Si le rapport au savoir est un rapport au monde, un rapport
à l'institution, on ne peut comprendre ce rapport au savoir sans prendre
en compte les représentations que le sujet a de ce monde ou de cette
institution.
La notion de « représentations » a
été initiée dans le domaine des sciences sociales par
Emile Durkheim (1898), mais c'est avec des chercheurs tels Serge Moscovici ou
Denise Jodelet qu'elle connaîtra son développement et son
affinement.
Selon Jodelet (1989 : 53), « la
représentation sociale est une forme de connaissance, socialement
élaborée et partagée, ayant une visée pratique et
concourant à la construction d'une réalité commune
à un ensemble social ».
A la suite de Jodelet (1989), le lexique de sociologie d'Yves
Alpe et al. (2010 : 280) apporte plus de précision à la
définition de ce concept en affirmant que « les
représentations sont d'abord constituées d'idées, de
croyances, de jugements, de visions du monde, d'opinions ou encore d'attitudes.
». Et Seca (2001 :17) d'ajouter qu'elles naissent et se
développent dans « les conversations quotidiennes et par
rapport à des circonstances culturelles et historiques ».
Abric (1994), pour sa part, identifie une double
structuration des représentations sociales ; il distingue :
- d'une part le noyau central, constitué
d'éléments non négociables, stables et cohérents
entre eux et résistants au changement ;
- et d'autre part les éléments
périphériques qui jouent un rôle de décryptage de la
réalité et de tampon, permettant aux individus de mieux
maîtriser les événements qui
51
surviennent en leur assignant une signification et un
rôle. Cette seconde structuration constitue selon Abric (1994 : 25)
« l'interface entre le noyau central et la situation concrète
dans laquelle s'élabore ou fonctionne la représentation
». Par ailleurs, pour cet auteur « c'est l'existence de ce
double système qui permet de comprendre une des caractéristiques
essentielles des représentations sociales qui pourrait apparaître
comme contradictoire : elles sont à la fois stables et mouvantes,
rigides et souples » Abric (1994 : 29).
De ce point de vue, l'intérêt de l'étude
des représentations pour les didactiques se situe
précisément dans la prise en compte de cette double structuration
car c'est sur elle que peut s'appuyer le didacticien pour mieux comprendre
certaines difficultés relatives à l'apprentissage et
procéder à la mise en place d'actions didactiques
appropriées.
Notre recherche ayant pour objectif de comprendre les
fonctionnements des enseignants vis-à-vis de l'éducation
bilingue, le concept de « représentations » qui se situe aux
carrefours du psychologique et du social (Barré-de Miniac, 2000) nous
paraît pertinent pour cerner les enjeux de la question. S'il est vrai
qu'aucune situation d'apprentissage ne peut se passer du rapport du sujet aux
contenus, on ne peut ignorer que ce rapport se nourrit des
représentations du sujet, c'est-à-dire des connaissances qu'il
mobilise autour de ces contenus.
En se référant à la définition
proposée par Jodelet (1989), et en rapport à notre domaine de
recherche, on peut reconnaître en l'ensemble social en question les
groupes ethniques et linguistiques de la population burkinabè
d'où sont issus les enseignants qui font l'objet de notre étude ;
la réalité commune en construction quant à elle fait
référence aux jugements, aux opinions et aux attitudes portant
sur les langues nationales ainsi que sur le Français en usage dans le
milieu scolaire.
L'examen des jugements, opinions et attitudes des enseignants
portant sur les langues nationales utilisées comme médiums et
matières d'enseignement au Burkina Faso nous permettra donc de
caractériser leur rapport à l'éducation bilingue.