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La recevabilité des requêtes devant la cour de justice de la CEMAC

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par Apollin KOAGNE ZOUAPET
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales, option Contentieux International 2010
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE YAOUNDE II

THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II

INSTITUT DES RELATIONS INTERNATIONALES DU CAMEROUN

B.P.: 1637 Yaoundé

Tel: 22 31 03 05

Fax: (237) 22 31 89 99

 

INTERNATIONAL RELATIONS INSTITUTE OF CAMEROUN

P.O Box: 1637 Yaoundé

Tel: 22 31 03 05

E-Mail: iric@uycdc.unicet.cm

LA RECEVABILITE DES REQUETES DEVANT

LA COUR DE JUSTICE DE LA CEMAC.

Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention

du Master en Relations internationales,

Option : Contentieux international

Par :

M. KOAGNE ZOUAPET Apollin

Maître en Droit

Sous la direction de :

Dr KENFACK Jean

Chargé de Cours à l'IRIC

Sous la supervision de :

Pr. OLINGA Alain Didier

Maître de Conférence en Droit public

Chef de département de Droit international à l'IRIC

Année académique 2009-2010

DEDICACE

A vous qui avez toujours crû en moi et oeuvré à ce que j'aie le nécessaire pour travailler sereinement : Megne Julienne, Ngoumdjou Jeanne, Kengne Alphonse, Djoumessi Lydie Raïssa.

REMERCIEMENTS

Nous adressons nos sincères remerciements :

- Au professeur Alain Didier Olinga, Chef de département de droit international à l'IRIC, notre « véritable maitre » académique, pour avoir accepté de superviser ce travail. Sa grande rigueur et son exigence scientifique auront été pour nous tout au long de notre séjour à l'IRIC des exemples et défis à relever.

- Au docteur Jean Kenfack, enseignant à l'IRIC, pour avoir accepté de diriger ce travail. Ses conseils, orientations, recommandations et avis gracieusement prodigués, tant à l'endroit de l'étudiant que de l'individu, auront largement contribué faire de nous le juriste et l'homme que nous sommes aujourd'hui.

- Aux professeurs Narcisse Mouelle Kombi et Jean Louis Atangana Amougou, respectivement directeur et directeur adjoint chargé des études, et à travers eux à tout le personnel de l'IRIC pour le travail qu'ils abattent au quotidien afin que les étudiants de l'IRIC travaillent dans la sérénité.

- A tous les enseignants de l'IRIC qui ont guidé avec passion et abnégation nos pas dans l'univers scientifique des Relations internationales et du Contentieux international.

- A madame Félicité Owona Mfegue, enseignante à l'IRIC, pour son écoute, sa disponibilité et ses conseils pour tous nos travaux à l'IRIC.

- Au Père Claude Lah et aux enfants de l'Orphelinat « La Bonne Case » à Bangangté pour leurs incessants encouragements. Leur optimisme et leur foi en toutes circonstances auront été pour nous une source supplémentaire de motivation dans les moments de découragement.

- A messieurs Rigobert Fodjo, Albert Kamsu, Sébastien Ndeffo, Emmanuel Takoutchou, Luc Siga pour leur soutien multiforme et leurs encouragements.

- A mes frères et colocataires, Armand Silatcha et Guy Serge Kontchoupe avec qui je partage mon quotidien et qui ont toujours accordé la plus grande importance à mes études.

- A tous mes camarades de promotion, tout particulièrement Arsène Singa Yonga, pour les encouragements, le climat de franche camaraderie et la saine émulation durant nos années d'études.

- A tous ceux que je ne peux nommer ici individuellement, et qui ont tous oeuvré à faciliter notre séjour et nous ont accompagné tout au long de nos études.

Que tous daignent trouver ici l'expression de notre totale et infinie gratitude.LISTE DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS

AFDI : Annuaire Français de Droit International.

Aff. :  Affaire

BDEAC : Banque de développement des Etats de l'Afrique Centrale.

BEAC :  Banque des Etats de l'Afrique Centrale

c/ :  contre

CE :  Communauté Européenne

CEBEVIRHA. :  Communauté Economique du Bétail, de la Viande et des Ressources Halieutiques

CECA :  Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier

CEE :  Communauté Economique Européenne

CEEA : Communauté Européenne de l'Energie Atomique.

CEEAC :  Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale

CEMAC :  Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale

CIJ : Cour Internationale de Justice

CJ/CJ.CEMAC :  Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la C.E.M.A.C.

CJC : Cour de Justice Communautaire de la CEMAC.

CJCE :  Cour de Justice des Communautés Européennes

COBAC :  Commission Bancaire de l'Afrique Centrale

Convention CJC : Convention régissant la Cour de Justice Communautaire.

CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale.

dir. : Sous la direction de

Ibid. :  Même auteur, même texte

IRIC : Institut des Relations Internationales du Cameroun.

ISSEA :  Institut Sous régional de Statistiques et d'Economie Appliquée

ISTA :  Institut Sous régional multisectoriel de Technologie Appliquée, de planification et d'évaluation des projets

OHADA :  Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

OIT :  Organisation Internationale du Travail

ONU :  Organisation des Nations Unies

Op. Cit. :  Opere citare / cité plus haut

Ord. : Ordonnance.

p. :  Page

pp. :  Pages

PUF : Presses Universitaires de France.

RCADI : Recueil de Cours de l'Académie de Droit International.

RGDIP : Revue Générale de Droit International Public

RSA : Rapport de Stage Académique.

SDN :  Société Des Nations

SFDI : Société française de Droit International

TANU :  Tribunal Administratif des Nations Unies

TAOIT :  Tribunal Administratif de l'Organisation Internationale du Travail

TPICE :  Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes

UDEAC : Union Douanière et Economique de l'Afrique Centrale

UE :  Union Européenne

UEAC :  Union Economique de l'Afrique Centrale

UMAC :  Union Monétaire de l'Afrique Centrale

UNESCO : United Nations for Education, Science and Culture Organization (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture).

Vol. : Volume.

LISTE DES ANNEXES

1- Convention régissant la Cour de justice communautaire de la CEMAC.

2- Tableau récapitulatif de l'issue des requêtes devant la Chambre judiciaire de la CEMAC, du 13 décembre 2001 au 19 juin 2008.

3- Tableau récapitulatif des principales causes d'irrecevabilité des requêtes devant la Chambre judiciaire de la CEMAC du 13 décembre 2001 au 19 juin 2008.

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : LA RECEVABILITE, UNE EXIGENCE POUR L'EXAMEN AU FOND DE LA REQUETE PAR LE JUGE DE LA CEMAC 13

CHAPITRE I : LES CONDITIONS DE RECEVABILITE 15

SECTION I : LES CONDITIONS RELATIVES AU REQUERANT. 15

SECTION II : LES CONDITIONS RELATIVES A LA REQUETE. 28

CHAPITRE II : L'EXAMEN DE LA RECEVABILITE 43

SECTION I : LE REGIME DE LA RECEVABILITE DES REQUETES. 43

SECTION II : LE JUGEMENT SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE. 48

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 55

DEUXIEME PARTIE : LA RECEVABILITE DES REQUETES, UN INSTRUMENT AU SERVICE DE LA POLITIQUE JURISPRUDENTIELLE DE LA COUR DE JUSTICE COMMUNAUTAIRE. 56

CHAPITRE III : UNE POLITIQUE INITIALE RESTRICTIVE DE L'ACCES AU JUGE COMMUNAUTAIRE 58

SECTION I : UNE RIGUEUR TEXTUELLE DESEQUILIBREE. 58

SECTION II : UNE RIGIDE INTERPRETATION PRETORIENNE DES CONDITIONS DE RECEVABILITE. 69

CHAPITRE IV : LA TENDANCE NAISSANTE A UNE LIBERALISATION DE L'ACCES AU JUGE COMMUNAUTAIRE. 80

SECTION I : LA « PRUDENTE HARDIESSE » DU JUGE CEMAC DANS L'EXAMEN DE LA RECEVABILITE DES REQUETES. 80

SECTION II- POUR UNE POLITIQUE JURISPRUDENTIELLE PLUS LIBERALE DE LA COUR DANS L'APPRECIATION DE LA RECEVABILITE DES REQUETES 88

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 101

CONCLUSION GENERALE 102

ANNEXES 106

BIBLIOGRAPHIE 121

TABLE DES MATIERES 131

RESUME

La CEMAC est l'aboutissement d'un processus de relance de la construction communautaire de l'Afrique centrale, amorcée à la suite de la crise de l'UDEAC. Cette Communauté qui se veut une « Communauté de droit » comporte une cour de justice communautaire dont la mission essentielle, selon les termes du Traité révisé de Yaoundé du 25 juin 2008, est le contrôle juridictionnel des activités de la Communauté. Au delà des conditions d'accès au juge de la CEMAC, le présent travail se donne pour but d'évaluer l'efficacité de l'action du juge communautaire telle qu'elle résulte de l'interprétation et l'application des conditions de recevabilité.

Adoptant une triple démarche descriptive, analytique et comparative, la présente étude s'ouvre sur la présentation de la recevabilité comme une exigence procédurale requise pour l'examen de la requête par le juge de N'djamena. Il en ressort que les conditions de recevabilité des requêtes devant le juge communautaire se rapprochent en bien de points des règles appliquées devant les juridictions administratives nationales tout comme la démarche suivie par le juge dans l'examen des critères de recevabilité des recours.

Le travail révèle dans une seconde partie la politique jurisprudentielle du juge communautaire telle qu'elle apparaît dans l'examen de la recevabilité : une politique originaire critiquée et critiquable, restrictive de l'accès à son prétoire à travers une application rigoureuse des règles de recevabilité. Cette politique, expression d'une justice plus interétatique que supra étatique, est tempérée tout de même par l'émergence d'une lecture plus libérale de certaines règles à travers une interprétation téléologique, et la prise en compte des exigences du procès équitable et d'une bonne administration de la justice. Cette seconde démarche du juge de la CEMAC s'avère salutaire dans la perspective de l'édification de la « Communauté de droit » proclamée.

ABSTRACT

CEMAC is the outcome of a process that originally sought to kick-start the building of the Central African regional community system, a process begun following the crises that rocked UDEAC. This regional community, concerned with being seen as one based on the rule of law, comprises amongst its institutions, a community court essentially charged with the judicial control of the regional body. Apart from the procedural conditions for seizing the CEMAC Court, this work seeks to evaluate the effectiveness of the actions of the CEMAC judge as a result of the interpretation and the application of the conditions for admissibility of a case.

Based on a triple approach, viz; descriptive, analytic and comparative, this work opens with the presentation of the conditions for the admissibility of a case as a procedural exigency before a case is heard by the judge of the N'djamena court. We find that the conditions for admissibility of a matter before the Community judge resemble the procedure before domestic administrative courts in many respects, much as the procedure followed by the judge in the examination of the admissibility of a case.

The study dwells in its second part on the case-law policy of the CEMAC community judge as it appears in the examination of the admissibility of a case: a policy that is quite original but debatable and debated, a policy that restricts access to the Court through a rigorous application of the rules of admissibility; but tempered by the emergence of a more liberal interpretation of the conditions for admissibility; a more teleological understanding and the taking into consideration of due process.

This, within the perspective of the edification of a regional community based on the rule of law as proclaimed.

INTRODUCTION GENERALE

I- CONTEXTE ET OBJET DE L'ETUDE

Née sur les cendres de l'Union douanière et économique de l'Afrique centrale (UDEAC), la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) après une longue période de maturation a pris son envol le 05 février 1998 à l'issue du trente troisième sommet des chefs d'Etat de l'UDEAC avec pour mission essentielle selon l'article 2 du Traité révisé instituant la CEMAC

«  de promouvoir la paix et le développement harmonieux des Etats membres, dans le cadre de l'institution de deux unions : une Union Economique et une Union Monétaire. Dans chacun de ces deux domaines, les Etats membres entendent passer d'une situation de coopération, qui existe déjà entre eux, à une situation d'union susceptible de parachever le processus d'intégration économique et monétaire ».

Cette évolution proclamée des Etats de l'Afrique centrale s'est traduite par la mise en place d'une Cour de justice communautaire, corollaire indispensable d'une communauté fondée sur le droit et qui ne peut pleinement se réaliser que dans le seul respect du droit et des obligations incombant aux Etats membres1(*). Création du droit et reposant sur lui pour assurer son efficacité, l'ordre juridique communautaire est essentiellement créateur de droit. C'est un ordre qui assure un haut degré de développement des règles normatives et du respect de ce droit par une institution juridictionnelle2(*).

Située à N'djamena au Tchad, la Cour de justice communautaire actuelle de la CEMAC est issue de la reforme introduite le 25 juin 2008 par le Traité révisé instituant la dite Communauté, qui à son article 10 à la place de l'ancienne Cour de justice de la CEMAC bicamérale, énumère deux nouvelles institutions, la Cour de justice et la Cour des comptes. Héritant pour l'essentiel des attributions, étoffées tout de même par l'introduction de nouvelles voies de droit, de l'ancienne Chambre judiciaire de la Cour de justice de la CEMAC, la CJC assure selon les termes des articles 46 et 48 alinéa 1 du Traité instituant la CEMAC3(*) le contrôle juridictionnel des activités de la Communauté. Concrètement, la Cour est chargée d'assurer le respect des dispositions des traités de la CEMAC et des conventions subséquentes par les Etats membres, les institutions et les organes de la CEMAC, de réaliser par ses décisions l'harmonisation des jurisprudences dans les matières relevant du domaine des traités, et de contribuer par ses avis à l'harmonisation des législations nationales des Etats membres dans ces matières et enfin de régler les contestations relatives à sa compétence4(*). Pour exercer ces compétences, la Cour dispose d'une triple fonction juridictionnelle, consultative et d'administration des arbitrages dans les matières relevant du droit communautaire de la CEMAC5(*).

La cour comme son homologue de la CJCE a été conçue suivant des principes différents de ceux qui régissent les juridictions internationales traditionnelles6(*). Alors que ces dernières ne peuvent généralement être saisies qu'en vertu d'un accord des parties, la juridiction de la CJC est obligatoire7(*) ; il faut entendre par là d'abord que les Etats peuvent être attraits devant elle contre leur gré. Par ailleurs, la juridiction communautaire est contraignante dans le sens que ses décisions s'imposent non seulement aux Etats membres, mais dans les Etats membres ; ses jugements sont exécutoires dans l'ordre interne de ceux-ci. Enfin, la Cour ne se contente pas de trancher les différends qui opposent les Etats entre eux mais statue également sur certains litiges mettant aux prises un particulier et une institution communautaire ou un Etat et une institution communautaire ou encore entre deux institutions communautaires entre elles8(*). Comme l'écrit le professeur Louis Cartou,

«  la juridiction internationale est à l'image du droit international. Le droit international entend imposer ses règles à des sujets dont le caractère spécifique est la « souveraineté », c'est-à-dire le pouvoir de ne se soumettre qu'à des obligations librement et discrétionnairement acceptées (au moins en apparence). De même, la juridiction internationale est une juridiction qui ne juge que des justiciables qui acceptent volontairement de s'y soumettre et la compétence obligatoire des juges internationaux est exceptionnelle. Au contraire, la juridiction interne poursuit ses justiciables, les saisit, les juge sans leur consentement (même si, pour certains d'entre eux, elle peut se révéler impuissante à leur imposer l'exécution : ainsi, si l'Etat soumis au contrôle des juges internes exécute ses condamnations, c'est volontairement car personne ne pourrait le lui imposer puisqu'il détient le monopole de la force publique). La Cour de justice n'est pas une juridiction internationale, elle est la juridiction interne de la Communauté, conçue à l'image des juridictions étatiques »9(*).

En effet, de nombreux traits rapprochent la CJC des juridictions internes et l'éloignant ainsi des juridictions classiques : sa compétence n'a pas besoin d'être acceptée par les Etats membres pour être obligatoire, une absence d'obligations d'épuisement de recours internes, elle ne peut sous peine de déni de justice refuser de statuer, l'accès à la juridiction communautaire n'est pas l'exclusivité des Etats, la Cour ne comprend pas de juge ad hoc lors des procédures, les opinions individuelles ou dissidentes ne sont pas prévues et enfin ses arrêts ont non seulement force obligatoire mais aussi force exécutoire dans les Etats membres sans aucun exequatur préalable10(*). Certes, il ne s'agit pas d'une juridiction fédérale hiérarchiquement supérieure aux juridictions des Etats membres, mais l'importance donnée au contentieux de la légalité, ses rapports directs avec les instances nationales et le rôle reconnu aux particuliers en font la juridiction interne d'une communauté d'Etats engagés dans un processus d'intégration.

Si l'existence de la Cour est le signe et la garantie du rôle du droit dans l'ordre juridique communautaire et s'avère être un vecteur fondamental du renforcement de la communauté du droit, elle est surtout la matérialisation de l'attachement des Etats membres de la CEMAC « aux principes de démocratie, des droits de l'Homme, de l'Etat de droit, de la bonne gouvernance, du dialogue social et des questions de genre» tel que proclamé au préambule du Traité instituant la CEMAC. Cette « communauté de droit » selon l'expression dont la paternité est attribuée á Walter Hallstein, premier président de la Communauté économique européenne11(*), se veut à la fois l'expression de la réalité du système communautaire et la manifestation de l'aspiration à un développement croissant du rôle du droit au sein de l'ordre juridique communautaire. Mais l'expression signifie également que les particuliers disposent, comme dans un « Etat de droit » de garanties juridictionnelles efficaces pour faire respecter les droits qu'ils tirent des textes communautaires. Mais parce que le juge communautaire12(*) comme le juge administratif en droit interne ne s'autosaisit qu'exceptionnellement, il ne peut exercer ses pouvoirs que si un requérant le lui demande, que s'il a été saisi et bien saisi. C'est dans cette logique que s'inscrit notre sujet d'étude « La recevabilité des requêtes devant la Cour de justice Communautaire de la CEMAC. »

II- CLARIFICATIONS CONCEPTUELLES

1- Recevabilité

La recevabilité se présente selon le professeur Witenberg en droit international arbitral sous un double aspect : elle est tout d'abord l'ensemble des moyens par lesquels le défendeur dénie au demandeur le droit d'agir ou se prévaut de l'inobservation des règles de formes ou délais qui pouvaient s'imposer à cette action. Ensuite, dans son second aspect « la recevabilité n'est plus rien que la forme, la méthode, applicable au gré du défendeur aux moyens qu'il fait valoir »13(*). Cette définition semble ramener la recevabilité à l'exception d'irrecevabilité c'est-à-dire un moyen excipé par le défendeur tendant à obtenir que le juge compétent pour connaître d'une affaire ne procède pas à l'examen au fond pour le motif qu'une condition préalable à cet examen fait défaut14(*).

Le professeur Santulli tente une approche distinctive en démarquant la recevabilité de la compétence :

« la compétence est la catégorie des différends dont le tribunal peut connaître, alors que la recevabilité détermine la possibilité d'exercer ses pouvoirs juridictionnels sur le différend qui lui est soumis (cette possibilité étant naturellement limitée à la catégorie de différends pour laquelle le tribunal a compétence). La distinction tient donc à la différence entre compétence et pouvoir. Distingués, les deux concepts sont néanmoins étroitement liés. En particulier si la juridiction est incompétente, l'action portée devant elle est nécessairement irrecevable, la juridiction (comme tout organe) ne pouvant pas exercer ses pouvoirs en dehors de la sphère qui lui est attribuée car elle en est, par définition la limite »15(*).

Pour avoir une définition positive, il faut faire appel à celle du professeur Basdevant pour qui la recevabilité s'entend comme la «qualité que doit présenter une demande, une pièce de procédure ou une preuve pour qu'elle soit examinée par l'autorité à laquelle elle est soumise »16(*). S'agissant de l'action en justice, elle signifie qu'il n'existe aucun obstacle juridique à l'examen au fond17(*). Sur un plan purement processuel on peut définir la recevabilité comme le moment, le stade processuel au cours duquel l'on s'assure que la requête présente ou satisfait aux exigences de forme et de substance qui la rendent apte à faire l'objet d'un examen au fond.

2- Requête

Plus simple est la définition de la requête proposée par le Dictionnaire de droit international public : « acte de procédure par lequel une personne privée (requête individuelle) ou un Etat (requête étatique) introduit une instance devant un organe quasi-judiciaire »18(*). Bien que l'on se trouve devant une institution totalement judiciaire, la requête est assurément l'un des modes de saisine de la CJC comme elle l'était pour la Chambre judiciaire de l'ancienne Cour de justice de la CEMAC. L'article 13 de l'Acte additionnel N° 4/00/CEMAC/-041-CCE-CJ-02 portant règles de procédure de la Chambre judiciaire de la CEMAC énonçait en effet clairement à son alinéa 1 :

« La chambre est saisie, soit par requête d'un Etat membre, du secrétaire exécutif, d'une institution, d'un organe de la CEMAC et de toute personne physique ou morale justifiant d'un intérêt certain et légitime, soit par notification d'un compromis, soit par renvoi des juridictions nationales ou des organismes à fonction juridictionnelle ».

Même si la Chambre entretenait le doute dans sa jurisprudence en parlant tantôt de lettre19(*), de requête20(*) ou même vaguement de demande d'avis21(*), c'est bien par requête que la Cour est saisie des demandes d'avis si l'on se réfère à l'article 102 de l'Acte additionnel portant règles de procédure de la Chambre judiciaire de la CEMAC qui précisait « dès réception de la requête... » ou à l'article 103 du même texte : « le juge rapporteur, peut en cas de besoin, communiquer la requête aux Etats... ». Dans l'attente du Règlement de procédure de la CJC, on ne peut que regretter le mutisme conservé sur ce point par l'article 34 de la Convention CJC qui traite des demandes d'avis devant la Cour. Mais de façon générale, la saisine de la Cour par requête apparait clairement à la lecture des articles 12, 23, 24, 27, 31 et 32 de la Convention CJC.

III- INTERET DE L'ETUDE

La réflexion que nous entendons mener revêt un triple intérêt scientifique, communautaire et personnel.

Sur le plan scientifique, peu d'études ont été faites sur la CJC, ses techniques et méthodes de travail. En effet, contrairement à sa consoeur européenne, la CJCE, la CJC est quasi inconnue, oubliée par les chercheurs et la doctrine. Il serait souhaitable que les chercheurs se tournent de plus en plus vers de telles études dans le but d'expliquer, d'éclaircir et de vulgariser le travail de la Cour afin de lui permettre de s'améliorer et de mener à bien sa tâche au sein de la Communauté. C'est en cela qu'il a paru intéressant de mener une étude dans un domaine et sur une question encore peu explorée par la science.

L'intérêt communautaire est tout aussi manifeste. Suivant le rapport d'activités de la première étape du processus d'intégration économique de la CEMAC (1999-2004) « on note un faible ancrage, pour ne pas dire l'intérêt insuffisant accordé à la politique d'intégration économique sous régionale car bien que les Etats signent les traités et autres textes, et que les organes communautaires adoptent au cours des sessions annuelles, nombre d'actes ont encore une emprise insuffisante sur les programmes et politiques mis en oeuvre dans la majorité des Etats membres, d'où la nécessité de faire intervenir le juge pour veiller à l'effectivité des engagements pris par les Etats. Les entorses à l'application des codes et règlements communautaires, l'observation insuffisante des règles d'origine et des dispositions communautaires constituent des dérives dangereuses qui peuvent entraîner l'effondrement de tout l'édifice en construction »22(*). Le rôle de la Cour de justice est susceptible d'influencer considérablement la manière dont les citoyens perçoivent la construction communautaire et la légitimité qu'ils lui accordent. Une meilleure connaissance de la Cour par les « citoyens communautaires » et des modes d'accès à celle-ci ainsi que de son travail contribuera sans nul doute à une présence mieux ressentie du juge auprès des citoyens et une augmentation du nombre de saisine de la Cour qui reste jusqu'ici relativement bas. De plus, comme signalé plus haut, la juridiction de N'djamena ne s'autosaisissant qu'exceptionnellement, la sauvegarde de l'ordre juridique communautaire et l'exercice de son pouvoir juridictionnel est dépendante de l'accessibilité à son prétoire par les justiciables.

Le choix de ce thème est enfin l'expression de deux aspirations en rapport avec notre formation : d'abord la volonté de traiter d'une question technique apte à nous faire maitriser les concepts et mécanismes juridiques du contentieux international ; ensuite, le souci de faire oeuvre utile en participant à l'édification et à la dynamisation d'une communauté naissante. Ce souci est soutenu par la volonté d'une spécialisation dans un domaine en pleine expansion du droit des gens et susceptible de nous offrir des perspectives professionnelles.

IV- REVUE DE LA LITTERATURE

Comme nous l'avons précédemment relevé, la CJC a fait l'objet de peu d'études et d'écrits, ce qui se traduit par le déficit de littérature qui existe sur l'objet de notre étude. Toutefois, nous avons pu avoir accès à quelques ouvrages en dépit de leur caractère soit trop général, soit très parcellaire.

Le premier ouvrage est le Droit du contentieux international de Carlo Santulli23(*). Comme son intitulé le laisse deviner, cet ouvrage revisite la quasi-totalité des règles du contentieux international et examine les différentes techniques ainsi que les mécanismes usuels devant les juridictions internationales. Sur la recevabilité, après l'avoir distingué de la compétence, l'auteur la présente comme l'objet de la juridiction dont elle délimite à rebours le pouvoir de juger. Le concept de recevabilité s'identifie donc ainsi comme les conditions d'exercice du pouvoir juridictionnel à travers les conditions de recevabilité générales ou spéciales qui sont à la fois les limites du pouvoir de juger et l'aptitude à exercer le pouvoir juridictionnel. Si l'ouvrage du professeur Santulli pose sans doute les bases utiles à la compréhension du concept de recevabilité devant les juridictions internationales, son caractère général en fait surtout un ouvrage théorique dont les énoncés n'étaient pas toujours confirmés par la pratique de l'ancienne Cour de justice de la CEMAC et aujourd'hui de la CJC.

Bien que plus ancien, l'ouvrage de Jean-Denis Mouton et Christophe Soulard, La Cour de justice des communautés européennes24(*), semble plus intéressant en ce sens qu'il porte sur une institution qui a sans doute inspiré et servi de modèle aux créateurs de la CJC. Dans une approche plus descriptive qu'analytique, l'ouvrage après avoir exposé l'organisation et le fonctionnement de la CJCE, la présente comme régulatrice du droit communautaire et gardienne des droits de l'homme. Ce rôle l'a conduit parfois à adopter une attitude souple envers les requérants dans une perspective de protection des droits de l'homme notamment de l'accès au juge. Toutefois, comme le relèvent à juste titre ces auteurs, la construction européenne est le fruit d'une évolution et d'une histoire qui influent le juge communautaire dans l'exercice de sa tâche. Le contexte spécifique de travail du juge de la CEMAC ne permet donc pas une transposition du comportement européen en Afrique centrale.

Plus proche de notre champ de travail est le mémoire de monsieur Gabriel Marie Chamegueu sur le thème Le contrôle juridictionnel des activités de la CEMAC25(*). S'interrogeant sur l'institution d'un système judiciaire de contrôle des activités communautaires comme avancée dans l'intégration en Afrique centrale ou bien comme simple mimétisme conforme au phénomène général de juridictionnalisation des relations internationales, l'auteur examine la singularité de la justice communautaire dans l'espace CEMAC face au modèle référentiel européen et l'ancrage processuel de la CEMAC dans le modèle européen. Il constate d'abord la méconnaissance par les citoyens des pays membres du droit communautaire CEMAC. 

« Les raisons de cette méconnaissance ne sont pas seulement juridiques, mais sont également

et davantage techniques et sociologiques et tiennent en grande partie aux limites des citoyens à

assimiler une juridicisation (sic) mouvante de la société sujette à une « prolifération normative

cancéreuse » ».26(*)

Les règles de procédure devant les deux Chambres de la Cour de Justice de la CEMAC étaient inspirées d'une part des règles applicables devant la CJCE et d'autre part des règles applicables devant les juridictions financières tant internes à l'image des Cours et Chambres des Comptes nationales, que communautaires à l'instar des Cours des Comptes européenne et de l'UEMOA remarque-il. Monsieur Chamegueu note le double aspect tant politique que juridictionnel de l'ancienne Cour et fort probablement de la CJC ; double aspect qui expliquerait peut-être la « prudente hardiesse en matière de recevabilité des recours des personnes privées », qui ne l'empêche pas de conclure à l'effectivité du droit d'accès au juge communautaire à travers une saisine ouverte et une instruction garante des droits de la défense. L'auteur conclut son étude en remarquant que s'il ne fait aucun doute que le juge est le meilleur garant de l'effectivité du droit communautaire, il est cependant permis de croire que le succès de l'intégration sous régionale en chantier en Afrique centrale dépend plus de la volonté politique des Etats membres, premiers acteurs du processus d'intégration, que de la hardiesse des juges.

C'est en amont du travail accompli par le dernier auteur que nous pouvons situer notre travail de recherche. En effet, le contrôle juridictionnel des activités de la CEMAC qu'effectue la CJC n'est possible que si elle a été valablement saisie.

V- DELIMITATION SPATIO-TEMPORELLE

A l'évidence notre travail portera sur la Cour de justice communautaire de la CEMAC telle qu'instituée par le Traité révisé de Yaoundé du 25 juin 2008. Toutefois, notre travail s'effectuant pendant une période transitoire où la CJC n'est pas encore pleinement active et reste encore en attente de certains textes tels le Règlement de procédure, nous nous appuierons à la fois sur le projeté et l'existant. Concrètement, notre travail portera à la fois sur la Chambre judiciaire de l'ex Cour, ancêtre de l'actuelle Cour qui devrait s'inspirer abondamment de son règlement et de sa pratique, et sur les innovations et réformes que présagent et révèlent autant le Traité révisé que la Convention régissant la nouvelle CJC.

VI- PROBLEMATIQUE

Les conditions d'accès au juge et l'observation des règles de recours sont au coeur de la science du droit et de l'effectivité de la règle de droit. Paraphrasant Kelsen27(*), l'on pourrait écrire que la question du mode d'introduction de la procédure devant le juge communautaire a une importance primordiale : c'est de sa solution que dépend principalement la mesure dans laquelle la CJC pourra remplir sa mission de garant de l'ordre juridique communautaire. Ainsi, au-delà des questions telles les conditions d'accès au juge de la CEMAC, il s'agit de mesurer l'efficacité de l'action du juge communautaire. Quelles sont les conditions d'accès à la Cour de justice communautaire de la CEMAC ? Quelles sont les qualités que doit présenter une demande pour être examinée par le juge communautaire ? L'application de ces conditions par la Cour permet-elle à celle-ci de mener efficacement et effectivement la mission qui lui a été assignée par les textes organiques de la Communauté ? De façon plus spécifique, « l'immédiateté descendante », c'est-à-dire l'existence des règles communautaires créant directement à l'égard des individus des obligations et des droits, est-elle complétée par une « immédiateté ascendante » dont la signification particulière serait ici la possibilité pour les titulaires de ces droits d'engager une action communautaire en vue d'obtenir leur respect par les Etats membres ?28(*)

Ce questionnement nous permettra en réalité d'examiner l'objet de la juridiction de la CJC c'est-à-dire, suivant l'approche du professeur Santulli29(*), les conditions d'exercice du pouvoir juridictionnel du juge de la CEMAC et son aptitude à l'exercer. Ce double questionnement est important, car il permet d'évaluer les textes appliqués et de pouvoir envisager les éventuelles adaptations nécessaires.

VII- HYPOTHESES

Notre postulat de départ ici est que les juges communautaires ressortissants des pays membres qui les ont désignés auront tendance à reproduire au niveau communautaire, les travers de la justice administrative interne. Ces travers s'illustreraient par une pusillanimité à l'égard des Etats et des institutions communautaires se traduisant par une application et une interprétation rigoureuse des règles de recevabilité de nature à restreindre l'accès du prétoire communautaire aux particuliers et à lui éviter de prendre position dans les différends entre Etats.

Cette hypothèse principale est soutenue par une seconde hypothèse dédoublée en deux alternatives tirées de l'article 20 de la Convention régissant la CJC. Suivant l'alinéa 2 de cet article, « les membres de la Cour de justice exercent leurs fonctions en toute indépendance, dans l'intérêt de la Communauté »30(*). L'intérêt général de la Communauté appelle la Cour soit à interpréter de façon souple les conditions de recevabilité pour se saisir des questions qu'elle juge importantes afin d'y apporter son éclairage et ainsi préserver le droit communautaire, soit à avoir une attitude plus rigide de l'examen de recevabilité de manière à limiter les recours contre la Communauté.

VIII- METHODE DE TRAVAIL

Dans le cadre de cette réflexion dont l'ambition est de faire l'évaluation de l'examen de la recevabilité par le juge CEMAC, nous procéderons à une triple démarche : descriptive, analytique et comparative.

Sur le plan de l'analyse théorique, en nous appuyant sur la philosophie du droit (les raisons qui justifient l'élaboration du droit) et le dogmatisme juridique (le droit tel que légiféré), nous ferons recours à la méthode objectiviste d'essence sociologique selon laquelle le droit devrait être le reflet des conceptions sociales dominantes.

L'observation consistera à travers la casuistique juridique, ici principalement la jurisprudence de la défunte Chambre judiciaire de la Cour de justice de la CEMAC, à recueillir les données nécessaires afin d'évaluer l'adaptation du droit à la société (sociologie) juridique. Parce que « la comparaison est (...) de nature à libérer le raisonnement juridique de certains carcans conceptuels sclérosants en ouvrant la porte à d'autres grilles de lecture »31(*), nous ferons sans cesse recours à la pratique d'autres juridictions internationales dans les domaines proches de ceux de la CJC notamment le contentieux de la fonction publique, mais surtout à la CJCE dont l'antériorité, assurément gage d'une plus grande expérience, nous permettra d'envisager les recours nouvellement ouverts devant le juge de la CEMAC et inconnus de la Chambre judiciaire . Il convient sans nul doute de confesser dès ici la portée volontairement subversive de cette approche au sens où l'entendait madame Haratia Muir-Watt :

« le message subversif est donc fort simple : regardons ailleurs, comparons, interrogeons-nous sur les alternatives- pour élargir la perspective traditionnelle, enrichir le discours juridique et lutter contre les habitudes de pensée sclérosante. Ce n'est qu'au prix de cet enrichissement que l'on peut comprendre l'autre, et, à terme, se comprendre soi-même »32(*).

IX- ESQUISSE DE PLAN

L'approche de cette étude consistera à concilier tout au long de notre travail tant l'approche comparative que descriptive avant de se livrer à un véritable examen de la pratique ainsi dégagée. Ainsi, la première partie de notre analyse portera sur les exigences textuelles et jurisprudentielles des prétentions des requérants devant la Cour de justice de la CEMAC avant dans une seconde partie de se pencher sur la politique jurisprudentielle de la Cour telle qu'elle se dégage.

PREMIERE PARTIE : LA RECEVABILITE, UNE EXIGENCE POUR L'EXAMEN AU FOND DE LA REQUETE PAR LE JUGE DE LA CEMAC

Reflet exact de la fonction juridictionnelle qu'elles tendent à préserver selon le professeur Carlo Santulli, les règles de recevabilité permettent de déterminer l'objet de la juridiction en délimitant à rebours le pouvoir international de juger33(*). Elles renvoient d'abord aux conditions de recevabilité (chapitre I) qui s'attachent à l'ensemble des prétentions des parties. Leur effet le plus visible, note l'éminent auteur, est sans doute l'irrecevabilité de l'action en justice dans son ensemble34(*). L'ensemble des conclusions en demande en effet, peut être entaché par une irrégularité de procédure, ou par l'irrecevabilité de la demande formulée ; ce qui conduit la juridiction au terme d'un examen plus ou moins approfondi (chapitre II) à rejeter en bloc l'action.CHAPITRE I : LES CONDITIONS DE RECEVABILITE

Certains auteurs regroupent sous le vocable de conditions de recevabilité, non seulement les conditions spéciales mais également les conditions générales c'est-à-dire celles par lesquelles le droit du procès réserve la juridiction aux actes juridictionnels35(*) : une prétention n'est recevable que si elle soumet à la juridiction un différend, qui peut faire l'objet d'une décision obligatoire, rendue en application du droit. Le professeur Santulli envisage ainsi sous ce titre l'existence d'un différend né et actuel, la possibilité objective et subjective d'appliquer le droit au différend et la possibilité pour le juge de rendre une décision36(*). Ces règles nous semblant justement trop générales et relatives à la définition et à la nature même de la juridiction, nous n'envisagerons ici que les conditions de recevabilité que l'auteur sus cité qualifie de « spéciales » et qui concernent la procédure ; c'est-à-dire celles relatives au requérant ( section I) et à la requête ( section II). Mais déjà, l'on doit noter qu'en raison de sa nature spécifique37(*) la procédure contentieuse conduite devant la CJC, comme avant elle devant la Chambre judiciaire, se rapproche davantage de celle en vigueur devant les juridictions administratives internes que celle devant les juridictions administratives internationales classiques38(*).

SECTION I : LES CONDITIONS RELATIVES AU REQUERANT.

Au sens propre du terme, le requérant est la personne pour le compte de laquelle est formée la requête, la partie qui prend l'initiative de l'introduction de l'instance39(*). Le requérant ne peut saisir valablement la juridiction communautaire que s'il a le locus standi devant elle (paragraphe I) et a un intérêt pour le faire (paragraphe II).

PARAGRAPHE I- LES CONDITIONS OBJECTIVES

Nous analyserons ici la capacité (A) et la qualité (B) pour agir devant la CJC.

A- La détermination nationale de la capacité pour agir en justice

La capacité est, selon la définition qu'en donne le professeur Chapus, « la condition sans laquelle il est en principe, exclu que le requérant puisse valablement prendre lui-même la décision de saisir un tribunal. »40(*). Cette aptitude à agir en justice s'apprécie différemment selon qu'il s'agisse d'une personne morale (1) ou d'une personne physique (2).

1- La capacité des personnes physiques

En attendant le règlement de procédure de la CJC tel qu'issue du Traité révisé de Yaoundé, il faut se référer au droit processuel de la Chambre judiciaire qui reste muet sur la question. Tout au plus, l'article 13 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire de la CEMAC dispose-t-il en des termes très vagues à son alinéa 2 : « Les personnes physiques ou morales requérantes doivent en outre jouir de la capacité d'ester en justice. », sans préciser quelle est cette capacité et sans expressément renvoyer au droit national des parties. Ce mutisme est suivi par le juge communautaire qui se contente de citer cet article sans apporter plus de précisions même lorsqu'il conclut à la capacité du requérant41(*).

La capacité pour agir des personnes physiques est une question de droit national, car elle est relative à l'état des personnes. Saisi, le juge communautaire doit pour vérifier la capacité du requérant se référer aux règles nationales y relatives. Une personne ne peut saisir la juridiction communautaire que si elle a la capacité pour ester devant les juridictions de son pays.

Mais de façon générale, la capacité d'ester en justice est un attribut de la personnalité et est liée à l'existence même de la personne physique qui doit être née et vivante. Il appartient donc au requérant de justifier son existence si celle-ci est mise en doute par le défendeur. De même, le requérant doit avoir atteint la majorité, ou être mineur émancipé, n'être pas un majeur sous tutelle et n'avoir pas été déchu sous le coup de la loi ou d'une condamnation, de sa capacité à ester en justice.

Fragmentées en ce qui concerne les personnes physiques, les règles sur la capacité à ester devant la CJC apparaissent plus uniformes en ce qui concerne les personnes morales.

2- La capacité des personnes morales

Il convient de distinguer entre les Etats, les institutions communautaires et les personnes morales privées.

La capacité des Etats, écrit le professeur Carlo Santulli, ne soulève jamais de difficultés. En effet, 

« si la possibilité d'ester devant certaines juridictions dépend de la participation à leur statut, c'est la compétence du tribunal qui en dépend, et non la capacité étatique de le saisir ou d'être attrait devant lui. Le pouvoir d'adopter les actes nécessaires à la participation de l'Etat (demandeur ou défendeur) à la procédure, quant à lui, est gouverné par les règles générales du droit international relatives aux actes étatiques. Les personnes pouvant engager l'Etat aux fins de la procédure juridictionnelle sont donc celles qui ont été désignées conformément aux règles constitutionnelles telles qu'interprétées dans la pratique nationale des autorités qui contrôlent effectivement le territoire. Celles-ci pourront désigner ensuite des représentants spéciaux (ad litem), agents ou conseils. » 42(*).

S'agissant des institutions communautaires, elles semblent tirer leur capacité de la personnalité juridique reconnue à la Communauté à l'article 3 du Traité. En effet, suivant cet article la Communauté « possède dans chaque Etat membre la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par la législation nationale ». Même si l'on pourrait déduire de cette « capacité nationale » la « capacité communautaire » comme pour les personnes morales de droit privé, il serait juridiquement plus exact de tirer cette capacité du droit international. Celui-ci reconnait en effet à toute organisation internationale une personnalité juridique propre distincte de celle de ses Etats membres ; laquelle implique elle-même une capacité d'ester en justice dans le domaine statutairement défini.

La capacité des personnes morales se confond avec leur personnalité juridique. Un groupement ou organisme, public ou privé, ne peut agir en justice en son nom, et quel que soit sa représentation, que s'il jouit de la personnalité juridique. La capacité des personnes morales de droit interne ne fait donc pas de difficulté, tant que leur personnalité est effectivement posée par le droit qui leur confère l'existence légale. Les six Etats de la CEMAC étant tous membres de l'OHADA, on assiste à une certaine uniformisation des règles en ce qui concerne les sociétés commerciales tant pour ce qui est de leur capacité que pour la qualité pour agir en leur nom.

B- La qualité pour agir

La qualité pour agir est le titre en vertu duquel une partie agit en justice (1)43(*). La personne qui signe la requête n'est cependant pas toujours celle pour le compte de laquelle elle est formée (2).

1- La qualité pour agir à titre principal

Ni la convention régissant la CJC, ni l'Acte additionnel portant Règles de procédure de la Chambre judiciaire de l'ancienne Cour de justice de la CEMAC ne précisent clairement la qualité que doit avoir le requérant. En attendant l'adoption du règlement de procédure de la Cour, l'on peut se référer à celui de la CJCE où le requérant ne peut attaquer un acte que s'il en est le destinataire à moins qu'il ne prouve que l'acte attaqué le concerne individuellement et directement44(*). Cette idée ne serait d'ailleurs pas totalement nouvelle devant la Cour de N'djamena puisque dans l'affaire COBAC c/ Tasha L. Lawrence du 16 mai 2002, la Chambre judiciaire avait affirmé qu'ont la qualité pour agir en recours contre les décisions de la COBAC sur la base de l'article 4 alinéa 1 de l'ancienne convention portant création de la Cour de justice, « les dirigeants sanctionnés ». On peut certes y voir un intérêt à agir, mais aussi avant et en amont une qualité à agir qui résulte du statut de destinataire de l'acte. Comme l'écrit le professeur Philippe Manin, lorsque des personnes physiques ou morales sont

« destinataires d'une décision, elles ne sont soumises à aucune condition restrictive de recevabilité. En revanche pour pouvoir attaquer un acte dont elles ne sont pas destinataires- et notamment un règlement qui, par hypothèse, n'a pas de destinataire- elles doivent démontrer que l'acte les « concerne directement et individuellement » »45(*).

Ainsi, la qualité de destinataire devrait a priori suffire à rendre le recours formé contre une décision recevable. Cette qualité se prouve assez aisément puisque les destinataires sont indiqués nommément dans l'acte. Si une personne estime qu'elle aurait dû être le destinataire d'un acte alors qu'elle ne l'a pas été, elle peut utiliser le recours en carence. Par contre une décision rejetant une demande formulée par un particulier ne peut être utilement attaquée que si l'acte auquel elle se rapporte était un acte contre lequel le recours aurait été recevable46(*). La CJCE évite ainsi que, par le biais d'une demande d'abrogation ou modification d'un acte existant, un requérant ordinaire puisse tourner les dispositions restrictives de recevabilité47(*).

Pour qu'une personne physique ou morale soit recevable à attaquer un acte dont elle n'est pas le destinataire, il faut et il suffit, outre que l'acte fasse grief, qu'elle soit « directement et individuellement concernée par lui». La première condition, directement concerné, signifie soit qu'aucune mesure intermédiaire d'application prise au niveau national ou communautaire n'est venue s'interposer entre l'acte attaqué et le requérant, soit que l'auteur de cette mesure ne disposait d'aucune marge d'appréciation. Quant à la seconde condition, individuellement concerné, elle suppose suivant une formule consacrée, que le requérant est atteint par l'acte en raison d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et qui l'individualise de manière analogue à celle d'un destinataire48(*). L'on pourrait penser qu'il n'est pas possible pour une personne physique ou morale d'attaquer une directive même si elle se trouve directement et individuellement concerné. Un arrêt de la CJCE permet de tirer une conclusion différente. En l'espèce, la juridiction européenne a déclaré irrecevable un recours contre une directive effectué par un requérant non institutionnel non pas parce qu'il s'agissait d'une directive, mais au motif que la directive est en principe un acte qui a une portée générale et que, dans le cas d'espèce, la portée générale de la directive n'était pas contestée49(*). L'on peut donc, en déduire que si une disposition de directive était de nature à concerner directement et individuellement une personne physique ou morale, celle-ci pourrait présenter un recours à son encontre. Une telle interprétation selon le professeur Manin est tout à fait conforme à la jurisprudence50(*).

S'agissant des Etats et de la Communauté, sans être destinataires de l'acte attaqué, ils n'ont pas à prouver que celui-ci les concerne directement et individuellement et ont toujours qualité pour agir. En réalité, la notion de qualité n'est ici qu'une généralisation d'un intérêt pour agir reconnu à toutes les personnes appartenant à une même catégorie, en fonction des caractéristiques propres à cette dernière. Pour ces requérants, il se pose plus la question de la personne habilitée à agir en leur nom.

2- La qualité pour agir au nom d'autrui

Les Etats ainsi que les institutions et organes de la Communauté sont représentés par un agent nommé pour chaque affaire ; l'agent pouvant être assisté d'un avocat ou celui-ci représentant tout seul l'Etat51(*). Pour les autres parties, elles doivent sous peine d'irrecevabilité être représentées par un conseil. Cette règle de la représentation obligatoire a pour but de « garantir que la Cour n'entendra que des opinions juridiques et des explications de fait qu'un avocat a examinées et qui lui ont paru de nature à être exposées »52(*). Il en résulte que la présence de la personne physique n'est pas requise, de sorte que les frais de déplacement et de séjour à N'djamena d'un requérant ne devraient pas, comme c'est d'ailleurs le cas devant son homologue européen, entrer dans les dépens récupérables sauf si cette présence est indispensable aux fins de la procédure53(*).

Cette obligation soulève tout de même quelques questions notamment au regard des termes de l'article 8 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire qui continue à s'appliquer en attendant le règlement de procédure de l'actuelle Cour. En effet, cet article dispose dans sa dernière phrase « les autres parties sont représentées par un conseil ». Cette obligation concerne-t-elle le tiers intervenant ? Ensuite, le conseil exigé est-il nécessairement un avocat ?

A la première interrogation, certains répondent que « comme toute partie à l'instance, la partie qui intervient a la possibilité de recourir au ministère d'avocat »54(*). Pour eux, la représentation processuelle de l'intervenant ne serait qu'une faculté, une possibilité et non une obligation pour l'intervenant. Nous ne partageons ce point de vue qu'en partie. Délaissant les réserves que soulève l'expression même de « partie qui intervient »55(*), nous distinguons entre l'intervenant « ami de la Cour » et l'intervenant qui a un intérêt propre à faire valoir. Le premier, en principe désintéressé, n'est pas affecté par le dispositif de la décision à intervenir et n'étant donc pas une partie à l'instance n'est pas concerné par les termes de l'article 8 qui vise les parties. La représentation processuelle ne devrait donc pas être obligatoire pour lui. Le second par contre a un intérêt propre à faire valoir et l'autorité de la chose jugée qui s'impose aux parties s'étend également à l'intervenant devenu partie à l'instance56(*). Par conséquent, il est soumis aux exigences de l'article 8. Cette distinction entre ces deux types de tiers existe bien devant la juridiction communautaire même si dans la pratique la frontière n'est pas aussi nette57(*).

Pour répondre à la seconde interrogation, nous ferons deux remarques : d'abord que l'article 8 utilise expressément le mot « avocat » pour parler de la représentation processuelle des Etats, et « conseil » uniquement pour les particuliers ; ensuite, l'article 10 du même texte distinguant clairement entre agents, conseils et avocats permet de déduire que c'est à bon escient que le « législateur » communautaire parle pour la représentation processuelle des parties autres que les Etats et les institutions et organes communautaires de « conseil » et pas exclusivement d' « avocat ». La représentation de ces parties peut donc se faire non seulement par un avocat mais également par toute autre personne ayant la qualité de conseil.

Par ailleurs, est admise à exercer le ministère d'avocat devant la CJC toute personne justifiant de cette qualité devant la juridiction d'un Etat membre. Des dérogations peuvent toutefois être accordées par la Cour pour un avocat étranger58(*). Les parties élisent domicile au siège de la cour, conformément à l'article 19 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire, sans doute pour raccourcir la distance entre la Cour et les avocats situés hors du pays de siège. L'avocat n'a évidemment pas besoin de prouver son intérêt mais celui de son client qui est le véritable requérant.

PARAGRAPHE II : LA CONDITION SUBJECTIVE : L'INTÉRÊT À AGIR

La saisine du juge communautaire ne se fait pas selon la formule de l'action populaire selon laquelle n'importe qui peut attaquer n'importe quoi. Pour être recevable un requérant doit justifier soit d'un droit lésé, soit d'un intérêt à agir. Il ne peut en effet être d'action juridictionnelle gratuite. Dans le contentieux subjectif des droits, cette condition d'un bénéfice attendu fait corps avec l'objet du procès qui est de rétablir des droits qu'on estime atteints. Dans le contentieux objectif du Droit, c'est en revanche sous forme distincte et préjudicielle qu'apparait l'exigence d'un intérêt du requérant à l'annulation qu'il recherche. Dès la recevabilité, elle garantit que l'auteur du recours, non seulement défend la légalité, mais encore poursuit un avantage personnel59(*). On pourrait identifier deux types d'intérêt devant la CJC : l'intérêt à agir à titre principal (A) et l'intérêt à intervenir (B).

A- L'intérêt du demandeur

Comme nous l'avons déjà précisé, l'intérêt pour agir est l'utilité que présente pour le requérant la solution du litige qu'il demande au juge d'adopter. Cette condition de recevabilité est l'adaptation de l'adage « pas d'intérêt pas d'action ». Le principe général du droit du contentieux communautaire ne s'écarte pas sur ce point de la théorie du procès national : seul le titulaire du droit en cause a qualité pour s'en prévaloir (2). Toutefois, dans le procès international comme en droit interne, il est des cas où certaines personnes se voient reconnaitre le pouvoir d'agir en justice dans certaines situations sans avoir à prouver que leurs droits subjectifs sont en cause. On dirait alors qu'ils peuvent faire valoir une sorte d' « intérêt général », ou que la qualité pour agir établit l'intérêt juridique de l'action60(*) (1).

1- Les requérants privilégiés : la qualité donnant intérêt à agir

« Il est deux types de situations profondément différentes dans lesquels une personne est recevable à agir en justice sans avoir à établir que ses droits subjectifs sont en cause. Dans deux cas, le droit international donne à des personnes le pouvoir de déclencher la procédure juridictionnelle (et donc la qualité pour agir) même si elles ne sont pas affectées. La première situation correspond à l'hypothèse de l'action publique : un organe reçoit la fonction de « gardien du droit », et le pouvoir de déclencher l'action juridictionnelle dans l' « intérêt de la loi (du droit) ». La deuxième situation relève encore, en réalité de l'action privée : une personne, en raison de sa qualité, est nécessairement atteinte ex lege par toute mesure contraire aux droits attachés à cette qualité.61(*) »

C'est dans cette dernière situation que se trouvent les Etats, les institutions et organes de la Communauté qui n'ont pas à prouver un intérêt pour agir. La doctrine reste divisée sur la qualification à donner à ces requérants : privilégiés62(*), constitutionnels63(*) et institutionnels64(*). Le dernier qualificatif nous semble mieux traduire la réalité et nous sommes d'avis que la pratique ayant conduit à désigner certains requérants de « privilégiés » est une « terminologie tendancieuse dans la mesure où, dissimulant la véritable inspiration de la distinction, elle considère comme un privilège ce qui en réalité n'en est pas un, mais tout simplement la conséquence d'une qualité 65(*)». Il s'agit bien d'une transposition au niveau communautaire de la qualité donnant intérêt pour agir que l'on retrouve dans le contentieux administratif interne. En effet, la situation juridique dans laquelle se trouvent certaines personnes leur donne toujours intérêt à contester les décisions qui modifient cette situation : tous ceux qui se trouvent dans cette situation ont par là même intérêt pour agir, sans avoir à justifier d'un intérêt plus personnel. Ils sont individuellement porteurs de l'intérêt collectif reconnu à la catégorie juridique à laquelle ils appartiennent, à condition qu'elle ne soit pas trop générale66(*).

L'article 24 de la Convention régissant la CJC ne parle de l'intérêt que pour les personnes physiques ou morales. Ainsi les Etats membres, les institutions, institutions spécialisées et organes de la CEMAC disposent d'un droit de recours qui ne souffre pratiquement d'aucune restriction : sous réserve d'agir dans le délai prévu, ils sont recevables à attaquer tous actes notamment règlements, directives et décisions, contre lesquels ils peuvent invoquer n'importe lequel des moyens d'illégalité. La CJC dont la jurisprudence sur la question reste attendue devrait suivre la voie de son homologue européen qui dans un arrêt du 22 mai 1990 dit « Tchernobyl », a reconnu au Parlement communautaire, malgré le silence des textes, le droit de former un recours en annulation contre un acte du Conseil ou de la Commission, à la condition que ce recours ne tende qu'à la sauvegarde de ses prérogatives et qu'il ne se fonde que sur des moyens tirés de la violation de celles-ci67(*). Cette décision était motivée par la considération que les prérogatives du Parlement sont l'un des éléments de l'équilibre institutionnel créé par les traités, dont la sauvegarde implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres, et que tout manquement à cette règle devait pouvoir être sanctionné. Cette jurisprudence place ainsi le Parlement à un niveau intermédiaire entre les requérants institutionnels et les requérants non institutionnels.

2- Les requérants ordinaires

Contrairement au traité européen qui n'y fait pas expressément référence, la règle de l'intérêt étant de création jurisprudentielle68(*), la Convention CJC stipule clairement à son article 24 l'exigence pour les particuliers, personnes physiques et morales, d'un intérêt pour agir. En effet, n'importe quel requérant ne peut agir contre n'importe quel acte. Il lui faut être atteint. Pour le particulier, attaquer c'est d'abord se défendre, avoir un motif propre de protester et réclamer69(*). Si cet intérêt est établi, le requérant pourra non seulement déposer un recours mais aussi le déployer pleinement sans que la nature de cet intérêt conditionne la catégorie des moyens susceptibles d'être présentés. Pour le professeur René Chapus, l'exigence d'un intérêt se situe au tout premier rang des conditions de recevabilité ; l'intérêt justifie l'exercice du recours. C'est de sa lésion que le requérant tire le titre juridique qui l'habilite à saisir le juge70(*). Le juge communautaire CEMAC n'hésite pas à vérifier cet intérêt indépendamment de la qualité :

« Que les recours peuvent être formés devant la Chambre judiciaire, « par les dirigeants sanctionnés » des établissements de crédit assujettis à la COBAC, contre une décision de cet organisme et dans les deux mois suivant la notification de la dite décision, au sens de l'article 18 de l'annexe 2 à la convention portant création de la commission bancaire de l'Afrique Centrale.

Que privé de l'emploi qu'il occupait à l'Amity Bank consécutivement à la sanction de démission d'office, Tasha Loweh Lawrence a tout intérêt à attaquer la décision portant ladite sanction »71(*).

Selon les termes de l'article 24 de la convention CJC, l'intérêt allégué doit être certain et légitime. Il en résulte que le recours est irrecevable s'il est exercé pour la sauvegarde d'une situation irrégulière ou immorale. Ainsi que dans le cas où l'auteur du recours a lui-même délibérément créé la situation irrégulière ou immorale qui a provoqué la décision qu'il conteste. De même le requérant ne peut invoquer un intérêt futur et hypothétique. Cet intérêt est également requis pour l'obtention de mesures provisoires. Selon le professeur Rostane Mehdi, l'admissibilité d'une demande tendant à l'octroi de mesures provisoires pourra être écartée lorsque le recours principal apparaît comme manifestement irrecevable faute pour le requérant d'avoir établi son intérêt et sa qualité pour agir72(*). L'appréciation de l'intérêt du requérant à l'obtention des mesures provisoires demandées revêt aux yeux du juge communautaire européen, une importance singulière dans le cadre d'une procédure en référé. Il considère invariablement que

« des mesures provisoires qui ne seraient pas aptes à éviter le préjudice grave et irréparable dont fait état le requérant ne sauraient a fortiori être nécessaires à cet effet. En l'absence d'intérêt du requérant à l'obtention de mesures provisoires sollicitées, ces dernières ne sauraient donc satisfaire au critère de l'urgence »73(*).

L'on doit cependant relever pour s'interroger les dispositions de l'article 27 de la Convention CJC qui dispose : 

« Si, à la requête du Président de la Commission, de toute Institution Organe ou Institution spécialisée de la CEMAC ou de toute personne physique ou morale, la Cour constate que dans un Etat membre, l'inobservation des règles du recours préjudiciel donne lieu à des interprétations erronées du Traité de la CEMAC ou des conventions subséquentes, des statuts des Institutions, Organes et Institutions spécialisées de la Communauté ou d'autres textes pertinents, elle rend un arrêt donnant les interprétations exactes. Ces interprétations s'imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles de l'Etat concerné ».

Cet article en n'exigeant pas un intérêt pour agir des personnes physiques ou morales, ouvrirait-il dans ce cadre particulier une actio popularis ? L'individu, citoyen communautaire, se verrait-il érigé dans cette procédure particulière en « gardien de la légalité communautaire » ? En attendant une réponse que ne manqueront d'apporter le règlement de procédure de la Cour et la Cour elle-même, il s'agirait d'une véritable révolution dans un ordre juridique où les requérants non institutionnels n'ont pas le droit d'intervenir dans les « litiges constitutionnels ».

B- L'intérêt à intervenir

« Demande incidente par laquelle un tiers entre dans un procès déjà engagé, de son propre mouvement (intervention volontaire) ou à l'initiative de l'une des parties en cause (intervention forcée)74(*) », l'intervention permet à un tiers intéressé de se joindre à une procédure pendante devant le juge. Elle doit être distinguée de la tierce opposition qui entraine le réexamen de l'affaire alors que le jugement est déjà rendu. L'article 72 alinéa 1 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire distingue deux types d'intervention : spontanée (1) ou provoquée (2).

1- L'intervention volontaire

Le tiers dont les droits risquent d'être mis à mal est en droit d'intervenir dans le procès à l'effet de les sauvegarder. Il s'agit là d'un principe qui bien qu'admis par les Règles de procédure de la Chambre judiciaire n'est pourtant pas clairement exprimé, l'article se bornant à parler de l'intervention spontanée sans préciser les motifs d'une telle intervention : doit-elle être nécessairement intéressée ? Ou y'a-t-il possibilité d'une intervention sans intérêt, amicus curiae, devant la Cour ?

Le professeur Olivier De Schutter nous propose une distinction entre les deux notions : 

« L' « ami de la Cour » est en principe désintéressé, c'est-à-dire qu'il n'a pas d'intérêt propre à l'issue de l'instance. Le dispositif de la décision de justice à intervenir ne doit normalement pas l'affecter en propre. Sa présence n'est justifiée qu'afin d'éclairer le juge sur les enjeux de la décision qu'il est appelé à rendre. (...) En revanche, l' « intervenant » au sens strict a un intérêt propre à faire valoir. Lorsqu'elle est volontaire, son intervention vise à protéger ses droits ou intérêts, auxquels les parties du litige pourraient porter atteinte ; (...) Une fois l'intervention admise, l'intervenant devient partie au litige : l'autorité de la chose jugée qui s'impose aux parties s'étendra également à l'intervenant75(*) ».

Si la distinction entre ces deux types de « tiers » est aisée en théorie76(*), la pratique a brouillé la frontière qui les sépare. De fait, bien que ni la Convention CJC, ni le Statut de la CJCE ne prévoit la possibilité pour des « amis de la Cour » d'intervenir, la CJC ne devrait pas comme son homologue européenne tarder à voir intervenir devant elle des groupes ou organismes dont l'intérêt dans l'instance est difficile à déterminer77(*). C'est ce que pensent certains pour qui le droit d'intervention au titre d'amicus curiae peut être réservé à des organisations professionnelles suffisamment représentatives des intérêts de leur organisation78(*).

Quoi qu'il en soit, la Chambre judiciaire de l'ancienne Cour s'est toujours attachée à rechercher l'intérêt du tiers intervenant volontaire79(*). Cette identification de l'intérêt pour intervenir résulte, selon le professeur Santulli, d'une casuistique complexe. Il est apprécié au regard du litige, car l'intervenant doit pouvoir justifier que son intérêt est « en cause » dans la procédure eu égard à la décision qui doit être adoptée. La recevabilité de l'action est donc subordonnée à l'appréciation de la connexité entre l'objet du litige et l'intérêt du tiers80(*). L'intervenant devant conclure au soutien des conclusions de l'une des parties, il en résulte que l'intérêt doit exister par rapport aux dites conclusions et non par rapport aux moyens ou arguments invoqués. Le juge européen exige que cet intérêt soit suffisamment caractérisé81(*). La preuve de cet intérêt est parfois à la charge de l'une des parties lorsqu'elle est à l'origine de l'intervention.

2- L'intervention forcée

Inconnue devant la juridiction communautaire européenne, l'intervention forcée ou provoquée est expressément consacrée à l'article 72 des Règles de procédures de la Chambre judiciaire. Elle est un moyen pour les parties originaires, et plus spécialement pour le défendeur, de provoquer la participation au procès de tiers qui ne le souhaitent pas nécessairement, qui risquent même de voir leurs intérêts en souffrir et à l'encontre desquels elle est comme un moyen d'assurance. Elle a l'utilité de rapprocher immédiatement un ensemble de relations juridiques imbriquées et interdépendantes82(*). C'est donc l'intérêt de l'une des parties à ce que la décision à venir soit opposable au tiers convoqué qui doit être avéré et que recherche le juge83(*).

Bien que l'article 72 des règles de procédures de la Chambre judiciaire ne l'envisage pas, le juge de N'djamena n'a pas hésité à s'octroyer un droit à faire intervenir devant elle un tiers qu'il estime intéressé à l'instance :

« Mais attendu que si l'intervention forcée est subordonnée en principe à la demande d'une partie, le juge rapporteur qui « veille au déroulement loyal » de la procédure et n'accomplit que des actes d'instruction sur demande d'une partie ou d'office, peut appeler dans cette phase de procédure, en lui communiquant le recours dont il est saisi, toute personne qu'il estime intéresser à l'instance et dont il souhaite obtenir des observations, au sens des articles 28, 29 et suivants du Règlement de procédure de la Cour.

que la personne appelée en cause pour observations devant le juge rapporteur participe à l'instruction de l'affaire sans avoir la qualité de partie.

qu'au surplus le principe de contradiction impose qu'une personne intéressée soit appelée à l'instance lorsque l'issue de la procédure est susceptible d'emporter des effets sur ses droits »84(*).

Ainsi, l'on distingue selon le cas un triple intérêt à intervenir : pour protéger les droits du tiers, pour rendre opposable la décision au tiers et enfin pour éclairer le juge. Encore faudrait-il que la requête réponde aux prescriptions légales.

SECTION II : LES CONDITIONS RELATIVES A LA REQUETE.

De façon générale, l'on pourrait classer les conditions de recevabilité relatives à la requête en deux grandes catégories : celles touchant au fond de la requête (paragraphe I) et celles relatives à la présentation formelle de la requête (paragraphe II).

PARAGRAPHE I- LES CONDITIONS MATÉRIELLES

Nous regrouperons sous ce titre les règles de recevabilité portant sur le déroulement procédural auxquelles est astreint le requérant dans certains contentieux, c'est-à-dire les préalables procéduraux (A), et celles visant l'objet du recours (B).

A- Les préalables procéduraux

Les préalables procéduraux obligatoires lient le contentieux juridictionnel ultérieur et provoquent l'irrecevabilité de la requête lorsqu'ils n'ont pas été respectés. Dans le contentieux communautaire de la CEMAC, l'on pourrait en distinguer trois liés à diverses voies de droit : le contentieux de la fonction publique communautaire, le recours en carence et le recours en manquement. Si le premier a été clairement aménagé et respecté devant la Chambre judiciaire de l'ancienne Cour (1), les deux dernières bien qu'inévitables restent à être aménagées (2).

1- Le recours administratif préalable dans le contentieux de la fonction publique communautaire

Non inscrite dans les Règles de procédure de la Chambre judiciaire, la règle du recours administratif préalable est énoncée à l'article 113 du Règlement N° 8/99/UEAC-007-CM-02 du 18 août 1999 portant Statut des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC). Aux termes de cet article, le recours en contentieux de la fonction publique communautaire n'est valablement formé devant la Cour que si le Comité consultatif de discipline a été préalablement saisi d'une réclamation de l'intéressé et si cette réclamation a abouti à une décision explicite ou implicite de rejet partiel ou total du Secrétaire exécutif85(*).

Cette règle qui vise selon la Cour à permettre une solution amiable en « rendant obligatoire le préliminaire de conciliation86(*) » est appliquée de façon très rigoureuse par celle-ci avec parfois une grande confusion. D'abord, la Cour ne semble pas fixée elle-même sur la nature du recours préalable : est-ce un recours administratif préalable ou un recours hiérarchique ? D'une part, la Cour affirme clairement que le recours administratif préalable devant le Comité consultatif de discipline est d'ordre public et obligatoire pour tout contentieux de la fonction publique communautaire, qu'il soit ou non disciplinaire, auquel ne pourrait même se substituer un recours gracieux adressé au Conseil des ministres de l'UEAC87(*) ; d'autre part, il admet une substitution du recours hiérarchique au recours administratif préalable88(*). Cette confusion est d'autant plus grave qu'il s'agit bien de deux recours distincts en droit public : s'ils sont tous les deux des recours administratifs non contentieux, l'un est adressé à l'autorité dont émane la décision ou qui est désigné pour le recevoir, c'est le recours administratif préalable ; l'autre est adressée au supérieur hiérarchique de l'auteur de la décision, c'est le recours hiérarchique89(*). D'ailleurs, la Cour distingue elle-même parfaitement entre les deux recours90(*).

Existerait-il alors deux préalables procéduraux distincts pour le fonctionnaire communautaire ? Oui peut-on penser à la lecture des motivations du juge CEMAC dans l'affaire Asngar Miayo91(*) :

« qu'il en résulte que le fonctionnaire de l'Ecole Inter-Etats des Douanes, au contraire de son homologue du Secrétariat Exécutif, ne jouit pas du droit de saisir le comité consultatif de discipline dudit Secrétariat « d'une réclamation » visant un acte du Directeur de l'Ecole ou de son Conseil d'administration lui faisant grief, ce Conseil d'administration « disposant des pouvoirs les plus étendus nécessaires à la réalisation de son objectif », et le secrétaire exécutif n'étant lui-même qu'un « membre de plein droit » dudit conseil, au sens des dispositions des articles 3 et 4 de l'annexe du statut de ladite Ecole,

que c'est valablement que le requérant a saisi le Conseil d'administration de l'Ecole Inter-Etats des Douanes de recours hiérarchique litigieux, faute d'avoir obtenu de son directeur, autorité subordonnée, de rapporter l'ordre verbal à l'origine de l'amputation de son traitement ».

Aussi séduisant qu'apparaît ce raisonnement, il laisse dubitatif lorsqu'on remarque que dans un contentieux opposant des fonctionnaires de la même administration, l'EIED, la Cour suit le raisonnement sus exposé en admettant le recours hiérarchique d'une part92(*), et d'autre part sans justifier son changement d'attitude elle rejette le recours hiérarchique en «  affirmant qu'en l'état actuel de la législation communautaire la Cour est valablement saisie non pas après un recours hiérarchique, mais après la saisine préalable du Comité consultatif de discipline 93(*)». Cette confusion jurisprudentielle est de nature à troubler les justiciables et à restreindre davantage l'accès à la justice communautaire94(*).

Quoi qu'il en soit, le recours administratif préalable cristallise le litige et constitue une source d'information pour le juge, comme dans les préalables procéduraux en cas de carence et de manquement, il délimite ou lie le contentieux.

2- Les phases « précontentieuses » des recours en carence et en manquement

Comme nous l'avons déjà noté, en l'absence du règlement de la CJC et dans le silence de la Convention CJC, nous inspirerons essentiellement du droit et de la pratique européenne dans une logique prospective.

Un recours en carence ne peut être formé devant la CJCE que si le requérant a préalablement et de manière expresse invité l'institution concernée à agir en lui indiquant précisément le contenu de l'acte qu'elle devrait prendre et si l'institution n'a pas pris position dans un délai. Cette mise en demeure n'étant inscrite dans aucun délai, la CJCE a estimé qu'elle devrait être effectuée dans un « délai raisonnable95(*) ». Le contenu et l'objet de la mise en demeure sont déterminés par la fonction même de l'action dont elle participe. Elle n'a donc de sens qu'en l'état d'une inertie institutionnelle sur un point à propos duquel il est prétendu qu'il existe une obligation légale d'agir. Ainsi, une mise en demeure adressée à une institution d'avoir à modifier ou à abroger un acte prétendument illégal ne constitue pas une modalité du préalable administratif, puisque précisément il n'y a pas eu abstention. La réglementation CECA ajoute à l'abstention dans l'exercice d'une compétence liée, l'abstention dans l'exercice d'une compétence discrétionnaire si cette abstention est constituée de détournement de pouvoir. Ayant pour objet de rappeler l'institution au respect de ses obligations, la mise en demeure doit indiquer de manière précise le fondement et le contenu de l'obligation prétendument méconnue. Elle ne peut émaner que de ceux qui seront ultérieurement recevables à saisir le juge d'un refus.

Ce préalable administratif peut se conclure de trois manières : ou bien l'institution mise en demeure reconnait l'existence de l'obligation légale auquel cas elle est tenue d'agir et s'exécute, ce qui met fin à la procédure ; ou bien, cette même institution conteste l'existence d'une telle obligation et se refuse expressément à agir ; ou bien enfin l'institution ne réagit pas. Cette troisième hypothèse est la seule que prennent en considération les traités en ouvrant alors un recours devant le juge, le Traité CECA contre la décision implicite de refus réputée résulter du silence gardé par l'institution, les traités de Rome (CEE et CEEA) contre l'absence de prise de position de l'institution96(*).

S'agissant du recours en manquement, l'ordre juridique communautaire européen consacre deux réglementations distinctes selon que l'action est menée en vertu du Traité CECA ou des traités de Rome. Dans le premier cas, seule la Haute autorité/Commission est compétente pour engager la procédure, même si elle peut y être invitée voire contrainte par la voie du recours en carence, alors que dans les traités de Rome, l'action appartient concurremment à la Commission et aux Etats membres. Dans l'énumération qu'il fait des compétences de la Cour, l'article 23 de la convention CJC dispose tout simplement que la Cour connait des « recours en manquement des Etats membres, des obligations qui leur incombent en vertu du Traité de la CEMAC et des textes subséquents. » sans préciser qui serait l'initiateur d'un tel recours. En l'absence d'un règlement de procédure, l'on pourrait sur la base de l'article 24 du même texte qui accorde à tout Etat membre, institution, institutions spécialisée, tout organe de la CEMAC ou toute personne physique ou morale qui justifie d'un intérêt certain et légitime, un droit d'action dans tous les cas de violation des dispositions du Traité de la CEMAC ou des textes subséquents, et surtout au regard de la forte dose d'inter-étatisme qui sous-tend la construction communautaire, conclure à une procédure plus ouverte ou au moins ouverte aux mêmes requérants que dans la procédure européenne des traités de Rome.

Si la poursuite est à l'initiative de la Commission, elle débute formellement par l'envoi à l'Etat visé d'une lettre qui le met en demeure de présenter ses observations dans un délai déterminé. Il s'agit là d'une importante garantie pour l'Etat, qui est en mesure de justifier et, le cas échéant, de convaincre la Commission de sa position : aussi le juge communautaire européen y voit-il une formalité substantielle dont le défaut entrainerait l'irrecevabilité du recours subséquent97(*). Si l'Etat ne s'est pas exécuté dans le délai fixé, la Commission peut saisir la juridiction communautaire.

Lorsqu'un Etat membre veut faire constater le manquement d'un autre Etat, il doit d'abord saisir la Commission en lui communiquant son intention de former un recours et les motifs qui fondent, selon lui, le manquement. La Commission doit mettre l'ensemble des parties intéressées et pas seulement l'Etat incriminé, en mesure de présenter contradictoirement leurs observations, puis elle doit émettre un avis motivé. Contrairement à l'hypothèse précédente, l'avis ne contient pas nécessairement un délai dans lequel l'Etat doit s'exécuter. La saisine de la Cour est possible aussitôt que l'avis a été rendu, même si l'Etat incriminé s'y est conformé. L'absence d'avis dans les trois mois autorise la saisine directe de la Cour98(*). Cette saisine se fait par une requête qui doit clairement indiquer l'objet du recours.

B- Les conditions relatives à l'objet du recours

Il s'agit ici des règles de recevabilité qui portent sur le but poursuivi par le recours, la finalité de la requête. A une approche transversale permettant d'examiner les actes attaquables et les auteurs des actes, nous opterons pour une approche thématique centrée sur les principales voies de droit ouvertes devant la CJC. Les professeurs Jean Boulouis et Marco Darmon proposent une classification selon que l'action vise à faire sanctionner par le juge le respect de la légalité par une institution communautaire (1) ou qu'elle vise à faire sanctionner le respect par un Etat membre de ses obligations (2). Nous nous attarderons également de façon spécifique sur quelques procédures urgentes et particulières (3).

1- Les voies de droit visant les institutions communautaires.

Il s'agit principalement ici parmi les voies de droit énumérées dans la Convention régissant la Cour de justice communautaire, des recours en carence, en annulation, en responsabilité contractuelle de la communauté, en contentieux de la fonction publique communautaire et l'exception d'illégalité. Nous n'envisagerons toutefois ici que celles qui ont des règles spécifiques liées à leur objet, à l'exclusion du contentieux de la fonction publique communautaire et des recours contre les sanctions prononcées par les organismes à fonction juridictionnelle.

Le recours en annulation a pour objet de faire annuler un acte émanant d'une institution communautaire et constitue l'une des principales garanties de la légalité communautaire. Il consolide de ce fait les assises du système normatif et développe son aptitude à être légitimement accepté. Il traduit selon le docteur Jean Kenfack, « le souci de marquer l'emprise du droit dans l'ordre juridique communautaire ou d'intégration. C'est donc une garantie fondamentale du respect de la légalité dans la mise en oeuvre du droit communautaire, de l'intégration économique et juridique99(*) ». Quelle que soit l'institution qui en est l'auteur, seuls sont attaquables les actes qui produisent des effets de droit en modifiant la situation juridique d'une personne. En principe, il s'agit suivant l'article 41 du traité révisé de la CEMAC des décisions c'est-à-dire des actes des institutions et organes communautaires faisant grief100(*). La CJCE a adopté une interprétation extensive, que devrait suivre la CJC, de façon à donner la plus grande efficacité au contrôle de légalité.

Indifférente à la forme, peu importe qu'il s'agisse par exemple d'une simple lettre101(*), la CJCE recherche si l'acte entrepris constitue matériellement une décision, c'est-à-dire une manifestation définitive de volonté destinée à produire des effets de droit102(*). D'autre part, un acte peut ne pas apparaître en la forme comme de nature communautaire mais être considéré comme tel s'il est intervenu dans un domaine de compétence communautaire et faire l'objet d'un recours en annulation103(*). S'agissant des accords internationaux, ils sont certes imputables à la Communauté mais aussi dans certains cas aux Etats. Le juge communautaire, CJC ou CJCE, ne peut donc pas exercer une compétence d'annulation sur l'accord en tant que tel. En revanche, s'il est établi qu'un accord est contraire à la légalité communautaire, elle peut en empêcher l'application pour ce qui concerne la communauté en annulant la décision de conclusion104(*) ou des décisions d'application105(*). Dans tous les cas, la responsabilité internationale de la Communauté vis-à-vis de ses cocontractants est susceptible d'être engagée. Il convient enfin de signaler qu'un acte imputable à un Etat ne peut être déféré pour annulation à la Cour comme l'a affirmé la Chambre judiciaire dans l'affaire société anonyme des Brasseries du Cameroun106(*). Pour le professeur Manin, pareil acte ne peut pas être déféré même s'il constitue un élément d'une procédure communautaire107(*).

Si le recours en annulation a pour objet de sanctionner l'illégalité d'actes communautaires, le recours en carence a pour objet de sanctionner des abstentions illégales d'institutions de la Communauté. Dans un sens étroit, il n'est que le complément du recours en annulation car il permet d'attaquer ce qui n'est pas attaquable par la voie de celui-ci, à savoir toute attitude d'une institution communautaire qui ne se traduit pas par un acte juridique express. Dans un sens plus large, le recours en carence permet de mettre en cause l'attitude d'une institution qui s'est abstenue de prendre un ensemble de mesures108(*). Cela vise non seulement le défaut d'adopter un règlement, une directive ou une décision, mais aussi tous les autres actes ayant une portée obligatoire109(*). Devant la CJCE, les traités de Rome limitent l'action de toute personne physique ou morale au grief d'avoir manqué de lui adresser un acte « autre qu'une recommandation ou un avis ». La formule apparemment large, ne visant que les actes de la nomenclature insusceptibles d'effet contraignant, ne peut cependant pas faire illusion selon le professeur Boulouis si l'on se souvient que de telles personnes ne peuvent être destinataires ni d'un règlement, ni d'une directive110(*).

Le principe de la responsabilité extracontractuelle111(*) de la Communauté est posé par l'article 20 de la Convention CJC. Ce recours permet à ceux qui s'estiment victimes d'un dommage causé par la communauté, la mise en cause de sa responsabilité extracontractuelle, la responsabilité contractuelle étant régie par la loi du contrat. Ce recours tend à établir l'existence d'un dommage et à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre la faute commise par les institutions communautaires ou leurs agents dans l'exercice de leurs fonctions et le dommage causé. Il participe accessoirement du contrôle de la légalité, la faute invoquée pouvant être l'illégalité de l'acte prétendument à l'origine du dommage. Alors que la CJCE, bien qu'admettant que l'obligation de réparer incombe à la Communauté, affirme que seules les institutions de celle-ci peuvent être parties défenderesses à un recours en indemnité112(*), le juge de la CEMAC adopte le raisonnement contraire en affirmant que du fait de sa personnalité juridique, la Communauté « absorbe » la responsabilité des institutions et de ses agents et est donc seule défenderesse à l'action en responsabilité113(*). Cette position du juge communautaire de N'djamena114(*) nous semble contestable à la lecture de l'article 28 du Traité révisé, il devrait épouser le raisonnement du juge de Luxembourg qui tout en préservant l'unité de la personnalité juridique de la Communauté permet une action plus efficace des individus qui ne connaissent pas toujours le rattachement d'une institution à la CEMAC. Quoi qu'il en soit, le recours en indemnité ne devrait pas être ouvert contre les actes dont le requérant avait la possibilité de demander l'annulation ; ce qui constituerait un détournement de voies de droit115(*).

2- La voie de droit visant les Etats : le recours en manquement.

Destiné à assurer le respect par les Etats membres des obligations que leur impose l'appartenance à la Communauté, le recours en manquement revêt aux yeux des professeurs Jean Denis Mouton et Christophe Soulard, des traits les distinguant des règles jusqu'à présent admises en droit international classique, par le rôle déterminant qu'il réserve à la Commission, organe indépendant des Etats116(*). Cette procédure marque une révolution dans le droit d'émanation internationale, en tout cas depuis son institution par les articles 88 CECA, 169 à 171 CEE, 141 à 143 CEEA117(*). Bien qu'elle n'ait pas d'équivalent en droit international, l'action en manquement est souvent considérée comme d'inspiration « internationaliste » parce qu'elle ne peut être mise en oeuvre que par une institution, la Commission, ou par un Etat membre118(*).

Le recours en manquement permet de sanctionner non seulement la violation des règles du Traité, mais également celles du droit dérivé. La violation peut résulter d'un comportement positif de l'Etat, tel que l'adoption d'un texte contraire au droit communautaire, ou d'une abstention, par exemple le défaut de mise en oeuvre d'une directive. Elle peut être le fait soit de l'Etat lui-même, soit d'organes dépendant de celui-ci, même s'il s'agit d' « une institution indépendante 119(*)». Cette responsabilité peut être engagée en l'absence de toute intention fautive. En outre, l'existence d'un préjudice dans le chef des autres Etats membres n'est pas exigée. Pareille condition n'est requise que pour les procédures urgentes120(*).

3- Les procédures urgentes et particulières.

Sans prétendre être exhaustif, nous envisagerons ici l'exception d'illégalité, le référé et certaines voies de rétractation.

Aux termes de l'article 24 alinéa 2 CJC, « toute partie peut, à l'occasion d'un litige soulever l'exception d'illégalité d'un acte juridique d'un Etat membre, d'une institution, d'un organe ou d'une institution spécialisée ». La CJCE a estimé que la principale fonction de l'exception d'illégalité est de corriger les restrictions auxquelles les traités soumettent le recours en annulation des particuliers contre les décisions générales et les règlements et cela compte tenu de la « nécessité d'assurer un contrôle de légalité en faveur des personnes exclues... du recours direct en annulation contre les actes de caractère général au moment où elles sont touchées par des décisions d'application qui les concerne directement et individuellement121(*) ». En revanche, sont repoussées toutes les tentatives des particuliers invoquant l'exception d'illégalité de décisions individuelles dont ils étaient destinataires et qui, comme telles, étaient attaquables au titre et dans le délai du recours en annulation122(*) sauf dans le cas de décision individuelle nulle de plein droit, c'est-à-dire inexistante123(*) ou intégrée dans une « procédure complexe » telle le recrutement d'un fonctionnaire124(*). Les Etats membres et les institutions ont intérêt à disposer de l'exception d'illégalité pour empêcher l'application d'actes généraux illégaux qu'ils auraient pu attaquer mais qu'ils n'ont pas déférés au juge dans le délai du recours en annulation dont ils disposaient. Mais précisément, estimant sans doute que la possibilité d'invoquer l'exception d'illégalité ne peut qu'inciter les Etats membres à ignorer les règlements et à ne pas les attaquer dans les délais prescrits, le juge de la CJCE manifeste une réticence très nette à leur endroit125(*) même s'il est admis que les Etats membres auxquels il est fait grief dans le cadre d'un recours en manquement d'avoir violé un règlement, puissent invoquer pour leur défense l'illégalité de ce règlement126(*). Finalement, note le professeur Guy Isaac, « l'exception d'illégalité est donc essentiellement utilisable par les particuliers pour autant, bien sûr, qu'une autre voie leur a donné accès à la Cour127(*)».

En effet, cette voie de recours incidente se greffe nécessairement sur une autre procédure intentée devant la Cour. Sa raison d'être principale est de permettre aux particuliers, qui n'ont généralement pas le droit d'attaquer directement un règlement, d'en soulever l'illégalité à l'occasion d'un recours formé contre une décision individuelle prise sur la base de ce règlement128(*).

D'autres procédures incidentes sont prévues par les articles 32 et 33 de la Convention CJC : le sursis à exécution et les mesures provisoires ou conservatoires. De façon générale, ces procédures sont soumises aux mêmes règlements même s'il convient de préciser s'agissant du sursis que l'acte attaqué ne doit intéresser ni la sécurité, ni la tranquillité publiques129(*). Le sursis ne peut être demandé que par celui qui a attaqué l'acte par le moyen d'un recours devant la Cour ou qui a formé contre l'arrêt une tierce opposition130(*). Les autres mesures provisoires peuvent être sollicitées par n'importe quelle partie. Dans tous les cas, la Cour doit être déjà saisie du recours principal, qui peut être n'importe quel recours direct. En revanche le référé ne peut se greffer sur un recours préjudiciel car c'est alors au seul juge national, saisi de l'affaire au principal, qu'il appartient d'ordonner d'éventuelles mesures provisoires, par exemple de suspendre les effets d'une loi qui lui apparaît contraire aux dispositions de droit communautaire dont il demande l'interprétation.

S'agissant des voies de rétractation, on pourrait citer le recours en interprétation, le recours en révision, l'opposition et la tierce opposition. L'ordre juridique communautaire consacre deux types d'interprétation : l'une classique régie par l'article 98 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire, ouverte en cas de contestation sur le sens ou la portée du dispositif de l'arrêt. La seconde est celle qui ressort de l'article 27 de la Convention CJC, qui est une sorte de « recours dans l'intérêt de la loi » ouvert pour éviter la violation par les juridictions nationales du droit communautaire par des interprétations erronées.

La révision a pour objet de permettre à toute partie au litige, après le prononcé de l'arrêt, de revenir devant la juridiction pour lui demander de modifier sa décision à la suite de la découverte d'un fait nouveau et décisif. L'ouverture du recours en révision est subordonnée à trois conditions qui doivent être établies par le requérant : le fait invoqué doit être antérieur au prononcé de l'arrêt dont la révision est demandée ; il doit être susceptible d'exercer une influence décisive sur la solution apportée au litige et dès lors de modifier l'arrêt rendu131(*). De plus, le juge de N'djamena exclut tout recours en révision contre un arrêt intervenu dans une précédente procédure de révision132(*).

La tierce opposition est une voie de recours extraordinaire ouverte aux tiers contre les arrêts qui portent atteinte à leurs droits. De caractère exceptionnel parce qu'intervenant après le prononcé de l'arrêt contre lequel elle est dirigée et portant, de ce fait, atteinte au principe de l'autorité de la Chose jugée et à la sécurité des relations juridiques, la tierce opposition est soumise à des conditions strictes de recevabilité.

« Le contentieux communautaire a prévu cette voie de droit dans le souci d'assurer une bonne administration de la justice et de conférer notamment une protection juridique à ceux qui, tout en étant demeurés étrangers au litige, ont souffert d'un préjudice consécutif à celui-ci. La tierce opposition vise à mettre à la disposition des tiers menacés ou lésés par l'existence d'un arrêt qui leur est opposable, une voie de droit qui leur permet, s'ils le désirent, de se faire entendre et de solliciter la rétractation de la décision qui porte préjudice à leurs droits133(*) ».

Le droit de former tierce opposition est subordonné à trois conditions : n'avoir pas été appelé à l'arrêt contre lequel la tierce opposition est dirigée, avoir subi un préjudice dans ses droits à la suite de cet arrêt et avoir présenté sa demande dans les délais prescrits. La tierce opposition est cependant toujours irrecevable contre un arrêt de rejet, un tel arrêt ne pouvant porter atteinte aux droits du tiers puisqu'il ne modifie pas les situations juridiques existantes134(*).

Toutes ces voies de droit ordinaires ou extraordinaires doivent en plus de ces conditions qui leur sont spécifiques répondre à certaines conditions de forme.

PARAGRAPHE II - LES CONDITIONS FORMELLES

En plus des conditions portant sur la présentation de la requête (A) le juge veillera à s'assurer que le différend qui lui est porté est encore actuel (B).

A- La présentation de la requête

La saisine de la CJC se fait essentiellement par un écrit qui doit contenir sous peine d'irrecevabilité certains éléments (1) et obéir à une certaine forme (2).

1- Le contenu de la requête

Aux termes des articles 14 à 17 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire de la Cour de son ancienne configuration, la requête rédigée datée et signée du demandeur ou de son agent, conseil ou avocat est adressée à la Cour ou déposée au greffe en cinq exemplaires et autant de copies qu'il y'a de parties en cause. La requête doit à peine d'irrecevabilité, indiquer les noms, profession et adresse des parties, l'objet de la demande, contenir l'exposé sommaire du litige et les moyens invoqués à l'appui de la demande et être accompagnée de l'acte attaqué. La requête introductive d'instance doit être suivie dans les quarante cinq jours, d'un mémoire ampliatif.

Lorsqu'il s'agit d'un recours en annulation, le requérant devait produire l'acte dont l'annulation est demandée. S'il s'agit d'une action en carence, le requérant doit justifier de la date de la saisine préalable de l'institution mise en cause. Enfin, lorsque la juridiction statue en vertu d'une clause compromissoire, celle-ci doit être produite. Il en serait de même si la Cour statue sur la base d'un compromis conclu entre Etats membres.

Interrogée sur la qualité sommaire d'une requête rédigée sur trois pages par un défendeur qui la jugeait irrecevable, la Chambre judiciaire n'a pas statué sur cet argument et a manqué ainsi de préciser le sens du mot « sommaire »135(*). Son homologue européenne s'est penchée sur la question et a estimé que la formule « exposé sommaire des moyens » imposait que la requête explicite en quoi consistait le moyen sur lequel se fondait le recours136(*) c'est-à-dire que la requête permette de dégager les griefs que le requérant entendait faire valoir ainsi que l'essentiel des arguments invoqués à leur appui137(*). La CJCE se montre assez libérale à cet égard et déclare recevable une requête dès lors qu'elle « mentionne avec une clarté suffisante les principes de droit qui, selon le requérant, auraient été enfreints...138(*) ». Quelques imperfections de la requête ne sauraient suffire à la faire déclarer irrecevable dès lors qu'elles ne sont pas de nature à empêcher le défendeur d'organiser sa défense et à la Cour d'exercer son contrôle139(*). Dans tous les cas, la requête détermine l'objet du litige et ne peut être modifié par la suite. Il en est de même de la langue utilisée.

2- La forme de la requête

L'article 21 de la Convention régissant la Cour de justice communautaire dispose : « le français est la langue officielle de travail de la Cour de justice de la CEMAC. Toutefois, il est admis, au sein de la Cour, l'usage de l'anglais, de l'arabe et de l'espagnol ». Ainsi bien que les décisions de la Cour soient rendues en français, les justiciables peuvent user devant la Cour des autres langues de la Communauté. Les juges autant que les justiciables doivent, en effet, pouvoir comprendre et se faire comprendre dans la langue qui leur est habituelle : la confiance dans la justice est à ce prix140(*).

Contrairement à ce qui se passe devant la CJCE où la procédure est gratuite et ne comporte pas de frais, la procédure devant la CJC est soumise à une obligation de cautionnement141(*). En effet, la procédure devant la Cour, comme avant elle devant la Chambre judiciaire, n'est gratuite que dans les cas de renvoi préjudiciel et en matière de contentieux de la fonction publique communautaire ou dans tous les cas de saisine de la Cour par les organes et institutions communautaires. Par contre, le taux de consignation de cent mille francs CFA est exigé pour tous les autres cas de saisine. Cette exigence de frais peut dans certains cas pousser le justiciable à se désister.

B - L'existence d'un différend non éteint

Le différend peut être éteint par l'effet du temps (1) ou par l'impossibilité pour le requérant de saisir la juridiction communautaire d'un litige épuisé (2).

1- Les délais d'action

Le juge ne peut se prononcer que si le requérant a intenté son recours dans le temps à lui accordé ; dans le cas contraire, celui-ci ne pourra statuer. Il existe dans la plupart des cas un temps pour initier une instance, ou alors un délai d'action, de même qu'un délai pour exercer une voie de recours et un temps pour la comparution. Aux termes de l'article 12 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire, le délai de recours contre les actes est de deux mois sauf s'il en est décidé autrement. Il s'agit d'un délai franc où le dies ad quem et le dies ad quo ne sont pas pris en compte dans la computation. De même, les jours fériés et les dimanches ne sont pas comptés. Ce délai, le juge de N'djamena l'a étendu au sursis à exécution142(*) tout en précisant qu'il ne concerne que le recours en annulation à l'exclusion du recours en indemnisation143(*). Par ailleurs, le recours en intervention est recevable en tout état de cause jusqu'à la clôture des débats144(*).

A l'expiration du délai, même si une requête avait été déposée, son auteur cesse de pouvoir la développer au-delà de son objet initial, voire au-delà de ses moyens initiaux et en tout cas de la « cause juridique » déjà soutenue avant la forclusion ; les requérants doivent donc non seulement agir à temps mais aussi assez agir à temps, sauf que subsiste la possibilité d'invoquer à tout moment l'ordre public145(*). Mais le principal effet du délai reste bien l'impossibilité pour le requérant de saisir le juge communautaire, l'écoulement du délai ressemblant à une renonciation tacite.

2- L'actualité de la réclamation

Le droit du contentieux international admet qu'une action puisse être écartée à titre préliminaire, au motif que l'auteur de la demande avait pu légalement renoncer à trouver son action. Toutefois, un tel effet est subordonné à un examen de la juridiction qui le reconnait seulement si la renonciation est établie par un acte écrit non équivoque146(*). Ainsi, les parties en litige ayant réussi à se concilier et à conclure un accord mettant fin à leur différend, l'existence d'un tel accord emporte l'irrecevabilité du recours que l'une exercerait ultérieurement et qui tendrait à soumettre au juge les questions mêmes sur lesquelles l'accord s'est fait. Il reste tout de même constant qu'un tel accord n'est opposable à ses auteurs que pour autant qu'il porte sur des droits dont elles ont la disposition, ce qui signifie que l'accord ne saurait exclure l'exercice d'un recours ayant pour objet la sauvegarde de la légalité tel que le recours en annulation.

En effet, peut-il être opposé à un requérant qu'il aurait antérieurement et irrévocablement renoncé à l'action qu'il prétend intenter aujourd'hui ? Une exigence de bonne foi y conduit, quand les impératifs de l'ordre public juridique voire la protection d'administrés abusés ou en tout cas imprudents retiennent d'y souscrire147(*). La renonciation à des droits subjectifs est bien opposable à son auteur, pourvu qu'elle soit sûre et sincère, et à condition qu'elle n'attente pas à des questions d'ordre public. La renonciation à une action en illégalité en revanche est sans effet ni valeur. Tout de même serait dénié l'intérêt à agir d'un requérant contre un acte pris sur sa demande ou qui aurait renoncé expressément à ses droits, sauf vice du consentement148(*).

Pour le demandeur, se désister ; c'est renoncer au procès, donc l'arrêter. On en distingue d'après le professeur Pacteau, deux grandes formes selon que ce désistement est volontaire, traduisant la renonciation, en quelque sorte l'abdication, du requérant ou prononcé d'autorité et d'office par le juge, constituant alors plutôt sa déchéance149(*). Dans la première hypothèse qui nous intéresse ici, le juge peut ne pas tenir compte d'un désistement présenté après clôture de l'instruction. Il reviendra sans doute au juge communautaire d'en « donner acte » et de liquider le procès. Ce donné acte n'est pas sans importance et il rend le désistement irréversible ; aussi sa procédure doit être contradictoire. Mais pour le juge, donner acte du désistement, c'est bien seulement en prendre acte et au besoin par simple ordonnance150(*).

L'actualité de la réclamation stipule aussi l'absence de la chose jugée. L'autorité de la chose jugée interdit en effet la répétition pure et simple d'un procès. Cette chose jugée est opposable même au défendeur qui prétendrait agir cette fois en demande. Le juge communautaire rejette ainsi un recours en révision d'une précédente procédure de révision pour autorité de la chose jugée151(*). L'éventualité de nouveaux contentieux subsiste tout de même : un recours déclaré irrecevable est donc renvoyé plus que rejeté, il peut être retenté.

Le constat de l'actualité de la réclamation est l'une des étapes de l'examen par le juge de la recevabilité des requêtes par le juge communautaire.

CHAPITRE II : L'EXAMEN DE LA RECEVABILITE

Avant de se prononcer sur la recevabilité de la requête (section II), le juge communautaire de N'djamena comme n'importe quel juge d'ailleurs, l'examine au regard d'un certain nombre de principes et de règles qui s'imposent à lui ou que lui-même aménage (section I).

SECTION I : LE REGIME DE LA RECEVABILITE DES REQUETES.

Le régime de la recevabilité pourrait être organisé autour de deux principales idées : la place du débat sur la recevabilité au sein de la procédure contentieuse (paragraphe 1) et le titulaire du droit d'exciper le moyen au cours de la procédure (paragraphe II)

PARAGRAPHE I- LE STATUT PROCÉDURAL DE LA RECEVABILITÉ.

Le statut procédural de la recevabilité soulève deux questions principales dans la démarche du juge. A quel moment examine-t-il la recevabilité de la requête ?(A) Lors de cet examen, quand apprécie-t-il la recevabilité de la requête ? (B)

A- La préliminarité de la recevabilité de la requête.

Selon le professeur Chapus, dans l'ordre normal des choses, la question de savoir si un recours est recevable se situe à un stade intermédiaire entre la question de savoir si la juridiction saisie est compétente (1) et celle du bien fondé de la prétention soumise au juge (2).

1- Recevabilité et compétence

Dans le procès international, note le professeur Santulli, la répartition matérielle entre compétence et recevabilité n'est pas stable. En effet, dès qu'une exigence de recevabilité est utilisée pour identifier l'étendue de l'attribution d'une juridiction, c'est-à-dire la catégorie de différends soumis à la juridiction, elle devient une condition de compétence.

« Il en résulte que, suivant les termes des engagements juridictionnels, la même exigence est une condition de recevabilité ici, est une condition de compétence là. Ces glissements conduisent à conclure que l'identification des conditions de recevabilité suppose logiquement la détermination des conditions de compétence, puisque celles là sont telles seulement si elles ne sont pas incluses dans celles-ci »152(*).

Quoi qu'il en soit, un principe élémentaire exprime le caractère préliminaire des questions de compétence. En particulier, si la CJC est incompétente, l'action portée devant elle est nécessairement irrecevable, la Cour ne pouvant pas exercer ses pouvoirs en dehors de la sphère qui lui est attribuée car elle en est, par définition, la limite153(*).

Normalement donc, la question de la recevabilité d'un recours vient après celle de la compétence du juge communautaire saisi. Si une réponse négative est faite à la question de la compétence, le recours sera, sans examen de sa recevabilité, rejeté. Toutefois, « l'ordre entre compétence et recevabilité n'a rien de nécessaire. Concrètement, au regard des liens qui unissent compétences et pouvoirs, une juridiction peut, d'abord, déclarer une action irrecevable après avoir constaté qu'elle est sans compétence pour en connaître 154(*)». Il n'est donc pas exclu que le juge de N'djamena puisse rejeter un recours comme irrecevable alors qu'il n'était pas, le juge compétent pour y statuer.

« Le rejet pour cause d'irrecevabilité, dans une telle hypothèse, a pour intérêt de dispenser la juridiction saisie à tort de provoquer le renvoi de l'affaire, qui, s'il était prononcé, serait inutile, en ce sens que la juridiction de renvoi devrait rejeter le recours comme irrecevable. Il n'y a lieu de statuer sur le caractère « manifeste » de l'irrecevabilité que pour rappeler qu'il peut arriver, dans des cas limites, que ce qui est évident pour les uns ne le soit pas pour les autres.155(*) »

Cette préliminarité exceptionnelle de la recevabilité face à la compétence est le principe par rapport aux questions de fond.

2- Recevabilité de la requête et fond du litige

Le juge communautaire ne peut aborder l'examen du fond si le recours est irrecevable. Pour le professeur Witenberg,

« Il y'a à cela un intérêt logique et juridique. Intérêt logique, tout d'abord, intérêt évident de méthode et de bonne tenue du débat judiciaire. De quoi, servirait-il, en effet, que les débats s'instituassent ou se poursuivissent sur l'existence, sur l'étendue des obligations réclamées, au cas où ces dernières, à les tenir pour constantes, ne pourraient être judiciairement sanctionnées ? Intérêt juridique ensuite. Car le défendeur, attrait devant le juge sur l'initiative unilatérale du demandeur, ne saurait être juridiquement contraint de développer sa défense s'il peut, sans supporter cette charge, se soustraire à toute condamnation. Or les irrecevabilités éventuelles lui en offrent, logiquement, le moyen. S'il en excipe, il évitera ou tout au moins retardera le débat sur la question fondamentale du litige. L'on contrôlera donc, au préalable, que le demandeur a le droit d'agir, qu'il exerce ce droit dans les formes prescrites et qu'aucun obstacle légal ne viendra paralyser l'adjudication de la demande si l'obligation réclamée existe. Logiquement et juridiquement, cette technique s'impose. Mieux vaut accroitre la charge subie par le demandeur prétendant au bénéfice d'une obligation non présumable que de soumettre le défendeur qui subit la litigation à la nécessité d'une défense susceptible de paraitre vaine156(*) ».

Le caractère préliminaire des conditions de recevabilité a pour conséquence qu'elles doivent être appréciées avant d'adopter une décision quant au bien fondé de sa prétention.

Toutefois, l'état du droit n'est pas d'une rigueur absolue sur ce point et il n'exclut pas dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le rejet d'une demande manifestement mal fondée, sans examen de la recevabilité. Cette jonction au fond par la juridiction communautaire est généralement motivée par le fait que les moyens invoqués à l'appui de la fin de non recevoir sont peu convaincants ou que leur pertinence ne peut être appréciée indépendamment du fond157(*). Pour le professeur Chapus une telle pratique ne peut qu'être approuvée, et tout particulièrement dans le cas où il pouvait effectivement y avoir rejet pour cause d'irrecevabilité : mieux vaut régler une affaire au fond que prononcer un tel rejet, qui occulterait ce qu'est l'état du droit quant à la question litigieuse et qui, de plus, pourrait faire croire au requérant que son succès n'a été empêché que pour des raisons de procédure158(*). Il reste qu'en aucun cas, le juge ne saurait donner satisfaction au requérant si le recours est irrecevable.

B- Le moment de l'appréciation de la recevabilité de la requête

La question du moment auquel s'apprécient les conditions de recevabilité soulève de façon plus spécifique la question de la régularisation de certaines irrégularités en cours d'instance. Le juge communautaire en déterminant le moment à partir duquel il juge de la recevabilité de la requête octroie ou non une chance aux requérants de rectifier d'éventuels manquements. En l'absence d'un règlement de procédure de la Cour et d'une pratique plutôt rigoureuse159(*), l'on énoncera ici les principes généraux qui pourraient guider le juge de N'djamena.

De façon générale, les conditions de recevabilité qui s'apprécient au moment de l'introduction de la requête et qui en raison de leur nature même ne peuvent être couvertes sont celles qui tiennent à la tardiveté du recours, à la méconnaissance d'une obligation de former un recours préalable, ainsi qu'au fait que le recours a été dirigé contre une mesure ou une décision insusceptible de recours160(*). L'on pourrait a contrario admettre la régularisation ultérieure d'une requête présentée par un acteur sans qualité, si celui qui avait capacité ou mandat à cet effet se l'approprie dans les délais d'action comme l'a admis le Conseil d'Etat français dans un arrêt du 8 mars 1963, amicale des membres des tribunaux administratifs161(*).

Cette faculté de sauvetage qui compense l'accroissement des règles de recevabilité, est précieuse pour les plaideurs inexpérimentés. Au nom de « ses obligations dans la conduite de l'instruction », le Conseil d'Etat a même astreint le juge à y inviter les requérants avant de leur opposer une irrecevabilité qu'il invoquerait d'office162(*).

PARAGRAPHE II- L'INITIATIVE DU MOYEN DE RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE.

Qui doit exciper le moyen d'irrecevabilité de la requête ? Est ce le juge dans son rôle de gardien de l'ordre juridique communautaire ? (B) ou le défendeur dont le moyen d'irrecevabilité est justement un moyen pour se soustraire aux demandes du requérant sans débat sur l'objet du litige ? (A).

A- Le principe de la présentation par le défendeur 

En fait, écrit le professeur Witenberg, une des raisons d'être de la recevabilité est de permettre au défendeur d'éviter, s'il le peut, les débats au fond du droit163(*). L'on pourrait même induire du silence du défendeur l'abandon du moyen d'irrecevabilité, ou tout au moins de la procédure liminaire et spéciale normalement applicable à ce moyen164(*). Cette idée du moyen d'irrecevabilité comme moyen destiné à sauvegarder les intérêts du défendeur transparait clairement de la jurisprudence communautaire CEMAC où les défendeurs n'hésitent pas à l'exciper pour empêcher tout débat au fond165(*).

Dans le droit processuel, on distingue ainsi entre exception d'irrecevabilité et fin de non recevoir. L'exception d'irrecevabilité est selon le Dictionnaire de droit international, un « moyen de procédure tendant à obtenir que le juge compétent pour connaitre une affaire ne procède pas à l'examen au fond pour le motif qu'une condition préalable à cet examen fait défaut166(*) » tandis que la fin de non recevoir est une

« expression de droit processuel interne qui exige un moyen de défense consistant à contester le droit d'agir de l'adversaire en se fondant sur son défaut d'intérêt ou de qualité, la prescription, la forclusion ou la chose jugée et tendant au rejet de sa demande sans examen au fond. Ce moyen peut être invoqué en tout état de cause sans que celui qui s'en prévaut ait à faire la preuve d'un grief. En ce sens, la fin de non recevoir est parfois distinguée de l'exception d'irrecevabilité qui, s'opposerait, elle, à l'exercice de l'action en justice »167(*).

Que le défendeur excipe du défaut d'intérêt ou de qualité de son adversaire, qu'il oppose le caractère tardif du recours formé contre lui, le résultat de l'exception d'irrecevabilité sera non pas seulement d'arrêter ou de retarder l'instance, mais de faire rejeter la demande d'une façon définitive ; alors que les fins de non recevoir sans contredire la demande sur le fond, la paralysent sans engager ouvertement le conflit sur elle168(*). La Cour permanente de justice internationale a ainsi commenté cette distinction :

« S'agit-il ici d'un de ces moyens de défense, tirés du fond de la cause et tendant à en faire écarter l'examen par le juge, auxquels on donne, généralement, ainsi que l'a fait le droit français, le nom de « fin de non-recevoir » ? Ou bien n'est-on pas plutôt en présence d'une véritable exception, s'opposant (...) non pas à l'action elle-même et au droit sur lequel elle repose, mais à l'exercice de cette action en justice ?169(*) »

En droit interne et sous réserve des moyens dits d'ordre public, l'exception doit être soulevée in limine litis, tout au moins dès que le fait qui y donne lieu se produit. Faute de quoi la partie défenderesse ne pourra plus prétendre se soustraire aux débats du fond et restreindre son argumentation au moyen tant que celui-ci n'aurait pas fait l'objet d'une décision particulière. Cette idée d'appartenance du moyen de recevabilité au défendeur correspond à une conception de la justice internationale où le procès est d'abord la chose des parties. En raison justement de la spécificité de la juridiction communautaire, le juge de la CEMAC n'hésite pas à invoquer ex officio l'inobservation de certaines conditions de recevabilité pour préserver l'ordre juridique communautaire.

B- L'invocation d'office par le juge.

« Il est juste que l'exercice du procès soit canalisé. La fonction disciplinaire des règles de recevabilité en impose aussi la mise en oeuvre stricte, voire mécanique. Leur méconnaissance est par principe d'ordre public invocable à tout instant et opposable d'office170(*) ».

Cette conception des règles de recevabilité est celle suivie par le juge communautaire tant européen que de l'Afrique centrale. La Cour peut donc d'office à tout moment examiner les fins de non recevoir d'ordre public. Le juge communautaire n'hésite donc pas à sanctionner le non respect des délais impératifs171(*), le défaut d'intérêt172(*), la non observation des préalables procéduraux173(*). Ce raisonnement est partagé par la doctrine qui estime que les moyens d'ordre public tels que l'incompétence ou la violation des formes substantielles peuvent être soulevés à tout moment et doivent même être relevés d'office par le juge communautaire174(*).

Si le juge de N'djamena et celui de Luxembourg ont adopté le même raisonnement sur la nature d'ordre public de certains critères de recevabilité, des différences apparaissent dans leurs méthodes de travail.

SECTION II : LE JUGEMENT SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE.

Le prononcé de la décision par le juge (paragraphe II) est précédé d'une phase d'analyse et d'instruction au cours de laquelle le juge examine véritablement les arguments des parties sur la recevabilité et le cas échéant la défense du demandeur aux exceptions d'irrecevabilité et fins de non recevoir (paragraphe I).

PARAGRAPHE I- L'INSTRUCTION DE LA RECEVABILITÉ.

Selon les termes de l'article 24 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire, dès transmission du dossier, un juge rapporteur est désigné pour instruire la procédure. Il s'agit là de la soumission de la juridiction communautaire à ce que le professeur Chapus désigne comme « le principe de l'obligation d'instruire avant de juger175(*) ». Le principe est en effet que les affaires dont une juridiction administrative est saisie ne puissent être jugées sans avoir fait l'objet d'une instruction propre à les mettre en état d'être réglées par cette juridiction en aussi bonne connaissance de cause que possible. L'importance du principe explique qu'il ne peut céder que dans l'hypothèse précise où il apparaît au vu de la requête introductive d'instance, que la solution de l'affaire est d'ores et déjà certaine. Au centre de l'instruction de la CJC se trouve le juge rapporteur (B) qui doit observer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice certains principes (A).

A- Les caractères généraux de la procédure d'instruction.

L'instruction devant le juge rapporteur de la CJC est écrite, contradictoire tout en demeurant inquisitoriale.

Le principe du caractère écrit de la procédure d'instruction est une garantie de bonne justice176(*). Il permet, en effet, au juge communautaire comme aux parties d'être pleinement et constamment au courant du déroulement de l'instruction du procès. Il prévient les surprises « et si, bien entendu, une procédure orale peut être disciplinée de façon à satisfaire aux exigences de la nécessaire contradiction, une procédure écrite est de nature à y satisfaire plus naturellement et sûrement177(*) ».

Le principe d'inquisitorialité de l'instruction renvoie de façon traditionnelle et usuelle au principe selon lequel le déroulement de la procédure d'instruction est sous la maitrise, non des parties, mais du juge. Le juge rapporteur dirige l'instruction ou plus précisément, il la dirige seul. Ce rôle directeur du juge communautaire pendant la durée du procès est symbolisé au début même de l'instance par la technique de sa saisine, la requête. C'est dire que le demandeur ne procède pas, comme cela se fait en principe en matière civile devant les juridictions internes, en faisant « assignation » à son adversaire de se présenter devant le juge. Il s'adresse directement et exclusivement au juge communautaire. C'est celui-ci qui aura la charge d'assurer la communication de la requête au défendeur178(*), et, en somme de mettre ce dernier en rapport avec le requérant. Une fois l'instance engagée, toute initiative n'est sans doute pas interdite aux parties ; elles peuvent notamment demander des mesures d'instruction. Il est normal qu'elles ne soient pas réduites à la passivité, mais la conduite de l'instruction leur échappe179(*).

Le principe du contradictoire dérive justement de cette nature inquisitoriale de l'instruction comme le démontre le professeur Elisabeth Zoller en le distinguant de l'égalité des armes :

« la règle du contradictoire opère dans le champ de la procédure inquisitoire, celle de l'égalité des armes fait sens dans le champ de la procédure accusatoire. La règle du contradictoire retire son venin à la procédure inquisitoire, en donnant un droit de réponse au justiciable face à ses juges, elle lime, pour ne pas dire, elle sape la figure de l'Etat dans le prétoire, elle le rabaisse au rang d'un justiciable ordinaire. L'égalité des armes retire son venin à la procédure accusatoire ; en donnant aux parties le droit d'être à égalité, elle dépouille le représentant de l'Etat de sa position traditionnellement « supérieure » à celle du justiciable dans le prétoire et sape, elle aussi, la position de l'Etat dans la procédure 180(*)».

Selon la Cour européenne des droits de l'homme, l'égalité des armes « implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause... dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire181(*) ». Ainsi compris, le principe de l'égalité des armes « constitue un élément de la notion plus large de procès équitable, qui englobe aussi le droit fondamental au caractère contradictoire de la procédure pénale182(*) ».

Le principe du contradictoire permet de faire des Etats membres et des institutions et organes communautaires, des justiciables comme les autres, humbles et soumis à la toute puissance du droit communautaire et de son représentant, le juge. Ce principe garantit d'abord aux parties le droit d'être informées. C'est leur droit à savoir. Cela emporte un droit d'information sur l'instance par ceux contre qui elle est dirigée, et non moins au cours de l'instance sur l'ensemble du dossier d'instruction. Ainsi aucun document ne saurait être régulièrement soumis au juge sans que les parties aient été à même d'en prendre connaissance. Il n'appartiendrait pas de même au juge communautaire de prendre de lui-même en considération des éléments qui n'auraient pas été communiquées à la partie défenderesse. Le contradictoire implique d'autre part pour les parties un droit d'informer ; c'est alors leur droit de faire savoir, donc de répondre aux observations de leur adversaire, avec la garantie, pour que ce droit soit effectif, de disposer à cet effet d'un délai suffisant pour cette réplique. La question peut se poser sur les moyens d'ordre public soulevés par le juge ou encore du cas de l'Avocat général.

S'agissant de l'Avocat général, la Cour de justice des Communautés européennes a souligné que l'avocat général a le même statut qu'un juge, qu'il n'est pas chargé de la défense de quelque intérêt que ce soit et que ses délibérations ouvrent la phase du délibéré de la Cour. La CJCE affirme que « l'avocat général participe ainsi publiquement et personnellement au processus d'élaboration de la décision de la Cour et, partant, à l'accomplissement de la fonction juridictionnelle confiée à cette dernière ». En conséquence, « eu égard aux liens tant organique que fonctionnel entre l'avocat général et la Cour », la jurisprudence précitée de la Cour européenne des droits de l'homme -- examinée par le juge communautaire -- « ne paraît pas transposable aux conclusions des avocats généraux à la Cour 183(*)». Les conclusions de l'avocat général ne sont donc pas soumises au principe du contradictoire. Quant à la seconde question qui est de savoir si les moyens d'irrecevabilité soulevés d'office par le juge doivent être soumis au principe du contradictoire, nous penchons, dans la logique de la « communauté de droit » et du procès équitable, pour une réponse affirmative. Le juge de N'djamena devrait suivre l'exemple du juge administratif français où depuis un Décret du 22 janvier 1992, les moyens d'ordre public susceptibles d'être retenus d'office doivent avoir été préalablement communiqués aux parties, et s'ils n'apparaissent qu'au délibéré, ils ne sauraient être retenus sans que l'instruction ait été rouverte afin qu'ils soient débattus184(*). Cette démarche permettrait au juge rapporteur de présenter un rapport éclairé et objectif.

B- L'office du juge rapporteur

De façon générale en droit processuel interne, le juge rapporteur est le juge chargé de procéder à une synthèse du dossier : chronologie des faits, rappels de la procédure, et reprise succincte de l'argumentation des parties en présence. Le juge rapporteur fait son rapport à l'audience avant que les parties ne s'expriment. Cela permet à la juridiction d'avoir un premier aperçu du dossier avant l'intervention des parties ainsi que les éventuelles questions et difficultés que pose le dossier. La fonction de juge rapporteur permet aux juridictions collégiales de se répartir les dossiers, chaque membre de la juridiction étant juge rapporteur pour la partie de dossiers qui lui ont été confiés.

Cet office devant la Chambre judiciaire est traité aux articles 24 à 26 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire. Comme l'indique bien le titre du chapitre IV qui regroupe ces articles, le juge rapporteur est essentiellement chargé de la mise en état des procédures. Il veille au déroulement loyal de la procédure, à la ponctualité de l'échange des mémoires, à la communication des pièces et au contrôle de l'exécution des mesures d'instructions ordonnées. Il peut mettre en demeure de lui fournir des explications écrites ou tout document dont la production lui parait nécessaire à la solution du litige.

Concernant spécifiquement la recevabilité, c'est au juge rapporteur qu'il appartiendra de s'assurer que le requérant a eu la possibilité de répondre aux exceptions d'irrecevabilité et fins de non recevoir soulevées par le défendeur ou qu'il aura soulevées d'office. A ce propos, l'observation de la pratique de la Chambre judiciaire de l'ancienne Cour de justice de la CEMAC révèle quelquefois des contrariétés avec l'article 29 des Règles de procédure de la Chambre. En effet, alors que cet article limite le rôle du juge d'instruction aux seuls actes d'instruction, certains juges rapporteurs n'hésitent pas à juger véritablement l'affaire en insérant dans leur rapport une partie « Point de vue de la Cour » qu'heureusement la Cour ne suit pas toujours185(*).

A l'issue de son instruction, le juge rapporteur présente un rapport préalable. Ce rapport présente l'affaire en examinant les conditions de recevabilité et les points de droit soulevés. Il propose éventuellement des mesures d'instruction ou des mesures préparatoires, les questions à poser aux parties, voire à un Etat membre ou à une institution qui ne sont pas parties186(*). De même, la procédure orale commence par la lecture du rapport présenté par le juge rapporteur187(*). Cette communication permet aux parties de vérifier que le rapport est à la fois objectif et complet et, le cas échéant, de suggérer qu'il y soit apporté certaines modifications ou ajouts. C'est sur la base de ce rapport, qu'après avoir écouté les réquisitions de l'Avocat général et les conclusions des agents, mandataires et avocats, la Cour prend sa décision.

PARAGRAPHE II- L'EFFET DE LA DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE

Les effets du jugement de recevabilité seront distincts selon qu'il admet (B) ou écarte le moyen d'irrecevabilité (B).

A- La décision de recevabilité de la requête.

La décision qui écarte le moyen d'irrecevabilité ou le moyen de défense avancé en forme d'exception ne met pas fin au procès mais au contraire ouvre « véritablement » le procès en permettant le débat sur les questions de fond. Elle n'est qu'une étape dans l'accomplissement par le juge communautaire de sa mission et constitue selon le professeur Witenberg moins un jugement proprement dit que des incidents de procédure. Elle participe moins des sentences judiciaires que des ordonnances provisoires émises en cours de procédure par le juge pour régler le cours des débats188(*).

Les débats vont désormais s'engager sur la question fondamentale du litige, sur les mérites des prétentions du demandeur. La préliminarité et la spécialité des débats de recevabilité auront sauvegardé l'intégralité des moyens de défense au fond du défendeur. Les moyens de fait et les moyens de droit, d'où se déduit le dispositif du jugement  ne permettent pas de présumer l'existence de l'obligation réclamée et, s'ils peuvent « effleurer le fond » ne le font que provisoirement. « En un mot la décision prononçant la recevabilité ne lie au fond ni les parties, ni le juge, elle se borne à préparer le fond en permettant d'y accéder189(*) ». Il en est autrement de la décision d'irrecevabilité.

B- La décision d'irrecevabilité.

La décision d'irrecevabilité a pour principale conséquence d'empêcher l'examen des prétentions du demandeur. Contrairement a ce qui a été dit précédemment pour la décision de recevabilité, le juge communautaire en prononçant l'irrecevabilité de la requête met fin au procès et à sa mission ; tout au moins dans cette instance particulière. Cet effet est d'autant plus radical que la CJC ne connaît a priori pas de double degré de juridiction et ses décisions sont insusceptibles d'appel comme l'énoncent clairement les articles 29 à 31 de la Convention régissant la CJC190(*).

En effet contrairement à sa consoeur européenne dont les statuts admettent un pourvoi contre les décisions du tribunal de première instance des communautés européennes sur des moyens tirés soit de l'incompétence du tribunal, soit d'irrégularités de procédure, soit de la violation du droit communautaire, la CJC rend ses décisions en premier et dernier ressort. Certes « le double degré de juridiction n'est pas reconnu comme un principe général du droit s'imposant en l'absence d'une disposition écrite la prévoyant191(*) » et l'on ne saurait exiger du juge de N'djamena qu'il institue un double degré de juridiction dont n'ont pas voulu les Etats, législateurs communautaires, mais celui-ci en raison des conséquences qu'emporte justement la décision d'irrecevabilité sur la protection de l'ordre juridique communautaire et des droits des particuliers, se doit de mettre sur pied une véritable politique jurisprudentielle d'examen de recevabilité plus libérale sans être laxiste.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

S'il est difficile d'examiner de façon définitive les règles de recevabilité requises pour l'examen des requêtes par le juge communautaire en l'absence d'un règlement de procédure de la Cour de justice communautaire telle qu'issue de la reforme conventionnelle de Yaoundé du 25 juin 2008, il ne fait cependant pas de doute que ces règles comme celles en vigueur devant la Chambre judiciaire de la Cour dans son ancienne formule, ne devraient pas s'éloigner dans les grands traits des conditions de recevabilité devant les juridictions administratives des Etats membres. La Cour en effet se rapproche en bien des points des juridictions administratives internes et de nombreuses voies de droit ouvertes devant elles se rapprochent fort opportunément des recours administratifs internes : recours en annulation, recours en responsabilité extracontractuelle, recours en contentieux de la fonction publique. Ce rapprochement avec les juridictions administratives, d'inspiration française, s'observe également dans les méthodes d'examen de la recevabilité par le juge communautaire.

Toutefois, ce rapprochement doit se faire de façon raisonnable car la CJC est également une juridiction internationale chargée d'appliquer un droit supranational à des acteurs dotés de la personnalité juridique internationale. Sur ce point, il sera particulièrement intéressant de voir la gestion par le juge de N'djamena des voies de droit inconnues de l'ordre juridique interne des Etats que sont le recours en manquement et le recours en carence.

On s'en rend bien compte, le juge communautaire de la CEMAC, comme son homologue de l'Union européenne, n'est pas un juge commun : partagé entre sa double essence interne et internationale. C'est le juge interne de la Communauté, d'une juridiction sui generis qui doit construire sa crédibilité et asseoir une jurisprudence qui se montre adaptée et conforme aux grandes préoccupations de son temps notamment l'omniprésente question de la protection des droits de l'homme. C'est sous cet aune et plus concrètement la question du droit d'accès au juge, que sera observée la politique jurisprudentielle de la CJC en matière de recevabilité des requêtes.

DEUXIEME PARTIE : LA RECEVABILITE DES REQUETES, UN INSTRUMENT AU SERVICE DE LA POLITIQUE JURISPRUDENTIELLE DE LA COUR DE JUSTICE COMMUNAUTAIRE.

Comme l'écrit le professeur Denys Simon, la définition du rôle du juge, consistant à dire le droit en se gardant de toute ingérence dans le domaine du politique, semble difficilement conciliable avec la mise en oeuvre d'une politique interprétative, et a fortiori d'une interprétation politique, qui lui feraient encourir les critiques classiquement adressées aux « juges qui gouvernent ».

« Mais en même temps, on ne peut nier que la fonction interprétative reconnue aux juridictions internationales leur impose de construire une véritable « politique juridique » susceptible d'orienter leurs options interprétatives en fonction d'une appréciation globale des bases politiques du système. Le juge se trouve donc nécessairement partagé entre le souci de respecter les limites de sa fonction judiciaire, et l'obligation de prendre en compte les composantes politiques de sa fonction interprétative. Or cette tension permanente entre deux exigences antagonistes prend précisément une acuité particulière dans le système juridictionnel communautaire, compte tenu de l'ampleur de la tâche interprétative confiée à la Cour de justice et de la nature spécifique de l'ordre juridique créé par les traités192(*) ».

Cette tension s'observe chez le juge CEMAC par deux attitudes adoptées dans l'examen des règles de recevabilité : l'une restrictive résultant de l'application rigoureuse des conditions de recevabilité (chapitre III) et l'autre relativement libérale conduisant à un plus large accès à son prétoire (Chapitre IV). Bien qu'alternatives et difficiles à situer dans le temps, nous qualifierons la première attitude d'initiale parce qu'elle est l'attitude originaire face à la seconde que nous qualifierons d'émergente.

CHAPITRE III : UNE POLITIQUE INITIALE RESTRICTIVE DE L'ACCES AU JUGE COMMUNAUTAIRE

Cette attitude originaire du juge de N'djamena est le fruit d'une interprétation rigoureuse et stricte (section II) de textes énonçant des conditions de recevabilité dont la teneur diffère selon les justiciables (section I).

SECTION I : UNE RIGUEUR TEXTUELLE DESEQUILIBREE.

La lecture des textes, traités et règles de procédure de la Chambre judiciaire de la CEMAC, révèle de façon implicite mais évidente un accès inégalitaire au juge communautaire (paragraphe I) dont la manifestation la plus éclatante est sans doute le caractère particulièrement restrictif des conditions de recevabilité des requêtes des particuliers (paragraphe II).

PARAGRAPHE I- UN ACCÈS INÉGALITAIRE AU JUGE COMMUNAUTAIRE.

Au-delà de la distinction requérants privilégiés-requérants ordinaires193(*), les règles de recevabilité telles qu'elles découlent des textes « législatifs » de la CEMAC laissent penser qu'il est fort difficile pour les personnes privées de faire valoir leurs droits et d'accéder au prétoire pour certains litiges (B) alors que d'un autre côté se dégage une ouverture sans bornes du prétoire pour les requérants institutionnels (A).

A- Un accès quasi-illimité pour les requérants institutionnels.

Comme nous l'avons déjà signalé, l'ouverture quasi-illimitée du prétoire communautaire aux Etats et institutions communautaires découle de leur statut de gardien de la légalité communautaire. En effet, cette qualité suppose que ces requérants institutionnels sont affectés dans leurs droits subjectifs par tout acte qui s'y rapporte. C'est cette caractéristique substantielle que révèle le droit communautaire européen et d'Afrique centrale en garantissant la qualité pour agir aux Etats et institutions communautaires.

Toutefois, au regard de la logique d'intégration en Afrique centrale, l'on se doute qu'ici plus qu'en Europe, cet accès quasi- illimité des requérants institutionnels ou a contrario les conditions restrictives imposées aux particuliers sont l'expression d'une justice plus interétatique que supranationale. A regarder de près,

« L'Etat reste donc en Afrique centrale l'intelligence personnifiée de la collectivité dont parlait Clausewitz. Il reste omniprésent, et n'est point contourné et encore moins remplacé par des autorités fonctionnelles. On veut pour preuve le fait que toutes les instances décisionnelles de la CEMAC sont ni plus ni moins des organes interétatiques194(*) ».

C'est peut être ce qui pourrait expliquer la confiance qu'ont les Etats et institutions de la CEMAC aux organes communautaires. Comme l'écrit en effet le professeur Narcisse Mouelle Kombi,

« Les organismes d'intégration régionale d'Afrique centrale ont été conçus et mis en place en tant qu'associations d'Etats constituées par traité, dotées d'une constitution et d'organes communs et possédant une personnalité juridique distincte de celle des Etats membres. Ceux-ci entendent demeurer des sujets souverains librement associés dans des organismes interétatiques dont la qualification communautaire n'est ni synonyme d'union ni prémice d'une fusion. De fait, le « souverainisme » imprègne fortement les bases structurantes de ces associations et se reflète dans le classicisme de leur statut juridique195(*) ».

C'est ce souverainisme omniprésent qui pourrait expliquer l'exclusion des particuliers de certaines procédures.

B- L'exclusion des particuliers de certaines procédures.

L'accès à la justice communautaire apparait comme une porte étroite pour les particuliers qui ne peuvent agir devant le juge communautaire contre les Etats pourtant principaux débiteurs de « l'immédiateté descendante » qu'ils tirent de l'ordre juridique communautaire (1),  ni saisir le juge de N'djamena d'une question préjudicielle (2).

1- La fermeture du recours en manquement

Il convient de prime abord de le repréciser : en l'absence du règlement de procédure de la CJC et de jurisprudence corrélative, nous ferons ici du droit prospectif en nous référant aux règles et à la pratique de la CJCE.

L'ordre juridique communautaire réalise certes une novation puisque les Etats n'en sont pas les seuls membres. Cependant la place faite aux individus est incontestablement plus restreinte que celle des Etats. Si en effet les personnes privées se trouvent dans une situation comparable à celle des Etats en ce qui concerne l'accès à la Cour lorsqu'il s'agit de procédures mettant en cause les institutions communautaires, le droit communautaire refuse au contraire, de leur permettre de faire constater par cette juridiction les violations du droit communautaire lorsqu'elles sont le résultat d'actions étatiques. Or pratiquement, l'immédiateté descendante du droit communautaire pour les particuliers transite nécessairement par l'Etat qui en est le cadre d'exercice. Les différentes violations du droit communautaire que sont l'insuffisance des garanties de la primauté du droit communautaire sur les droits internes, l'évanescence des conditions d'application, de l'opposabilité, de l'invocabilité en droit interne des règles de droit communautaire ou encore l'inexistence de mécanisme de sanction des incompatibilités entre le droit sous régional et les droits internes ont d'abord pour « victimes » les particuliers, qui apparaissent donc logiquement comme premiers intéressés de la protection de la légalité communautaire. C'est d'ailleurs ce qu'a reconnu la CJCE dans l'arrêt Van Gend en Loos. La juridiction européenne y affirmait que « la vigilance des particuliers intéressés à la sauvegarde de leurs droits entraine un contrôle efficace qui s'ajoute à celui que les articles 169 et 170 confient à la diligence de la commission et des Etats membres196(*) ».

Si le juge européen malgré cette conclusion a tout de même refusé l'accès des particuliers au recours en manquement, c'est parce qu'il estimait que cette procédure ne constituait pas une « protection juridictionnelle directe des droits197(*) » des particuliers et investissait le juge interne, juge de droit commun du droit communautaire, de la fonction de sauvegarder les droits des justiciables198(*). Il existe pourtant des cas de figure dans lesquels l'accès normal au juge national n'est pas possible. Il s'agit des actes communautaires en vertu desquels une obligation ou interdiction est directement applicable (en particulier les règlements), sans qu'un acte de transposition national ne soit nécessaire. La seule possibilité pour un particulier souhaitant invoquer ses droits contre une telle interdiction est de recourir contre la sanction qui lui serait éventuellement infligée par les autorités nationales en cas de violation de la législation communautaire. Beaucoup estiment qu'il n'est pas normal qu'un particulier soit amené à commettre une infraction pour disposer d'un recours, puisqu'il ne dispose pas d'un droit de recourir directement contre l'acte communautaire concerné.
Cette interprétation de la CJCE prive donc certains particuliers de tout moyen de demander l'annulation de dispositions de portée générale qui les concernent pourtant directement.
C'est pourquoi cette question fait débat parmi les juristes depuis un certain temps. Certains prônent un assouplissement des conditions de recours direct des particuliers à la Cour de justice, d'autres soutiennent que la Communauté dispose, en principe, d'un système de recours complet qui garantit la protection juridictionnelle effective, sous la forme d'un recours direct, ou d'un recours devant les tribunaux nationaux qui peuvent - ou même doivent - faire un renvoi préjudiciel à la Cour de justice199(*).

De plus, ce qui est vrai en Europe pour le juge national ne l'est cependant pas toujours dans les pays centrafricains où l'indépendance de la justice reste à construire et a été souvent décriée. Il semble donc fort opportun d'offrir aux particuliers un moyen supplémentaire de se protéger et de protéger ses droits en plus d'un juge national qui a déjà du mal à requérir l'éclairage de la juridiction communautaire à travers la procédure préjudicielle.

2- L'absence de renvois préjudiciels à l'initiative des justiciables.

De façon générale, la communauté ne met pas en oeuvre elle-même les mesures qu'elle prend : elle laisse cette tâche aux autorités nationales. Par conséquent, les intérêts des administrés ne sont pas affectés par l'acte communautaire, mais plutôt par les mesures nationales prises pour son exécution et à propos de la légalité desquelles il leur appartient de saisir les juges nationaux200(*). Si un doute apparait à propos de la légalité de la mesure communautaire dont l'exécution est en cause, le juge national peut et dans certains cas doit interroger sur ce point le juge de N'djamena par la voie du renvoi préjudiciel prévu à l'article 26 de la Convention CJC. A la lecture de l'article 26 suscité, il appert clairement que le déclenchement de la procédure est incontestablement le fait de la juridiction nationale et non des parties au litige. Certes,

« les parties au lige principal en attente devant la juridiction nationale qui a décidé le renvoi ne sont pas absolument exclues de l'instance devant la Cour de justice. Elles ont le droit de déposer devant la Cour des mémoires exposant leur point de vue. Mais, pas plus que les parties litigantes ne peuvent porter directement une question d'interprétation devant la Cour de justice, elles ne sont en droit de poser dans leurs mémoires une question différente de celle dont a été saisie la Cour par la juridiction nationale. C'est donc la juridiction nationale qui seule peut saisir la Cour de justice, c'est encore la juridiction nationale seule qui détermine le contenu de la question posée201(*) ».

En définitive, c'est bien la volonté du juge interne qui sera déterminante dans la procédure de renvoi : l'initiative de son déclenchement et la délimitation juridique de l'objet du renvoi sont réservées aux juridictions nationales.

En effet, même si la jurisprudence de la CJCE a favorisé l'accès des citoyens à une protection juridique communautaire, celle-ci demeure décentralisée : les tribunaux nationaux sont le passage obligé des particuliers qui entendent faire prévaloir des règles communautaires par le biais du renvoi préjudiciel. De plus, note Olivier Costa,

« Le recours préjudiciel fait, lui aussi, l'objet d'utilisations stratégiques. Lorsque les règles communautaires semblent plus favorables que les règles nationales, des personnes privées peuvent introduire un recours devant une juridiction nationale et demander qu'elle forme un renvoi préjudiciel. Même si ce dernier ne suscite pas une intervention directe de la Cour de Justice dans l'affaire, c'est un moyen pour les plaignants d'espérer que d'éventuels manquements au droit communautaire seront dénoncés 202(*) ».

En l'absence d'une question préjudicielle pour le particulier, celui-ci reste soumis au juge national dans une procédure qui n'est pas essentiellement destinée à assurer, au profit des personnes privées, le respect du droit communautaire par les Etats membres. Le résultat est là :

« Tandis qu'il est utile pour la CJCE, victime du succès de la procédure préjudicielle, d'instaurer un véritable dialogue avec les juridictions de renvoi afin de pouvoir écarter certaines questions sans grand intérêt et de se consacrer de façon plus efficace aux autres, la tendance est inverse au sein de la CEMAC où les juridictions nationales s'abstiennent de recourir à l'expertise de la Cour 203(*)».

Pour le docteur Jean Kenfack, cet état de fait traduit une méfiance des juges nationaux tout comme des opérateurs économiques à l'égard des actes juridiques communautaires d'intégration :

« Une exploration de l'Afrique en général et de l'Afrique Centrale et Occidentale en particulier révèle une certaine apathie dans l'utilisation des normes juridiques produites au niveau communautaire dans le solutionnement des problèmes posés. Pourtant, le développement d'un droit est tributaire d'un large recours aux différents mécanismes qu'il offre pour régir les situations saisies par l'ordre juridique dont il contribue à la réalisation. Que les sujets de droit tardent à saisir ce facteur de sécurité juridique et de prévisibilité est déplorable. Sans doute auraient-ils été encouragés à le faire si l'activité des juges n'accusait pas des déficits sur ce point. Cette timidité des utilisateurs privilégiés de ce dispositif normatif confère à ce dernier un statut marginal dans le règlement des questions litigieuses. Il apparaît donc indispensable de rechercher les moyens d'améliorer la côte de ce droit et partant, de susciter un engagement plus vif de ses utilisateurs204(*)».

Cette mise à l'écart du droit communautaire dans le traitement de nombre des questions auxquelles il devrait s'appliquer est un fait frappant qui s'explique par

« L'attitude négative du juge national (qui) se dégage à travers la mauvaise connaissance et l'utilisation maladroite des actes juridiques mis à sa disposition par cet ordre juridique ...En ce qui concerne le déficit de connaissance par le juge du droit communautaire, il convient de relever que cet état de fait s'explique par les lacunes relatives à la publicité de ces actes juridiques, mais aussi par la paresse du juge205(*)».

C'est sans doute au regard de cette réticence des juges nationaux à faire recours à la procédure préjudicielle que l'article 27 de la Convention CJC dispose que

« Si, à la requête du Président de la Commission, de toute Institution, organe ou Institutions spécialisées de la Communauté ou de toute personne physique ou morale, la Cour constate que dans un Etat membre, l'inobservation des règles de procédure du recours préjudiciel donne lieu à des interprétations erronées du traité de la CEMAC et des conventions subséquentes, des statuts des Institutions, organes et Institutions spécialisées de la Communauté ou d'autres textes pertinents, elle rend un arrêt donnant les interprétations exactes. Ces interprétations s'imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles de l'Etat concerné ».

Cette disposition véritablement révolutionnaire ne produira son plein effet que si le règlement de procédure à venir de la CJC n'institue pas des conditions de recevabilité aussi restrictives que pour les autres voies de droit.

PARAGRAPHE II- DES CONDITIONS DE RECEVABILITÉ DES REQUÊTES RESTRICTIVES POUR LES PARTICULIERS.

La limitation de l'accès des particuliers au prétoire communautaire pose selon la grande majorité des auteurs, le problème d'un système politique qui, bien que fondé sur la règle de droit, n'assure pas la soumission des activités de ses institutions législatives et exécutives à un contrôle juridictionnel ou, du moins, le fait dans des conditions excessivement restrictives206(*). En pareil cas, en l'absence de possibilité de recours direct, le droit au juge n'est plus assuré au regard tant de délais pour lesquels les textes ne prévoient aucune possible dérogation (A), que pour certaines conditions pratiquement dissuasives (B).

A- Inexistence de « délais raisonnables »

Le délai étant écoulé, la forclusion est opposée strictement et sévèrement comme moyen d'ordre public. Ce jeu de couperet ne peut choquer ; la fonction du délai inclut pareille automaticité pourvu que sa mécanique comprenne aussi la clarté et la rationalité207(*). En effet, une fois expiré le délai critique d'un acte, l'irrecevabilité du recours retentit sur tous actes ultérieurs autres mais qui ne feraient que le répéter, donc seulement le confirmer. Par là, on évite certes la renaissance d'anciens débats et on sanctionne une sorte d'acquiescement social à une mesure qui n'avait pas été attaquée en son temps. Mais comme le note le professeur Bernard Pacteau, « il y'a tout de même ici le danger d'un excessif verrouillage du contentieux par constitution d'une chaine d'incontestabilité ; le juge ne peut y être insensible208(*) ». C'est conscient de cette réalité que le juge européen a décidé que le moyen tiré de la prescription n'est pas un moyen d'ordre public susceptible d'être invoqué d'office par le juge209(*).

Sans contester l'importance de l'intérêt des délais dans la procédure contentieuse, notamment en ce qui concerne la consolidation des situations juridiques, il semble utile de les rationnaliser et d'éviter tout automatisme qui ne serait pas préjudiciable. Or devant la CJC, la quasi-totalité des délais prescrits le sont dans un style qui ne laisse pas imaginer un possible assouplissement ou ne le prescrit pas expressément. Il n'existe pas en effet dans l'ordre juridique communautaire CEMAC une disposition comme celle de l'alinéa 5 de l'article 7 du Statut du tribunal administratif des Nations unies qui donne au tribunal le droit de suspendre l'application des dispositions relatives aux délais « dans tout cas particulier ». D'une façon générale, les juridictions administratives internationales hésitent à écarter des requêtes pour forclusion, même lorsqu'elles ont estimé devoir d'office examiner les questions de délais210(*). Le Tribunal administratif de l'OIT n'a pas hésité à écarter la forclusion d'un recours en affirmant que le retard était « manifestement dû à la force majeure211(*) ». Dans le domaine similaire du contentieux de la fonction publique communautaire, le juge de la CEMAC a eu du mal à affirmer une nouvelle computation des délais suite à un nouveau recours administratif préalable212(*).

Cette position du juge communautaire est tirée de la pratique des juridictions internes. En effet,

« devant les juridictions administratives internes, la durée prescrite par le législateur pour l'accomplissement des actes a un caractère impératif. Ils ne peuvent se négocier et s'imposent aux juges tout comme aux parties et apparaissent de ce fait comme un couperet. C'est pourquoi, l'irrespect entraîne des sanctions. En droit camerounais tout comme en droit gabonais, cette règle est affirmée213(*) ».

L'on ne saurait toutefois ignorer que le temps intègre aussi la justice comme étant un instrument de sa politique processuelle. De l'assignation au jugement s'écoule un temps qui rythme tous les actes devant permettre aux parties d'assurer, à armes égales leur défense et de réunir les preuves devant permettre au juge d'avoir une connaissance claire des faits en cause. C'est pourquoi nous proposons ici à la suite du professeur Pacteau quelques situations dans lesquelles les règles relatives aux délais pourraient connaitre des assouplissements : en cas de recours précontentieux même exercé sans obligation, en cas de saisine d'une juridiction incompétente pourvu qu'elle ait lieu elle-même à temps et en cas de demande d'aide juridictionnelle214(*). La Cour de Luxembourg n'a d'ailleurs pas hésité à introduire le principe du délai raisonnable figurant à l'article 6 alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l'homme dans sa jurisprudence215(*). La CJC gagnerait à suivre cet exemple afin de rationnaliser une procédure dissuasive pour les particuliers.

B- Le caractère dissuasif des critères de recevabilité relatifs aux particuliers

Le principal critère dissuasif ici reste les frais de procédure qui peuvent parfois se révéler fort onéreux (1). Par ailleurs on peut relever des limites dans le contentieux de la fonction publique communautaire comparativement à la procédure devant les autres juridictions administratives internationales (2).

1- Les charges pécuniaires

« La gratuité de la procédure est un trait caractéristique de la justice moderne dans un pays démocratique où cette justice est conçue comme un service public dont les justiciables sont les usagers et que l'Etat prend à sa charge. Les magistrats sont rémunérés comme des agents de la fonction publique. Les services judiciaires fonctionnent sur des crédits ouverts au budget de l'Etat. Le temps des épices est bien révolu216(*). »

Ces mots du professeur Gazier sont également vrais en ce qui concerne une communauté comme la CEMAC qui se veut de « droit ». Ce principe de gratuité n'exclut toutefois pas que certains frais puissent rester à la charge des justiciables surtout s'ils ont perdu le procès. C'est cette logique qui est suivie devant la CJCE où la procédure est gratuite, sauf travaux exceptionnels comme certaines traductions. Quant aux dépens, le juge européen statue chaque fois que sa décision met fin à l'instance. En principe la partie qui succombe est condamnée aux dépens, mais la Cour peut condamner un plaideur, même gagnant, à des frais frustratoires ou vexatoires. Tout ce que l'on peut regretter c'est le système allemand et italien adopté selon lequel la partie qui succombe paie les frais d'avocat de la partie adverse.

Cette gratuité n'existe devant la CJC qu'en matière sociale c'est-à-dire essentiellement le Contentieux de la fonction publique communautaire et pour les institutions et organes de la CEMAC et enfin en cas de renvoi217(*). Pour les autres recours, le requérant est tenu à peine d'irrecevabilité de consigner au greffe une somme de cent mille francs sinon il ne sera donné aucune suite à l'instance218(*). De plus, les parties doivent supporter les frais des investigations ordonnées dans le cadre de l'instruction219(*). Cette charge pécuniaire du procès peut s'avérer dissuasive pour les particuliers dans un contexte où l'assistance judiciaire demeure un voeu pieu220(*).

Plus dissuasive et sujette à suspicion nous apparaissent les dispositions des Règles de procédure de la Chambre judiciaire relatives à la récusation. L'article 84 de ce texte dispose en effet « Si la demande est rejetée, le requérant peut, en cas de mauvaise foi, être condamné au paiement d'une amende de 50 000 à 100 000 francs CFA et éventuellement des dommages intérêts ». Si cette disposition devait être reprise dans le règlement de procédure de l'actuelle CJC, elle nous semble de nature à refréner tout désir des particuliers à demander une récusation du juge, leur bonne foi pouvant toujours être remise en cause. Cette réserve est valable également pour le contentieux de la fonction publique communautaire.

2- Les limites du contentieux de la fonction publique communautaire.

La procédure relative au contentieux de la fonction publique internationale, note le professeur Suzanne Bastid, répond de façon générale à trois préoccupations essentielles : éviter que les recours ne gênent le fonctionnement de l'administration, faciliter l'accès à la juridiction par l'absence des formes et des frais, assurer le règlement rapide des affaires à la fois dans l'intérêt de l'administration et du requérant221(*). C'est dans cette logique que sont aménagées les règles relatives à la recevabilité des requêtes des fonctionnaires internationaux et par rapport auxquelles le contentieux de la fonction publique communautaire nous semble limité.

D'abord s'agissant des exigences de forme, aucune formalité particulière n'est exigée devant le tribunal. Ensuite le fonctionnaire est autorisé à se faire représenter par un conseil ou un autre fonctionnaire de l'organisation. Aux Nations unies par exemple, a été établi devant le TANU un système permettant au requérant d'utiliser gratuitement les services d'un collègue compétent s'il le désire. Il s'agit selon le professeur Bastid d'une sorte d'assistance judiciaire particulièrement nécessaire au siège où les honoraires des hommes de loi sont très élevés222(*).

Au problème lié à la représentation du fonctionnaire devant la juridiction communautaire, on peut évoquer celui que soulève le recours administratif préalable. Tout d'abord, il y'a la question du pouvoir du président de la Commission à l'issue de la procédure. En effet, celui-ci prend une décision que le Règlement portant statut des fonctionnaires du Secrétariat exécutif de la CEMAC ne lui fait pas obligation de motiver. Ce qui est regrettable car ce dernier non seulement n'est pas obligé de suivre l'avis du Comité consultatif de discipline, mais en plus n'est même pas tenu de justifier sa position. Ce qui est de nature à faire perdre tout son sens et son objet au recours administratif préalable. Il semble nécessaire d'instituer une obligation pour le Président de la Commission de motiver sa décision dans le cadre de cette procédure car comme l'écrit fort justement monsieur Jean Kenfack,

« L'insertion de la motivation de l'acte dans l'instrumentum conduit son auteur à évaluer soigneusement le but qu'il poursuit, le droit applicable et la situation concrète régie par l'acte. L'influence de la motivation sur le contenu de l'acte est donc réelle. Par ailleurs, la motivation de l'acte unilatéral en permet le contrôle des motifs. Elle facilite donc la recherche par le juge de l'inexistence légale ou matérielle des motifs des actes considérés. A titre de droit comparé, le nombre des cas d'ouverture de recours pour excès de pouvoir contre les actes des organes communautaires pour défaut de motifs est notable dans le cadre des Communautés Européennes. En effet, la motivation dans l'ordre juridique communautaire ou d'intégration, permet de préciser en termes pratiques, la position des sujets de droit par rapport à une règle posée par un acte donné. A ce titre, elle prête son concours à l'ordre juridique pour «mieux faire respecter le but des manifestations de volonté et leur adaptation aux circonstances»223(*) ».

Par ailleurs, le renvoi au président de la Commission peut poser un autre problème du moment que rien ne l'empêche de substituer sa propre décision à celle du Comité consultatif de discipline. Sur ce point nous partageons les conclusions d'un auteur qui sur cette question soutient que :

« Il serait plus juste que le Secrétaire Exécutif, saisi de la question, prenne une décision allant dans le même sens à moins que le comité ne se soit fondé sur une base illégale pour prendre sa décision. C'est pour cela que nous pensons qu'il serait nécessaire, à certains égards, que la décision du comité consultatif de discipline plutôt que d'être envoyée directement devant le Secrétaire Exécutif, soit aussi notifiée à l'agent qui l'examine aussi et réagit par ses dernières conclusions. Lesquelles doivent être remises au Secrétaire Exécutif pour que ce dernier en tienne compte dans sa décision finale comme cela se passe dans d'autres cieux224(*) ».

Devant la CJC, on note qu'il n'existe pas de régime particulier pour le contentieux de la fonction publique communautaire en ce qui concerne les exigences de forme de la requête. De même, le fonctionnaire de la CEMAC reste astreint à l'obligation de représentation processuelle alors même que comme nous l'avons déjà relevé il n'existe pas d'assistance judiciaire. Cela pourrait s'expliquer par le peu de conscience que la CJC a de sa nature de juridiction administrative internationale alors qu'une part importante du contentieux qui lui est soumis y est relative. La conscience de cet état de choses devrait le rendre plus souple dans l'interprétation des conditions de recevabilité.

SECTION II : UNE RIGIDE INTERPRETATION PRETORIENNE DES CONDITIONS DE RECEVABILITE.

Il est juste que l'exercice du procès soit canalisé. La fonction disciplinaire des règles de recevabilité en impose aussi la mise en oeuvre stricte, voire mécanique. C'est en tout cas ce que pense le juge de N'djamena pour qui la méconnaissance des règles de recevabilité est par principe d'ordre public, invocable à tout instant et opposable d'office (paragraphe I) et face auxquelles il ne dispose d'aucune marge de manoeuvre (paragraphe II).

PARAGRAPHE I- L'AFFIRMATION DU CARACTÈRE D'ORDRE PUBLIC DES CRITÈRES DE RECEVABILITÉ.

Concept polysémique,

« le contenu de la notion d'ordre public n'est pas délimité d'une façon précise ; l'ordre public a un caractère exceptionnel et résiduel quant à sa fonction, restreint quant à ses effets et relatif quant à sa nature. Il est par conséquent une notion à contenu judiciaire faisant office de soupape de sûreté, lorsque l'application rigide d'une norme aboutirait à un résultat qui ne peut être admis au regard des principes fondamentaux d'un ordre juridique déterminé. Sur le plan technique, l'ordre public se concrétise donc comme une exception à la règle. Telle semble être son essence. (...) Il est vrai cependant que la notion d'ordre public est parfois également utilisée pour désigner des dispositions impératives auxquelles il n'est pas possible de déroger. Dans ce cas, le contenu et la portée de l'interdiction que ces normes édictent sont connus à l'avance, de sorte qu'il serait préférable d'éviter d'utiliser les termes d'ordre public pour leur préférer ceux de principes impératifs225(*) ».

C'est cette seconde conception que retient le juge communautaire en affirmant l'indisponibilité des conditions de recevabilité (A) et en n'offrant aucune chance de régularisation (B).

A- L'indisponibilité des conditions de recevabilité des requêtes

Le principe général du procès international, écrit le professeur Carlo Santulli, est bien la disponibilité des moyens de recevabilité. Il est rare en effet qu'une condition spéciale de recevabilité soit soulevée d'office par une juridiction internationale. La condition n'est indisponible que si elle est définie comme un élément de la fonction dévolue. Pour l'éminent auteur, sont seules indisponibles de façon classique les conditions générales de recevabilité qui garantissent la fonction juridictionnelle : existence du différend, possibilité d'appliquer le droit, caractère obligatoire de la décision226(*).

Mais comme nous l'avons déjà précisé, la juridiction communautaire n'est pas véritablement une juridiction internationale au sens classique du terme, mais apparaît plutôt comme une juridiction interne : la juridiction interne de la Communauté. Les règles applicables devant elle se rapprochent donc plutôt de celles en vigueur devant les juridictions administratives internes. Sur ce plan, le principe est que les règles de recevabilité des recours sont d'ordre public, ce qui emporte les mêmes conséquences que le caractère d'ordre public des règles de compétence : possibilité pour les parties d'invoquer en tout état de la procédure l'irrecevabilité du recours, obligation pour le juge d'examiner d'office le cas échéant la question de recevabilité, obligation encore pour le juge de relever le cas échéant et en tout état de procédure d'office l'irrecevabilité du recours, c'est-à-dire de lui opposer une fin de non recevoir227(*). C'est bien cette logique que suit le juge de N'djamena qui a à plusieurs occasions réaffirmé le caractère d'ordre public des règles de recevabilité qui ne souffrent d'aucune exception228(*).

Surtout le juge communautaire réaffirme l'indisponibilité des conditions de recevabilité des requêtes en soulevant d'office des moyens non évoqués par le défendeur pour déclarer irrecevable le recours. C'est le cas par exemple de l'inobservation des délais dans l'affaire Dieudonné Nang Eko et autres c/ ISTA alors que l'Institut s'était limité à proposer ses arguments au fond sans objection sur la recevabilité de la requête229(*). Cette approche logique sur le plan du contentieux de la légalité ou de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté, car le juge est gardien de la légalité communautaire et préserve celle-ci indépendamment de la volonté des bénéficiaires de la règle édictée, nous semble critiquable en ce qui concerne le contentieux de la fonction publique communautaire où la règle tirée de la pratique des juridictions administratives internationales reste la disponibilité des règles de recevabilité. Ainsi, dans une affaire Desplanque, le Tribunal administratif de la SDN a déclaré que les délais étaient stipulés « en faveur de la partie défenderesse », qu'ils ne « tenaient pas à l'ordre public interne » de la Société et que la partie défenderesse pouvait « renoncer » à se prévaloir de l'inobservation des délais230(*). De même dans l'affaire Kathryn Bernstein c/ UNESCO sus citée, le TAOIT en écartant la forclusion pour cas de force majeure, remarquait que l'organisation n'invoquait pas l'irrecevabilité du recours231(*).

Certes les règlements de procédure de ces différentes juridictions ne sont pas rédigées de façon identique et le juge communautaire ne dispose pas de la même marge et du même pouvoir que les juges administratifs internationaux, mais la Cour de N'djamena contrairement à celle du Luxembourg n'a pas su tiré profit des rares vides textuels pour faciliter l'accès à son prétoire au fonctionnaire communautaire. C'est que encore une fois, la CJC a du mal à se départir de sa rigueur en tant que juge de la légalité communautaire stricto sensu lorsqu'il opère comme juge administratif international, fonction qui requiert davantage de souplesse dans une perspective de protection et de préservation des droits du fonctionnaire communautaire. Cela nous semble d'autant plus critiquable que la souplesse n'est pas antinomique de la légalité. Le juge tout en s'assurant que les règles procédurales sont observées, devrait dans le même moment veiller à ce que celles-ci ne constituent pas un obstacle à l'accès au juge. L'intégration de cette double attitude dans son raisonnement l'amènerait sans doute à excuser certains « errements procéduraux ».

B- L'absence d' « irrégularités excusables »

Le concept d' « irrégularités excusables » renvoie directement à l'idée de régularisation. Cette idée n'est pas elle-même contraire au principe d'indisponibilité des règles de procédure mais contribue plutôt à rendre plus effectif et efficace l'office du juge dans l'ordre juridique communautaire. Il faut tout de même s'assurer que le procès dûment rationnalisé, ne s'en trouve pas rationné. La théorie de la recevabilité se doit d'être raisonnable dans ses principes comme dans ses techniques et dans son maniement concret. « La route du prétoire ne peut être sans discipline ; elle se doit au moins d'être sans pièges »232(*). C'est pour éviter ces écueils et pièges qu'est instituée la régularisation des « irrégularités excusables ».

Stricto sensu, la régularisation vise la possibilité de satisfaire après-coup une condition de recevabilité qui n'était pas remplie au moment où elle aurait dû l'être. Elle ne se confond donc pas avec la possibilité de ne pas déclarer irrecevable une demande, une conclusion, un moyen ou une pièce qui ne satisfait pas certaines conditions de détail, les irrégularités excusables, indépendamment de leur régularisation, ex post233(*). Pour le professeur Santulli, 

« la possibilité de procéder à une régularisation et éventuellement l'obligation pour la juridiction de la rechercher, en effet, dépend de l'appréciation de la discipline du justiciable et donc, en définitive, du caractère « excusable » de l'irrecevabilité. S'agissant, en particulier, des détails de forme et de procédure pouvant affecter la recevabilité des pièces, le principe général met à la charge des justiciables une obligation de diligence pour obtenir une connaissance exacte du droit du procès. Parce que c'est une obligation de diligence, elle implique l' « ignorance excusable » de certaines conditions, et donc la possibilité de les régulariser ou, le cas échéant, de passer outre l'irrégularité234(*) ».

Or la CJC ou tout au moins la Chambre judiciaire de la Cour dans son ancienne formule, à travers la rigueur et la stricte interprétation des conditions de recevabilité dont elle a fait preuve jusqu'ici ne laissait que très peu de place à « l'ignorance excusable » dont parle le professeur Santulli. Bien au contraire, dans une espèce où le but de la règle avait été atteint sans que le requérant n'ait expressément usé des formes prescrites par les textes, le juge de la CEMAC dans un formalisme excessif n'hésite pas à déclarer le recours irrecevable235(*). Le caractère excessif du formalisme découle de l'interprétation que donne le juge de la règle formulée dans le texte. Il se limite tout d'abord à l'intitulé du recours du demandeur qui confond manifestement recours hiérarchique et recours administratif préalable ; et ensuite refuse de se prononcer sur l'argumentation du requérant qui démontre bien qu'en l'espèce si le recours n'est pas formellement celui exigé par les textes, il n'en remplit pas moins la fonction. Pourtant, le juge sans remettre en cause la nature d'ordre public des règles de recevabilité, pourrait faire preuve d'un peu plus de souplesse en examinant d'office les règles de recevabilité et en rejetant le recours si les conditions de recevabilité n'étaient pas remplies, mais seulement après avoir invité le requérant à régulariser la requête lorsque les conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai du recours, à l'exemple du juge administratif français236(*).

En effet, sans qu'il y soit tenu juridiquement, il est devenu courant que le juge administratif français au cas où la requête est irrégulière ou incomplète, parce qu'elle n'est pas motivée, du fait que le ministère d'avocat est nécessaire et fait défaut, parce que la décision attaquée n'y est pas jointe, en raison de ce qu'elle a un caractère collectif ou que son auteur n'est pas régulièrement autorisé à ester en justice, invite le requérant à la régulariser237(*). Cette faculté de sauvetage qui compense l'accroissement des règles de recevabilité s'avère précieuse pour les plaideurs inexpérimentés et c'est sans nul doute pourquoi le Conseil d'Etat français, au nom de « ses obligations dans la conduite de l'instruction » a astreint les juges à inviter les requérants à régularisation avant de leur opposer une irrecevabilité238(*). Au besoin, le juge d'appel, après avoir reproché aux premiers juges de ne pas avoir formulé une demande de régularisation y procédait lui-même239(*). Si cette sollicitude envers les requérants n'existe pas devant la CJC, c'est peut être parce que ses juges sont issus d'ordres juridiques nationaux où la jurisprudence ne fait pas montre de faveur envers le plaideur inexpérimenté, et reproduisent ainsi au niveau communautaire les rigueurs des droits nationaux.

Il s'agit là pourtant de notre point de vue, d'une exigence du procès équitable et d'une bonne administration de la justice qui ne préjudicierait ni aux intérêts du défendeur, ni au bon déroulement du procès. En effet, il n'est point question de faire ici un plaidoyer pour un « libertinage processuel » mais seulement d'humaniser les règles de recevabilité en intégrant les réalités sociologiques pour sauver les recours entachés d' « erreurs excusables » d'un requérant pourtant diligent. Pour cela nous proposerons comme en droit administratif français de distinguer selon la nature de « l'erreur ». D'abord, le juge communautaire d'Afrique centrale sanctionnerait avec la rigueur jusqu'ici observée les « irrégularités insusceptibles de régularisation », c'est-à-dire celles qui par leur nature ou leur fonction s'opposent à ce qu'elles puissent être corrigées : pas de régularisation possible en matière de délai, en cas de violation de l'obligation de préalables procéduraux, et en cas de recours contre un acte qui est précisément insusceptible de recours. Ensuite, il admettrait la possibilité de régularisation jusqu'à expiration du délai de recours des recours non motivés, ou rédigés dans une langue autre que celles retenues devant la Cour. Enfin plus nombreuses seraient les possibilités de régularisation après l'expiration du délai de recours et ce, parce qu'elles sont propres à rendre les plus grands services non seulement au requérant mais dans certains cas aussi au défendeur. L'on pourrait citer à titre illustratif la capacité d'agir en justice à son nom et pour le compte d'autrui, l'obligation du ministère d'avocat, en cas d'erreurs purement matérielles telles que l'omission de signature, ou la non production de la décision attaquée. Dans tous les cas pour ne pas préjudicier au défendeur, la régularisation ne doit être possible que lorsque l'irrecevabilité est soulevée d'office par le juge et pas lorsqu'elle est soulevée en défense.

En consacrant de cette manière la possibilité de régularisation dans le contentieux communautaire, le juge de N'djamena affirmerait sa capacité à interpréter de façon dynamique et souveraine des règles de recevabilité dont on a l'impression parfois qu'elles sont hors de sa portée.

PARAGRAPHE II- UNE RETICENCE AVEREE À TEMPÉRER LES RÈGLES DE RECEVABILITÉ DES REQUÊTES

L'utilisation des méthodes les plus classiques d'interprétation stricte, telles que l'appel au sens clair et le recours au sens technique, est à elle seule significative de la prudence du juge communautaire à l'égard des limites formellement imposées par les Etats membres à la recevabilité des recours des particuliers, personnes physiques ou morales. Comme le relève le professeur Denys Simon, « cette rigueur, que le juge confesse par son impuissance à tempérer, résulte d'une rédaction dont la précision poussée jusqu'à l'inélégance, n'a d'autre justification que la volonté délibérée des auteurs du traité de couper court à toute tentative d'application compréhensive ». Cette impuissance du juge à tenter une application compréhensive s'illustre par une absence de la prise en compte des réalités sociologiques communautaires dans son raisonnement (B) mais surtout la difficulté qu'il éprouve à justifier en droit certaines décisions (A).

A- Une faible motivation des décisions.

Par motivation, il faut entendre « l'exposé, dans le jugement, des motifs de fait et de droit qui justifient le dispositif et non l'ensemble des raisons, des mobiles qui, dans l'esprit des juges, dans le cours de la discussion du délibéré, les poussent à prendre le jugement »240(*). Il s'agit là d'une obligation qui « est pour le juge aussi naturelle que celle consistant à respirer l'air environnant »241(*). Cette obligation s'impose plus nettement encore aux juridictions communautaires et la CJCE l'a clairement liée à une protection juridictionnelle effective et n'a pas hésité à affirmer que l'obligation de motivation constituait un principe général du droit communautaire. Cette volonté de motiver s'illustre par la longueur des décisions de la Cour dont le plus long arrêt comporte quelques six cent trente deux attendus et trois cent quatre-vingt sept pages, et du TPICE avec cinq mille cent trente trois attendus dans l'affaire des ciments242(*).

L'on est bien loin de la pratique de la CJC avec des arrêts de deux à dix pages où le juge se contente d'affirmer laconiquement que « attendu que cette demande est recevable en la forme » sans autres précisions de droit ou de fait sur la base juridique de cette affirmation243(*). Plusieurs explications pourraient être avancées pour justifier cette attitude du juge communautaire. D'abord sur le fond, le juge se veut l'interprète fidèle de la loi. Le style et l'étendue de la motivation doivent ainsi être rapprochés du légicentrisme. Le juge est soumis à la loi, d'où « des décisions courtes, économes de motifs, exempts de développements pathétiques, écrites dans un style ferme et concis, requis par une démarche essentiellement technique »244(*). En cela la faible motivation des décisions de la CJC est la meilleure preuve de son incapacité à avoir une quelconque emprise sur des règles de recevabilité immuables. Une autre explication de ce manque de motivation peut être tirée du statut de juge unique du juge de N'djamena. En effet, le soin pris par une juridiction à motiver ses arrêts, la longueur de cette motivation sont parfois une précaution dans et contre la perspective d'un pourvoi, un souci de convaincre la juridiction supérieure du bien fondé de celle-ci et aussi, plus formellement le souci d'éviter l'annulation pour l'obligation de motiver ses décisions. Si cet argument peut expliquer les longues motivations du TPICE, elle n'est pas pertinente pour la CJCE ou plus loin la Cour internationale de justice dont les arrêts sont abondamment motivés.

En réalité, la motivation de la décision vise trois buts que la CJC manque en ne se livrant pas à cet exercice. Le premier de ces buts est la légitimation de l'arrêt. En effet, la motivation a pour fonction primordiale la justification juridique de la décision, du dispositif. La Cour doit faire comprendre aux parties en litige la solution retenue. La motivation de la décision qui se prononce sur son litige a donc d'abord pour fonction de persuader le requérant que son dossier a été examiné dans toutes ses composantes. Or l'examen des rapports des juges rapporteurs et de la décision finalement rendue par la CJC montre que la Cour n'examine pas systématiquement tous les points soulevés par les parties, ce qui est acceptable, mais surtout ne s'en explique pas. Ce qui peut susciter une incompréhension, un sentiment d'injustice et donner l'impression d'une justice aux ordres des institutions communautaires ou des Etats. Ce sentiment est renforcé lorsque le juge donne l'impression de balbutier et d'hésiter en motivant ses décisions par les mauvais articles ou des articles qui n'édictent pas précisément ce qu'il affirme comme s'y trouvant245(*).

Ensuite et c'est là le deuxième but, la décision de justice est également destinée au juge lui-même. En motivant sa décision, le juge s'assure lui-même qu'elle est l'aboutissement d'un raisonnement rigoureux et non le résultat hâtif d'un examen trop sommaire de l'affaire246(*). Ainsi s'expliquerait le fait que le juge de la CEMAC consacre autant de solutions contradictoires sur le recours administratif préalable par exemple247(*). Peut être une motivation plus abondante lui aurait permis de remarquer la contrariété des deux raisonnements, à moins qu'elle ne ressorte tout simplement les subtilités qui distinguent les deux affaires et qui l'ont poussé à opter pour des solutions opposées.

Le troisième but de la motivation découle directement de cette dernière idée. La motivation tend aussi à garantir la cohérence du corpus jurisprudentiel, à inscrire l'arrêt à prononcer dans la suite des précédents jurisprudentiels. Sur ce point précis, la contrariété de certaines positions du juge de N'djamena pousse à penser que celui-ci adopte ce que le professeur Christophe Soulard nomme les « motivations/justifications »248(*), c'est-à-dire qu'il motive après coup des décisions qu'il a déjà arrêtées. Mais même dans ce cas, il devrait garder le reflexe du syllogisme juridique car les parties ne sont pas les seules destinataires des décisions. La jurisprudence de la CJC est créatrice de normes et ces normes sont énoncées au moins autant dans les motifs que dans le dispositif qu'elles rendent.

Ce qui est vrai en ce qui concerne les motivations avec la CJCE l'est encore plus avec la CJC : la construction communautaire ne peut se permettre des décisions faiblement motivées, notamment lorsque les particuliers sont parties au litige.

« D'une part, cela a été signalé, la jurisprudence varie dans bien des domaines, ce qui rend moins légitimes les renvois à une jurisprudence antérieure. D'autre part, les juridictions communautaires n'ont peut-être pas encore atteint ce stade du langage commun avec les juges nationaux et les parties intéressées (surtout les particuliers), qui les dispenserait d'une motivation substantielle, et ainsi d'un surcroit de légitimité249(*) ».

L'obligation de motiver ses décisions est d'autant plus impérative pour la CJC qu'elle est récente ; « la nécessité, pour une juridiction récente, d'asseoir sa légitimité, peut la conduire à recourir à des motivations particulièrement élaborées250(*) ». Paradoxe de la juridiction communautaire de la CEMAC, juridiction récente, qui non seulement ne motive pas assez ses décisions, mais en plus semble oublier le contexte sociologique dans lequel il se déploie.

B- L'ignorance des réalités sociologiques communautaires.

Selon le professeur François Rangeon

« un droit peut être effectivement appliqué sans pour autant être efficace, c'est à dire produire l'effet recherché : le respect méticuleux des procédures judiciaires peut par exemple avoir pour objet et pour effet de ralentir le cours de la justice et de rendre les sanctions inefficaces, mais il permet aussi d'assurer la protection des droits individuels. En sens inverse, l'efficacité est souvent un argument ou un alibi justifiant la non application du droit. (...) Inversement, l'effectivité recouvre un domaine plus large que l'efficacité. Les effets réels d'une loi sont souvent indépendants des effets escomptés. Une loi effectivement appliquée peut ainsi être inefficace au regard des intentions du législateur. L'excès de formalisme dans l'application de certaines règles conduit parfois à des résultats inverses de ceux recherchés par le législateur »251(*).

Ainsi, l'effectivité et l'efficacité du droit communautaire, par conséquent l'attitude de la Cour, restent tributaires des réalités sociologiques. Or en faisant preuve d'une telle rigueur interprétative alors même que son prétoire n'est pas particulièrement encombré, le juge communautaire semble faire fi de la réalité du comportement des citoyens communautaires et accroît ainsi l'ineffectivité du droit communautaire.

En effet, si le modèle référentiel de justice communautaire européenne a servi de source d'inspiration pour la mise en place de la CJC, l'on doit déplorer, que les traits essentiels du modèle européen aient été intégrés au modèle CEMAC sans être accompagnés des adaptations locales252(*). Le juge dans le contrôle de l'application effective de la règle de droit aurait pu et aurait dû même, faciliter l'accès à son prétoire à travers un assouplissement des règles de recevabilité. La seule connaissance de l'existence d'une règle de droit ne suffit pas. Il est nécessaire d'avoir la capacité d'appréhender les réalisations que ces règles ont entre elles, ou de déterminer les normes qui sont susceptibles de s'appliquer à une situation concrète donnée. Or l'existence même du droit communautaire est méconnue par la plupart des ressortissants des Etats d'Afrique centrale. Les raisons de cette méconnaissance ne sont pas seulement juridiques, mais sont également techniques et sociologiques et tiennent en grande partie aux limites des citoyens à assimiler une juridicisation mouvante de la société sujette à une « prolifération normative cancéreuse »253(*).

La conscience de cette méconnaissance des règles communautaires par le juge de N'djamena devrait l'inciter à tempérer la rigueur textuelle des conditions de recevabilité à travers par exemple l'admission d'irrégularités excusables susceptibles de régularisation. En effet, 

«  les actes juridiques communautaires ont pour caractéristique déterminante d'être soucieux d'effectivité. Or on sait que la traduction de ce souci en termes concrets passe nécessairement par la ponction de tous les éléments nocifs à l'application effective de cet arsenal normatif. L'essor des actes juridiques communautaires en dépend. Il est clair que ce dessein ne peut être réalisé que si toutes les énergies sont mobilisées et déployées vers l'apurement des sources d'érosion. En effet, l'érosion peut résulter de l'acheminement défectueux de l'acte de chacune des Communautés vers les destinataires. Certes, la maxime «nul n'est sensé ignorer la loi» demeure valable comme le souligne un auteur : «un système de droit positif qui accepterait que quiconque soit invocable à se prévaloir de ce qu'il ne connaissait pas le contenu d'une ou de plusieurs de ses prescriptions pour échapper aux obligations mises à sa charge et éviterait de subir les conséquences de leur inexécution» participerait à sa propre ruine. Seulement, il faut souligner qu'une connaissance effective de l'acte conforte la position du sujet de droit et surtout du justiciable en ce sens qu'elle développe ses capacités à actionner les mécanismes visant à faire respecter ses droits. Une défaillance sur ce point peut contribuer à l'érosion du dispositif juridique mis en place. L'affaiblissement peut également découler d'un engagement mou ou d'un appui déficient des sujets de droit au système mis sur pied 254(*)».

Par son impuissance à tempérer les règles de recevabilité et surtout leur stricte application, le juge de la CEMAC semble adopter une politique restrictive d'accès à son prétoire qui n'était déjà pas très couru. Cet état de fait s'explique par l'idée que :

« les mécanismes juridictionnels de l'Etat de droit laissent les populations d'autant plus indifférentes qu'elles en ignorent la signification et même souvent l'existence. L'analphabétisme, l'insuffisance des services judiciaires, les dépenses et les tracasseries sont autant d'handicaps pour l'accès au juge. L'incompréhension des textes légaux, la brièveté des délais de recours, la multiplication et la complexification des conditions de recevabilité des recours. La lenteur des procédures qui décourage les plaignants et les pousse à renoncer à leurs droits ou à rechercher une solution rapide et équitable dans la justice traditionnelle255(*)».

C'est peut être consciente des risques d'une telle démarche dans la construction de la « Communauté de droit » proclamée, que le juge de N'djamena adopte une attitude de plus en plus libérale dans l'interprétation des règles de recevabilité des requêtes.

CHAPITRE IV : LA TENDANCE NAISSANTE A UNE LIBERALISATION DE L'ACCES AU JUGE COMMUNAUTAIRE.

Comme nous l'avons précisé précédemment, la tendance du juge communautaire de CEMAC à une ouverture de son prétoire n'est pas constante et définitive. Au contraire, elle alterne avec la première tendance restrictive d'accès au juge. Reste que le juge de N'djamena à travers certaines décisions laisse percevoir une volonté encore embryonnaire mais certaine d'assouplir les règles de recevabilité rigoureusement édictées par les textes (section I), même si la Cour devrait à notre sens pousser plus loin cette démarche (section II).

SECTION I : LA « PRUDENTE HARDIESSE » DU JUGE CEMAC DANS L'EXAMEN DE LA RECEVABILITE DES REQUETES.

Le juge communautaire fait preuve d'une prudence toute particulière chaque fois qu'il lui faut se prononcer sur les conditions de sa saisine et l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels, particulièrement lorsque les modalités des recours contentieux ont fait l'objet d'une définition précise par les dispositions détaillées de l'instrument conventionnel ou des règles de procédure. Cette politique jurisprudentielle d'autolimitation (paragraphe II) que les auteurs anglo-saxons qualifient ordinairement de « self-restraint » ou de « judicial caution »256(*) se manifeste d'ailleurs aussi bien dans la définition des conditions de recevabilité que dans la délimitation de l'objet du recours ou dans la délimitation de la portée des décisions juridictionnelles. On note toutefois une certaine audace de la Cour dans la protection des droits des particuliers (paragraphe I)

PARAGRAPHE I- L'AFFIRMATION D'UNE CERTAINE VOLONTÉ DE RENFORCER LA PROTECTION DES DROITS DES PARTICULIERS.

Le juge européen a eu à plusieurs reprises l'occasion d'affirmer la place des droits de l'homme au sein de l'ordre juridique communautaire. Il a notamment affirmé dans l'arrêt Nold que « les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme peuvent également fournir des indications dont il convient de tenir compte dans le cadre du droit communautaire 257(*)». Sans aller aussi loin et de façon aussi explicite, la CJC semble suivre cette voie notamment pour ce qui est du droit au procès équitable, plus précisément l'accès au juge à travers une interprétation téléologique de certaines conditions de recevabilité (A) et la prise en compte des exigences d'une bonne administration de la justice (B).

A- Une interprétation finaliste de certaines conditions de recevabilité.

La méthode téléologique est cette technique d'interprétation caractérisée par le recours aux objectifs fondamentaux des textes et surtout des Traités communautaires. Avec cette méthode, les dispositions d'un texte même vagues peuvent avoir un sens si elles sont replacées dans une perspective finaliste qui les a sous-tendues258(*). Même si elle n'est pas la méthode la plus utilisée par la CJC, la méthode d'interprétation téléologique utilisée parfois par la Cour place au coeur de son raisonnement l'objet et le but du texte. Il y a là un certain risque de subjectivisme de l'interprète et tout le problème consistera évidemment à déterminer avec un maximum de rigueur, la nature du but à prendre en considération. Dans les cas où il se livre à cette démarche, le juge de la CJC opte pour un objet et un but conçus comme des objectifs à atteindre, et donc susceptibles de progrès et d'extension.

Dans l'affaire Assiga Ahanda Jean Baptiste c/ La BEAC, le juge de N'djamena adopte une interprétation originale de l'article 16 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire :

« Il est à relever que l'article 16 de l'Acte additionnel N° 04/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02 portant règlement de procédure de la Chambre judiciaire de la Cour de justice de la CEMAC exige du requérant à peine d'irrecevabilité d'indiquer dans sa requête entre autres les noms, prénoms et adresses des parties ;

Mais si l'adresse de la défenderesse n'apparaît pas tant dans la requête introductive d'instance que dans son mémoire, il y a cependant lieu de relever que les indications exigées à peine d'irrecevabilité ont pour but d'éviter toute confusion et surtout de pouvoir contacter la partie en cause qui n'est autre que la BEAC en l'espèce, la seule évocation de la Banque des Etats de l'Afrique centrale (BEAC) ou de son Gouverneur suffit pour contacter l'unique institut d'émission de la sous-région259(*) ».

Cette position de la Cour tout en étant fort logique et louable tranche pourtant nettement avec ses positions précédentes260(*) où au nom du caractère d'ordre public des règles de recevabilité, elle a refusé tout aménagement ou assouplissement. Peut être le juge a-t-il plus évité la raideur que véritablement fait preuve de souplesse. Mais l'on ne peut nier que le juge communautaire tout en préservant la légalité opte pour une approche nouvelle en recherchant le but de la règle pour éviter la lecture formaliste et littérale du texte que suggère la BEAC, partie défenderesse.

Plus ambigüe par contre est l'attitude du juge en matière de recours administratif préalable dans le contentieux de la fonction publique communautaire. En effet, alors que le juge a déjà identifié le but de ce recours261(*), il refuse d'admettre l'inutilité d'un tel recours alors que le résultat est déjà connu à l'avance. Dans l'espèce Okombi Gilbert c/ CEMAC262(*), le requérant a saisi la Chambre judiciaire d'un recours en contentieux de la fonction publique communautaire contre le Secrétaire exécutif de la CEMAC. Répondant au défendeur qui excipe une exception d'irrecevabilité pour non respect du recours administratif préalable de l'article 113 du Règlement portant statut des fonctionnaires du Secrétariat exécutif de la CEMAC, le requérant fait remarquer que le même texte oblige le Secrétaire exécutif à recueillir l'avis du Comité consultatif de discipline ; Comité également saisi dans le cadre du recours administratif de l'article 113. Or constate sieur Okombi, en dépit de nombreux recours hiérarchiques adressés au Secrétaire exécutif, ce dernier n'a pas jugé utile de se plier aux prescriptions de l'article 109 et de saisir le Comité consultatif de discipline dont il n'est d'ailleurs pas tenu de suivre les avis. Le demandeur constate donc la position intransigeante du Secrétaire exécutif qui rend sans objet une procédure précontentieuse dont le résultat est connu à l'avance. Refusant de confronter les obligations découlant des articles 109 et 113 dans la perspective finaliste de la règle du recours administratif préalable telle qu'elle l'avait précédemment formulée, la Cour opte pour un formalisme rigoureux en exigeant dans tous les cas l'application de l'article 113. Pourtant la Cour ne pourrait nier le rapprochement des articles 113 et 109 du Règlement portant statut des fonctionnaires du Secrétariat exécutif de la CEMAC puisqu'elle-même les confond263(*).

L'interprétation téléologique que tente la Cour dans certains cas ne peut véritablement conduire à une application rationnelle des règles de recevabilité que si elle est systématisée et non, comme la jurisprudence de la Chambre judiciaire en donne l'impression, appliquée à la carte. Il y va de l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

B- La prise en compte des exigences d'une bonne administration de la justice

Le concept de bonne administration de la justice est difficile à définir264(*). Il n'est appréhendé qu'à partir des éléments qui le composent : égalité des parties à l'instance, protection des droits du défendeur et du demandeur, des tiers ainsi que la protection de la situation qui fait l'objet du litige. Sur ce point, la pratique de la CJC est loin d'être celle que décrit le professeur Mouangue Kobila : « à la différence du juge communautaire européen qui s'inspire du droit international, des droits nationaux et de la logique, le juge communautaire en zone CEMAC s'est jusqu'ici exclusivement inspiré de la logique265(*) ». Ce jugement nous semble un peu sévère car la Cour de N'djamena conformément à l'article 28 des Règles de procédure de la Chambre judiciaire, veille au déroulement loyal de la procédure en intégrant le procès équitable aux principes généraux du droit communautaire (1) et une absence de sanction d'abus de procédure (2).

1- Le procès équitable comme principe général du droit communautaire.

La CJCE l'a systématisé dans son arrêt ERT du 18 juin 1991 :

« Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. A cet effet, la Cour s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les Etats membres ont coopéré ou adhéré ».

Dans son arrêt, la juridiction communautaire européenne rappelle que les particuliers bénéficient d'une protection juridictionnelle effective des droits qu'ils tirent de l'ordre juridique communautaire. Ce droit à la protection fait partie des principes généraux de droit découlant des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres. Elle indique également que le traité comporte un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de légalité des actes des institutions, en le confiant au juge communautaire266(*). Les droits fondamentaux forment donc un élément de la légalité communautaire même si les instruments internationaux qui les énoncent ne sont pas incorporés directement dans l'ordre juridique communautaire et ne lient pas, comme tels, la Communauté. Sans être allé aussi loin dans sa jurisprudence, la CJC « statue en tenant compte du droit positif communautaire et les principes généraux de droit communs aux Etats membres » comme le prescrit l'article 28 de la Convention CJC.

Tous les Etats membres étant parties aux principaux instruments internationaux régionaux de promotion et de protection des droits de l'homme, la Cour devrait les intégrer à son raisonnement en particulier les règles du procès équitable. Relativement aux règles de recevabilité des recours, cela implique pour le juge de N'djamena de les aménager conformément au droit à la justice, c'est-à-dire permettre à toute personne qui y a un intérêt légitime et qui présente la qualité éventuellement requise d'accéder à son prétoire pour qu'il statue sur ses prétentions. Le juge communautaire intègre de façon rassurante cette problématique à sa démarche comme le notent le docteur Edouard Gnimpieba Tounang et madame Zulandice Zankia à propos de l'affaire Gozzo Samuel c/ CEBEVIRHA :

« Cette jurisprudence rassure également l'observateur et les justiciables quant à la capacité du juge de la CEMAC à garantir leurs droits, dans un environnement marqué par le souci constant des autorités sous-régionales à protéger radicalement les finances communautaires, bien souvent au détriment des intérêts des justiciables. Enfin, la jurisprudence Gozzo confirme l'indépendance du juge de la CEMAC et sa capacité à protéger les justiciables devient progressivement une réalité dans notre région, et porte la marque d'une nouvelle ère en zone CEMAC : le choix de faire du droit communautaire le principal instrument du mouvement d'intégration, porteur d'une certaine sécurité juridique pour tous les acteurs de cette aventure commune 267(*)».

Tout en restant réservé sur cette indépendance du juge de la CEMAC268(*), l'on ne peut nier une véritable volonté du juge de libéraliser le droit communautaire en se montrant patient avec les justiciables même dans des hypothèses où on aurait pu déceler des abus.

2- L'absence de sanction d'abus de procédure.

Le juge de N'djamena marque sa volonté d'ouvrir son prétoire non seulement en s'abstenant de sanctionner d'éventuels abus du droit d'ester en justice, mais aussi en admettant le plus largement possible l'intervention des tiers.

Visées par des dispositions spéciales, l'irrecevabilité des procédures abusives est admise selon le professeur Carlo Santulli, même sans texte et relève des principes généraux du procès international. Toutefois, et c'est le cas devant la CJC, si la jurisprudence admet l'hypothèse, en revanche elle n'en fait à peu près jamais application269(*). En effet, la juridiction communautaire n'évoque, ni même n'envisage, l'argument du caractère abusif des actions sous l'angle de la multiplication des procédures ; même pas comme c'est le cas devant certaines juridictions internationales, face à l'accumulation de demandes identiques et de demandes jugées « futiles » 270(*). Pourtant la patience du juge communautaire de la CEMAC aurait pu être mise à rude épreuve dans le long feuilleton judiciaire qu'a constitué l'affaire Tasha Loweh Lawrence où le requérant a usé de quasiment tous les incidents de procédure admissibles devant la Chambre judiciaire : requête aux fins de sursis à exécution et désignation d'un administrateur judiciaire, requête en référé, recours en récusation du président de la Chambre, exception d'irrecevabilité d'intervention forcée, requête en intervention forcée aux fins de déclaration de jugement commun, recours en annulation, recours en interprétation et en rectification, recours en révision, recours en indemnisation ; soit plus d'une douzaine de décisions en tant que demandeur. Loin de se montrer agacé et de sanctionner ce qui aurait pu pour certains recours apparaitre comme abusifs, le juge de N'djamena a toujours accueilli ces multiples demandes et les a examinées, de façon peut-être contestable, mais certaine. L'abus n'est ainsi reconnu ni en raison d'un acharnement procédural, ni d'un comportement contradictoire.

Cette disponibilité du juge de la CEMAC à accueillir les justiciables s'illustre également par la large admission devant son prétoire des interventions forcées ou volontaires. Pratiquement toujours, la CJC a accueilli favorablement les requêtes en intervention. Cette action du juge en faveur d'un éclairage et de la protection des tiers participe assurément de la recherche d'une bonne administration de la justice.

Dans l'affaire Tasha L. Lawrence c/ Amity Bank dont l'objet portait sur l'intervention d'irrecevabilité de l'intervention forcée décidée par le juge rapporteur, la partie défenderesse contestait une telle intervention sur la base de l'article 72 des Règles de procédure qui n'admet l'intervention provoquée qu'à la seule initiative des parties. En effet, aucune disposition des textes n'autorise, ni ne fait obligation à la CJC d'informer les tiers susceptibles d'avoir un intérêt dans un litige pour lequel elle est saisie. La Cour va justifier la démarche du juge rapporteur en affirmant que : « Le principe de contradiction impose qu'une personne intéressée soit appelée à l'instance lorsque l'issue de la procédure est susceptible d'emporter effet sur ses droits271(*) ». La Cour adopte donc une démarche visant à protéger les droits des justiciables dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Cette attitude du juge communautaire qui ne se contente pas de laisser à la charge des tiers l'obligation de s'informer des procédures devant la CJC, mais qui au contraire va au devant d'eux, peut s'avérer nécessaire dans un contexte marqué par une méconnaissance du droit communautaire. Le seul regret que l'on peut avoir est que la Cour ne fasse pas toujours preuve d'une telle hardiesse, mais se montre parfois par trop prudente.

PARAGRAPHE II- L'AUTOLIMITATION DU JUGE COMMUNAUTAIRE, EXPRESSION D'UNE PRUDENCE.

La politique interprétative développée par la CJC à l'égard des conditions de recevabilité des recours, montre que le juge communautaire sait s'en tenir à une stricte application des règles et à la limitation de ses pouvoirs. Cette limitation peut s'expliquer par une certaine pusillanimité des juges tant à l'égard des Etats membres (A) que des autres institutions communautaires (B).

A- Une grande prise en considération du « seuil de tolérance » des Etats membres de la CEMAC

Il est certain que le juge communautaire, quelle que soit l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels, ne peut user de la marge d'appréciation dont il dispose dans l'interprétation des textes sans être particulièrement attentif au degré de réception de sa jurisprudence par les Etats membres272(*). Le juge de la CEMAC est particulièrement attentif aux réactions des Etats à ses énoncés. Cela peut s'expliquer par la nature même de la Communauté qu'est la CEMAC : « elle n'est pas fusion mais addition des acteurs. Elle participe à une simple juxtaposition des souverainetés273(*) ». En effet, l'utilisation du concept d'intégration semble quelque peu malaisée en Afrique au point où on se demande si certaines institutions qui portent la dénomination visée ont été effectivement mises sur pied pour réaliser un tel objectif. La question est d'autant plus intéressante qu'on ne saurait reprocher à une structure de n'avoir pas atteint un objectif pour lequel elle n'avait pas réellement été créée274(*). La principale conséquence est que les institutions communautaires, au rang desquels la CJC, apparaissent comme des « agences créées par les Etats uniquement dans le but d'accroitre l'efficacité des marchandages interétatiques et (...) l'autonomie des responsables politiques nationaux composant l'arène politique nationale275(*) ». La CJC comme toutes les autres institutions communautaires reste donc sensible aux desiderata des Etats qu'elle souhaite ménager.

Comme son homologue européen,

« Le juge communautaire a toujours su « jusqu'où il pouvait aller trop loin » ; plutôt que de courir le risque d'une résistance ouverte ou d'une inexécution pratique de ses décisions, il semble que la Cour ait préféré user d'une stratégie plus subtile, en s'abstenant volontairement d'utiliser à plein les ressources de l'interprétation quand l'enjeu de l'espèce et les observations présentées par les Etats membres au cours de la procédure révélaient, de la part des gouvernements nationaux, une volonté affirmée de ne pas se laisser imposer une interprétation indûment extensive et a fortiori une modification subreptice des règles en vigueur 276(*)».

Si ceci est vrai pour le juge européen qui est originaire de systèmes nationaux où il existe une culture certaine de l'indépendance du juge, elle l'est davantage encore pour le juge communautaire d'Afrique Centrale issu de systèmes où l'indépendance de la justice est encore en chantier. C'est sans nul doute pourquoi il se montre encore plus sensible au jugement que les Etats portent sur son travail d'autant plus qu'il sait ne pas être à l'abri d'une non reconduction de son mandat.

L'affaire Dakayi Kamga a clairement montré le rôle et l'importance des Etats dans la désignation des fonctionnaires communautaires. Les Etats disposent d'un véritable pouvoir discrétionnaire et ne semblent même pas être tenus de se conformer aux voeux et institutions et organes de la communauté. En optant pour la formule du mandat renouvelable, et pas un mandat unique, le législateur CEMAC qui se trouve être les Etats membres, a privé les membres de la Cour d'une chance supplémentaire d'être véritablement indépendants et a mis entre les mains des Etats un moyen supplémentaire de pression sur ceux-ci. C'est parce qu'il est conscient de la présence de ces Etats au sein des institutions communautaires que le juge de la CEMAC évite également d'empiéter sur leurs compétences.

B- Le respect scrupuleux du pouvoir discrétionnaire des institutions communautaires.

Deux affaires nous semblent assez révélatrices de la volonté du juge communautaire de préserver ce qu'il considère comme le pouvoir discrétionnaire des institutions communautaires et plus précisément des organes politiques. D'abord l'affaire Okombi Gilbert où le juge se refuse à imposer des obligations procédurales au Secrétaire exécutif (Président de la Commission) dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire à l'égard des fonctionnaires communautaires. Ensuite, et de façon plus marquée, l'affaire Thomas Dakayi Kamga c/ CEMAC où le juge a refusé à voir une faute dans une nomination effectuée par le Président de la Conférence des chefs d'Etats. On pourrait voir dans cette attitude du juge de N'djamena une volonté de préserver l'équilibre institutionnel établi dans le système communautaire.

Cette attitude n'est pas propre au juge de la CJC et le juge européen a marqué sa volonté d'autolimitation à l'égard des choix de politique économique effectués par l'administration communautaire. Dans ces cas, le juge borne son examen à la vérification de l'exactitude matérielle des faits et au contrôle de la qualification juridique opérée par le Conseil ou la Commission :

« s'agissant de l'évolution d'une situation économique complexe, la Commission et le Comité de gestion jouissent à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation(...) En contrôlant la légalité de l'exercice d'une telle compétence, le juge doit se limiter à examiner si elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste ou de détournement de pouvoir, ou si cette autorité n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation277(*) ».

La différence encore une fois entre les deux juridictions se trouve dans la motivation et le dialogue avec les justiciables. Alors que la juridiction européenne justifie son autolimitation et informe ainsi le justiciable des limites de son contrôle, le juge de la CEMAC en gardant le silence entretient un flou qui est générateur de suspicion sans rassurer les justiciables.

On conçoit dans ces conditions qu'il soit fort difficile pour les requérants non institutionnels de faire valoir leurs droits compte tenu de la prudence dont fait preuve la CJC, alors même que l'édification de la Communauté de droit exige une politique jurisprudentielle plus libérale de l'appréciation de la recevabilité des requêtes.

SECTION II- POUR UNE POLITIQUE JURISPRUDENTIELLE PLUS LIBERALE DE LA COUR DANS L'APPRECIATION DE LA RECEVABILITE DES REQUETES

La libéralisation souhaitée des conditions de recevabilité des requêtes devant la CJC, sans induire une violation systématique de ces règles, permettraient un plus grand accès au juge, condition de l'effectivité du droit communautaire (paragraphe I). Le juge de N'djamena dispose pour cela de nombreux moyens textuels et non textuels (paragraphe II).

PARAGRAPHE I- L'ACCÈS AU JUGE, CONDITION NÉCESSAIRE À L'EFFECTIVITÉ DE LA RÈGLE COMMUNAUTAIRE

Pour le docteur Joseph Djeukou,

« Le constat de l'existence d'un pouvoir communautaire s'impose d'une façon générale dans tous les domaines d'intervention des institutions de la CEMAC ; ce pouvoir s'exprime par le biais d'une diversité d'actes juridiques ou de normes édictés. Les difficultés de l'intégration économique dans la sous- région de l'Afrique centrale ne peuvent donc « être imputées à une inertie décisionnelle ou législative ». La recherche d'une plus grande efficacité du processus d'intégration doit être faite plutôt au niveau de l'effectivité des normes édictées par le pouvoir communautaire »278(*).

La Cour de justice communautaire de la CEMAC en raison de sa nature spécifique (A) a un rôle déterminant à jouer dans cette Communauté de droit qui à la différence des Etats souffre d'une réelle légitimité démocratique (B).

A- La nature spécifique de la juridiction communautaire.

Aux termes de l'article 22 de la Convention CJC, celle-ci a une triple fonction : juridictionnelle, consultative et d'administration des arbitrages. La fonction judiciaire est elle-même divisée en quatre fonctions d'après le professeur Guy Isaac : justice administrative, justice constitutionnelle, justice internationale et justice régulatrice279(*). La première mission répond au souci de protéger les divers sujets de droit contre les agissements illégaux ou dommageables des institutions communautaires. Ensuite, la mission constitutionnelle de la CJC consiste à délimiter et défendre les compétences respectives des Etats membres et de la Communauté tout en préservant l'équilibre des pouvoirs à l'intérieur de celle-ci entre les institutions, organes et institutions spécialisées. Trancher les différends entre Etats membres sur l'interprétation ou l'application du droit communautaire ou les différends en connexité avec l'objet des traités, dès lors que les Etats décideraient de les lui soumettre en vertu d'un compromis, telle est la fonction de justice internationale de la Cour. Quant à la fonction régulatrice enfin, son objet est d'assurer l'unité d'interprétation et d'application du droit communautaire dans l'ensemble des Etats membres280(*). Si cette dernière fonction est assurée par le jeu du renvoi préjudiciel, les autres fonctions exigent une saisine de la Cour qui ne peut s'autosaisir par des requérants (1). Ensuite la place centrale de la Cour dans la protection de l'ordre juridique communautaire exige qu'elle apporte des précisions sur les questions fondamentales (2).

1- Le rôle constitutionnel de la CJC

« La notion de constitution, écrit le docteur jean Kenfack, peut être appliquée aux traités fondateurs des Communautés étudiées et de l'OHADA. Quand bien même ces traités ne comporteraient pas de dénomination particulière, à l'instar de celles généralement utilisées dans nombre d'organisations internationales telles «charte constitutive», «statut» ou encore «chartes», ils sont bel et bien des actes constitutifs. A ce titre, leur objet est de créer un corps stable, doté de structures et de compétences de caractère permanent. Il en découle une «diversification des structures et des pouvoirs281(*) » ».

Dans son célèbre arrêt Costa c/ ENEL du 15 juillet 1964282(*), la CJCE a refusé d'assimiler le traité instituant la Communauté européenne à une convention internationale classique. Elle va même à plusieurs reprises le qualifier juridiquement : une première fois dans son avis du 26 avril 1977 où elle recourra à la notion de « constitution interne », et à différentes reprises, notamment en 1986 et 1991 où elle posera à la suite d'un raisonnement très élaboré le principe selon lequel le traité forme « la charte constitutionnelle d'une communauté de droit »283(*). Le traité constitutif de la CEMAC ainsi érigé en constitution fait du juge communautaire un juge constitutionnel et la « Communauté de droit » proclamée véhicule des principes fonctionnels.

«  Juridiquement, tout d'abord, le principe qu'exprime la notion de communauté de droit est que les actes des institutions ne peuvent échapper au contrôle de conformité avec le droit primaire284(*) ». Or le juge communautaire ne peut s'autosaisir. Il ne peut exercer ses pouvoirs que si un requérant le lui demande. Il en résulte donc qu'un acte illégal de la Communauté ou d'un Etat que ceux-ci sont d'accord, tacitement ou explicitement, pour appliquer échappe à la censure du juge communautaire puisque personne ne l'en saisit. Une parfaite illustration est le cas de la situation que le juge Georges Taty déplore : pratiquement aucun renvoi préjudiciel en interprétation des juridictions nationales à la juridiction communautaire285(*). Cette dernière, devant le risque de voir se multiplier les poches de non droit ou de violation systématique du droit communautaire, devrait se montrer plus souple dans l'examen des conditions de recevabilité afin de pouvoir se saisir des questions de droit particulièrement importantes.

Ensuite, l'idée de « communauté de droit » induit une idée d'autolimitation en amont et de sanction par le juge en aval. Comme le souligne le professeur Pierre-Yves Monjal,

« C'est bien le citoyen-justiciable, ensuite, qui est au centre des enjeux de la communauté de droit. (...) Autrement dit, la communauté de droit donne aux requérants-citoyens des Etats membres de nouvelles fonctions leur permettant de compléter le contrôle politique traditionnel, et de limiter ou encadrer l'action de l'Etat286(*) ».

Cette fonction du requérant-citoyen, qui est « constitutionnellement » protégée dans le traité constitutif, ne peut être remplie de façon efficace et effective que par un accès au prétoire communautaire. Le juge de N'djamena dans cette perspective devra donc se montrer plus libéral dans l'examen de la recevabilité des requêtes afin de faciliter ce contrôle démocratique, mais aussi parce que l'occasion serait ainsi donnée à la Cour d'affiner sa jurisprudence.

2- L'importance de la jurisprudence dans l'élaboration du droit communautaire.

Analysant la capacité intégrative de la CJC dans son ancienne formule, le docteur Guy Mvele affirme que :

« Sa capacité ou sa « non capacité » à structurer de façon originelle les comportements des acteurs sous régionaux tient au fait qu'elle n'exerce que trois types de fonctions, qui sont d'ailleurs des « fonctions manifestes » car se (sic) sont celles pour lesquelles elle a été créée : la fonction juridictionnelle, la fonction consultative et la fonction de contrôle budgétaire des comptes de la CEMAC (article 3 de la convention régissant la Cour). On voit bien par là que, dépourvue de la fonction, même « latente » d'édiction des actes juridiques communautaires, c'est-à-dire la fonction législative, la Cour n'appartient pas au groupe d'institutions qui initient l'intégration en Afrique centrale. Par ce fait même, en tant qu'institution communautaire, elle ne structure pas les comportements des acteurs au premier degré et peut donc être considéré comme organe « semi-intégrateur » au sein de la CEMAC287(*) ».

L'auteur se rapproche d'une approche classique de la fonction du juge telle que développée par Montesquieu pour qui les décisions du juge ne doivent jamais être qu' « un texte précis de la loi ; les juges ne sont... que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des être inanimés qui n'en peuvent modérer ni la force ni la rigueur »288(*). Mais ces approches, comme l'écrit fort justement le professeur Monjal,

« sont désormais surannées. Le juge communautaire est en fait un tiers institutionnel qui exerce une véritable fonction de jurisdictio et non de simple legisdictio. Il est clairement admis que la (CJC), comme la plupart des juridictions nationales, exerce une activité éminemment normative. La mission interprétative de la Cour, (...) amène en réalité le juge (de N'djamena) à oeuvrer davantage dans le sens d'une création que dans celui d'une simple lecture du droit adapté au cas d'espèce. Même si la Cour révèle ce qui est contenu dans la règle préexistante, la décision, le jugement et la jurisprudence seront néanmoins autant d'éléments créant une nouvelle norme 289(*)».

Cette importance avérée et confirmée de la jurisprudence dans l'élaboration du droit communautaire entraine deux conséquences interdépendantes. D'abord que le juge communautaire de la CEMAC dispose du pouvoir de contrôler l'application du droit communautaire et donc d'en combler les lacunes notamment relatives aux règles de recevabilité, d'en étendre la portée et d'en promouvoir le développement continu. Cela passe comme nous l'avons déjà précisé par une systématisation de la méthode téléologique ou finaliste d'interprétation dont elle a quelques fois fait usage. Ensuite, que le juge communautaire ne peut véritablement jouer son rôle de jurisdictio que s'il est saisi des litiges qui lui fournissent l'occasion de préciser le sens et la portée objectifs des textes communautaires. En effet, toute entreprise de construction communautaire ou d'intégration doit reposer sur des supports juridiques aptes à cristalliser le projet qui la sous-tend dans son contexte d'édification. La réalisation de cet objectif passe par la conception des actes de base et de types d'actes du droit dérivé, susceptibles de procurer la prévisibilité et la sécurité des relations sociales à régir par le projet visé290(*).

Le juge de N'djamena se trouve ainsi dans une situation inédite : assouplir les règles de recevabilité afin d'être saisi davantage de recours qui lui permettent d'élaborer sa jurisprudence sur les débats de la Communauté. Le peu de consistance et d'impact dans l'édification communautaire de la jurisprudence communautaire que l'on observe actuellement est l'expression de la rigueur des règles de recevabilité, en partie au moins, en même temps qu'il traduit le déficit démocratique de la CEMAC.

B- La compensation du déficit démocratique de la Communauté.

La Communauté telle qu'elle est issue du Traité révisé de Yaoundé du 25 juin 2008 apparait d'abord comme une communauté d'Etats en ce sens que peu de place est accordée aux individus et citoyens dans l'édification communautaire. Les citoyens sont faiblement mobilisés par la CEMAC en raison de la nature essentiellement régulatoire de ses politiques. Ils participent par ailleurs peu, pour ne pas dire pas du tout au système politique de la Communauté ; les élections du Parlement communautaire restant une simple projection. D'autres formes de participation existent, notamment lorsque les citoyens sont membres d'associations, de syndicats, de lobbies ou d'ONG, comme c'est le cas dans l'Union européenne. Mais comme l'écrit monsieur Guy Mvele,

« ce régionalisme presque réduit à une coopération entre Etats se manifeste par la non reconnaissance qui est faite aux autres acteurs de l'intégration que peuvent être les associations ou les organisations non gouvernementales. En effet, il n'existe pas au sein de la CEMAC un organe de type Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) qui sert de plateforme pour recevoir le point de vue des organisations non gouvernementales291(*) ».

Pour reprendre et paraphraser Olivier Costa, la CEMAC se présente comme un système politique qui peine à nouer des relations avec ses citoyens, aussi bien par les « inputs » (participation, consultations, « opinion publique ») que par les « outputs » (politiques publiques, redistribution)292(*). Or l'intégration ne peut être réussie que si elle dépasse les Etats pour rapprocher les peuples, que si au delà de l'objectif d'une intégration de marché, se bâtit une « CEMAC du citoyen ». Sur ce point, la « citoyenneté judiciaire293(*) » pourrait contribuer à réduire le déficit démocratique de la Communauté.

La construction de cette « CEMAC du citoyen » n'est possible que si « l'immédiateté descendante » des règles communautaires est complétée par une « immédiateté ascendante » du citoyen vers la Communauté. L'existence de la CJC est justement le signe et la garantie du rôle du droit dans l'ordre juridique communautaire et s'avère être un vecteur fondamental du renforcement de la « Communauté de droit ». L'une des missions de la Cour en accordant la possibilité aux particuliers, personnes physiques ou morales, de s'exprimer devant elle est de leur permettre de faire connaitre leur point de vue sur les normes du droit communautaire et ainsi de donner un « visage plus humain » à la Communauté. La position de la Cour est d'autant plus forte que, contrairement à la situation des Etats où le législateur est le représentant direct de la volonté du peuple, la législation dans le cadre communautaire émane non du Parlement communautaire, mais d'organes nommés, la Conférence des Chefs d'Etats, le Conseil des ministres de l'UEAC, le Comité ministériel de l'UMAC et la Commission dont la représentation démocratique n'est pas supérieure à la sienne294(*). Cette action est d'autant plus importante en l'absence d'un médiateur comme dans le système de l'UE295(*).

La CJC se présente ensuite non pas comme un simple organe judiciaire, ni même seulement une autorité judiciaire mais comme un véritable « pouvoir judiciaire »296(*). D'un pouvoir judiciaire, la Cour possède d'abord les moyens. Seule interprète en dernier ressort des textes communautaires, elle possède un pouvoir suprême. Institution au même titre que l'UEAC, l'UMAC, la Cour des comptes et le Parlement communautaire, et donc bénéficiant en principe de l'indépendance organique, elle incarne un pouvoir autonome. Mais surtout, ses décisions s'imposent irrévocablement, elle possède un « pouvoir souverain ». A constituer un véritable « pouvoir judiciaire », la Cour dispose ensuite d'un titre incontestable. Elle n'est pas seulement un juge auquel il appartient spécialement d'assurer en vertu de l'article 48 du Traité, le respect du droit dans l'interprétation et dans l'application du Traité, mais aussi une institution à laquelle il incombe en vertu des articles 2 et 10 du Traité et comme les autres institutions à assurer la réalisation des tâches confiées à la Communauté. Il lui reste seulement de s'approprier ses attributions de juge, dépositaire suprême de l'intérêt communautaire, en montrant comme son homologue européen qu'elle avait la volonté d'exercer pleinement ces responsabilités. Comme la CJCE donc, la Cour devrait ouvrir son prétoire aux justiciables afin d'affiner et exercer pleinement son pouvoir. La Cour de N'djamena, on l'a dit, en a les moyens.

PARAGRAPHE II- LES MOYENS À LA DISPOSITION DU JUGE POUR UNE OUVERTURE DU PRÉTOIRE COMMUNAUTAIRE.

L'enjeu d'une politique jurisprudentielle plus libérale dans l'examen de la recevabilité est pour le juge de la CJC une extension de la portée réelle de sa fonction (A). Le juge de N'djamena dispose pour cela de plusieurs « armes tactiques » dont n'a pas hésité à user le juge de Luxembourg (B).

A- L'extension de la portée réelle de sa fonction.

A la lecture du Traité instituant la CEMAC et de la Convention CJC, il appert clairement que les auteurs de ces textes ont entendu confier à la Cour de justice la responsabilité de garantir que la mise en oeuvre de leur projet commun s'effectuerait en conformité avec les dispositions conventionnelles. La juridiction communautaire, compte tenu de l'étendue des fonctions judiciaires qui lui sont imparties, pourrait à partir d'une interprétation constructive de ses compétences contentieuses et notamment des conditions de recevabilité, étendre le contrôle de la régulation de l'ensemble du système normatif établi par les traités, de façon à assurer le respect de la « charte constitutive » aussi bien par les institutions (1) que par les Etats membres (2).

1- Le contrôle des actions des institutions communautaires.

Le Traité instituant la CEMAC et la Convention régissant la CJC ont instauré un système de contrôle juridictionnel perfectionné à l'égard des actes adoptés par les organes d'action établis par les « chartes constitutives ». Les Etats fondateurs ont en effet entendu imposer aux institutions dans leur activité juridique un strict respect du droit, sanctionné par une série de voies de droit permettant la saisine de la Cour de justice, aussi bien au titre du contentieux de la légalité qu'à celui de la responsabilité. Tirant les conséquences de cette volonté manifeste des Etats membres, le juge communautaire devrait s'employer à donner leur pleine efficacité aux compétences qui lui sont attribuées, à travers une interprétation libérale des conditions de recevabilité.

En premier lieu, la Cour devrait élargir, pour autant que des stipulations délibérément restrictives ne le lui interdisent pas, les critères fixés pour la mise en oeuvre du contrôle de la légalité des actes à travers une conception extensive de la notion d'acte attaquable. A ce propos, la CJC pourrait s'inspirer du raisonnement du juge de Luxembourg dans l'affaire AETR pour le recours en annulation :

« ce recours tend à assurer, (...) le respect du droit dans l'interprétation et l'application du traité (...) Il serait contraire à cet objectif d'interpréter restrictivement les conditions de recevabilité du recours en limitant sa portée aux seules catégories d'actes visés par l'article 189 (...).Le recours en annulation doit être ouvert à l'égard de toutes les dispositions prises par les institutions, quelles qu'en soient la nature ou la forme qui visent à produire des effets de droit297(*) ».

Cet attendu que le professeur Denys Simon qualifie de « principe », vise selon lui à rejeter l'argumentation du Conseil, tendant à limiter la notion d'acte susceptible de recours au sens de l'article 173 aux seuls actes énumérés par l'article 189 exception faite des recommandations et avis, et à dénier par conséquent la qualité d'acte attaquable à sa délibération qui faisait l'objet du litige. La solution de la Cour est d'autant plus importante qu'elle écarte en même temps l'argument subsidiaire présenté par le Conseil, selon lequel « dans le cas d'un litige entre institutions, la recevabilité devrait être appréciée d'une manière particulièrement rigoureuse298(*) ».

En second lieu, la CJC devrait accueillir plus libéralement les requérants à travers une interprétation plus souple de l'intérêt à agir, surtout pour les requérants non destinataires de l'acte. S'agissant par exemple des entreprises ; une entreprise placée en situation de concurrence avec le destinataire de l'acte devrait pouvoir agir contre l'acte visé299(*). Ainsi sans aller à l'encontre de la volonté explicite des Etats membres, la Cour devrait se montrer favorable à une interprétation extensive des conditions de recevabilité des recours, de façon à renforcer son contrôle sur les actes adoptés par les institutions communautaires et sur le comportement des Etats membres.

2- Le contrôle du comportement des Etats membres

Le docteur Jean Kenfack explique l'échec des organisations d'intégration africaines par l'effritement de leur ordre juridique dû à la « vulnérabilité des institutions et de facteurs d'affaiblissement des actes juridiques communautaires et d'intégration. Cette situation est générale en Afrique, mais le cas de l'Afrique Centrale est plus caractéristique de la propension des sujets du droit communautaire ou de l'intégration économique à se soustraire à la contrainte des actes juridiques 300(*)».

S'il est vrai que la CJC s'est toujours préoccupée de ne pas empiéter sur les compétences du juge interne et sur l'autonomie institutionnelle des Etats membres, par une interprétation indûment extensive de sa propre fonction, le souci de garantir le respect par les instruments communautaires devrait la conduire à donner leur plein effet aux moyens contentieux dont elle dispose pour soumettre à son contrôle, fût-ce de façon indirecte l'action des Etats membres dans l'application des normes communes. Sur ce plan, l'introduction dans l'ordre juridique communautaire du recours en manquement constitue une véritable avancée. Mais ce recours ne peut produire son plein effet que si la Cour interprète largement, mais rigoureusement, les conditions de recevabilité en élargissant par exemple la définition de l'objet même du manquement dans un sens favorable à une extension de son contrôle.

La CJCE s'est efforcée de compenser les insuffisances de ce contrôle juridictionnel direct par le jeu combiné de l'effet direct et du recours préjudiciel en interprétation permettant, grâce à la collaboration du juge national et du juge communautaire, de sanctionner indirectement l'inobservation par les Etats membres des règles communes301(*). Ainsi, tout en insistant sur l'autonomie de deux voies de droit permettant de censurer la violation par les Etats de leurs obligations, le juge communautaire européen met l'accent sur leur complémentarité qui assure, grâce à un véritable concours d'actions judiciaires, un contrôle renforcé du respect par les autorités nationales des obligations imposées par l'application des traités.

Le véritable contrôle du comportement des Etats membres appelle du juge CEMAC une politique jurisprudentielle double : devant son prétoire un assouplissement des conditions de recevabilité du recours en manquement et des autres voies susceptibles de lui permettre de contrôler le comportement des Etats membres en aval, mais déjà en amont inciter les juges nationaux à assouplir les conditions de recevabilité des actions fondées sur le droit communautaire et de se reconnaitre compétent pour statuer sur de telles actions302(*). C'est là l'une des stratégies jurisprudentielles du juge de Luxembourg.

B- Les « armes tactiques » du juge : La stratégie jurisprudentielle de la CJCE.

Antérieure à la CJC, la CJCE revêt un intérêt certain pour l'étude de la juridiction communautaire de N'djamena non pas seulement parce qu'elle a servi de modèle aux concepteurs de la CJC, mais également parce que sa jurisprudence révèle un rôle prépondérant dans l'édification de la Communauté qu'il est à souhaiter pour les pays d'Afrique centrale.

La Cour de justice des Communautés européennes, comme la Cour de justice communautaire de la CEMAC, est compétente pour appliquer et interpréter les traités et les actes pris par les institutions communautaires. A cet égard, elle fait preuve d'un dynamisme particulier s'efforçant de donner aux dispositions de droit communautaire un maximum d'effet. En recourant à des méthodes d'interprétation positive, fondées sur les finalités des traités, elle participe d'une manière constructive au développement du processus d'intégration européenne. Il s'agit toujours pour la juridiction communautaire européenne de faire prévaloir la logique permanente de la construction communautaire sur les défaillances contingentes de la volonté politique, de donner la priorité à l'intention globale et objective des Etats sur leurs réticences conjoncturelles, d'assurer la réalisation effective des finalités incluses dans le système des traités malgré la carence des institutions communautaires ou des gouvernements nationaux. La même démarche se trouve dans l'effort entrepris par la CJCE pour développer une «  jurisprudence valorisée303(*) », destinée à compenser le déficit démocratique des communautés, en renforçant la protection des justiciables. L'accroissement des garanties juridictionnelles des sujets de l'ordre juridique communautaire apparait en effet, comme la seconde ligne de force de la stratégie jurisprudentielle mise en oeuvre par le juge. L'extension des conditions et des effets de l'applicabilité directe, la portée reconnue aux mécanismes de renvoi préjudiciels, l'élargissement de la recevabilité des recours en annulation, l'introduction dans le contentieux communautaire des principes tels que la sécurité juridique ou la confiance légitime, se présentent comme autant d'illustrations d'une politique interprétative cohérente, orientée vers l'amélioration de la protection des droits des particuliers à l'égard des actes communautaires comme des mesures nationales304(*).

Le rappel de l'existence d'un ordre juridique propre apparaît ainsi comme le premier élément du raisonnement qui a amené le juge communautaire européen à l'élargissement des conditions de recevabilité des particuliers. L'assimilation du traité à une constitution a été la conséquence des développements considérables, dans le système des sources du droit communautaire des « principes généraux du droit » et, tout particulièrement parmi eux, des droits fondamentaux destinés à protéger les personnes. L'on sait en effet qu'aujourd'hui, grâce à la jurisprudence de la CJCE, dont l'action s'est trouvée, d'une certaine façon, entérinée par les traités de Maastricht et d'Amsterdam, il existe dans le système juridique communautaire une protection des droits de la personne aussi complète que celle que l'on peut trouver dans n'importe quel Etat membre de l'Union européenne ou dans la convention européenne des droits de l'homme305(*). En effet les traités communautaires n'énoncent pas un éventuel droit au juge au niveau national. C'est par le détour des principes généraux du droit que la CJCE a forgé sa propre jurisprudence sur le droit au juge, instrument de mise en oeuvre effective et uniforme du droit communautaire. Dans l'arrêt Simmenthal, la Cour souligne que l'obligation de faire prévaloir l'effectivité de la norme communautaire pèse sur tout juge qui « a, en tant que organe d'un Etat membre, pour mission de protéger les droits conférés aux particuliers par le droit communautaire »306(*). En vertu du partage de compétences qui existe entre la Communauté et ses Etats membres, ces derniers jouissent d'une grande liberté quant à l'organisation de leur système procédural et contentieux. Toutefois, selon une jurisprudence communautaire bien établie, d'une part, pour la mise en oeuvre des droits fondés sur le droit communautaire, les Etats membres doivent mettre en place des procédures qui ne soient pas moins favorables que celles visant à la sauvegarde des droits fondés sur des dispositions nationales, c'est le principe du traitement national ; d'autre part, en vertu du principe d'effectivité, ces procédures ne doivent pas être de nature à rendre « pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice de ces droits que les juridictions nationales ont l'obligation de sauvegarder307(*) ». Cette dernière formule montre toute l'importance que la Cour de justice attache à l'accès à la justice nationale en tant que moyen d'assurer le respect du droit communautaire308(*).

Devant son prétoire, la Cour de justice des communautés européennes suit le même raisonnement en affirmant clairement que « les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme peuvent également fournir des indications dont il convient de tenir compte dans le cadre du droit communautaire309(*) ». On ne s'étonnera pas alors que le juge Puissochet, après avoir affirmé en 1996 que « tout se passe comme si la convention européenne des droits de l'homme était l'une des sources formelles du droit communautaire », puisse aujourd'hui énoncer sans ambages que la Cour de justice des communautés « applique directement la convention européenne des droits de l'homme310(*) ».

L'une des principales « armes » du juge communautaire est également la motivation. On sait l'importance de la motivation d'exposition pour emporter la conviction quant à la cohérence rationnelle et à la certitude juridique d'une décision de justice. Or à cet égard, affirme le professeur Denys Simon,

« la rédaction des arrêts de la Cour de Luxembourg constitue un modèle du genre : l'abandon du style discursif au profit de la forme syllogistique confère aux sentences de la Cour la majestueuse rigueur des déductions logiques, faisant apparaître l'interprétation comme la seule légitime ; l'appel fréquent au raisonnement par enthymème, c'est-à-dire au syllogisme dont la majeure est sous-entendue, permet au juge de masquer sa part de création incluse dans la détermination des prémisses de sa déduction, et de faire apparaître sa démarche comme un enchainement nécessaire des syllogismes irréfutables. En outre, la Cour n'hésite pas à faire appel au « raisonnement par accumulation » pour renforcer la valeur convaincante de sa démonstration, en particulier dans les hypothèses où la multiplication des arguments permet de pallier leur relative faiblesse intrinsèque311(*) ».

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

« Il est indéniable qu'un tribunal dit le droit mais ne légifère pas. Dans la pratique toutefois, il est extrêmement difficile de faire le départ. Sans doute les juges disent le droit, mais ils n'obéissent pas à des automatismes. On ne peut nier dans leurs activités judiciaires un certain pouvoir créateur. Ce qui ne leur est pas permis, c'est de créer le droit indépendamment d'un système, d'une institution ou d'une norme juridique existants. Ce qui leur est permis, c'est d'énoncer ce qu'on peut logiquement déduire de la raison d'être d'un système juridique, d'une institution ou d'une norme juridique312(*) ».

Cette affirmation du juge Tanaka montre bien la limite dans laquelle doit se mouvoir le juge communautaire dans l'interprétation des règles de recevabilité relatives aux requêtes. Si jusqu'ici la CJC a fait preuve d'une prudence dans l'examen des conditions de recevabilité notamment concernant les particuliers, la tendance émergente d'une politique interprétative que nous qualifions de constructive, doit être saluée et encouragée. La juridiction communautaire de N'djamena sans violer systématiquement les règles de recevabilité et ouvrir la porte à un laxisme procédural, doit rejeter comme sa consoeur européenne, la thèse de la prévalence absolue des textes à travers une interprétation littérale, privilégier l'intention globale et médiate découlant de la logique interne du système. C'est la logique de la « Communauté de droit » proclamée.

CONCLUSION GENERALE

« S'interroger sur les conditions d'accès au juge constitutionnel, juge des normes, c'est bien davantage qu'exposer de simples techniques procédurales. C'est mesurer l'efficacité du conseil constitutionnel313(*) ». Adaptés au contexte communautaire et à la CJC dont la nature constitutionnelle a été démontrée, ces mots de Pascal Jan nous permettent d'évaluer l'accès à la justice communautaire tel qu'il résulte des textes et de la pratique juridictionnelle de la Communauté. A cet égard, l'accès au juge communautaire est dominé par une double logique : d'abord un accès quasi-illimité pour les requérants institutionnels, en raison de leur qualité qui laisse présumer à tout moment un intérêt pour la défense de la légalité communautaire, même si on l'a vu ce n'est pas toujours vrai au regard des égoïsmes nationaux et peut traduire un certain inter-étatisme dans la démarche communautaire centrafricaine. Ensuite, un accès plus restrictif et encadré des particuliers, personnes physiques ou morales, à la juridiction communautaire. Cela découle d'abord des textes rédigés dans un style qui laisse peu de marge d'appréciation au juge. Or comme le relève le professeur Denys Simon, « la marge de liberté dont dispose le juge est directement conditionnée par le degré d'indétermination des normes applicables : ce sont en définitive les obscurités, les contradictions et les lacunes du texte conventionnel qui fournissent au juge l'occasion de mettre en oeuvre une politique interprétative autonome 314(*)».

C'est justement là la seconde cause de cette fermeture du prétoire communautaire aux particuliers : le juge communautaire de la CEMAC n'a pas toujours voulu, pu ou su donner une interprétation maximale aux critères textuels de recevabilité des recours lorsque ceux-ci sont apparus flous, obscurs ou contradictoires. Bien au contraire, il a contribué parfois à rationner la justice communautaire par une démarche balbutiante et hésitante se traduisant par des décisions contradictoires de nature à troubler les citoyens déjà peu au fait du droit communautaire. Heureusement, l'on note une véritable tendance du juge de N'djamena, à adopter une méthode évolutive et une interprétation finaliste de certaines conditions de recevabilité. Cette démarche amorcée par la Chambre judiciaire de l'ancienne formule de la Cour de justice si elle était confirmée par la CJC contribuerait, à n'en pas douter, à combler le déficit démocratique d'une Communauté.

De manière générale, les conditions de recevabilité devant la CJC se rapprochent en bien des points de celles applicables devant les juridictions administratives de la plupart des Etats membres. En effet, à l'exception notable de la Guinée Equatoriale, les Etats membres de la CEMAC ont hérité de la puissance colonisatrice française l'essentiel des règles procédurales dans le contentieux administratif interne, qu'ils n'ont pas hésité à transposer avec quelques adaptations nécessaires à la juridiction communautaire. Sur ce point, il sera particulièrement intéressant d'observer le comportement du juge de N'djamena face aux voies de droit nouvelles, recours en carence et en manquement, qui n'ont pas leur pendant en droit interne et que le juge devra découvrir en même temps que les justiciables, requérants institutionnels.

Notre principale hypothèse selon laquelle les juges communautaires, ressortissants de pays membres, auront tendance à reproduire au niveau communautaire les travers de la justice interne se trouve en partie confirmée. Le juge communautaire d'Afrique Centrale fait montre dans certaines circonstances d'une prudence qui frise la pusillanimité dans l'application des règles de recevabilité. De plus, on note devant le juge de N'djamena comme dans les ordres juridiques internes une rigueur se traduisant par l'absence de possible régularisation ou de délais raisonnables. Mais il convient de relativiser ce postulat de départ par la hardiesse dont a fait preuve le juge dans certains cas pour préserver l'ordre juridique communautaire.

Les résultats de cette étude doivent être toutefois être nuancés par deux principales réserves. D'abord, la nature hybride de ce travail entre le projeté et l'existant. En effet, l'absence de règlement de procédure de la nouvelle juridiction et d'une jurisprudence sur certains points nous ont conduit à nous appuyer sur les textes de la Chambre judiciaire, mais aussi à faire abondamment recours à la jurisprudence communautaire européenne en ce qui concerne les voies de droit nouvelles. Rien n'empêche la Cour dans sa jurisprudence à venir à adopter une démarche davantage libérale des critères de recevabilité des requêtes. Ensuite, l'on ne saurait se faire une idée exacte et complète de l'accès à la justice communautaire et de son efficacité qu'en tenant compte de l'existence de l'ensemble juridictionnel auquel collaborent les juges nationaux et la CJC. En effet, le système judiciaire communautaire n'a ni pour but, ni pour effet de soumettre à la Cour de justice communautaire tous les litiges mettant en jeu le droit communautaire. Au contraire, celle-ci n'exerce selon le professeur Isaac qu'une « compétence d'attribution 315(*)» et les juridictions nationales sont érigées en instances de droit commun pour l'application du droit communautaire. Au surplus, cette compétence est réduite au strict minimum compatible avec l'autonomie de la Communauté : en dehors des recours en annulation et en carence contre les institutions, des recours en manquement contre les Etas et enfin des recours en responsabilité extracontractuelle de la Communauté attribuée à la Cour, c'est l'ensemble du contentieux entre particuliers, entre les particuliers et les Etats membres et même, en matière contractuelle, entre les particuliers et la Communauté elle-même qui relève des juridictions nationales. Il nous semble donc utile qu'une recherche soit menée de façon plus générale sur l'accès à la justice communautaire dans le système juridictionnel de la CEMAC.

En définitive, si jusqu'ici l'intégration en zone CEMAC a surtout été marquée par le succès de l'intégration monétaire au détriment des autres aspects, pour le juriste c'est surtout la dynamique normative, l'aspect évolutif du droit communautaire qui retient l'attention car elle permet d'appréhender de façon globale et réelle les contraintes du processus d'intégration. Cette intégration par le droit, qu'évoque l'expression même de « Communauté de droit » n'est possible que si le « pouvoir judiciaire » qu'incarne la CJC joue véritablement son rôle. Cela passe par une ouverture de son prétoire à travers la lecture et une interprétation rigoureuse mais libérale des conditions de recevabilité des requêtes. Il est donc heureux que la CJC opte pour une méthode évolutive et une interprétation finaliste des critères de recevabilité des recours. En effet, dans un contexte international marqué par la prise en compte des droits de l'homme dans l'évolution du droit, la CJC ne saurait, ne pourrait s'inscrire dans une dynamique limitative et exclusive du droit à l'accès au juge alors même que les Etats membres vont, sous la pression de la « Communauté internationale », dans le sens contraire. Comme l'écrit fort à propos le professeur Zoller, « le droit doit être le miroir de la volonté générale, et non celui de la volonté des juges316(*) ».

ANNEXES

ANNEXE II

TABLEAU RECAPITULATIF DE L'ISSUE DES REQUETES DEVANT LA CHAMBRE JUDICIAIRE DE LA COUR DE JUSTICE DE LA CEMAC.

13 DECEMBRE 2001- 19 JUIN 2008.

Nature du recours

Désistement

Incompétence

Irrecevabilité

Recevabilité

Total

Demande d'avis

 
 
 

05

05

Requête aux fins de sursis à exécution

 

02

 

04

06

Requête en référé

01

 

01

 

02

Requête en récusation

 
 
 

01

01

Exception de procédure

 
 
 

02

02

Requête aux fins d'intervention

 
 
 

03

03

Requête en annulation

01

01

02

01

05

Demande de paiement d'honoraires

01

 
 
 

01

Recours en révision

 
 

02

 

02

Requête aux fins de réparation ou d'indemnisation

 
 

02

05

07

Recours en interprétation et en rectification

 
 
 

01

01

Recours en contentieux de la fonction publique communautaire

 
 

01

 
 

Total.

03

03

08

22

36

ANNEXE III

TABLEAU RECAPITULATIF DES CAUSES D'IRRECEVABILITE DES REQUETES DEVANT LA CHAMBRE JUDICIAIRE DE LA COUR DE JUSTICE DE LA CEMAC.

13 DECEMBRE 2001-19 JUIN 2008.

 

Requête en référé

Recours en contentieux de la fonction publique

Recours en révision

Recours en annulation

Total

Absence de connexité de mesures urgentes et action principale

01

 
 
 

01

Défaut de recours administratif préalable

 

03

 
 

03

Autorité de la chose jugée

 
 

01

 

01

Non respect des délais prescrits

 
 

01

01

02

Non établissement de la fausseté des pièces

 
 

01

 

01

Total

01

03

03

01

08

BIBLIOGRAPHIE

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IV- Textes Conventionnels

- Acte additionnel N° 4/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02 du 14 décembre 2000 portant Règles de procédure de la Chambre judiciaire de la CEMAC.

- Convention régissant la Cour de justice Communautaire

- Règlement N° 8/99/UEAC-007-CM-02 du 18 août 1999 portant statut des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC)

- Traité révisé de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) du 25 juin 2008.

V- Jurisprudence

Ø Chambre Judiciaire de la Cour de justice de la CEMAC

- Avis N° 004/2003 Demande d'avis du Directeur de l'ISSEA sur l'interprétation à donner à l'article 21 point e de l'annexe II du statut de l'ISSEA fixant le régime des prestations familiales accordées aux personnels de l'ISSEA.

- Arrêt N° 001/R/CJ/CEMAC/CJ/02 du 15/01/2002, aff. Tasha L. Lawrence c/ COBAC, Amity Bank (Requête en référé aux fins d'interdiction d'augmentation du capital de Amity Bank Cameroon).

- Arrêt N° 02/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 06/02/2002, aff. M. Tasha L. Lawrence c/ M. Jean Mongo Antchouin (Président) (récusation du président Jean Antchouin).

- Arrêt N° 004/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 16 mai 2002, aff. Tasha L. Lawrence c/ Amity Bank Cameroon S.A (Exception d'irrecevabilité de l'intervention forcée de l'Amity Bank formée par Tasha L. Lawrence)

- Arrêt N° 003/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 16 mai 2002, aff. COBAC c/ Tasha L. Lawrence (Exception de procédure soulevée par la COBAC).

- Arrêt N° 005/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 06/06/2002, aff. Amity Bank Cameroon SA. c/ Tasha L. Lawrence (Requête aux fins d'intervention volontaire de Amity Bank dans les procédures engages par Tasha Loweh Lawrence contre la COBAC et autres).

- Arrêt N° 006/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 06 juin 2002, aff. Tasha L. Lawrence c/ Anomah Ngu Victor et Sanda Oumarou (Requête en intervention forcée aux fins de déclaration de jugement commun)

- Arrêt N° 007/CJ/CEMAC/CJ/02 du 11/07/2002, aff. AFISCO c/ CEBEVIRHA (Recours en annulation).

- Arrêt N° 001/CJ/CEMAC/CJ/03 du 20/02/2003, aff. Gozzo Samuel Aaron c/ CEBEVIRHA (Requête aux fins d'indemnisation)

- Avis N° 001/2003 du 21 février 2003 Demande d'avis du Directeur General de l'ISTA sur les modalités d'application de la résolution du Conseil d'administration de l'ISTA relative à la fixation des indemnités de fonction des cadres de cet organisme ; Avis N° 004/2003 du 7 juillet 2003 Demande d'avis du Directeur de l'ISSEA sur l'interprétation à donner à l'article 21 point e de l'annexe II du statut de l'ISSEA fixant le régime des prestations familiales accordées aux personnes de l'ISSEA

- Avis N° 002/2003 du 9 avril 2003 Demande d'avis du Gouverneur de la BEAC sur l'avant projet de règlement CEMAC relatif aux systèmes, moyens et incidents de paiement, Avis N 003/2003 du 9 avril 2003 Demande d'avis du Gouverneur de la BEAC sur l'avant-projet de règlement relatif à la prévention et à la répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme.

- Avis N° 003/2003 du 09 avril 2003 Demande d'avis du Gouverneur de la BEAC sur l'Avant projet de Règlement relatif à la répression et à la répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme.

- Arrêt N° 002/CJ/CEMAC/CJ/03 du 03/07/2003, aff. Tasha Loweh Lawrence c/ Décision COBAC D-2000/22 et Amity Bank Cameroon PLC, Sanda Oumarou, Anomah Ngu Victor (sursis à exécution de la décision COBAC-2000 et de désignation d'un administrateur judiciaire)

- Arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/03 du 03/07/2003, aff. Tasha Loweh Lawrence c/ Décision COBAC d-2000/22 Amity Bank Cameroon PLC, Sanda Oumarou, Anomah Ngu Victor (Recours en annulation de la décision COBAC D-2000/22).

- Arrêt N° 004/CJ/CEMAC/CJ/03 du 17 juillet 2003, aff. Thomas Dakayi Kamga c/ CEMAC (Requête aux fins d'indemnisation).

- Arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/04 du 16/12/2004, aff. Tasha Loweh Lawrence c/ Arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/03 et Société Amity Bank Cameroun PLC (Recours en révision).

- Arrêt N° 002/CJ/CEMAC/CJ/04 du 16 décembre 2004, aff. recours en interprétation et en rectification de Tasha Loweh Lawrence c/ arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/03 et Société Amity Bank Cameroon PLC

- Avis N° 001/2005 du 24 mars 2005 Demande d'avis du Directeur General de l'ISSEA sur l'interprétation de l'article 72 du statut de l'ISSEA, relative au remboursement des frais de scolarité des enfants à charge des fonctionnaires inscrits dans les établissements scolaires du pays d'affectation, et émanant de cet organe de la CEMAC

- Arrêt N° 001/CJ/CEMAC/CJ/05 du 07 avril 2005, aff. Tasha Loweh Lawrence c/ CEMAC représentée par son Secrétaire exécutif (recours en indemnisation)

- Arrêt N° 002/CJ/CEMAC/CJ/07 du 1er février 2007, aff. société Price Waterhouse (FIDAFRICA) c/ Décision COBAC N° D-2006/132 (Requête aux fins de sursis à exécution de ladite décision).

- Arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/07 du 1er février 2007, aff. société Price Waterhouse (FIDAFRICA) c/ Décision COBAC N° D-2006/113 (Requête aux fins de sursis à exécution de ladite décision)

- Arrêt N° 004/CJ/CEMAC/CJ/07 du 22 mars 2007, aff. Dieudonné Nang Eko et autres c/ ISTA (Recours en annulation des statuts révisés de l'ISTA)

- Arrêt N° 005/CJ/CEMAC/CJ/07 du 10/05/2007, aff. USTC et Syndicat des douaniers centrafricains c/ l'Etat Centrafricain (Requête aux fins de sursis à exécution du décret N° 06.289 du 02 septembre 2006 du Chef de l'Etat Centrafricain).

- Arrêt N° 006/CJ/CEMAC/CJ/07 du 24/05/2007, aff. Tasha Loweh Lawrence c/ Arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/04 CEMAC et Société Amity Bank Cameroon PLC (Intervenante)

- Arrêt N° 007/CJ/CEMAC/CJ/07 du 31 mai 2007, aff. Assiga Ahanda Jean-Baptiste C/ La BEAC (Requête aux fins de sursis à exécution des décisions N° PSC/879/YA du 13/12/2006 et N° PSC/888/YA du 14/12/2006).

- Arrêt N° 008/ADD/CJ/CEMAC/CJ/07 du 13/06/2007, aff. Guerezebanga Gabriel Gaétan c/ La BDEAC (Recours contre la Résolution N° 299/CA/92/03 du Conseil d'administration de la BDEAC).

- Arrêt N° 010/CJ/CEMAC/CJ/07 du 21 juin 2007, aff. Galbert Abessolo Etoua c/ La CEMAC (Recours en indemnité).

- Arrêt N° 012/CJ/CEMAC/CJ/07 du 07/12/2007, aff. Assiga Ahanda Jean-Baptiste c/ La BEAC (Requête aux fins d'annulation des décisions N° PSC/879/YA du 13/12/2006 et N° PSC/888/YA du 14/12/2006).

- Arrêt N° 011/CJ/CEMAC/CJ/07 du 07/12/2007, aff. Guerezebanga Gabriel Gaétan c/ La BDEAC (Recours contre la Résolution N° 299/CA/92/03 du 24/06/07 du Conseil d'administration de la BDEAC).

- Arrêt N° 001/CJ/CEMAC/CJ/08 du 19 juin 2008, aff. Balla Magloire c/ Ecole Inter-Etats des douanes de la CEMAC (Requête en référé aux fins d'évacuation sanitaire).

- Arrêt N° 001/ADD/CJ/CEMAC/CJ/01 du 13/12 2001, aff. Tasha L Lawrence c/ COBAC (Requêtes aux fins de sursis à exécution de la décision COBAC D-2000/22 et de désignation d'un administrateur judiciaire)

Ø Cour de Justice des Communautés Européennes

- 23 avril 1956, Groupement des industries sidérurgiques luxembourgeoises, aff. 7 et 9/54

- 10 décembre 1957, Usines à tubes de la Sarre, aff. 1/57 et 14/57

- 15 décembre 1961, Fives little cail, aff. 19/60

- 14 décembre 1962, Producteurs de fruits et légumes, aff. 16 et 17/62.

- 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 6/62.

- 5 décembre 1963, société E. Henricot, aff. 23/63.

- 15 juillet 1964, Costa c/ ENEL, aff. 6/64

- 2 décembre 1964, A. Merlini, aff. 11/1

- 31 mars 1965, Dalmas, aff. 21/64

- 31 mars 1965, G. Rauch, aff. 16/64.

- 13 juillet 1965, Lemmerz Werke, aff. 111/63

- 15 décembre 1966, Serio, aff. 62/65

- 19 décembre 1968, Salgoil, aff. 13/68

- 12 février 1970, Commission c/ Italie, aff. 31/69

- 5 mai 1970, Commission c/ Royaume de Belgique, aff. 77/69 

- 18 novembre 1970, Commission c/ Italie, aff. 8/70

- 22 janvier 1971, Balkan Import GmbH, aff. 55/75

- 31 mars 1971, Commission c/ Conseil, aff. 22/70

- 6 juillet 1971, Pays Bas, aff. 59/70.

- 8 mars 1972 Nordgetreide, aff. 42/71 

- 13 novembre 1973, Werhahn c/ Conseil, aff. Jointes 63 à 69/72

- 14 mai 1974, Nold c/ Commission, aff. 4/73

- 14 mai 1975, C.N.T.A., aff. 74/74

- 16 décembre 1976, Rewe et Comet, aff. 33/76 et 45/76 

- 3 mai 1978, Toepfer, aff. 112/77 

- 6 mars 1979, Simmenthal, aff. 92/78

- 10 janvier 1980, Bellintani c/ Commission, aff. 116/78

- 27 mars 1980, Denkavit Italiana, aff. 611/79 

- Ord. 4 février 1981, aff. AM et S. Europe Limited c/ Commission des Communautés européennes, aff. 155/7

- Ord.17 septembre 1981, Oberthür, aff. 24/79

- 18 mai 1982, AM et s Europe Limited c/ Commission des Communautés européennes, aff. 155/7

- 9 novembre 1983, San Giorgio, aff. 199/82

- Ord., 3 juillet 1986, France c/ Parlement, aff. 358/85

- 14 novembre 1989, Grèce c/ Commission, aff. 30/88

- 22 mai 1990, Parlement c/ Conseil, aff. 70/88

- Ord. 13 juin 1991, Sunzest, aff. C-50/90

- 24 novembre 1992, J. Bruckl, aff. C-15/91 et C-108/91

- 29 juin 1993, Gouvernement de Gibraltar c/ Conseil, aff. C-298/89.

- 29 juin 1994, Fiskano, aff. C-135/92.

- 9 août 1994 France c/ Commission, aff. C-327/91 

- Ord. Présidentielle, 30 avril 1997, Morcia Irme c/ Commission, C-89/97

- 10 mars 1998, RFA c/ Conseil, aff. C122-9/95.

- 17 décembre 1998, Banstahgewebe GmbH c/ Commission, aff. C-185/95P

Ø Autres Juridictions

v Cour Internationale de Justice

- 18 juillet 1966, Affaire du Sud ouest africain (2ème phase).

v Tribunal administratif de l'Organisation International du Travail

- Jugement N° 21, Kathryn Bernstein c/ UNESCO

- 11 octobre 1966, jugement N° 17, Jurado c/ OIT

v Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes.

- Ord. 06 février 1992, Cl. Castelleti e.a, T-29/91

v Conseil d'Etat (France)

- 26 juin 1959, syndicat chrétien de l'éducation surveillée

- 8 mars 1963, amicale des membres des tribunaux administratifs

- 29 décembre 2000, caisse primaire d'assurance-maladie de Grenoble

VI- Cours et autres documents

- Mouangue Kobila (J.) Droit institutionnel de la CEMAC, cours polycopié de première année de doctorat, FSJP/ Universités de Douala et de Dschang, Douala/Dschang, novembre-décembre 2005, disponible dans les bibliothèques doctorales de Douala et de Dschang,

TABLE DES MATIERES

DEDICACE i

REMERCIEMENTS ii

LISTE DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS iii

LISTE DES ANNEXES v

SOMMAIRE vi

RESUME vii

ABSTRACT viii

INTRODUCTION GENERALE 1

I- CONTEXTE ET OBJET DE L'ETUDE 2

II- CLARIFICATIONS CONCEPTUELLES 5

1- Recevabilité 5

2- Requête 6

III- INTERET DE L'ETUDE 7

IV- REVUE DE LA LITTERATURE 8

V- DELIMITATION SPATIO-TEMPORELLE 10

VI- PROBLEMATIQUE 10

VII- HYPOTHESES 11

VIII- METHODE DE TRAVAIL 11

IX- ESQUISSE DE PLAN 12

PREMIERE PARTIE : LA RECEVABILITE, UNE EXIGENCE POUR L'EXAMEN AU FOND DE LA REQUETE PAR LE JUGE DE LA CEMAC 13

CHAPITRE I : LES CONDITIONS DE RECEVABILITE 15

SECTION I : LES CONDITIONS RELATIVES AU REQUERANT. 15

Paragraphe I- les conditions objectives 15

A- La détermination nationale de la capacité pour agir en justice 16

1- La capacité des personnes physiques 16

2- La capacité des personnes morales 17

B- La qualité pour agir 18

1- La qualité pour agir à titre principal 18

2- La qualité pour agir au nom d'autrui 20

Paragraphe II : la condition subjective : L'intérêt à agir 21

A- L'intérêt du demandeur 22

1- Les requérants privilégiés : la qualité donnant intérêt à agir 22

2- Les requérants ordinaires 23

B- L'intérêt à intervenir 25

1- L'intervention volontaire 25

2- L'intervention forcée 27

SECTION II : LES CONDITIONS RELATIVES A LA REQUETE. 28

Paragraphe I- les conditions matérielles 28

A- Les préalables procéduraux 28

1- Le recours administratif préalable dans le contentieux de la fonction publique communautaire 28

2- Les phases « précontentieuses » des recours en carence et en manquement 30

B- Les conditions relatives à l'objet du recours 32

1- Les voies de droit visant les institutions communautaires. 32

2- La voie de droit visant les Etats : le recours en manquement. 35

3- Les procédures urgentes et particulières. 35

Paragraphe II - Les conditions formelles 38

A- La présentation de la requête 38

1- Le contenu de la requête 38

2- La forme de la requête 39

B - L'existence d'un différend non éteint 40

1- Les délais d'action 40

2- L'actualité de la réclamation 41

CHAPITRE II : L'EXAMEN DE LA RECEVABILITE 43

SECTION I : LE REGIME DE LA RECEVABILITE DES REQUETES. 43

Paragraphe I- Le statut procédural de la recevabilité. 43

A- La préliminarité de la recevabilité de la requête. 43

1- Recevabilité et compétence 43

2- Recevabilité de la requête et fond du litige 44

B- Le moment de l'appréciation de la recevabilité de la requête 45

Paragraphe II- L'initiative du moyen de recevabilité de la requête. 46

A- Le principe de la présentation par le défendeur 46

B- L'invocation d'office par le juge. 48

SECTION II : LE JUGEMENT SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE. 48

Paragraphe I- L'instruction de la recevabilité. 49

A- Les caractères généraux de la procédure d'instruction. 49

B- L'office du juge rapporteur 51

Paragraphe II- L'effet de la décision sur la recevabilité de la requête 53

A- La décision de recevabilité de la requête. 53

B- La décision d'irrecevabilité. 53

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 55

DEUXIEME PARTIE : LA RECEVABILITE DES REQUETES, UN INSTRUMENT AU SERVICE DE LA POLITIQUE JURISPRUDENTIELLE DE LA COUR DE JUSTICE COMMUNAUTAIRE. 56

CHAPITRE III : UNE POLITIQUE INITIALE RESTRICTIVE DE L'ACCES AU JUGE COMMUNAUTAIRE 58

SECTION I : UNE RIGUEUR TEXTUELLE DESEQUILIBREE. 58

Paragraphe I- Un accès inégalitaire au juge communautaire. 58

A- Un accès quasi-illimité pour les requérants institutionnels. 58

B- L'exclusion des particuliers de certaines procédures. 59

1- La fermeture du recours en manquement 59

2- L'absence de renvois préjudiciels à l'initiative des justiciables. 61

Paragraphe II- Des conditions de recevabilité des requêtes restrictives pour les particuliers. 64

A- Inexistence de « délais raisonnables » 64

B- Le caractère dissuasif des critères de recevabilité relatifs aux particuliers 66

1- Les charges pécuniaires 66

2- Les limites du contentieux de la fonction publique communautaire. 67

SECTION II : UNE RIGIDE INTERPRETATION PRETORIENNE DES CONDITIONS DE RECEVABILITE. 69

Paragraphe I- L'affirmation du caractère d'ordre public des critères de recevabilité. 69

A- L'indisponibilité des conditions de recevabilité des requêtes 70

B- L'absence d' « irrégularités excusables » 71

Paragraphe II- Une reticence qverée à tempérer les règles de recevabilité des requêtes 74

A- Une faible motivation des décisions. 74

CHAPITRE IV : LA TENDANCE NAISSANTE A UNE LIBERALISATION DE L'ACCES AU JUGE COMMUNAUTAIRE. 80

SECTION I : LA « PRUDENTE HARDIESSE » DU JUGE CEMAC DANS L'EXAMEN DE LA RECEVABILITE DES REQUETES. 80

Paragraphe I- L'affirmation d'une certaine volonté de renforcer la protection des droits des particuliers. 80

A- Une interprétation finaliste de certaines conditions de recevabilité. 81

B- La prise en compte des exigences d'une bonne administration de la justice 83

1- Le procès équitable comme principe général du droit communautaire. 83

Paragraphe II- L'autolimitation du juge communautaire, expression d'une prudence. 86

A- Une grande prise en considération du « seuil de tolérance » des Etats membres de la CEMAC 86

B- Le respect scrupuleux du pouvoir discrétionnaire des institutions communautaires. 87

SECTION II- POUR UNE POLITIQUE JURISPRUDENTIELLE PLUS LIBERALE DE LA COUR DANS L'APPRECIATION DE LA RECEVABILITE DES REQUETES 88

Paragraphe I- L'accès au juge, condition nécessaire à l'effectivité de la règle communautaire 89

A- La nature spécifique de la juridiction communautaire. 89

1- Le rôle constitutionnel de la CJC 90

2- L'importance de la jurisprudence dans l'élaboration du droit communautaire. 91

B- La compensation du déficit démocratique de la Communauté. 93

Paragraphe II- Les moyens à la disposition du juge pour une ouverture du prétoire communautaire. 94

A- L'extension de la portée réelle de sa fonction. 95

1- Le contrôle des actions des institutions communautaires. 95

2- Le contrôle du comportement des Etats membres 96

B- Les « armes tactiques » du juge : La stratégie jurisprudentielle de la CJCE. 97

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 101

CONCLUSION GENERALE 102

ANNEXES 106

BIBLIOGRAPHIE 121

TABLE DES MATIERES 131

* 1 Préambule de la Convention régissant la Cour de justice Communautaire.

* 2 J.V. Louis L'ordre juridique communautaire, Luxembourg, collection perspectives européennes, 6ème édition revue et mise à jour, 1993, p.52.

* 3 Sauf précisions contraires, les expressions « Traité instituant la CEMAC », « Traité » et « Traité révisé » renverront au Traité révisé du 25 juin 2008 à Yaoundé.

* 4 Articles 2, 20, 23 et 24 Convention CJC.

* 5 Article 22 Convention CJC.

* 6 J.L. Mouton et C. Soulard, La Cour de justice des communautés européennes, Paris, PUF, Que sais je ?, 1998, p.5.

* 7 Voir G. Isaac Droit communautaire général, Paris, Armand Colin, 5ème édition, 1997,p.220 ; B. Boumakani « Les juridictions communautaires en Afrique noire francophone : La cour commune de justice et d'arbitrage de l'O.H.A.D.A., les cours de justice de l'U.E.M.O.A. et de la C.E.M.A.C. », Annales de la faculté des sciences juridiques et politiques de l'Université de Dschang, Yaoundé, Presses universitaires d'Afrique, tome 3, 1999, p.70. ; J. Mouangue Kobila, Droit institutionnel de la CEMAC, cours polycopié de première année de doctorat, FSJP/ Universités de Douala et de Dschang, Douala/Dschang, novembre-décembre 2005, disponible dans les bibliothèques doctorales de Douala et de Dschang, p. 22.

* 8 Mouton et Soulard voient la principale originalité de la juridiction communautaire dans son exclusivité c'est-à-dire que les litiges sur lesquels elle est spécialement compétente sont soustraits à la compétence des juridictions nationales et les Etats ne peuvent pas soumettre de tels litiges à d'autres juridictions. Mouton et Soulard Op. Cit. p.5.

* 9 L. Cartou L'Union européenne, Paris, Précis Dalloz, 1994, pp. 164-165.

* 10 Mouangue Kobila Op. Cit. p.20.

* 11 J. Rideau Le droit de l'Union Européenne, Paris, PUF, Que sais je ? 2ème édition corrigée, 1998, p.6. ; Louis Op. Cit. p.52.

* 12 Au sens large et exact du terme, le terme « juge communautaire » renvoie non seulement à la CJC, mais aussi aux organes à compétence juridictionnelle crées par les textes communautaires tels la COBAC, et l'ensemble des juridictions des Etats membres qui selon une expression souvent employée sont les juges de droit commun du droit communautaire. Au sens strict, et c'est le sens dont nous userons dans le cadre du présent travail, l'expression renvoie spécifiquement au juge de la CJC.

* 13 J.C. Witenberg « La recevabilité des réclamations devant les juridictions internationales », RCADI, Vol 41, 1932-III, pp. 17-19.

* 14 J. Salmon (dir.) Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, AUF, 2001, p.474.

* 15 C. Santulli Droit du contentieux international, Paris, Montchrestien, 2005, pp. 145-146.

* 16 Cité par Salmon (dir.) Op. Cit. p.932.

* 17 Ibid.

* 18 Ibid. p.986.

* 19 Avis N° 001/2003 du 21 février 2003 Demande d'avis du Directeur General de l'ISTA sur les modalités d'application de la résolution du Conseil d'administration de l'ISTA relative à la fixation des indemnités de fonction des cadres de cet organisme ; Avis N° 004/2003 du 7 juillet 2003 Demande d'avis du Directeur de l'ISSEA sur l'interprétation à donner à l'article 21 point e de l'annexe II du statut de l'ISSEA fixant le régime des prestations familiales accordées aux personnels de l'ISSEA.

* 20 Avis N° 002/2003 du 9 avril 2003 Demande d'avis du Gouverneur de la BEAC sur l'avant projet de règlement CEMAC relatif aux systèmes, moyens et incidents de paiement, Avis N 003/2003 du 9 avril 2003 Demande d'avis du Gouverneur de la BEAC sur l'avant-projet de règlement relatif à la prévention et à la répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme.

* 21 Avis N° 001/2005 du 24 mars 2005 Demande d'avis du Directeur General de l'ISSEA sur l'interprétation de l'article 72 du statut de l'ISSEA, relative au remboursement des frais de scolarité des enfants à charge des fonctionnaires inscrits dans les établissements scolaires du pays d'affectation, et émanant de cet organe de la CEMAC.

* 22 G.M. Chamegueu Le contrôle juridictionnel des activités de la CEMAC, mémoire de DEA en Droit international public, Université de Douala, Faculté des sciences juridiques et politiques, disponible sur http://www.memoireonline.com/08/09/2487/Le-contrle-juridictionnel-des-activites-de-la-CEMAC.html (consultation le 20 août 2009).

* 23 Op. Cit.

* 24 Op. Cit.

* 25 Op. Cit.

* 26 Ibid.

* 27 P. Jan « l'accès au juge constitutionnel francais : modalités et procédures », Revue du Droit public, N° 2, tome 117, Paris, LGDJ, 2001, p. 448.

* 28 R. Kovar « Le droit des personnes privées à obtenir devant la Cour des communautés le respect du droit communautaire par les Etats membres », AFDI, 1966, p. 511.

* 29 C. Santulli Op. Cit. pp. 185-251.

* 30 Deux compréhensions possibles de cet alinéa : soit que l'indépendance proclamée des juges ne doit pas leur faire perdre de vue l'intérêt de la Communauté, soit au contraire que l'intérêt de la Communauté fonde et exige l'indépendance accordée aux membres de la Cour dans l'exercice de leurs fonctions.

* 31 H. Muir-Watt « La fonction subversive du droit comparé », Revue internationale de droit comparé, N° 3, juillet-septembre 2000, Paris, Société de législation comparée, p. 506

* 32 Ibid.

* 33 Santulli Op. Cit. p.188.

* 34 Ibid. p.189.

* 35 Ibid. p.203.

* 36 Ibid. pp.203-251.

* 37 Voir infra Deuxième partie, chapitre IV, section II, paragraphe I,A.

* 38 Voir G. Chamegueu Op. Cit. ; A. Mihia Nana Le contrôle de la légalité des actes déférés à la censure de la Cour de justice de la CEMAC, RSA, Yaoundé, IRIC,2007-2008, p.14.

* 39 R. Chapus Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 8ème édition, 1999, p.385. ; G. Pelissier « recours pour excès de pouvoir (conditions de recevabilité) », F. Gazier, R. Drago (dir.) Répertoire de contentieux administratif, Encyclopédie juridique, 20ème année, tome III, Dalloz, 2003.

* 40 Chapus op. Cit. p.386.

* 41 CJ/CJ CEMAC, Arrêt N° 007/CJ/CEMAC/CJ/07 du 31 mai 2007, Assiga Ahanda Jean-Baptiste C/ La BEAC.

* 42 Santulli Op. Cit. p.294.

* 43 Pelissier Op. Cit. p.20.

* 44 Voir Isaac Op. Cit. pp.256-257 ; J. D. Mouton et C. Soulard La CJCE, Paris, PUF, Que sais-je ?,1998, pp32-33 ; P. Manin Les communautés européennes L'Union européenne, Paris, Pedone, Etudes internationales, N° 6, 5ème édition, 1999, pp.379-385 ; E. Cerexhe Le Droit européen Les objectifs les institutions, Bruxelles, Bruylant, Nauwelaerts, 1989, pp.200-201.

* 45 Manin Op. Cit. p.379.

* 46 CJCE, 8 mars 1972 Nordgetreide, aff. 42/71 ; 24 novembre 1992, J. Bruckl, aff. C-15/91 et c-108/91.

* 47 Manin Op. Cit. p.380.

* 48 CJCE, 3 mai 1978, Toepfer, aff. 112/77 ; 14 décembre 1962, Producteurs de fruits et légumes, aff. 16 et 17/62. Voir Mouton et Soulard Op. Cit. pp.32-33.

* 49 CJCE, 29 juin 1993, Gouvernement de Gibraltar c/ Conseil, aff. C-298/89.

* 50 Manin Op. Cit. pp.380-381.

* 51 Article 8 RPCJ.

* 52 Conclusions de l'Avocat général Roemer, CJCE, 2 décembre 1964, A. Merlini, aff. 11/1.

* 53 CJCE (ord.) 17 septembre 1981, Oberthür, aff. 24/79.

* 54 T. Tekebeng L'intervention devant la Cour de justice de la CEMAC, RSA, Yaoundé, IRIC, 2007-2008, p.24.

* 55 Il nous semble en effet incorrect de qualifier tout intervenant de partie ; il y'a comme nous le démontrons des intervenants parties et des intervenants qui ne sont pas parties.

* 56 Voir CJ/CJ CEMAC, Arrêt N° 001/ADD/CJ/CEMAC/CJ/01 du 13/12 2001, aff. Tasha L Lawrence c/ COBAC.

* 57 O. De Schutter « Le tiers à l'instance devant la Cour de justice de l'Union européenne », H. Ruiz Fabri et J.M. Sorel (dir.) Le tiers à l'instance devant les juridictions internationales, Paris, Pedone, collection contentieux international, 2005, p.86.

* 58 Article 9 RPCJ.

* 59 B. Pacteau Traité de contentieux administratif, Paris, PUF, collection droit fondamental, 2008, p.174.

* 60 Santulli Op. Cit. p.216.

* 61 Ibid. p.237.

* 62 C'est la qualification la plus usuelle et la plus répandue. Voir Mouton et Soulard Op. Cit. p.31 ; Manin Op. Cit. p.391.

* 63 Isaac Op. Cit. p.253.

* 64 J. Boulouis, M. Darmon Contentieux communautaire, Paris, Précis Dalloz, 1997, p.74.

* 65 Ibid.

* 66 Pelissier Op. Cit. p.27.

* 67 CJCE, 22 mai 1990, Parlement c/ Conseil, aff. 70/88.

* 68 Isaac Op. Cit. p.255.

* 69 Pacteau Op. Cit. pp.174-175.

* 70 R. Chapus Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 8ème édition, 1999, p.408.

* 71 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 003/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 16/05/2002, aff. COBAC c/ Tasha L. Lawrence.

* 72 R. Mehdi « Le juge communautaire et l'urgence », H. Ruiz Fabri (dir.) Le contentieux de l'urgence et l'urgence dans le contentieux devant les juridictions internationales : regards croisés, Paris, Pedone, collection contentieux international, 2001, p.71.

* 73 CJCE (Ord. Présidentielle), 30 avril 1997, Morcia Irme c/ Commission, C-89/97.

* 74 G. Cornu Vocabulaire juridique cité par Tekebeng Op. Cit p.2.

* 75 De Schutter Op. Cit. p.86.

* 76 Le professeur Jouannet apporte une autre distinction entre l'amicus curiae et le tiers à l'instance : « Tous ont un intérêt à l'instance qui les implique d'une manière ou d'une autre dans la résolution du différend, mais il y'a ceux dont l'intérêt est juridique. Les premiers sont témoins ou amicus curiae lorsqu'ils attestent d'un intérêt de cette nature. Les seconds font partie des intervenants potentiels au sens juridique du terme ». E. Jouannet « Quelques perspectives théoriques : Incertitudes sur le tiers et désordres de la justice internationale », Le tiers à l'instance devant les juridictions internationales Op. Cit. p.759.

* 77 CJCE (ord.), 4 février 1981, aff. AM et s Europe Limited c/ Commission des Communautés européennes, aff. 155/7 et arrêt du 18 mai 1982.

* 78 Tekebeng Op. Cit. p.33.

* 79 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 005/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 6 juin 2002 Op. Cit.

* 80 Santulli Op. Cit. p.300.

* 81 CJCE (ord.), 3 juillet 1986, France c/ Parlement, aff. 358/85.

* 82 Pacteau Op. Cit. p.282.

* 83 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 006/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 06 juin 2002, Tasha L. Lawrence c/ Anomah Ngu Victor et Sanda Oumarou.

* 84 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 004/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 16/05/2002, Tasha L. Lawrence c/ Amity Bank Cameroon S.A.

* 85 Désormais le Président de la Commission.

* 86 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 01/CJ/CEMAC/CJ/06 du 20 juin 2006, aff. Mokamanede John Wilfrid c/ Ecole Inter-Etats des Douanes de la CEMAC.

* 87 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 001/CEMAC/CJ/04 du 18 mars 2004, aff. Galbert A. Etoua c/ CEMAC ; voir aussi arrêt N° 009/CJ/CEMAC/CJ/07 du 14 juin 2007, aff. Madame Jeanne Lucie Lacot c/ L'EIED ; arrêt N° 002/CJ/CEMAC/CJ/05 du 9 juin 2005, aff. Okombi Gilbert c/ CEMAC.

* 88 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/05 du 16 décembre 2005, aff. Asngar Miayo c/ EIED ; arrêt N° 01/CJ/CEMAC/CJ/06 du 20 juin 2006, aff. Mokamanede John Wilfrid c/ EIED Op. Cit.

* 89 Pacteau Op. Cit. p.201.

* 90 Aff. Madame Jeanne Lucie Lacot c/ L'EIED Op. Cit. 

* 91 Op. Cit.

* 92 Voir aussi aff. Mokamanede Op. Cit.

* 93 Aff. Madame Jeanne Lucie Lacot Op. Cit.

* 94 Voir infra deuxième parie, chapitre III, section II, paragraphe II, A.

* 95 CJCE, 6 juillet 1971, Pays Bas, aff. 59/70.

* 96 Voir J. Boulouis Droit institutionnel de l'Union européenne, Paris, Montchrestien, 6ème édition, 1997, pp.359-360 ; Mouton et Soulard Op. Cit. p.38 ; Manin Op. Cit. p.393 ; Isaac Op. Cit. pp.258-259 ; Boulouis, Darmon Op. Cit. pp 227-228, 230-232.

* 97 CJCE, 12 février 1970, Commission c/ Italie, aff. 31/69.

* 98 Isaac Op. Cit. pp.282-287 ; Boulouis, Darmon Op Cit. pp 274-281 ; Cerexhe Op. Cit. pp197, 205-206 ; Manin Op. Cit. pp 363-366 ; Mouton et Soulard Op. Cit. pp44-45.

* 99 J. Kenfack Les actes juridiques des communautés et organisations d'intégration en Afrique centrale et orientale, Thèse de doctorat, Yaoundé, Université de Yaoundé II, 2003, p.297.

* 100 Ibid. pp.105-113,207.

* 101 CJCE, 10 décembre 1957, Usines à tubes de la Sarre, aff. 1/57 ; 29 juin 1994, Fiskano, aff. C-135/92.

* 102 CJCE, 5 décembre 1963, société E. Henricot, aff. 23/63.

* 103 CJCE, 31 mai 1971, Commission c/ Conseil, aff. 22/70.

* 104 CJCE, 9 août 1994 ; France c/ Commission, aff. C-327/91 ; 10 mars 1998, RFA c/ Conseil, aff. C122-9/95.

* 105 CJCE, 14 novembre 1989, Grèce c/ Commission, aff. 30/88.

* 106 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 0001/CJ/CEMAC/CJ/07 du 1er février 2007, Société anonyme des Brasseries du Cameroun c/ La République du Tchad.

* 107 Manin Op. Cit. p.373. Sur le recours en annulation, voir Manin Op. Cit. pp 372-381 ; Rideau Op. Cit. pp.103-104 ; Mouton et Soulard Op. Cit. pp.30-31 ; Cerexhe Op. Cit. pp.199 ; 316-317 ; Boulouis, Darmon Op. Cit. pp 169-224 ; Isaac Op. Cit. pp 169-224 ; R. Kovar « Recommandations », R. Kovar, Poillot-Peruzzeto (dir.), Répertoire de droit communautaire, Paris, Dalloz, Encyclopédie juridique, vol. II, 2003, paragraphe 59 ; A. Rainaud « CJCE, arrêt du 3 septembre 2002, Yassin Abdullam Kadi et Al Barakaat International foundation c/ Conseil et Commission », P. Weckel (dir.) « Chronique de jurisprudence internationale », RGDIP, Paris, Pedone, Tome CXII-2008, pp928-940.

* 108 Manin Op. Cit. p.389.

* 109 Kovar Op. Cit. paragraphe 60.

* 110 Boulouis Op. Cit. p.360 ; voir également sur le recours en carence Manin Op. Cit. pp.389-391 ; Mouton et Soulard Op. Cit. pp.37-38 ; Isaac Op. Cit. pp.239-240, 250 ; R. Kovar « Le droit des personnes privées à obtenir devant la Cour des communautés le respect du droit communautaire par les Etats membres », AFDI, Paris, pp. 513-515.

* 111 La juridiction compétente pour les litiges contractuels est celle désignée par les parties dans le contrat.

* 112 CJCE, 13 novembre 1973, Werhahn c/ Conseil, aff. Jointes 63 à 69/72.

* 113 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 001/CJ/CEMAC/CJ/05 du 07 avril 2005, Tasha Loweh Lawrence c/ CEMAC représentée par son Secrétaire exécutif.

* 114 Elle rejoint la position du docteur Kenfack qui pense que l'action doit être intentée contre la Communauté à condition que le dommage allégué soit le fait d'un de ses organes ou de ses agents dans l'exercice de ses fonctions. Kenfack Op. Cit. p.300.

* 115 M. Waelbroeck et O. Speltdoorn « Responsabilité de la Communauté », Répertoire de droit communautaire 0p. Cit. p.4.

* 116 Mouton et Soulard Op. Cit. p242.

* 117 Kenfack Op. Cit. p.301.

* 118 Manin Op. Cit. p.362.

* 119 CJCE, 5 mai 1970, Commission c/ Royaume de Belgique, aff. 77/69 ; 18 novembre 1970, Commission c/ Italie, aff. 8/70.

* 120 Voir sur le recours en manquement Rideau Op. Cit. p.88 ; Manin Op. Cit pp.361-362 ; Cerexhe Op. Cit. pp 199-200; Isaac Op. Cit. pp.240-241, 279-281; Boulouis, Darmon Op. Cit. pp.263-295.

* 121 CJCE, 6 mars 1979, Simmenthal, aff. 92/78.

* 122 CJCE, 31 mars 1965, Dalmas, aff. 21/64

* 123 CJCE, 10 décembre 1957, Usines à tubes de la Sarre, aff. 1/57 et 14/57.

* 124 CJCE, 31 mars 1965, G. Rauch, aff. 16/64.

* 125 Isaac Op. Cit. p.261.

* 126 Mouton et Soulard Op. Cit. p.36

* 127 Isaac Op. Cit. p.261.

* 128 Mouton et Soulard Op. Cit. p.36.

* 129 Article 59 RPCJ.

* 130 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 001/R/CJ/CEMAC/CJ/02 du 15/01/2002, Tasha L. Lawrence c/ COBAC, Amity Bank.

* 131 CJCE, 10 janvier 1980, Bellintani c/ Commission, aff. 116/78.

* 132 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 006/CJ/CEMAC/CJ/07 du 24/05/2007, Tasha Loweh Lawrence c/ Arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/04 CEMAC et Société Amity Bank Cameroon PLC.

* 133 « Tierce opposition », Répertoire de droit communautaire Op. Cit. p.1.

* 134 Ibid. p.2.

* 135 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 11/CJ/CEMAC/CJ/07 du 07/12/2007, aff. Guerezebanga Gabriel Gaétan c/ La BDEAC.

* 136 CJCE, 15 décembre 1961, Fives little cail, aff. 19/60.

* 137 CJCE, 13 juillet 1965, Lemmerz Werke, aff. 111/63.

* 138 CJCE, 15 décembre 1966, Serio, aff. 62/65.

* 139 CJCE, 14 mai 1975, C.N.T.A., aff. 74/74.

* 140 Isaac Op. Cit. p234.

* 141 Article 20 RPCJ ; CJ/CJ CEMAC arrêt N° 004/CJ/CEMAC/CJ/07 du 22 mars 2007, aff. Dieudonné Nang Eko et autres c/ ISTA.

* 142 CJ/CJ CEMAC arrêt N° 002/CJ/CEMAC/CJ/07 du 1er février 2007, société Price Waterhouse (FIDAFRICA) c/ Décision COBAC N° D-2006/132 ; arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/07 du 1er février 2007, société Price Waterhouse (FIDAFRICA) c/ Décision COBAC N° D-2006/113 ; arrêt N° 007/CJ/CEMAC/CJ/07 du 31 mai 2007, aff. Assiga Ahanda Jean-Baptiste c/ La BEAC.

* 143 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 004/CJ/CEMAC/CJ/03 du 17 juillet 2003, aff. Thomas Dakayi Kamga c/ CEMAC.

* 144 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 004/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 16 mai 2002, aff. Tasha L. Lawrence c/ Amity Bank Cameroon S.A ; CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 002/CJ/CEMAC/CJ/04 du 16 décembre 2004, recours en interprétation et en rectification de Tasha Loweh Lawrence c/ arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/03 et Société Amity Bank Cameroon PLC.

* 145 Pacteau Op. Cit. p.215.

* 146 Santulli Op. Cit. p256.

* 147 Pacteau Op. Cit. pp 189-190.

* 148 Ibid.

* 149 Ibid. p283.

* 150 Ibid. p.284.

* 151 CJ/CJ CEMAC arrêt N° 006/CJ/CEMAC/CJ/07 du 24 mai 2007 Op. Cit.

* 152 Santulli Op. Cit. p.146.

* 153 CJ/CJ CEMAC, aff. Société anonyme des Brasseries du Cameroun Op. Cit.

* 154 Santulli Op. Cit. p.145.

* 155 Chapus Op. Cit. p.338.

* 156 Witenberg Op. Cit. pp.12-13.

* 157 Mouton et Soulard Op. Cit. p.74.

* 158 Chapus Op. Cit. pp.339-340.

* 159 Voir infra, deuxième partie, chapitre III, section II, Paragraphe I.

* 160 Chapus Op. Cit. p.338.

* 161 Pacteau Op. Cit. p.267

* 162 Ibid.

* 163 Witenberg Op. Cit. p.107.

* 164 Ibid. p.115.

* 165 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 001/R/CJ/CEMAC/CJ/02 du 15 janvier 2002 Tasha L. Lawrence c/ COBAC ; arrêt N° 003/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 16 mai 2002, Tasha L. Lawrence c/ Amity Bank Cameroon S.A. ; arrêt N° 001/CJ/CEMAC/CJ/04 du 18 mars 2004, Galbert A. Etoua c/ CEMAC.

* 166 Salmon (dir.) Op. Cit. p.474.

* 167Ibid. p.505.

* 168 Witenberg Op. Cit. p109.

* 169 CPJI, Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, arrêt du 25 août 1925, cité par Salmon Op. Cit. p.505.

* 170 Pacteau Op. Cit. p.169.

* 171 CJ/CJ CEMAC, aff. Dieudonné Nang Op. Cit.

* 172 CJCE (ord.), 13 juin 1991, Sunzest, aff. C-50/90.

* 173 CJ/CJ CEMAC, aff. Madame Jeanne Lucie Lacot Op. Cit. ; TPICE (ord.), 06 février 1992, Cl. Castelleti e.a, T-29/91.

* 174 Voir Mouton et soulard Op. Cit. p.264 ; Boulouis, Darmon Op. Cit. p.113 ; Manin Op. Cit. p406.

* 175 Chapus Op. Cit. p729.

* 176 Ibid. p.731.

* 177 Ibid.

* 178 Articles 25 et 27 RPCJ.

* 179 Chapus Op. Cit. pp.734-735.

* 180 E. Zoller « Procès équitable et due process of law », Recueil Dalloz, N° 8, 7281ème, 22 février 2007, p.522.

* 181 Cité par F. Sudre (dir.) « Droit communautaire des droits fondamentaux », Chronique de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, 2000, disponible sur http://www.rtdh.eu/pdf/2001797.pdf (consultation le 3 février 2010).

* 182 Ibid.

* 183 Ibid.

* 184 Pacteau Op. Cit. pp. 298-299.

* 185 Rapport du juge rapporteur Antoine Marradas dans l'aff. Thomas Dakayi Kamga c/ CEMAC ; voir pour comparaison Rapport d'audience du juge rapporteur Dadjo Goni dans l'aff. Tasha L. Lawrence c/ Décision COBAC D-2000/22, Amity Bank Cameroon (partie intervenante) Sanda Oumarou et V. Anomah Ngu (parties intervenantes forcées) ; Rapport d'audience du juge rapporteur Dadjo Goni sur le recours en révision de l'arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/03 du 03 juillet 2003.

* 186 Boulouis, Darmon Op. Cit. p.98.

* 187 Article 64 RPCJ.

* 188 Witenberg Op. Cit. p.127.

* 189 Ibid. p.128.

* 190 Pour un exposé du débat sur le double degré de juridiction dans l'ancienne Cour et la possibilité d'appel contre les décisions de la Chambre judiciaire, voir Kobila Mouangue Op. Cit. pp25-27.

* 191 Gazier Op. Cit. p.16.

* 192 D. Simon L'interprétation judiciaire des traités d'organisations internationales. Morphologie des conventions et fonction juridictionnelle, Paris, Pedone, publications de la Revue générale de droit international public, nouvelle série N° 37, 1981, pp.750-751.

* 193 Voir supra, première partie, chapitre I, section I, paragraphe II, A.

* 194 G. Mvelle « La CEMAC à la recherche d'une introuvable nature théorique », Revue africaine d'études politiques et stratégiques, N° 6, Université de Yaoundé II, Faculté des sciences juridiques et politiques, 2009, p.73.

* 195 N. Mouelle Kombi « L'intégration régionale en Afrique centrale entre interétatisme et supranationalisme », H. Ben Hammouda, B. Bekolo-Ebe et Touna Mama (dir.), L'intégration régionale en Afrique centrale : bilan et perspectives, Paris, Karthala, 2003, p.209.

* 196 CJCE, 5 février 1963, aff. 6/62.

* 197 Ibid.

* 198 CJCE, 19 décembre 1968, Salgoil, aff. 13/68.

* 199 S. de Gasquet « Le citoyen européen face à la justice communautaire » disponible sur http://www.robert-schuman.eu/question_europe.php?num=sy-121 (consultation le 26 décembre 2009).

* 200 J. Dutheil de La Rochère « droit au juge, accès à la justice européenne », Pouvoirs 2001/1, N° 96, p.138.

* 201 R. Kovar « Le droit des personnes privées à obtenir devant la Cour des communautés le respect du droit communautaire par les Etats membres », AFDI, 1966, p.531.

* 202 O. Costa « L'intervention des citoyens devant les juridictions communautaires : entre réalité et discours de légitimation », communication à la journée d'études « Droit et politique dans l'Union européenne », 16 mars 2001, disponible sur http://www.afsp.msh-paris.fr/archives/archivesgroupes/archives_europe/160301/Costa.pdf (consultation 3 février 2010).

* 203 Chamegueu Op. Cit.

* 204 Kenfack Op. Cit. p.382.

* 205 Ibid. p.385.

* 206 O. Costa Op. Cit.

* 207 Pacteau Op. Cit. p.211.

* 208 Ibid. p.312.

* 209 Manin Op. Cit. p.408.

* 210 S. Bastid « Les tribunaux administratifs internationaux et leur jurisprudence », RCADI, tome II, Leyde, 1958, p.427.

* 211 TAOIT, jugement N° 21, Kathryn Bernstein c/ UNESCO.

* 212 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 010/CJ/CEMAC/CJ/07 du 21 juin 2007, aff. Galbert Abessolo Etoua c/ La CEMAC.

* 213 O. Fandjip Les juridictions administratives et le temps : cas du Cameroun et du Gabon, Mémoire de DEA en Droit communautaire et comparé CEMAC, Université de Dschang, 2006-2007, disponible sur http://www.memoireonline.com/10/09/2798/les-juridictions-administratives-et-le-tempscas-du-Cameroun-et-du-Gabon.html (consultation 03 février 2010).

* 214 Pacteau Op. Cit. pp237-239.

* 215 CJCE, 17 décembre 1998, Banstahgewebe GmbH c/ Commission, aff. C-185/95P.

* 216 Gazier Op. Cit. p.6.

* 217 Article 23 RPCJ.

* 218 Articles 20 à 23 RPCJ.

* 219 Article 30 RPCJ.

* 220 Mihia Op. Cit, note 31.

* 221 Bastid Op. Cit p.420.

* 222 Ibid. p.428.

* 223 Kenfack Op. Cit. pp.202-203.

* 224 Z. Zankia Le contentieux de la fonction publique communautaire de la CEMAC, Mémoire de DEA en droit communautaire comparé CEMAC, Université de Dschang, 2008, disponible sur http://www.memoireonline.com/12/09/3011/Le-contentieux-de-la-fonction-publique-communautaire-de-la-CEMAC.html (consultation 03 février 2010).

* 225 F. Hubeau « Ordre public », Répertoire de droit communautaire Op. Cit. p1.

* 226 Santulli Op. Cit. pp.198-199.

* 227 Chapus Op. Cit. p372.

* 228 CJ/CJ CEMAC, aff. Galbert A. Etoua Op. Cit.; aff. Asngar Miayo c/ EIED Op. Cit.; aff. Okombi Gilbert c/ CEMAC Op. Cit.

* 229 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 004/CJ/CEMAC/CJ/07 du 02 mars 2007.

* 230 Jugement N° 19 cité par Bastid Op. Cit. p.427.

* 231 TAOIT, jugement N° 21 Op. Cit.

* 232 Pacteau Op. Cit. p.170.

* 233 Santulli Op. Cit. p.193.

* 234 Ibid.

* 235 Aff. Okombi Gilbert Op. Cit. ; voir infra, chapitre IV, section I, paragraphe I, A.

* 236 Pelissier Op. Cit. p.4.

* 237 Gazier Op. Cit. p.3.

* 238 Conseil d'Etat, 26 juin 1959, syndicat chrétien de l'éducation surveillée, cité par Pacteau Op. Cit. p. 267.

* 239 Conseil d'Etat, 29 décembre 2000, caisse primaire d'assurance-maladie de Grenoble, Ibid.

* 240 D. Ritleng, « Commentaire de l'article de Philippe Maddalon », H. Ruiz Fabri et J.M Sorel (dir.) La motivation des décisions des juridictions internationales, Paris, Pedone, collection contentieux international, 2008, p.157.

* 241 B. Genevois « Remarques d'un praticien du contentieux administratif », Les motivations des décisions des juridictions internationales Op. Cit. p.225.

* 242 CJCE, 16 décembre 1975, Sniker unie, aff. 40 à 48, 50,54 à 56, 111, 113 et 114/73 ; TPICE, 15 mars 2000 ; voir Ritleng Op. Cit. Note 16.

* 243 Aff. Guerezebanga Op. Cit.; aff. Tasha L. Lawrence c/ Amity Bank du 16 mai 2002 Op. Cit.; aff. Tasha Loweh Lawrence c/ Decision COBAC D-2000/22 et Amity Bank Cameroon PLC, Sanda Oumarou, Anomah Ngu Victor Op. Cit.

* 244 F. Zénati-Castaing « la motivation des décisions de justice et les sources du droit », cité par Genevois Op. Cit.

* 245 CJ/CJ CEMAC, aff. Société Price Waterhouse Op. Cit.; aff. COBAC du 16 mai 2002 Op. Cit.

* 246 C. Soulard « Remarques d'un praticien du contentieux judiciaire », Les motivations des décisions des juridictions internationales Op. Cit. p.241.

* 247 Voir supra, chapitre I, section II, paragraphe I, A (1).

* 248 Soulard Op. Cit. p.242.

* 249 P. Maddalon « La motivation des décisions des juridictions communautaires », Les motivations des décisions des juridictions internationales Op. Cit. p.159.

* 250 Soulard Op. Cit. p.246.

* 251 F. Rangeon « Réflexions sur l'effectivité du droit », Les usages sociaux du droit, Centre de recherches administratives et politiques de Picardie, 1989, p.131.

* 252 Chamegueu Op. Cit.

* 253 Ibid.

* 254 Kenfack Op. Cit. pp.367-368.

* 255 Chamegueu Op. Cit.

* 256 Simon Op. Cit. p.725.

* 257 CJCE, 14 mai 1974, Nold c/ Commission, aff. 4/73.

* 258 Zankia Op. Cit.

* 259 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 007/CJ/CEMAC/CJ/07 du 31 mai 2007.

* 260 CJ/CJ CEMAC, aff. Galbert Etoua c/ CEMAC Op. Cit. ; aff. Dieudonné Nang Eko et autres Op. Cit.

* 261 Voir supra, première partie, chapitre I, section II, paragraphe I, A (1).

* 262 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 002/CJ/CEMAC/CJ/05 du 9 juin 2005.

* 263 CJ/CJ CEMAC, aff. Madame Jeanne Lucie Lacot c/ EIED Op. Cit.

* 264 Tekebeng Op. Cit. p.32.

* 265 Mouangue Kobila Op. Cit. p.49.

* 266 A.P. Weber « Les conditions dans lesquelles un particulier peut demander l'annulation d'un règlement communautaire », disponible sur http://www.libres.org/francais/dossiers/concurrence/concurrence_weber_p20.htm (consultation le 03 février 2010).

* 267 « Revue de jurisprudence communautaire », Juridis périodique, N° 75, juillet-août-septembre 2008, p.38.

* 268 Voir infra paragraphe II, A.

* 269 Santulli Op. Cit. p.261.

* 270 TAOIT, 11 octobre 1966, jugement N° 17, Jurado c/ OIT.

* 271 CJ/CJ CEMAC, arrêt N° 004/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 du 16 mai 2002.

* 272 Simon Op. Cit. p.759.

* 273 Mouelle Kombi Op. Cit. p.218.

* 274 Kenfack Op. Cit. p.12.

* 275 Lequesne cité par Mvele Op. Cit. p.71.

* 276 Simon Op. Cit. p.760.

* 277 CJCE, 22 janvier 1971, Balkan Import GmbH, aff. 55/75.

* 278 J. Djeukou « La CEMAC, rétrospective et perspectives : réflexions sur l'évolution récente du droit communautaire de l'Afrique centrale », Juridis périodique, N° 47, juillet-août-septembre 2001, p.114.

* 279 Isaac Op. Cit. pp.221-222.

* 280 Ibid.

* 281 Kenfack Op. Cit. p61.

* 282 Aff. 6/64.

* 283 P. Y. Monjal Les normes de droit communautaire, Paris, PUF, Que sais-je ?, p.17.

* 284 Ibid. p.22.

* 285 Mihia Op. Cit. p.21.

* 286 P. Y. Monjal Op. Cit. p.23.

* 287 Mvele Op. Cit. p.76.

* 288 Cité par Monjal Op. Cit. p.144.

* 289 Ibid. p.114 ; voir dans le même sens Boulouis Op. Cit. pp.233-235 ; Mouangue Kobila Op. Cit. p.49.

* 290 Kenfack Op. Cit p.95.

* 291 Mvele Op. Cit. p.70.

* 292 Costa Op. Cit. p.2.

* 293 Ibid.

* 294 Isaac Op. Cit. p.223.

* 295 Le Médiateur européen peut être saisi en cas de mauvaise administration imputable aux institutions communautaires (sauf la Cour de justice et le Tribunal de première instance dans l'exercice de leur fonction juridictionnelle). Il en est ainsi en cas, par exemple, d'irrégularités administratives, d'inéquité, de discrimination, abus de pouvoir, d'absence ou de refus d'information, de retards injustifiés... Le médiateur fait une enquête et négocie pour régler le litige à l'amiable. Les limites à son rôle sont qu'il n'intervient pas sur des affaires examinées par des tribunaux et qu'il n'a pas de pouvoir de décision. Il peut être saisi par l'intermédiaire d'un député européen ou directement par lettre précisant le motif de la plainte et l'identité du plaignant qui peut rester confidentielle. Il existe un formulaire préétabli.

* 296 Isaac Op. Cit. p.222.

* 297 CJCE, 31 mars 1971, Commission c/ Conseil, aff. 22/70.

* 298 Simon Op. Cit. Note 77, p.740.

* 299 Voir CJCE, 23 avril 1956, Groupement des industries sidérurgiques luxembourgeoises, aff. 7 et 9/54

* 300 Kenfack Op. Cit p.366.

* 301 Simon Op. Cit. pp.747-748.

* 302 Chamegueu Op. Cit.

* 303 Simon Op. Cit. p.767.

* 304 Ibid.

* 305 P. Manin « L'influence du droit international sur la jurisprudence communautaire », Droit international et droit communautaire. Perspectives actuelles, SFDI, colloque de Bordeaux, Paris, Pedone, 1999, p.160.

* 306 Cité par Dutheil de la Rochère Op. Cit. p.129.

* 307 CJCE, 16 décembre 1976, Rewe et Comet, aff. 33/76 et 45/76 ; 27 mars 1980, Denkavit Italiana, aff. 611/79 ; 9 novembre 1983, San Giorgio, aff. 199/82.

* 308 Dutheil de la Rochère Op. Cit. p.129.

* 309 Aff. Nold c/ Commission Op. Cit.

* 310 F. Sudre « L'apport du Droit international et européen à la protection communautaire des droits fondamentaux », Droit international et droit communautaire. Perspectives actuelles, Op. Cit. p.160.

* 311 Simon Op. Cit. pp.768-769.

* 312 Opinion dissidente du juge Tanaka dans l'affaire du Sud ouest africain (2ème phase), CIJ, arrêt du 18 juillet 1966, Recueil CIJ 1966, p.277.

* 313 Jan Op. Cit. p.448.

* 314 Simon Op. Cit. p.764.

* 315 Isaac Op. Cit. p.224.

* 316 Zoller Op. Cit. p.523.






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