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Les dons, phénomène anthropologique au coeur des élections au Burkina Faso: une analyse des comportements électoraux dans la ville de Ouagadougou

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par Oumarou Kologo
Université de Ouagadougou - DEA de sciences politiques 2007
  

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§2- Les canaux d'acheminement des dons

Différentes voies sont utilisées pour faciliter la transmission des dons à partir des sièges des partis politiques vers l'électorat. Il convient de noter que ce n'est pas seulement en période électorale que les partis font des offres aux populations. Les entretiens révèlent que pendant les fêtes religieuses (Ramadan, Tabaski, Pâques, Noël, ...) et à l'approche des élections des dons sont faits aux populations par le parti au pouvoir pour maintenir le contact. En effet N.A. avance que des tonnes de sucre et de riz ont été données aux populations des différentes régions du pays quelques jours avant la Tabaski de 2006. K.L56(*) confirme cette version en expliquant avoir lui-même participé à la distribution de certains produits comme le sucre, le thé et des gadgets, quelques jours avant les élections. Il termine en disant ceci: «  après les élections, je suis oublié et c'est seulement à l'approche de nouvelles élections qu'on recherche mes services ».

Le premier canal est constitué par les responsables politiques des partis au niveau national. Ceux-ci procèdent par une remise de cadeaux lors des campagnes et ce, à travers les meetings. Cadre de présentation et d'explication de leurs programmes électoraux, les meetings offrent l'occasion aux prétendants aux postes de montrer leur générosité pour certains, leur pouvoir économique pour d'autres ; en d'autres termes leur capacité à répondre spontanément aux diverses sollicitations des populations. Il y a aussi les visites nocturnes par lesquelles les hommes politiques soucieux de garder l'anonymat ou dans leurs tentatives de corruption, rencontrent certaines catégories d'électeurs. Ces personnes qui exigent des rencontres anonymes sont les leaders d'opinion (chefs coutumiers et religieux ainsi que les personnes très avancées en âge). Abondant dans le même sens, K.A.57(*) confie qu'un membre du bureau politique national de l'UPR qui est né dans son quartier (Samandin), y retourne chaque élection pour rencontrer les vieux du quartier afin d'obtenir leur soutien. Ces derniers pour exprimer leur soutien à cet homme politique, délèguent un d'entre eux qui passera dans les regroupements de jeunes et de femmes pour leur demander de voter pour lui ».

Ces catégories d'individus ont sous leur influence une partie importante de la population. Dans ce cas, obtenir leur assentiment permet d'avoir une longueur d'avance non négligeable. Dans une société où la séniorité (l'âge), le statut des acteurs en rapport avec leurs positions sociales ont une influence véritable sur le comportement des agents sociaux, on comprend aisément que les hommes politiques passent par ces hommes aux positions socioculturelles influentes pour assurer la transmission des messages et des autres dons. Ces personnes exercent en effet une « violence symbolique »58(*) sur les acteurs.

Il faut noter que malgré l'impact du phénomène d'urbanisation, de nombreux quartiers ouagalais ont un chef traditionnel. Les guides religieux sont aussi multiples surtout avec la diversité de religions qu'on rencontre dans la ville. Rencontrer ces personnes ressources au vu et au su des populations mettrait en mal la crédibilité dont ces derniers jouissent devant leurs disciples. Mais l'obtention de leur adhésion est une nécessité pour s'assurer une victoire.

Bien avant les meetings, les populations sont mobilisées et galvanisées par les responsables politiques locaux ou les leaders d'opinion acquis à la cause du parti. Ces personnes forment la catégorie des courtiers en politique. A Ouagadougou plusieurs partis disposent de représentants dans les secteurs. Il en est de même dans les provinces et départements du pays. Ces représentants ainsi que ceux qui auront été choisis pendant les campagnes pour jouer ce rôle sont les intermédiaires par lesquels les dons sont acheminés vers les populations. Ils assurent la distribution tout en prenant le soin de prendre leur part personnelle. Souvent ressortissants des différentes localités, ils assurent la transmission de la plupart des dons. A Ouagadougou, ces représentants sont des proches, des voisins ou des amis, des habitants de ces secteurs. Ils sont donc des gens connus et parfois respectés dans leur milieu. Ils jouissent de ce fait d'un pouvoir symbolique (le respect et la reconnaissance) qui leur permet d'être bien écoutés. Ces hommes n'assurent pas seulement la transmission des dons mais il arrive qu'ils donnent aussi de leurs propres moyens pour garder une bonne image auprès des habitants.

Pour K.R.59(*) du PDP/PS, il arrive qu'une même personne soit contactée par plusieurs partis politiques à cause de l'audience qu'elle a auprès des populations. Certains refusent mais la majorité joue le jeu avec tous les partis. Ainsi au secteur 27, dans le même groupe de jeunes, il existe des partisans voire des contacts de cinq partis politiques. Ces jeunes affirment qu'ils savent tous de quel bord chacun est, mais ils travaillent ensemble parce qu'ils formaient un seul groupe avant que les partis politiques ne les contactent. Ils sont amadoués, arrosés disent-ils pour mobiliser les gens à travers les matchs de football, des animations musicales au cours desquelles, micros à la main, ils passent les messages des différents partis. Ils ont les symboles de tous des partis avec lesquels ils travaillent qu'ils portent ou collent sur les lieux des rencontres. Juste après les rencontres, ces symboles et affiches sont rapidement arrachés et remplacés par ceux du parti annoncé. Pour toutes ces actions, ils reçoivent de l'argent, des appareils de musique, des gadgets, du thé et du sucre qu'ils ne peuvent tout garder pour eux seuls s'ils souhaitent avoir un nombre important de personnes dans les meetings.

Les meetings, les animations, les jeux de société sont les canaux par lesquels les mobilisateurs passent pour transmettre les cadeaux. Ces mobilisateurs sont soit des hommes politiques reconnus sur le plan national ou dans les régions, provinces et communes rurales soit des leaders d'opinions locaux et des élites des localités. Même si ces élites vivent dans d'autres villes ou localités, lors des élections, elles rentrent chez elles pour battre la campagne. S.A, membre du bureau de PDP/PS note que les partis passent aussi par les responsables des regroupements communautaires du quartier (communauté musulmane, communauté chrétiennes, associations, etc.) pour assurer la transmission des dons.

Les dons, faudrait t-il le souligner, ne sont pas tous dirigés vers l'électorat. On en distingue qui sont orientés vers d'autres partis politiques faiblement équipés et peu connus sur la scène nationale. En outre, les dons entre partis politiques se font dans la période post électorale pour préparer dans le silence les élections en vue. Ces dons serviraient à la capture des petits partis par les grands. Cette situation peut être interprétée comme une stratégie des grands partis pour se donner une image de bonne santé sur la scène politique ou une tactique des petits partis pour avoir une visibilité sur la scène nationale. La plupart des partis étant implantés à Ouagadougou, les tractations et toute forme d'échange entre eux affectent le climat sociopolitique de ladite ville.

Du reste, les dons ont connu une apparition effective dans le jeu électoral burkinabè depuis les élections de 1978. Mais, ce phénomène social a pris de l'importance dès l'avènement de l'ère démocratique dans les années 1990. De nombreux canaux sont utilisés pour leur acheminement vers l'électorat. En effet, ils sont soit transmis directement par les partis politiques, soit par le biais des intermédiaires politiques (les gatekeepers60(*)). Les donateurs ne sont pas seulement des hommes politiques comme on l'a souvent cru ou entendu. Il y a une implication effective des hommes d'affaires (commerçants, entrepreneurs et des responsables de bureaux ou de cabinets d'études) dans la distribution des dons électoraux.

* 56 Jeune étudiant, il a été représentant du PAI dans un bureau de vote à Gounghin. Il est aussi un mobilisateur des jeunes de son quartier pour le PAI.

* 57 Il est conseiller municipal CDP de Boulmiougou.

* 58 Violence exercée impliquant le consentement méconnu comme tel ou dénié de ceux sur qui elle est exercée.

* 59 K.R. est le délégué des jeunes et responsable à la mobilisation du PDP/PS dans le groupe de jeunes avec lesquels le focus a été réalisé au secteur 27. Dans ce même groupe, on note la présence de jeunes de tous bords : CDP, PAI, UNIRMS, FFS et PDP/PS.

* 60 Voir « Heurs et malheurs du clientélisme », M. Caciaglia, et I. Kawata, Revue française de sciences politiques Vol 51 n04, Paris, presse de la fondation nationale de sciences politiques, p569-586. Les gatekeepers font le lien ou jouent les intermédiaires entre le centre qui dispose et distribue les ressources et la périphérie (l'électorat).

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