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Les implications de la prolifération des sociétés militaires privées sur les droits de l'homme

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par Mohamed Youssef LAARISSA
Université Cadi Ayyad - Master 2011
  

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UNIVERSITE CADI AYYAD DE MARRAKECH

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, ECONOMIQUES ET
SOCIALES

LES IMPLICATIONS DE L'EMERGENCE DES

SOCIETES MILITAIRES PRIVEES

SUR LES DROITS DE L'HOMME.

LAARISSA Mohamed Youssef

Mémoire de Master en Droit Public, Section Droits de l'Homme et Libertés
Publiques

Sous la direction du Professeur BELGOURCH Abderrahman

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- REMERCIEMENTS -

Je tiens à remercier mon Professeur

BELGOURCH Abderrahman, qui a bien

voulu diriger ce travail

et me faire part de ses précieux conseils et

encouragements continus.

- SOMMAIRE -

INTRODUCTION:

PREMIERE PARTIE : DE LA PROLIFERATION FULGURANTE DES SOCIETES MILITAIRES PRIVEES.

Chapitre I : L'état des Lieux d'un secteur en plein Essor. Chapitre II : La Logique de la sous-traitance et ses Implications.

DEUXIEME PARTIE : DE L'INQUIETANTE CARENCE NORMATIVE REGISSANT LES SOCIETES MILITAIRES PRIVEES.

Chapitre III: Insuffisances et inapplicabilité des normes existantes.

Chapitre IV : Portées et difficultés de l'adoption d'un cadre régulateur adéquat.

CONCLUSION.

- ACRONYMES -

BIAS: Bilateral Immunity Agreements.

GSG: Gurkha Security Guards.

CICR: Comité International de la Croix-Rouge. DIH: Droit International Humanitaire.

DIDH: Droit International des Droits de l'Homme. ISOA: International Stability Operations Association. ITAR: International Traffic in Arms Regulation. KBR: Kellog, Brown & Root.

MPLA: Mouvement Populaire de Libération de l'Angola. MPRI: Military Professional Resources Incorporated. ONG : Organisation Non Gouvernementale.

ONU : Organisation des Nations Unies.

OUA : Organisation de l'Unité Africaine.

RUF : Revolutinary United Front.

SMP : Société Militaire Privée.

SSP : Société de Sécurité Privée.

UNITA : Union Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola.

- INTRODUCTION GENERALE -

Parmi les plus anciens métiers au monde, le mercenariat pourrait se définir comme le fait pour un individu militairement qualifié qui, vu son désir de l'aventure, son caractère baroudeur, sa soif de bellicisme et d'action armée, son goût du risque et dans certains cas poussé par un engagement idéologique, décide de porter les armes et de s'engager dans une guerre qui, n'est pas la sienne et qui, contrairement au guérillero, au soldat régulier ou au volontaire ne la fait qu'en échange d'une motivation matérielle bien déterminée.

Ayant connu une phase de déclin après l'instauration de l'ordre westphalien qui a marqué la naissance des Etats souverains, le phénomène revient actuellement en force, en adoptant néanmoins une forme entrepreneuriale marquant ainsi l'essor des sociétés militaires privées, et rien ni personne ne semble pouvoir y remédier.

La prolifération des sociétés militaires et de sécurité privées aux quatre coins du globe, semble être un phénomène assez inquiétant et attirant l'intérêt de plus en plus important aussi bien des militaires, des gouvernements, des médias, que des académiciens. L'auteur de référence dans ce domaine demeure Peter Warren Singer, professeur à la Cornel University et spécialiste des questions de sécurité et défense, et qui dans son important ouvrage «Corporate Warriors: The Rise of the Private Military Industry » essaie de donner une approche pluridisciplinaire du phénomène, mettant en relief le droit, la science politique, les relations internationales, l'économie...

La place occupée par ces nouvelles sociétés en tant qu'acteur des relations internationales pose plusieurs questions et éveille de vifs débats, notamment, par rapport à leur existence, leur légitimité, la nature de leurs activités...

Se situant au carrefour de plusieurs disciplines, nous essaierons de nous limiter au sein de notre travail, aux disciplines suivantes : science politique, droit international, droit international humanitaire, et relations internationales tout en essayant de rattacher le sujet à la question des Droits de l'Homme.

La guerre et les conflits armés représentent pour les droits de l'Homme, toutes générations confondues, la pire des menaces. En effet, une guerre ou tout autre de ses néologismes sont synonymes de violations massives des droits humains et de leur annihilation totale . Les vies y sont quotidiennement détruites, les infrastructures et les institutions totalement oblitérées et des nécessités comme l'alimentation, l'éducation, la santé et la justice deviennent des choses du passé. (1)

Variant selon leur intensité, échelle, zone et enjeux, les guerres sont propices aux meurtres, aux atteintes graves à l'intégrité physique et morale des personnes, à la famine, au viol, au déplacement massif des populations, au nettoyage ethnique, aux crimes de guerre, aux crimes contre l'Humanité et aux génocides.

Dans une ère où les Droits de l'homme n'ont jamais été si bien protégés d'une part, ni aussi massivement violés de l'autre, le phénomène de la prolifération des SMP (2) vient accentuer davantage la menace qui pèse sur les droits de la personne humaine. Ces sociétés commerciales, guidées par l'appât du gain, la réalisation de bénéfices, et prospérant aux dépens des souffrances humaines, se réjouissent des graves crises humanitaires. Pour elles, de telles crises ne sont rien d'autre que la source de profits considérables, de prospérité et le prélude des beaux jours qui attendent le marché de la sécurité internationale privée. Plus l'instabilité, l'insécurité et le chaos règnent ; plus la recette du secteur est importante.

Longtemps cotonné aux mains de l'Etat, le champ militaire, semblait être l'un des seuls secteurs à être épargnés par le phénomène de la privatisation. Désormais, tel n'est plus le cas. L'URSS, le bloc Est ayant basculé dans l'Histoire, comme tend souvent à l'annoncer un certain « Zbigniew Brzezinski », et la menace soviétique écartée, la délégation de la violence politique devient permise voire encouragée (3).

(1) Jan GORFE, `'Human Rights and Private Military Companies: A Double-Edged Sword too Dangerous to Use?'', in Thomas JÄGER & Gerhard KÜMMEL, Private Military and Security Companies: Problems, chances, pitfalls and prospects, Verlag für Sozialwissenschaften, Wiesbaden, 2007, P 241.

(2)Quelque soit leur nature ou la gamme de services offerts, les employés de ces dernières possèdent tous la spécificité d'être des militaires de formation (Forces Spéciales au sein de l'Us Army, Légion étrangère, parachutiste sud-africains...), c'est la raison pour laquelle nous nous tiendrons à l'appellation de Sociétés Militaires Privées pour désigner ces dernières.

(3) Colonel Bruce GRANT, US Military Expertise for Sale: Private Military Consultants as a tool of Foreign Policy, http://www.dtic.mil/cgibin/GetTRDoc?AD=ADA344357&Location=U2&doc=GetTRDoc.pdf

Bien que l'assimilation au contractors (4) soit très fréquente, la distinction entre ces derniers et le mercenaire reste nécessaire. Les contractors et contrairement aux mercenaires, ne sont pas des acteurs clandestins ou illégaux. Ils jouissent du statut de salarié au sein de la société pour laquelle ils travaillent. Les mercenaires quant à eux, sont souvent recrutés ad hoc, pour des missions spécifiques et limitées aussi bien dans le temps que dans l'espace. Les SMP ne connaissent pas ce genre d'obstacles. Ni le temps ni l'espace ne viennent les contraindre, ainsi offrent-t-elles une gamme de services de plus en plus ample et diversifiée. Consulting militaire, soutien logistique et armé, maintient d'installations et matériel militaire, génie civile et militaire, sécurité rapprochée, gardiennage, surveillance...Certaines d'entre elles, comme la « CST Global », une firme israélienne spécialisée dans le contre-espionnage, la désinformation et l'infiltration, ont été à l'origine d'opérations de grande envergure politico-militaire et diffusion médiatique, comme la perfide libération de la franco-colombienne Ingrid Betancourt.

De ce fait, les SMP occupent une place de plus en plus importante sur la scène internationale et jouissent de larges prérogatives, chose qui tend à les présenter comme une menace non-négligeable aussi bien pour la sécurité et la stabilité internationales comme pour les droits de l'homme (Première Partie), surtout que ces dernières par leur souplesse, leur flexibilité et leur complexité, semblent détourner et miner le contrôle national et international de l'usage de la force et sans contrainte aucune.

D'autre part, le cadre normatif régissant le secteur des SMP semble être désuet et totalement hors d'usage, ce qui risque d'accroitre davantage la menace que fait peser l'industrie militaire sur les Droits de l'Homme. Néanmoins, le développement du phénomène et l'importante légitimité acquise par certaines de ces SMP, présentent d'importantes opportunités par rapport à la réglementation de l'activité de ces dernières (Deuxième Partie).

Nous essaierions d'établir un bref aperçu des Sociétés militaires privées, leurs développement, leur ampleur, la place qu'elle occupe sur la scène internationale, ainsi que des risques et des menaces qu'elles sont susceptibles de représenter pour la paix et la stabilité internationales. Nous tenterons aussi dans la mesure du possible de dépasser la doxa entourant le secteur en question en nous appuyant sur certains études récentes, bien que limitées en nombre, relatives à ce secteur militaro-commercial.

(4) Contractor : mot anglais qui signifiant littéralement contractant, et qui est de plus en plus utilisé pour désigner les salariés des SMP.

- PREMIERE PARTIE -

DE LA FULGURANTE PROLIFERATION DES

SOCIETES MILITAIRES PRIVEES.

Chapitre I : L'état des Lieux d'un secteur en plein Essor. Section 1 : Une Industrie irréversible.

§1- Portée historique d'une actualité.

Phénomène aussi ancien que la guerre elle-même, le mercenariat a su évoluer et mûrir pour atteindre son étape entrepreneuriale et s'y adapter aisément. Ainsi les deux dernières décennies ont été témoins du fulgurant essor de l' « industrie miitaire privée » (1). Angola, Sierra Leone, Colombie, Ex-Yougoslavie et actuellement Irak et Afghanistan, sont les meilleures illustrations d'un phénomène devenu irréversible.

Longtemps épargné par les vagues de privatisation, le militaire fait de moins en moins figure d'exception. Nombreux seront les auteurs à percevoir avec méfiance la privatisation de l'armée, y compris les libéraux les plus radicaux. Pour Samuel Huntington le fameux chantre d'un `'clash of civilisations», certaines activités professionnelles sont régulées par l'Etat ; le militaire lui est et doit être « monopolisé » par l'Etat. En effet, le contrôle absolu du militaire et la monopolisation de la guerre ont marqué la naissance et l'émergence des Etats. Ce contrôle n'était pas uniquement une des responsabilités de l'Etat, mais en constituait sa raison d'être, et ce depuis l'établissement de l'ordre westphalien, où un territoire, une population et un souverain politiquement et militairement responsable représentaient la quintessence même de l'Etat. La perte de ce monopole et l'externalisation croissante de la guerre pourraient non seulement annoncer le déclin des Etats, mais également leur disparition (2).

L'émergence actuelle et la consolidation du phénomène se sont passées à une vitesse telle que nous pourrions aisément affirmer que le point de non retour a été atteint et depuis bien longtemps dépassé. Encouragé par l'Exécutif, le phénomène s'est développé en faisant fi de l'opinion publique et du contrôle parlementaire, privant ainsi l'organe législatif d'une de ces majeures prérogatives, et rien ni personne ne semblent être à même de pouvoir en limiter l'ampleur.

(1) Le terme Industrie Militaire Privée, fait allusion au terme «Private Military Industry » utilisé par Peter Warren Singer dans son ouvrage «Corporate warriors: the rise of the previate military Indusrty » Corporate warriors: The Rise of the Privatized Military Industry, Ithaca and London, Cornell University, 2008, et qui reste la référence principale en la matière.

(2) Herfried Münkler, `'Clausewitz and the Privatization of War `', in Hew Strachan and Andreas Herbger-Rothe, Clausewitz in the 21st Century, Oxford University Press, 2007, p 220.

La chute du système bipolaire, et l'éclatement de plus de 57 conflits au sein de 47 régions à la fin de la guerre froide, vont constituer un environnement extrêmement favorable à l'essor de l'industrie militaire privée. Plusieurs décennies d'antagonisme Est-Ouest, et la préparation d'une guerre qui n'eut jamais lieu, laissèrent de monstrueux stocks d'armements et une main d'oeuvre hautement qualifiée au chômage technique. Il est estimé qu'entre 1987 et 1997, les effectifs cumulés des armées : américaine, soviétique/russe, française et britannique sont passés de 5,23 à 1,24 millions d'hommes (3). Face à la démobilisation massive d'individus ne sachant faire autre chose que la guerre, ces derniers n'allaient pas tarder à gagner les rangs des SMP.

En outre, une fois la menace soviétique évincée et des processus de privatisation de plus en plus en vogue, les grandes puissances et à leur tête les Etats Unis, pouvaient dorénavant se permettre déléguer leurs prestations martiales et entamer l'externalisation de certaines de leurs activités, notamment en matière de coopération et d'assistance militaires.

Vient s'ajouter à cela, le grand intérêt porté par le secteur commercial au « militaire » et qui voyait en ce dernier une nouvelle piste dont l'exploitation était forcement l'occasion de réaliser des bénéfices plus que juteux.

(3)Philippe CHAPLEAU et François MISSER, « Le retour des mercenaires », Politique Internationale, n° 94, hiver 2001-2002, p.219.

§2- Un phénomène rampant:

Convaincus qu'il ne s'agirait que d'un phénomène post guerre-froide, certains spécialistes ne doutèrent pas d'affirmer que le glas de l'industrie ne tarderait pas à retentir. Les années à venir se sont chargées d'affirmer le contraire. Les SMP n'ont jamais été aussi puissantes, aussi nombreuses et aussi sophistiquées, et cela ne semble aucunement s'arrêter.

Prévalence des SMP entre 1991 et 2003 (4)

Les Zones en gris, représentent les zones d'activités des SMP.

Prenant de plus en plus d'ampleur et ayant une méconnaissance importante progressive des frontières géographiques, chose est à signaler que le phénomène ne prend guère les mêmes formes et qu'il se manifeste de diverses manières. Ayant fait ce constat, le professeur Herfried Münkler (5) approche le phénomène de la sous-traitance militaire sous deux angles différents : Le premier au sein des pays du nord, le second au sein des pays du sud. Dans le premier cas, la sous-traitance apparait comme un processus. Dans le second, la sous-traitance est la manifestation de l'effritement de toute autorité étatique. Le phénomène prend deux formes aussi différentes l'une de l'autre, que l'on se croirait devant deux phénomènes distincts (6).

(4) P.W. SINGER,op.cit, p 7.

(5)Professeur d'Histoire et de SciencePolitique à l'Université Libre de Berlin.

(6) Herfried Münkler, op.cit, P 221.

Là où l'externalisation apparait comme processus, notamment aux Etats Unis et en Europe, le retrait graduel de l'Etat est voulu et se base sur des critères de rationalisation des coûts et des dépenses. L'Etat ne fait que déléguer une part de son monopole de « la violence légitime » mais reste souverain par rapport à la prise de décision politique qui demeure intouchable.

Au sein des « Etats défaillants », ou « Etats en délinquance », terme traduit de l'anglais «Failed States» et utilisé pour la première fois par Madeleine Albright, l'externalisation marque l'effritement de l'autorité de l'Etat. Ne pouvant garantir la sécurité en tant que service public à ses ressortissants, l'Etat la délègue malgré lui et perd tous ses instruments et mécanismes de contrôle en cédant aussi bien de gré que de force ses prérogatives à des chevaliers d'industrie, n'hésitant pas à tirer des profits maximaux du rapport de force en leur faveur.

Ainsi, nous assistons au sein de ces Etats, à la criminalisation des forces publiques, la police et l'armée jouent aux bandes criminelles, terrorisant et rackettant leurs concitoyens. Telle est devenue la réalité quotidienne au sein de certaines régions en Amérique du sud, Afrique sub-saharienne, Asie du Sud-est... où des chefs de clans, des milices armées, et des seigneurs de guerre viennent combler le vide laissé par l'Etat, et qui en se livrant des guerres sans merci et pour leur propre compte, cherchent ainsi à contrôler certains secteurs lucratifs (trafic d'armes, drogues, diamants...) avec, pour unique règle, la spoliation et l'annihilation de la population qu'ils sont appelés à côtoyer (7).

(7) Herfried Münkler, op.cit, p 223

§3- L'Emergence des « Guerres Hybrides ».

De nos jours, les guerres interétatiques semblent être révolues et se font de plus en plus rares. Lorsqu'elles ont lieu, ces dernières ne sont qu'une affaire de semaines, voire de jours. La dernière remonte à l'été 2008 et opposa la Russie à la Géorgie.

La tendance actuelle a trait, de plus en plus aux conflits dits asymétriques et de basse intensité, qui ne demeurent pas moins meurtriers et abjects que les conflits internationaux au sens classique du terme.

Si chaque époque possède une conception de la guerre qui lui est propre, l'actuelle semble s'inspirer des événements du 11/09. Les attaques du 11/09 ont eu un impact non négligeable sur la façon de voir la guerre et sur la révision de certaines doctrines militaires.

Etant l'un des rares secteurs épargnés par la crise économique après les événements du 11/09, le secteur de l'industrie militaire privée saura tirer d'incommensurables profits de ce drame : Une opinion publique traumatisée, un climat de paranoïa généralisé, une demande en besoins sécuritaires de plus en plus accrue et la guerre contre le terrorisme déclarée par certains Etats ne viendront que contribuer davantage au bonheur d'un secteur qui se portait déjà très bien.

Dans un article publié par le «Potomac Institute for Policy Studies en 2007 et intitulé «Conflict in 21 century: The Rise of hybrid wars» (8), Le Lieutenant Colonel Frank G. Hoffman (9), développe le concept de «Guerre Hybride». Pour Hoffman, les doctrines militaires conventionnelles du 20ème siècle, conduites contre des Etats Nations et des Armées de masses de l'ère industrielle - dont la seconde guerre mondiale reste le modèle le plus pertinent - sont mortes.

Les guerres hybride seraient des guerres cherchant à rallier guerres régulières guerres irrégulières et à faire fusionner la létalité du conflit étatique avec la ferveur sauvage et le fanatisme de la guerre irrégulière (10), combinant ainsi combats conventionnels réguliers et techniques insurrectionnelles. Les Etats pourront donc avoir

(8) http://www.potomacinstitute.com/images/stories/publications/potomac_hybridwar_0108.pdf)

(9) chercheur assistant au sein du Center for Emerging Threats and Opportunities at the Marine Corps Combat Development Command)

recours aux tactiques conventionnelles (raids aériens, tirs d'artillerie...) aussi bien qu'à des tactiques non -conventionnelles (assassinat ciblé, attentat, attaque terroriste, embuscade, cyber attaque...), mais dans les deux cas le recours à une technologie de pointe sera primordial.

Ces guerres prendront généralement place au sein des villes des Etats défaillants ou de celles des Etats en voie de développement et plus précisément au sein des jungles urbaines et des littoraux où se concentre une grande partie de la population, ce qui constitue des cachettes sures aux insurgés et facilite la logistique. (11)

En ce qui concerne le facteur temps, les acteurs de ces guerres (insurgés, soldats, contractors...) chercheront à ce que ces dernières s'étendent d'une manière indéfinie et perdurent le plus longtemps possible, se dirigeant vers des guerres d'usure où l'on évite tout affrontement décisif avec l'ennemi, créant au passage des situations n'étant ni de guerre ni de paix où seuls l'instabilité, l'insécurité et le chaos sont protagonistes.

Les forces armées devront en outre faire preuve du plus grand professionnalisme possible, posséder une grande flexibilité, souplesse et facilité d'adaptation (12), ces dernières devront donc se concentrer strictement sur le coeur de la guerre, ce qui pourrait légitimer le recours à l'externalisation de certaines fonctions de l'armée.

La ligne de front étant de loin le champ de bataille le plus important, les Etats devront chercher à contrôler l'information en vue de discréditer l'ennemi et manipuler l'opinion publique. (13)

D'autre part, il ne semble plus que le but ultime de la guerre soit la destruction, l'anéantissement et la soumission de l'ennemi à notre volonté comme disait Carl von

(10) Franck G. Hoffman, op. cit, P 28.

(11) Ibid, P 15.

(12) Ibid. p 52.

(13) Ibid. p 53.

Clausewitz, mais créer des situations de désordre et de chaos, voire des zones de «nondroit» et à en à tirer les Profits maximaux. L'Irak, l'Afghanistan et la Somalie en sont les meilleurs exemples.

En résumé, nous pourrions dire que les guerres actuelles, à la différence de la vision clausewitzienne, ne cherchent ni l'annihilation de l'adversaire ni sa soumission, mais visent à générer de graves crises humanitaires où l'instabilité, l'insécurité et le chaos seront maitres et en tirer les profits, chose qui semble servir les desseins des SMP.

Section 2 : De la typologie des SMP.

« La panoplie de services offerts dépasse toute classification, mais elles coïncident
toutes dans le fait qu'elles offrent des prestations traditionnellement reconnues aux
militaires »

Juan Carlos Zarate(14) The Emergence of a new dog of war.

§-1 Une classification peu plausible.

Comme secteur relativement nouveau, l'industrie militaire privée semble difficile à classifier, et vouloir en dresser une typologie concise et succincte n'est pas chose facile, probablement à cause de la nouveauté du phénomène et à l'intérêt académique encore naissant, ce qui expliquerait la rareté des études en la matière. Cette difficulté réside également, dans la structure et nature des SMP. Si les mercenaires classiques étaient recrutés pour des opérations clandestines et ad hoc bien précises, cela n'est pas le cas pour les SMP. Le seul point commun existant entre ces sociétés, est le fait qu'elles soient avant tout des sociétés commerciales, offrant un ensemble de services traditionnellement réservés à l'armée et à la police, et servant ainsi une panoplie de clients. Souplesse et flexibilité semblent être leurs principales vertus, elles s'adaptent à tout type de situation, et sont prêtes pour toute tâche susceptible de leur être confiée à la condition qu'elle présente une importante source de revenus. Le service offert dépendra du client et des stipulations contractuelles qui auront été définies préalablement avec lui, chose qui rend toute classification peu plausible.

Parmi les classifications les plus fréquentes, nous pouvons citer celles établissant une distinction entre les Sociétés de Sécurité Privées (SSP) et les Sociétés Militaires Privées (SMP). Cette distinction, que l'on pourrait qualifier de dichotomique, divise effectivement ces sociétés en deux catégories : la première offrant des services

(14) P.W. Singer, op.cit, p 88.

à vocation défensive ou services passifs (SSP) et la seconde des services à vocation offensive ou services actifs (SMP).

Ainsi, les SSP seraient des sociétés spécialisées dans la sécurité et la protection des personnes et des biens, y compris des biens humanitaires et industriels. (15), tandis que les SMP sociétés privées spécialisées dans les activités relevant strictement du champ militaire, telles que ; les opérations de combat, la planification stratégique, la collecte de renseignements, l`appui opérationnel, l'espionnage, l'infiltration, la logistique, la formation, l`approvisionnement et la maintenance d`armes et de matériel...

Cette approche plutôt simpliste présente plusieurs lacunes. Tout d'abord, on ne saurait faire une distinction suffisamment claire entre ce qui serait « offensif » et « défensif ». Ce qui est défensif pour les uns est forcement offensif pour les autres, et changerait en fonction des tâches que la firme serait appelée à accomplir.

Le relativisme subjectif de cette distinction a été illustré à de nombreuses reprises par les employés de l'entreprise de sécurité privée Blackwater en Irak. Chargés de la protection des personnes et des convois, leur mission était a priori de nature défensive. Or, leur attitude agressive et les nombreuses exactions commises par ces derniers permettent d'en douter. Selon diverses sources, certains employés de Blackwater conduisent à plus de 140 km/h dans les rues de Bagdad, obligeant les passants à se jeter hors de la route pour ne pas se faire renverser.

D'autre part, cette dichotomie simpliste ne résiste pas à l'épreuve des faits. Comme le rappelle Andrew Bearpark, directeur général de la British Association of Private Security Companies, (BAPSC) qui explique à cet égard qu': « Au départ, la différence entre opérations défensives et opérations offensives est absolument claire. Cependant, lorsque vous êtes attaqué, vous devez vous défendre, et il est vrai que, parfois, vous devez devenir offensif pour pouvoir vous défendre. C`est la réalité pratique sur le terrain qui détermine l`activité qui s`engage. En d'autres termes, la posture dissuasive ou offensive d'une entreprise de sécurité privée est en fonction des contraintes sur le terrain. Cette distinction est donc impossible à tenir car construite sur une base variable ». (16)

(15) Marina CAPARINI, Fred SCHREIER, Privatising Security: Law, Practice and Governance of Private Military and Security Companies, DCAF, Document occasionnel 6, Genève, 2005, p.2

§2 - L'approche ternaire de P.W. Singer.

Conscient des lacunes que comporte la catégorisation dichotomique des SMP, P.W. Singer va proposer une catégorisation ternaire dite « pointe de lance» (Tip of the Spear) qui tiendra compte de la dualité du secteur de l'industrie militaire privée, à savoir : sa dimension économique et sa dimension militaire.

Singer constate que, traditionnellement, les unités de l'armée se distinguent à la fois par la place qu'elles occupent sur le champ de bataille et par la proximité à la ligne de front. Ceci est aussi valable pour les SMP et leurs contractors, comme l'illustre la figure suivante (17) :

Cette situation définit, leur entrainement, leur rôle, leur prestige, leur impact...etc. Un individu servant au sein de l'infanterie aura forcement une formation et une place différente par rapport à un individu servant au sein du commandement ou au sein des unités de support logistique. Idem pour les SMP et leurs contractors.

En nous basant sur une telle catégorisation, nous pouvons distinguer entre trois types de firmes :

Les Firmes Militaires Prestataires (Military Provider Firms) offrant des services à caractère militaire tels que l'appui tactique et le soutien aux opérations de combat et situées sur le théâtre d'opérations près de la ligne de front (représentée par « la pointe de la lance») ;

(16) Andrew BEARPAK, entretien conduit par Toni Pfanner, International Review of the Red Cross, vol.88, n°863, septembre 2006, p. 170.

(17) P.W. Singer, op.cit, p 17.


· Les Firmes de Consulting Militaire (Military Consultant Firms) recrutant des officiers de l'armée à la retraite à même de proposer des services de conseils stratégiques et d'entraînements militaires et positionnées sur le théâtre de guerre;


· Les Firmes Militaires de Soutien (Military Support Firms) fournissant des services de logistique, de renseignement et de maintenance sur le théâtre général afin de permettre aux soldats de l'armée régulière de se concentrer sur le « coeur de la guerre ».

1- Les Firmes Militaires Prestataires : (Executive Outcomes,Sandline International,Gurkha Security Guards...)

Ces sociétés constituent des « Sociétés Mercenaries» par excellence, du fait de leur positionnement sur la ligne de front et leur participation directe au combat. L'exemple type de ces firmes demeure la sud-africaine Excutive Outcomes, dissoute en 1998 suite à l'adoption par le gouvernement sud-africain du « Foreign Military Assistance Act » relatif à l'interdiction du mercenariat (voire infra,) mais recrée et rebaptisée ultérieurement sous le nom de Northbridge dont nous illustrerons les «exploits» à travers deux cas: l'Angola et le Sierra Leone.

a- Cas de l'Angola :

Le baptême de feu d'Executive Outcomes aura lieu en 1993 lors de « l'Opération Soyo » où le gouvernement angolais dirigé par le MPLA, - après avoir perdu le contrôle d'importantes installations pétrolifères dans la ville de Soyo - fait appel aux services d'Excecutive Outcomes pour les récupérer auprès des rebelles de l'UNITA.

Avec un commando composé d'environ 80 hommes, ayant servi auparavant dans les rangs des anciens alliés de l'UNITA, la firme Executive Outcomes allait rapidement remplir sa part du contrat. Par la suite, cette même Executive Outcomes allait décrocher un juteux contrat de 40 millions de dollar pour mener à bien des programmes d'assistance militaire et renverser ainsi le rapport de force en scellant le sort de guerre en faveur du gouvernement angolais, ce qui aboutira à la « reddition » de l'UNITA et aux accords de paix avec le MPLA.(18)

(18) P.W.SINGER, op.cit, p109.

b- Sierra Leone : (19)

Au Sierra Leone, où la durée de vie ne va pas au-delà des 37 ans, le gouvernement, et face à son incapacité à stabiliser le pays, les déboires consécutives de la Gurkha Security Guards (GSG), qui rompu unilatéralement le contrat la ralliant au gouvernement sierraléonais et devant le refus des Etats Unis, de la Grande Bretagne et de l'ONU de toute intervention de quelque nature que ce soit, va se tourner vers Executive Outcomes pour lui venir en aide. Pour un contrat initial de 15 millions de dollars, renégocié ultérieurement sur la base de 35 millions, Excecutive Outcomes n'allait pas uniquement restreindre l'accès des rebelles du RUF (Front révolutionnaire Uni) à la Capitale et à certaines zones industrielles, mais évincer carrément, toute trace du RUF des principales zones minières du pays et le pousser à se replier aux fins fonds de la jungle. Executive Outcomes et ses salariés, dont beaucoup fraichement débarqués d'Angola et ce sans le moindre contrôle, allaient par le biais d'interventions militaires de grande précision (mêlant, tirs d'artillerie, opérations commando, raids aériens...) se permettre de remplir leur part du contrat en l'espace de quelques semaines seulement. Pour sa part, le gouvernement sierra léonais n'ayant pas les moyens immédiats de remplir ses obligations à l'égard de la société, allait le faire par la concession de certaines de ces ressources diamantaires à la Branch-Heritage Mining Company qui lui avait préalablement recommandé le recours à Executive Outcomes.

(19) P.W.SINGER, op.cit, 115

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon