 97

    Ministry of Defence 8, 19, 22,

    23, 24, 25, 26, 28, 29, 30, 34, 35, 46, 48, 53, 56, 59, 65, 95, 96, 97, 98, 100, 101, 102, 103, 104, 127

    N

    National Audit Office 20, 48

    O

    Opération TELIC 47

    Organisation des Nations Unies 2, 8, 21,
    53, 57, 60, 76, 77, 79, 80, 82, 96

    P

    Private Finance Initiative 8, 13, 18,

    19, 20, 21, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 30, 32, 34, 36, 38, 53, 56, 58, 59, 71, 90, 95, 98, 100, 101, 104, 123, 127

    Privatisation 1, 2, 3,
    6, 7, 10, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 26, 32, 37, 39, 41, 42, 45, 47, 48, 53, 56, 57, 59, 60, 62, 64, 66, 69, 70, 72, 73, 74, 75, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 86, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 98, 100, 122, 123, 126, 127

    Public Private Partnership 8, 14, 18,

    19, 25, 27, 29, 30, 32, 58, 90, 98, 123

    R

    Ricardo David 15

    Rifkind Malcom 44, 59, 68, 82

    Royal Air Force 18, 27, 29,

    30, 31, 35, 101, 102, 103

    S

    SERCO 6, 26, 27,
    28, 29, 33, 42, 99, 126

    Singer Peter Warren 33

    Smith Adam 15

    Société de Sécurité Privée 8, 21, 22, 23

    Société Militaire Privée 8, 10, 12,
    13, 14, 17, 21, 22, 23, 25, 32, 45, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 57, 58, 59, 61, 62, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 72, 74, 75, 76, 77, 80, 81, 88

    Sous-traitance 2, 10, 11,
    15, 18, 23, 31, 37, 53, 72, 80, 88

    Sponsored Reserve 46, 48

    Staff College 28, 102

    T

    Territorial Army 46, 48

    U

    Union Européenne 6, 8, 14,
    36, 57, 70, 71, 80, 126

    V

    Value For Money 18, 26, 48

    W

    War on Want 65, 66, 67,
    68, 69, 74, 99

    Whole Life Costing 26

    Table des Matières.

    AVERTISSEMENT 4

    REMERCIEMENTS 5

    SOMMAIRE 6

    TABLE DES ABRÉVIATIONS 8

    INTRODUCTION 10

    A. UNE SITUATION PARTICULIEREMENT FAVORABLE POUR L'EXTERNALISATION ET LA PRIVATISATION DE LA SECURITE : LA GRANDE-BRETAGNE 15

    1. LES CONDITIONS D'UNE SITUATION FAVORABLE. 15

    a) un héritage culturel et politique adapté 15

    b) les actions gouvernementales 18

    c) Mécanismes et acteurs de la privatisation en Grande-Bretagne 21

    2. UN SECTEUR MATURE 25

    a) un secteur mature 25

    b) l 'exemple de SERCO 26

    c) les critiques du secteur 29

    d) un apport pour l'Union Européenne ? 36

    B. LA REGLEMENTATION EST-ELLE UNE REPONSE ADAPTEE A L'EXTERNALISATION ET A LA PRIVATISATION DE LA SECURITE ? 39

    1. LES DIFFICULTES DE L'EXTERNALISATION ET DE LA PRIVATISATION. 39

    a) La question épineuse de la rentabilité effective de la privatisation. 39

    b) Le domaine de « l'intangible » 42

    c) L'ultime problème : la différenciation entre paix et guerre 46

    2. VOLONTE DE CHANGEMENT ET CONTRAINTES LIEES A LA REGLEMENTATION DU SECTEUR PRIVE DE LA DEFENSE. 48

    a) Un point de départ : le Green Paper de 2002. 48

    b) Quelles options en définitive ? 52

    3. REGLEMENTER, UNE BONNE OPTION ? 55

    a) L'instabilité du secteur 56

    b) Le double jeu des acteurs 58

    c) Une tâche trop ardue ? 60

    C. POURQUOI PRIVATISER LES FONCTIONS REGALIENNES DE SECURITE ET DE DEFENSE ? 64

    1. LA REPONSE BRITANNIQUE A LA PRIVATISATION DE LA DEFENSE ET DE LA SECURITE. 64

    a) Une réponse locale à un phénomène global 64

    b) Un modèle exportable ? 70

    2. UNE REFLEXION DE TOUTES LES PARTIES. 72

    a) les commanditaires 72

    b) les prestataires 73

    c) la communauté internationale 74

    3. PRIVATISER LA SECURITE, PRIVATISER L'ETAT ? 78

    a) l 'extension du domaine étatique 78

    b) La dilution de la responsabilité étatique par la privatisation et l 'externalisation 81

    c) Démission ou adaptation de l'Etat ? 82

    CONCLUSION GENERALE. 88

    BIBLIOGRAPHIE 92

    LISTE DES ANNEXES. 100

    TABLEAU PRESENTANT LES DIFFERENTS CONTRATS SIGNES PAR LE MOD AU TITRE DE LA PFI 101

    LE SYSTEME « PAY AS YOU DINE » 105

    CODE DE CONDUITE DE L'INTERNATIONAL PEACE OPERATIONS ASSOCIATION 106
    CONVENTION INTERNATIONALE DU 4 DECEMBRE 1989 CONTRE LE RECRUTEMENT, L'UTILISATION,

    LE FINAN CEMENT ET L'INSTRUCTION DES MERCENAIRES 111

    LOI FRANCAISE RELATIVE A LA REPRESSION DE L'ACTIVITE DE MERCENAIRE 119

    DIAGRAMME DECISIONNEL DE LA PRIVATISATION 122

    CHRONOLOGIE DE L'EXTERNALISATION, DE LA PRIVATISATION ET DU MERCENARIAT. 123

    INDEX 124






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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand