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Intérêts et enjeux économiques de l'intégration à  l'Union Européenne d'un point de vue turc

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par Benoit ILLINGER
Université Pierre Mendès France (Grenoble II Sciences Sociales) - DEA Economie et Politiques Internationales 2002
  

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Adhérer « complètement » à l'Union européenne ?

Ainsi, au vu de la « coopération tumultueuse » qui lie la Turquie à l'Europe, il est légitime de se poser la question de la justification de cette volonté d'adhésion toujours plus poussée. Mais, avant tout, il faut définir ce qu'est une intégration plus poussée.

Pour éclairer ce point, nous allons utiliser la Typologie de BALASSA.20(*) Le recours à celle-ci s'applique dans notre cas d'espèce car nous sommes bien dans le cas d'une adhésion à l'Union européenne. En effet, les critiques adressées à l'encontre de cette typologie ne sont en général valables que lorsque celle-ci est appliquée à d'autres ensembles régionaux que l'Europe car elle a été créée pour et en fonction de l'Europe.

La typologie de B. BALASSA est basée sur une distinction établie en fonction de deux critères : le degré d'intégration économique et l'avancement du transfert de souveraineté. Ainsi, BALASSA dresse une typologie progressive des accords régionaux en quatre catégories :

L'accord de libre échange ou zone de libre échange (ZLE). C'est un traité qui vise à abaisser ou éliminer les barrières aux échanges entre pays signataires. Cet accord ne suppose aucun abandon de souveraineté nationale.

L'Union douanière. Selon la typologie de Balassa, il s'agit ici d'un traité qui suppose une l'intégration entre les États et un transfert de souveraineté puisqu'il s'agit d'une ZLE assortie d'une politique commerciale commune face aux pays tiers. Elle met en place un tarif extérieur commun vis-à-vis des importations du reste du monde et procède au partage des recettes douanières selon des règles préétablies. Dans l'UE, ces recettes sont transférées au budget communautaire.

Le marché commun ou communauté économique (CE). Ce traité est une Union douanière mais ne concerne plus seulement le marché des produits (biens et services). Il englobe aussi le marché des facteurs (capital et travail). Ainsi, un tel accord suppose une mise en commun des instruments de régulation sur l'ensemble des marchés.

L'union économique. L'ambition de ce traité est beaucoup plus large que la précédente. La souveraineté de chaque État signataire en matière économique est presque totalement abandonnée au profit d'une entité supérieure. En effet en plus d'un marché commun, l'accord suppose la communautarisation de la politique macro-économique.21(*)

Comme nous l'avons exposé plus haut, l'Union douanière entre la Turquie et l'UE a été réalisée mais elle n'est sensé représenter qu'une des étapes de l'intégration. Ce n'est pas sa phase finale. L'étape suivante est le marché commun, qui nécessite en plus de l'Union douanière la libre circulation des personnes et des capitaux22(*). Notre questionnement se situe précisément à ce niveau car en continuant à s'intégrer, ce sont les effets de cette ultime étape que la Turquie va ressentir ou plutôt, vu sous un autre angle, ce sont les effets que la Turquie ne ressentira pas si elle ne poursuit pas son intégration.

Avec la réalisation de l'Union douanière l'essentiel de la libéralisation commerciale dans le domaine industriel a été accompli23(*). À première vue, l'adhésion plus poussée aura alors sans doute peu d'effets directs sur les échanges commerciaux. L'objectif est donc maintenant autre.

Quelles sont alors les raisons qui poussent les pays à adhérer à l'UE et donc atteindre un niveau d'intégration dépassant le stade de l'Union douanière? Lors des élargissements précédents, les pays adhérents avaient deux motivations principales (KINSKY F. [2001])24(*) :

- La Communauté européenne était devenue leur premier partenaire commercial. La levée des obstacles à la libre circulation des marchandises et des capitaux, ainsi que pour certaines celles des personnes et des services, était dans leur intérêt.

- Ils ont dû constater l'obligation qu'ils avaient d'adopter un bon nombre de règles communautaires chez eux sans même participer au processus décisionnel de Bruxelles. Dans ces circonstances, il vaut mieux adhérer et participer activement à la législation communautaire, quitte à bloquer les décisions jugées contraires aux intérêts nationaux, plutôt que de se laisser imposer des législations non arrangeantes.

On constate que ces deux motivations existent également pour la Turquie. En effet, d'une part, la Communauté européenne est son premier partenaire commercial (elle représentait 52% des exportations et 54 % des importations en 1997 - voir Annexe 8 : Ventilation Géographique des échanges de la Turquie). D'autre part, ainsi que le soulève D. AKAGüL[1999], la Turquie, n'étant pas membre de l'Union européenne, « subit » la législation communautaire à l'élaboration de laquelle elle ne participe pas.

« (...) si la situation actuelle limite sa marge de manoeuvre [de la Turquie] dans le cadre de la politique commerciale commune, elle ne lui accorde pas pour autant le droit de participer à l'élaboration de cette politique commerciale commune. » (AKAGüL D. [1999], p. 84)

La Turquie est donc dans une position identique à celle des pays qui ont décidé de s'intégrer de manière complète à l'Union européenne. Or en continuant son intégration, la Turquie va former le marché commun nommé Marché unique en Europe. L'objectif principal du Marché unique est :

« (...) de supprimer les obstacles réglementaires à la concurrence pour permettre aux entreprises d'opérer sur un marché élargi et d'exploiter les économies d'échelle, sans accroître leur pouvoir monopolistique. Ceci doit aboutir à des gains de productivité et à une maîtrise des coûts et des prix. En outre une plus grande différentiation des produits le PMU [Programme de Marché Unique] apportera des gains complémentaires liés à l'élargissement du choix pour le consommateur. » (BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999], p.85)

Ce sont donc essentiellement ces effets qui nous intéresseront par la suite.

