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estime de soi et performances scolaires chez des adolescents (Togo)

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par Ibn Habib BAWA
Université de Lomé - DESS 2007
  

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CONSIDERATIONS TEORIQUES

I- PROBLEMATIQUE

Depuis quelques années, que ce soit en Afrique ou en Occident, la société a tendance à accorder une importance croissante au bien-être psychique et à

l'épanouissement personnel. Dès lors, le développement harmonieux de l'enfant est devenu une préoccupation qui concerne aussi bien les parents que les professionnels de l'éducation. Quel est le fondement de ce développement ? Selon Ki-Zerbo (1978, P.458) : « l'éducation est la locomotive du développement. »

L'éducation peut être formelle ou informelle. L'éducation formelle tient une place de choix dans le processus d'intégration des enfants à travers l'école. L'école offre aux enfants un cadre propice pour l'apprentissage des connaissances, des normes sociales et une formation de qualité. Compte tenu de cette grande utilité, pouvoirs publics et parents ne cessent de mobiliser les ressources nécessaires pour assurer l'éducation des enfants. Il y a même des parents qui vont jusqu'à s'endetter lorsqu'il s'agit de la scolarisation de leur progéniture. Malheureusement les performances scolaires que réalisent les enfants ne comblent pas toujours leurs attentes. Les mauvaises performances scolaires sont fréquentes.

Une performance, selon De Landsheer (1979, P.198) est « une activité destinée à accomplir une tâche. Le résultat de cette activité... La performance désigne aussi un résultat individuel (performance scolaire d'un élève), par opposition au rendement, résultat collectif. » Quant à Hotyat et Délpine-Messe (1973, P.230), une performance correspond aux « données précises sur le niveau maximal atteint par un apprentissage à un moment donné. Selon la nature de l'activité en cause, elles peuvent être numériques ou descriptives. » Perçue comme résultat individuel dans une activité, la performance scolaire est donc le résultat qu'obtiennent les élèves dans les différentes matières scolaires. Mais en fait, pourquoi certains élèves réalisent de bonnes performances et d'autres de mauvaises performances ?

En effet, la mise en avant des disparités naturelles dans la distribution des aptitudes intellectuelles, et par conséquent de la réussite scolaire, est la première invoquée pour expliquer les différences de réussite scolaire. On trouve, par exemple, que ceux qui échouent sont handicapés intellectuellement. C'est ainsi que pour Deschamps et al (1981), l'échec scolaire est un problème individuel, résultant d'un handicap intellectuel. Ils montrent une corrélation forte entre intelligence et réussite scolaire. De même Burt, Claparède et Jadouille (cité, par Reuchlin, 1970) trouvent des corrélations allant de .65 à .75, entre les résultats positifs aux tests d'intelligence et la réussite scolaire. Jensen (1969) et Hernstein (1971) non seulement adoptent la même position mais précisent aussi que les insuffisances intellectuelles sont héritées génétiquement.

Pour certains auteurs, des caractéristiques individuelles dont les déficiences sensorielles et les blocages psychoaffectifs sont à l'origine de l'échec scolaire. A cet effet, Scheifer et Bayley (1963) établissent qu'une atmosphère chaleureuse centrée sur l'affectivité des parents pour les enfants est plus associée à l'évolution intellectuelle de l'enfant. Motaze (1999) a montré que les élèves qui réussissent sont ceux qui bénéficient d'un climat affectif positif.

Avanzini (1977, P.78), pour sa part, estime que dans un climat affectif familial caractérisé par la mésentente entre les parents, le sentiment de méfiance, d'insécurité, l'élève développe un sentiment de culpabilité, de crainte et de frustration qui le prédispose à l'échec. Il affirme que « une sorte d'indisponibilité d'esprit, un affaiblissement des intérêts scolaires l'affecte puisque tout se passe comme si une telle situation provoquait chez lui une ankylose intellectuelle. »

Dans une étude de Crandall (cité par Tchable, 1999) menée sur 120 garçons et filles d'âge scolaire et leurs parents, les résultats montrent des corrélations significatives entre les attitudes des parents et les performances de leurs enfants. Les parents qui donnent plus d'affection à leurs enfants les voient réussir bien à l'école, alors que pour ceux qui n'en témoignent pas ou pas assez, leurs enfants sont confrontés à l'échec scolaire ou à des résultats médiocres. Enfin, Marcos (cité par Gokounous, 2000) soutient fermement que les enfants qui réussissent le plus à l'école sont ceux-là qui ont des parents plus affectueux.

D'autres auteurs, à travers de nombreuses recherches, ont établi une liaison entre performances scolaires et l'origine sociale des élèves.

Baudelot et Establet (1971) ont clairement montré que la répartition des élèves dans les différentes filières de l'institution scolaire était fortement corrélée avec leur position socio-économique.

Deschamps, Lorenzi-Cioldi et Meyer (1982) ont présenté une analyse des mécanismes sélectifs de systèmes d'enseignement, et ont constaté que le poids des variables socio-économiques et culturelles est fort et handicape davantage les enfants des milieux sociaux bas.

Caglar (1983, P.22) pour sa part, trouve une influence décisive des facteurs sociaux sur la réussite scolaire. A cet effet, il écrit qu' : « à la fin de la première année à l'école primaire, les résultats scolaires de l'élève portent l'empreinte des caractéristiques culturelles et familiales. La durée, la qualité des études de l'enfant vont dépendre en grande partie de son origine sociale. »

Vandenplast-Holper (cité par Motaze, 1999) montre que les enfants issus des familles socialement favorisées réussissent mieux à l'école que ceux issus des familles socialement défavorisées ; ceci à cause des conditions matérielles d'existence et de la plus grande stimulation intellectuelle rencontrées dans les familles.

De même, la dimension culturelle, l'action des sous-cultures juvéniles sur les comportements (Champagnol, 1986), les systèmes de valeurs différents suivant la classe sociale et les enjeux que suppose l'acculturation (Longchamps, 1985) lorsqu'on appartient à une culture subordonnée, concourent à fragiliser certains enfants par rapport à l'école et ses demandes. Dans la droite ligne de cette thèse, Bourdieu et Passeron (1964) estiment que les enfants issus des milieux favorisés où ils parlent et écrivent déjà la langue de travail scolaire ont moins de difficultés pour réussir. Par contre ceux issus des milieux défavorisés subissent une acculturation et échouent plus.

En adoptant un point de vue sociolinguistique, Bernstein (1971) montre qu'il existe une corrélation entre les modes d'expression cognitive et la structure de la classe dans ses dimensions sociales et culturelles. Au niveau langagier, il met en évidence deux types de langage présents à des degrés divers dans chaque groupe social : le code élaboré, formel à symbolisme abstrait permettant un accès plus aisé aux opérations logiques formelles utilisé par les classes favorisées, et le code restreint à symbolisme concret utilisant des concepts insuffisamment précis et différenciés limitant l'accès à la pensée formelle, utilisé par les classes défavorisées. Il va sans dire qu'à l'école, il y a des situations conflictuelles, des malentendus entre les enfants issus des classes socialement défavorisées et le maître qui utilise le code élaboré. Ainsi, très précocement, les enfants des classes populaires auront du mal à maîtriser la pensée hypothético-déductive. Or, l'évaluation scolaire ne garantit pas une valorisation de l'élève qui utilise une expression fautive.

Le handicap socio-économique et culturel caractérisé par la pauvreté économique et des conditions de vie est évoqué par certains chercheurs pour expliquer l'échec scolaire des élèves. Ainsi, Deble (1980) montre que les conditions sociales caractérisées par la pauvreté et tout son cortège de malnutrition, taudis, dégradation morale constitue le facteur le plus important de la déperdition scolaire. Houedanou (1981) trouve qu'au Bénin, la pauvreté reste un facteur essentiel des échecs et des abandons scolaires. Gnoukouya (1989) trouve que les échecs en classe de 3è sont remarquables parmi les enfants d'agriculteurs et d'artisans. Lawson-Body (1993) révele aussi que le statut socio-économique du père est en relation significative avec les performances scolaires.

D'autres chercheurs, eux, impliquent l'école elle-même dans l'origine des échecs des élèves. A ce sujet, Cherkaoui (cité par Gokounous, 2000) soutient que l'école est un facteur plus déterminant dans la réussite que l'origine sociale.

Rousvoal et Zapata (2001) estiment que l'enseignant sous l'effet de son statut social et de son histoire, se construit une représentation sociale (de l'écolier, idéal et/ ou du mauvais) qui se traduit en attentes. Celles-ci vont moduler leurs interactions et agir sur la qualité des performances scolaires. Dans le même sens, Rosenthal et Jacobson (1968) montrent que les enseignants sont sous l'influence des préjugés sur les élèves. Et lors de la correction des copies, ces préjugés les influencent quelle que soit leur personnalité. A partir du moment où « chaque maître reçoit à travers le langage et les attitudes de son élève des informations sur sa culture d'origine » (Pourtois et al, cité par Rousvoal et Zapata, 2001, P.70), l'enfant socialement désavantagé et catalogué. Quoique donc l'évaluation des connaissances cherche à vérifier l'atteinte des objectifs, on s'aperçoit qu'elle est source d'échecs des élèves. Piéron (1963, P.191) écrit que : « la notation du correcteur dépend de certaines caractéristiques qu'il utilise, de son ampleur et de son centrage et plus encore de la modalité de la réaction subjective traduite en chiffre. » Grisay (1984) est du même avis.

Quant à Perrenoud (1984 ; 1992), il montre que la situation pédagogique est assujettie à un certain nombre de contraintes liées au moment au cours duquel elle se déroule : lieu, temps de l'activité, le temps imparti pour l'exécution d'une tâche, la gestion et l'organisation pédagogique, et les contraintes du programme. Elles influencent le réseau de communication instauré par l'enseignant et les stratégies d'apprentissage des élèves.

L'inexpérience et la sous-qualification professionnelle des enseignants (Kougblenou, 1995), les effectifs pléthoriques des classes, l'insuffisance d'équipement, de matériels didactiques et manuels scolaires, la faiblesse de l'encadrement des élèves par les maîtres, le manque de motivation des enseignants (Lawson, 1997) sont aussi accusés d'être à l'origine des mauvaises performances. Heynaman (cité par Gokounous, P.25) conclut en ces termes : « la réussite dépend de la disponibilité des manuels et autres matériels imprimés... On a relevé une relation de cause à effet entre la disponibilité de manuels et de livres et les bons résultats des étudiants. »

Les travaux de Loubat et Maftouh (1989) et Rousvoal (2000) mettent en évidence l'importance de l'emplacement occupé par l'élève dans l'acquisition des savoirs. Au fur et à mesure que celui-ci s'éloigne de l'enseignant, il y a décroissance de la portée de son message et cela se traduit par une baisse notable des performances scolaires entre les élèves du devant et ceux du fond de la classe.

En somme, aucun des facteurs ne justifie, lui seul, les performances scolaires. Chacun a sa raison d'être selon la situation environnementale dans laquelle se trouve l'élève. Rousvoal et Zapata (2001, P.70) insistent sur le fait que : « la qualité des performances scolaires n'est donc plus simplement liée à des facteurs internes ou externes à l'école. Elle relève désormais d'un processus interactioniste dont les actions sont co-responsables. » C'est pourquoi, il nous semble pertinent de penser comme Fortin et Strayer (2000) pour qui l'adaptation et la réussite scolaire sont le fruit d'un processus interactif entre facteurs personnels et facteurs environnementaux.

En Afrique et au Togo en particulier, peu d'efforts sont consentis pour investir les facteurs personnels ou psychologiques pour comprendre la genèse des performances scolaires. Cela se remarque par la carence des travaux consacrés à cet aspect. Nous ne pouvons citer que Bawa (2002), Holu (2003), Kassouwa (2003). Ce qui fait que lorsque l'Etat, conscient de l'ampleur de taux d'échecs, voudrait améliorer le système éducatif, l'acteur `'élève'' est laissé pour compte. Un regard sur les mesures prises, par l'Etat togolais, depuis 1975, nous le prouve :

- augmentation des investissements en matière d'éducation,

- augmentation du nombre d'établissements,

- réduction des frais scolaires pour les parents,

- création des ENI (Ecole Normale d'Instituteurs), de l'ENS (Ecole Normale Supérieure), ENIJE (Ecole Normale des Institutrices de Jardins d'Enfants), DIFOP (Direction de la Formation Permanente),

- recrutement régulier d'enseignants.

Or, prendre en compte les caractéristiques psychologiques de l'enfant et de l'adolescent dans l'origine des performances scolaires est plus important que s'acharner sur les facteurs environnementaux face auxquels l'enfant est impuissant. Et l'une des caractéristiques psychologiques fondamentales à considérer est l'estime de soi, car elle est la base du développement global de l'enfant et de l'adolescent (Harter, 1990, Leonard et Gottsdanker-Willekens, 1987). 

Chez les adolescents, elle est plus essentielle car ils sont en quête d'autonomie et de maturité. Claes et Poirier (1998, P.102) écrivent que : « l'affirmation de l'autonomie constitue une des tâches majeures de l'adolescent. Prendre des décisions par lui-même sans se référer à l'autorité des parents, se démarquer de leurs idées et de leurs intérêts, affirmer son individualité et ses particularités, voilà autant de démarches qui garantissent le passage progressif vers la maturité adulte. L'adolescence est ce temps de la vie où les individus doivent se dégager des liens de dépendance envers les parents, pour gagner leur autonomie et affirmer leur identité propre. Mais, ce mouvement d'affirmation de soi s'opère en creusant des distances, car l'autonomie se gagne quotidiennement au prix de discussion, de confrontation et de réajustement. » Dès lors, nous comprenons que l'adolescence constitue un moment privilégié pour expérimenter des réalités nouvelles en dehors du contrôle familial. Selon Jessor, Donovan et Costa (1991) certains adolescents qui font fi du contrôle parental, s'engagent dans une constellation de conduites déviantes et courent des risques de sérieuses difficultés. Et ce sont ces difficultés qui engendrent ultérieurement des échecs ou les mauvaises performances et l'abandon scolaires, les perturbations des conduites délinquantes. Selon Claes (2001), trois principaux facteurs familiaux contribuent à l'éclosion et au maintien de ces problèmes. Il s'agit de la piètre qualité de l'attachement parental, de la présence de conflits sévères entre adolescents et parents, et de l'exercice inadéquat du contrôle parental. Dans cet ordre d'idées, Grootevant et Cooper (1986) affirment que l'accès à l'autonomie, la construction de l'identité et les bonnes performances scolaires à l'adolescence se réalisent adéquatement dans un cadre de support et d'acceptation parentale.

En milieu scolaire, l'estime de soi est, plus que tout, déterminante. Car, à l'école, l'élève n'est motivé à apprendre, à réussir que s'il a la conviction d'être capable de réaliser ce qu'on attend de lui au cours de l'acte pédagogique. A partir de là, il développe une image positive ou négative de lui-même en tant que sujet apprenant. Cette représentation de soi ayant une certaine prégnance sur son engagement et ses résultats (Bawa, 2002). Dès lors, composante essentielle de la construction identitaire, l'estime de soi donne à l'identité personnelle, sa tonalité affective et à ce titre, elle apparaît comme un fondement de la réussite à l'école. C'est pourquoi Lavoie (1993, P.131) affirme que : « le concept de soi constitue une réalité centrale liée à la réussite académique. »

Lorsqu'on aborde le sujet de l'estime de soi dans la littérature scientifique, on se trouve face à une multitude de termes utilisés de façon plus ou moins synonyme. Ainsi, on parle de conscience de soi, de perception de soi, de concept de soi, de représentation de soi, d'image de soi, voire d'identité de soi pour n'en citer que les plus courants. A priori, l'ensemble de ces termes a pour intérêt principal de définir le `'soi'' en tant que construction psychique complexe, mettant toutefois différemment en valeur certains mécanismes sous-jacents.

La conscience de soi décrit des processus psychologiques permettant à un ensemble de phénomènes, sensation, désirs, craintes... de s'organiser en un ensemble nommé le Moi.

Le terme perception de soi met l'accent sur les mécanismes en jeu lorsqu'on perçoit un objet : perception visuelle, tactile, kinesthésique.

Le concept de soi, essentiellement utilisé par les auteurs anglophones (self concept) est issu du courant cognitiviste tendant à faire du Moi un objet de connaissance comme d'autres, c'est-à-dire un objet construit, avec le risque de sous-estimer son originalité en tant qu'univers d'affects, de sentiments et d'angoisses animé par toute une dynamique inconsciente.

La représentation de soi, terme retenu par Perron (1991) pour son aspect polysémique, appartient au langage courant. La représentation, c'est ce que l'évocation donne à revoir de la perception, dans l'espace psychique interne, en l'absence actuelle de l'objet évoqué. Elle désigne donc à la fois une opération et son résultat. A cela s'ajoute un deuxième sens en liaison avec le monde du spectacle : donner une représentation, jouer un personnage. Toute représentation de soi peut être la perception de sa propre personne qu'en jouant un ensemble de rôles on donne, souhaite ou croit donner à autrui... et à soi-même.

L'identité de soi en tant que phénomène complexe et multidimensionnel est un système de représentations et de sentiments de soi. Elle renvoie au sentiment d'individualité, de singularité du sujet et de continuité de soi. Ce système n'est ni donné, ni statique car l'identité évolue et se transforme durant toute la vie.

L'image de soi, selon Argyle (1994) est l'ensemble des idées qu'un individu a sur lui-même, y compris son rôle (métier, classe sociale...), ses traits de caractères et son corps. Ces images propres sont alors composées de caractéristiques que les sujets attribuent de façon plus ou moins conscientes et qu'il intègre progressivement comme partie constituante de son Moi.

Quant à l'estime de soi, les chercheurs la considèrent comme la perception qu'une personne a d'elle-même (Shavelson, Hubner et Stanton, 1976). L'estime de soi ou concept de soi englobe la connaissance et l'évaluation de soi (Héroux et Ferell, 1985) et la description que la personne pense que les autres font d'elle (Muller, 1978). Cette image ou description comprend les capacités, les émotions, les croyances, les valeurs, les intérêts. En bref, l'estime de soi est l'évaluation globale de la valeur de soi en tant que personne, c'est-à-dire le degré de satisfaction de soi-même. Elle oriente la prise de conscience de soi et de connaissance de soi par l'appréciation positive ou négative que le sujet porte sur lui-même. Cette évaluation ne se fait pas uniquement par l'intermédiaire de connaissance de soi, car l'important n'est pas la réalité des choses, mais la conviction que l'on a d'être porteur de qualités ou de défauts, de potentialités ou limitations (André et Lelord, 1999).

Mais quel terme adopter ? Puisque d'après L'Ecuyer (1978, P.29), toutes ces notions, en fait, se réfèrent au même contenu : « ensemble de traits, d'images, de sentiments que l'individu reconnaît comme faisant partie de lui-même influencé par l'environnement et organisé de façon plus ou moins consciente », nous adoptons le terme estime de soi ; en le faisant, nous pensons accorder simplement un certain intérêt à l'aspect évaluation en tant que jugement de valeur, ce qui est d'autant plus pertinent si l'on considère que l'évaluation et la transmission de certaines valeurs sont des tâches essentielles de l'école.

Toutefois, la construction de l'estime de soi est un processus dynamique et continu qui commence bien avant la naissance et qui se prolonge tout au long de la vie. Son développement est fortement tributaire de la qualité des contextes (familiaux, scolaires), des interactions et des communications que toute personne arrive à engager dans ses différents milieux de vie, l'appréciation qu'elle portera sur ses réussites et ses difficultés.

Il va sans dire que les liens privilégiés créés dans le contexte familial et l'amour inconditionnel des parents constituent la base de l'estime de soi. Dépendant de ses parents, le petit enfant se sent comme il pense que les parents le voient. C'est leur regard, son premier miroir, qui lui reflète une image de lui plus ou moins favorable qu'il va progressivement intérioriser. Ainsi son estime de soi est intimement liée à la nature de ces premières interactions. Un enfant dont les parents sont capables de l'accepter dans sa différence et d'encourager ses efforts, qui sont disponibles et aimants a de fortes chances de construire un modèle de soi aimant et compétent. En revanche, un manque de renforcements positifs induirait un besoin croissant d'approbations externes qui entraîne à son tour une certaine dépendance vis-à-vis de l'extérieur, une dépendance liée à un manque d'identité qui peut se traduire, à l'âge de l'adolescence, par des comportements à risque.

Kellerhals et al (1992) ont montré qu'il existe un lien significatif entre l'estime de soi et le style éducatif et plus particulièrement la qualité de communication entre parent-enfant.

Eu égard à cela, on se rend compte que l'enfant arrive à l'école muni d'une estime de soi qui reflète l'intériorisation des attentes parentales et on pourrait penser qu'il possède une certaine prédisposition à la réussite ou à l'échec scolaire. A l'école, les variables telles que réussite ou échec, style pédagogique, attitude de l'enseignant, relation au groupe... peuvent avoir un impact sur l'estime de soi. Cet impact est d'autant plus fort que nous accordons une grande importance aux connaissances intellectuelles. De plus, `'être un bon élève'' ou `'réussir sa scolarité `'correspond implicitement à `'réussir dans la vie'' voire `'réussir sa vie'' et de ce fait, reflète les attentes parentales et le projet familial en rapport avec le devenir de l'enfant.

Pour susciter l'émergence d'une estime de soi positive, l'enseignant doit créer de bonnes conditions à chaque fois qu'il aborde une notion nouvelle ; ce sont ces conditions qui donnent à l'enfant l'envie de l'assimiler. L'enseignant doit être un interlocuteur privilégié sur lequel l'enfant reporte des affects liés à son vécu. Comme tel, il va créer un espace sécurisant qui aide l'enfant à aborder de nouvelles situations et qui favorise une relation de confiance. Cette dimension, si elle n'est pas prise en compte, compromet les efforts de l'enseignant et empêche l'apprentissage.

Chapman (1988) montre que la perception négative de soi déterminerait des attitudes négatives et comportements d'évitement face aux tâches scolaires. Ce qui réduirait la capacité de l'élève à les réaliser (Cooley et Ayres, 1988).

Bariaud et Bourcet (1998) montrent qu'une estime de soi élevée est associée à des comportements plus adaptés et plus positifs tels que la confiance en soi, l'anticipation positive de l'avenir, la recherche du soutien social, la confrontation active à la difficulté, la réussite scolaire ; en revanche, une estime de soi faible induit des attitudes dysfonctionnelles : tristesse, fatalisme, anticipation négative de l'issue de la difficulté, évitement, passivité, déni, échec scolaire.

Lamia (1998), quant à lui, dans son étude montre qu'une bonne estime de soi, résultant d'une auto-évaluation positive, facilite l'adaptation sociale de l'enfant à l'environnement scolaire et lui permet de se retrouver dans une situation de réussite scolaire, telle qu'elle est définie par les enseignants et le système scolaire. A l'opposé, une mauvaise estime de soi rend difficile, voire empêche une bonne adaptation sociale à l'environnement scolaire et amène l'enfant vers une situation de difficulté scolaire qui peut aboutir à des échecs scolaires.

Ces quelques travaux du monde occidental qui sont à notre suffrage, peu nombreux soient-ils, ont le mérite au moins d'exister et surtout d'avoir considéré l'estime de soi comme base des performances scolaires. Au Togo, l'estime de soi est un des parents pauvres en matière de recherche. Les études que l'on pourrait citer sont celle de Gbati (1988) qui a montré que les succès et insuccès scolaires ont une conséquence notable sur l'estime de soi (perspective contraire à la nôtre) chez les élèves des classes de troisième et celle de Bawa (2002) qui a montré que l'estime de soi est un facteur de réussite scolaire. Toutefois Bawa (op. cit.) n'a pas investi davantage précisément autour des adolescents quand on sait que tout le remue-ménage de toute leur personne se répercute sur l'estime de soi (Dolto, Dolto-Tolitch et Percheminier, 1989). Et comme les adolescents manquent de confiance en soi, Therme (1991) recommande beaucoup de discuter et d'étudier ce mal-être contemporain de l'adolescent.

C'est au regard de tout ce qui précède que nous pensons qu'il y a d'une part une portée théorique, et d'autre part une portée pratique à conduire la présente étude. La prise en compte de l'estime de soi, comme base de la réussite scolaire, nous permet d'apporter à la littérature psychologique en général et celle togolaise en particulier, un ensemble d'informations, qui pourrait concourir à une compréhension des performances scolaires. Sur l'autre plan, la présente étude pourrait permettre, d'une part aux parents de prendre conscience de l'importance de l'estime de soi dans leurs pratiques éducatives parentales, d'autre part aux enseignants d'améliorer les performances scolaires en créant les conditions valorisantes des adolescents, enfin aux adolescents eux-mêmes de connaître leurs forces, habiletés, qualités, limites personnelles afin de poser un jugement positif sur cette connaissance.

L'objectif poursuivi est l'étude de la relation qui pourrait exister entre l'estime de soi et les performances scolaires chez les adolescents.

II- ANALYSE THEORIQUE

La psychologie a pour rôle de décrire des comportements et d'en proposer des explications véritables. Ces explications se fondent sur des données théoriques qui constituent des cadres de référence.

Notre étude dont le but est de comprendre l'influence de l'estime de soi sur les performances scolaires des adolescents fait appel à des théories qui placent au centre de leur préoccupation l'estime de soi. Même si selon Harter (1998, P. 57) : « la plupart des professionnels définissent l'estime de soi comme l'évaluation globale de la valeur de soi en tant que personne. Il s'agit de l'évaluation qu'un individu fait de sa propre valeur, c'est-à-dire de son degré de satisfaction de lui-même », quant à savoir comment l'individu s'évalue, quels sont les éléments qui sont pris en considération, les avis divergent parfois. C'est pourquoi, nous regroupons ces avis en deux tendances :

- Estime de soi, construction personnelle et unidimensionnelle,

- Estime de soi, construction sociale et multidimensionnelle.

A- ESTIME DE SOI, CONSTRUCTION PERSONNELLE ET UNIDIMENSIONNELLE

Selon Tap (1998, P. 17), James est un des premiers auteurs à avoir considéré l'estime de soi comme résultant d'une construction personnelle depuis 1890. A cet effet, il pense que l'estime de soi est « la conscience de la valeur du Moi, met l'accent sur la dynamique intrapersonnelle et intrapsychique, sur la diversité des Moi (s) sur le rôle éminent des émotions dans la construction de soi et l'émergence de la valeur personnelle, sur l'importance de l'articulation entre le Moi actuel et les aspirations. Il s'intéresse à la personnalité en tant que structure, rigide ou souple, aux frontières précises ou diffuses. » Dans cette optique, l'articulation entre le Moi actuel et les aspirations d'un sujet jouerait un rôle primordial. Ainsi, plus la distance entre le soi réel et le soi idéal est grand, dans le sens que les succès ne correspondent pas aux ambitions, plus un individu aurait tendance à avoir une estime de soi ternie.

De même, Harter (1998, P. 59) estime que le rapport entre les réussites et les échecs déterminent l'évaluation globale défendue par James : « un individu aurait une haute estime de lui-même dans la mesure où ses succès seraient égaux ou même supérieurs à ses aspirations. Si, à l'inverse, les aspirations dépassent les réussites effectives, alors son estime de soi sera faible. » Elle précise qu'il ne s'agit pas d'effectuer un simple calcul mathématique, étant donné que certaines réussites auront davantage d'impact sur l'estime de soi, que d'autres pourront être perçues comme anodines...Cela dépend de l'importance que l'individu accorde au domaine concerné.

B- ESTIME DE SOI, CONSTRUCTION SOCIALE ET MULTIDIMENSIONNELLE

C'est à Cooley (1902) que revient le mérite d'apporter une nouvelle perspective avançant l'hypothèse selon laquelle le sentiment de valeur de soi serait une construction sociale façonnée par les interactions avec l'entourage, et cela dès l'enfance. Cooley parle alors de l'effet de miroir social (looking glass self) : c'est le regard des autres qui renvoie des indications permettant au sujet de connaître l'opinion qu'ils ont de lui. Cette opinion serait par la suite incorporée à la perception de soi, une perception qui dépendrait donc étroitement de la façon dont le sujet est perçu ou pense être perçu pas les autres. Dubar (2000) parle d'identité pour soi et d'identité par autrui.

A partir du début des années 80, les chercheurs (Harter, 1982 ; L'Ecuyer, 1981 ; Marsh, 1984 ; Muller, 1979 ; Shavelson et Bolus, 1982) ont adopté le modèle de Shavelson, Hubner et Stanton (1976) qui présente le concept de soi comme une structure multidimensionnelle parce que selon Pierrehumbert (1992, P.184) : « l'idée sous-jacente [...] est que l'image de soi, en particulier l'estime de soi n'est pas une réalité psychologique une et indivisible. Elle correspondrait au contraire à une multiplicité d'impressions, de sentiments relatifs à différents domaines du vécu quotidien, dans lesquels on peut être confronté à ses propres compétences et se trouver plus ou moins satisfait de soi-même. » C'est pourquoi, chaque personne développe un concept de soi global qui représente sa perception générale. Elle tend à organiser ses expériences et ses perceptions afin de leur donner un sens. Cette organisation se fait selon des domaines variés qui reflètent un système de catégories adopté par la personne ou partagé par un groupe. Shavelson, Hubner et Stanton (1976) indiquent que les enfants et les adolescents regroupent dans un premier temps ces informations en deux : le concept de soi scolaire et le concept de soi non scolaire. Dans un deuxième temps, chacun de ces concepts de soi se subdivise en un certain nombre de concepts spécifiques. Ainsi le concept de soi scolaire inclut un concept de soi spécifique à chacune des matières comme les mathématiques ou le français. Le concept de soi non scolaire inclut des domaines comme les relations avec les autres, les états émotionnels et affectifs, l'apparence et les capacités physiques. Enfin, à la base de la hiérarchie se trouvent la description et l'évaluation du comportement dans des situations spécifiques. Les recherches démontrent que le concept de soi se complexifie avec l'âge, et qu'il tend à devenir moins positif au profit d'un plus grand réalisme. En vieillissant, l'enfant démontre une plus grande capacité à adapter sa perception de soi selon les réactions et les niveaux de performances des autres. Les divers éléments du soi sont pondérés, hiérarchisés et combinés selon des équations extrêmement complexes (L'Ecuyer, 1994) dont l'individu n'a probablement pas conscience (Rosenberg, 1979).

Les résultats des équipes de recherches de Harter, de Marsh et de Shavelson indiquent que tous ces concepts de soi seraient relativement indépendants les uns des autres, car la description et l'évaluation que fait l'individu de son comportement peut varier d'un domaine à l'autre. Par conséquent, il semble que la modification d'un domaine du concept de soi (exemple social) n'a que très peu ou même pas d'effet sur d'autres domaines (exemple scolaire) (Muller, Chambliss et Muller, 1983), ni sur le concept de soi global (Sorsdahl et Sanche, 1985).

