WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Etude de la conséquence en français contemporain: Le cas de trois oeuvres d'Emile Zola

( Télécharger le fichier original )
par Lysette Nanda
Université de Yaoundé I - DEA de langue française 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1.1.2. La causalité indirecte

On parle de causalité indirecte lorsque l'interprétation de l'événement décrit explicitement dans P1 ne constitue pas la cause efficiente de l'effet décrit dans P2. La cause directe est implicite. Ce type de juxtaposition ne permet pas une interprétation aisée de la causalité. Par exemple, les énoncés [2] sont ambigus :

2a. Enfin, le président eut l'idée d'un vote par acclamation. Les bras se levèrent, [...] (Ge, p 241) ;

2b. Entré un des premiers, il (Jeanlin) avait gambillé au travers de la cohue, enchanté de cette bagarre, cherchant ce qu'il pouvait faire de mal ; et l'idée lui était venue de tourner les robinets de décharge, pour lâcher la vapeur. Les jets partirent avec la violence d'un coup de feu [...] (Ge, p310) ;

2c. Mais un coup d'oeil lui a suffit, il s'est conduit en homme du monde...

(Na, p.306).

En [2b], il n'est pas facile d'établir une relation directe entre les bras qui se lèvent et l'idée d'un vote par acclamation. Il est donc nécessaire d'inférer d'abord une cause qui est implicite dans l'énoncé. En effet, après avoir eu l'idée d'un vote par acclamation, il a fallu exposer son idée à l'assistance pour que les camarades mineurs puissent lever leurs bras pour voter. Il en est de même avec [2c] où il faut que Jeanlin concrétise son idée par exemple, en ouvrant les vannes pour que la conséquence : Les jets partirent avec la violence d'un coup de feu, puisse avoir lieu. Pour qu'il y ait une logique dans la déduction de la conséquence, il faut d'abord que le co-locuteur infère la cause. Il s'agit, pense Danlos (2000 : 2), de la forme elliptique d'une chaîne causale plus longue ; forme qui augmente la distance entre la cause et la conséquence. La maxime de quantité qui veut que le locuteur livre une quantité suffisante d'informations n'est pas respectée par ce dernier. La causalité est ici indirecte ou sous-entendue.

Le sous-entendu représente toute information qu'un énoncé véhicule, mais dont l'extraction du contexte énonciatif est révélatrice de sens. Pour Kerbrat-Orecchioni (1986 :36), les sous-entendus regroupent

les informations qui sont susceptibles d'êtres véhiculées par un énoncé donné mais dont l'actualisation reste tributaire de certaines particularités du contexte énonciatif. Si un locuteur dit à son interlocuteur adonné à la tabagie : Jacques a cessé de fumer, cette phrase est un sous-entendu : tu devrais cesser de fumer, toi aussi.

Sur le plan énonciatif, l'expression de la conséquence par la cause indirecte permet au locuteur de faire une sorte d'économie dans son propos et oblige le co-énonciateur à fournir plus d'effort dans le décodage du message. Economie qui opacifie la pertinence du discours ; pertinence que Reboul et Moeschler (1998 :91), perçoivent comme une question d'équilibre entre efforts cognitifs et effets contextuels : plus l'énoncé demande d'efforts cognitifs, moins il est pertinent : plus l'énoncé produit d'effets contextuels, plus il est pertinent. Moeschler et alii (2006 :245) renforcent cette position en reconnaissant que l'augmentation de la distance sur une même chaîne causale rend la connexion moins accessible et le jugement de cohérence ou d'acceptabilité du discours négatif. Zufferey (2007 : 259-260) va plus loin pour signaler que dans l'analyse du discours, le connecteur assure juste la connexion entre deux énoncés alors dans l'analyse de la pertinence :

Les connecteurs pragmatiques sont désormais considérés comme des marques procédurales qui ont un rôle à jouer dans le traitement des informations au niveau du système central de la pensée, donc au niveau pragmatique. Ils vont notamment servir à déterminer les effets contextuels de l'énoncé et à faciliter le traitement de l'information en minimisant les efforts cognitifs. En résumé, leur rôle n'est plus de lier des éléments mais de guider l'interprétation des énoncés en donnant des instructions sur la manière de construire le contexte et de tirer des implications contextuelles.

Ainsi avec les connecteurs, l'effort de traitement de l'information est minimisé parce que, comme nous l'avons vu au chapitre précédent, les connecteurs indiquent les informations à connecter ainsi que les manières dont elles doivent être traitées. Malgré cela, on note tout simplement qu'il s'agit d'un choix de stratégie discursive qui se manifeste à travers la disposition des énoncés qui, d'ailleurs, n'est pas gratuite comme l'a déjà noté Eba'a (2003 :163). L'étude de la juxtaposition dans l'expression de la causalité dévoile qu'il existe entre la cause et l'effet une relation bien plus complexe que ce qu'on voit habituellement.

Cependant en plus du contexte et de la connaissance du monde qui favorisent une inférence causale ou consécutive, leur interprétation est guidée par la prosodie et l'intonation, ce qui amène Bonnard (1992 :310) à souligner que l'intonation et la marque des deux points peuvent suffire à marquer une relation de cause. Ces points lient deux phrases : l'apodose qui constitue la partie ascendante et la protase, la partie montante ; et c'est la protase qui exprime la conséquence. Pour vérifier cela, les marques de ponctuations peuvent être remplacées par des connecteurs consécutifs comme dans ces énoncés :

1a'. Son frère a volé si bien que / de sorte qu'il est en prison.... ;

2c'. Mais un coup d'oeil lui a suffit, et il s'est conduit en homme du monde...

Le constat fait montre que les connecteurs factuels semblent mieux s'intégrer dans les énoncés traduisant une causalité directe tandis que les connecteurs inférentiels semblent s'adapter aux énoncés marquant une relation inférentielle. Malgré l'intérêt que suscite cette observation, nous ne pouvons pas nous attarder sur cet aspect de peur de diluer l'objet de notre travail. Le locuteur préfère la forme paratactique parce qu'elle est proche de la conséquence inférentielle.

Parlant de la conséquence inférentielle, nous avions vu que c'est le locuteur qui décidait de l'orientation à donner à son propos, elle est subjective. La même conclusion peut être tirée de la conséquence implicite. La juxtaposition, en effet, permet au locuteur de faire une économie de son propos. Cette économie le met à l'abri de tout jugement critique autre que celui qu'il souhaite. Et, si son propos suscite une critique, il peut toujours nier et se cacher derrière le sens littéral de son propos. C'est donc à dessein que le locuteur choisit, pour certaines énonciations, soit le connecteur inférentiel, soit la juxtaposition des énoncés ; il évite ainsi les connecteurs factuels qui donnent une certaine objectivité à son énonciation et l'expose à une éventuelle contestation. Ce cas peut être vérifié dans [1a], en effet, aux accusations de la mère de Philippes, Nana peut toujours se défendre en répliquant qu'elle n'a contraint personne ni à lui faire la cour ni à lui promettre de l'argent. En assombrissant donc son message pour échapper à toute critique du lecteur ou du co-locuteur, le locuteur donne à son interlocuteur, peut-être sans se rendre compte, les moyens de se défendre si d'aventure il se sent indexé. De toutes les façons, l'énonciateur se trouve être le meilleur bénéficiaire de la controverse autour de la notion de vérité.

Du terme vérité on retient qu'il représente la conformité de ce qu'on dit, de ce qu'on pense avec ce qui est vrai. Il existe divers types de vérités : philosophique, scientifique, littéraire, etc. Ce dernier aspect est celui qui nous intéresse, la vérité littéraire est le sens que le récepteur a d'un texte. A ce sujet, Barthes (1966 : 56) reconnaît qu'une oeuvre est un chef-d'oeuvre

non parce qu'elle impose un sens à des hommes différents, mais parce qu'elle suggère des sens différents à un homme unique, qui parle toujours la même langue symbolique à travers des temps multiples : l'oeuvre propose, l'homme dispose.

Ainsi, le locuteur ou l'auteur écrit et l'allocutaire ou le lecteur interprète. Dans le même esprit, Todorov (1968 : 17) souligne que le sens du texte n'est pas unique comme la lecture linéaire d'un texte : de gauche à droite et de haut en bas, mais il est comme la lecture qui disjoint le contigu et rassemble l'éloigné, qui constitue précisément le texte en espace et non en linéarité. Le sens linéaire d'un texte est unique, mais le texte n'a pas un sens référentiel unique ; il (le texte) n'est plus la parole d'un individu, parce qu'il échappe à son contexte d'origine. La fonction symbolique de la langue donne à l'oeuvre une vie parce que la première permet à la deuxième de s'intégrer dans chaque époque, et même dans chaque contexte. Ceci peut faire croire que l'auteur donne ainsi une licence dangereuse à la surinterprétation et à la mésinterprétation, c'est-à-dire à l'exercice intempérant d'un type d'interprétation qui se croit tout permis, mais il s'agit d'une liberté consciente. Pour comprendre l'oeuvre, le récepteur doit la réinventer, mais en collaboration avec l'auteur ou l'énonciateur. Il doit exister entre eux une sorte de connivence. C'est pourquoi, pour mieux comprendre la position de Barthes, il faut aller en amont pour examiner le point de vue d'Umberto (1965 : 25). L'auteur souligne en fait que :

ici encore, « ouverture » ne signifie pas « indétermination » de la communication, « infinies » possibilités de la forme, liberté d'interprétation. Le lecteur a simplement à sa disposition un éventail de possibilités soigneusement déterminées, et conditionnées de façon que la réaction interprétative n'échappe jamais au contrôle de l'auteur.

Ainsi, non seulement pour l'interprétation, l'auteur laisse expressément dans le texte des indices et les vides à remplir par l'interprète pour obtenir le sens de l'énoncé, il a même l'opportunité de choisir la forme à donner à son énoncé. D'ailleurs relèvent Todorov et Bakhtine (1981 : 88), il n'y a pas de message tout fait, remis par A à B. Il se forme dans le processus de communication entre A et B. Ensuite il n'est pas transmis par l'un à l'autre, mais construit entre eux comme un pont idéologique. Si nous convenons avec Barthes qu'un texte possède plusieurs sens, il serait donc contradictoire de penser que le locuteur a plusieurs intentions. C'est pour cela qu'il est possible de dire que le sens de l'énoncé, c'est celui qu'en donne le locuteur. C'est dans ce sens que Compagnon (1999 : 4) affirme que l'oeuvre répond à la question : Quelle valeur à ce texte ? En d'autre termes : quelle signification à ce texte ? Or l'auteur dit que la signification désigne ce qui change dans la réception d'un texte, c'est le lieu de toutes les contingences qui caractérisent les différentes interprétations faites sur un livre. Ce sens, le locuteur le dissimule très bien à travers l'implicite, pour ce qui est de l'expression de la conséquence. Et, pense Compagnon (1999 :1), le travail de l'analyste consiste à vulgariser le vouloir-dire de l'écrivain, c'est-à-dire son intention claire et lucide, seul critère de validité d'une interprétation. Il est possible de nuancer la position de Compagnon, en disant qu'il ne s'agira pas de l'intension claire et lucide de l'auteur, mais d'une interprétation jugée plus proche du vouloir-dire du locuteur, tout ceci n'empêche toutefois pas Gary-Prieur (1999 :20) de reconnaître que l'interprétation peut conduire à une infinité de sens. Et Kerbrat-Orécchioni (2005 :81) de souligner que le sens ne se donne pas à voir, il doit être extrait de son enveloppe qui est la forme selon un processus complexe et tâtonnant. Pour y parvenir, les co-locuteurs tout comme l'analyste du discours doivent construire, à propos d'un segment donné une hypothèse interprétative. Etant donc conscient de la multiplicité d'interprétations que peut connaître un énoncé, le locuteur veille sur la forme de son énoncé. C'est dans ce sens que, souligne Nølke (1993 : 32-33) :

le locuteur dispose en effet d'une gamme de moyens linguistiques pour indiquer comment il faut interpréter son texte, et, plus particulièrement, pour préciser quels sont les fils qui tissent la toile qu'est le texte. On peut inventorier ces moyens. Il s'agit notamment des anaphores, des isotopies, de la structure thématique, de la structure polyphonique.

Autant d'éléments qui militent en faveur de l'exploration de l'autre aspect de la causalité morphosyntaxique qu'est l'apposition.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera