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Intérêts et enjeux économiques de l'intégration à  l'Union Européenne d'un point de vue turc

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par Benoit ILLINGER
Université Pierre Mendès France (Grenoble II Sciences Sociales) - DEA Economie et Politiques Internationales 2002
  

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Introduction

Le 10 août de cette année, le très populaire ministre de l'économie turque Kemal DERVIS, ancien vice-président de la Banque mondiale, principal artisan du projet de réformes destiné à mettre fin à la crise économique turque, a démissionné de manière inattendue du gouvernement de Bulent ECEVIT. Il va tenter de fonder un pôle pro-occidental en vue des élections de novembre.

En effet, Kemal DERVIS a décidé de s'unir avec l'ancien ministre des Affaires étrangères Ismaïl CEM, pro-européen et fondateur du « parti de la Nouvelle Turquie ». Les deux hommes annonçaient qu'ils souhaitent désormais créer une alliance des forces libérales pro-occidentales afin de barrer la route aux islamistes modérés du parti AK1(*). Leur alliance serait résolument tournée vers l'Union européenne.

Effectivement, malgré différentes difficultés dont des crises récurrentes, la République de Turquie peut prétendre à l'adhésion car elle peut prétendre au rattrapage. Elle connaît un rythme de croissance rapide avec un PIB élevé. Ces points positifs sont néanmoins couplés à un fort déficit budgétaire et une inflation élevée persistante2(*). Pourtant si ce pays qui comptait plus de 66 millions d'habitants en 2002 réussissait à sortir du cercle vicieux de l'endettement dangereux et réussissait son rattrapage, il représenterait un marché attrayant. L'Union européenne (UE) a donc vu la Turquie comme un pays périphérique immédiat « au potentiel de croissance élevé »3(*). En 1997, elle était devenue le 6ème client et le 12ème fournisseur de l'UE. Sa part relative dans les échanges extra-communautaires a doublé sur la période 1988-1998 et montre bien le dynamisme de la Turquie en tant que partenaire commercial. C'est pour ces raisons qu'il semble important de s'intéresser à l'hypothétique intégration de la Turquie à l'UE.

À l'heure actuelle, la Turquie fait partie des pays candidats à l'adhésion à l'UE. La volonté d'adhérer n'est pas nouvelle et il y a un véritable engagement pour un processus de rapprochement vers les standards européens conformément aux préconisations tant économiques que politiques de l'Union européenne (critères de Copenhague de 1993). De plus, si d'une part cet Etat doit consacrer ses efforts à l'intégration de l'acquis communautaire (PNAA : programme national de l'adoption de l'acquis communautaire), d'autre part, elle doit mobiliser une partie importante de l'activité du Gouvernement et du Parlement (dit « grande assemblée nationale turque ») afin de palier aux problèmes économiques et financiers.

Pourtant, il semble que tous les membres de l'U.E ne soient pas prêts à accueillir cette nation au sein de leur « club » ou du moins pas à n'importe quelle condition. Il est alors pertinent de se demander si la Turquie a réellement un intérêt à cette adhésion. Est-ce que, pour un pays ayant un niveau de développement moindre, l'ouverture à un ensemble régional plus avancé est optimale ou simplement le cantonne-t-il, à terme, à une spécialisation peu avantageuse qui ne bénéficie qu'à certains groupes dans la société?

Nous verrons dans un premier temps de cette introduction, pour appréhender correctement notre travail, l'histoire qui unit la Turquie et l'Europe afin de tisser la toile de fond. Nous chercherons ensuite à définir, en précisant quelques notions, l'objectif de notre exposé et pourquoi il nous intéresse. Nous terminerons en annonçant la démarche que nous suivrons pour répondre à notre problématique.

« Une relation tumultueuse » ( bref historique)

Il semble que pour pouvoir appréhender notre sujet correctement, il est préférable de connaître les relations que la Turquie entretient et a entretenu avec la CEE puis l'Union européenne4(*). Aussi, nous allons tenter de résumer rapidement cette relation souvent qualifiée de « tumultueuse5(*) » en mettant en exergue les hésitations turque et européenne à unir leurs destinés6(*).

Tout d'abord, la Turquie fut tiraillée pendant des siècles entre les intérêts mais aussi les cultures occidentales et orientales. Elle bénéficie alors des influences des uns et des autres sans vraiment choisir de « camp ».

Au XIXème siècle les écarts entre les deux continents croissent rapidement du fait de progrès techniques et sociaux du côté occidental. Après une période d'attente et du fait de quelques conflits, la Turquie va irréversiblement pencher pour le modèle européen. Elle va procéder à un certain nombre d'importations techniques militaires puis elle nouera de réelles alliances politiques et militaires. Se développeront alors de manière croissante les échanges commerciaux et culturels avec l'Europe. La politique d'occidentalisation est enclenchée mais pas de manière continue et rectiligne comme l'histoire l'aura montrée.

Malgré cette orientation, l'Empire ottoman ne parvient pas à s'adapter au monde occidental moderne et sa perte de vitesse par rapport aux autres pays partenaires le conduit progressivement à son démembrement. Après la défaite des Empires centraux, le sultan MEHMET VI est contraint d'accepter le contrôle des Alliés et de ratifier le traité de Sèvres du 10 août 1920 qui est loin d'être favorable à son pays. Mustapha Kemal ATATüRK7(*) s'oppose à ce traité et renverse alors le sultanat et tente d'instaurer de manière personnelle et autoritaire un Etat national turc.

La République sera fondée en 1923. Elle entame un certain nombre de réformes en direction de l'occident (abandon de l'alphabet arabo-persan pour la graphie latine, laïcisation...). En proclamant « paix dans le pays, paix dans le monde », ATATüRK pose de plus le principe fondamental de la politique extérieure qui va être suivi par ses successeurs jusqu'à aujourd'hui8(*). Même durant la seconde guerre mondiale, le successeur d'ATATüRK, le général Ismet INÖNü use habilement de la démocratie pour rester neutre. Dans ces conditions de neutralité, il semble que la Turquie soit plus encline à s'intéresser à son intégration à l'Europe car elle ne cherche pas à s'affirmer seule.

De surcroît, c'est à cette époque que l'URSS dénonce le traité de neutralité et d'amitié entre les deux pays dans un double but : récupérer les régions de Kars et de Ardahan et modifier le statut des détroits. La Turquie intensifie alors sa politique « d'occidentalisation » initiée dès les dernières décennies de l'Empire ottoman et bascule définitivement dans le camp occidental.

En 1948, la Turquie bénéficie de l'aide du plan Marshall et adhère à l'OECE9(*). Elle devient membre du Conseil de l'Europe en 1950 et de l'OTAN en 1952. Sa volonté européenne semble irréversible. De plus, en 1959, la Turquie réaffirme officiellement sa vocation européenne et formule sa première demande pour devenir membre de l'UE.

Durant la guerre froide, la Turquie joue un rôle géostratégique important car elle est le seul membre de l'OTAN avec la Norvège à posséder une frontière commune avec l'URSS.

C'est dans ce contexte que la Turquie opère avec l'Europe et notamment avec l'Allemagne un rapprochement10(*). Et à la suite de nombreuses négociations, en 1963 le traité de l'Accord d'Association dit accord d'Ankara sera signé. Cet accord prévoit deux grands objectifs : tout d'abord l'instauration d'une Union douanière puis la préparation de l'éventualité d'une adhésion à part entière de la Turquie à la Communauté européenne. L'association était conçue en trois étapes : une phase préparatoire de cinq ans, une seconde phase de consolidation et de transition vers l'Union douanière et une phase finale de rapprochement et d'harmonisation des politiques économiques fiscales et de concurrence11(*).

Le fonctionnement de ce régime d'association était fondé sur la projection d'un échange où la Turquie exporterait des produits agricoles et des produits textiles et habillements et importerait des produits industriels. Elle comblerait alors son déficit commercial vis-à-vis de la Communauté par un excédent dans les mouvements de facteurs de production, notamment grâce aux envois de fonds des travailleurs turcs émigrés et une assistance financière croissante de la part de la Communauté. Mais dans les faits les relations d'association n'ont pas exactement évolué selon ces prévisions (TURUNÇ [1999]).

Par ailleurs, durant les années soixante, la Turquie a « refroidi » ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis sous la pression de l'opinion publique et dans le but de recentrer sa politique étrangère sur ses voisins : réconciliation avec l'URSS et avec les pays du Moyen-Orient. Dans ces circonstances, ces derniers deviennent les premiers partenaires commerciaux de la Turquie et cela durera jusqu'en 1986.

Ce recentrage de la politique étrangère ainsi que de l'économie turque éloigne le pays de l'Europe. Cet éloignement s'accentuera d'autant plus dans les années soixante-dix, sous les gouvernements de coalition dirigés par le Cumhuriyet Halk Partisi (Le Parti Républicain du Peuple, parti du centre gauche) et le Milli Selamet Partisi (le Parti du Salut National, parti conservateur-religieux, ancêtre des islamistes actuels) qui privilégient les relations avec leurs voisins directs pour traverser la crise économique, politique et sociale qui ébranle le pays. De plus, durant cette période, le ralentissement de l'activité économique a conduit à l'adoption de politiques protectionnistes contraires à l'esprit d'association. C'est la seule fois, dans la période récente que le processus d' « occidentalisation » et d'intégration à l'Europe est interrompu.

La situation intérieure, politique et économique, conduit tout droit au coup d'Etat de 1980 qui ne facilitera pas les relations turco-communautaires qui resteront alors au plus bas jusqu'en 1987.

À cette date, un nouveau rapprochement est matérialisé dans sa demande d'adhésion à la CEE. Néanmoins, cette demande n'est pas acceptée comme telle par l'Europe qui, consciente du poids d'un refus catégorique sur la Turquie, ne s'empressera pas de donner une réponse. Cette fois, ce n'est pas la Turquie qui freine le processus mais plutôt les pays européens qui se sentent en position de force.

En effet, le 18 décembre 1989, la CEE rendra enfin un avis sur l'adhésion de la Turquie12(*) énonçant l'inutilité d'entamer les négociations d'adhésion mais affirmant la nécessité de développer une coopération bilatérale.

La décennie suivante verra encore apparaître un changement du statut de la Turquie. Durant la guerre froide, elle constituait le flanc sud de l'OTAN. Sa fonction principale était de jouer le rôle de frontière du bloc occidental. Mais la fin du bloc soviétique, qui, en modifiant la carte de l'Europe avec la création de nouveaux Etats indépendants, et la mise en place d'un nouvel ordre mondial avec de nouvelles mesures de sécurité, place désormais la Turquie dans une situation de puissance régionale incontournable. Si l'on empreinte la typologie de Dominique DAVID, la Turquie devient alors un Etat provincial dont l'influence s'étend à sa province du monde, c'est un Etat de référence pour l'organisation de la région13(*). Avec notamment la guerre du golfe, la guerre de l'ex-Yougoslavie et la dislocation de l'Union soviétique, la position géostratégique de la Turquie, qui fut oubliée un temps, reprend toute son importance au niveau régional voire mondial.

Du fait de ce nouveau statut, les années 1990 voient la dynamique de rapprochement entre l'Union européenne et la Turquie se poursuivre et prendre forme. En juin 1992, à Lisbonne, le Conseil européen propose d'établir un « partenariat stratégique » par lequel l'UE reconnaît à la Turquie le rôle de stabilisateur, de modérateur dans une région caractérisée par une instabilité préoccupante. C'est dans le cadre d'une politique euro-méditéranéenne visant à la constitution d'une zone de libre échange (ZLE) qu'est envisagée cette nouvelle approche.

Pour appuyer encore cette nouvelle approche, l'Accord d'Union douanière est signé en 1995 (deuxième phase de l'Accord d'association de 1963). Le processus d'intégration européenne en cours depuis 1963 s'approfondit donc par ce biais mais n'en présage pas plus. La Turquie devient uniquement par cette signature le partenaire économique le plus proche de l'Union européenne mais demeure paradoxalement en marge de l'Union14(*). Ce nouveau régime comprend trois volets :

- Le volet économique qui est fondé sur la libre circulation des produits industriels sans droit de douane, l'adoption d'un tarif douanier commun de la Communauté pour les importations turques en provenance des pays tiers (avec des dérogations particulières), la suppression du prélèvement du Fond pour le logement appliqué aux produits industriels et l'harmonisation par la Turquie de ses législations avec celles de la communauté.

- Le volet politique qui comprend des mécanismes de coopérations prévoyant notamment des rencontres entre le Premier ministre turc et le Conseil de l'UE.

- Le volet financier qui prévoit de renforcer la coopération dans ce domaine et ceci notamment avec la reprise de l'aide financière interrompue depuis le coup d'Etat de 1980.

Il faut néanmoins garder à l'esprit que cet accord ne garantit pas à terme l'adhésion complète de la Turquie à l'UE. D'ailleurs, lors du lancement du processus d'élargissement de l'Union en décembre 1997, le Conseil européen de Luxembourg n'a pas cité la Turquie parmi les pays admis officiellement à engager des négociations sur leurs conditions d'admission à cause du veto grec mais aussi à cause de la mauvaise volonté de plusieurs autres pays de l'Europe du Nord.

À propos de la Turquie, le Conseil annonce que les conditions politiques et économiques pour entamer les négociations ne sont une fois de plus pas réunies. Cela déçoit énormément l'opinion publique turque qui était favorable à l'adhésion à l'UE.

Ces conditions non respectées sont celles définies par l'Union européenne lors du Conseil européen de Copenhague de 1993 et connues sous le nom de « Critères de Copenhague ». Il s'agit de trois critères préalables à l'adhésion:

i) De disposer d'institutions stables garantissant la démocratie, la primauté de droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection ;

ii) D'être pourvu d'une économie de marché viable capable d'affronter la pression concurrentielle à l'intérieur de l'Union ;

iii) D'être capable d'assumer les obligations, et notamment de souscrire aux objectifs de l'Union européenne, c'est-à-dire de reprendre « l'acquis communautaire ».

C'est dans l'expectative que la Turquie réponde à ces critères que l'Union européenne a mis son adhésion en attente. Néanmoins, il semble pour certains que ces critères ne soient qu'un prétexte pour bloquer la Turquie non désirée aux portes de l'Union européenne car ils n'ont jamais constitué de réels obstacles à l'entrée des autres candidats passés ou même des autres candidats actuels15(*).

Néanmoins, le 11 décembre 1999, suite à la levée du veto grec au sommet d'Helsinki, l'UE reconnaît officiellement à la Turquie le statut de candidat à l'adhésion. Le lendemain certains journaux turcs titraient : «  Nous sommes le premier candidat musulman à l'Europe ! ».

Le Conseil européen d'Helsinki prévoit de plus l'institution d'un partenariat sur la base des Conclusions des Conseils européens précédents. Il prévoit deux volets de critères-préparatifs à l'adhésion (économique et politique) auxquelles la Turquie doit satisfaire.

La Turquie adopte alors son programme national pour l'adoption de l'acquis communautaire (PNAA) en mars 2001 afin d'intensifier les travaux visant à aligner la législation et les pratiques turques sur celles de l'UE.

En conclusion, on peut dire que le processus d'adhésion de la Turquie à l'UE est avancé mais incomplet. Cependant, si son avancement confère pour l'instant des contraintes à la Turquie, il ne lui permet pas pour autant de bénéficier du droit de participer aux décisions.

« En résumé, la Turquie se trouve actuellement dans la situation particulière d'être le premier pays à avoir réalisé une Union douanière avec l'UE, sans en devenir pour autant un membre à part entière, comme ce fut le cas lors de précédents élargissements. » (AKAGüL D. [1999])

En effet, la situation de la Turquie vis-à-vis de l'UE limite sa marge de manoeuvre en terme de politique commerciale sans pour autant lui accorder le droit de participer à l'élaboration de celle-ci. De plus, avec l'Union douanière, la possibilité pour la Turquie de négocier d'autres accords commerciaux préférentiels s'est réduite.

Or, la Turquie avait la volonté de développer une stratégie de diversification géographique de ses partenaires commerciaux et notamment avec ses voisins de la mer Noire. Elle a même été jusqu'à la prise d'initiatives dans l'instauration d'une coopération économique régionale avec la Zone de Coopération Economique de la mer Noire (ZCEMN). Cette stratégie ne peut toutefois être considérée uniquement comme une volonté de diversifier géographiquement ses partenaires pour se prémunir contre une mise à l'écart par l'UE16(*). Elle est également mue par des considérations structurelles. En effet, du fait que l'économie turque occupe une position intermédiaire dans la division internationale du travail, elle doit avoir, d'une part, des partenaires moins avancés pour exporter des biens de consommation et, d'autre part, des partenaires plus avancés en l'occurrence de l'UE17(*) lui fournissant ses importations de biens intermédiaires et de biens d'équipement. Ainsi il semble que le développement de ses échanges commerciaux avec ses pays voisins ne soit pas au détriment de ses relations avec l'Union européenne bien au contraire. Pourtant, la Turquie n'a pu élaborer de stratégie commerciale avancée avec ses voisins de la mer Noire car l'UE le lui interdisait18(*).

Aussi, pour certains il est nécessaire de continuer l'intégration afin d'adhérer « complètement »19(*) à l'Union et de bénéficier des avantages qui en découlent. Mais qu'est-ce que cela inclue ? Quels sont les intérêts économiques et quels sont les enjeux de l'adhésion à l'Union européenne pour la Turquie ?

Nous allons donc maintenant voir les étapes de l'intégration pour pouvoir comprendre et répondre à ce type d'interrogations.

* 1 Ces derniers sont néanmoins et pour l'instant donnés favoris dans les sondages avec 20% des intentions de vote (Le Monde, 17 août ) On apprendra que, finalement, Kemal Dervis fondera fin août un autre parti mais qu'il restera résolument pro-européen.

* 2 voir annexe 13 : chômage et inflation et annexe 14 : besoin de financement du secteur public.

* 3 CCE [1994], renforcement de la politique méditerranéenne de l'Union européenne : établissement d'un partenariat euro-méditerranéen, COM (94) 427 final, Bruxelles, 19/10/94.

* 4 Par la suite nous emploierons indifféremment Union européenne à la place de CEE pour faciliter l'exposé. Il convient de rappeler que lors du traité de Maastricht de 1992 la CEE a perdu sa qualification purement économique et est devenue la Communauté Européenne, gardant la CEE à l'intérieur du  « paquet » regroupant d'autres domaines qui ne nous concernent pas pour notre exposé essentiellement économique. Aussi, nous ne ferons la distinction et préciserons plus exactement que lorsque cela s'avérera nécessaire pour notre développement.

* 5 Nous faisons ici notamment référence au sous-titre du recueil résumant le colloque « La Turquie et l'Europe » du 6 et 7 novembre 1997 qui est « une coopération tumultueuse ». (INSEL A. (sous la dir.) [1999])

* 6 On retrouvera en annexe 2 une chronologie des principaux évènements pour faciliter la vision globale du lecteur par la suite.

* 7 Mustafa Kemal ATATüRK (1881 - 1938) est considéré comme le fondateur de la République de Turquie. Le 19 mai 1919, quatre jours après l'invasion de Smyrne par les Grecs, ATATüRK débuta un mouvement nationaliste populaire de résistance qui sortira vainqueur de la guerre d'indépendance en 1922. Après une série de victoires tant militaires que politiques, il abolit le sultanat  le premier novembre 1922 et fonde la République Turque. L'Assemblée nationale ratifie le texte à l'unanimité et proclame la naissance de la République le 29 octobre 1923. Atatürk en sera le premier président, pendant 15 années.  Fondateur du Parti républicain du peuple, Atatürk a décidé de faire sortir son pays des vieilles ornières ottomanes pour se tourner vers l'Occident, vers le progrès. De ses victoires politiques, on peut noter: l'abolition de la polygamie et l'instauration du mariage civil obligatoire en 1925 ; la séparation de l'Islam et de l'État en 1928; le droit de vote qu'il accorde aux femmes dès 1934 (10 ans avant la France), l'instauration de la graphie latine à la place de l'alphabet arabo-persan... Atatürk signifie le Père des Turcs. C'est le patronyme proclamé par le Parlement pour avoir instauré officiellement en 1935 le nom de famille pour les Turcs. Il reste le symbole de la République turque, son buste, son portrait se trouvent partout dans les maisons, écoles, lieux de travail. Des monuments publics sont dressés sur toutes les places à son effigie.

* 8 ELAL Serpil [2000].

* 9 OECE (Organisation Européenne de Coopération Economique) est depuis devenue l'OCDE (Organisation Coopération Développement Economique).

* 10 On note néanmoins que, suite à la mort de Staline en 1953, l'URSS avait renoncé à ses prétentions territoriales vis-à-vis de la Turquie et désirait alors renouer des liens privilégiés avec elle. Mais la Turquie ne répondra à cet appel qu'en 1964, lorsqu'elle est marginalisée pour son comportement dans l'affaire chypriote. C'est à ce moment que le processus de rapprochement avec l'Europe et l'Occident va se figer pendant une période. En effet, la Turquie prendra alors conscience des dangers que lui faisaient courir sa dépendance excessive envers les Etats-Unis et comprendra avec la détente des années 60 qu'elle ne peut plus rester un pion dans la stratégie des grandes puissances et qu'elle doit affirmer sa propre politique étrangère en se dirigeant alors vers l'Europe.

* 11 Pour plus de détail voir Annexe 5 : Phases de l'Association CE-Turquie

* 12 Certains auteurs constatent d'ailleurs que l'année 1989 est une année charnière qui couple le premier rejet officiel de la candidature turque et la chute du monde bipolaire. Aussi, ces auteurs se demandent si l'attrait de la Turquie n'est pas réduit du fait de la fin de sa position stratégique entre les deux camps. (voir notamment BILLON D. [1997]).

* 13 L'ouverture au monde pousse à hiérarchiser les Etats en fonction de potentiels et d'environnement redéfinis. Dominique DAVID établit alors une typologie à quatre niveaux : Au niveau élémentaire prolifèrent les Etats de fait dont l'espace est limité à celui de sa survie. Au niveau supérieur, niveau qui nous intéresse, on retrouve l'Etat provincial dont l'influence, comme nous l'avons rappelé, s'étend à sa province du monde : à des degré divers l'Afrique du Sud ou la Turquie sont des Etats de référence pour l'organisation politique de leur région. Aux niveaux supérieurs, il y a d'abord les Etats mi-globaux et ensuite l'Etat global. Les premiers ont une influence qui dépasse leur région pour une raison ou une autre (puissance, militaire, démographique, économique...), ils sont les éléments irrécusables de toute décision internationale. Le second est un statut aujourd'hui uniquement attribué aux Etats-Unis qui possède les éléments classiques de la puissance : économiques, diplomatiques, cultuels, technologiques, militaires et ils peuvent les projeter sur tous les théâtres stratégique de la planète. (DAVID D. [2001] La mondialisation et le militaire in De Montbrial (2001) RAMSES 2002, Dunod, Paris.)

La Turquie, du fait de sa puissance démographique et militaire, ainsi que du potentiel de son économie, aurait pu avoir le statut d'Etat mi-global. Nous lui avons pourtant attribué le deuxième échelon de cette typologie l'Etat provincial car le niveau supérieur incluait dans sa définition que l'état soit «un élément irrécusable de toute décision internationale » ce qui n'est pas exactement le cas. Néanmoins, à certaines périodes cette classification aurait été pertinente.

* 14 Voir notamment à ce sujet l'article de AKAGüL D. [1999] « La Turquie et l'économie européenne : vers l'intégration ou la coopération ? » in INSEL A. (sous la dir.) [1999] qui reproche à l'Union européenne d'offrir à la Turquie une position qui lui confère un certain nombre d'obligations désavantageuses sans lui fournir de contreparties.

* 15 Voir à ce sujet le mémoire de DEA de ANT Kiymet [2002] La conditionnalité politique et l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, CUREI, UPMF, Grenoble. Voir également TURUNÇ [2001] qui, pour sa part, en se questionnant :« Pourquoi hésite-t-on à entamer les négociations d'adhésion avec un pays qui a conclu un accord d'association avec l'Union depuis 1963 et achevé son union douanière avec elle ? » (TURUNÇ Garip [2001] p.103) répond que c'est essentiellement l'objection culturelle qui est retenue. Nous ne porterons pour notre part aucun jugement sur ce point car nous ne nous poserons pas ce type de questions et nous cantonnerons à la perspective turque.

* 16 Dès 1991, le président de la République, T. ÔZAL, témoignait de cette crainte de mise à l'écart par l'UE : « Au point ou nous en sommes, nous ne devons pas perdre de vue d'autres alternatives. La Turquie ne peut pas mettre toutes ces possibilités dans le même panier. Je ne dis pas cela pour défier la CE ou l'Europe. Ce n'est pas du tout cela. Mais nous devons prendre en considération toutes les alternatives. » - Allocution du 5 novembre 1991, Tûrkiye'nin stratjik ôncelikleri (les priorités stratégiques de la Turquie), Ankara, 5Ronéo pp.17-18. cité in AKAGüL Deniz [1995].

* 17 Voir à ce sujet AKAGüL Deniz [1998] qui traite des orientations du commerce extérieur turc suite aux évènements politiques internationaux.

* 18 La Commission a précisément fait part de son désaccord quant à la participation de la Grèce et de la Turquie à la zone de libre échange de la mer Noire car ces pays dépendent de la politique commerciale commune de l'UE et ne peuvent donc participer en leur nom propre à des accords de libre-échange préférentiel régionaux. - CCE Coopération régionale dans la région de la mer Noire : état de la situation, cadre pour une action de l'UE visant à favoriser son développement ultérieur, COM (1997) 597 final, Bruxelles, 14/11/97.

* 19 Lorsque nous employons le terme « complète» ou « à part entière » à propos de l'adhésion turque nous faisons référence à la typologie de Balassa et nous parlons donc du marché commun et de l'Union économique. Ce point est développé dans les paragraphes suivants.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984