Selon Bandura (1997), l'estime de soi peut provenir d'auto-évaluations basées sur la compétence personnelle, mais aussi sur la possession de caractéristiques personnelles investies de valeurs positives ou négatives selon la culture (statut social...). C'est dans ce sens que l'estime de soi est multidimensionnelle (travail, vie sociale...). De plus, il précise qu'il n'y a pas de lien systématique entre le sentiment d'efficacité personnelle et l'estime de soi. Il existe des domaines qui favorisent ou défavorisent l'estime de soi. Par exemple, quelqu'un s'évaluant mauvais mathématicien mais qui n'accorde pas d'importance à cette activité n'en tire pas de conclusion négative sur sa valeur personnelle. Inversement, une personne peut s'estimer très compétente professionnellement, et en tirer une valeur négative par la nature de l'activité (huissier, prostitution...)

Selon Rosenberg (1979), le sentiment de compétence correspond au sentiment qu'à chacun de sa propre valeur, et à l'évaluation qu'il fait de ses compétences sur plusieurs dimensions spécifiques du soi. Celui-ci intervient dans les domaines d'activités dans lesquels s'investit quotidiennement le sujet qui subit alors l'influence de l'altérité. La compétence personnelle est relativisée par rapport à celle des autres. La dimension sociale est donc une composante importante qui influe sur le sentiment de compétence dans chacun des secteurs d'activités. Nous sommes alors plus ou moins satisfaits de nous-mêmes selon les secteurs. C'est au centre de ces domaines de compétences que se situe l'estime de soi.

Harter (1982) a effectué ses travaux en partant des thèses de James (1890) qui considèrent que l'estime de soi se renforce dans les situations de réussite et de Cooley (1902) qui pense que l'estime de soi se construit en fonction des interprétations que l'on fait des réactions de l'entourage à notre égard. Elle a trouvé l'effet du sentiment de compétence dans les différents domaines sur l'estime de soi globale et l'influence du soutien social sur le sentiment de compétence. Elle conclut que l'estime de soi se construit en fait en fonction de l'expérience subjective vécue par l'individu.

Lawrence (1988) et Harter (1982) proposent le modèle théorique du développement de l'estime de soi en classe suivant :

CONCEPT DE SOI

Image de

DIVERGENCE

EVALUATION

Compétences académiques : Compétences sociales : Compétences physiques :

Rendement scolaire Relation avec ses pairs Capacités athlétiques

Conduite à l'école Apparence physique

Soi Idéal :

Ce que l'enfant aimerait être

Image de soi :

Ce qu'est l'enfant

ESTIME DE SOI

Modèle théorique du concept de soi

selon Harter (1982) et Lawrence (1988)

Pour Lawrence (1988), l'estime de soi se définit par l'évaluation individuelle de la divergence entre image de soi et le soi idéal. Pour lui, l'enfant doit être en mesure de percevoir et d'évaluer ses caractéristiques et son potentiel personnels. A l'aide des travaux de Harter (1982), portant particulièrement sur la perception et l'évaluation des caractéristiques personnelles d'un enfant, il tire une certaine conclusion : l'enfant qui s'évalue de façon négative au niveau de ses compétences dans un domaine particulier, n'affecte pas pour autant le sentiment global de satisfaction qu'il peut ressentir par rapport à sa valeur personnelle.

Duclos, Laporte et Ross (1995) proposent un modèle impliquant l'estime de soi, la motivation, l'engagement et le sentiment d'efficacité dans le processus d'apprentissage. En effet, selon eux, en se concentrant sur le processus d'apprentissage, en corrigeant ses erreurs et en ajustant ses stratégies en cours de route, l'adolescent en vient inévitablement à connaître des succès. Il se sent alors efficace, étant conscient qu'il a adopté les bonnes attitudes et qu'il a choisi les bonnes stratégies. Il éprouve de la fierté qui nourrit l'estime de lui-même. Plus un adolescent réussit ce qu'il entreprend, plus il se sent efficace et fier, et plus il développe graduellement sa compétence. Se sentir compétent, c'est être convaincu que l'on peut relever avec succès n'importe quels défis si l'on adopte les attitudes favorables et les bonnes stratégies. Ce sentiment donne à l'adolescent de l'espoir et lui donne accès à de multiples apprentissages (Duclos, Laporte et Ross,1995). Toute cette conception est illustrée par le schéma suivant :

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille