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Les figures de Joseph Rey (1779-1855): conspirateur libéral, "philosophe" et socialiste "utopique"

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par Nicolas Boisson
Université de Grenoble 2 - IEP 2001
  

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II-3 Découverte et échec du complot

L'échec prévisible de ce complot tenant trop de l'amateurisme s'expliquait selon Rey qui y revient longuement dans ses mémoires, par deux facteurs principaux : l'imprudence et le manque d'organisation des conjurés.

II-3.1 Maladresses et trahisons

La question du maintien du secret au sein d'une organisation aussi vaste (plus de soixante quinze conjurés) et si hétérogène devait déjà laisser entrevoir la possibilité d'une infiltration policière, alors grandement facilitée. Rey insiste ainsi beaucoup sur le manque de prudence dont les conjurés ne purent qu'être victimes, précipités par le temps... Rey observe ainsi à juste titre qu'il fut même surprenant que l'entreprise ne fût découverte dans son ensemble, que quelques jours avant sa date opératoire : « Le secret aussi doit être extrêmement difficile, et si je m'étonne d'une chose pour la conspiration de 1820, c'est qu'elle n'ait pas été découverte bien avant qu'elle ne le fut, car on a conspiré presque à ciel ouvert pendant deux mois, et cela avec les personnels les plus nombreux, les plus variés, et très souvent inconsidérément choisis »359(*) . En effet, selon Rey, il semblait que le 14 août, rien ne fut encore véritablement découvert... ce qui semble tout de même peu probable suite aux différentes interceptions de courriers entre les conjurés dés le début du mois.

Bref, Rey met en cause l'imprudence du capitaine Nantil qui « pour avoir voulu trop gagner, perdit tout. »360(*). Nantil361(*), était en charge d'assurer au complot le concours d'une partie de la garde royale. Il se rend à Saint Denis, le 15 août au matin, où siègent les deuxième et cinquième régiment de la garde royale. Deux adjudants, Robert et Gaillard, doivent en permettre la prise de contrôle en séduisant plusieurs officiers et sous officiers de ces régiments. Les adjudants voient se présenter à eux un sous-officier du cinquième régiment : le sergent major Petit. Ce dernier s'avèrera être un traître, envoyé par la Police... La rencontre et l'infiltration de Petit se déroula de la manière suivante. Le 14 août au soir, les adjudants Gaillard et Robert invitent Petit à dîner dans l'intention de la soumettre à l'examen de Nantil et de la faire entrer dans la confidence. Premier signe étrange qui aurait dû inquiéter Nantil, Petit vient accompagné d'un autre sergent-major dénommé Vidal. Ainsi, le régiment du lieutenant Lavarderie, conjuré, était infiltré. Lavarderie était en charge de recruter au sein de son régiment des éléments susceptibles de collaborer puis il devait les présenter à Nantil. Lavarderie était convaincu que les sergents Vidal et Petit étaient des hommes sur qui l'on pouvait compter et n'hésita pas à les présenter à Nantil.

Le lendemain, Nantil, convaincu de leur honnêteté les charge de rameuter au sein du régiment d'autres conjurés. Très vite, la trahison se révèle. Vidal et Petit, au lieu de satisfaire à leur mission, courent rendre compte au Maréchal Druaut, leur colonel, de tout ce qu'ils ont entendu la veille362(*). Le colonel assez sceptique demande à Petit d'infiltrer d'avantage la conspiration. Ainsi, le lendemain, 16 août 1820, Petit et Vidal se rendent à l'auberge du Grand Turc retrouver à nouveau Gaillard et Robert ; dîner au cours duquel survient Nantil. Petit et Vidal laissent transparaître une attitude étrange, désignant en permanence Nantil sous le nom de capitaine « Pilote »... Ils parviennent ainsi sans éveiller le moindre soupçon chez Nantil à lui proposer de rencontrer, Chenard un capitaine à demi-solde susceptible aussi de collaborer...Un autre rendez-vous est fixé le lendemain, 17 août, toujours à l'auberge du Grand Turc. Rey décrit la scène de l'infiltration : « le lendemain, donc à l'heure du dîner, arrive Petit accompagné du nommé Chenard, agent de police... »363(*). Gaillard et Robert avaient ainsi malgré eux contribué à laisser la police infiltrer le complot, en portant leur confiance dans les sergents Petit et Vidal. Très vite, ils parvinrent à s'informer de l'ensemble de l'entreprise et à en informer le « grand malin » Chenard...  Rey rapporte ainsi que : « le samedi 19 août, le grand malin Chenard, à qui Robert avait écrit de se rendre aussitôt chez Nantil, s'y présente en effet, et apprend que le mouvement doit éclater le jour même à neuf heures du soir.. »364(*). La conjuration fut donc définitivement « noyautée » le 19 août, date prévue de son éclat... Cependant si le gouvernement connaissait depuis le début du mois l'existence de ce projet de conspiration, il en connaissait à présent la date... Rey rapporte alors que le Ministère de Richelieu ne tarda pas à s'inquiéter et à réagir. Le 18 août 1820, il fut alors décidé en conseil de cabinet que la conjuration ne devait pas éclater365(*) . Débuta alors une vague d'arrestation des officiers et l'on ferma les « barrières » de Paris. De même, le château de Vincennes fut mis sous protection spéciale...

Tous semblait pourtant déjà prêt du coté des conjurés en cette veille du 19 août, Bérard avait réussi à prendre la tête de la légion des côtes du Nord, Nantil celle de la légion de la Meurthe, Bachelu contrôlait la garnison de Brest.... De même, les « jeunes gens » s'étaient organisés, complètement prêts à marcher et Rey ajoute « qu'on pouvait même compter sur le concours des fédérés de 1815.. »366(*) . Rey accuse ainsi dans la découverte du complot la date trop tardive du 19 août...

Observant la veille le déploiement extraordinaire des troupes dans Paris, notre conspirateur averti ne songera pas cependant à plus s'en interroger. Arrive le vingt août et Rey observe que la conspiration n'a pas éclaté ! Inquiet, il court à travers Paris pour tenter de trouver Nantil. Entrant sur son chemin chez un barbier, ce dernier lui confirme ses inquiétudes : « J'appris bientôt sans trahir la moindre émotion, qu'il y avait eu beaucoup de mouvement dans la nuit aux abords de la caserne, qu'on avait fait plusieurs arrestations, et qu'on avait fait partir de bon matin la légion, dont un bataillon devait être passé par la barrière St Denis ou St Martin... »367(*). Rey apprit assez vite l'arrestation de Nantil en croisant dans la rue un de ses soldats...

Pris de panique, Rey ne songeait à présent qu'à retrouver Dumoulin. Rey songeait en effet à relancer la conspiration : « Un plan hardi que m'avait suggéré l'attitude de la légion de la Meurthe était de tenter avec son secours un coup de main insurrectionnel, pendant que le gouvernement était encore tout étourdi de sa découverte, puis de revenir sur Paris lui tenir tête et tâcher de délivrer nos amis... »368(*). Rey retrouva ainsi Dumoulin à son domicile et lui exposa ses vues. Fort de voir que Dumoulin ne s'était lui non-plus pas découragé, ils décident ensemble de relancer un dernier coup de force. Dumoulin apprend par ailleurs à Rey la trahison du commandant Bérard, qui était en charge de mener les troupes du Nord... Le mouvement ne pouvait donc repartir que de la province... et Cousin, quant à lui, demeurait toujours introuvable.

* 359 Rey, T.3938, p.56

* 360 Rey, T.3938, p.138

* 361 Nantil est, selon Rey, né à Pont à Mousson le 31 décembre 1790, d'un père « partisan sincère et éclairé de la Révolution » (Rey, T.3938, p.64), il reçut très vite au collège de la ville « l'éducation patriotique et militaire » dispensée à l'est de la France. Admis à Polytechnique en 1807, il est nommé à dix neuf ans sous lieutenant d'infanterie. Il s'illustre dans sa grande dévotion à Napoléon , participant à la campagne de Russie (blessé), prisonnier lors de la bataille de Moscou. Il enchaîne sur la campagne de Pologne, tentant de regagner la France lorsqu'il apprend le retour à Paris de l'empereur, il est arrêté à Dresde où il demeurera incarcéré et finalement libéré qu'après Waterloo...Il rentre donc trop tard en France en 1816 et observant la colère des ultra contre les bonapartistes accusés de « régicides » développent à son tour sa haine des Bourbons. Ces derniers le maintiennent pourtant dans son grade de capitaine de la légion de la Meurthe. Rey l'apprécie beaucoup même si il regrette son esprit trop « teinté d'absolutisme » (Rey, T.3938, p.154/155).

* 362 Cf, Rey T.3938, p.132

* 363 Rey, T.3938, p.134

* 364 Cf, Rey, T.3938, p.135

* 365 Cf, Rey, T.3938, p.135

* 366 Rey, T.3938, p.137

* 367 Rey, T.3938, p.140

* 368 Rey, T.3839, p.144

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo