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L'estime de soi dans la philosophie de Kant

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par Thomas Giraud
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 Recherche 2010
  

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2.3.5. La contradiction dans la moralité

Il est donc bien manifeste que Kant oscille, dans sa théorie de la motivation morale, entre les deux grandes positions que nous avons indiquées. La première position, disions-nous, réduit le mobile moral à la considération de la loi, et elle fait s'incarner la représentation de la loi dans le respect. Dans cette perspective, l'estime de soi joue un rôle d'élément entrant dans la constitution de l'unique mobile de la moralité. Cette solution a l'avantage de préserver la pureté de la détermination morale, dans laquelle « la loi morale détermine immédiatement la volonté », selon les termes déjà cités de la Critique de la raison pratique. Mais elle a l'inconvénient de se heurter à l'objection selon laquelle la représentation rationnelle de la loi, ou même son alter ego subjectif, le respect pour la loi, ne peut suffire à motiver un agent. Certes, Kant défend dans de nombreux passages l'idée que la seule représentation de la loi morale suffit à nous déterminer à agir : « la représentation du devoir et en général de la loi morale, quand elle est pure et n'est mélangée d'aucune addition étrangère de stimulants

sensibles, a sur le coeur humain par les voies de la seule raison (...) une influence
beaucoup plus puissante que celle de tous les autres mobiles »172. La

représentation de la loi est dans ce passage tellement capable (cf. « puissante ») de

170 Fin choses, p. 322

171 Fin choses, p. 322

172 Fdts, p. 272

déterminer la volonté à seule (cf. « quand elle est pure ») qu'elle est même un

mobile plus puissant que tous les autres mobiles. Mais, de fait, lorsque Kant esquisse une théorie de la motivation morale, comme dans la Doctrine de la vertu, il a recours à des sentiments qui ne se confondent pas avec la représentation de la loi, des sentiments qui ne se confondent même pas avec le respect pour la loi.

La seconde position kantienne est précisément celle qui fait participer à la détermination de la bonne volonté les « stimulants sensibles » dont parle le passage que nous venons de citer : c'est, par exemple, la satisfaction morale ou l'amour du prochain. L'estime de soi apparaît sous ce jour comme un des sentiments qui peuvent participer à la détermination morale : elle jouerait notamment un rôle dans le cas de l'obligation envers soi-même. Cette solution n'enlève pas toute influence au respect pour la loi, mais elle l'intègre à un mélange dont il n'est plus qu'un des ingrédients. Elle présente l'inconvénient de perdre la pureté de la détermination morale, mais elle échappe à l'objection selon laquelle toute volonté doit être déterminée par des mobiles vraiment sensibles et selon laquelle le respect ne correspond pas à un tel mobile, puisqu'il tend à se confondre avec la représentation de la loi morale.

Nous voudrions ici essayer d'interpréter philosophiquement cette hésitation de Kant. Nous voudrions indiquer brièvement comment on pourrait rendre compte de cette oscillation entre deux positions contraires en faisant une

lecture hégélienne de la moralité effective comme contradiction, de la moralité
comme « opposition consciente »173. C'est la moralité elle-même qui se présente,

sous son aspect subjectif d'état psychologique, à la fois comme pure considération
de la loi universelle et comme sentiment pathologique fondant une inclination.
C'est le mérite de Kant d'avoir souligné comment la considération de la loi morale

devait être au principe de l'action pour que celle-ci puisse être morale. « Ceux qui

agissent », fait néanmoins remarquer Hegel, « ont dans leurs activités des buts
finis, des intérêts particuliers »174. C'est dire que, dans toute action, les agents sont

mus par des mobiles relatifs à des sentiments pathologiques, et qu'ils agissent sous l'influence d'inclinations. La moralité réelle, effective, suppose à la fois la considération de la loi morale et un mobile purement sensible. Si la moralité subjective ne consistait que dans le respect de l'exigence morale, sans participation des sentiments, elle ne serait qu'une insensibilité. Mais si elle ne consistait que dans des mobiles sensibles, elle se confondrait avec la pure recherche du plaisir : elle ne serait que sensualité. La moralité effective se situe

entre insensibilité et sensualité, dans une médiation qui nous reconduit à la définition aristotélicienne de la vertu comme « moyen terme »175.

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