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La condition de l'épuisement des voies de recours internes devant la Commission africaine des Droits de l'Homme et des peuples

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par Josep Martial ZANGA
Université Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies en droit international et communautaire 2008
  

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SECTION II - LES CRITÈRES MATÉRIELS : LA DISPONIBILITÉ, LA
SATISFACTION ET L'EFFECTIVITÉ DES RECOURS À ÉPUISER

En cette fin de XXIe siècle et la cinquième décennie des indépendances approchant, il se dégage de la pratique que l'administration de la justice sur le continent se heurte à plusieurs difficultés liées à l'indépendance, à la crédibilité et à l'effectivité des institutions judiciaires.

Consciente de cette réalité, la Commission a fait oeuvre de médiation à travers sa jurisprudence. Elle a réconcilié le justiciable africain avec ses tribunaux. Pour ce, elle a mis à la charge de l'État défendeur, la responsabilité d'assurer que les recours internes à épuiser remplissent un certain nombre de condition faute de quoi, le requérant en est exonéré. Un recours interne a été défini comme étant « toute action juridique interne pouvant donner lieu à la résolution de la plainte au niveau local ou national. »181 Selon l'organe de Banjul : « Les organes internationaux reconnaissent effectivement que, dans de nombreux pays, les voies de recours sont inexistantes ou illusoires. En conséquence, ils ont élaboré des règles sur les caractéristiques que devraient présenter les voies de recours, la manière dont ces recours devront être épuisés et les circonstances particulières où il pourrait ne pas s'avérer nécessaire de les épuiser. La Commission africaine a considéré que, pour être épuisées, les voies de

181Com 60/91 constitutional right project c. Nigeria, et Com 299/2005 Anuak Justice Council c. Éthiopie.

recours locales doivent être accessibles, effectives et suffisantes. Si les voies de recours internes qui existent ne remplissent pas ces critères, une victime peut ne pas avoir à les épuiser avant de porter sa réclamation devant un organe international. Toutefois, le plaignant doit pouvoir démontrer que les voies de recours ne remplissent pas ces critères in practice, et non pas seulement dans l'opinion de la victime ou de son représentant léga »182. Ainsi, trois critères pertinents ont ainsi été dégagés depuis la jurisprudence Jawara. Ils concernent la disponibilité (Paragraphe I) l'effectivité et la satisfaction des recours internes183 (Paragraphe II).

Paragraphe I - Des recours internes effectifs : Le critère de
disponibilité

Selon les termes de l'Article 56 (5), les recours doivent être épuisés « s'ils existent ». Il y a là une condition qui laisse supposer que l'inexistence des voies de recours constitue la première exception à la règle. Cependant, les dispositions textuelles inter alia ne déterminent pas les conditions qui permettent de valider l'existence d'un recours. Dans plus d'une espèce la Commission a précisé que l'existence dont il s'agit est la disponibilité des recours. Celle-ci est déterminée par certains traits (A) et, elle vise à garantir l'effectivité du droit à un recours (B).

A- La caractérisation de la disponibilité des recours internes

En examinant l'affaire Jawara c. Gambie (com. 147/95), la Commission, a évoqué l'idée de disponibilité des recours internes. Elle, pose clairement qu' « une voie de recours est considérée comme existante lorsqu'elle peut être utilisée sans obstacle pour le requérant ». Selon l'organe de Banjul, « l'existence d'une voie de recours interne doit être suffisamment certaine non seulement en théorie mais aussi en pratique » Il ressort de cette définition que la disponibilité des recours est à la fois théorique (1), et pratique (2).

1 - Une disponibilité théorique : l'existence des recours internes

Certes l'existence d'une voie de recours est d'abord une prérogative républicaine, mais elle est surtout une obligation conventionnelle. Suivant l'article 7 de la charte, l'État a le devoir de mettre en place des voies juridictionnelles pour assurer à toute personne « le droit à ce que sa

182 Com 268/2003 Ilesanmi c. Nigeria.

183Communication 147/95 et 149/96 Sir Dawda K Jawara c. Gambie, et com. 275/2003, Art 19 c. Érythrée.

cause soit entendue ». La Commission interprète l'article 56(5) concomitamment avec l'article7184. L'existence renvoie donc à la mise en place d'un système judiciaire identifiable et effectif. Or ce qui est effectif, c'est « le caractère de ce qui existe en fait. C'est la qualité d'une situation juridique qui correspond à la réalité, d'une compétence qui s'exerce réellement »185. La Commission indique que. Cela traduit le souci de l'évidence des voies de recours et c'est à l'État qu'incombe la charge de prouver que les recours existent. Il peut le faire en convoquant et en présentant tous documents officiels tels que les textes légaux qui instituent ces recours ou la jurisprudence des recours en question. Dans l'affaire Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme c. Zambie (Com 71/92), la Commission a observé que « lorsque le gouvernement zambien affirme que la communication devait être déclarée irrecevable parce que les voies de recours non pas été épuisées, il lui incombe de démontrer l'existence de ces recours ». Le gouvernement zambien s'est ainsi référé sur la loi relative à l'immigration et à la déportation, qui prévoit une procédure d'appel contre les mesures d'expulsion. Dans l'affaire Art 19 c. Érythrée la Commission a fait remarquer que « la partie État a généralement réfuté les plaintes alléguées et a insisté sur le fait qu'il existe des voies de recours en Érythrée et que le plaignant ne s'est pas efforcé de les épuiser ».

La Commission s'est rapprochée de la Cour européenne dans la définition de l'exigence de recours disponibles. La Cour européenne est d'accord qu'une voie de recours, aux termes de l'article 35 de la Convention européenne des droits de l'homme, doit nécessairement satisfaire au critère de disponibilité. Pour l'essentiel, la cour énonce en des termes à peu près similaires à ceux de la Commission, ce qu'elle entend par disponibilité des recours.

Dans l'arrêt Selmouni c. France186, la Cour pose clairement que l'article 35 de la Convention ne prescrit l'épuisement des recours internes que s'ils sont « disponibles et adéquats». Elle poursuit qu' « ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie, mais aussi en pratique sans quoi ils leur manquent l'effectivité et l'accessibilité voulues »187. Il incombe au gouvernement excipant du non épuisement de convaincre la Cour que le recours était « disponible en théorie et en pratique » c'est-à-dire « qu'il était accessible, était susceptible d'offrir au requérant le règlement de ses griefs».

184Com 48/90 Amnesty Internationale c. Soudan.

185Jean Salomon, Dictionnaire de droit International public, op cit, pp. 411-412. 186Arrêt Selmouni c. France n° 25803/94 ; CEDH 1999-V.

187Arrêt Vernillo c. France du 20/02/1991 série A n° 198, p. 11 -12.

Toutefois elle a souligné « que la partie État s'est contentée d'énumérer in abstracto l'existence de voies de recours sans les lier aux circonstances du cas et sans démontrer de quelle manière elles pourraient permettre une réparation effective des circonstances de ce cas ». La preuve de l'existence des recours ne consiste donc pas en une énumération de ceux-ci mais à la démonstration de leur opérationnalité.

2 - Une disponibilité pratique : l'accessibilité des recours internes

Selon la jurisprudence Anuak Justice Council c. Éthiopie (com. 299/2005), la Commission considère qu'un recours est disponible « si le requérant peut le poursuivre sans empêchement ou s'il peut l'utiliser dans les circonstances entourant son cas »188. Cette définition met en valeur deux éléments essentiels à l'accessibilité, l'un étant objectif et l'autre purement subjectif. L'élément objectif de l'accessibilité renvoie selon la Commission, à ce qui est « immédiatement possible d'être obtenue, accessible »189 ou à ce qui est « réalisable, joignable à la demande, à portée de main, frais, présenté »190 ; il s'agit de s'assurer que le recours est sans entrave , qu'il est actuel et comporte en son sein les éléments de son opérationnalité.

Quant à l'élément subjectif, il fait allusion à ce qui est « opportun, à son service, à sa volonté, à sa disposition, au doigt et à l'oeil. »191 Suivant cette approche, la disponibilité ou plus nettement l'accessibilité s'apprécie en fonction des possibilités qu'a le requérant d'emprunter les recours en question. Elle emphase sur l'aptitude du requérant à utiliser le recours invoqué. Tout compte fait, il s'agit d'une interprétation extensive de la disponibilité qui rend compte de la maxime selon laquelle, l'organe examine la règle de l'épuisement des voies de recours internes à la lumière de son devoir de protéger les droits de l'homme et des peuples tels que stipulés par la Charte. La disponibilité peut aussi être appréciée dans les cas où une nouvelle voie de recours devient accessible au requérant, après le dépôt de sa requête, mais avant que la Commission ne se soit prononcée sur sa recevabilité. Le requérant est alors tenu d'épuiser cette nouvelle voie de recours. C'est ce qui ressort de la Com. 263/02 - Section Kenyane de la Commission Internationale de Juristes, Law Society of Kenya, Kituo Cha Sheria/Kenya. L'État défendeur avait informé la Commission qu'il avait mise en place des tribunaux spéciaux d'enquête pour les

188Voir également, Com 228/99, Law Office of Ghazi Suleiman c. Soudan §31.

189Com 299/2005 Anuak Justice Council c. Ethiopie

190Idem.
191Idem.

membres de la magistrature soupçonnés d'avoir pris part à des actes contraires à l'éthique dans l'exercice de leurs fonctions. La commission a estimé que« face à une telle information, la Commission Africaine considère qu'en l'état actuel des choses, les plaignants peuvent approcher les tribunaux nationaux du Kenya sans aucune appréhension d'un procès arbitraire dans cette affaire »192 et, « En conséquence, comme les plaignants ont maintenant un locus standi dans le processus de révision judiciaire, ils devraient épuiser les voies de recours internes disponibles et saisir aussi cette opportunité pour mettre en cause devant une juridiction supérieure du Kenya les ordonnances qui ont été émises par le Tribunal de grande instance »193. En considérant ces motifs la communication avait été déclarée irrecevable pour non épuisement des voies de recours.

Cette position est similaire à celle de la jurisprudence européenne. En effet la Cour européenne évalue l'épuisement des voies de recours internes en fonction de l'état de la procédure à la date de laquelle la requête a été déposée devant elle bien. Cette façon d'opérer connaît, toutefois, quelques exceptions comme il a été indiqué dans l'affaire Icyer c. Turquie194. Ainsi lorsque dans un arrêt pilote elle a constaté des lacunes structurelles ou générales , elle peut demander à l'État mis en cause d'examiner la situation, et si nécessaire de prendre des mesures effectives pour éviter que des affaires de même nature ne soient porter devant elle.195L'effectivité avérée d'une telle voie oblige les auteurs des requêtes analogues à l'épuiser pour autant qu'ils n'en soient pas empêchés par des questions de délai. A défaut de cela, elle déclare les requêtes analogues irrecevables au titre de l'article 35 (1), même si celles-ci ont été exercées avant la création de ces nouvelles voies196.

A travers le critère de disponibilité la Commission s'assure de l'effectivité du droit à un recours.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault