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L'hypothèque maritime dans le code CEMAC de la Marine marchande

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par Marie Duvale KODJO GNINTEDEM
Université de Yaoundé II - DEA 2008
  

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SECTION II : LA RELATIVITE DE LA PROTECTION SUR LE PLAN INTERNATIONAL

92. De manière générale, le déplacement du navire fait naître un conflit - qualifié par la doctrine de conflit mobile129(*)- entre la loi où le bien se trouvait lors de sa constitution ou la loi du pavillon et celle du pays où il a été transporté, qui est le plus souvent la loi du lieu de la saisie. Le navire peut alors être saisi et vendu à l'étranger, de telle sorte que le tribunal chargé d'établir le classement des créanciers ne se souciera peut-être pas de l'hypothèque constituée à l'étranger et qui ne serait pas conforme à sa loi. On en a un exemple en France, à l'époque où l'hypothèque maritime y était inconnue. Il avait été décidé que si un navire anglais était vendu en France, la loi du tribunal saisi n'admettrait pas la validité du mortgage anglais130(*). Le sort de l'hypothèque dépend ainsi considérablement du système juridique où se trouve le navire saisi (paragraphe1). Pour éviter cet inconvénient, des efforts d'unification ont été entrepris. Mais mêmes les solutions internationales s'avèrent d'un apport limité (paragraphe2).

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

Paragraphe 1 : La fragilité des droits du créancier d'une hypothèque étrangère en cas de saisie du navire

93. Le CCMM ne s'est préoccupé que de l'efficacité des hypothèques ou sûretés étrangères sur des bâtiments de mer qui appartiennent ou appartiendront à un Etat membre de la CEMAC. Ceci se justifie par le fait que la reconnaissance d'une sûreté étrangère n'a pas a priori d'intérêt pour notre système juridique. Par contre, il faudrait se préoccuper de ces sûretés lorsqu'un navire étranger grevé d'hypothèque est saisi dans un port d'un Etat membre. De même, le droit communautaire est impuissant quand le navire immatriculé dans la CEMAC est saisi dans un port étranger, sauf si le droit du lieu de saisie donne compétence à la loi du pavillon en vertu de sa règle de conflit ou en vertu d'une Convention internationale.

S'agissant de la CEMAC, il convient de déterminer la loi applicable en cas de saisie du navire étranger (A) - le sort du créancier hypothécaire dépendant de cette loi - et de préciser le domaine de la loi désignée par la mise en oeuvre de la règle de conflit (B).

A. La détermination de la loi applicable à la réalisation d'une hypothèque étrangère

94. En cas de saisie d'un navire étranger, un conflit naît entre la loi du pavillon et la loi du lieu de saisie, toutes deux susceptibles de s'appliquer. Le conflit ne peut être résolu qu'en référence aux règles générales de conflit de lois, puisqu'il n'existe pas de conflit de lois spécial au droit maritime131(*). Le contentieux de l'application des lois devant les tribunaux des Etats membres étant pauvre, le recours au droit français nous aidera à mieux cerner les contours du problème, puisque celui-ci se pose de la même manière tant en droit français qu'en droit communautaire.

Le choix entre la loi du pavillon et la loi du lieu de saisie n'étant pas aisé, il faut déterminer le critère retenu pour le rattachement du statut réel du navire à une de ces deux lois. La doctrine s'inspire du système de conflit applicable aux meubles, qui a pour support le statut applicable aux immeubles. Mais la recherche du critère de rattachement (1) n'a pas aussi échappé à l'originalité du navire, et par une sorte d'interprétation, aboutit à la désignation de la loi du pavillon (2) au détriment de la loi du lieu de situation actuelle comme on l'aurait pensé.

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

1. Critère de rattachement

95. De manière générale, en matière de conflit mobile, la doctrine française dans son ensemble, comme la jurisprudence, s'accordent pour donner compétence à la lex rei sitae132(*). Il s'agit de la loi de situation des biens en cause. Le véritable problème est celui de la détermination de la situation des biens133(*). Facile pour les immeubles qui ne peuvent se déplacer et ont une seule situation, le cas des meubles en général et des navires en particulier devient préoccupant.

96. En principe, en matière de statut réel, « la loi française est seule applicable aux droits réels dont sont l'objet les biens mobiliers situés en France »134(*). Elle intervient à titre de loi de la situation nouvelle, au détriment de la loi de situation ancienne. Le critère retenu pour le rattachement du statut réel devient alors la situation matérielle du bien. Cette formule refoule la vocation que pourrait avoir une autre loi, comme celle du contrat qui lui a donné naissance ou celle de la créance garantie135(*).

97. Ce critère de rattachement unique qui contribue à désigner la loi du for comme compétente a été abandonné par la jurisprudence actuelle des Etats-Unis. Aujourd'hui, on remarque le développement d'une méthode plus sophistiquée, celle des « points de contacts ». Elle consiste à trouver tous les points de contact qui existent entre la situation dans l'affaire en cause et les différents systèmes concernés. Ensuite à évaluer l'importance de chaque lien afin de déterminer la juridiction ou la loi compétente à l'aide des liens les plus substantiels136(*). La méthode a été consacrée par la Cour Suprême dans l'arrêt LAURITZEN v. LARSEN en 1953137(*).

L'affaire qui a donné lieu à l'arrêt était relative à une action délictuelle intentée par un marin pour des lésions corporelles. Les paramètres que la Cour a choisi de considérer pour déterminer la loi applicable sont les suivants : le lieu de l'accident ou du délit, la loi du pavillon, le lieu de l'allégeance ou du domicile de la personne lésée, le lieu d'allégeance du défendeur - armateur, le lieu de formation ou d'exécution du contrat, l'inaccessible du tribunal étranger et la loi du for. L'importance de cet arrêt se trouve dans la décision de la Cour de faire de la méthode par elle suivie le guide des juges américains appelés à statuer sur des questions de loi applicable en droit maritime138(*).

98. KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

La France quant à elle reste attachée au seul critère de situation du bien. Mais appliquer purement et simplement la loi de situation matérielle au navire serait dans la plupart des cas source de graves difficultés, parfois une impossibilité complète139(*). Aussi, on considère qu'il est rattaché en permanence au lieu de son immatriculation administrative, de son port d'attache140(*). La loi de la situation devient pour lui la loi du pavillon.

2. Désignation de la loi du pavillon

99. Les navires doivent avoir une nationalité et ne peuvent en avoir qu'une. Ce principe, déjà posé dans deux Conventions internationales141(*), résulte d'un intérêt juridique d'une nationalité pour chaque navire. Vu que la destination de chaque navire est de naviguer en haute mer et donc, en dehors de tout système juridique, en établissant l'obligation de nationalité, on assure le rattachement de ce navire à la loi d'un Etat, celui du pavillon. Ainsi, si le critère de rattachement du statut réel à une loi est le lieu de situation, il ne s'agit pour le pas de la situation matérielle, mais de la situation juridique. Le navire est alors situé dans l'Etat dont il arbore le pavillon, et s'il est hypothéqué, cette hypothèque le suivra dans tous les pays étrangers142(*). Le créancier hypothécaire n'aura pas peur de voir ses droits privés d'efficacité par l'application d'une loi qui ne connaît pas sa sûreté.

100. C'est ce principe qu'a respecté la jurisprudence française dans l'arrêt du 08 janvier 1998 concernant le navire «Heavenly Daze»143(*). En l'espèce, le créancier de l'armateur, une banque française, était titulaire d'un mortgage de droit anglais sur ce navire pour garantir le remboursement de sa créance. L'armateur ayant échoué ses obligations de paiement, la banque a exercé son droit de prise de possession du navire144(*). La complication est survenue avec l'arrivée d'un autre créancier, un mois plus tard, qui venait d'exercer son droit de saisie conservatoire pour garantir le paiement de travaux de réparation effectués dans un chantier naval avant la prise de possession par la banque. Le problème posé à la Cour était celui de la validité de la prise de possession du créancier hypothécaire/ mortgagee en présence du créancier privilégié, laquelle validité dépendrait de la loi applicable.

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

Après la condamnation de la banque et de l'armateur par le Tribunal de Commerce de Nice, l'arrêt arrive entre les mains de la Cour d'Appel d'Aix, qui infirme la décision du tribunal. L'intérêt dans cet arrêt repose sur le fait que la Cour a appliqué le droit anglais pour déterminer les droits des autres créanciers de l'armateur évincé. La réponse de la Cour, en se basant sur le droit anglais, était que le mortgagee n'était pas tenu des dettes de l'armateur créées avant la prise de possession du navire. Il est certes vrai qu'en faisant application de la loi française145(*), on aurait pu arriver à la même conclusion. En effet, le réparateur peut se prévaloir d'un privilège si c'est le capitaine qui a passé la commande. Etant privilégié, il bénéficie d'un droit de suite146(*) sur le navire en quelques mains qu'il passe. Armé d'une telle créance privilégiée, le réparateur pouvait se faire payer par le mortgagee. Mais dans cet arrêt, les travaux de réparation n'étaient pas commandés par le Capitaine du navire et, en conséquence, le créancier en cause ne pouvait pas bénéficier du privilège accordé par la loi française147(*).

101. L'application de la loi du pavillon au détriment de la loi de saisie n'est pas sans difficulté. Elle suppose une connaissance de cette loi, qui ne doit pas entrer en contradiction avec l'ordre public interne du lieu de saisie. C'est pourquoi, la jurisprudence française n'admet pas toujours une substitution totale et fait prévaloir la loi de la situation réelle, c'est-à-dire du lieu de saisie148(*).

B. Domaine de la loi applicable

102. Bien que la mise en oeuvre du conflit de lois aboutisse à la désignation de la loi du pavillon, celle-ci sert surtout à apprécier la validité de l'hypothèque maritime149(*). Ainsi, en cas de saisie d'un navire hypothéqué dans un Etat membre de la CEMAC, la reconnaissance de la sûreté se fera selon la loi du pavillon. L'opération de saisie quant à elle, c'est-à-dire la procédure et le classement des créanciers, reste soumise à la loi du lieu de saisie150(*). Une illustration est faite par l'arrêt du 06 février 1962 relatif au navire «Wang-Importer»151(*), battant pavillon des Etats-Unis, qui était saisi et vendu dans un port français à la requête des créanciers de plusieurs nationalités. Parmi les créanciers du débiteur, il y avait aussi un créancier hypothécaire titulaire d'un mortgage américain, un mortgagee. En appliquant la loi américaine les créanciers de second rang seraient devenus privilégiés et donc, ils primeraient la créance du mortgagee. En droit français, ils demeuraient des créanciers chirographaires. Si s'agissant de la procédure de saisie, c'était la loi française, en tant que lex fori qui était applicable, les juges de la Cour d'Appel de Rennes ont hésité quant à la détermination par cette loi du classement des privilèges et hypothèques. Pour cette raison, une expertise judiciaire contradictoire devait au préalable avoir lieu pour certifier aux juges français la validité et la régularité du mortgage par rapport au droit américain et si cette créance revêtait ou non un caractère exécutoire.

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

Après expertise, il était conclu que l'hypothèque avait été valablement constituée conformément aux dispositions de fond et de forme en la matière du droit américain. L'approbation par le droit américain était suffisante pour le tribunal français, la validité intrinsèque de l'hypothèque maritime accordée par la loi étrangère devant «de ce seul chef et sans autres formalités», permettre au créancier hypothécaire de participer directement à la distribution des fonds à provenir de la vente du navire. Ainsi, la conclusion pouvait être tirée que le fait que cette vente ait lieu dans un port français sur la requête collective des créanciers de nationalité diverses n'influençait pas le droit américain et, ne présentait aucun obstacle pour l'application de la loi du for quant au classement des privilèges et hypothèques.

103. Bien que dans l'arrêt précité, l'application de la loi française à la réalisation de l'hypothèque a favorisé les intérêts du mortgagee, ceci ne peut occulter le risque qu'en appliquant la loi du tribunal saisi au classement des créanciers, les créanciers hypothécaires peuvent voir leurs droits primés par des droits dont ils n'avaient pas pris en compte l'existence lors de la constitution de l'hypothèque, ou pire être considérés comme des créanciers chirographaires152(*). Ce problème se pose surtout quand les Etats dont les lois sont en cause ne sont pas tenus par une Convention internationale qui uniformise le régime de l'hypothèque maritime. Ainsi, quelque soit l'Etat où le créancier hypothécaire se trouverait, il n'aurait pas à craindre pour ses droits sur le navire. Mais le réalisme d'une telle démarche doit être modéré, surtout lorsqu'on connaît le nombre de conventions internationales non ratifiées en matière d'hypothèque maritime.

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

* 129 RODIERE (René) : Traité général de droit maritime, Introduction, l'armement, Paris, Dalloz, t1, 1976, n°62 ; CABRILLAC (Michel) : La reconnaissance en France des sûretés sans dépossession constituées à l'étranger, RCDIP, 1979, n°3 ; - LOUSSOUARN (Yvon), BOUREL (Pierre), VAREILLES - SOMMIERES (Pascal) : Droit international privé, Paris, Dalloz, 8e éd, t1, 2004, n°414.

* 130 CABRILLAC (Michel), op. cit, n°17.

* 131 RODIERE (René) : Traité général de droit maritime, Introduction, l'armement, Paris, Dalloz, t1, 1976, p.137.

* 132 CABRILLAC (Michel) : La reconnaissance en France des sûretés sans dépossession constituées à l'étranger, RCDIP, 1979, n°3.

* 133 BATIFFOL (Henri), LAGARDE (Paul) : Traité de droit international privé, Paris, LGDJ, 8e éd, T1, 1993, n° 281.

* 134 CABRILLAC (Michel) op. cit., n°2.

* 135 CABRILLAC (Michel) op. cit., n°3.

* 136 ZANETOS (Irène) : L'hypothèque maritime en France et aux Etats-Unis, mémoire pour le D.E.S.S. de transports maritimes et aériens option droit maritime & droit des transports, Université de droit, d'économie et des sciences d'Aix-Marseille, 1999, pp. 50-51.

* 137 Ibid.

* 138 C'est sur la base de cette méthode qu'a statué la Cour d'Appel fédérale de San Francisco le 20 octobre 1982 dans l'affaire Gulf Trading v. Tento pour décider que la loi américaine était applicable. v. ZANETOS (Irène) op. cit, p. 54.

* 139 BATIFFOL (Henri), LAGARDE (Paul) : Traité de droit international privé, Paris, LGDJ, 8e éd, T1, 1993, n° 281.

* 140 Ibid.

* 141 Convention de Genève du 29 avril 1958 sur la Haute Mer et Convention des Nations Unis du 19 décembre 1982 sur le droit de la mer.

* 142 RODIERE (René), Du PONTAVICE (Emmanuel) : Droit maritime, Paris, Dalloz, 10e éd, 1986, n° 62

* 143 Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, 8 janvier 1998, Navire «Heavenly Daze», DMF 1998, pp. 899-906.

* 144 Le mortgage a une particularité essentielle qui le différencie de l'hypothèque maritime: le créancier hypothécaire / mortgagee a la faculté de prendre possession du navire dans le cas d'échéance des ses obligations de paiement par l'armateur. v. ZANETOS (Irène)  mémoire pour le D.E.S.S. de transports maritimes et aériens option droit maritime & droit des transports, Université de droit, d'économie et des sciences d'Aix-Marseille, 1999, pp. 31.

* 145 Art. 31(6) de la loi de 3 janvier 1967.

* 146 Art. 39 de la loi de 3 janvier 1967.

* 147 Observations de Bertrand Coste sur l'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, 8 janvier 1998, Navire «Heavenly Daze», DMF 1998, pp. 905-906.

* 148 BATIFFOL (Henri), LAGARDE (Paul) : Traité de droit international privé, Paris, LGDJ, 8e éd, t1, 1993, n° 281.

* 149 BEURIER (Jean-Pierre) : Traité de droit maritime, Paris, Dalloz, 2006, n° 334.22.

* 150 CABRILLAC (Michel) : La reconnaissance en France des sûretés sans dépossession constituées à l'étranger, RCDIP, 1979, n°26.

* 151 Cour d'Appel de Rennes, 6 février 1962, navire «Wang-Importer», DMF 1965, pp. 475-485 ; RCDIP, 1964, p. 486, note DAVID.

* 152 BEURIER (Jean-Pierre), op. cit., n° 334.22.

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