L'étape suivante que la Turquie atteindrait en poussant encore son intégration serait l'union économique. A cette fin, la Turquie devra néanmoins abandonner une partie de sa souveraineté en matière économique. Or, comme pour l'instant la Turquie a une économie « éloignée » de la moyenne européenne, cette régulation risquerait d'être difficile dans un premier temps. En effet, cela introduirait des contraintes pour la régulation de l'économie (qui ne répondrait pas de la même manière aux chocs) car la Turquie renoncerait, par exemple, aux variations de parité entre devises en se pliant à la politique monétaire commune. Aussi, nous ne nous questionnerons pas sur le passage à cette étape qui semble encore lointaine. Nous avons néanmoins mis en annexe 16 un aparté sur la notion de zone monétaire optimale (ZMO) qui a été développée dans les années 60 par MUNDELL afin de mettre en évidence les exigences et les conséquences de l'introduction d'une monnaie commune dans un espace économique (si la Turquie dépassait le stade de l'Union douanière, à terme, la question de la monnaie unique se poserait et cette approche de ZMO serait utile).

Selon cette approche, une Union monétaire n'est concevable qu'entre pays économiquement proches de façon à ce que tout choc asymétrique soit absorbable sans modifier les taux de change. Dans une zone monétaire optimale on absorbera les chocs par le biais de variations de prix et/ou de salaire, ou par des mouvements de capitaux et/ou de main-d'oeuvre. En conséquence se pose donc au préalable la question du marché commun.

En conclusion, nous traiterons essentiellement des effets de l'Union douanière déjà réalisée et de la pertinence de la dépasser pour réaliser un marché commun.

Néanmoins, il nous arrivera de dépasser parfois le strict cadre du questionnement du marché commun en s'interrogeant sur l'intégration « complète » de la Turquie à l'Union européenne. Ceci se justifiera par l'opposition entre, d'une part, le choix de rester au stade de l'union douanière et donc dans un processus de coopération25(*) de libre-échange qui n'a pas pour but de s'approfondir (la Turquie reste un « associé »); et, d'autre part, le choix de continuer le processus d'intégration économique26(*) dans laquelle le marché commun n'est qu'une étape (la Turquie devient un membre à part entière avec des droits et des obligations ).

Par ailleurs, il faut garder à l'esprit que lorsque nous parlons d'adhésion à l'Union européenne, nous prenons en compte un certain nombre d'implications pour la Turquie que nous avons conceptualisées, par la suite, en deux parties distinctes pour faciliter notre analyse. Il y a donc :

- D'un côté une politique commerciale régionale libre-échangiste (qui représente la suppression réciproque des droits de douanes avec l'Europe ainsi que la mise en place des tarifs extérieurs communs dans le cadre de l'Union douanière, la libre-circulation des facteurs dans le cadre du marché commun...) ainsi que les effets liés à cette ouverture (économie d'échelle, attraction plus marquée des IDE...) ;

- Et de l'autre côté, toutes les réformes qu'exige l'adhésion en plus de la politique commerciale ouverte ainsi que toutes les subventions et politiques spécifiques à l'Union européenne (Fonds structurels, PAC...).

Dans notre raisonnement et surtout pour le premier chapitre, nous ne prendrons essentiellement en compte que les premières implications pour ne pas noyer l'analyse. Nous ferons néanmoins succinctement référence aux secondes implications pour ne pas s'éloigner trop de la réalité mais ils ne constitueront jamais d'arguments décisifs. En effet, si l'on considère les fonds structurels (fonds de cohésion, FEOGA...) il semble qu'ils ne soient nullement garantis pour les nouvelles adhésions à l'Union européenne et ne peuvent donc pas entrer en compte dans le choix d'adhésion. (Nous y ferons pourtant allusion dans notre dernière section mais justement dans le but de montrer que ces transferts ne peuvent entrer en compte)

* 20 Présentée dans BALASSA B. [1961] The Theory of Economic Integration, Georges Allen & Unwin Ltd., London.

* 21 A ces quatre niveaux d'intégration certains peuvent ajouter un premier palier d'intégration régionale encore moins avancé : le groupement de commerce préférentiel (concerne uniquement une réduction partielle des mesures protectionnistes sur les échanges commerciaux entre pays membres- voir C. AUBIN et P. NOREL [2000], p113.) que SIROËN J.-M. [2000] nomme pour sa part Association et forum de coopération économique. Mais ce niveau ne nous concerne pas dans la mesure où la Turquie l'a déjà dépassé.

* 22 Rappelons néanmoins que l'Union douanière qui est l'un des objectifs fixés par l'accord d'Ankara (1964) et par le protocole additionnel (1973) aurait du voir le jour, selon ce même Accord, en même temps ou après que la libre circulation des personnes et des capitaux soit réalisée. (voir Annexe 5 sur les Phases de l'Association CE-Turquie) Mais cela n'a pas été le cas. La Turquie semble suivre étape par étape la Typologie que l'on vient d'exposer.

* 23 En effet, concernant l'Union douanière, le rapport régulier 2001 sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion concluait qu'avec l'alignement sur le tarif douanier commun des « produits sensibles » le nouveau code des douanes turc était presque entièrement aligné sur l'acquis.

* 24 KINSKY Ferdinand [2001], « L'élargissement de l'Union européenne », l'Europe en formation, n°322, automne 2001, p. 9.

* 25 «  La coopération se limite à une alliance dont la durée de vie dépend des intérêts mutuels » AKAGüL D. [1999].

* 26 « (...) l'intégration économique dans sa phase finale débouche inévitablement sur l'union politique. » AKAGüL D. [1999].

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