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La question de la protection des droits de l'homme dans les rapports euro-méditerranéens

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par Marine GOUVERS
Faculté de droit de Poitiers - Master de recherche droit public fondamental 2008
  

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La question de la protection des droits de l'homme
dans les rapports euroméditerranéens

Mémoire
Présenté en vue de l'obtention du
diplôme de Master de recherche
droit public fondamental,
Sous la direction du Professeur Rahim Kherad

Par

Marine Gourvès

Poitiers, septembre 2008

La question de la protection des droits de l'homme
dans les rapports euroméditerranéens

Mémoire
Présenté en vue de l'obtention du
diplôme de Master de recherche
droit public fondamental,
Sous la direction du Professeur Rahim Kherad

Par
Marine Gourvès
Poitiers, septembre 2008

SOMMAIRE

Introduction

Première partie: Un cadre juridique impliquant la protection des droits de l'homme

Chapitre I. Le cadre multi dimensionnel du partenariat euro-méditerranéen Chapitre II. La stratégie de promotion des droits de l'homme du partenariat euro-méditerranéen

Seconde partie: Un processus lacunaire sur le terrain des droits de l'homme Chapitre I. Le non respect des termes du partenariat

Chapitre II. Solutions envisageables

Conclusion

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

APEM Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne

CE Communauté européenne

CJCE Cour de justice des Communautés européennes

IEDDH initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme

IEVP Instrument européen de voisinage et de partenariat

OLP Organisation de libération de la Palestine

ONG Organisation non gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

PEM Partenariat Euro-méditerranéen

PESC Politique étrangère et de sécurité commune

PEV Politique européenne de voisinage

TCE Traité établissant la Communauté européenne

UE Union européenne

UPM Union pour la Méditerranée

INTRODUCTION

L'introduction de la question des droits de l'homme dans les relations euroméditerranéenne est relativement récente. Initialement exclus des débats relatifs à la coopération économique de part et d'autre de la Méditerranée, elle s'imposa alors que la Communauté européenne (CE) inscrivait leur promotion au coeur de ses politiques de développement.

Au cours du XXIème siècle, les relations euro-méditerranéennes ont d'abord été marquées par la volonté de la Communauté européenne d'établir des relations étroites avec les Etats du bassin méditerranéen dans les années 1960-70. Cette volonté s'est concrétisée par l'adoption d'une série d'accords commerciaux à partir de 19721. Seule la Libye en fut exclue à cause de l'embargo sur les armes et des sanctions économiques auxquels elle avait été soumise du fait des activités terroristes qui lui étaient imputées2.

En matière de coopération politique, il fut reproché à la Communauté de s'être <<(étroitement) limitée à une sorte de diplomatie déclaratoire notamment dans le conflit du Proche-Orient où son plus grand succès semble d'avoir été capable de parvenir à une position commune à Venise en 1980»3. Les relations entre la Communauté et les Etats du pourtour oriental et méridional méditerranéen étaient donc à cette époque essentiellement de nature économique.

La fin de la guerre froide et la disparition des enjeux idéologiques liés à la quête d'Etats disposés à soutenir l'un ou l'autre bloc a marqué une évolution des relations extérieures de la Communauté européenne. Il fut alors question de développer une politique extérieure plus cohérente allant au delà de ses dimensions économiques traditionnelles.

Parallèlement, la guerre du Golfe et le conflit israélo-palestinien renforcèrent la volonté de stabiliser la région méditerranéenne bordant les frontières de l'Europe.

1 Union européenne et méditerranée : chronologie, disponible sur le site de la Documentation Française à cette adresse: http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/europe-mediterranee/chronologie.shtml

2 Elle conserve depuis 1999 un statut d'observateur au sein du partenariat.

3 Jean Paul Chagnollaud et Bernard Ravenel Bernard, <<Pour une politique méditerranéenne de l'Europe», in Confluences Méditerranée, n°7, Eté 1993.

C'est dans ce contexte que la Commission européenne proposa l'élaboration d'une <<politique méditerranéenne rénovée» au Conseil: <<La commission réitère sa conviction que la proximité géographique et l'intensité des rapports de toute nature font de la stabilité et de la prospérité des Etats tiers méditerranéens des éléments essentiels pour la Communauté ellemême. Une aggravation du déséquilibre économique et social entre la Communauté et les PTM [Pays Tiers Méditerranéens] du fait de leurs évolutions respectives serait difficilement tolérable pour la Communauté elle-même»4.

Ainsi, en 1992, fut élaborée une politique méditerranéenne rénovée plus ambitieuse visant à mettre en place d'une part, un soutien structurel aux gouvernements menant des politiques d'ouverture et de réformes économiques et, d'autre part, une amélioration de ses mode et volume de financement.

Cette politique a progressivement amorcé une orientation vers un partenariat global, confirmée consécutivement par les Conseils Européens de Lisbonne (1992) de Corfou et Essen (1994) et de Cannes (1995). Le conseil européen de Cannes fut l'occasion de réaffirmer <<l'importance stratégique [attachée] à ce que les relations de l'Union européenne avec ses partenaires de la Méditerranée prennent une nouvelle dimension»5 et annonçait la création d'un partenariat euro-méditerranéen (PEM).

En novembre 1995, à Barcelone, les quinze Etats membres de l'Union européenne (UE) et douze Etats méditerranéens6 se réunissaient sur la voie d'une même et grande ambition: la construction d'un partenariat global et durable entre les deux rives de la Méditerranée. Cette conférence donna lieu, les 27 et 28 novembre7, à la déclaration de Barcelone, texte initiateur du processus de Barcelone prévoyant d'une part le renforcement de la coopération politique, économique et sociale entre les partenaires et d'autre part l'assistance au développement des Etats méditerranéens via l'attribution d'une aide financière et technique de la part de la Communauté européenne.

Dans le contexte de la promotion des droits de l'homme ayant émergé à la fin de la guerre froide, la Déclaration de 1995 fixait entre autres objectifs celui du respect des droits fondamentaux dans le cadre du partenariat. Cet objectif, tout à fait nouveau dans des relations

4 Document cité par Jean Paul Chagnollaud et Bernard Ravenel, op. cit.

5 Conseil Européen de Cannes, 26 et27 juin 1995, conclusions de la présidence, p.6.

6 Cf. Carte de la région en annexe 1.

7 Cf. Texte de la déclaration en annexe 2.

qui avaient jusqu'alors des visées économiques, devait bouleverser les priorités établies et s'intégrer dans la politique de développement poursuivie par la Communauté dans une région qui ne brillait pas par son engagement dans ce domaine. La Communauté, ses Etats membres ainsi que chacun des nouveaux partenaires du Sud s'engageaient ainsi à respecter et à promouvoir les droits de l'homme dans le cadre de leurs relations mutuelles et dans le cadre de leurs politiques nationales propres. Dans cette perspective, différents instruments politiques, financiers et juridiques ont été mis en place, tant sur le plan régional que bilatéral. Il s'agit entre autres de l'instauration d'un dialogue politique régulier contribuant à officialiser le débat relatif à la question des droits de l'homme qui était auparavant proscrit des discussions et circonscrit au domaine de la politique intérieure; de l'établissement de programmes financiers de développement intégrant le respect des droits de l'homme comme condition à l'attribution de l'aide; et surtout, de l'introduction d'une clause de conditionnalité au sein des accords bilatéraux conclus entre la Communauté et chacun de ses partenaires.

Malgré sa vocation à améliorer la situation des droits de l'homme sur le pourtour méditerranéen, la politique mise en place au cours de ces dix dernières années n'a pas eu les effets escomptés et le partenariat euro-méditerranéen souffre aujourd'hui d'ambitions déchues. Les violations des libertés fondamentales restent en effet monnaie courante au sein des pays du Sud et le manque d'engagement sur ce terrain est resté flagrant. En effet, la coopération économique n'a pas été affectée par le manque de résultats obtenus sur le terrain des droits de l'homme et la Communauté européenne semble être restée aveugle à la détérioration de la situation en s'abstenant de recourir aux instruments ad hoc dont elle s'est dotée.

On peut ainsi remettre en cause la place qui a été attribuée dans les faits à la promotion du respect des droits de l'homme dans les relations euro-méditerranéennes. La question reste posée de savoir si la politique relative aux droits de l'homme dans le cadre du partenariat était vraiment adaptée aux défis régionaux tels que le refus qu'y opposent depuis des décennies les régimes autoritaires du Sud.

Il convient alors de s'interroger sur l'insuccès du partenariat dans le domaine des droits de l'homme: quelles sont les causes et la nature de l'échec de la stratégie de promotion des droits de l'homme dans le cadre des relations euro-méditerranéennes?

L'actualité de cette étude se vérifie à l'aune de la mise en place d'une nouvelle
politique économique dans la région, «Processus de Barcelone: Union pour la Méditerranée»

(UPM) visant à prendre le relais du partenariat. En effet, la complexité et la faible efficience du processus de Barcelone ont été critiquées8 et depuis 2000 la Commission européenne a reconnu la nécessité de donner un nouvel élan au processus. Cependant, «s'entendre sur la nécessité d'un changement ne suffit pas pour qu'il se réalise, notamment lorsque est concerné le fonctionnement d'une enceinte internationale régie par le consensus»9. Ainsi, si la mesure des faiblesses sociales du processus de Barcelone semble avoir été prise par les initiateurs de l'Union pour la Méditerranée, les ajustements indispensables à l'effectivité de la promotion des droits de l'homme dans la région n'y sont pas à l'ordre du jour.

En somme, il ne suffit pas de simplement constater que la situation des droits de l'homme ne s'est pas améliorée dans la région méditerranéenne mais il convient de s'interroger sur les raisons de cet échec afin de permettre une amélioration de la situation. Dans cette optique, une première partie consacrée à l'exposition du contexte juridique de notre exposé présentera le contenu général du partenariat avant d'analyser les éléments consacrés à la protection des droits de l'homme. Dans la seconde partie, nous étudierons les lacunes de l'application de ces dispositions, avant d'en explorer les solutions envisageables.

8 Sous la coordination de Frédéric Allemand, «L'Union pour la Méditerranée, pourquoi, comment?», publié par la Fondation pour l'innovation politique, juin 2008, p. 4.

9 Ibid, p. 10.

PARTIE I : UN CADRE JURIDIQUE IMPLIQUANT LA PROTECTION DES
DROITS DE L'HOMME

Il est indispensable de revenir sur les tenants et les aboutissants du partenariat afin de déterminer quels sont ses objectifs, ses institutions et les mécanismes mis en place pour d'assurer son bon fonctionnement.

C'est pourquoi le cadre multidimensionnel du partenariat sera d'abord présenté (chapitre I.) avant que la place réservée aux droits de l'homme dans le processus et la stratégie développée dans le but d'assurer leur respect et leur promotion soit étudiée (chapitre II).

CHAPITRE I. LE CADRE MULTI DIMENSIONNEL DU PARTENARIAT EURO- MEDITERRANEEN

Le partenariat euro-méditerranéen a été construit selon un principe de complémentarité entre une structure multilatérale établie au niveau régional (I) et une structure bilatérale ayant connu quelques modifications récemment, permettant une meilleure adaptation de la coopération entre l'Union et chacun de ses partenaires (II).

I. La structure multilatérale du partenariat euro-méditerranéen

La structure multilatérale du partenariat a été développée afin d'une part, d'assurer la cohérence de la politique de coopération entre les partenaires et d'autre part de garantir la continuité et le renforcement d'un dialogue entre les deux rives de la Méditerranée. Il est important d'insister sur le champ d'application du partenariat euro-méditerranéen (A) avant d'exposer les différents instruments multilatéraux développés dans le cadre du partenariat (B).

A. Le champ d'application du partenariat

Il convient d'abord d'étudier dans son ensemble le texte de référence du partenariat (1) avant de déterminer quel est son champ d'application et le rôle des institutions communautaires dans sa mise en oeuvre (2).

La déclaration finale de la Conférence ministérielle euro-méditerranéenne de Barcelone du 27 et 28 novembre 1995 est le document fondateur du partenariat euroméditerranéen; elle est assortie d'un programme de travail. Il est important de noter que ce document n'a aucune force juridique contraignante et s'inscrit dans la lignée des actes politiques: il fixe des principes généraux et des objectifs communs aux membres du partenariat dans une quarantaine de domaines10.

Cette Déclaration a été adoptée par les quinze ministres des Affaires étrangères des États membres de l'UE et des douze Etats tiers méditerranéens11 afin de développer «une

10 Eric Philippart, «The Euro-Mediterranean Partnership: A Critical Evaluation of an Ambitious Scheme», European Foreign Affairs Review, 8 p. 202, 2003.

11 Il s'agissait à l'époque de l'Algérie, Chypre, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie, Turquie et Autorité palestinienne. Aujourd'hui, le partenariat réunit 37 membres: les 27 membres de l'UE et 10 Etats du pourtour méditerranéen: Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie, Turquie et Autorité palestinienne (Malte et Chypre ayant intégrés l'UE depuis).

coopération globale et solidaire, qui soit à la hauteur de la nature privilégiée des liens forgés par le voisinage et l'histoire»12. Elle établit un cadre multilatéral durable respectant des spécificités des partenaires13 allant de paire avec un renforcement des relations bilatérales. L'enjeu du partenariat établi par la déclaration est de faire du bassin méditerranéen «une zone de dialogue, d'échange et de coopération qui garantisse la paix, la stabilité et la prospérité». Cette zone doit s'appuyer sur le «renforcement de la démocratie et le respect des droits de l'homme, un développement économique et social durable et équilibré, la lutte contre la pauvreté et la promotion d'une meilleure compréhension entre les cultures, autant d'éléments essentiels du partenariat»14.

L'enjeu économique du partenariat tient une place primordiale d'autant plus qu'il est lié à des aspects sécuritaires chers à l'UE, en effet, selon Khader Bichara, «du point de vue de l'Union européenne, l'amélioration de la situation économique en Méditerranée répond d'abord à une exigence de sécurité: elle permet d'atténuer la pression migratoire, la croissance démographique, la montée de mouvements politiques extrémistes et d'écarter la menace d'extériorisation des conflits internes»15.

Ainsi, le partenariat doit être fondé sur «un dialogue politique renforcé et régulier, un développement de la coopération économique et financière et une valorisation accrue de la dimension sociale, culturelle et humaine>>16.

Le partenariat repose sur une division de ses objectifs en trois axes qui constituent les trois volets du partenariat euro-méditerranéen.

Cette approche tridimensionnelle constitue l'originalité du partenariat et n'a pas d'équivalent dans les autres relations privilégiées que l'UE a établi avec des Etats tiers. Chacun des volets sera brièvement présenté et mis en relation avec les institutions communautaire y jouant un rôle.

12 Préambule de la Déclaration de Barcelone, 1§.

13 Ibid 3§.

14 Ibid 6§.

15 Khader Bichara, « Le partenariat Euro-méditerranéen après la conférence de Barcelone », Cahiers de Confluences, L'Harmattan, 1997, p.87.

16 Préambule de la déclaration, §8.

Le premier volet du processus - politique et sécurité- a pour objectif la définition d'un espace commun de paix et de stabilité. Il rappelle les principes énoncés dans la charte des Nations Unies et prévoit la mise en place d'une coopération entre les membres du partenariat afin de lutter contre le terrorisme, la criminalité organisée, les drogues, la prolifération d'armes de destruction massive, nucléaires et chimiques. Cette section, exprimée en termes relativement vagues et généraux ne devait produire de résultats que sur le long terme17.

Ce premier volet s'intègre dans la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), le Conseil de l'Union en étant l'organe central, il adopte des actions et positions communes dans la lignée des stratégies définies par le Conseil Européen.

Le deuxième volet du partenariat vise à construire <<une zone de prospérité partagée» via un développement économique durable et équilibré et l'amélioration des conditions de vie des populations. Cette section, bien plus longue et détaillée que la première, est considérée comme étant <<le coeur de la déclaration et le moteur du processus»18.

Les Etats s'y engagent à instaurer une zone de libre échange avant 2010, des concertations économiques et à augmenter l'assistance financière attribuées aux partenaires méditerranéens. La libéralisation des échanges doit se faire sur la base d'accords bilatéraux prenant en compte les niveaux de développement respectifs des partenaires et de leurs besoins et en modernisant les structures économiques et sociales.

La Commission Européenne a l'initiative des politiques adoptées dans le cadre du deuxième volet. Elle est chargée de la mise en oeuvre et du suivi du programme de la déclaration de Barcelone; elle négocie les accords bilatéraux, après validation du Conseil de l'Union et veille à l'application des programmes financiers qu'elle définit elle-même.

Enfin le dernier volet est relatif au partenariat dans les domaines culturel, social et humain et a pour objectif de développer les ressources humaines, favoriser la compréhension entre les cultures et surtout le développement des relations entre les sociétés civiles méditerranéennes et européennes. Il met en valeur l'importance de la coopération dans des domaines tels que la santé, le contrôle des flux migratoires, la lutte contre la corruption et insiste également sur l'importance à donner à l'éducation et aux médias. En outre, si la société civile est censée intervenir dans chacun des volets de la déclaration, elle trouve ici sa place et son importance premières.

17 Richard Edis, «Does the Barcelona Process matters? », in Mediterranean Politics, Vol. 3 (1998), p. 97.

18 Idem.

Ce volet est le témoin de l'enchevêtrement des compétences institutionnelles du fait de la transversalité de ses objectifs. Chacune des institutions est amenée d'une façon ou d'une autre à y intervenir: la Commission doit y jouer le rôle budgétaire qui lui est propre, le Parlement Européen y intervient dans le cadre du troisième pilier de l'Union (Justice et affaires intérieures) et le Conseil doit tenir compte de ses objectifs lorsqu'il adopte des positions et actions communes.

Du fait du chevauchement de leurs compétences, les institutions européennes peuvent adopter des politiques relatives à chacun des volets ce qui peut parfois nuire à la clarté du partenariat.

Le partenariat n'ayant pas de secrétariat à proprement parlé, la Commission joue un rôle de «secrétariat opérationnel»19: en charge de l'organisation des réunions, de la préparation des conférences interministérielles, elle rédige les conclusions des conférences à l'avance, ce qui a un impact non négligeable sur la marge de manoeuvre des Etats membres.

Le rôle du Parlement européen s'est affaibli au fil des années: s'il avait le pouvoir de contrôler le budget de la coopération euro-méditerranéenne avant le lancement du partenariat et par là même d'influencer l'application de la conditionnalité économique insérée dans les accords de coopération bilatéraux, il s'est vu cantonné à la délivrance d'avis non contraignants et la production de rapports20.

Selon Dorothée Schmid, les parlements nationaux ne s'impliquent pas véritablement dans le processus, ils n'interviennent que dans les procédures de ratification des accords bilatéraux de libre échange qui n'engendrent que des débats d'ordre essentiellement techniques sans interrogation sur la nature ou la pertinence du schéma de Barcelone. Ils sont cependant, davantage impliqués depuis 2003, grâce à la création de l'assemblée parlementaire euroméditerranéenne à laquelle siègent leurs représentants.

Si la raison d'être du partenariat est théoriquement la création d'une coopération égalitaire entre les deux rives de la Méditerranée, en pratique la coopération est asymétrique. Cela est surtout dû au fait que l'Union européenne est l'unique bailleur de fond du partenariat, ce qui lui assure un quasi monopole sur le pouvoir décisionnel, le contrôle des procédures par

19 Dorothée Schmid, « Les institutions européennes dans le PEM: de la répartition des compétences à la gestion des dynamiques quotidiennes », Article n°36, 2004, p. 8, disponible sur le site EUROMESCO.

20 Ibid, p. 10.

ses institutions et à terme réduit l'influence des Etats méditerranéens qui sont tributaires de l'assistance financière.

Des institutions multilatérales ont été spécialement créées afin d'assurer le suivi et la survie du partenariat,

B. Des instruments multilatéraux destinés à assurer la continuité du dialogue interétatique

Le programme de travail de la déclaration de Barcelone prévoit la création de sommets ministériels, du comité EUROMED, d'une assemblée parlementaire, d'instruments financiers et des forums civils euro-méditerranéens qu'il convient de présenter successivement.

- Les conférences euro-méditerranéennes des ministres des affaires étrangères

Les ministres des affaires étrangères de chacun des partenaires doivent se rencontrer à l'occasion des sommets euro-méditerranéens «afin d'assurer le suivi de l'application de la déclaration et de définir les actions visant la réalisation des objectifs du partenariat»21. Depuis la signature de la déclaration, huit conférences euro-méditerranéennes des ministres des affaires étrangères ou conférences euro-méditerranéennes ont eu lieu. Elles sont prévues tous les dix huit mois -parfois entrecoupées de conférences sectorielles ad hoc. Leur organisation a pu poser problème lorsque certains des Etats arabes ont refusé d'accueillir sur leur territoire des représentants du gouvernement israélien. Tel fut le cas lors de la conférence de Valence marquée par l'absence de représentants du Liban et de la Syrie du fait de la présence israélienne.

- Le Comité EURO-MED

Dans la lignée des conférences, ce Comité joue un rôle d'impulsion et de suivi du partenariat «dans toutes ses composantes» aux termes de la déclaration de Barcelone. Il est composé d'un haut fonctionnaire par Etat membre du partenariat et de la Troïka - les représentants de l'Etat en charge de la présidence européenne, du prochain Etat en charge de la présidence, de la Commission européenne et le haut représentant de la PESC.

Le Comité se réunit environ six fois par an pour discuter et réviser l'agenda et le programme de travail du partenariat, en établir les priorités et les orientations. Il est en charge

21 Déclaration de Barcelone, sous le titre: Suivi de la conférence.

de préparer les conférences ministérielles euro-méditerranéennes. De plus, les Etats qui ne sont pas membres du partenariat tels que la Libye, la Mauritanie y sont acceptés comme observateurs.

En principe, la Commission doit tenir compte de ses travaux mais n'y est juridiquement pas contrainte. L'incapacité du Comité à prendre des décisions à l'unanimité du fait des divergences politiques affecte considérablement son efficacité.

- L'assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM)

Cette assemblée a été approuvée par la conférence ministérielle de Naples de 2003, elle se prononce sur tous les sujets relatifs au partenariat, assure l'application des accords bilatéraux et est compétente pour adopter des résolutions et adresser des recommandations à la conférence euro-méditerranéenne. Elle est composée de 240 membres dont 120 proviennent des Etats méditerranéens et 120 des Etats membres de l'UE (75 membres des parlements nationaux et 45 membres du Parlement européen). Trois commissions parlementaires comprenant chacune 80 députés sont responsables de chacun des volets du partenariat. Elle se réunit une fois par an, la dernière session plénière de l'assemblée s'est déroulée à Athènes, les 27 et 28 mars 2008. Ses membres se sont déclarés résolus entre autres à renforcer la dimension parlementaire du processus, ils ont insisté sur la nécessité de convenir d'une définition du terrorisme et de renforcer la gestion conjointe des flux migratoires.

- Les instruments financiers du partenariat

Depuis la naissance du partenariat, ses modes de financement ont évolué. Plusieurs programmes ont été élaborés, pour des périodes prédéterminées: MEDA I et II et ENIP. En parallèle coexiste le programme de la banque européenne d'investissement FEMIP.

Le programme MEDA (pour mesures d'accompagnement) fut établi en 1996 pour une durée de quatre ans et fut mis à jour par le programme MEDA II en 2000. Ces programmes permettaient à l'UE d'apporter une aide financière aux Etats méditerranéens dans la mise en place du processus, en se substituant aux différents protocoles financiers bilatéraux qui existant entre l'Union et eux. Il s'agissait d'une aide globale attribuée par projets établis et non par Etat et en fonction du respect de certaines conditions (respect des accords, des droits de l'homme, progrès des réformes etc.). Le dessein de l'aide financière était de «procéder à des réformes des structures économiques et sociales [des Etats méditerranéens] et d'atténuer les

conséquences qui [pouvaient] résulter du développement économique sur le plan social»22. 3 424,5 millions d'euros étaient alloués au cours de la période 1996-1999 et 5350 millions pour la période 2000-2006.

A l'échéance de MEDA II et dans le cadre de la politique européenne de voisinage et de partenariat, le Conseil et le Parlement adoptèrent un règlement arrêtant des dispositions générales instituant un instrument européen de voisinage et de partenariat23 (voir infra II.B.2).

- Les forums civils Euromed

Il s'agit d'une initiative non institutionnelle qui permet aux sociétés civiles de part et d'autre de la Méditerranée de se rencontrer et de formuler des recommandations aux gouvernements. Ces réseaux permettent la mobilisation du public, la circulation des informations, la mise en place d'actions ou de travaux indépendants. La Conférence Euroméditerranéenne de Naples de 2003 avait établi elle-même la fondation Anna Lindh, inaugurée en 2005 à Alexandrie et dont l'objectif est de définir et de promouvoir des zones de convergences culturelles dans la région méditerranéenne. Ceci dit, institutionnellement parlant, la mise en pratique du partenariat reste strictement entre les mains de l'exécutif24.

II. Une structure bilatérale en évolution

Les relations bilatérales développées dans le cadre du partenariat consistaient d'abord en des accords de partenariat, dans le cadre du processus de Barcelone (A). Puis, suite à l'adhésion des nouveaux membres à l'Union européenne, la politique européenne de voisinage a été mise en place et à contribué à renouveler les instruments bilatéraux de coopération entre les Etats méditerranéens (B).

A. Les accords bilatéraux: principal instrument du partenariat

Les accords d'association constituent le second aspect du partenariat euroméditerranéen, ils remplacent les accords de coopération adoptés dans les années 1970. Ils ont

22 Article 1 du règlement (CE) n° 1488/96 du Conseil du 23 juillet 1996 relatif à des mesures d'accompagnement financières et techniques (Meda) à la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, Journal officiel n° L 189 du 30/07/1996 p. 1-9.

23 Règlement (CE) no 1638/2006 du 24 octobre 2006.

24 Eric Philippart, op. cit. p. 203.

été adoptés progressivement entre la Communauté européenne et chaque Etat membre du partenariat25 (voir Annexe I) sur la base de l'article 310 du traité CE tel qu'amendé par le traité d'Amsterdam26. Ces accords doivent être ratifiés par tous les Etats membres de l'Union et par chaque partenaire méditerranéen visé.

Au-delà du particularisme de chaque accord, chacun est conçu sur un modèle plus ou moins similaire et couvre les trois volets du partenariat. Ils fournissent un cadre approprié au dialogue politique Nord-Sud et servent également de base à la libéralisation progressive des échanges dans l'espace méditerranéen. Enfin, ils déterminent les conditions de la coopération dans les domaines économique, social et culturel entre l'UE et chaque Etats partenaire27. Chacun d'eux contient une clause définissant le respect des droits de l'homme et de la démocratie comme un élément essentiel de la convention, ceci sera étudié en détail dans le chapitre II.

Il est nécessaire d'étudier le contenu de ces accords d'association (1) avant de s'intéresser aux mécanismes institutionnels qui ont été mis en place afin d'assurer leur suivi (2).

1. Le contenu des accords de partenariat

L'objectif initial du Conseil de l'Union lors des négociations des accords était d'accroitre les échanges commerciaux entre les membres de l'UE et leurs nouveaux partenaires28. Les difficultés résultant de la politisation des débats ont eu pour conséquences l'allongement des négociations et des procédures de ratification des accords29.

25 Il s'agit d'accords mixtes adoptés par la Communauté d'une part et par ses membres d'autre part.

26 Article 310: "la Communauté peut conclure avec un ou plusieurs États ou organisations internationales des accords créant une association caractérisée par des droits et obligations réciproques, des actions en commun et des procédures particulières".

27 Site Europa http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/r14104.htm

28 Ricardo Gomez, «Negociating the Euro-Mediterranean Partnership, Strategic Action in EU Foreign Policy?» Ashagate Publishing Company, 2003, p. 56. La plupart des discussions au niveau national au sujet des accords ne portaient non pas sur leur article 2 mais sur l'étendue des avantages commerciaux qui devaient être attribués aux Etats partenaires. Si bien que suite à des manifestations des agriculteurs espagnols entre autres, les

négociations des accords avec le Maroc et la Tunisie furent interrompues du fait des avantages commerciaux qui leur avaient été conférés (voir El Pais, 25 novembre 1995, p3).

29Opinion of the Economic and Social Committee on the `Euro-Mediterranean partnership -- review and prospects five years on' (2002/C 36/24) point 4.1.1, p. 4.

Les accords contiennent chacun huit titres portant sur le dialogue politique, l'établissement d'une zone de libre échanges, la coopération régionale, sociale, culturelle et financière et enfin sur des dispositions générales.

Les articles 1.2 des accords (article 2 de l'accord turc) établissent leurs objectifs, il

s'agit de:

- «fournir un cadre approprié au dialogue politique entre les parties afin de permettre le renforcement de leurs relations et de leur coopération dans tous les domaines qu'elles estimeront pertinents,

- fixer les conditions d'une libéralisation progressive des échanges de biens, de

services et de capitaux ;

- promouvoir le développement de relations économiques et sociales équilibrées entre les parties grâce au dialogue et à la coopération ;

- améliorer les conditions de vie et de travail et de promouvoir la productivité et la stabilité financière ;

- encourager la coopération régionale afin de consolider la coexistence pacifique et la stabilité économique et politique ;

- promouvoir la coopération dans d'autres domaines d'intérêt mutuel».

Si certaines formules peuvent varier d'un accord à l'autre, les objectifs restent globalement similaires.

L'article 2 de chacun des accords constitue une clause de conditionnalité (voir infra II) et le deuxième titre des accords est relatif aux dispositions de nature politique. Seul l'accord d'association conclu avec l'OLP ne fait référence à aucune coopération politique. Ceci s'explique par le fait que cet accord est un accord intérimaire posant les premières bases du partenariat mais destiné à évoluer dès lors que l'Autorité Palestinienne disposera d'une véritable capacité à signer des accords internationaux30.

Le volet politique des accords mentionnent la nécessité d'établir un dialogue politique régulier afin de permettre la convergence des positions sur les questions internationales susceptibles d'avoir des impacts importants sur les parties et de tenir compte des intérêts en jeu. Ce dialogue doit également contribuer à faciliter la réalisation des objectifs et le développement d'initiatives communs. Il doit intervenir aux niveaux de conférences

30 Panos Koutrakos, « EU international relations law », ed. Hart Publishing, 2006, p.371

internationales, aux niveaux diplomatique, ministériel, des hauts fonctionnaires et entre le Parlement européen et les parlements nationaux des partenaires méditerranéens31.

Les titres suivants des accords se réfèrent à l'établissement de la zone de libre échange et détaillent les domaines dans lesquels les parties s'engagent à coopérer. Les accords comportent également des dispositions relatives à la justice et aux affaires intérieures se référant notamment à la lutte contre le blanchiment d'argent, contre le trafic de drogue et les crimes organisés et les questions de migrations.

Enfin la dernière partie des accords est destinée à la coopération culturelle et sociale.

Cette partie comporte quatre chapitres relatifs aux travailleurs, au dialogue et aux actions de coopération dans le domaine social et à la coopération en matière culturelle et d'éducation. Il est intéressant de noter que ces dispositions varient notablement d'un accord à l'autre: en effet, certaines questions sociales ne sont pas mentionnées dans les accords conclus avec l'Egypte, la Jordanie, le Liban et la Palestine.

Ainsi l'interdiction des discriminations à l'encontre des travailleurs contenue dans l'accord algérien (art. 67) n'est pas mentionnée dans l'accord conclu avec la Jordanie, de même que les questions relatives à la sécurité sociale des travailleurs (art. 68 de l'accord algérien). Les accords égyptiens et libanais soulignent l'importance que les parties accordent au traitement équitable de leurs travailleurs (art.62 et 64 respectivement) sans pour autant détailler les modalités de ce traitement et éludent également l'accent à mettre sur leur protection sociale. Les accords palestinien et libanais ne comportent aucune disposition relative à la coopération dans le domaine social prévoyant l'instauration d'un groupe de travail et de réunions d'experts. Si l'accord israélien prévoit l'établissement de ces instruments, il n'entre cependant pas dans le même détail que les autres accords concernant les priorités de la coopération sociale (tels que développés par l'art.74 de l'accord algérien par exemple). Enfin, contrairement aux autres, les accords palestinien et israélien ne font pas référence à la coopération entre les partenaires et les organisations internationales dans le domaine social.

Ces contrastes révèlent les disparités dans le degré initial d'engagement des parties qui ont contribué à affaiblir considérablement le partenariat.

Enfin, les dispositions finales des accords sont relatives aux mécanismes de suivi des accords.

31 « Euro-Med Association agreements, implementation guide », Reflex F, Iñigo de Prada Leal et Joanna Deka, 2004.

2. Les mécanismes de suivi des accords d'association

A l'exception de l'accord conclu avec l'OLP, les accords d'association conclus avec les partenaires méditerranéens prévoient la mise en place de deux institutions de suivi: un Conseil et un Comité d'association, il s'agit d'organes paritaires classiques32.

Le Conseil d'association doit se réunir au niveau ministériel une fois par an et est composé de membres du Conseil de l'UE, de la Commission et des membres du gouvernement de l'Etat méditerranéen visé. Il est chargé d'examiner les difficultés rencontrées lors de l'application des accords et dispose d'un pouvoir de décision et de recommandation. Il est responsable de régler les différends relatifs à l'interprétation des accords par voie de décisions. Ces décisions sont contraignantes pour chacune des parties qui sont tenues de prendre les mesures nécessaires à leur application. Il doit faciliter le dialogue entre les parlements nationaux des Etats partenaires et le Parlement européen et peut prendre l'initiative de la mise en place de tout groupe de travail nécessaire à la mise en oeuvre de l'accord auquel il est attaché.

Le Comité d'association se réunit au niveau des hauts fonctionnaires, il doit s'occuper de la gestion des accords au delà de ce qui incombe au Conseil d'association. Il est composé de représentants des membres du Conseil de l'UE et de la Commission et de représentants de l'Etat en cause. Il détient également un pouvoir de décision concernant les sujets n'entrant pas en conflit avec les pouvoirs du Conseil d'association.

L'accord conclu avec l'OLP prévoit l'institution d'un comité mixte (art.63). Il est composé de représentants de la CE et de l'Autorité palestinienne. De même, ils disposent d'un pouvoir de décision et peuvent adopter des recommandations afin d'assurer la réalisation des objectifs communs et du fonctionnement de l'accord. Il se réunit une fois par an et peut décider de créer un sous comité nécessaire à l'application de l'accord, enfin il est compétent pour toute question relative à l'interprétation de l'accord intérimaire.

Depuis 2004, l'Union européenne a développé une nouvelle forme de politique, il s'agit de la politique européenne de voisinage, elle a permis le développement de nouvelle forme d'instruments applicables dans le cadre du partenariat.

32 « Les accords conclus dans le cadre de la politique méditerranéenne ». In Commentaires, Jean Megret, Le droit de la CE et de l'Union Européenne, 12, Relations Extérieures, p.320, éditions de l'Université de Bruxelles, 2ème éd. 2000.

B. La politique Européenne de Voisinage: une politique complémentaire

Les conséquences de la PEV sur le partenariat euro-méditerranéen ne sont pas négligeables; en effet, cette nouvelle politique a contribué à redonner de l'élan aux relations euro-méditerranéennes (1) et a fourni de nouveaux instruments d'action et de financement intervenant dans le cadre du partenariat (2).

1. Un nouvel élan dans les relations euro-méditerranéennes

La politique européenne de voisinage (PEV) a été mise en place en même temps que l'élargissement de l'Union européenne en 2004. Elle concerne plus d'une dizaine d'Etats voisins33, parmi lesquels se trouvent les Etats membres du partenariat euro-méditerranéen (à l'exception de la Turquie avec laquelle des relations ont été établies dans l'optique de son adhésion).

Les perspectives de cette politique sont multiples et rappellent celles du processus de Barcelone à plusieurs titres; il s'agit de renforcer les relations de l'Union avec ses <<nouveaux>> voisins afin de <<réduire la pauvreté, créer un espace de prospérité et de valeurs partagées, fondé sur une intégration économique accrue, des relations politiques et culturelles plus intenses, une coopération transfrontalière renforcée et une prévention conjointe des conflits>>. Il est de plus question de <<subordonner l'offre d'avantages concrets et de relations préférentielles aux progrès réalisés par les Etats partenaires en matière de réforme politique et économique et l'inscrire ainsi dans un cadre différencié>>34. La PEV a pour objectif de favoriser les échanges entre l'UE et ses voisins, leur développement économique et politique via entre autres une assistance aux réformes structurelles renforcée et mieux adaptée aux besoins et une plus grande implication dans la prévention des conflits et la gestion des crises35.

La question qui nous intéresse est celle de savoir quelles sont les conséquences de cette politique sur les relations euro-méditerranéennes.

33 Algérie, Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Egypte, Géorgie, Israël, Jordanie, Liban, Moldavie, Maroc, Territoire palestinien occupé, Tunisie et Ukraine. Des accords n'ont pas été signés avec la Libye, la Biélorussie et la Syrie.

34 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement, L'Europe élargie - voisinage: un nouveau cadre pour nos relations avec les pays de l'Est et de Sud. COM 2003, 104 Final, 11 mars 2003.

35 Communication de la Commission - Politique européenne de voisinage - 12 mai 2004, COM 2004 373, non publiée au JO.

La PEV n'a pas la prétention de remplacer les bases légales et institutionnelles encadrant le partenariat euro-méditerranéen. Au contraire, elle tend à les renforcer et à s'en servir36 dans la mesure où le partenariat a mis en place des institutions dont la PEV ne dispose pas.

Cette politique exige des partenaires un engagement plus soutenu et une participation directe dans la définition des priorités des projets de coopération. Elle instaure un contrôle plus régulier de sa mise en oeuvre et des progrès réalisés dans le cadre des réformes initiées.

Selon Manuela Moschella, au sein du partenariat euro-méditerranéen, l'Union européenne s'est exclue du conflit israélo-arabe en se reposant sur des instruments multilatéraux tels que les résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU37. La PEV insiste sur l'idée que l'Union se doit d'intervenir activement et efficacement dans la résolution des conflits impliquant ses partenaires.

Cependant, cette politique n'insiste pas de la même façon sur la perspective régionale développée par le partenariat euro-méditerranéen ni sur un cadre institutionnel fort38; son apport majeur se situe dans la création de nouveaux instruments de coopération, il s'agit des plans d'actions. Ils sont agrémentés d'une nouvelle forme de financement qui succède aux programmes MEDA I et II: l'instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP).

2. Les innovations apportées par les plans d'action et l'instrument européen de voisinage et de partenariat

Les plans d'action constituent l'instrument central de la politique européenne de voisinage. Ce sont des accords bilatéraux conclus entre la Communauté européenne et chacun de ses partenaires. Ils établissent un programme de réforme économique et politique ayant des

36 Sven Biscop, «The European security strategy and the neighbourhood policy: a new starting point for a Euro
Mediterranean security partnership?>> p.27, in European Neighbourhood policy: political, economic and social
issues, édité par Fulvio Attinà et Rosa Rossi, Centre Jean Monnet "Euro-Med", département d'études politiques,
2004.

37 Manuela Moschella, «European Union's Regional Approach towards its Neighbours: The European Neighbourhood Policy vis-à-vis Euro-Mediterranean Partnership>>, in European Neighbourhood policy, op.cit. p.63.

38 Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEPV). Document de stratégie régionale (2007- 2013) et programme indicatif régional (2007-2013) pour le partenariat euro-méditerranéen. Accessible sur le site de la Commission Européenne età cette adresse: http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/country/enpi_euromed_rsp_fr.pdf

priorités à court et moyen terme, adapté aux besoins et aux capacités des partenaires. Actuellement, sept membres du partenariat euro-méditerranéen les ont adoptés39.

Ils sont en vigueur pour une durée de trois à cinq ans et prévoient l'établissement d'une coopération renforcée dans des domaines tels que

- Le dialogue politique et les réformes

Incluant 1) les actions relatives à la consolidation des instances administratives chargées de veiller au renforcement de la pratique démocratique et de l'Etat de droit à court et moyen termes; 2) le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales; 3) le respect des droits sociaux fondamentaux et normes fondamentales du droit du travail; 4) la coopération dans les domaines des relations étrangères et de la sécurité, prévention des conflits et gestion des crises; 5) la mise en place d'initiatives et de coopération régionales.

- Réforme économique et sociale, développement

Comprenant l'accès au marché intérieur de l'UE, la participation dans certains programmes de l'UE (éducation, recherche, etc.), l'amélioration de l'inter connectivité avec l'UE (énergie, transport, environnement, société de l'information).

- Coopération en matière de justice et affaires intérieures

Il s'agit de la gestion des frontières, de migration, de lutte contre le terrorisme, le trafic d'êtres humains, les drogues et armes, le crime organisé, les crimes économiques, etc.

La mise en place des plans est assurée par les Conseils d'association établis par les accords d'association euro-méditerranéens. C'est ainsi que, le lien entre la PEV est le partenariat est assuré.

Les Plans d'Action constituent un référentiel pour la programmation de l'assistance communautaire. La coopération entre l'Union européenne et ses partenaires devrait être progressivement consolidée si les résultats obtenus sont satisfaisants. L'instrument européen de voisinage et de partenariat a été instauré dans cette perspective: il est flexible et dépend des engagements des partenaires et de leurs résultats. L'IEVP est le moteur financier de la

39 Il s'agit de l'Egypte, d'Israël, de la Jordanie, du Liban, du Maroc, du territoire palestinien occupé et de la Tunisie.

politique européenne de voisinage, il a été établi par le règlement 1638/200640 pour la période allant de 2007 à 2013.

Sa création correspond au désir de l'UE d'améliorer l'efficacité de l'aide qu'elle fournit dans le cadre des accords de partenariat, désir préalablement formulé dans le consensus européen pour le développement adopté en 200641.

A cette fin et conformément à l'article 5 du règlement1638/2006, les relations financières que l'Union entretient avec ses Etats partenaires sont placées sous le signe d'une coopération cohérente, coordonnée et compatible. D'une part, l'aide fournie par les Etats membres et par la Communauté doit être conforme aux principes fondateurs de l'Union ainsi qu'aux accords et traités conclus par les Etats partenaires; d'autre part, la Commission et les Etats membres doivent assurer l'harmonisation des politiques et des procédures d'aide via des consultations régulières et des échanges fréquents d'information. Afin de garantir la simplification de la programmation et une meilleure gestion de l'assistance, l'IEVP se veut être un mode de financement unique, il remplace ainsi les précédents instruments financiers mis en place dans le cadre des relations privilégiées établies par l'Union avec ses partenaires extérieurs. L'IEVP se veut plus efficace en termes de progrès que l'Union exige de la part des Etats voisins. Les aides allouées dépendent des besoins des Etats partenaires, de leur capacité d'absorption et de la progression des réformes convenues42.

En effet, l'IEVP va de paire avec des plans d'actions et des programmes d'action établis sur la base de documents de stratégie afin de faciliter la mise en oeuvre de l'assistance en assurant un lien entre l'aspect financier et l'aspect pratique de la coopération. Ces programmes «déterminent les objectifs poursuivis, les domaines d'intervention, les résultats attendus, les modes de gestion, ainsi que le montant global du financement prévu. Ils tiennent compte des leçons tirées de la mise en oeuvre antérieure de l'assistance communautaire. Ils contiennent une description des actions à financer, une indication des montants de financement correspondants et un calendrier indicatif de leur mise en oeuvre>> (article 12 du règlement 1638/2006).

Il est important de rappeler que si le mode de financement du partenariat a évolué, il reste soumis aux objectifs établis par la déclaration de Barcelone, de même, les accords

40 Règlement (CE) No 1638/2006 du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 2006 arrêtant des dispositions générales instituant un instrument européen de voisinage et de partenariat.

41 JO C 46 du 24.2.2006.

42 Politique Européenne de Voisinage: financement, dossier de la Commission européenne accessible sur le site de la Commission: http://ec.europa.eu/world/enp/funding_fr.htm

bilatéraux conclus entre l'Union et ses partenaires méditerranéens restent en vigueur. Sa capacité financière s'élève à plus de 11, 18 milliards d'euros (article 29 du règlement 1638/2006) dont 343 millions devraient être alloués en vue de la réalisation des plans d'action impliquant les Etats membres du partenariat Euro-méditerranéen sur une période de trois ans (2007-2010)43.

La liste des bénéficiaires de l'assistance communautaire est particulièrement vaste, elle comprend les Etats, les régions partenaires et leurs institutions; les organisations internationales, les organismes privés, des personnes physiques dès lors qu'ils contribuent à la réalisation des objectifs de la PEV; les acteurs non étatiques tels que les universités, les médias ou les églises et associations religieuses (article 14 du règlement). La présence d'acteurs non étatiques parmi les potentiels bénéficiaires de l'aide marque la volonté de l'Union de fournir une assistance de proximité qui ne soit pas tributaire de la volonté des gouvernements partenaires.

Enfin, le règlement 1638/2006 prévoit la mise en place d'une procédure d'urgence pouvant être utilisée pour procéder à une révision des documents de stratégie en cas de crise (article 7) ou une suspension de l'aide communautaire (article 28) en cas de menace pour la démocratie, l'Etat de droit, les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut prendre toutes mesures appropriées au regard de toute aide communautaire accordée à un Etat partenaire afin de faire respecter ledit règlement. Cependant, et ce dans le but de ne pas affecter les populations bénéficiaires in fine de l'aide, si un tel cas venait à se présenter, l'assistance communautaire serait utiliser pour venir en aide aux acteurs non étatiques et ce, pour des mesures en faveur des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des mesures de soutien au processus de démocratisation dans les pays partenaires (article 28).

43 Document de stratégie régionale (2007-2013), Annexe I: regional support allocation, financial breakdown. op. cit. p. 56 Annexe I: regional support allocation, financial breakdown.

CHAPITRE II. LA STRATEGIE DE PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME DU
PARTENARIAT EURO-MEDITERRANEEN

A l'origine, la protection des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit n'était pas mentionnée dans les traités fondateurs de la Communauté européenne. Elle fut progressivement intégrée au coeur du système légal de l'UE44 liant ses institutions 45 aussi bien au niveau de sa politique intérieure que de sa politique extérieure de développement46.

Le traité CE constitue une base légale pour toute action dans le domaine des droits de l'homme et de démocratisation47. L'adoption en 2000 de la Charte des droits fondamentaux a renforcé les activités de l'UE dans ce domaine et la guide dans ses relations extérieures. L'article 10A du traité de Lisbonne en voie d'adoption confirme cela et préconise le respect des droits de l'homme à toute action de l'Union sur la scène internationale48. Selon la Commission, la légitimité de l'intervention de l'UE dans ce domaine est double. L'Union dispose d'une légitimité morale de part l'obligation de respecter les droits de l'homme et les principes démocratiques sur son territoire et du fait que leur respect soit une des conditions à l'adhésion à l'Union. D'autre part, la légitimité de son action est financière: «les

44 Communication de la Commission sur "L'Union européenne et les aspects extérieurs de la politique des droits de l'homme: de Rome à Maastricht et au-delà" (COM(95)0567 - C4-0568/95).

45 Ahmed Tawhida, «The European Union and human rights: an international law perspective», European Journal of International Law, 2006, p.1.

46 Art. 6.1 du traité sur l'Union Européenne: "l'Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'État de droit, principes qui sont communs aux États membres".

Art. 177.2 du traité instituant la Communauté européenne: "la politique de la Communauté dans [le domaine de la coopération au développement] contribue à l'objectif général de développement et de consolidation de la démocratie et de l'État de droit, ainsi qu'à l'objectif du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales".

47 Articles 179 (Le Conseil [...] arrête les mesures nécessaires à la poursuite des objectifs visés à l'article 177) et 308 (Si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées).

48Art. 10A.1: "L'action de l'Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu'elle vise à promouvoir dans le reste du monde: la démocratie, l'Etat de droit, l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d'égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit international", traité sur l'Union européenne

gouvernements démocratiques et pluralistes respectueux des droits des minorités sont moins enclins à recourir au nationalisme, à la violence ou à l'agression, tant sur le plan intérieur qu'à l'encontre de leurs voisins et des autres pays. Conflits et instabilité sont coûteux sur le plan humain. Ils risquent également de coûter cher à l'Union européenne, en sa qualité de premier fournisseur d'aide au monde et de destination prisée par les immigrants»49.

Aujourd'hui, le respect des droits de l'homme est aujourd'hui une condition sine qua non à l'établissement de relations entre l'Union et toute autre région du monde. Pourtant les droits de l'homme et la démocratie ne faisaient pas parti des éléments sur lesquels les négociations initiales entre la CE et les Etats méditerranéens furent fondées. Tandis que l'engagement relatif à la promotion de la démocratie et des droits de l'homme était consacré dans les relations entre la CE et les Etats ACP, d'Europe centrale et de l'Est ainsi que les Etats d'Amérique du Sud à la fin des années 1980, rien de tel n'apparut dans la politique méditerranéenne rénovée (1992). Les tensions succédant à la seconde guerre du Golf et l'apparition d'une Islam politisée (l'élection révoquée du Front Islamique du Salut en Algérie en 1991 en est un exemple) ont été cités comme étant des raisons ayant justifié l'absence de pression de la part de la CE sur le terrain des droits de l'homme et de la démocratie50. Ce n'est qu'à la suite du refus du Parlement européen de renouveler l'aide communautaire au développement accordée à la Syrie et au Maroc en 1992 - et ce, malgré la réticence des gouvernements européens- que la politique européenne fut modifiée51.

Il revient de s'intéresser à la place réservée aux droits de l'homme dans les relations entre l'Union et ses partenaires méditerranéens et aux stratégies adoptées afin de promouvoir le respect de ces droits et valeurs. La promotion des droits de l'homme s'opérant aux niveaux régional et bilatéral, il convient d'examiner les stratégies propres à chacun d'eux. Ainsi, la fragilité de la stratégie régionale sera-t-elle d'abord étudiée (I) avant de déterminer quelles sont les exigences relatives aux droits de l'homme imposées dans les relations bilatérales du partenariat (II).

49 Communication de la commission au conseil et au parlement européen, le rôle de l'union européenne dans la promotion des droits de l'homme et de la démocratisation dans les pays tiers, COM (2001) 252 final.

50 Richard Youngs, «The European Union and democracy promotion in the Mediterranean: a new or disingenuous strategy? » In Democratization, 21 janvier 2002, 9:1, p. 40.

51 Idem.

I. La fragilité de la stratégie régionale de protection des droits de l'homme

Nombreuses sont les critiques dont l'Union est affublée quant à son intervention au niveau régional du processus de Barcelone afin de promouvoir le respect des droits de l'homme. Son manque d'engagement politique sur ce terrain ainsi que celui de certains de ses Etats membres a contribué à fragiliser son intervention régionale (A). Ceci s'est ressenti dans ses politiques de promotion des droits de l'homme et particulièrement à travers de l'évolution des instruments de mise en oeuvre de ces politiques (B).

A. Le manque d'engagement politique dans la protection des droits de l'homme

La promotion et le respect des droits de l'homme ne dépendent pas exclusivement de l'établissement de normes juridiques contraignantes mais également de la volonté des gouvernements à s'impliquer dans ce domaine, le cas du PEM en est une illustration convaincante. Il semble opportun d'examiner au préalable les références faites aux droits de l'homme dans la déclaration de Barcelone, texte initiateur du partenariat (1) puis d'analyser l'engagement des partenaires sur ce terrain (2).

1. la Déclaration de Barcelone: origine de l'action des partenaires dans le domaine des droits de l'homme

Il convient de se demander sous quelle forme les membres du PEM ont intégré la promotion et le respect des droits de l'homme parmi les objectifs du processus de Barcelone. Il sera question ici de déterminer la force de l'engagement européen et méditerranéen à travers d'une l'analyse du texte fondateur du partenariat, la Déclaration de Barcelone.

Depuis l'initiation des négociations jusqu'au lancement du processus de Barcelone, il a toujours été clair que l'objectif majeur du partenariat était l'établissement d'une zone de libre échange et l'accélération de la croissance économique52. Cependant, le texte de la déclaration de Barcelone fait de multiples références aux droits de l'homme.

La question des droits de l'homme est abordée dans chacun des volets du partenariat de manière plus ou moins explicite. Tandis que le deuxième volet (dimension économique et financière) se fait discret sur le sujet, le préambule, les premier (politique et sécurité) et troisième volets (social et culturel) sont relativement plus clairs.

52Iain Byrne et Charles Shamas, «L'incidence des programmes MEDA sur les droits de l'homme, Réseau Euro-méditerranéen des droits de l'homme», 2002, p. 23.

Le préambule souligne le lien entre le respect des droits de l'homme et le renforcement de la démocratie avec la mise en place d'une zone de dialogue, d'échange et de coopération. Le développement économique, ayant une place capitale dans le partenariat, doit aller de paire avec le développement social de la région, la lutte contre la pauvreté et la promotion d'une meilleure compréhension entre les cultures53.

Le premier volet, relatif aux aspects politique et de sécurité, intègre la recherche de la paix et de la stabilité au coeur de ce qui devrait être les préoccupations des Etats membres; le respect des droits de l'homme est établi comme étant un élément permettant d'atteindre ces objectifs (l'accent est mis sur la liberté d'expression, la liberté d'association à des fins pacifiques et la liberté de pensée, de conscience et de religion). Les Etats membres s'engagent à favoriser l'échange d'informations sur les questions relatives aux droits de l'homme. De même, ce premier volet renvoie d'une part aux instruments internationaux auxquels les Etats ont adhérés et d'autre part à la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) qui fait office de texte de référence en termes de protection des droits de l'homme. Enfin, l'accent est mis sur la nécessité de développer l'Etat de droit et la démocratie dans le système politique des partenaires, et ce parallèlement à la reconnaissance de leur droit de choisir et de développer librement leur propre système politique, socio-culturel, économique et judiciaire. Ce dernier point a une importance substantielle dans la mesure où le «débat relatif aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales ne peut plus être refusé par la partie concernée en invoquant l'ingérence dans les affaires intérieures du pays» ce qui s'était produit à plusieurs reprises par le passé54.

Le deuxième volet, dont l'objectif est l'établissement d'une zone économique, est moins volubile que le premier. Les Etats européens y reconnaissent de façon laconique la question de la dette des pays méditerranéens et ses conséquences sur leur développement économique. L'amélioration des conditions de vie des populations est un des objectifs à long terme du partenariat, ce à quoi se joint la reconnaissance du rôle clef que jouent les femmes dans la vie économique et sociale.

53 1§ et 6§ du préambule de la Déclaration de Barcelone.

54 Rapport Sakellariou, relatif à la politique méditerranéenne: prolongement de la Conférence de Barcelone. A4- 0027/97, disponible sur le site du Parlement européen : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=- //EP//TEXT+REPORT+A4-1997-0027+0+DOC+XML+V0//FR

La protection des droits de l'homme et la nécessité de les intégrer à chacune des étapes du processus n'est pas la préoccupation majeure de ce volet qui vise avant tout à établir les objectifs économiques du partenariat.

Enfin, le dernier volet de la déclaration de Barcelone est relatif à l'aspect social, culturel et humain du partenariat. Les Etats membres s'engagent à ce que le PEM respecte la diversité, le pluralisme et la tolérance dans chaque société. Ce dernier volet est davantage axé sur les droits économiques et sociaux que les deux précédents, en effet, il souligne l'importance à donner aux questions de santé, au bien être des populations et au respect du droit au développement. C'est dans le cadre de ce volet que la société civile -acteur majeur de la promotion des droits de l'homme- doit trouver sa place: sa contribution essentielle au processus de développement du partenariat et à une meilleure compréhension des peuples sont explicitement reconnus. Cela s'accompagne de la prise en compte de la nécessité d'établir les instruments nécessaires à une coopération décentralisée pour favoriser les échanges entre les acteurs du développement dans le cadre des législations nationales.

Si la déclaration de Barcelone est un premier pas non négligeable dans la promotion des droits de l'homme, son influence dans ce domaine est très limitée.

La déclaration n'est pas contraignante, elle ne fait que manifester l'existence d'un consensus entre les Etats partenaires mais ne les soumet pas juridiquement au respect de ses termes. Il s'agit d'un engagement moral. Il faut rappeler que la déclaration de Barcelone n'est pas destinée à être une déclaration des droits de l'homme. Elle n'a pas une telle structure, les droits fondamentaux sont évoqués de manière disparate et sans grande précision. Ainsi, au niveau régional, les Etats méditerranéens ne sont soumis qu'au respect des normes internationales auxquelles ils ont adhérés.

Le fait que les droits de l'homme semblent être une composante secondaire de la déclaration de Barcelone s'explique par la nature équivoque de l'engagement des membres du partenariat dans ce domaine.

2. Un engagement en demi teinte dans le domaine des droits de l'homme

Il avait été question en 2000 de la rédaction d'une charte euro-méditerranéenne pour la paix et la stabilité incluant une dimension droits de l'homme55. Ce projet s'est <<enlisé dans les réunions des hauts fonctionnaires chargé du dialogue politique et de sécurité»56.

Enfin, une proposition parlementaire concernant l'élaboration d'un <<accord de partenariat euro-méditerranéen sur les droits de l'homme»57 fut soumise en juillet 1996, soit un an après la signature de la déclaration de Barcelone. Cette proposition pour le moins ambitieuse suggérait que l'accord <<reposerait sur un développement de la convention du Conseil de l'Europe relative aux droits de l'homme et pourrait être complété par des éléments de la charte des droits de l'homme de la Ligue arabe». Afin de garantir le respect de cet accord, il était proposé ou bien que la Cour européenne des droits de l'homme remplisse cette mission ou bien qu'une cour euro-méditerranéenne des droits de l'homme soit créée à cet effet. Cette proposition est restée sans suite.

Ceci peut s'expliquer par le fait que le sujet est fortement politisé: premièrement, plus de la moitié des Etats du Sud de la Méditerranée ont des régimes autoritaires et de manière générale, les Etats arabes -parmi lesquels la Syrie fut la plus virulente- contestèrent <<l'importation des valeurs occidentales» dans la déclaration et plus tard dans les accords bilatéraux58. Deuxièmement, la question des droits de l'homme était également très épineuse au Nord de la Méditerranée. Les Etats membres et les institutions de l'UE étaient en effet divisés quant à leur volonté d'intégrer une référence au respect des droits fondamentaux et des principes démocratiques dans les instruments du PEM59. Tandis que les Etats du Sud de l'Union ainsi que la Commission européenne y étaient réticents et préféraient accentuer l'aspect économique du partenariat, par crainte d'une réaction forte et négative de la part des

55 Communication de la Commission << un nouvel élan pour le processus de Barcelone » COM (2000) 497 final - Non publié au journal officiel.

56 Guide sur les droits de l'homme dans le processus de Barcelone, réseaux euro-méditerranéen des droits de l'homme, Khémais Chammari et Caroline Stainier, p. 29.

57 Rapport Sakellariou, op.cit..

58 Richard Edis, op.cit.p., 96 et p.100.

59 Richard Youngs, op. cit, p. 44.

Etats arabes. Les Etats du Nord de l'Union et le Parlement européen y étaient eux fermement partisans60.

Cet engagement en demie teinte dans le domaine des droits de l'homme et de la démocratie, les reléguant à une position secondaire, derrière les priorités économiques, a notablement affecté la stratégie régionale de promotion des droits de l'homme de l'Union et la qualité des institutions mises en place qui ont dû évoluer au fur et à mesure que la stratégie de l'Union se développait. Il convient dès lors d'étudier la stratégie développée par l'Union européenne afin de promouvoir les droits de l'homme et la démocratie dans la région méditerranéenne.

B. Des instruments régionaux de promotion des droits de l'homme en évolution

La stratégie de promotion des droits de l'homme de l'Union se caractérise par une exceptionnelle fragmentation des compétences à l'origine d'un manque de cohérence visible au niveau régional méditerranéen. La promotion du respect des droits de l'homme conformément au premier volet du partenariat relève de la compétence du Conseil tandis que les programmes MEDA (instruments du deuxième volet) étaient gérés par la direction générale RELEX de la Commission. La direction générale «élargissement» de la Commission est compétente pour les questions relatives aux droits de l'homme en Turquie du fait de son éventuelle adhésion et comme ce fut le cas pour Malte et Chypre, les exigences relatives aux droits de l'homme sont plus élevées que celles imposées aux autres partenaires méditerranéens. Chacune de ces politiques extérieures est orientée vers des Etats spécifiques et de fait, est dotée de priorités distinctes61.

Le manque de volonté initial vis-à-vis de l'intégration des droits de l'homme dans le partenariat et ce désordre institutionnel ont contribué à l'établissement d'instruments lacunaires dans ce domaine (1). La volonté de l'Union s'étant affermie progressivement, ces moyens d'actions ont été complétés par des instruments sortant du cadre initial de Barcelone et ayant des perspectives plus générales (2).

60 Richard Edis, op. cit, p. 95-99, ainsi que Stelios Stavridis, «Democratic Conditionality Clause, Use of Sanctions and the Role of the European Parliament in the Euro-Mediterranean Partnership: A Preliminary Assessment» in Agora Without Frontiers, Volume 9 (4) 2004, p. 300.

61 L'incidence des programmes MEDA sur les droits de l'homme, op. cit, p.32.

1. Des instruments lacunaires

La promotion des droits de l'homme dans le cadre du premier volet se fait par le biais du dialogue politique entretenu par les institutions du partenariat, telles que les conférences interministérielles, l'assemblée parlementaire euro-méditerranéenne et les forums civils. Ce dialogue instauré aux niveaux ministériel, parlementaire et non gouvernemental permet d'ancrer la question du respect des droits fondamentaux dans les réflexes politiques et de préparer les gouvernements et les sociétés civiles aux réformes politiques et sociales engagées au sein du partenariat. Selon la Commission européenne les dialogues régionaux et bilatéraux doivent permettre d'échanger des points de vue sur des questions thématiques (droits des femmes, torture, racisme, xénophobie) et devraient porter sur la participation démocratique (suffrage universel, élections libres, multipartisme, égalité d'accès à l'activité politique, processus décisionnels participatifs, etc.); les droits de l'homme (adhésion aux conventions et traités internationaux sur les droits de l'homme et respect des engagements pris dans ce cadre, protection des libertés civiles, notamment la liberté d'expression et de réunion, suivi effectif du respect des droits de l'homme, etc.); et de l'État de droit (justice indépendante et efficace, cadre légal transparent, égalité de tous les citoyens devant la loi, police et administration publique assujetties à la loi, mise en application des obligations contractuelles, etc.)62

Il s'agit donc d'un outil primordial constituant une des premières étapes préalables aux changements structurels. Cependant, il a fallu attendre les attentats du 11 septembre 2001 pour que les droits de l'homme ne soient plus marginalisés dans les réunions ministérielles63. Dès lors, ils ont fait l'objet d'une certaine insistance, comme en témoignent les conclusions de la Vème conférence euro-méditerranéenne des ministres des affaires étrangères de Valence d'avril 2002 ainsi que la communication du 21 avril 2003 de la Commission sur la nécessité de <<donner une nouvelle impulsion aux actions menées par l'UE dans le domaine des droits de l'homme et de la démocratisation»64. Malgré ce regain d'intérêt, <<au niveau régional, les mentions des droits de l'Homme conservent un caractère purement déclaratif et tout rappel

62 Communication de la Commission au Parlement et au Conseil européens sur "le rôle de l'Union européenne dans la promotion des droits de l'homme et de la démocratisation dans les pays tiers", COM (2001) 252 final, 8 mai 2001, p.11.

63 Position du Réseau euro-méditerranéen des droit de l'Homme sur Barcelone+10 et droits de l'homme, para.2. Disponible sur internet: http://www.droits-

fondamentaux.prd.fr/codes/modules/articles/article.php?idElem=948456543

64 COM(2003) 294 final - Non publié au Journal officiel.

des obligations contraignantes des partenaires de respecter les normes internationales des droits de l'Homme est soigneusement écarté»65.

L'instrument majeur développé dans le cadre du partenariat en 1996 afin de promouvoir un processus de transition politique, économique et social dans la région méditerranéenne est le programme MEDA, modifié en 2000 par le programme MEDA II. Ce programme visait avant tout à permettre la mise en place du deuxième volet du partenariat tout en intervenant dans la sphère des droits de l'homme. L'article 3 du règlement 1488/9666 établissant le programme MEDA disposait qu'il devait se fonder «sur le respect des principes démocratiques et de l'État de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui en constituent un élément essentiel dont la violation justifie l'adoption de mesures appropriées». Le 7 avril 1998, le règlement 780/98 permettait l'adoption de l'article 16: «Lorsqu'un élément essentiel pour la poursuite des mesures d'appui en faveur d'un partenaire méditerranéen fait défaut, le Conseil peut, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, décider de mesures appropriées». C'est ainsi que le programme MEDA, faisant écho aux clauses relatives aux droits de l'homme déjà intégrées dans les premiers accords bilatéraux introduit la conditionnalité de l'aide au respect des droits de l'homme.

Si le respect des droits de l'homme était une condition sine qua non à l'attribution de l'aide communautaire, «aucune procédure ni effort systématique n'ont été mis en oeuvre pour intégrer la question des droits humains, que ce soit au niveau de la programmation, de l'exécution ou de l'évaluation. Il en résulte par exemple que les questions régionales afférentes au libre-échange et leurs effets sur les droits de l'Homme (notamment le droit au travail, le développement et les droits des migrants) ne sont pas abordés par le [partenariat]»67.

Selon un rapport de la Commission européenne, entre 1995 et 2000, les fonds engagés par l'Union dans le secteur des droits de l'homme et de la société civile étaient inexistants68. Quatre millions d'euros furent investis entre 2001 et 2003, après la mise en place du

65 Idem.

66 Règlement (CE) n° 1488/96 du Conseil du 23 juillet 1996.

67 Position du Réseau euro-méditerranéen des droit de l'Homme sur Barcelone+10 et droits de l'homme. Disponible sur internet, para.7. http://www.droits-

fondamentaux.prd.fr/codes/modules/articles/article.php?idElem=948456543

68 Evaluation à mi-parcours du programme MEDA II, rapport final, office de coopération EuropeAid pour la Commission européenne, 18 juillet 2005, p.40.

programme MEDA II mais ce n'est qu'à partir de 2003 qu'un véritable changement de politique fut notable lorsque 25 millions d'euros furent investis69. Ce changement s'explique par la prise de conscience par la Commission des déficiences du dialogue politique et de la coopération financière relative aux droits de l'homme entre l'Union et ses partenaires. Par le biais de la communication d'avril 2003 -sur l'impulsion à donner aux actions de l'Union relatives aux droits de l'homme et à la démocratisation-, elle introduisait l'idée que conditionner l'aide au respect des droits de l'homme était insuffisant. Il fallait les promouvoir activement et les intégrer de manière automatique dans toutes les relations entre les partenaires méditerranéens. De plus, le lien entre le programme MEDA et l'initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) devait être renforcé. Il s'agissait de concilier l'instrument financier du partenariat avec l'instrument européen de promotion des droits de l'homme.

En effet, il fut reproché aux programmes MEDA d'avoir considéré les droits de l'homme comme «un objectif d'accompagnement, avec ses propres projets, plutôt qu'un objectif transversal intégré à tous les secteurs des programmes d'aide»70. Ce à quoi la cohérence entre MEDA et l'IEDDH devait remédier. La communication de 2003 ressemble à un aveu de la part de la Commission de l'impuissance du partenariat à peser dans la sphère des droits de l'homme et de la nécessité d'instaurer une cohérence et une complémentarité avec des instruments européens de promotion des droits de l'homme.

2. Le recours nécessaire à des instruments européens complémentaires

L'initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme, prédécesseur de l'Instrument européen pour le voisinage et de partenariat (IEVP), a été établie en 1994, à l'initiative du Parlement européen. Cette politique devait s'appliquer à chacune des relations extérieures de l'Union et en dehors du fait qu'elle devait être compatible avec les objectifs du partenariat, elle ne dépendait pas du processus de Barcelone. Ses lignes budgétaires concernaient la promotion des droits de l'homme, la démocratisation et la prévention des conflits dans les pays en voie de développement et devaient être exécutées essentiellement en partenariat avec des ONG et des organisations internationales71. Le fait que la coopération

69 Idem.

70 L'incidence des programmes MEDA sur les droits de l'homme, op. cit, p. 14.

71 Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme - IEDDH (2000-2006), accessible sur le site internet de l'UE: http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/r10110.htm

avec la société civile se fasse sans le consentement des gouvernements en place - contrairement aux programmes MEDA- constituait un des atouts de cette politique. Entre 2000 et 2006, environ 100 millions d'euros par an ont été attribués72. Cette politique a permis de mettre en place des micro et macro projets73 dans la région méditerranéenne dans le cadre de ces quatre campagnes74.

L'initiative a été remplacée en 2006 par l'instrument financier de la Politique européenne de voisinage (PEV). L'article 1.3 du règlement 1638/2006 arrêtant des dispositions générales instituant un instrument européen de voisinage et de partenariat dispose: «l'Union européenne se fonde sur les valeurs que sont la liberté, la démocratie, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'État de droit, et cherche à promouvoir ces valeurs auprès des pays voisins au travers du dialogue et de la coopération». Il s'agit donc d'une politique indépendante du partenariat mais qui tend à réaliser les objectifs établis par la déclaration de Barcelone. Le respect des droits de l'homme est un élément essentiel des relations bilatérales établies par la PEV et inscrit dans ses plans d'actions. Ces plans rendent l'attribution de l'aide communautaire proportionnelle aux progrès réalisés. Dans la pratique, il n'est pas question de véritablement conditionner l'attribution de l'aide au respect des droits de l'homme mais de favoriser ce respect en amorçant ou en aidant la réalisation de cette succession de programmes financiers et de promotion des droits de l'homme. En premier lieu, la volonté de l'Union et de ses Etats membres de s'engager dans ce domaine semble avoir évolué favorablement au fil du temps et des différents programmes75. En effet, le dialogue sur la question est institutionnalisé et jouit d'une légitimité certaine; de plus, le respect et la promotion des droits de l'homme ont intégré les objectifs des programmes financiers du partenariat et les programmes de développement de l'Union de telle sorte que les

72 Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) Programmation pour 2005 et 2006, p. 4, disponible sur le site de la Commission européenne: http://ec.europa.eu/europeaid/where/worldwide/eidhr/documents/eidhr-programming-2005-2006_fr.pdf

73 Les macro projets sont des projets mondiaux et régionaux portant sur un volume d'aide minimal de 300 000 euros pour les candidats installés sur le territoire de l'UE et de 150 000 euros pour ceux de la région ou du pays destinataire du projet. Les micro projets soutiennent des activités à petite échelle au niveau national et portent sur un volume d'aide compris entre 10 000 et 100 000 euros. (cf. site de la Commission européenne).

74 Idem, p. 28. Les quatre campagnes développées par l'IEDDH concernent 1. la promotion de la justice et de l'Etat de droit, 2. promotion d'une culture des droits de l'homme, 3. promotion du processus démocratique, 4. promotion de l'égalité, de la tolérance et de la paix,

75 Bechir Chourou, «A Challenge for EU Mediterranean Policy: Upgrading Democracy from Threat to Risk », in S. Panebianco ed., A New Euro-Mediterranean Cultural Identity, London: Frank Cass, London, 2003 p.32.

investissements et les projets de développement dans ce domaine ont progressivement augmenté.

En second lieu, cette succession d'instruments remet en cause la capacité de l'Union à peser dans la lutte contre les violations des droits de l'homme dans la région et l'efficacité des moyens mis en oeuvre.

Plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour conclure à un échec relatif de la promotion des droits humains au niveau régional: le manque initial de volonté, d'engagement et de coordination de la part des membres de l'Union européenne et de ses institutions. Ceci empêche l'Union d'être cette force motrice indispensable pour instiguer un élan régional dans le domaine des droits de l'homme face aux inexorables réticences des Etats méditerranéens du Sud. Mais le cade régional du partenariat n'est pas le seul dans lequel les préoccupations relatives aux droits de l'homme peuvent être intégrées; en effet, le cadre bilatéral est dans ce cas primordial.

II. La stratégie bilatérale de protection des droits de l'homme ou les clauses de conditionnalité

La stratégie bilatérale de protection des droits de l'homme de la Communauté est sensiblement différente de sa stratégie régionale dans la mesure où elle s'opère par le biais de relations exclusives entre un seul Etat méditerranéen et la Communauté. Ces relations sont fondées sur des instruments conventionnels, soumis au droit international qui créent des obligations juridiques pour les parties contractantes. Alors qu'il est difficile au niveau régional d'imposer le respect des droits de l'homme, du fait de la nature même des relations instaurées qui se fondent avant tout sur le renforcement du dialogue entre les partenaires et du manque d'instruments juridiques contraignants, les relations bilatérales offrent un cadre légal dans lequel la question du respect des droits de l'homme a été explicitement intégrée.

Cela renvoie à la question de savoir quelle est la stratégie développée par la Communauté afin de promouvoir les droits de l'homme dans la région et quelles sont les obligations juridiques qui en découlent.

La Communauté européenne a eu recours à un instrument capital dans les accords bilatéraux qui la lient à ses partenaires méditerranéens: il s'agit de l'introduction d'une clause relative au respect des droits de l'homme76 (A). Cette clause insérée dans les accords créant

76 Les notions de clause relative aux droits de l'homme, clause droit de l'homme et clause de conditionnalité seront utilises ici sans distinction.

des obligations pour les parties est accompagnée de mécanismes de sanctions visant à garantir leur respect (B).

A. L'introduction de clause de conditionnalité dans les accords bilatéraux du partenariat

La conditionnalité est une des méthodes disponibles pour atteindre des résultats prédéterminés dans le cadre d'une coopération financière. Sa fonction première est d'établir un lien explicite entre la distribution d'aide financière ou technique et la réalisation de réformes prédéterminées. La conditionnalité peut se concentrer sur des objectifs économiques, institutionnels ou bien purement politiques77. Cette conditionnalité a été mise en place au sein des accords bilatéraux par l'intermédiaire d'une clause dite droits de l'homme.

Il est essentiel de rappeler les origines de cette clause afin de comprendre les modalités de son application (1), avant de se pencher sur la différence de typologie des articles 2 des accords et les conséquences qui en résultent (2).

1. Les origines de «la clause droits de l'homme»

La Communauté européenne dût faire face dans les années 1970 à des violations systémiques des droits de l'homme en Ouganda, en République Centrafricaine, en Guinée équatoriale et au Libéria. Refusant toute discussion, les dirigeants africains avancèrent l'argument selon lequel les droits de l'homme relèvent du domaine de la politique intérieure, enjoignant ainsi l'Union de garder ses distances. Cela suscita de vives réactions de la part de l'opinion publique européenne: aider les Etats responsables de violations des droits de l'homme revenait à les accréditer et poursuivre la politique d'aide financière faisait courir le risque de ce que cette aide soit utilisée à des fins répressives. Cependant, ni les traités fondateurs de la Communauté, ni la convention de Lomé de 1975 réglementant les rapports entre la CE et les pays ACP (d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique), ne se référaient au respect des droits fondamentaux comme condition à l'attribution de l'aide communautaire78 et aucun mécanisme adéquat n'était à sa disposition pour exercer des pressions sur les

77 Dorothée Schmid, «Interlinkages within the Euro-Mediterranean partnership, linking economic, institutional and political reform: conditionality within the Euro-Mediterranean partnership», diffusé par EuroMesco, p. 10 article n° 27, décembre 2003.

78 Karin Arts « Implementing the Right to Development ? An Analyze of European Community Development and Human Rights Policies», In Human Rights in Developing Countries, Nordic human rights publication, Kluwer Law International, Year Book 1996 ,p. 50.

gouvernements79. En réponse à une question parlementaire l'interrogeant sur sa volonté
d'initier la suspension de l'aide communautaire80, le Conseil déclara qu'il acceptait d'intervenir
dans le cadre de ses relations établies par la convention de Lomé pour s'assurer qu'aucune
assistance attribuée par la Communauté à l'Ouganda n'aurait comme effet le renforcement ou
la prolongation du déni des droits fondamentaux de son peuple81. Fidèle au principe pacta
sunt servanda,
selon lequel les traités doivent être exécutés de bonne foi et réticente à
l'application du principe clausula rebus sics standibus82 à la demande du Parlement européen,
la Commission décida de ne suspendre que partiellement l'aide communautaire en Ouganda83.
Du fait des dissensions entre les membres de la Communauté et des réserves émises
par les Etats ACP, il ne s'est d'abord agit que de références dans le préambule de la
Convention Lomé II de 1979. Etant donnée l'attitude de la Communauté vis-à-vis du régime
d'apartheid en Afrique du Sud84, l'engagement de respecter les droits fondamentaux ne put
être qu'introduit dans le préambule de la convention de Lomé III (1984). Du fait de l'élection
au suffrage universel du Parlement européen en 1979, l'insistance sur le respect des droits de
l'homme se fit grandissante85. L'Acte Unique européen ayant donné les compétences au
Parlement pour approuver les accords bilatéraux conclus par la CE, lors des négociations de la
convention de Lomé IV, il fut clair que son approbation dépendrait de la place donnée aux
droits de l'homme dans ces accords. En 1989, l'article 5 de la convention de Lomé IV
rappelait clairement le lien entre le développement et les droits de l'homme et fixait leur
respect comme objectif de l'accord. Cependant, aucune clause suspensive n'y fut associée86.

79 Peter Hilpold, « Human rights clauses in the EU-Association Agreements», in External Economic Relations and Foreign Policy in the European Union, Eds. Stefan Griller, Birgit Weidel, p. 361.

80 Question écrite n° 941/76 de M. Van der Hek au Conseil de la Communauté européenne "sur la situation des droits de l'homme en Ouganda" JO C 214 du 9 septembre 1977.

81 Déclaration du Conseil, Bull. CE du 21 juin 1977 aussi appelée lignes directrices de l'Ouganda.

82 Voir article 62.1 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 selon lequel un traité peut être dénoncé en cas de changement fondamental des circonstances depuis la conclusion de l'accord si ces circonstances étaient essentielles au consentement initial des parties.

83 Amy Young-Anawaty, «Human rights and the ACP-EEC Lomé II Convention», New York University Journal of International law and Politics, No.1, Vol. 13, 1980, p. 73.

84 Malgré les dénonciations du régime d'apartheid par la CE et la rédaction d'un code de conduite à destination des entreprises qui y été implantées, elle poursuivit ses relations commerciales avec l'Afrique du Sud, cf. ALSTON Philip, Linking trade and human rights, German Year Book of international law, vol. 23, 1980, p. 128.

85 Elena Fierro, « The EU's approach to human rights conditionality in practice», International studies in human rights, vol. 76, Kluwer law international, 2003, p. 59-63.

86 Eeckhout Piet, « External Relations of the European Union Legal and Constitutional Foundations», Oxford EC law library, 2004, p. 476.

Cette convention établit un précédent et la volonté de la Communauté fut réaffirmée dans la déclaration sur les droits de l'homme adoptée lors du Conseil européen de Luxembourg de juin 199187. De fait, une clause droits de l'homme ayant la qualité d'élément essentiel fut insérée dans plus de 50 accords conclus par la Communauté et concerne aujourd'hui plus de 120 Etats du Centre et de l'Est de l'Europe, d'Amérique latine, d'Asie et de la Méditerranée88.

La politique européenne de voisinage poursuit cet élan via les plans d'action conclus avec les pays voisins de l'Union. Ces plans comportent un chapitre politique portant sur un large éventail de questions relatives aux droits de l'homme, à la gouvernance et à la démocratisation, en fonction du degré d'engagement dont fait preuve chaque pays partenaire. Les parties s'engagent à effectuer des réformes importantes en matière de démocratisation (concernant les lois électorales, la décentralisation, le renforcement des capacités administratives), d'État de droit (via la réforme du code pénal et du code civil, du code d'instruction criminelle, le renforcement de l'efficacité des administrations judiciaires, l'élaboration de stratégies dans la lutte contre la corruption), de droits de l'homme (par l'adoption d'une législation protégeant les droits de l'homme et les libertés fondamentales, l'application des conventions internationales sur les droits de l'homme, la lutte contre la haine raciale et la xénophobie, la formation aux droits de l'homme, l'application des conventions internationales relatives aux droits fondamentaux du travail).

L'introduction des clauses relatives aux droits de l'homme dans les accords conclus avec les partenaires méditerranéens s'inscrit dans un mouvement consacré et constitue une pratique acceptée et désormais systématique de la part de la Communauté89. Néanmoins la typologie des clauses peut varier d'un accord à l'autre.

87 "A travers leur politique de coopération et par l'inscription de clauses relatives aux Droits de l'Homme dans des accords économiques et de coopération avec des pays tiers, la Communauté et ses Etats membres poursuivent activement la promotion des Droits de l'Homme et la participation sans discrimination de tous les individus ou groupes à la vie de la société, en tenant compte en particulier du rôle des femmes", Conseil européen de Luxembourg, juin 1991, Annexe V, §10.

88 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européens sur "Le rôle de l'Union européenne dans la promotion des droits de l'homme et de la démocratisation dans les pays tiers", COM (2001), 252 final, 8 mai 2001, p. 9. Et Résolution du Parlement européen sur la clause relative aux droits de l'homme et à la démocratie dans les accords de l'Union européenne (2005/2057(INI)).

89 Stelios Stavridis, op. cit.p. 294.

2. Typologie et contenu de la clause droits de l'homme dans les accords bilatéraux

La CE a recours à deux types de clause conditionnalité dans les accords bilatéraux: d'une part, la clause dite <<basique>> se référant au respect des droits de l'homme comme base des relations intérieures et extérieures des parties et d'autre part, la clause intégrant le respect des droits de l'homme comme <<élément essentiel» d'un accord.

L'article 2 de chacun des accords bilatéraux du partenariat euro-méditerranéen est une clause droits de l'homme imposant le respect des droits de l'homme comme élément essentiel de l'accord. Il en existe deux sortes: celles qui ne se réfèrent pas à la Déclaration des droits de l'homme de 1948 (c'est le cas des accords bilatéraux conclus avec la Tunisie et Israël) et celles qui s'y réfèrent (accords conclus avec l'Egypte, l'Autorité Palestinienne, le Liban, la Jordanie, le Maroc et l'Algérie). Dans le premier cas l'article 2 dispose:

<<Les relations entre les parties, de même que les dispositions de l'accord lui-même, se fondent sur le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques qui inspirent leurs politiques internes et internationales et constitue un élément essentiel du présent accord>>.

Et dans le second:

<<Les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l'homme tels qu'énoncés dans la déclaration universelle des droits de l'homme, qui inspire leurs politiques internes et internationales et constitue un élément essentiel du présent accord>>.

La première formule renvoie à la volonté de la Commission d'uniformiser les références dans différents accords qu'elle exprima dans sa décision du 26 janvier 1993 90. Aucune référence à la DUDH n'était encore imposée, c'est la raison pour laquelle il n'en est pas question dans les accords conclus avec la Tunisie et Israël en 1995. En mai de la même année, la Commission manifesta sa volonté d'inclure une référence aux instruments internationaux de protection des droits de l'homme dans sa communication relative à <<la prise en compte du respect des principes démocratiques et des droits de l'homme dans les accords entre la Communauté et les pays tiers>>91. Selon Eeckhout, le choix d'introduire une référence à la DUDH s'explique par le fait que ce texte peut être considéré comme faisant partie du jus

90 PV (93) 1137, point XIV.

91 Com (95) 216 final, 23 mai 1995.

cogens évitant les débats sur la compétence de la Communauté à édicter des règles normatives dans la sphère des droits de l'homme92.

La différence de formulation de ces clauses a-t-elle des conséquences juridiques? En effet, la question se pose de savoir si la valeur normative des clauses varie s'il est fait ou non référence à la DUDH. Les termes «droits de l'homme» ont-ils le même sens dans l'accord tunisien que dans l'accord libanais?

Selon Meijers et Nollkaemper, inclure la DUDH a pour intérêt de rendre toutes ses clauses contraignantes pour les parties: la notion de «droits de l'homme» doit être comprise comme intégrant chacun des droits contenus dans la déclaration de 194893. Si l'on suit ce raisonnement, les droits qui ne sont pas dans la déclaration ne seraient alors pas contraignants. Cet argumentaire ne tient pas compte de la façon avec laquelle l'article 2 de certains accords renvoie à la déclaration universelle: il ne dispose pas que «les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions de l'accord se fondent sur le respect de la déclaration universelle», mais sur «le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l'homme tels qu'énoncés» dans la DUDH. Selon Mielle Bulterman, cette référence tend davantage à préciser la notion de droits de l'homme plutôt que d'intégrer chacune des clauses de la Déclaration dans les relations bilatérales des parties contractantes94. Ceci étaye la thèse défendant que cette clause droits de l'homme ne crée pas de nouvelles obligations pour les parties mais incorpore dans les accords les obligations relatives aux droits fondamentaux existant en droit international. En effet, l'article 2 a une valeur déclaratoire et non constitutive95. Malgré cela, si la DUDH n'a pas de valeur juridiquement contraignante, il semble être accepté qu'elle consacre des principes généraux du droit international96 s'appliquant à tous les Etats. Selon Elena Fierro, cette référence ne doit pas être interprétée de manière limitative: d'autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme peuvent

92 Piet Eeckout, op. cit. p. 473.

93 Herman Meijers et André Nollkaemper, « The universal declaration of human rights now contains binding treaty law», Nederlands Juristenblad, vol. 72, 1997, p. 1113-1115.

94 Mielle Bultermann, «Human rights in the treaty relations of the European community. Real Virtues or Virtual reality? » in School of Human Rights Research Series, Volume 7. Intersentia Hart, 2001 p. 169.

94 Idem.

96 Idem, et Elena Fierro, op. cit. p. 239.

être également contraignants dans le cadre des accords97. Barbara Brandtner et Allan Rosas soutiennent que la déclaration universelle permet d'établir un standard minimum98 au-delà duquel il est possible d'évoluer.

Si l'on conclu que les accords comprenant une référence à la DUDH permettent d'établir un standard minimum de protection, une question persiste: que dire alors des accords qui imposent le respect des droits de l'homme mais qui ne renvoient pas à la DUDH?

Deux thèses ici s'opposent: la première défend que la DUDH établit un standard minimum de protection des droits humains, son absence dans les accords tunisien et israélien laisse la possibilité d'une plus large interprétation: «les relations entre les parties, de même que les dispositions de l'accord lui-même, se fondent sur le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques», aucune définition n'étant donnée des termes droits de l'homme, s'agit-il de ceux reconnus par les instruments auxquels les deux parties contractantes ont adhéré, ou bien auxquels l'une ou l'autre des parties a adhéré? Sachant que le nombre de traités relatifs aux droits de l'homme signés par la Tunisie et Israël et par les membres de la Communauté diffère sensiblement, cette question est importante. La référence à la DUDH met en avant l'universalité des droits de l'homme, ainsi son absence n'empêche pas toute approche relativiste, mettant par exemple l'accent sur les droits économiques ou collectifs au détriment des droits politiques ou individuels. Il semble que le Parlement européen ait pris conscience de ce déséquilibre en adoptant une recommandation de 1996, dans laquelle il estimait «qu'il convient d'utiliser, dans tous les accords, la forme la plus évoluée de clause relative aux droits de l'homme»99, s'en est suivi l'introduction de la DUDH dans chacun des articles 2 des nouveaux accords bilatéraux adoptés avec les partenaires méditerranéens.

A cette première thèse s'oppose celle que défend Mielle Bulterman consistant à dire que l'argument visant à nier que cette clause renverrait aux droits fondamentaux protégés par la déclaration universelle irait à l'encontre de l'universalité des droits de l'homme si chère à la Communauté européenne. Ainsi, selon elle, qu'il y ait ou non une référence à la DUDH dans l'article 2 des accords ne changerait pas son contenu normatif. Cet argument peut être renforcé par la considération de ce que la déclaration de Barcelone se réfère expressément à la DUDH.

97 Elena Fierro, op.cit, p. 237.

98 Barbara Brandtner et Allan Rosas, «Trade preferences and human rights, in The UE and human rights», Alston ed. Oxford University Press, 1999, p.707.

99 Résolution sur la communication de la Commission sur la prise en compte du respect des principes démocratiques et des droits de l'homme dans les accords entre la Communauté et les pays tiers, point 4. (COM(95)0216 - C4-0197/95) JO n° C 320 du 28 mais 1996 p.261.

Sa valeur déclaration ne lui retire pas sa qualité de que référence interprétative: les accords bilatéraux qui en découlent doivent être interprétés à la lumière de son préambule. Ainsi, même en l'absence de référence explicite à la DUDH dans les articles 2 des accords tunisiens et israéliens, la notion de droits de l'homme devrait être comprise telle qu'énoncée dans la DUDH.

L'insertion d'une telle clause permet «d'inscrire les droits de l'homme comme sujet d'intérêt commun, élément du dialogue et instruments pour réaliser diverses actions positives au même titre que les autres clauses essentielles>> des accords100. Il s'agit d'inciter à adhérer et à ratifier des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. Elle crée d'une part une obligation positive pour l'Union d'imposer le respect de cette clause; en effet, selon le Parlement européen, «il est de la responsabilité de l'Union, lorsqu'elle signe un accord international avec un pays tiers comprenant une clause relative aux droits de l'homme et à la démocratie, de veiller à ce que le pays tiers en question respecte les normes internationales en matière de droits de l'homme lors de la signature de cet accord>> 101, et d'autre part, les Etats parties se doivent de respecter les droits de l'homme et les principes démocratiques qui constituent un «élément essentiel>> de l'accord. Cette disposition a pour objectif la création d'une base légale à d'éventuelles mesures restrictives en cas de violation des droits de l'homme conformément à l'article 60.3 de la convention de Vienne sur le droit des traités102. Dans le respect des conditions de procédure prévues par l'article 65 de la convention de Vienne, «elle habilite les parties à considérer comme violation substantielle de l'accord, toute violation grave et persistante des droits de l'homme ou toute interruption sérieuse du processus démocratique et de ce fait comme motif pour mettre fin à l'accord ou suspendre son application en totalité ou en partie>>103. L'article 65 impose le respect d'un délai de trois mois au moins «sauf en cas d'urgence particulière entre la notification et la suspension proprement dite ainsi que d'un délai supplémentaire en cas de recherche d'une solution amiable>>. Cette

100 Communication de la Commission, la prise en compte du respect des principes démocratiques dans les accords entre la Communauté et les pays tiers, COM (1995) 216 final, 23 mai 1995.

101 Résolution du Parlement européen sur la clause relative aux droits de l'homme et à la démocratie dans les accords de l'Union européenne (2005/2057(INI)).

102 "aux fins du présent article, une violation substantielle d'un traité est constituée par a) un rejet du traité non autorisé par la présente convention; ou b) la violation d'une disposition essentielle pour la réalisation de l'objet ou du but du traité".

103 Communication de la Commission, la prise en compte du respect des principes démocratiques dans les accords entre la Communauté et les pays tiers, COM (1995) 216 final, 23 mai 1995.

clause est renforcée par une clause de non-exécution prévue dans les accords bilatéraux et des mécanismes de sanctions dont dispose l'Union européenne.

B. La valeur des mécanismes de sanction liés à l'article 2

En complément de l'article relatif à la définition des éléments essentiels de l'accord, une clause relative à la non-exécution de ses obligations a été insérée en disposition finale des conventions. Elle est elle-même précisée par une déclaration interprétative introduite à la fin de certains des accords. Il convient dans un premier temps de déterminer quelles sont les conséquences d'une violation de la clause droit de l'homme et quels sont les instruments de sanction dont dispose l'Union (1), puis dans un second temps, d'étudier dans quelle mesure ces sanctions sont légales (2).

1. La clause générale de non-exécution (ou clause complémentaire)

Les clauses droits de l'homme peuvent être associées soit à une clause suspensive (dite clause balte) permettant la suspension avec effet immédiat de l'application de l'accord dans sa totalité ou partiellement en cas d'atteinte grave aux dispositions essentielles104; soit à une clause générale de non-exécution (dite clause bulgare) permettant de reconsidérer les obligations naissant de l'accord en cas de violation d'un élément essentiel105.

Les accords du partenariat euro-méditerranéen sont tous dotés d'une clause bulgare formulée de cette façon:

1. Les parties prennent toute mesure générale ou particulière nécessaire à l'accomplissement de leurs obligations en vertu du présent accord. Elles veillent à ce que les objectifs fixés par le présent accord soient atteints.

2. Si une partie considère que l'autre partie n'a pas rempli l'une des obligations que lui impose le présent accord, elle peut prendre des mesures appropriées. Auparavant elle doit, sauf cas d'urgence spéciale, fournir au Conseil d'association toutes les informations pertinentes nécessaires à un examen approfondi de la situation en vue de rechercher une solution acceptable par les parties. Le choix doit porter par priorité sur les mesures qui

104 Du fait de leur introduction initiale dans les accords conclus aves les Etats baltes; cette clause n'a pas été utilisée très longtemps et fut remplacée par la clause Bulgare prévoyant des réactions moins brutales en cas de non respect des accords.

105 Communication de la Commission sur "la prise en compte du respect des principes démocratiques et des droits de l'homme dans les accords entre la Communauté et les pays tiers", COM (95) 216 final, 23 mai 1995.

perturbent le moins le fonctionnement du présent accord. Ces mesures sont notifiées immédiatement au Conseil d'association et font l'objet de consultations au sein de celui-ci à la demande de l'autre partie.

Nulle référence n'est faite au respect des droits de l'homme dans cette clause, et pour cause, elle n'avait à l'origine aucun rapport avec la clause droits de l'homme. Elle se trouve effectivement dans différents types d'accords n'ayant aucune disposition concernant les droits fondamentaux et fut utilisée dans ce cadre là106.

Cette clause n'est pas aussi stricte que la clause balte qui prévoit la suspension immédiate de l'accord. Ici une procédure de consultation est établie afin de convenir d'une solution entre les parties, de plus, il n'est pas question de suspension systématique de l'accord mais de l'adoption de mesures appropriées. Toutefois, les cas d'urgence spéciale sont possibles, il s'agit de résurgences des clauses baltes.

Mielle Bulterman souligne qu'il y a une certaine ambigüité à préférer des mesures affectant le moins le fonctionnement de l'accord dans une clause dont le but est de prévoir les dispositions visant à réagir à une violation de l'accord en question. Elle ajoute que cette tournure reste très diplomate et suggère qu'elle n'est pas faite pour être mise en pratique107.

Afin de préciser les dispositions de cet article, une déclaration commune a été intégrée à la fin de certains des accords de partenariat. Cette déclaration établit un lien entre la clause droits de l'homme et la clause de non exécution et clarifie le sens des termes «cas d'urgence spéciale» et «mesures appropriées». Ces clarifications seront abordées successivement.

Précision de la notion de cas d'urgence spéciale

Dès lors qu'un cas d'urgence spéciale est déclaré, la procédure de consultation n'est plus imposée, il était donc important de préciser les conditions dans lesquelles pareille situation peut se présenter:

1. Les parties conviennent, aux fins de l'interprétation et de l'application pratique de l'accord, que les cas d'urgence spéciale visés [par la clause de non exécution] de l'accord signifient les cas de violation substantielle de l'accord par l'une des deux parties. Une violation substantielle de l'accord consiste dans:

-- le rejet de l'accord non autorisé par les règles générales du droit international,

106 Bultermann (M), op. cit.p. 205.

107 Ibid, p. 232.

-- la violation des éléments essentiels de l'accord visés à l'article 2.

La déclaration reprend le modèle de l'article 60.3 de la convention de Vienne de 1969 définissant une violation substantielle d'un accord, toutefois ici, les cas de violation substantielle correspondent aux cas d'urgence spéciale.

Cette disposition renforce l'importance de l'article 2 et inscrit véritablement la clause de non exécution dans cette perspective: si cette dernière ne faisait pas expressément référence au respect des droits de l'homme, cette déclaration y remédie en insistant sur leur caractère essentiel. De plus, la nature affirmative de cette disposition dénuée de tout conditionnel «pourrait constituer>> ne laisse pas de place à l'ambigüité: le non respect des droits de l'homme et/ou des principes démocratiques, éléments essentiels de l'accord, constitue un cas d'urgence spéciale dispensant toute consultation préalable à l'adoption de mesures appropriées. Selon Elena Fierro, c'est dans cette mesure que la notion d'urgence est quelque peu dénaturée puisque toute violation des droits de l'homme pourrait constituer une situation d'urgence. Elle ajoute que dans ce cas, la Communauté n'a pas à prouver la réalité de l'urgence mais simplement l'existence d'une violation des droits de l'homme108.

Ainsi, si les cas d'urgence peuvent se présenter relativement fréquemment, il est important de se pencher sur la notion de «mesures appropriées>>.

Précision de la notion de mesures appropriées

La seconde clause de la déclaration interprétative dispose que «les parties conviennent que les «mesures appropriées>> mentionnées [dans la clause de non exécution] de l'accord constituent des mesures prises conformément au droit international>>.

Cette clause ne définit pas la notion de mesures appropriées mais précise qu'elles doivent être adoptées en conformité avec le droit international. Les parties n'ont donc pas carte blanche dans le choix et le mode d'application des mesures.

Le droit international fixe certaines des limites à l'adoption de contre-mesures. L'article 50 du projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite énumère certaines de ces limites. Ainsi l'obligation de ne pas recourir à la menace ou à l'emploi de la force telle qu'énoncée dans la Charte des Nations Unies, les obligations relatives à la protection des droits fondamentaux de l'homme et celles ayant un caractère

108 Fierro (E), op. cit. p.241.

humanitaires excluant les représailles, doivent être impérativement respectées109. Selon l'article 51, les contre-mesures doivent être proportionnelles au préjudice subi compte tenu de la gravité du fait internationalement illicite et des droits en cause.

Le droit international fixe des limites mais n'établit pas la liste des mesures qu'un Etat peut adopter en cas de violation substantielle d'un accord. Une communication de la Commission européenne de 1995 établissait «un catalogue non exhaustif des mesures envisageables en cas de violation grave des droits de l'homme et/ou d'interruption sérieuse du processus démocratique». Ces mesures pouvaient consister en la modification du contenu des programmes de coopération ou des canaux utilisés, la réduction des programmes de coopération culturelle, scientifique et technique, le report de la tenue d'une commission mixte, la suspension des contacts bilatéraux à haut niveau, l'ajournement de nouveaux projets, le refus de donner suite à des initiatives du partenaire, des embargos commerciaux, la suspension des ventes d'armes, l'interruption de la coopération militaire et enfin la suspension de la coopération110.

Cette même communication précisait que les actions restrictives de la Communauté devaient être proportionnées à la gravité du cas d'espèce, être considérées dans une approche positive en étant fondées sur des critères objectifs, équitables et adaptées à la diversité des situations rencontrées avec le souci de maintenir le dialogue ouvert.

Les conditions de la levée des mesures n'étant pas précisées par les accords bilatéraux, le Parlement européen soulignait en 2006 dans sa résolution sur la clause relative aux droits de l'homme et à démocratie dans les accords de l'Union «qu'aucune mesure ne peut être levée tant que subsistent les raisons qui ont présidé à son application et [demandait] l'introduction de mesures complémentaires si les mesures existantes ne produisent pas de résultat après un délai important»111.

Enfin, la déclaration interprétative de la clause de non-exécution prévoit également que «si une partie prend une mesure en cas d'urgence spéciale [...] l'autre partie peut invoquer la procédure relative au règlement des différends». L'absence de consultation préalable en cas d'urgence prévue par la clause de non-exécution est pondérée par la possibilité d'avoir recours

109 Projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite, in l'Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II(2). Ce projet n'a pas de valeur juridique contraignante mais consacre certains principes généraux du droit international auxquels les Etats sont soumis, l'article 50 en fait partie. Cf. Harris (DJ). Cases and materials on International law, 6ème édition, Sweet & Maxwell, 2004, p. 63.

110 Annexe 2, COM (1995) 216 final.

111 Résolution du Parlement européen sur la clause relative aux droits de l'homme et à la démocratie dans les accords de l'Union européenne, point 16. (2005/2057(INI)).

a posteriori à la procédure de règlement des différends. Néanmoins, la suspension des mesures appropriées si une telle procédure est initiée n'est pas prévue.

La clause de non-exécution est un instrument d'une importance considérable pour mener à bien la politique européenne de promotion des droits de l'homme parce qu'elle inscrit le respect des droits de l'homme dans un cadre juridique complet. Partant de l'imposition de leur respect comme condition essentiel des accords bilatéraux jusqu'à l'adoption possible de mesures appropriées visant à «sanctionner» leur violation. Afin d'insister sur l'importance de cet instrument, il est nécessaire de se pencher sur sa légalité.

2. Légalité des clauses de conditionnalité dans l'ordre juridique communautaire

La légalité de la clause droits de l'homme fut mise en cause par trois évènements majeurs indépendants du partenariat euro-méditerranéen qui se présentèrent au cours de l'année 1996.

Il s'agit premièrement de l'opinion 2/94 relative à l'adhésion de la Communauté à la convention européenne des droits de l'homme rendue par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). La cour y concluait qu'«aucune disposition du traité ne confère aux institutions communautaires, de manière générale, le pouvoir d'édicter des règles en matière de droits de l'homme ou de conclure des conventions internationales dans ce domaine»112.

Selon le Conseil et la Commission, la clause droits de l'homme ne serait pas créatrice de nouvelles obligations pour deux raisons: elle n'institue pas de nouveaux standards mais renvoie à des normes coutumières largement acceptées auxquelles la Communauté est ellemême soumise sans y avoir adhéré. Ensuite, cette clause ne transforme pas la nature des accords et ne fait que contribuer à réaffirmer des valeurs et des principes partagés par les parties conditionnant toute coopération économique et commerciale113.

Opposée à ces arguments, l'Australie, suivie de la Nouvelle Zélande, refusèrent l'insertion des clauses droits de l'homme et de non exécution corrélatives, dans les accords de coopération qu'elles envisageaient de conclure avec la Communauté. Les arguments de ce refus relevés par Elena Fierro consistaient à dire d'une part qu'il est plus approprié de traiter de la question des droits de l'homme au niveau multilatéral, d'autant plus que les instruments

112 Avis 2/94 du 28 mars 1996, para.27. Adhésion de la Communauté à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Recueil de jurisprudence 1996 page I-01759.

113 Brandtner et Rosas, op. cit. p. 709 et Fierro, op.cit. p.246-8.

de référence ont été établis dans ce cadre. Ensuite, les droits de l'homme et le commerce appartiennent à deux sphères différentes qui doivent rester indépendantes l'une de l'autre. Enfin, une telle clause n'est guère pertinente lorsqu'elle est imposée à des Etats qui n'ont plus à faire leur preuve.

La réticence de l'Australie et de la Nouvelle Zélande trahissait en vérité leur crainte de l'instrumentalisation des droits de l'homme à des fins politiques. Elles persistèrent à contester mais en vain: la Communauté ne céda pas sur les conditions imposées comme sine qua non à toute coopération l'engageant et les accords ne furent pas signés. Ceci souligne le sérieux des exigences de la CE liées aux droits de l'homme.

Parallèlement à ces difficultés, le Portugal contesta la compétence de la Communauté à intégrer une clause droits de l'homme dans un accord de coopération entre la CE et linde sur la base de l'article 177 du TCE. Il soutenait que cet article permet d'introduire les droits de l'homme comme objectif des accords de coopération mais ne justifie pas que leur respect en constitue un élément essentiel. Dans l'arrêt Portugal c. Conseil114, la CJCE jugea que «le libellé même de cette dernière disposition démontre l'importance qu'il convient d'accorder au respect des droits de l'homme et des principes démocratiques»115. La cour ajoutait: «il y a lieu de constater, en premier lieu, que l'adaptation de la politique de coopération au respect des droits de l'homme implique nécessairement l'établissement d'un certain lien de subordination entre eux»116. Cet arrêt permettait de déduire que la clause droits de l'homme et de la clause de non-exécution des accords de coopération au développement sont légales117.

Toutefois, ces conclusions peuvent-elles être appliquées de la même façon aux accords d'association? Selon Alan Dashwood et Elena Fierro, le respect des droits de l'homme est déjà imposé dans les politiques extérieures de coopération au développement de la Communauté, ils peuvent ainsi être légitimement imposés dans les accords d'association. En effet, l'article 177.2 du TCE dispose que la politique de développement de la Communauté doit contribuer à l'objectif général de développement des droits de l'homme et des principes démocratiques. Il peut donc être déduit que cette disposition, de par sa généralité s'applique

114 CJCE 3 décembre 1996, Portugal c. Conseil, aff. C-268/94, Rec., 1996, p. I.6177.

115 Idem, para. 24.

116 Ibid, para 26.

117 Quand bien même l'accord indien ne comportait pas de clause de non exécution, la cour fit ses conclusions en se référant à "l'élément essentiel" impliquant la possibilité de suspendre l'accord en cas de violation des droits de l'homme et des principes démocratiques.

aux accords d'association dès lors qu'ils poursuivent un but de développement118, ce qui est le cas des accords de partenariat euro-méditerranéens. Peter Hilpold et Mielle Bulterman argumentent dans le même sens en se fondant sur les dispositions de l'article 181 A du TCE en vertu duquel les actions de coopération économique, financière et technique de la Communauté doivent être menées sans porter préjudice aux dispositions de l'article 177 du traité et doivent être cohérente avec ses politiques de développement119. On peut ainsi conclure que la clause droits de l'homme des accords d'association est conforme à l'ordre juridique communautaire.

La clause de non-exécution est le corollaire de la clause droits de l'homme. Selon la CJCE, dans l'arrêt Portugal c. Conseil, la clause relative aux droits de l'homme de l'accord indien «peut être, notamment, un facteur important pour exercer le droit d'obtenir, en vertu du droit international, la suspension ou la cessation d'un accord de coopération au développement lorsque le pays tiers n'a pas respecté les droits de l'homme»120. L'un des intérêts même de la clause droit de l'homme revient à mettre en place un droit et un mécanisme de sanction121. Ainsi, la Communauté a-t-elle la compétence pour adopter des mesures en réaction à des violations des droits de l'homme dès lors qu'elles sont respectueuses des normes internationales.

118 Fierro, op. cit.p. 255, et DASHWOOD Alan, The human rights opinion of the ECJ and its constitutional
implications, University of Cambridge, Centre for Legal Studies, CELS Occasional paper n°1, 1996, p. 26.

119 Peter Hilpold, op. cit. p. 374, et Bultermann, op. cit. p.92

120CJCE 3 décembre 1996, Portugal c. Conseil, aff. C-268/94, Rec., 1996, p. I.6177, Para. 27.

121 ROSAS Allan, Mixed Union, mixed agreements, in International law aspects of the European Union, éd.M. Koskeniemi, Kluwer law international, 1998, p.145.

PARTIE II: UN PROCESSUS LACUNAIRE SUR LE TERRAIN DES DROITS DE
L'HOMME

Si la déclaration de Barcelone, les instruments financiers du partenariat et les clauses de conditionnalité des accords permettaient de fixer un niveau élevé d'attentes dans le domaine des droits de l'homme, la pratique du partenariat s'est révélée lacunaire et loin d'être à la hauteur. Il convient d'étudier dans un premier temps dans quelle mesure les termes du partenariat n'ont pas été respectés (chapitre I) avant d'étudier les aménagements possibles (chapitre II).

CHAPITRE I. LE NON RESPECT DES TERMES DU PARTENARIAT

Le partenariat euro-méditerranéen n'a pas permis de mettre un terme définitif aux violations des droits de l'homme dans la région (I) de part le fait que les outils mis à la disposition des partenaires du Nord n'ont pas été utilisés de manière appropriée, en effet, le recours à la conditionnalité a été un échec (II).

I. La persistance des violations des droits de l'homme

Il convient d'étudier d'abord les conséquences du partenariat sur la situation des droits de l'homme dans la région méditerranéenne (A) avant de s'intéresser aux raisons expliquant l'enlisement de la situation (B)

A. Conséquences du partenariat sur la situation des droits de l'homme dans la région méditerranéenne

En plus de douze ans de partenariat, certains progrès sur le terrain des droits de l'homme sont notables, mais ils restent sporadiques et il serait présomptueux de les considérer comme définitivement acquis (1), dans les faits, le partenariat euro-méditerranéen a été globalement incapable d'empêcher une dégradation générale de la situation (2).

1. Les progrès accomplis par les Etats méditerranéens dans le domaine des droits de l'homme

Les progrès sur le front des droits de l'homme dans les pays du Sud de la Méditerranée dûs au partenariat sont difficilement mesurables, du fait de la différence entre les cultures, des défis, des niveaux d'engagement et de la manière de chaque pays d'envisager les difficultés rencontrées. A ceci s'ajoute le fait que les accords de partenariat, aussi bien que les plans d'action de la PEV ne sont entrés en vigueur que récemment.

Cependant, certaines améliorations ont eu lieu dans le champ des droits civils et politiques et selon la Commission européenne, il s'agit d'évolutions dûes à la politique européenne de voisinage. En effet, des sous-comités des droits de l'homme ont été crées parallèlement à chaque accords dans le cadre de la PEV et ceux de la Jordanie, du Maroc et du Liban se réunit plusieurs fois au court de ces trois dernières années122.

122 Rapport annuel de l'Union européenne sur les droits de l'homme de 2007, document publié par le Conseil et la Commission et disponible sur le site europa.eu.

Dans son rapport de 2007, la Commission dresse un catalogue des évolutions positives ayant eu lieu dans la région123.

En ce qui concerne les réformes politiques, le Maroc a progressé sur le plan de la responsabilisation judiciaire des membres du gouvernement et de la réforme de l'autonomie locale. Des mesures visant à renforcer l'indépendance et la transparence de son système judiciaire ont été adoptées, ainsi que des mesures comme l'analyse de la législation, avant son adoption et afin de lutter contre la corruption, l'obligation pour les hauts fonctionnaires de faire une déclaration de patrimoine a été imposée. La Jordanie a adopté une nouvelle loi sur les municipalités qui prévoit l'élection directe de maires et de membres du conseil municipal et constitue de ce fait un progrès pour la promotion de la démocratie locale. Elle a également mis sur pieds une Commission de lutte contre la corruption, la divulgation de données financières et la presse et les publications124.

La démocratisation s'opère progressivement et des élections, tant présidentielles que législatives ou locales, se sont tenues dans un certain nombre de pays partenaires. Lors des élections législatives de septembre 2007, le Maroc a progressé sur le plan de la transparence de son processus électoral et en autorisant l'accès aux médias à des opposants politiques.

Concernant les droits de l'homme, la Jordanie a adhéré, en décembre 2006, au protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Le gouvernement a pris une initiative positive en publiant la majorité des instruments relatifs aux droits de l'homme au Bulletin officiel en 2006 les rendant ainsi exécutoires125.

L'Égypte, en février 2007, et la Jordanie, en mai 2007, ont adhéré au protocole facultatif à la même convention concernant la participation des enfants dans les conflits armés.

Le Maroc a également progressé dans la voie de la ratification de nombre de conventions internationales (voir Annexe 3). En Égypte, le Conseil national pour les droits de l'homme a adopté un plan national d'action en faveur de la promotion et de la protection des

123 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement, Mise en oeuvre de la politique européenne de voisinage en 2007, COM 2008 164, 3 avril 2007.

124 Rapport de l'Union Européenne sur les droits de l'homme en 2007 p. 83, accessible sur le site de la Commission européenne: http://ec.europa.eu/external_relations/human_rights/doc/

125 Idem.

droits de l'homme. La Jordanie a réduit, dans le même esprit, le nombre de crimes passibles de la peine capitale126.

Les questions d'égalité hommes-femmes ont connu des avancées dans certains pays: en Égypte, les mutilations génitales féminines ont été strictement interdites; au Maroc, une modification du code de la nationalité permet désormais la transmission de la nationalité par la mère. En Tunisie, enfin, la procédure de ratification du protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes a été entamée. La participation des femmes à la vie politique a progressé en Jordanie et au Maroc. Il est de plus remarquable de noter que la totalité des membres méditerranéens du partenariat a ou bien signé ou bien ratifié la convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes (Annexe 4).

Enfin, dans le cadre du volet culturel, social et humain des développements substantiels ont eu lieu. Les aides budgétaires du partenariat ont permis d'améliorer les systèmes éducatifs du Maroc, de la Jordanie, de l'Egypte et de la Tunisie127.

Selon le réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme, «les organisations de défense des droits de l'homme ont considérablement développé leurs activités: elles ont renforcé leurs liens au niveau régional, au sud, un véritable mouvement arabe des droits de l'homme est né, et dans le même temps, un partenariat entre les sociétés civiles entre les deux rives a été lancé grâce à la tenue régulière de conférence de suivi de la Déclaration de Barcelone128. Les forums civils se sont multipliés et ce, dans des domaines variés (un forum Euromed des syndicats a été créé pour former les acteurs sociaux en matière de droits sociaux). En décembre 2003 était lancé le projet de Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue des cultures, dont le siège est situé en Egypte. Son objectif est de développer les échanges entre les sociétés civiles et favoriser le dialogue des cultures et civilisations.

Si ces progrès doivent être soulignés, ils restent cependant sporadiques, à l'occasion du dixième anniversaire du partenariat, le réseau Euro-méditerranéen des droits de

126 Idem et « Mise en oeuvre de la politique de voisinage 2007 », op.cit.

127 Site internet de la diplomatie française: http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/europe_828/union-europeennemonde_13399/relations-exterieures_853/partenariat-euro-mediterraneen_2208/index.html

128 « Barcelone + 5 : quel impact pour les droits humains ? : novembre 1995-novembre 2000 : le bilan de cinq années de partenariat euro-méditerranéen », p.3, livre blanc présenté à la conférence euro-méditerranéenne interministérielle de Marseille (15-16 novembre 2000) Fédération internationale des ligues des droits de l'homme.

l'homme remettait une déclaration aux chefs d'Etats du partenariat aux termes de laquelle: <<Si quelques rares progrès sur le front des droits de l'Homme peuvent être attribués à la relation proactive entre les partenaires de la Déclaration de Barcelone, la région, au Nord comme au Sud, a en réalité été le théâtre d'un accroissement des restrictions et des atteintes aux libertés civiles dans le sillage du 11 septembre 2001»129.

2. Incapacité à empêcher une dégradation générale de la situation

<<Il est difficile d'affirmer que le Partenariat euro-méditerranéen a contribué à l'amélioration de la situation des droits de l'Homme dans la région, ni que les principes des droits de l'Homme ont été appliqués de manière cohérente et continue dans le cadre de la coopération régionale», telle est la conclusion tirée par le réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme (REMDH) à l'issue des dix premières années d'existence du partenariat130. Le réseau affirme que <<les rares progrès notables constatés ces dix dernières années sont liés à des changements internes à l'échelle de chaque pays et non à la relation active existant entre les partenaires de la Déclaration de Barcelone»131. En effet, la situation globale des droits de l'homme ne s'est pas améliorée depuis la mise en place du partenariat132, au contraire, <<la signature d'accords d'adhésion assortis de clauses sévères dans le domaine de la démocratie et des droits de l'homme ne parvient malheureusement pas à empêcher la dégradation continuelle de la situation dans certains pays, tandis que le partenariat a été conçu dans un esprit tel qu'il n'a pas contribué à un dialogue suffisamment sincère et sérieux à propos des droits de l'homme, de la lutte contre le terrorisme ou de l'immigration»133.

Des progrès considérables restent à faire dans le domaine des droits civils et politiques, notamment de la liberté d'expression, des droits des femmes et des libertés de la société civile.

129 Promotion et protection des droits de l'homme dans la région euro-méditerranéenne. Déclaration du réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme aux chefs d'Etat du partenariat euro-méditerranéen à l'occasion du dixième anniversaire de la Déclaration de Barcelone, p. 2.

130 Position du Réseau euro-méditerranéen des droit de l'Homme sur Barcelone+10 et droits de l'homme, Disponible sur internet: http://www.droits-

fondamentaux.prd.fr/codes/modules/articles/article.php?idElem=948456543

131 Idem

132 Reprendre de l'élan, Rapport annuel EuroMesco 2006, publié en mai 2007, disponible sur www.euromesco.net.

133 Avis du Comité économique et social sur le <<Partenariat euro-méditerranéen -- Bilan et perspectives après cinq ans» (2002/C 36/24), para. 2.9.

Si on peut noter une évolution claire de l'adhésion des partenaires méditerranéens aux instruments internationaux les plus importants en matière de droits de l'homme depuis 1995134 (annexe n°4), dans la pratique la situation est bien différente puisqu'ils ne respectent pas ces normes internationales135. La première difficulté résulte du fait que les normes internationales ne sont pas toujours correctement transposées en droit interne136. Il faut ensuite veiller à l'application de ces traités. Le cas des élections législatives de novembre 2007 en Jordanie est révélateur: elles se sont déroulées en vertu d'une législation ne respectant pas certaines normes internationales, la Jordanie refusant la présence d'observateurs électoraux internationaux137. Les rapports internationaux des droits de l'homme dénoncent des situations critiques pour les droits civils et politiques, tels que les violations du droit à la vie, à la sécurité de la personne et du droit à la liberté et à la sécurité individuelles du fait des arrestations, détentions, procédures de fouille, et du recours à la torture et aux mauvais traitements au cours des interrogatoires commis par les autorités et palestiniennes et israéliennes138. La liberté d'expression est également dans la ligne de mire des gouvernements à tendance répressive139: alors que les médias jouissent de davantage de licence, les autorités égyptiennes, algériennes et marocaines renforcent leur contrôle sur internet en général et sur les bloggeurs en particulier140, de plus, des actes d'intimidation et d'oppression des journalistes, dont certains sont incriminés en vertu du code pénal, continuent d'être observés en Algérie. En Jordanie, les rédacteurs en chef de deux journaux ont été traduits en justice

134 Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention relative aux droits de l'enfant. En revanche, En ce qui concerne les droits fondamentaux du travail, la ratification et la mise en oeuvre des conventions de l'OIT demeurent problématiques dans un certain nombre de pays partenaires, (cf. rapport de l'Union européenne sur les droits de l'homme en 2007).

135 Droits de l'homme dans les relations avec la Méditerranée: http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/r10112.htm.

136 Avis du Comité économique et social, op. cit.

137 Rapport de l'Union européenne sur les droits de l'homme en 2007, document publié par le Conseil et la Commission et disponible sur le site europa.eu.

138 Idem et « Rapport 2008, La situation des droits de l'homme dans le monde, région Moyen Orient et Afrique du Nord », accessible sur le site d'Amnesty International.

139 « Evaluer les progrès en matière de droits de l'homme et de développement démocratique dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen », p. 48, mai 2007, publié par le secrétariat EuroMesco.

140 Rapports de l'Union européenne et d'Amnesty international, op. cit.

pour avoir reproduit les caricatures de Mahomet parues dans un journal danois141. En Egypte, la liberté de religion est également menacée du fait d'un harcèlement des convertis ou du refus de modifier leurs actes de l'état civil142.

Les tendances à la discrimination et aux restrictions à l'encontre des femmes sont toujours fréquentes dans la globalité des Etats du Sud de la Méditerranée143: en Jordanie par exemple, où la violence à leur encontre (violence domestique et crimes dits d'honneur) n'est pas sanctionnée de manière systématique. Bien que les mutilations génitales soient interdites en Egypte, elles sont toujours pratiquées144. Le document de stratégie régionale de l'instrument européen de voisinage et de partenariat, souligne également que les femmes souffrent toujours d'un manque d'émancipation et d'un accès réduit à la connaissance et à l'éduction dans la région145.

Enfin, la société civile -ONG et certains militants des droits de l'homme- peut elle aussi être victime de harcèlement ou d'intimidation146. En Egypte et en Tunisie, leurs activités étaient entravées par l'obligation d'enregistrer les ONG pour fonctionner légalement sans disposer de la possibilité de former un recours à l'encontre d'une décision de refus147, la Jordanie a adopté récemment un projet de loi donnant la possibilité au gouvernement d'obtenir les plans d'action des ONG, de donner son aval à tout mode de financement et de fermer l'organisation en cas d'infraction mineure148. En Syrie, qui connait l'Etat d'urgence depuis 45 ans, les autorités disposent de moyens légaux pour menacer les organisations des droits de l'homme: la loi n°6 de 1965, prévoit la peine de mort pour les défenseurs des droits de l'homme recevant quelque aide provenant de l'étranger149. Annette Jünemann affirme qu'afin

141 Rapport de l'Union européenne.

142 Idem.

143 Rapport EuroMesco, op. cit. Tableau 12 p.57.

144 Rapport d'Amnesty international.

145« Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEPV). Document de stratégie régionale (2007- 2013) et programme indicatif régional (2007-2013) pour le partenariat euro-méditerranéen », op. cit. p. 9.

146 Rapport de l'Union européenne.

147 Rapport d'Amnesty International et Richard Youngs, op. cit.p. 57-58.

148Projet de loi adopté en juin 2008, Jordanie: Il faut retirer les nouvelles lois qui affaiblissent la démocratie, article du réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme, 9 juillet 2008, disponible sur son site: http://euromedrights.net/pages/525/news/focus/57175

149 Michelle Pace, «Conclusion: Cultural Democracy in Euro-Mediterranean Relations? » In Mediterranean Politics, Volume 10, 3 novembre 2005 , p. 429.

de réduire le risque que la société civile menace les structures du pouvoir en place, des gouvernements autoritaires membres du partenariat insistent sur l'insertion de la formule spécifiant dans la déclaration de Barcelone que les projets de la société civile doivent s'inscrire <<dans le cadre des législations nationales»150

Enfin, le sous-comité des droits de l'homme de la Tunisie a fait l'objet de certaines réclamations de la part du gouvernement tunisien. Il demandait en effet que ce comité n'empiète pas sur les questions de souveraineté nationale, ne soulève pas de cas individuels et n'évoque pas d'affaires pendantes ou sur le point d'être portée devant la justice151.

La protection des droits de l'homme n'est pas encore un réflexe dans les sociétés méditerranéennes du Sud, les raisons de l'échec relatif du partenariat dans ce domaine sont multiples.

B. Les raisons de l'enlisement de la situation des droits de l'homme

Différents facteurs doivent être pris en compte afin d'expliquer le déclin des droits de l'homme dans la région méditerranéenne. La situation géopolitique mondiale et régionale a contribué à l'évolution des relations entre les différents partenaires du processus. Des évènements tels que les attentats du 11 septembre 2001, les guerres en Irak et en Afghanistan, les attentats de Madrid du 11 mars 2001 et ceux de Londres du 7 juillet 2005, la poussée des mouvements fondamentalistes radicaux au Moyen Orient ainsi que les conflits israélopalestinien et israélo-libanais, l'élection du Hamas en Palestine, ont renforcé la volonté de certains partenaire de privilégier l'aspect sécuritaire du partenariat152 et sont venus semer le doute quant à l'engagement de nombreux acteurs du PEM envers le processus démocratique153.

Ce contexte épineux a d'une part mené l'Union européenne à revoir l'ordre de ses priorités et à privilégier des domaines d'action reléguant les droits de l'homme en second plan (1). Mais la charge de l'échec relatif du partenariat ne repose pas exclusivement sur la

150 Jünemann Annette, «From the Bottom to the Top: Civil Society and Transnational Non-Governmental Organizations in the Euro-Mediterranean Partnership», in Democratization, 9:1, 2002, p. 88.

151 Un sous comité des droits de l'homme vidé de sa substance http://www.kalimatunisie.com/article.php?id=15

152 Kristina Kausch, << How serious is the EU about supporting democracy and human rights in Morocco? », democracy working papers, p. 3, 1er mai 2008, publié par le Conseil européen des relations étrangères et par FRIDE (Fondacion para las relaciones internacionales y el dialogo exterior).

153 Rapport EuroMesco, op. cit. p. 8.

politique de la CE mais engage de la même façon les Etats du Sud faisant preuve de réticence vis-à-vis de la question des droits de l'homme (2).

1. Des priorités reléguant les droits de l'homme en arrière plan

L'ordre des priorités de la Communauté dans le PEM est critiqué à trois titres: il est d'abord reproché à la Communauté européenne d'avoir favorisé l'aspect économique du partenariat aux dépends de son aspect politique, ensuite, son insistance sur le côté sécuritaire du processus aurait nuit à sa politique de promotion des droits de l'homme et des principes démocratiques, et enfin, ses préoccupations relatives à la question de l'immigration aurait pris le dessus sur la question des droits de l'homme dans ses relations avec certains pays.

Le premier reproche adressé à la politique de la Communauté renvoie à sa conviction que les réformes économiques doivent mener de fait à la libéralisation politique154. C'est ainsi que sa politique s'est focalisée essentiellement sur l'aspect économique du processus. Cette situation n'est aujourd'hui guère contestée et est d'ailleurs publiquement citée comme une des raisons de l'échec du partenariat par les Etats méditerranéens eux-mêmes155.

La politique de l'Union reposait sur la certitude de ce que <<la croissance économique, une fois obtenue, est considérée comme produisant elle-même de nouveaux facteurs de transformation. Des rentrées budgétaires accrues [généreraient] des ressources supplémentaires, qui [permettraient] aux États et aux gouvernements d'augmenter la qualité et l'effet inclusif de leurs infrastructures sociales et économiques, d'investir dans la santé et l'éducation, de réduire la pauvreté, d'améliorer le fonctionnement de la justice, etc. >>156. Dans cette mesure, les changements politiques arbitraires devraient être proscrits parce qu'ils mèneraient à des bouleversements économiques, ce qui perturberait le cycle permettant de passer de la croissance économique à la stabilité politique157.

154 Richard Youngs, op. cit.p. 54.

155 Interview de Bachir al-Assad, diffusée le 9 juillet 2008 sur la chaîne francophone internationale TV5, édition spéciale, 21h, diffusion européenne.

156 << L'incidence des programmes MEDA sur les droits de l'homme >>, op. cit. p. 35.

157 Dorothée Schmid, <<Interlinkages within the Euro-Mediterranean partnership, linking economic, institutional and political reform: conditionality within the Euro-Mediterranean partnership>>, p. 7, diffusé par EuroMesco, article 27, décembre 2003.

Mais dans les faits, en insistant sur la coopération économique aux dépends de la coopération politique, la Communauté a soutenu des gouvernements répressifs dont l'objectif premier n'était pas de développement des institutions démocratiques et des droits de l'homme158.

Le second reproche fait à la Communauté consiste à avoir opposés les objectifs sécuritaires du processus aux objectifs de promotion des droits de l'homme et de la démocratie. Le discours officiel de l'Union consiste à dire que la stabilité de la région méditerranéenne et la promotion de la démocratie et des droits de l'homme doivent aller de paire. En effet, le terrorisme, le radicalisme, les armes de destruction massive, le crime organisé, l'immigration illégale, le trafic de drogue sont des menaces à la sécurité de la région, à la démocratie et aux droits de l'homme par là même occasion. Selon la Commission, depuis les évènements du 11 septembre entre autres, «le processus de Barcelone s'est progressivement recentré sur le premier chapitre de la déclaration de Barcelone [...] Les questions liées à la justice et aux affaires intérieures, au contrôle des frontières et à la lutte contre le terrorisme et la criminalité sont passées au premier plan du partenariat euroméditerranéen. Toutefois, ce recentrage sur les questions de sécurité ne s'est pas fait au détriment des libertés et droits politiques fondamentaux»159.

A ce discours ont succédé deux sortes de réaction: il s'agit d'une part des universitaires tels qu' Annette Jünemann160, Claire Spencer161 et Roberts Young162 défendant l'idée selon laquelle l'Union insisterait sur la réalisation des réformes relatives à la démocratie et aux droits de l'homme dans la mesure où cette politique n'entre pas en conflit avec ses intérêts sécuritaires. D'autre part, et de façon plus extrémiste, selon Stelios Stavridis et Justin

158 Sven Biscop, op. cit. p. 31.

159 Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEPV). Document de stratégie régionale (2007-2013) et programme indicatif régional (2007-2013) pour le partenariat euro-méditerranéen. Op. cit. p. 7.

160 Annette Junemann, «Euro-Mediterranean relations after September 11: international, regional and domestic dynamics, » London, Frank Cass. 2004, p.7.

161 Claire Spencer, « The EU as a security actor in the Mediterranean: problems and prospects», Centerfor Security Studies (CSS), ETH Zurich.

162 Richard Youngs, op. cit. p. 43.

Hutchence, l'Union n'aurait jamais eu véritablement l'intention de promouvoir les droits de l'homme et la démocratie dans la région, il ne s'agirait que de rhétorique163.

Helle Malmvig conclut que l'objectif de promotion des droits de l'homme de l'Union est un idéal en face duquel se tient le réalisme des préoccupations sécuritaires164. Selon elle, les pays méditerranéens seraient perçus comme étant une menace et des partenaires avec lesquels l'Union partage des difficultés et des intérêts sécuritaires. Il ne faut pas oublier que la lutte contre le terrorisme se fait souvent à l'encontre des libertés fondamentales. De plus <<la question du terrorisme et de la violence politique est souvent invoquée pour justifier la frilosité voire l'hostilité de certains Etats à l'égard de la dimension des droits de l'homme»165. L'argumentaire sécuritaire est souvent repris pour justifier des comportements liberticides par les Etats méditerranéens tels que l'arrestation de défenseurs des droits de l'homme (ceux-ci menaçant l'activité du gouvernement par leurs <<actions terroristes»).

Dans la même lignée, la question de l'immigration est devenue cruciale dans les relations entre la Communauté et ses partenaires méditerranéens166. Le contrôle des frontières et la finalisation rapide des négociations des accords de réadmission sont des sujets chers à l'Union qui peuvent parfois prendre le dessus sur les préoccupations démocratiques et la promotion des droits de l'homme. Le fait que les préoccupations relatives aux droits de l'homme soient reléguées en second plan s'explique par l'absence d'ambition politique de la coopération dans le domaine des droits de l'homme.

2. L'absence d'ambition politique de la coopération dans le domaine

des droits de l'homme

L'absence d'ambition politique des partenaires sur le terrain des droits de l'homme s'illustre au moins de deux façons.

163 Stelios Stavridis et Justin Hutchence, «The foreign policy of a civilian power? The EU in the

Mediterranea »n, in éd. Stefania Panebianco, The construction of the new Mediterranean identity, London, Franck Cass., 2003, p. 73.

164 Helle Malvig, «Caught between cooperation and democratization: the Barcelona Process and the EU's double-discursive approach», in Journal of International Relations and Development, 2006, n°9 p. 343. Et Kristina Kausch, op. cit. p.3.

165,Khémais Chammari et Caroline Stainier, «Guide sur les droits de l'homme dans le processus de Barcelone », réseaux euro-méditerranéen des droits de l'homme, p.30.

166 Kristina Kausch, op.cit.p.3.

Le dialogue politique, un des instruments forts du partenariat aurait dû contribuer à
l'amélioration de la situation des droits de l'homme dans la région méditerranéenne. Il n'a
pour autant pas été suffisamment mis à profit: «il apparaît tout aussi clairement qu'aucun
dialogue suffisamment sincère et sérieux n'a été mené jusqu'ici sur des problèmes tels que les
droits de l'homme (y compris ceux de la femme et de l'enfant), la lutte contre le terrorisme ou
l'immigration illégale, source de difficultés sociales ainsi que la Commission le reconnait»167.
L'insuffisance du dialogue entre les partenaires sur le terrain des droits de l'homme a
pour conséquence le laisser aller l'argument des spécificités historiques, économiques et
surtout culturel justifiant les atteintes aux principes démocratiques. Le relativisme culturel
développé autour du bassin méditerranéen trouve sa source entre autres dans les milieux
islamiques radicaux, vigoureusement opposés à ce qui est perçu comme étant des valeurs
occidentales. Afin de limiter l'expansion des idées relativistes, il fut proposé que les
mouvements islamistes soient intégrés dans le dialogue précédent les réformes engagées:
«Leur intégration dans l'espace politique est apparue comme essentielle à tout progrès vers la
démocratie» du fait de leur responsabilité grandissante dans les sociétés arabes168. Or, selon

Richards Young, le dialogue avec les représentants islamiques à échoué dans la mesure l'UE n'a pas fait la différence entre les mouvements radicaux et les modérés169. Par ailleurs, la

montée rapide des mouvements politiques islamistes extrémistes a parfois ralenti les progrès vers plus d'ouverture et de pluralisme politiques. Les conflits non réglés sont également perçus comme autant d'obstacles aux réformes. Cela vaut tout particulièrement pour le processus de paix au Proche-Orient170. Michele Pace suggère qu'afin de contrer les mouvements relativistes, l'Union aurait pu entre autres soutenir les mouvements politiques favorables aux évolutions démocratiques, tels que le mouvement d'opposition au gouvernement égyptien Kifaya, dont l'objectif est l'établissement d'une démocratie libre en Egypte, afin que le changement démocratique soit initié par les populations171.

167 Avis du Comité économique et social sur le «Partenariat euro-méditerranéen -- Bilan et perspectives après cinq ans» (2002/C 36/24) para. 3.7.

168 Reprendre de l'élan, rapport annuel d'EuroMesco 2006, op. cit.

169 Richard Youngs, op. cit. p. 52.

170 Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEPV). Document de stratégie régionale (2007-2013) et programme indicatif régional (2007-2013) pour le partenariat euro-méditerranéen. Op. cit. p. 7.

171 Michelle Pace, op.cit.p.8.

En plus de ce manque d'investissement visant l'élargissement du paysage politique de ses partenaires, les Etats membres de l'Union ont souvent évité de froisser les gouvernements autoritaires du Sud de la Méditerranée. Kristina Kausch démontrait ainsi dans son analyse de la politique adoptée par l'Union au Maroc, que les réformes politiques engagées étaient choisies de sorte qu'elles intervenaient dans des domaines ne remettant pas en cause la distribution des pouvoirs et laissant de fait de côté la question de l'Etat de droit et de l'équilibre des pouvoirs nécessaires à l'établissement de la démocratie172. Parallèlement, dans sa politique d'aide à la société civile, l'Union a développé un système faisant le jeu des Etats répressifs («regime friendly») en assistant des organisations dites non gouvernementales mais qui sont soutenues, contrôlées ou associées au gouvernement au pouvoir173. Suite à l'engagement d'accroitre la transparence de la gestion des affaires publiques marocaines de Mohamed VI , la Commission et les principaux donneurs bilatéraux -France et Espagne- devinrent plus réticents à engager des fonds dans des domaines non sollicités directement par le régime en place174.

Au-delà des difficultés politiques affectant la promotion des droits de l'homme par la CE dans les pays méditerranéens, le partenariat souffre d'un autre maux, celui de l'échec du recours à la conditionnalité imposée dans les accords bilatéraux.

II. L'échec du recours à la conditionnalité

L'application de la conditionnalité politique dans les relations euro-méditerranéennes est confrontée à deux obstacles: il s'agit d'une part de limites institutionnelles (A) et d'autre part d'un refus politique d'appliquer la conditionnalité négative (B).

A. Limites institutionnelles à l'application de la clause droits de l'homme

Le Parlement européen est très critique à l'égard de la forme de la conditionnalité imposée dans les accords bilatéraux du PTM. Au travers de l'adoption de résolutions successives il a contribué progressivement à dresser une liste des faiblesses de cette

172 Ibid.p.1.

173 Helle Malmvig, op. cit. p. 346.

174 Richard Youngs, op. cit. p. 58.

conditionnalité, se focalisant principalement sur l'absence de mécanismes de suivi de la clause droits de l'homme (1) et sur le manque de pouvoir lui ayant été conféré dans ce domaine (2).

1. Absence d'un mécanisme d'application de la clause droits de l'homme

Le Parlement européen soulignait le caractère générique de la clause à deux titres: d'une part, l'irrégularité des références textuelles aux droits de l'homme, le fait que certains accords comportent une clause renvoyant à la Déclaration universelle et d'autre non, contribue à l'instauration d'un «flou juridique». Afin d'y remédier et de consolider la force juridique de la clause, elle devrait se référer aux obligations et engagements internationaux déjà ratifiés par les partenaires et aux instruments relatifs aux droits de l'homme de l'ONU et de ses agences spécialisées ainsi qu'au jus cogens.

D'autre part, le caractère générique de la clause lui fait défaut dans la mesure où «elle ne prévoit pas de modalités précises concernant les interventions "positives" ou "négatives" dans le cadre de la coopération Union européenne -pays tiers, laissant le Conseil et les impératifs nationaux des États membres l'emporter sur les exigences plus générales concernant les droits de l'homme»175.

En effet, la clause n'a pas été traduite de manière effective et les accords ne définissent pas en détail dans quel cas le mécanisme de sanction doit être activé ou quel genre de violation impose une réaction plus ou moins sévère de la Communauté176. Ce silence permet une application casuistique de la clause puisque aucun critère objectif n'est fixé. Ainsi, certains ont pu avoir le sentiment que l'Union avait instauré des standards différents (deux poids, deux mesures) sur des questions relatives aux droits de l'homme et ceci en fonction des intérêts commerciaux en jeu177.

Afin de remédier à ces faiblesses, le Parlement proposait plusieurs aménagements passant par l'établissement de mécanismes spécifiques et indépendants permettant une application effective et plus efficace de la clause, ceci impliquerait également la possibilité de suspendre un accord de façon immédiate et temporaire. En effet, «l'Union européenne doit être à même de réagir rapidement et efficacement en cas de violations graves et persistantes

175 Résolution du Parlement européen sur la clause relative aux droits de l'homme et à la démocratie dans les accords de l'Union européenne (2005/2057(INI)). para. 4.

176 Fulvio Attina, « The Euro-Mediterranean Partnership Assessed: The Realist and Liberal Views», in European Foreign Affairs Review n°8, 2003, p. 11.

177 Frederik, Thuesen, « Le rôle des droits de l'Homme dans la politique méditerranéenne de l'UE: La mise en oeuvre de l'article 2», p. 8, éd. Marc Schade-Poulsen, REMDH, 2000.

des droits de l'homme et des principes démocratiques»178, ce qui, selon lui, n'a pas été souvent le cas179. Des sous-comités des droits de l'homme ont été instaurés afin <<d'examiner la mise en oeuvre de l'accord» auquel il se réfère et pour évaluer les progrès en ce qui concerne le rapprochement, la mise en oeuvre et l'application des législations relatives à l'Etat de droit, la bonne gouvernance et la démocratie et aux droits de l'homme180. Cependant, ces sous-comités mettent un certains temps à s'établir, n'ont pas de pouvoir décisionnel et doivent s'en remettre aux comités d'association.

Le Parlement souhaitait que l'instauration de nouveaux mécanismes entraîne l'établissement de nouveaux critères et procédures clairs concernant l'application de la clause droits de l'homme. Il semblerait plus approprié que ces nouveaux mécanismes soient centralisés au niveau régional afin de garantir une uniformisation des critères d'application de la conditionnalité. Cette approche régionale devant être fondée sur le travail des sous-comités des droits de l'homme.

Ceci devrait s'accompagner d'une application transparente et non discriminatoire des clauses de conditionnalité: imposées sans que différences soient faites en fonction de l'Etat violateur ou de son niveau de développement mais en fonction de la nature et de l'amplitude de la violation invoquée181. Dans une précédente résolution de 2004, le Parlement avait insisté, en vain, sur <<la nécessité d'un réexamen à mi-parcours de l'article 2 des différents accords d'association avec les pays méditerranéens afin d'évaluer si les droits de l'homme, et en particulier ceux des femmes, ainsi que les principes démocratiques sont pleinement respectés dans le cadre de ces accords»182. En 2005, il proposait que la Commission élabore, avec les sous-commissions des droits de l'homme, un rapport annuel, qui serait débattu au Parlement européen. Ce rapport devait inclure une analyse au cas par cas de chaque processus de consultation et des autres mesures appropriées établies ou refusées par le Conseil au cours

178 Résolution de 1995 sur la communication de la Commission sur la prise en compte du respect des principes démocratiques et des droits de l'homme dans les accords entre la Communauté et les pays tiers, para. B. (COM(95)0216 - C4-0197/95).

179 Résolution de 2005 précitée, para. D.

180 Voir par exemple la décision N° 1/2006 du Conseil d'association UE-Maroc du 26 septembre 2006 portant création du sous-comité <<droits de l'homme, démocratisation et gouvernance» (2006/672/CE).

181 Résolution précitée de 1995, para. L.

182 Résolution du Parlement européen du 12 février 2004 sur les Actions menées par l'UE dans le domaine des droits de l'homme et de la démocratisation en coopération avec les partenaires méditerranéens Résolution du Parlement européen sur l'initiative visant à donner une nouvelle impulsion aux actions menées par l'Union européenne dans le domaine des droits de l'homme et de la démocratisation, en coopération avec les partenaires méditerranéens, JO C 97 E du 22.4.2004, p. 656.

de l'année concernée et devait être assorti de recommandations détaillées, ainsi que d'une évaluation de l'efficacité et de la cohérence des mesures prises183.

L'insistance du Parlement sur les insuffisances du système de conditionnalité instauré dans le cadre des accords d'association révèle sa volonté d'être impliqué dans le processus décisionnel relatif aux violations des articles 2. Cette insistance s'explique par le fait qu'il en est justement écarté.

2. Le manque d'implication du Parlement dans la mise en oeuvre de la conditionnalité

Dans la même résolution de 2005 portant sur la clause relative aux droits de l'homme et à la démocratie dans les accords de l'Union européenne, le Parlement européen avait manifesté son mécontentement face à son exclusion par le Conseil184 du processus de sanction résultant de la violation de l'article 2 des accords. Il soulignait que son rôle politique et institutionnel était réduit par le fait que si d'une part, il devait donner son avis conforme avant qu'un accord n'entre en vigueur, d'autre part, on ne faisait pas appel à lui pour engager une consultation ou une suspension partielle d'un accord185. Ainsi, en 2002, le Parlement avait fait demander à ce qu'Israël fasse l'objet de sanction ce à quoi le Conseil ne donna pas suite186. Il souhaitait donc, sur le fondement du parallélisme des formes, avoir le pouvoir de recommander l'application de la clause relative aux droits de l'homme à un pays tiers du fait de «son engagement particulier en faveur des droits de l'homme et de sa position en tant qu'institution la plus apte à se faire l'écho des préoccupations de l'opinion publique dans ce domaine»187. Une implication accrue du Parlement nécessiterait une révision de l'article 300.2 du traité CE et la suppression de l'unanimité requise au Conseil pour engager la procédure de consultation qui rend l'application de la clause plus difficile188.

183 Résolution de 2005 précitée, para. 12f.

184 Frederik Thuesen, op.cit.p.8.

185 Résolution de 2005 précitée, para.K.

186 Stelios Stavridis, «Democratic Conditionality Clause», op. cit.

187 Résolution de 2005 précitée, para. D.

188Ibid, para. 17.

De plus, le Parlement européen reprochait au Conseil européen de ne pas prendre la mesure de la question des droits de l'homme. Dans sa résolution du 10 avril 2002 sur le Moyen Orient faisant suite aux affrontements armés entre Israël et le Liban et entre Israël et la Palestine, le Parlement demandait au Conseil d'une part d'instaurer un embargo sur les livraisons d'armes en Israël et en Palestine et d'autre part de suspendre l'accord d'association conclu avec Israël189. Aucune suite ne fut donnée à cette requête.

Le même reproche fut adressé à certains Conseils d'association: alors qu'il leur avait demandé à plusieurs reprises d'inscrire à l'ordre du jour l'application de la clause droits de l'homme par la suspension d'un accord bilatéral ou l'instauration d'un dialogue ou d'autres mesures appropriées, ils avaient simplement ignoré sa demande. Dès lors, le Parlement demandait en 2005 que si un des gouvernements concernés, lui même ou les parlements nationaux soumettaient une telle requête, le Conseil devait s'exécuter190.

Enfin, il fut reproché que la réciprocité découlant de l'article 2 -qui s'applique tant à l'Union européenne qu'au pays tiers concerné- n'ait pas été pleinement exploitée191. Selon le Parlement, la clause «devrait reposer sur la réciprocité, et donc fournir une base juridique permettant aux parties de débattre et d'agir ensemble, tant en ce qui concerne le territoire de l'Union européenne que celui du pays tiers; elle devrait constituer un instrument bidirectionnel rendant l'Union européenne et le pays tiers responsables l'un devant l'autre de toutes leurs politiques liées aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales»192.

Les difficultés institutionnelles remettant en cause l'efficacité de l'article 2 des accords d'association sont également accompagnées d'un refus politique de recourir à la conditionnalité négative.

B. Refus politique du recours à la conditionnalité négative

La conditionnalité de l'aide attribuée par la Communauté peut prendre deux formes: l'une est positive, l'autre est négative.

189 P5_TA(2002)0173, para. 7 et 8, accessible à cette adresse: http://www.snesup.fr/docs/exterieurs/ext02- europarl-0410-moyen-orient.pdf

190 Résolution de 2005 précitée, para. 12.c.

191 Ibid, para. N.

192 Ibid, para.f.

La première est une conditionnalité fondée sur l'idée de coopération se matérialisant par l'octroi de concessions politiques ou économiques193 et du développement d'une assistance financière et technique proportionnelles aux résultats obtenus par l'Etat récipiendaire194.

La seconde est une conditionnalité réactive, mise en oeuvre après que des violations des droits de l'homme aient été commises. Elle est de nature punitive et entraîne suspension des avantages concédés et/ou la remise en cause des accords conclus.

Les accords d'association du partenariat impliquent les deux aspects de cette conditionnalité cependant, dans le cadre du PEM, la Communauté européenne n'a jamais eu recours à la conditionnalité négative à l'encontre d'un de ses partenaires (1) et tend à privilégier une politique de conditionnalité positive (2).

1. Une conditionnalité négative exclue du partenariat euro-méditerranéen

Les positions communes adoptées par le Conseil dans le but de sanctionner les gouvernements du PEM responsables de violation des droits de l'homme sont inexistantes. Seules deux positions communes concernent des nationaux des partenaires méditerranéens195, il s'agit d'abord de celle du 12 décembre 2005 «concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes soupçonnées d'être impliquées dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais M. Rafic Hariri»196 et ensuite de la positions commune du 15 septembre 2006 «concernant l'interdiction de vendre ou de fournir des armes et du matériel connexe, ainsi que de fournir des services y afférents à des entités ou à des individus situés au Liban, conformément à la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité des Nations unies»197.

La première fit suite à l'attentat survenu à Beyrouth en février 2005 dans lequel le premier ministre libanais avait péri. Son propos était d'interdire l'entrée ou le transit dans l'Union européenne et le gel des fonds de toute personne soupçonnée d'avoir participé d'une

193 Ode Jacquemin, « La conditionnalité démocratique de l'Union européenne. Une voie pour l'universalisation des droits de l'Homme ? Mise en oeuvre, critiques et bilan ». Working Paper mars 2006, cellule de recherche interdisciplinaire en droits de l'homme, p. 9, disponible en ligne: http://cridho.cpdr.ucl.ac.be/documents/Working.Papers/CRIDHO.WP.2006.031.pdf

194Elena Fierro, op.cit. p. 100.

195 Conclusion tirée de la liste des sanctions adoptées par la Communauté européenne disponible sur le site internet de la Commission européenne, mise à jour le 1er juillet 2008: http://ec.europa.eu/external_relations/cfsp/sanctions/measures.htm

196 Position commune 2005/888/PESC.

197 Position commune 2006/625/PESC.

façon ou d'une autre à cet attentat. Cette position n'a été adoptée ni à l'encontre du gouvernement libanais ni du gouvernement syrien, mais contre certains de leurs terroristes nationaux.

La seconde position commune imposait un embargo sur les armes à destination du Liban, suite à la volonté affichée du gouvernement de reprendre la zone sud de son territoire et de la désarmer. Cette position n'avait pas pour but de sanctionner le Liban mais au contraire de l'aider dans sa quête en interdisant tout approvisionnement en armes non validé par le gouvernement en place.

Ces positions communes n'ont pas été adoptées du fait d'une violation de l'article 2 des accords bilatéraux ou d'un des termes du partenariat euro-méditerranéen. Au cours de treize années de partenariat, la Communauté européenne a refusé de recourir à la conditionnalité négative pourtant prévue dans les accords bilatéraux.

Paradoxalement, dans le cadre d'autres coopérations régionales la Communauté n'a pas hésité à utiliser la clause droits de l'homme et à engager des mesures appropriées découlant de sa violation.

L'article 366a (modifié)198 de la convention de Lomé IV fut utilisé à plusieurs reprises par la Commission européenne dans le but de demander au Conseil d'ouvrir une procédure de consultation suite à de sérieuses violations des droits de l'homme dans des Etats parties à la convention, tels que des élections frauduleuses ou des coups d'Etat199.

La première procédure de consultation organisée en 1995 dans le cadre de la convention de Lomé IV concernait le Nigeria. Le régime militaire au pouvoir était accusé de violer allégrement les droits de l'homme, de prononcer des peines capitales et de lourdes peines d'emprisonnement à l'issue d'une procédure judiciaire entachée d'irrégularités et sans recours possible. La position commune adoptée en novembre 1995 par le Conseil prévoyait en son paragraphe 4 la suspension pure et simple de la coopération avec le Nigéria200.

La seconde procédure de consultation fut amorcée en 1998 au lendemain d'élections frauduleuses au Togo, au cours desquelles les résultats avaient été annoncés avant même la fin

198 "Si une partie considère qu'une autre a manqué à une obligation concernant l'un des éléments essentiels visés à l'article 5 [clause droits de l'homme], elle invite, sauf en cas d'urgence particulière, la partie concernée à procéder à des consultations en vue d'examiner de façon approfondie la situation, et, le cas échéant, d'y remédier".

199 Elena Fierro, op.cit.p. 321.

200 POSITION COMMUNE du 20 novembre 1995 définie par le Conseil sur la base de l'article J.2 du traité sur l'Union européenne, relative au Nigeria (95/515/PESC)

du décompte des voix. Le 30 juillet 1998, les consultations qui s'étaient déroulées entre le Togo et le Conseil échouèrent et ce dernier annonça que la coopération au développement était suspendue jusqu'à ce que les conditions ayant conduit à cette rupture disparaissent201. Cette suspension s'explique par le fait que suffisamment de preuves de ce que le processus électoral était biaisé avaient été fournies et par là même, preuves de ce que les fonds de la Communauté avaient été engagés dans des pratiques frauduleuses nuisant au processus démocratique togolais.

Le Conseil et la Commission se servirent à nouveau de l'article 366a en 1999 lors des coups d'Etat opérés aux Comores, au Niger et en Côte d'Ivoire et suite aux excès de violences en Guinée Bissau qui aboutirent au renversement du Président en place. Dans chacun de ces cas la Commission sollicita le Conseil immédiatement après qu'il ait adopté une déclaration condamnant les évènements et des consultations eurent lieu. Si aucune d'elles ne se solda par la suspension d'un accord, elles contribuèrent à officialiser le désaveu par la Communauté des méthodes employées afin d'obtenir un changement de gouvernement mais surtout, elles permirent de peser sur un changement de politique de la part des nouveaux régimes en place, du fait du ralentissement de la coopération, d'anticiper sur la mise en place de solutions ad hoc et de poser des conditions au rétablissement complet de la coopération.

Les réactions du Conseil se firent un peu plus vives dans le cadre des accords de Cotonou et de leur article 96.2a 202. Les consultations qui succédèrent au coup d'Etat renversant en 2000 le gouvernement des Fidji et abolissant la Constitution en vigueur se conclurent par l'ajournement de l'aide au développement attribuée par la Communauté. Les élections frauduleuses organisées en Haïti résultèrent en l'adoption par le Conseil d'une série de sanctions relativement sévères du fait du manque de coopération dont fit preuve la délégation haïtienne. Ces mesures consistèrent entre autres à la suspension des aides budgétaires directes et au refus de mettre à disposition les 44 millions d'euros qui auraient dûs être versés dans le cadre du programme indicatif national.

201 Elena Fierro, op.cit.p. 324.

202 2. a) Si, nonobstant le dialogue politique mené de façon régulière entre les parties, une partie considère que l'autre a manqué à une obligation découlant du respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et de l'État de droit visés à l'article 9, paragraphe 2, elle fournit à l'autre partie et au Conseil des ministres, sauf en cas d'urgence particulière, les éléments d'information utiles nécessaires à un examen approfondi de la situation en vue de rechercher une solution acceptable par les parties. A cet effet, elle invite l'autre partie à procéder à des consultations, portant principalement sur les mesures prises ou à prendre par la partie concernée afin de remédier à la situation.

Ces exemples illustrent d'une part l'implication dont les institutions communautaires peuvent faire preuve et leur réactivité vis-à-vis de violation des droits de l'homme et des principes démocratiques dans des Etats avec lesquelles la Communauté entretient des relations conventionnelles. Si l'on applique le principe d'égalité voulant qu'à deux situations différentes répondent deux traitements différents, on peut conclure à l'existence d'un double standard dans l'approche de certaines situations liberticides se déroulant à la périphérie méditerranéenne en comparaison des traitements reçus dans le cadre des accords ACP. En effet, dans le premier cas les violations ne sont pas sanctionnées par la Communauté tandis que dans l'autre, elle sévit.

On peut se demander si des situations portant préjudices aux droits de l'homme dans les Etats méditerranéens, tels que, la prolongation d'un Etat d'urgence pendant 27 ans (comme c'est le cas en Egypte) ou de 45 ans (cas de la Syrie), ou bien le refus d'observateurs internationaux pour des élections législatives, auraient été sanctionnées si elles avaient eu lieu dans les Etats ACP.

Depuis l'instauration du PEM, seules des mesures «douces» ont été appliquées. Ceci s'explique par la réticence affichée de la Communauté à infliger des sanctions aux Etats violateurs et sa préférence pour l'aspect positif de la conditionnalité.

2. L'absence d'équilibre entre la conditionnalité positive et négative

C'est à juste titre que Piet Eeckhout rappelle que le succès de la clause des droits de l'homme ne se mesure pas au nombre de sanctions imposées au pays violateurs des droits de l'homme, mais au contraire, que sa réussite tient au fait qu'elle est acceptée bel et bien comme un élément essentiel d'un accord203. Ainsi selon lui, l'absence de toute suspension devrait être garante de son succès. Cette vision ne correspond pas à la pratique de l'Union qui face à des violations des droits de l'homme préfère adopter une politique dite d'«engagement constructif»204 plutôt que de se servir de l'éventail de sanctions mis à sa disposition.

Le processus de Barcelone est le premier recours à la «méthode douce» de l'Union européenne en réaction à des violations des droits de l'homme qui s'oppose à la promotion de

203 Piet Eeckhout, op. cit. p. 479.

204 Santiso Carlos, « Sisyphus in the Castle: improving European Union strategies for democracy promotion and governance conditionality», European Journal of Development Research, Vol. 15, n°1, p.15 Éd. Frank Cass, London.

la démocratie par la force. La politique privilégiée de l'Union est une politique de long terme contestant les effets positifs des sanctions.

En effet, les risques entraînés par le recours à la conditionnalité négative sont réels et non négligeables et bien souvent, ce ne sont pas les gouvernements répressifs mais les populations qui pâtissent des politiques de sanction (voir le cas du Myanmar par exemple). Cette situation revient au contraire à donner carte blanche au régime en place, ce dernier étant isolé et n'ayant plus de compte à rendre. Il ne faut pas oublier que l'application de mesures de sanction passe souvent par la rupture des relations diplomatiques, ce qui sous-entend l'interruption de tout dialogue entre les parties.

Selon Carlos Santiso, la suspension de l'assistance communautaire en cas de violation des droits de l'homme par un Etat récipiendaire neutralise l'habilité de la Communauté à influencer sur le rétablissement de la stabilité205. Il justifie son propos en se fondant sur des recherches ayant démontré que les formes traditionnelles de conditionnalité politique n'offrent pas de réponses adéquates aux régressions démocratiques et aux crises de gouvernance. Les nouvelles formes de conditionnalité positive fondées sur des mécanismes de soutien et d'encouragement et sur la sélectivité de l'aide, garantissent de meilleurs résultats si elles sont correctement appliquées206. Visiblement, la Communauté est convaincue des avantages de la conditionnalité positive. La poursuite de la coopération au développement lui permet de peser dans le processus de rétablissement de la stabilité lorsque celle-ci a été mise à mal. Considérée comme un instrument préventif, elle permet également le renforcement des mécanismes institutionnels visant à éviter les conflits et l'inévitable escalade des crises de gouvernance vers les conflits civils. Enfin, l'afflux de capitaux à l'intérieur du pays concerné permet de façon directe ou indirecte d'affecter de manière positive le sort des populations.

Cependant, la situation des droits de l'homme dans la région sud-méditerranéenne démontre les lacunes de cette politique. Aucune sanction n'a été imposée et l'aide a toujours été attribuée sans que pour autant des progrès notables aient été réalisés.

Or, l'absence de sanction ou de réaction ferme de la part de la Communauté est néfaste à sa politique de promotion des droits de l'homme. Les mesures de sanctions servent d'une part à démontrer la détermination de la Communauté à faire respecter ces droits dans les Etats avec lesquels elle entretient des relations privilégiées et d'autre part, à véritablement leur

205 Ibid, p. 13.

206 Ibid, p. 3.

imposer une obligation de résultats. Cette obligation a justement fait défaut dans sa politique de développement pendant des années dans la région méditerranéenne. En refusant de mettre en application l'article 2 des accords d'association dans les cas de violation grave des droits de l'homme, la Communauté ne contribue pas à l'évolution de la situation et reste au contraire dans le déni. L'Union européenne ne contribuera pas à la démocratisation des Etats de la périphérie méditerranéenne si elle ne l'exige pas.

Selon Carlos Santiso, la meilleure forme de conditionnalité à mettre en oeuvre relève d'une combinaison équilibrée entre son aspect positif et négatif. En effet, la conditionnalité positive telle qu'appliquée dans la région méditerranéenne n'est pas suffisamment engagée et ne contribue pas à fournir l'élan nécessaire aux réformes structurelles nécessaires. Cette conditionnalité ne peut pas se substituer aux pouvoirs et aux volontés nationales de réforme. Parallèlement, certaines formes de conditionnalité négative, du fait de leur sévérité n'ont abouti à rien, ou bien ont contribué à empirer des situations déjà critiques (tel est le cas du Myanmar). Ainsi la balance entre les deux formes de conditionnalité est indispensable à la réussite du processus. Il est important d'apporter une aide de manière régulière et sur le long terme dans la mesure où le processus de réforme requiert des aménagements progressifs. En même temps, il est indispensable d'imposer des limites et de mettre en place un système de sanction clair et de l'appliquer.

CHAPITRE II. SOLUTIONS ENVISAGEABLES

I. Le perfectionnement du processus en cours

Certaines modifications des politiques de l'Union pourraient contribuer à redonner de l'élan au processus de Barcelone dans le domaine des droits de l'homme. Il s'agirait d'abord d'aménager le processus de Barcelone en lui-même (A) et ensuite d'approfondir la politique européenne de voisinage nouvellement instaurée (B).

A. Les aménagements possibles du partenariat

La politisation de la question des droits de l'homme est la difficulté majeure que rencontre la Communauté européenne dans sa politique de promotion. Les intérêts en jeu des uns s'opposent à ceux des autres et les obligations juridiques auxquelles les parties doivent se soumettre sont au final éludées. L'un des moyens de remédier à ce problème serait d'exploiter ce qu'Elena Fierro appelle le potentiel positif de la clause droits de l'homme des accords bilatéraux: la clause droits de l'homme est une illustration de la responsabilité pesant sur la CE de protéger et de promouvoir ces droits urbi et orbi207. Autrement dit, la politique de la Communauté doit être active et non pas juste réactive et doit entraîner l'adoption de mesures positives telles que la mise en place d'un dialogue systématique, la possibilité de suspendre l'aide et de prendre des mesures de sanctions208. Ce n'est que si la Communauté se sent obligée d'intervenir activement dans le domaine des droits de l'homme que la situation peut évoluer. Présentement son action est décousue, manque de cohérence et de coordination réduisant son impact sur la situation des droits de l'homme. Ainsi, les actions menées individuellement par les Etats de l'Union dans le cadre de leurs politiques étrangères respectives doivent aller de paire avec les politiques européennes sans les concurrencer.

En parallèle, impliquer davantage le Parlement européen, sensible aux questions sociales et au respect des droits de l'homme, permettrait de donner une impulsion certaine au partenariat dans ce domaine. Il s'agirait entre autres de le doter du pouvoir d'initier le processus de sanction en cas de violation des droits de l'homme par un pays membre.

Afin de mettre en place une politique européenne crédible sur le terrain des droits de l'homme, insistance doit être mise sur la nécessité d'adopter des politiques transparentes et cohérentes. Ceci est conditionné par l'obtention d'informations sur la situation des droits de

207 Elena Fierro, op. cit.p. 239.

208 Dorothée Schmid, op. cit. p. 46.

l'homme dans chacun des Etats du partenariat209. Renforcer les sources d'information de l'Union sur le terrain lui assure un meilleur contrôle de son action et la surveillance des droits de l'homme est une condition pré-requise à la mise en oeuvre de l'article 2 des accords d'association210. La cohérence de la politique de la Communauté passe par une implication plus judicieuse de la société civile: le processus décisionnel relatif aux droits de l'homme du partenariat devrait engager davantage les ONG nationales et régionales du pourtour oriental et méridional méditerranéen. Les informations dont elles disposent sont précieuses et elles ont un rôle décisif à jouer dans la diffusion des informations au Parlement sur la situation des droits de l'homme dans les pays partenaires puisqu'elles sont en contact étroit avec les besoin spécifiques et les problèmes concrets en matière de droits de l'homme dans leur propre pays211. Ainsi, la Communauté devrait s'investir pour assurer les libertés de la société civile, son pluralisme et son indépendance en limitant les actions répressives des gouvernements autoritaires à leur encontre. Les ONG du Nord et du Sud devraient pouvoir accéder et s'exprimer dans le cadre des réunions des Conseils d'association et contribuer au développement des stratégies de promotion des droits de l'homme.

Enfin, la promotion des droits de l'homme dans le cadre du partenariat devrait se fonder sur des considérations pragmatiques: le partenariat euro-méditerranéen manque d'un programme commun relatif aux droits de l'homme. Aucune charte des droits de l'homme n'a abouti jusqu'à présent, aucun projet pragmatique n'a été mis en place au niveau régional et aucune instance commune n'a été établie afin de promouvoir les droits de l'homme exclusivement dans la région méditerranéenne.

La politique européenne de voisinage a développé de nouveaux mécanismes permettant une approche plus concrète de la question des droits de l'homme dans le partenariat. Cette approche, qui contribuer à assurer le futur du partenariat n'est pas libre doit être approfondie et éclaircie.

B. L'ajustement de la politique européenne de voisinage

La question de la mise en pratique de la conditionnalité de l'aide avec les partenaires méditerranéens a été posée de façon beaucoup plus empirique par la PEV que par le

209 Idem

210 Frederik Thuesen, « Le rôle des droits de l'Homme dans la politique méditerranéenne de l'UE: La mise en oeuvre de l'article 2 », publié par le réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme, 2000p. 26.

211 Idem.

partenariat lui-même. Là où le partenariat a échoué, la PEV a pour ambition de réussir. Mais pour contribuer à redonner de l'élan au partenariat, cette politique doit être appliquée avec chacun de ses membres, aujourd'hui quatre d'entre eux n'ont pas adopté de plans d'action (l'Algérie, le Liban, la Syrie et la Turquie).

La plus grande avancée de la PEV est son insistance sur la conditionnalité de l'aide attribuée, ce que le partenariat euro-méditerranéen semble avoir esquivé. Cependant, l'approche positive qu'elle adopte n'est pas à l'abri des critiques, en effet, il est reproché à la Communauté d'établir les plans d'action de manière relativement unilatérale tandis que la «conditionnalité positive implique que l'Etat récipiendaire ait l'opportunité d'exprimer ses besoins et ses désirs afin qu'ils soient pris en compte dans le but d'initier une interaction dynamique. Une fois que les conditions ont été négociées, elles devraient être succédées par la poursuite d'un dialogue constant concernant leur contenu et les moyens de le mettre en application>>212. Or les priorités d'action définies dans les plans reflètent entre autres et surtout les préoccupations européennes relatives à l'immigration illégale ou l'amélioration du cadre légal pour les investissements de l'Union à défaut de celle de ses voisins213.

Si le respect des droits de l'homme est au coeur de cette politique, il est regrettable que les documents de la PEV fassent référence indifféremment à la démocratie, l'Etat de droit et la l'objectif de libéralisation sans les distinguer ni les définir214. De plus, les plans d'action sont supposés établir des objectifs à atteindre, conditionnant l'attribution de l'aide aux résultats obtenus mais «ni ces derniers ni les documents de la Commission n'établissent un clair échelonnage pour le contrôle des progrès ou de potentiels revers>>215. Les plans d'action euxmêmes manquent de précision et de transparence. Kristina Kausch insiste sur la nécessité de préciser les objectifs de démocratisation des plans d'action et de les inscrire dans un cadre très concret et précis: pour chacun des objectifs et mesures intégrés dans les chapitres relatifs à la démocratisation, les informations concernant les différentes étapes et les mécanismes, les plannings et échéances, les acteurs, le budget et les critères mesurables pour évaluer les progrès réalisés doivent être clairement fixés216. Des références concrètes devraient être

212 Dorothée Schmid, op. cit.p. 45.

213 Jérôme Boniface, « La politique européenne de voisinage, entre élargissement et politique étrangère », disponible sur le site de l'institut européen de l'administration publique: http://www.eipa.eu

214 Reprendre de l'élan, Rapport annuel EuroMesco 2006, op. cit, p. 67. 215Idem.

216 Kristina Kausch, op. cit.p.11.

développées en fonction de listes d'indicateurs officiels déterminés par la Commission fixant des paliers d'évolution auxquels devraient correspondre les <<récompenses» promises par la Communauté. Chacun de ces paliers, de ces récompenses devraient être publiés afin de garantir la transparence du processus, la crédibilité du traitement et pour maximiser l'effet d'annonce de chaque projet. Les résultats obtenus, qu'ils soient positifs ou négatifs devraient être rendus publics, les progrès et échecs clairement identifiés.

La conditionnalité négative est totalement exclue de la politique de voisinage, des articles tels que les articles 2 des accords bilatéraux du partenariat sont absents des plans d'action. Dorothée Schmid suggère que les mesures négatives devraient être autorisées, mais précisément définies et encadrées par des conditions d'application déterminées217. Il s'agit de mettre en application dans les relations établies par la PEV l'équilibre entre la conditionnalité positive et la conditionnalité négative dont parle Carlos Santiso, cet équilibre peut être atteint si la Communauté respecte les critères établis pour définir les réussites et les échecs des partenaires et si elle en tire des conclusions proportionnelles, mais effectives.

Il est possible à travers la PEV de faire de la promotion des droits de l'homme une entreprise allant au delà des déclarations d'intention et des projets idéaux mais irréalisables, une entreprise aussi mesurée et mesurable que les progrès économiques si des critères bien déterminés sont préalablement établis, si la connaissance de la situation des droits de l'homme est optimale et si les menaces et les solutions sont identifiées.

Un autre facteur entre en compte dans la perspective d'une amélioration de la situation des droits de l'homme, il s'agit du facteur économique: plus florissante est l'économie d'un Etat, meilleures sont ses chances de protéger les droits de l'homme. Cet autre facteur économique a été pris en considération par une récente initiative se voulant être le relais du partenariat euro-méditerranéen, il s'agit du <<processus de Barcelone: l'Union pour la Méditerranée».

II. Le processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée

<<Le processus de Barcelone: une Union pour la Méditerranéen» (UPM)218 est un moyen de renforcer le cadre de la coopération multilatérale du partenariat euro-méditerranéen.

217 Dorothée Schmid, op. cit. p. 45.

218 L'appellation officielle de la nouvelle union est "le processus de Barcelone: une Union pour la
Méditerranée", cependant nous utiliseront le sigle UPM, communément utilisé, comme référent.

Ayant conscience des limites et de la paralysie du partenariat, les initiateurs de l'UPM ont souhaité relancer le processus en insistant sur son aspect économique. Des innovations d'ordre institutionnel ont été proposées et doivent contribuer à sortir le partenariat du marasme politique ayant éprouvé le partenariat euro-méditerranéen (A). En parallèle, la politique des droits de l'homme a été repensée de manière délétère et vise à détacher l'Union européenne de ses responsabilités (B).

A. Des innovations institutionnelles face au poids des conflits politiques

L'UPM est un projet encore embryonnaire, le seul texte officiel s'y référant est la Déclaration du 13 juillet 2008, adoptée à la faveur du sommet de Paris et sous la coprésidence du Président français, Nicolas Sarkozy -principal instigateur de l'UPM- et du Président égyptien Mohamed Hosni Mubarak219. Signée par 27 chefs d'Etat de l'Union européenne et 16 chefs d'Etat méditerranéens220, elle jette les bases du nouveau projet voulant «rendre le processus plus pertinent et plus concret aux yeux des citoyens». Les objectifs de l'UPM tels qu'établis dans la déclaration consistent à «renforcer les relations multilatérales, à accroitre le partage de la responsabilité du processus, à fonder la gouvernance sur l'égalité de toutes les parties et à traduire le processus en projets concrets qui soient davantage visibles pour les citoyens».

Les apports d'ordre institutionnels traduisent cette volonté de rétablir les déséquilibres entre le Nord et le Sud, que le partenariat euro-méditerranéen n'a pas réussi à résorber mais a, au contraire, accentué. Ainsi la gouvernance de l'UPM sera assurée à parité par les Etats du Sud et du Nord, contrairement au système actuel de présidence exclusive du partenariat. Cette présidence sera assistée d'un secrétariat pour organiser tous les deux ans un sommet réunissant les 43 pays invités. Ce secrétariat a pour objectif «d'insuffler un nouvel élan au processus, pour ce qui est de l'identification, du suivi et de la promotion des projets ainsi que de la recherche de partenaires». Il aura de plus la personnalité juridique et un statut autonome. Ce ne sera donc plus l'UE qui, seule, avalisera les projets du partenariat. Les sommets bisannuels (ayant alternativement lieu au Nord et au Sud) contribueront à lancer les projets

219 Déclaration commune du sommet de Paris pour la Méditerranée Paris, 13 juillet 2008, accessible sur le si internet de la présidence française de l'Union européenne.

220 Albanie, Algérie, Bosnie Herzégovine, Croatie, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Mauritanie, Monténégro, république Tchèque, Tunisie, Turquie, Syrie et Autorité Palestinienne.

régionaux concrets de la nouvelle Union. La déclaration mentionne six projets majeurs sur lesquels l'UPM devrait se focaliser221.

Au delà des évolutions institutionnelles et financières -la déclaration annonce que les modes de financements du PEM seront complétés 222-, il est encore difficile de cerner la véritable nouveauté du projet. Les institutions du PEM (Assemblée parlementaire euroméditerranéenne et réunions des hauts fonctionnaires entre autres), sa division en trois piliers ne devraient pas être modifiées (du moins pas avant que les ministres euro-méditerranéens des affaires étrangères ne définissent de nouvelles modalités, en novembre 2008); et la définition des projets renvoie aux programmes déjà engagés dans le cadre du PEM. Cependant, la nouveauté du projet peut encore justifier son manque de maturité et le flou qui l'entoure.

Il est clair malgré tout que l'intérêt principal de cette nouvelle forme de partenariat est économique. L'UPM est destinée à relancer les relations économiques de part et d'autre de la Méditerranée en stimulant les investissements et en facilitant la transition vers la zone de libre échange.

Mais que les intérêts de l'Union pour la Méditerranée soient ou non nouveaux, les conflits politiques dans la région méditerranéenne persistent; ayant freiné considérablement le partenariat, ils risquent fort de garder ce statut d'élément perturbateur empêchant toute évolution constructive. C'est le cas notamment du conflit israélo-palestinien, qui, au coeur des dissensions les plus marquées et les plus dangereuses pour la stabilité de la région méditerranéenne est pour partie responsable de la paralysie du partenariat. Ce conflit s'est ressenti dans l'organisation même du sommet de Paris au cours de laquelle certains Etats arabes menaçaient de ne pas se présenter du fait de la présence israélienne, faisant échos à la conférence ministérielle euro-méditerranéenne de Valence de 2002.

Il en va de même du côté européen, l'absence initiale de consultation des Etats membres par le Président français, de débat au Conseil européen ainsi que la rapidité de l'établissement du projet a pu irriter223 et risque d'entraîner un désintérêt de la part des successeurs à la présidence européenne. Les dirigeants turcs furent également offusqués de

221 Il s'agit de la dépollution de la Méditerranée, de la création d'autoroutes maritimes et terrestres, de la protection civile pour répondre aux catastrophes naturelles, de la création d'une université euro-méditerranéenne, du développement de l'énergie solaire et d'une initiative méditerranéenne pour le développement des entreprises.

222 Par la participation du secteur prive, les contributions du budget de l'UE et de tous les partenaires, les contributions d'autres pays, d'institutions financières internationales et d'entités régionales, de la facilité euroméditerranéenne d'investissement et de partenariat, l'instrument européen de voisinage et de partenariat.

223Erlanger Steven, « Sarkozy's Union of the Mediterranean falters», International Herald Tribune, 6 juillet 2008.

cette proposition sonnant comme un substitut à l'adhésion de la Turquie à laquelle le Président français est farouchement opposé.

Embryonnaire, certes, mais déjà au coeur des assentiments politiques. Afin d'assurer sa réussite, l'UPM se doit de suivre une politique de consensus, transparente et au coeur d'une coordination cohérente entre ses acteurs et surtout mettre un terme aux conflits qui ont miné le précédent processus de Barcelone.

En termes de protection des droits de l'homme l'UPM adopte une approche qui remet en perspective celle du partenariat et qui interroge sur la pratique de la conditionnalité.

B. Une approche délétère des droits de l'homme

La déclaration du 13 juillet 2008 comporte un paragraphe se référant aux droits de l'homme dans lequel ses signataires <<soulignent qu'ils sont déterminés à renforcer la démocratie et le pluralisme politique par le développement de la participation à la vie politique et l'adhésion à l'ensemble des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils affirment également leur ambition de bâtir un avenir commun fondé sur le plein respect des principes démocratiques, des droits de l'homme et des libertés fondamentales, consacrés par les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, comme la promotion des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques, le renforcement du rôle des femmes dans la société, le respect des minorités, la lutte contre le racisme et la xénophobie, ainsi que la promotion du dialogue culturel et de la compréhension mutuelle». Cependant aucun des six projets prioritaires proposés par la déclaration ne concerne ni la promotion, ni la protection des droits de l'homme.

La signification de ce déséquilibre est simple: <<le renforcement de la coopération et du dialogue sera strictement établi sur les rapports commerciaux et financiers - contrairement aux mécanismes actuels qui incluent la dimension des droits humains»224. L'UPM n'impose pas de nouvelle conditionnalité à l'établissement des relations économiques, aux renforcements des infrastructures et aux nouveaux investissements publics dans la région. Les analystes s'accordaient à dire au moment des premières négociations avec les Etats arabes que

224 Nicolas Beger, Directeur du Bureau d'Amnesty International pour l'UE. "L'Union pour la Méditerranée: une façon d'échapper aux droits humains?", accessible sur le site d'Amnesty international.

l'espoir du Président français était précisément de ne pas <<promouvoir les principes de l'Etat de droit et de la démocratie dans le Maghreb mais de faciliter le commerce»225.

Selon Henri Guaino, conseiller de Nicolas Sarkozy, il n'est <<pas question d'interrompre la coopération politique, ni de cesser à s'intéresser aux droits de l'homme mais [...] ils ne constituent pas des préalables à la coopération. Les exigences en termes de droits de l'homme ne sont pas élevées, parce que l'UPM se veut être un processus progressif, qui n'impose pas le respect des droits de l'homme mais y mène»226. Ceci sous entend que le développement économique de la région mènerait irrémédiablement à l'amélioration de la situation des droits de l'homme. Cette perception renvoie au débat sur la nature du lien existant entre le développement économique et le développement humain: doivent-ils aller de paire ou bien l'un peut-il précéder l'autre?

Le lien qui existe entre les droits de l'homme et le développement économique réside dans le fait que la protection des droits civils, politiques, économiques et sociaux permet une << bonne gouvernance ». Afin d'obtenir une croissance économique, un contexte politique et social stable doit être garanti or, le respect des droits de l'homme permet cette stabilité227.

La question de la relation entre le développement économique et les droits de l'homme se pose dans l'autre sens : un Etat a-t-il besoin d'un développement économique soutenu pour assurer la protection des droits de l'homme? Ou en d'autres termes, quelle est l'importance du développement économique dans la protection des droits de l'homme. Si le respect des droits de l'homme facilite la croissance économique, l'inverse est juste également : la prospérité économique facilite la stabilité d'une société et ainsi permet aux droits de l'homme de s'étendre228. Il est vrai qu'en pratique, la protection des droits de l'homme a un coût: le bon fonctionnement du système judiciaire nécessite la formation et la rémunération du personnel juridique, de juges compétents ou la conformité des conditions de détention avec le respect de la dignité humaine. De même, le respect des droits et libertés -tels que la liberté d'expression ou le droit à un procès équitable- nécessitent des investissements financiers de la part d'un

225 Michaela Wiegel « Sarkozy's Devalued «Diplomacy of Values»», Frankfurter Allgemeine Zeitung / Qantara.de, 2007.

226 Interview par Alain Barluet, "Faut-il croire à une Union pour la Méditerranée?", Le Figaro du 23 mars 2008.

227 Jack Donnelly, « Human Rights, Democracy and Development», in Human Rights Quartely 21.3 (1999) p.622.

228 Ministre des affaires étrangères canadien Lloyd Axworthy, «A Blueprint for Peace, Justice and Freedom, Notes for an Address to the International Conference on Universal Rights and Human Values» 27 novembre 1998 accessible sur http://www.dfait-maeci.gc.ca/english/news/statements/98_state/98_079e.htm.

Etat. Dès lors, il est difficile pour les pays en voie de développement d'assurer une protection globale et efficace des droits de l'homme.

Néanmoins, le fait qu'un Etat jouisse d'une croissance économique hors paire n'implique pas le respect des droits de l'homme (voir le cas de l'Arabie Saoudite par exemple). Leur protection requiert la mise en place de mécanismes permettant de fixer des priorités et empêchant des dérives économiques nocives au développement humain.

Ainsi, l'idée selon laquelle le développement des relations économiques entre les membres de l'Union européenne et les partenaires méditerranéens mènerait de fait à une évolution positive de la situation des droits de l'homme sur le pourtour méditerranéen peut sembler présomptueuse.

Certes, il est nécessaire d'avoir un développement économique minimum pour assurer une protection efficace des droits de l'homme, mais ce développement ne peut faire face à l'immobilisme de gouvernements réfractaires. Le développement économique favorise le développement des principes démocratiques et des droits de l'homme, mais ceci à la condition que le lien entre eux soit effectif, autrement dit, à condition que les gouvernements en place soient volontaristes. Or, comme le note très justement Antoine Basbous, de l'Observatoire des pays arabes, «la principale préoccupation de ces dirigeants n'est pas d'intégrer un club de démocraties méditerranéennes, mais de sanctuariser leurs régimes [...]. Donner la liberté à leur peuple, instaurer un État de droit ou offrir à leur jeunesse une véritable perspective, cela n'est pas à l'ordre du jour»229. Il est peu probable que le développement de l'économie des Etats méditerranéens mène de fait à la démocratisation de leur régime si leurs partenaires ne les y pressent pas. Le partenariat euro-méditerranéen et l'échec de son recours à la conditionnalité le démontre bien: les pressions exercées à travers les programmes de développement n'ont eu que peu d'incidence et la coopération entre le Sud et le Nord a été avant tout de nature économique sans qu'aucune révolution démocratique n'ait lieu.

229 « L'Union pour la Méditerranée entre rêve et utopie», Le Figaro, Paris, 17 avril 2008.

CONCLUSION

Plus de dix ans après le lancement du partenariat euro-méditerranéen, la situation des droits de l'homme au sud de la Méditerranée ne s'est globalement pas améliorée. Certes, les instruments régionaux tels que l'assemblée parlementaire et les conférences interministérielles ont permis d'établir des relations continues et approfondies entre l'Union européenne et les Etats de la ceinture méditerranéenne et d'institutionnaliser et normaliser le débat autour de la question des droits de l'homme, mais au delà des déclarations d'intention, peu a été transposé concrètement.

Les objectifs de la déclaration de Barcelone n'ont pas trouvé d'échos du fait de la redéfinition des priorités du partenariat par ses membres, reléguant les droits de l'homme au second plan, après des intérêts sécuritaires et économiques. A cela se sont ajoutés des conflits politiques et des insuffisances institutionnelles au sein de la Communauté; la frilosité de la Commission et du Conseil européens et l'impossibilité du Parlement d'initier la procédure de suspension des accords d'association en réaction aux violations répétées des droits de l'homme ont effectivement rendu la clause droits de l'homme désuet.

Suite au constat d'échec du partenariat dans le domaine des droits de l'homme, des aménagements ont été réalisés par le biais de la politique européenne de voisinage. Les obligations de résultat imposées aux Etats récipiendaires de l'aide au développement pourraient constituer un espoir tangible d'une amélioration de la situation. Son efficacité est néanmoins menacée par le refus systématique du recours à la conditionnalité négative. Or, la combinaison des aspects positifs et négatifs de la conditionnalité est indispensable à son efficacité. Les progrès sur le terrain des droits de l'homme dans des Etats qui y sont réfractaires ne se réaliseront que s'ils sont provoqués; le recours exclusif à la conditionnalité positive de l'aide au développement reste un moyen passif et très limité pour entraîner des changements bénéfiques de la situation.

La politique européenne de voisinage s'est intégrée pleinement à la politique de promotion des droits de l'homme développée dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen et en propose un modèle révisé. Elle mérite néanmoins d'être approfondie pour les raisons évoquées ci-dessus.

La nouvelle approche des droits de l'homme proposée par l'Union pour la Méditerranée s'éloigne sensiblement de cet objectif en insistant sur l'indépendance des aspects économiques et sociaux du partenariat. Plutôt que de repenser et d'améliorer la politique de promotion des droits de l'homme l'Union pour la Méditerranéen s'en défait et s'en remet aux résultats économiques de la coopération qu'elle tend à renforcer.

Si l'Union pour la Méditerranée n'a pas vocation à insister sur la promotion des droits de l'homme, elle ne devrait pas non plus supplanter les mécanismes mis en oeuvre dans cette perspective.

Une alternative se présente alors: ou bien l'UPM est développée conformément aux objectifs de la politique européenne de voisinage, ou bien elle se place en concurrente et risque, à terme, d'affecter considérablement ces mêmes objectifs.

L'alliance entre la politique européenne et l'UPM serait positive dans l'hypothèse où les relations économiques développées par cette dernière iraient de paire avec le respect de certains standards minimums dans des domaines contribuant à l'amélioration de la situation des droits de l'homme. Un code de conduite pourrait être établi afin d'aider les entreprises européennes investissant dans la région méditerranéenne. Il serait par exemple question de fournir des analyses des risques menaçant les droits de l'homme et les différentes façons de ne pas les favoriser. Ce code de conduite pourrait également fixer des objectifs à atteindre visant le respect des droits des travailleurs (conditions de travail et salaires décents, non discrimination, égalité des genres, non recours au travail des enfants et au travail forcé etc.). Il s'agirait d'aborder la question des droits de l'homme dans une perspective globale dans laquelle les investisseurs européens seraient un outil au centre d'un développement engagé. Ceci permettrait de contribuer progressivement au développement des populations sans que les régimes répressifs ne soient impliqués tout en laissant une certaine marge de manoeuvre aux investisseurs européens.

L'alliance entre la politique européenne de voisinage et l'UMP serait négative si cette dernière offrait la possibilité aux partenaires méditerranéens de se détourner de leurs engagements initiaux: si une alternative leur est proposée entre, d'une part, l'attribution d'une aide au développement conditionnée à des progrès sur le terrain des droits fondamentaux, de l'Etat de droit et des principes démocratiques, et d'autre part, la possibilité de faciliter les investissements européens sans autre engagement, il est fort probable que la seconde option soit la favorite.

Si elle n'est pas strictement mise en oeuvre en accord avec les principes de la PEV, la politique de l'Union pour la Méditerranée à de forte chance de favoriser la déresponsabilisation des Etats méditerranéens et des membres de l'Union européenne dans le domaine des droits de l'homme. Ceci irait à l'encontre de la politique de développement instaurée par la Communauté au cours de ces vingt dernières années.

L'avenir des droits de l'homme sur le pourtour oriental et méridional de la Méditerranée dépend aujourd'hui d'un double engagement: de celui de la Communauté européenne et de celui de ses investisseurs.

ANNEXES

ANNEXE I

ANNEXE II

Déclaration de Barcelone

Adoptée lors de la conférence euroméditerranéenne

27-28 novembre 1995

Le Conseil de l'Union européenne, représenté par son Président, M. Javier SOLANA, Ministre des Affaires étrangères d'Espagne,

la Commission européenne, représentée par M. Manuel MARIN, Vice-Président,

[...]

- soulignant l'importance stratégique de la Méditerranée et animés par la volonté de donner à leurs relations futures une dimension nouvelle, fondée sur une coopération globale et solidaire, qui soit à la hauteur de la nature privilégiée des liens forgés par le voisinage et l'histoire;

- conscients que les nouveaux enjeux politiques, économiques et sociaux de part et d'autre de la Méditerranée constituent des défis communs qui appellent une approche globale et coordonnée;

- décidés de créer à cet effet, pour leurs relations, un cadre multilatéral et durable, fondé sur un esprit de partenariat, dans le respect des caractéristiques, des valeurs et des spécificités propres à chacun des participants ;

- considérant que ce cadre multilatéral est complémentaire d'un renforcement des relations bilatérales, qu'il est important de sauvegarder en accentuant leur spécificité;

- soulignant que cette initiative euro-méditerranéenne n'a pas vocation à se substituer aux autres actions et initiatives entreprises en faveur de la paix, de la stabilité et du développement de la région, mais qu'elle contribuera à favoriser leur succès. Les participants appuient la réalisation d'un règlement de paix juste, global et durable au Moyen-Orient, basé sur les résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité des Nations Unies et les principes mentionnés dans la lettre d'invitation à la Conférence de Madrid sur la paix au Moyen-Orient, y compris le principe "des territoires contre la paix", avec tout ce que cela implique;

- convaincus que l'objectif général consistant à faire du bassin méditerranéen une zone de dialogue, d'échanges et de coopération qui garantisse la paix, la

stabilité et la prospérité exige le renforcement de la démocratie et le respect des droits de l'homme, un développement économique et social durable et équilibré, la lutte contre la pauvreté et la promotion d'une meilleure compréhension entre les

cultures, autant d'éléments essentiels du partenariat; - conviennent d'établir entre les participants un

partenariat global - partenariat euro-méditerranéen - à travers un dialogue politique renforcé et régulier, un développement de la coopération économique et financière et une valorisation accrue de la dimension sociale, culturelle et humaine, ces trois axes constituant les trois volets du partenariat euroméditerranéen.

PARTENARIAT POLITIQUE ET DE SECURITE: DEFINIR UN ESPACE COMMUN DE PAIX ET DE STABILITE

Les participants expriment leur conviction que la paix, la stabilité et la sécurité de la région méditerranéenne sont un bien commun qu'ils s'engagent à promouvoir et à renforcer par tous les moyens dont ils disposent. A cet effet, ils conviennent de mener un dialogue politique renforcé et régulier, fondé sur le respect des principes essentiels du droit international et réaffirment un certain nombre d'objectifs communs en matière de stabilité interne et externe.

Dans cet esprit, ils s'engagent, par la déclaration de principes suivante, à:

- agir conformément à la Charte des Nations Unies et à la Déclaration universelle des droits de l'homme, ainsi qu'aux autres obligations résultant du droit international, notamment celles qui découlent des instruments régionaux et internationaux auxquels ils sont parties;

- développer l'Etat de droit et la démocratie dans leur système politique tout en reconnaissant dans ce cadre le droit de chacun d'entre eux de choisir et de développer librement son système politique, socioculturel, économique et judiciaire;

- respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales, ainsi que garantir l'exercice effectif et légitime de ces droits et libertés, y compris la liberté d'expression, la liberté d'association à des fins

pacifiques et la liberté de pensée, de conscience et de religion, individuellement ainsi qu'en commun avec d'autres membres du même groupe, sans aucune discrimination exercée en raison de la race, la nationalité, la langue, la religion et le sexe;

- considérer favorablement, à travers le dialogue entre les parties, les échanges d'informations sur les questions relatives aux droits de l'homme, aux libertés fondamentales, au racisme et à la xénophobie;

- respecter et faire respecter la diversité et le pluralisme dans leur société et promouvoir la tolérance entre ses différents groupes et lutter contre les manifestations d'intolérance, le racisme et la xénophobie. Les participants soulignent l'importance d'une formation adéquate en matière de droits de l'homme et de libertés fondamentales;

- respecter leur égalité souveraine ainsi que tous les droits inhérents à leur souveraineté et exécuter de bonne foi leurs obligations assumées, conformément au droit international;

- respecter l'égalité de droits des peuples et leur droit à disposer d'eux-mêmes, en agissant à tout moment conformément aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies et aux normes pertinentes du droit international, y compris celles qui ont trait à l'intégrité territoriale des Etats, tels qu'ils figurent dans des accords entre les parties concernées;

- s'abstenir, en conformité avec les normes du droit international, de toute intervention directe ou indirecte dans les affaires intérieures d'un autre partenaire;

- respecter l'intégrité territoriale et l'unité de chacun des autres partenaires;

- régler leurs différends par des moyens pacifiques, inviter tous les participants à renoncer à la menace ou à l'emploi de la force contre l'intégrité territoriale d'un autre participant, y compris l'acquisition de territoires par la force, et réaffirmer le droit d'exercer pleinement la souveraineté par des moyens légitimes, conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international;

- renforcer leur coopération pour prévenir et combattre le terrorisme, notamment par la ratification et l'application d'instruments internationaux auxquels ils ont souscrit, par l'adhésion à de tels instruments ainsi que par toute autre mesure appropriée ;

- lutter ensemble contre l'expansion et la diversification de la criminalité organisée et combattre le fléau de la drogue dans tous ses aspects;

- promouvoir la sécurité régionale et, à cet effet, oeuvrer, entre autres, en faveur de la non-prolifération nucléaire, chimique et biologique en adhérant et en se conformant à une combinaison de régimes internationaux et régionaux de non-prolifération, et d'accords de limitation des armements et de désarmement, tels que le TNP, la CWC, la BWC, le CTBT, et/ou à des arrangements régionaux, comme des zones exemptes d'armes, y compris leurs systèmes de vérification, ainsi qu'en respectant de bonne foi leurs engagements au titre des conventions de limitation des armements, de désarmement et de non-prolifération.

Les parties s'emploieront à faire du Moyen-Orient une zone exempte d'armes de destruction massive, nucléaires, chimiques et biologiques et de leurs vecteurs, qui soit mutuellement et effectivement contrôlable.

En outre, les parties:

- envisageront des mesures pratiques afin de prévenir la prolifération d'armes nucléaires, chimiques et biologiques, ainsi qu'une accumulation excessive d'armes conventionnelles;

- s'abstiendront de développer une capacité militaire qui aille au-delà de leurs besoins légitimes de défense, tout en réaffirmant leur détermination de parvenir au même niveau de sécurité et d'instaurer la confiance mutuelle avec la quantité la moins élevée possible de troupes et d'armements et d'adhérer à la CCW;

- favoriseront les conditions susceptibles de permettre l'établissement de relations de bon voisinage entre eux et soutenir les processus visant la stabilité, la sécurité et la prospérité ainsi que la coopération régionale et sous-régionale;

- étudier les mesures de confiance et de sécurité qu'il conviendrait d'adopter en commun entre les participants en vue de la consolidation d'un "espace de paix et de stabilité en Méditerranée", y compris la possibilité à terme de mettre en oeuvre à cet effet un pacte euro-méditerranéen.

PARTENARIAT ECONOMIQUE ET FINANCIER: CONSTRUIRE UNE ZONE DE PROSPERITE PARTAGEE

Les participants soulignent l'importance qu'ils attachent au développement économique et social durable et équilibré dans la perspective de réaliser

leur objectif de construire une zone de prospérité partagée.

Les partenaires reconnaissent les difficultés que la question de la dette peut entraîner pour le développement économique des pays de la région méditerranéenne. Ils conviennent, compte tenu de l'importance de leurs relations, de poursuivre le dialogue afin de parvenir a des progrès dans les enceintes compétentes.

Constatant que les partenaires ont a relever des défis communs, bien que se présentant a des degrés différents, les participants se fixent les objectifs a long terme suivants:

- accélérer le rythme d'un développement socioéconomique durable;

- améliorer les conditions de vie des populations, augmenter le niveau d'emploi et réduire les écarts de développement dans la région euro-méditerranéenne; - promouvoir la coopération et l'intégration régionale. En vue d'atteindre ces objectifs, les participants conviennent d'établir un partenariat économique et financier qui, en tenant compte des différents degrés de développement, sera fondé sur:

- l'instauration progressive d'une zone de libreéchange;

- la mise en oeuvre d'une coopération et d'une concertation économiques appropriées dans les domaines concernés;

L'augmentation substantielle de l'assistance financière de l'Union européenne a ses partenaires. a) Zone de libre-échange

La zone de libre-échange sera réalisée a travers les nouveaux accords euro-méditerranéens et des accords de libre-échange entre les partenaires de l'Union européenne. Les participants ont retenu l'année 2010 comme date objectif pour instaurer progressivement cette zone qui couvrira l'essentiel des échanges dans le respect des obligations découlant de l'OMC.

En vue de développer le libre échange graduel dans cette zone: les obstacles tarifaires et non tarifaires aux échanges des produits manufacturés seront progressivement éliminés selon des calendriers a négocier entre les partenaires; en partant des flux traditionnels et dans la mesure permise par les différentes politiques agricoles et en respectant dûment les résultats atteints dans le cadre des négociations du GATT, le commerce des produits agricoles sera progressivement libéralisé par l'accès préférentiel et réciproque entre les parties ; les échanges de services y compris le droit

d'établissement seront progressivement libéralisés en tenant dûment compte de l'accord GATS. Les participants décident de faciliter l'établissement progressif de cette zone de libre-échange en

- adoptant des dispositions adéquates en matière de règles d'origine, de certification, de protection des droits de propriété intellectuelle et industrielle et de concurrence;

- poursuivant et développant des politiques fondées sur les principes de l'économie de marché et de l'intégration de leurs économies en tenant compte de leurs besoins et niveaux de développement respectifs; - procédant a l'ajustement et a la modernisation des structures économiques et sociales, la priorité étant accordée a la promotion et au développement du secteur privé, a la mise a niveau du secteur productif et a la mise en place d'un cadre institutionnel et réglementaire approprié pour une économie de marché. De même, ils s'efforceront d'atténuer les conséquences négatives qui peuvent résulter de cet ajustement au plan social en encourageant des programmes en faveur des populations les plus démunies;

- promouvant les mécanismes visant a développer les transferts de technologie.

b) Coopération et concertation économiques

La coopération sera développée en particulier dans les domaines énumérés ci-dessous et a cet égard les participants:

- reconnaissent que le développement économique doit être soutenu a la fois par l'épargne interne, base de l'investissement, et par des investissements étrangers directs. Ils soulignent qu'il importe d'instaurer un environnement qui leur soit propice notamment par l'élimination progressive des obstacles a ces investissements ce qui pourrait conduire aux transferts de technologies et augmenter la production et les exportations;

- affirment que la coopération régionale, réalisée sur une base volontaire, notamment en vue de développer les échanges entre les partenaires eux-mêmes, constitue un facteur clé pour favoriser l'instauration d'une zone de libre-échange;

- encouragent les entreprises a conclure des accords entre elles et s'engagent a favoriser cette coopération et la modernisation industrielle, en offrant un environnement et un cadre réglementaire favorable. Ils considèrent nécessaire l'adoption et la mise en oeuvre d'un programme d'appui technique aux PME;

- soulignent leur interdépendance en matière d'environnement, qui impose une approche régionale et une coopération renforcée, ainsi qu'une meilleure coordination des programmes multilatéraux existants, en confirmant leur attachement à la Convention de Barcelone et au PAM. Ils reconnaissent qu'il importe de concilier le développement économique avec la protection de l'environnement, d'intégrer les préoccupations environnementales dans les aspects pertinents de la politique économique et d'atténuer les conséquences négatives qui pourraient résulter du développement sur le plan de l'environnement. Ils s'engagent à établir un programme d'actions prioritaires à court et à moyen terme, y compris en matière de lutte contre la désertification, et à concentrer des appuis techniques et financiers appropriés sur ces actions;

- reconnaissent le rôle clé des femmes dans le développement et s'engagent à promouvoir la participation active des femmes dans la vie économique et sociale et dans la création d'emplois ; - soulignent l'importance de la conservation et de la gestion rationnelle des ressources halieutiques et de l'amélioration de la coopération dans le domaine de la recherche sur les ressources, y compris l'aquaculture, et s'engagent à faciliter la formation et la recherche scientifiques et à envisager la création d'instruments communs;

- reconnaissent le rôle structurant du secteur de l'énergie dans le partenariat économique euroméditerranéen et décident de renforcer la coopération et d'approfondir le dialogue dans le domaine des politiques énergétiques. Décident de créer les conditions-cadres adéquates pour les investissements et les activités des compagnies d'énergie, en coopérant pour créer les conditions permettant à ces compagnies d'étendre les réseaux énergétiques et de promouvoir les interconnexions;

- reconnaissent que l'approvisionnement en eau ainsi qu'une gestion appropriée et un développement des ressources constituent une question prioritaire pour tous les partenaires méditerranéens et qu'il importe de développer la coopération en ces domaines;

- conviennent de coopérer en vue de moderniser et de restructurer l'agriculture et de favoriser le développement rural intégré. Cette coopération sera axée notamment sur l'assistance technique et la formation, sur le soutien aux politiques mises en oeuvre par les partenaires pour diversifier la production, sur la réduction de la dépendance

alimentaire et sur la promotion d'une agriculture respectueuse de l'environnement. Conviennent également de coopérer en vue de l'éradication de cultures illicites et pour le développement des régions éventuellement affectées.

Les participants conviennent également de coopérer dans d'autres domaines et, à cet égard:

- soulignent l'importance d'un développement et d'une amélioration des infrastructures, y compris par la création d'un système efficace de transport, le développement des technologies de l'information et la modernisation des télécommunications. A cet effet, ils conviennent d'élaborer un programme de priorités. - s'engagent à respecter les principes du droit maritime international et en particulier la libre prestation de services dans le domaine du transport international et le libre accès aux cargaisons internationales. Les résultats des négociations commerciales multilatérales sur les services de transport maritime menées actuellement dans le cadre de l'OMC seront pris en compte une fois convenus;

- s'engagent à encourager la coopération entre les collectivités locales et en faveur de l'aménagement du territoire;

- reconnaissant que la science et la technologie ont une influence significative sur le développement socio-économique, conviennent de renforcer les capacités propres de recherche scientifique et développement, de contribuer à la formation du personnel scientifique et technique, de promouvoir la participation à des projets de recherche conjoints à partir de la création de réseaux scientifiques; conviennent de promouvoir la coopération dans le domaine statistique afin d'harmoniser les méthodes et d'échanger des données.

c) Coopération financière

Les participants considèrent que la réalisation d'une zone de libre-échange et le succès du partenariat euro-méditerranéen reposent sur un accroissement substantiel de l'assistance financière qui doit favoriser avant tout un développement endogène et durable et la mobilisation des acteurs économiques locaux. Ils constatent à cet égard:

- que le Conseil européen de Cannes est convenu de prévoir pour cette assistance financière des crédits d'un montant de 4.685 millions d'écus pour la période 1995-1999, sous forme de fonds budgétaires communautaires disponibles. A cela s'ajoutera l'intervention de la BEI sous forme de prêts d'un

montant accru, ainsi que les contributions financières bilatérales des Etats membres;

- qu'une coopération financière efficace, gérée dans le cadre d'une programmation pluriannuelle tenant compte des spécificités de chacun des partenaires est nécessaire;

- qu'une gestion macro-économique saine revêt une importance fondamentale pour assurer le succès de leur partenariat. A cette fin, ils conviennent de favoriser le dialogue sur leurs politiques économiques respectives et sur la manière d'optimiser la coopération financière.

PARTENARIAT DANS LES DOMAINES SOCIAL, CULTUREL ET HUMAIN: DEVELOPPER LES RESSOURCES HUMAINES, FAVORISER LA COMPREHENSION ENTRE LES CULTURES ET LES ECHANGES ENTRE LES SOCIETES CIVILES

Les participants reconnaissent que les traditions de culture et de civilisation de part et d'autre de la Méditerranée, le dialogue entre ces cultures et les échanges humains, scientifiques et technologiques sont une composante essentielle du rapprochement et de la compréhension entre leurs peuples et d'amélioration de la perception mutuelle.

Dans cet esprit, les participants conviennent de créer un partenariat dans les domaines social, culturel et humain. A cet effet:

- ils réaffirment que le dialogue et le respect entre les cultures et les religions sont une condition nécessaire au rapprochement des peuples. A cet égard, ils soulignent l'importance du rôle que peuvent jouer les médias dans la connaissance et la compréhension réciproques des cultures, en tant que source d'enrichissement mutuel;

- ils insistent sur le caractère essentiel du développement des ressources humaines, tant en ce qui concerne l'éducation et la formation notamment des jeunes que dans le domaine de la culture. Ils manifestent leur volonté de promouvoir les échanges culturels et la connaissance d'autres langues, respectant l'identité culturelle de chaque partenaire, et de mettre en oeuvre une politique durable de programmes éducatifs et culturels; dans ce contexte les partenaires s'engagent à prendre les mesures susceptibles de faciliter les échanges humains,

notamment par l'amélioration des procédures administratives;

- ils soulignent l'importance du secteur de la santé pour un développement durable et manifestent leur volonté d'encourager la participation effective de la collectivité aux actions de promotion de la santé et du bien-être de la population;

- ils reconnaissent l'importance du développement social qui, à leur avis, doit aller de pair avec tout développement économique. Ils attachent une priorité particulière au respect des droits sociaux fondamentaux, y compris le droit au développement; - ils reconnaissent la contribution essentielle que peut apporter la société civile dans le processus de développement du partenariat euro-méditerranéen et en tant que facteur essentiel d'une meilleure compréhension et d'un rapprochement entre les peuples;

- en conséquence, ils conviennent de renforcer et/ou mettre en place les instruments nécessaires à une coopération décentralisée pour favoriser les échanges entre les acteurs du développement dans le cadre des législations nationales: responsables de la société politique et civile, du monde culturel et religieux, des universités, de la recherche, des médias, des associations, les syndicats et les entreprises privées et publiques;

- sur cette base, ils reconnaissent qu'il importe de promouvoir les contacts et les échanges entre les jeunes dans le cadre de programmes de coopération décentralisée;

- ils encourageront les actions de soutien en faveur des institutions démocratiques et du renforcement de l'Etat de droit et de la société civile;

- ils reconnaissent que l'évolution démographique actuelle représente un défi prioritaire auquel il convient de faire face par des politiques appropriées pour accélérer le décollage économique;

- ils reconnaissent le rôle important que jouent les migrations dans leurs relations. Ils conviennent d'accroître leur coopération pour réduire les pressions migratoires au moyen, entre autres, de programmes de formation professionnelle et d'assistance à la création d'emplois. Ils s'engagent à garantir la protection de l'ensemble des droits reconnus par la législation existante des migrants légalement installés sur leurs territoires respectifs;

- dans le domaine de l'immigration clandestine, ils décident d'établir une coopération plus étroite. Dans ce contexte, les partenaires, conscients de leur

responsabilité pour la réadmission, conviennent d'adopter par la voie d'accords ou arrangements bilatéraux les dispositions et les mesures appropriées pour la réadmission de leurs ressortissants en situation illégale. A cet effet, pour les Etats membres de l'Union européenne, seront considérés ressortissants les nationaux des Etats membres tels que définis aux fins communautaires;

- ils conviennent de renforcer la coopération par diverses mesures visant à prévenir et à combattre ensemble de façon plus efficace le terrorisme;

- de même, ils estiment nécessaire de lutter ensemble et efficacement contre le trafic de drogues, la criminalité internationale et la corruption;

- ils soulignent l'importance de lutter résolument contre les phénomènes racistes et xénophobes et contre l'intolérance et conviennent de coopérer à cette fin.

SUIVI DE LA CONFERENCE

Les participants:

- considérant que la Conférence de Barcelone jette les bases d'un processus ouvert et appelé à se

développer;

- réaffirmant leur volonté d'établir un partenariat basé sur les principes et objectifs définis par la présente déclaration;

- résolus à donner une expression concrète à ce partenariat euro-méditerranéen;

- convaincus que, pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de poursuivre le dialogue global engagé et de réaliser une série d'actions concrètes,

adoptent le programme de travail ci-joint.

Les ministres des Affaires étrangères se réuniront périodiquement afin d'assurer le suivi de l'application de la présente déclaration et de définir les actions propres à permettre la réalisation des objectifs du partenariat.

Les diverses actions feront l'objet d'un suivi sous forme de réunions thématiques ad hoc de ministres, de hauts fonctionnaires et d'experts, d'échanges d'expériences et d'informations, de contacts entre les participants de la société civile, ou par tout autre moyen approprié.

Les contacts au niveau des parlementaires, des autorités régionales, des collectivités locales et des partenaires sociaux seront encouragés.

Un "Comité euro-méditerranéen du processus de Barcelone", au niveau de Hauts Fonctionnaires, composé de la Troïka de l'Union européenne et d'un représentant de chaque partenaire méditerranéen, tiendra des réunions périodiques pour préparer la réunion des Ministres des Affaires étrangères, faire le point et évaluer le suivi du processus de Barcelone dans toutes ses composantes et pour mettre à jour le programme de travail.

Le travail approprié de préparation et de suivi des réunions résultant du programme de travail de Barcelone et des conclusions du "Comité euroméditerranéen du processus de Barcelone" sera assumé par les services de la Commission.

La prochaine réunion des Ministres des Affaires étrangères se tiendra au cours du 1er semestre de 1997 dans l'un des douze Etats méditerranéens partenaires de l'Union européenne, à déterminer par le biais de consultations futures.

ANNEXE III

Etats méditerranéens

Type d'accord

Date de signature

Entrée en vigueur

Algérie

Accord d'association

22/04/2002

01/09/2005

Autorité palestinienne

Accord intérimaire Plan d'action dans le

24/02/1997
Proposé en

01/07/1997

04/05/05

 

cadre de la PEV

9/12/2004

 

Egypte

Accord d'association

25/06/2001

01/06/2004

 

Plan d'action

06/03/2007

03/2007

Israël

Accord d'association

20/11/1995

01/06/2000

 

Plan d'action dans le cadre de la PEV

9/12/2004

11/04/2005

Jordanie

Accord d'association

24/11/1997

01/05/2002

 

Plan d'action dans le

Proposé en

02/06/2005

 

cadre de la PEV

9/12/2004

 

Liban

Accord d'association

17/06/2002

AI* 01/03/2003

 

Plan d'action

proposé le

en attente

 
 

17/10/2006

 

Maroc

Accord d'association

26/02/1996

01/03/2000

 

Plan d'action dans le

Proposé en

27/07/2005

 

cadre de la PEV

9/12/2004

 

Syrie

Conclusion des négociations

19/10/2004

 

Tunisie

Accord d'association

17/07/1995

01/03/1998

 

Plan d'action dans le

Proposé en

04/07/2005

 

cadre de la PEV

9/12/2004

 

Turquie

Accord établissant la dernière phase de l'union douanière

06/03/1995

31/12/1995

SOURCES: http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/06/1676&format=HTML&age d=0&language=FR

AI: Accord intérimaire

ANNEXE IV

Etat des ratifications ou accessions de huit des partenaires méditerranéens du PEM aux conventions internationales relatives aux droits de l'homme.

 

CESR

CCPR

CERD

CEDAW

CAT

CRC

CRMW

CCPR-
OP1

CCPR-
OP2

OP-
CEDAW

OP1-
CRC

OP2-
CRC

Algérie

VV

VV

VV

V

VV

V

V

VV

x

x

x

x

Egypte

VV

VV

V

V

VV

V

V

x

x

x

x

VV

Israël

VV

V

V

V

V

VV

x

x

x

x

VV

x

Jordanie

VV

VV

VV

VV

VV

V

x

x

x

x

x

x

Liban

VV

VV

V

V

VV

VV

x

x

x

x

x

VV

Maroc

VV

VV

V

V

VV

V

V

x

x

x

VV

VV

Syrie

VV

VV

V

V

V

VV

VV

x

x

x

VV

VV

Tunisie

VV

VV

VV

V

V

V

x

x

x

x

VV

VV

Source: Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme V Ratification ou Accession

VV Ratification ou Accession sans réserves

X Non partie au traité

CESR: Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

CCPR: Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

CERD: Convention pour l'élimination de toute forme de discrimination raciale.

CEDAW: Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. CAT: Convention contre la torture et tous autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants. CRC: Convention sur la protection des droits de l'enfant.

CRMW: Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. CCPR-OP1: Protocole n°1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.

CCPR- OP2: Protocole n°1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.

OP-CEDAW: Protocole de la convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

OP1-CRC: Protocole n°1 de la convention sur la protection des droits de l'enfant.

OP2-CRC: Protocole n°2 de la convention sur la protection des droits de l'enfant.

BIBLIOGRAPHIE

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JURISPRUDENCE

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ARTICLES DE PRESSE ET D'ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES

- Sous la coordination de Frédéric Allemand, «L'Union pour la Méditerranée, pourquoi, comment?», publié par la Fondation pour l'innovation politique, juin 2008, p. 4. Accessible sur le site internet de Fondapol à cette adresse: http://www.fondapol.org/fileadmin/uploads/pdf/documents/HS_Union_pour_la_Mediterra nee.pdf

- Jérôme Boniface, La politique européenne de voisinage, entre élargissement et politique étrangère, disponible sur le site de l'institut européen de l'administration publique: http://www.eipa.eu

- Ode Jacquemin, « La conditionnalité démocratique de l'Union européenne. Une voie pour l'universalisation des droits de l'Homme ? Mise en oeuvre, critiques et bilan>>. Working Paper mars 2006, cellule de recherche interdisciplinaire en droits de l'homme, disponible

en ligne: http://cridho.cpdr.ucl.ac.be/documents/Working.Papers/CRIDHO.WP.2006.031.pdf

- Piotr Macciej Kaczynski et Piotr Kazmierkiewicz , « European Neighbourhood Policy : Differentiation and Political Benchmarks>>, publié par Euromesco, septembre 2005.

- Dorothée Schmid, « Interlinkages within the Euro-Mediterranean partnership, linking economic, institutional and political reform: conditionality within the Euro-Mediterranean partnership>>, diffusé par EuroMesco, article n° 27, décembre 2003.

- Dorothée Schmid, « Les institutions européennes dans le PEM: de la répartition des compétences à la gestion des dynamiques quotidiennes>>, Article n°36, 2004, disponible sur le site Euromesco.

- Frederik Thuesen, « Le rôle des droits de l'Homme dans la politique méditerranéenne de l'UE: La mise en oeuvre de l'article 2>>, publié par le réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme, 2000.

- <<Promotion et protection des droits de l'homme dans la région euro-méditerranéenne». Déclaration du réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme aux chefs d'Etat du partenariat euro-méditerranéen à l'occasion du dixième anniversaire de la Déclaration de Barcelone. Disponible sur le site www.euromedrights.net.

- <<Reprendre de l'élan, Rapport annuel EuroMesco 2006», publié en mai 2007, disponible sur www.euromesco.net.

- <<Barcelone + 5 : quel impact pour les droits humains ? novembre 1995-novembre 2000: le bilan de cinq années de partenariat euro-méditerranéen», livre blanc présenté à la conférence euro-méditerranéenne interministérielle de Marseille (15-16 novembre 2000) Fédération internationale des ligues des droits de l'homme.

- Position du Réseau euro-méditerranéen des droit de l'Homme sur Barcelone+10 et droits de l'homme, http://www.droits-

fondamentaux.prd.fr/codes/modules/articles/article.php?idElem=948456543

- Michaela Wiegel, « Sarkozy's Devalued «Diplomacy of Values»>>, Frankfurter Allgemeine Zeitung, Qantara.de, 2007.

MEDIAS ELECTRONIQUES

- http://www.euromesco.net

- Sur chronologie du partenariat: http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/europemediterranee/chronologie.shtml

- Sur les institutions du partenariat: http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/europe-mediterranee/institutions.shtml

- Sur la protection des droits de l'homme dans la région méditerranéenne:
http://ec.europa.eu/external_relations/human_rights/doc/index.htm

- Sur les accords d'association http://ec.europa.eu/external_relations/euromed/med_ass_agreemnts.htm

- Sur le processus de Barcelone http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/r15001.htm

- Sur les sanctions appliquées aux pays tiers par la Communauté européenne http://ec.europa.eu/external_relations/cfsp/sanctions/measures.htm http://ec.europa.eu/external_relations/cfsp/sanctions/index.htm)

- Sur la PESC http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/r00001.htm (PESC)

- Sur l'Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme - IEDDH (2000- 2006) http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/r10110.htm

DOCUMENTS OFFICIELS

ACCORDS BILATÉRAUX D'ASSOCIATION
DU PARTENARIAT EURO-MÉDITERRANÉEN

- Autorité Palestinienne JO L 187, 16.7.1997

- Egypte JO n° L 304 30.09.2004 - Jordanie JO L 129, 15.2.2002

- Tunisie JO L 097, 30.3.1998 - Israël: JO L 147, 21.6.2000

- Algérie: JO L 170, 18.3.2000

- Autorité palestinienne : JO L 187 du 16.07.1997

- Liban: JO L 143 du 30.05.2006

ACCORDS ET CONVENTIONS*

- Accord de Cotonou, 23 juin 2000, en ligne : http://europa.eu.int/rapid/start/cgi/guesten.ksh?p action.gettxt=gt&doc=IP/03/467|0|R APID&lg=en&displa (entrée en vigueur : 1e avril 2003);

- CE, Version consolidée du Traité instituant la Communauté européenne, [2002] J.O.L. C 325, art. 177 à 181;

- CE, Version consolidée du Traité sur l'Union européenne, [2002] J.O.L. 325/5, en ligne Europa http://europa.eu.int/eur-lex/fr/treaties/dat/EU consol.pdf

- Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, R.O. 1990 1112, (entrée en vigueur : 6 juin 1990);

- Deuxième convention ACP-CEE, signée le 31 octobre 1979, [1980] J.O.L. 347 (entrée en vigueur : 1e janvier 1981);

- Première convention ACP-CEE de Lomé, 28 février 1975, en ligne : http://eu.eu.int/accords/en/details.asp?id=1975005&lang=fr (entrée en vigueur : 1e avril 1976);

- Quatrième convention ACP-CEE, 15 décembre 1989, [1991] J.O.L. 229 (entrée en vigueur : 1e septembre 1989);

- Troisième convention ACP-CEE, 8 décembre 1984, [1986] J.O.L. 86 (entrée en vigueur : 1e mai 1986);

- Déclaration finale de la Conférence ministérielle euro-méditerranéenne de Barcelone du 27 et 28 novembre 1995 et son programme de travail.

- Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948.

LÉGISLATION COMMUNAUTAIRE ET DOCUMENTS INSTITUTIONNELS

- Communication de la commission sur la prise en compte du respect des principes démocratiques et des droits de l'homme dans les accords entre la Communauté et les pays tiers, COM (95) 216 final, 28 mai1996.

- Communication de la commission au conseil et au parlement européen: le rôle de l'union européenne dans la promotion des droits de l'homme et de la démocratisation dans les pays tiers, COM (2001) 252 final.

- Communication de la Commission au Conseil et au Parlement, L'Europe élargie- voisinage: un nouveau cadre pour nos relations avec les pays de l'Est et de Sud. COM (2003), 104 Final, 11 mars 2003.

- Communication de la Commission au Conseil et au Parlement, Mise en oeuvre de la politique européenne de voisinage en 2007, COM (2008) 164.

- Avis du Comité économique et social sur le «Partenariat euro-méditerranéen -- Bilan et perspectives après cinq ans» (2002/C 36/24)

- Evaluation à mi-parcours du programme MEDA II, rapport final, office de coopération EuropeAid pour la Commission européenne, 18 juillet 2005.

- Rapport annuel de l'Union européenne sur les droits de l'homme de 2007, document publié par le Conseil et la Commission et disponible sur le site europa.eu.

- Déclaration commune du sommet de Paris pour la Méditerranée Paris, 13 juillet 2008, accessible sur le si internet de la présidence française de l'Union européenne

- EU Strategic Partnership with the Mediterranean and the Middle East http://consilium.europa.eu/uedocs/cmsUpload/Partnership%20Mediterranean%20and %20Middle%20East.pdf

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE 3

SIGLES ET ABREVIATIONS 5

INTRODUCTION 7

PARTIE I : UN CADRE JURIDIQUE IMPLIQUANT LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME 11

CHAPITRE I. LE CADRE MULTI DIMENSIONNEL DU PARTENARIAT EURO-MEDITERRANEEN 12

I. La structure multilatérale du partenariat euro-méditerranéen 12

A. Le champ d'application du partenariat 12

B. Des instruments multilatéraux destinés à assurer la continuité du dialogue interétatique 16

II. Une structure bilatérale en évolution 18

A. Les accords bilatéraux: principal instrument du partenariat 18

1. Le contenu des accords de partenariat 19

2. Les mécanismes de suivi des accords d'association 22

B. La politique Européenne de Voisinage: une politique complémentaire 23

1. Un nouvel élan dans les relations euro-méditerranéennes 23

2. Les innovations apportées par les plans d'action et l'instrument européen de voisinage et de partenariat 24

CHAPITRE II. LA STRATEGIE DE PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME DU PARTENARIAT EURO-
MEDITERRANEEN 28

I. La fragilité de la stratégie régionale de protection des droits de l'homme 30

A. Le manque d'engagement politique dans la protection des droits de l'homme 30

1. la Déclaration de Barcelone: origine de l'action des partenaires dans le domaine

des droits de l'homme 30

2. Un engagement en demi teinte dans le domaine des droits de l'homme 33

B. Des instruments régionaux de promotion des droits de l'homme en évolution 34

1. Des instruments lacunaires 35

2. Le recours nécessaire à des instruments européens complémentaires 37

II. La stratégie bilatérale de protection des droits de l'homme ou les clauses de

conditionnalité 39

A. L'introduction de clause de conditionnalité dans les accords bilatéraux du partenariat 40

1. Les origines de «la clause droits de l'homme> 40

2. Typologie et contenu de la clause droits de l'homme dans les accords

bilatéraux 43

B. La valeur des mécanismes de sanction liés à l'article 2 47

1. La clause générale de non-exécution (ou clause complémentaire) 47

2. Légalité des clauses de conditionnalité dans l'ordre juridique communautaire 51

PARTIE II: un processus lacunaire sur le terrain des droits de l'homme 54

CHAPITRE I. LE NON RESPECT DES TERMES DU PARTENARIAT 55

I. La persistance des violations des droits de l'homme 55

A. Conséquences du partenariat sur la situation des droits de l'homme dans la région méditerranéenne 55

1. Les progrès accomplis par les Etats méditerranéens dans le domaine des droits de

l'homme 55

2. Incapacité à empêcher une dégradation générale de la situation 58

B. Les raisons de l'enlisement de la situation des droits de l'homme 61

1. Des priorités reléguant les droits de l'homme en arrière plan 62

2. L'absence d'ambition politique de la coopération dans le domaine des droits de l'homme 64

II. L'échec du recours à la conditionnalité 66

A. Limites institutionnelles à l'application de la clause droits de l'homme 66

1. Absence d'un mécanisme d'application de la clause droits de l'homme 67

2. Le manque d'implication du Parlement dans la mise en oeuvre de la

conditionnalité 69

B. Refus politique du recours à la conditionnalité négative 70

1. Une conditionnalité négative exclue du partenariat euro-méditerranéen 71

2. L'absence d'équilibre entre la conditionnalité positive et négative 74

CHAPITRE II. SOLUTIONS ENVISAGEABLES 77

I. Le perfectionnement du processus en cours 77

A. Les aménagements possibles du partenariat 77

B. L'ajustement de la politique européenne de voisinage 78

II. Le processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée 80

A. Des innovations institutionnelles face au poids des conflits politiques 81

B. Une approche délétère des droits de l'homme 83

CONCLUSION 86

Annexe 1. Carte des Etats membres du partenariat euro-méditerranéen ..89

Annexe 2. Déclaration de Barcelone 90

Annexe 3. Tableau récapitulatif des accords d'association 96

Annexe 4. Etat des ratifications ou accessions de huit des partenaires méditerranéens aux conventions internationales relatives aux droits de l'homme 97

BIBLIOGRAPHIE 98

TABLE DES MATIERES 106






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle