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Intérêts et enjeux économiques de l'intégration à  l'Union Européenne d'un point de vue turc

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par Benoit ILLINGER
Université Pierre Mendès France (Grenoble II Sciences Sociales) - DEA Economie et Politiques Internationales 2002
  

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CHAPITRE 1 CHAPITRE 2 Optimalité de l'Union douanière réalisée entre la Turquie et l'Union européenne et perspectives de dépassement.

L'intégration régionale lie des pays proches géographiquement ayant des flux de commerce importants. Les accords passés favorisent encore plus le commerce régional mais engendrent aussi une intensification des flux d'investissement direct, de capitaux financiers... Une pression s'exerce alors pour stabiliser les taux de change. On recherche des changes fixes ou on va comme en Europe jusqu'à l'Union monétaire.

Les intégrations régionales se multiplient et s'accélèrent depuis la fin des années 1980 : en Amérique du Sud apparaît le MERCOSUR, en Asie l'ASEAN et autour des États-Unis, l'ALENA. Chaque pays développe autant que faire se peut des accords préférentiels avec ses voisins. La Turquie joue elle aussi sur plusieurs tableaux. En effet, elle est engagée à un certain degré dans l'Union européenne et cherche d'autres liens privilégiés avec ses autres voisins79(*). Une analyse attentive révèle que la Turquie développe différents liens économiques de manière complémentaire et non comme substitut à l'UE. Ces liens sont établis en fonction de deux facteurs :

- Tout d'abord il s'agit de répondre à l'objectif d'accroissement des exportations devenu prioritaire avec le passage d'une stratégie de croissance à orientation interne à une stratégie de croissance à orientation externe.

- Ensuite, il s'agit de se prémunir contre les éventuels ralentissements de la demande extérieure dans certaine zones (une sorte de diversifications géographique des risques). Et ceci pour mieux exploiter ses avantages comparatifs et de bénéficier des atout que lui procure sa position géographique sur les marchés non protégés situés à sa proximité, comme en témoigne la position intermédiaire que la Turquie occupe dans la hiérarchie da la division internationale du travail. En effet alors qu'en 1995, la Turquie dispose d'un avantage comparatif80(*) pour 23 produits sur 62 toutes zones confondues, ce chiffre passe à 18 si l'on ne l'applique qu'à la zone de l'UE, à 22 vis-à-vis du CAEM et 57 vis-à-vis du Moyen-Orient81(*). Ces caractéristiques confirment la complémentarité et la diversification géographique par rapport à l'intégration européenne.

Néanmoins l'essentiel des flux commerciaux de la Turquie se passe avec l'UE dans le cadre de l'union douanière.

On peur tirer deux réflexion de cette orientation régionaliste de la Turquie :

D'une part, on peut se demander s'il peut-être optimal théoriquement de suivre une politique de libre-échange régionale à l'heure actuelle pour la Turquie sachant que le libre-échange généralisé à tous les pays (ouverture multilatérale) permet de plus se rapprocher de l'optimum parétien que le libre-échange régionale (ouverture préférentielle à un groupe de pays)?

Rappelons que dans le premier chapitre nous avions présenté distinctement que, d'une part le libre-échange conduisait à l'allocation optimale des ressource et un gain de bien-être par rapport à la situation d'autarcie dans un cadre multinational, et que d'autre part nous acceptions ce même raisonnement pour le libre-échange régionale versus la fermeture commerciale du pays. Nous n'avions par contre pas comparé ces deux situations.

Or, si l'on met en balance les gains du libre-échange régionale face à ceux du libre-échange régional, il existe un débat. Certains voient dans ce mouvement d'intégration régionale une opposition ou une alternative à la dynamique de la mondialisation, une échappatoire à une évolution semble-t-il inéluctable depuis la fin du monde bipolaire. D'autres, à l'opposé, pensent déceler dans ces accords régionaux une démarche libérale82(*) qui est partie intégrante de la mondialisation et qui n'est donc pas contraire aux démarches multilatérales poursuivie au sein de l'OMC et qui ne va donc pas à l'encontre des effets bénéfiques du libre-échange décris dans notre premier chapitre.

Par ailleurs, l'analyse économique n'admet pas que la voie de l'intégration régionale procure un bien-être général égal ou supérieur à celui atteint par un libre échange mondial non discriminatoire. Au mieux certaines théories admettront que le régionalisme puisse élever le bien-être de ses participants ou même du monde mais ce sera toujours un optimum de second rang. Dans cette optique, il semble alors que pour notre cas d'espèce, la Turquie ne devrait théoriquement pas s'intéresser au libre-échange régional et concentrer uniquement ses forces sur le libre-échange multilatérale par le biais de l'Organisation Mondiale du Commerce puisqu'elle a ratifié les accords du GATT dès 1951 et qu'elle est membre de l'OMC. Néanmoins, la Commission européenne admet que :

« (...) avec l'entrée en vigueur de l'union douanière le 31 décembre 1995, la Turquie a aboli les droits de douane et les charges d'effet équivalent, les restrictions quantitatives ainsi que les mesures d'effets équivalent sur les produits industriels importés en Turquie en provenance de la Communauté. Elle a déjà rempli la plus grande partie de ces obligations concernant l'harmonisation et la législation douanière, y compris le tarif extérieur commun. Selon un rapport récent de l'OMC, l'entrée en vigueur de l'union douanière a, en général, amélioré l'accès au marché turc pour les pays tiers. » (Agenda 2000 Elargissement -rapport régulier 1998 de la commission sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'Adhésion.)

De ce point de vue donc on ne peut pas reprocher à l'adhésion turque à l'Union douanière d'éloigner la Turquie de ses engagements au sein de l'OMC, bien au contraire. Il ne semble donc pas que l'intégration à l'UE soit un substitut au libre-échange multilatéral. Elle permettrait même d'accélérer l'ouverture commerciale de la Turquie au reste du monde.

D'autre part, comme nous l'avons déjà souligné en introduction la participation à l'Union douanière confère un certain nombre de contraintes à la Turquie dont celle de ne pas passer d'autres accords commerciaux préférentiels. En effet, la Turquie n'a pu voir aboutir sa stratégie commerciale avancée avec ses voisins de la mer Noire car ces accords avec l'UE l'en empêchaient.

L'idée est donc de savoir si la Turquie pourra retirer un bilan positif de son adhésion à l'UE.

Nous verrons pour vérifier l'intérêt du régionalisme (et l'intérêt probable de la Turquie vis-à-vis de l'U.E qui en découle), dans un premier temps la théorie classique des arrangements régionaux qui ne prend en compte que les effets statiques des accords de commerce régionaux sur le bien-être général, c'est à dire leur impact sur le niveau de richesse (section 1). Nous verrons ensuite que la nouvelle économie internationale a montré qu'il existe un certains nombre d'effets dynamiques c'est à dire des effets qui n'influent pas une fois pour toutes sur le niveau de bien-être mais qui provoquent durablement un changement de rythme de croissance, qui peuvent changer les conclusions des conséquences des accords de commerce régionaux et ceci notamment dans le cas de notre question quant à l'a poursuite de l'adhésion turque à l'UE (section 2). Enfin, cette réflexion nous emmènera à exposer les mécanismes d'ajustements qui sont nécessaires pour que la poursuite de l'intégration engendre les effets positifs escomptés (section 3).

SECTION 1 Analyse statique 

Pour évaluer les coûts ou bénéfices de l'Union douanière réalisé entre l'UE et la Turquie en terme statique nous allons évaluer s'il y a détournement ou création de commerce. C'est cette théorie de Jacob VINER qui prend en compte les effets de création et de détournement de commerce que nous commencerons par exposer (1.1). Nous tenterons d'en faire le bilan pour la Turquie par le biais d'un modèle afin de déterminer que dans ce cas précis, il y a effectivement détournement de commerce.

1.1 Le modèle de J. VINER

Historiquement les accords d'intégration régionale ont été considérés longtemps comme des accords de libre-échange et donc la question de savoir s'il était cohérent de passer de tels accords, ne se posait pas. Par exemple la volonté « libre échangiste » du XIXème siècle est souvent illustrée dans les ouvrages généralistes, par l'accord Cobden-Chevalier82(*) qui n'est autre qu'un accord commercial préférentiel entre pays voisins.

Par la suite, conséquemment à la crise des années 1930, les grandes puissances se sont repliées sur leurs empires coloniaux en passant, dans un certain nombre de cas, des accords préférentiels. Cette « hérésie » fut dénoncée dans l'après-guerre par le multilatéralisme affirmé par les accords de Bretton Woods de 1944 puis par la clause de la nation la plus favorisée (NPF) du GATT. A cette époque, il fallait empêcher les pays de renouer avec les accords préférentiels et atteindre par tous les moyens l'optimum libre-échangiste de la théorie néoclassique dans un cadre international, exposée dans le premier chapitre. Mais la guerre froide, en projetant une menace communiste sur l'Europe, permettra aux accords de libre-échange et d'Union douanière de subsister en les insérant dans une clause d'exception (article XXIV du GATT).

C'est pourtant à cette même époque que se développa la théorie de l'intégration commerciale dite « moderne » qui affirmait que du fait de leur caractère préférentiel et donc discriminatoire les accords régionaux de libre-échange étaient néfastes pour le reste du monde. Elle allait même jusqu'à assurer que l'amélioration de la zone qui se formait n'était pas certaine.

En effet, c'est au milieu du vingtième siècle, que l'analyse devenue classique, le modèle de Jacob VINER [1950], démontra que les accords entre nations voisines83(*) en plus d'être « créateurs » de commerce à l'intérieur des zones, engendraient des « destructions » de commerce. Cette remarque de VINER est toujours à la base de l'analyse critique des accords de commerce préférentiels. Elle vaut donc la peine d'être exposée pour comprendre si la Turquie a intérêt à adhérer à l'Union européenne.

Le modèle de VINER repose sur la théorie conventionnelle des avantages comparatifs que nous avons exposés, avantages qui justifient le libre échange par le gain des consommateurs : les importations poussent les économies à se spécialiser et donc, la spécialisation engendrant la compétitivité, à commencer à exporter. La balance entre importations et exportations s'étant équilibrée, il ne reste du libre-échange qu'une baisse générale des prix bénéficiant à tous les consommateurs quel que soit leurs pays d'origine. Et plus il y a de sources d'approvisionnement, plus le pays se spécialisera et donc plus ces gains seront importants.

Appliqué à une comparaison entre une situation initiale de protection générale du marché et une situation d'Union douanière, le modèle démontre deux points importants :

- Premièrement, les zones de libre échange seront toujours moins efficaces au niveau économique que le libre-échange mondial. En effet, intuitivement si l'on compare les gains pour les consommateurs d'un échange sans entrave à deux et donc d'une spécialisation limitée, ils seront moindres que dans le cas d'échange sans entrave entre tous les pays et avec une spécialisation accrue.

- Deuxièmement, VINER affirme que l'issue d'une Union douanière est incertaine car les effets de « détournement de commerce » peuvent être équivalents ou supérieurs aux « créations ». Il entend par création de commerce, le fait que l'on passe à une source d'approvisionnement dont le coût est moindre, suite à la suppression des droits de douanes entre deux États dans le cadre d'accords préférentiels. Alors que le détournement des échanges signifie que l'accord a incité les pays à se fournir, non plus auprès de pays non-membre compétitifs mais auprès de pays membres moins efficaces. Ces pays sont « choisis » car leur prix est moindre consécutivement aux différences de taxation douanière. Le détournement des courants d'échange est donc globalement une dégradation des termes de l'échange due au changement des sources d'approvisionnements.

Donc selon ces définitions, l'accord de commerce régional va pouvoir engendrer deux situations différentes :

- i) Si au niveau des blocs régionaux, les échanges supplémentaires qui ont lieu constituent, en majorité, une création de commerce (il y a prédominance de la création sur le détournement) alors, ou l'un des membres du groupe doit en tirer profit, ou les deux peuvent en tirer profit. Globalement le groupe et le monde entier dégagent un bénéfice net. Mais le reste du monde y perd.

- ii) Par contre, dans l'autre situation où au niveau des blocs régionaux, les échanges supplémentaires qui ont lieu ne sont pas créateurs de commerce mais remplacent plutôt un commerce existant au détriment de pays extérieurs au bloc (détournement de commerce), on constate que l'efficacité économique dans le monde diminue. De plus, VINER nous montre que dans ce cas l'établissement du libre-échange entre les deux nations conservant une protection douanière à l'égard des autres pays, c'est à dire provocant en général des détournements conséquents, peut appauvrir ces mêmes nations prises globalement au lieu de les enrichir. En effet, la conclusion de Viner est sans appel :

« Si le détournement des courants d'échanges est prédominant, l'un des membres au moins, y perds forcément, les deux pris ensemble auront une perte nette, et le reste du monde ainsi que le monde tout entier y perdront »84(*)

En conclusion, on peut se dire que si la Turquie est dans la première situation -i (plus de création que de détournement) alors l'intégration est « égoïstement » bénéfique et souhaitable pour son pays alors que dans la seconde situation - ii ( plus de détournement que de création) l'intégration régionale à de forte chance d' être à proscrire car soit la Turquie, soit l'UE, ou soit les deux ont une perte nette.

Nous allons donc chercher maintenant plus précisément dans quel cas se trouve la Turquie.

* 79 Voir Annexe 3 : Listes des accords d'associations et forums de coopération économique auxquels la Turquie participe.

* 80 Selon LAFAY Gérard [1987]

* 81 AKAGüL Deniz ([1995] p.119)

* 82 L'adjectif « libéral » associé aux accords d'intégration régionale ne semble pas approprié car, comme nous le verrons, la théorie de l'économie internationale ne considère pas que la régionalisation puisse atteindre l'optimum parétien. Par sa définition même l'accord régional est préférentiel, donc discriminant à l'encontre des pays non-membre. Ainsi on ne pourra qu'atteindre, au mieux, un optimum de second rang. Néanmoins nous utilisons cet adjectif dans le but de souligner l'orientation générale.

* 82 L'accord Cobden-Chevalier de 1860 est un accord de libre-échange entre la France et l'Angleterre. Dans un ouvrage généraliste comme l'encyclopédie hachette sur Cdrom, on note que cet accord fut « le couronnement de la croisade pour le libre-échange » de Richard Cobden (1804-1865).

* 83 Parmi les différentes formes d'intégration régionale, Viner a basé son analyse sur une étude des unions douanières (comme le firent plus tard la majorité des économistes). Aussi il semble que ces analyses conviennent parfaitement à une application au stade actuel d'intégration de la Turquie à l'U.E. et nous permettent donc plus simplement de tirer des « leçons » pour notre cas d'espèce.

* 84 VINER J. [1950] The custom unions Issu, New York : Carnegie Endowment for international Peace, p. 44. Traduction de P.J. LLOYD [1992], Régionalisation et commerce mondial, Revue économique de l'OCDE, N°18, printemps.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire