WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Borderline, symptôme du système individualiste


par Amélie Doste
Université de Rouen Normandie - Master 2 psychologie clinique et psychopathologie  2024
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

V. Discussion

5.1 Les objectifs de la recherche

Cette étude a pour objectif de voir si la personnalité borderline était symptomatique d'un système sociétal individualiste par le biais d'un système de valeurs. L'étude a permis d'élaborer un modèle de médiation permettant une meilleure compréhension de la relation entre le système de valeurs, le modèle alternatif des troubles de la personnalité et du trouble borderline.

5.2 Discussions des résultats

Dans un premier temps, nos résultats de cette recherche montrent qu'il existe bien un lien significatif entre la personnalité borderline, le modèle alternatif de la personnalité, ainsi que le système de valeurs.

En reprenant nos hypothèses, nous constatons que seule la valeur pouvoir est significative avec notre échantillon de sujet borderline. Ce qui valide partiellement nos hypothèses. Néanmoins, la valeur pouvoir se situe dans les valeurs dîtes à intérêt individuel. (Bilsky & Schwartz, 1994) Etant associé positivement, nos résultats montrent donc une intériorisation d'une valeur dite individualiste chez nos sujets borderline.

Nous pouvons aussi confirmer le lien significatif entre le modèle de la personnalité et la personnalité borderline. De plus, les résultats ont révélé les facteurs les plus déterminant qui influencent le niveau de gravité du trouble de la personnalité borderline. Ce sont les facteurs Identité, Intimité et Psychoticisme.

· Il n'y a pas de lien direct entre le modèle alternatif de la personnalité et le système de valeurs. Or, il existe un lien indirect, par le biais de la personnalité borderline.

Ce qui nous a amené à modéliser nos résultats, avec un modèle à médiation. Le trouble de la personnalité borderline en tant que médiation, entre le modèle alternatif de la personnalité avec trois facteurs : Identité, intimité et psychoticisme et, la valeur pouvoir. Ce qui confirme notre dernière hypothèse.

52

5.2.1 Analyse de notre modèle

La présence significative d'une médiation indirecte impliquant la personnalité borderline suggère que cette pathologie joue un rôle crucial dans le lien entre les traits de personnalité intimité, identité, psychoticisme et la valeur pouvoir. Elle explique l'effet de ces traits sur la valeur pouvoir.

· En d'autres termes, les résultats de notre recherche révèlent que le trouble de la personnalité borderline modifie, influence la perception de la valeur pouvoir, en augmentant son intériorisation dû à d'importantes problématiques identitaires, relationnelles et de perception du réel.

L'apparition du trait psychoticisme est intéressante dans ce modèle. D'après le DSM-V, il n'est pas un critère diagnostic fondamentale pour ce trouble de la personnalité. En revanche nous pouvons l'interpréter ainsi : le psychoticisme se manifeste par des croyances ou des pensées atypiques, ainsi que des difficultés à percevoir la réalité de manière stable. En reprenant les autres critères de notre modèle et les termes du DSM-V, ce qui influe sur la gravité de ce trouble c'est une faible estime de soi, peu développée ou instable, des sentiments chroniques de vide, des relations proches intenses, instables et conflictuelles, des besoins affectifs excessifs et préoccupations anxieuses concernant un abandon réel ou imaginé et des relations proches souvent extrêmes, soit idéalisées, soit dévalorisées, alternant entre implication excessive et retrait. (American Psychiatric Association et American Psychiatric Association, éditeurs. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-5. 5th

53

ed, American Psychiatric Association, 2013.)

Nous pouvons dire que le trait psychoticisme ici représente simplement les croyances ou les pensées traumatiques affective extrême de nos sujets impactant/altérant sa perception de la réalité. En effet selon Kernberg, les individus qui présentent ce type de structure percevraient adéquatement la réalité

et préserveraient une pensée logique et cohérente. Cependant, ils pourraient présenter des distorsions

dans la perception de soi et des autres lorsqu'ils sont confrontés à des facteurs de stress qui

submergent leurs capacités adaptatives et ainsi avoir le sentiment que leur rapport à la réalité est

variable (O. Kernberg, 2004).

5.3 Borderline et la valeur « Pouvoir »

Afin de comprendre le lien entre le trouble de la personnalité borderline et la valeur pouvoir, nous vous proposons un argumentaire clinique, psychanalytique et social sur la base des apports de notre revue de littérature ainsi que de cet article de psychologie sociale : Guinote, A. (2017). How power affects people : Activating, wanting, and goal seeking. Annual Review of Psychology, 68(1), 353-381.

En psychologie, la recherche sur le pouvoir social s'est considérablement développée depuis l'étude de Keltner et al. (2003), selon laquelle le pouvoir active le système d'approche comportementale (BAS ; voir Gray 1990, Gray & McNaughton 2000). Cette activation peut entraîner de nombreuses répercussions sur les pensées, les émotions et les comportements des individus ayant du pouvoir, ce qui confère à cette théorie un fort pouvoir explicatif. Cet article examine les études publiées depuis Keltner et al. (2003) qui explorent l'impact du pouvoir sur les individus. (Guinote, 2017)

5.3.1 Pouvoir et Identité

D'après Guinote le pouvoir affecte la façon dont les individus perçoivent leurs attributs, la façon dont ils s'évaluent eux-mêmes et la façon dont ils se perçoivent indépendamment des autres. Ces effets du pouvoir sur le soi facilitent la prise de décision rapide et l'action, permettant aux individus de réagir de manière autonome. Le pouvoir augmente également l'estime de soi (Fast et al. 2009, Hofstede et al. 2002, Wojciszke & Struzynska-Kujalowicz 2007). Dans cet article, l'auteur énonce l'exemple d'une étude portant sur 1 814 participants occupant des postes d'encadrement dans 15 pays a révélé que les cadres s'évaluaient mieux en termes de caractéristiques managériales positives que la moyenne des cadres de leur pays (Hofstede et al. 2002). (Guinote, A, 2017, How power affects people: Activating, wanting, and goal seeking).

·

54

Comme vu dans la littérature, le trouble de la personnalité borderline est caractérisé par une estime de soi faible et instable, l'adhésion à la valeur du pouvoir peut donc servir de mécanisme compensatoire. En s'identifiant à des attributs associés au pouvoir, les individus borderline peuvent renforcer leur image de soi et leur sentiment de compétence. Par conséquent, cette adhésion à la valeur du pouvoir peut être perçue comme une tentative de renforcement de soi, visant à consolider un moi actif et positif face aux défis de la vie quotidienne.

5.3.2 Pouvoir et Intimité

Le pouvoir amène des relations de coopérations afin d'arriver à des fins individuelles. (Bilsky & Schwartz, 1993). Les individus borderline sont prédominés par des angoisses relationnelles, caractérisé par des préoccupations anxieuses concernant un abandon réel ou imaginé ainsi que des relations proches souvent extrêmes, soit idéalisées, soit dévalorisées, alternant entre implication excessive et retrait. (Estellon, 2017) Intérioriser cette valeur, permettrait une mise à distance suffisante de l'autre, en le contrôlant afin de pouvoir combler ses manques affectifs. En effet d'après Guinote, les détenteurs de pouvoir ont un sentiment de contrôle élevé, même dans des domaines qui ne sont pas liés à leur rôle (Scholl & Sassenberg 2014). Van Dijke & Poppe (2006) et Lammers et al. (2016) ont constaté que les gens recherchent le pouvoir principalement pour accroître le contrôle qu'ils exercent sur leur propre vie. (Guinote, A, 2017, How power affects people: Activating, wanting, and goal seeking).) Ce qui nous renvoie au mécanisme de défense principale des pathologies limites dans sa relation à l'autre : l'identification projective. En effet, nous rappelons que cette défense est très utilisée par

les pathologies limites, et qu'elle s'exprime par des fantasmes inconscients permettant au sujet d'in-

troduire des parties de sa propre personne dans l'autre dans le but de le contrôler, le posséder ou le

détruire. (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense)

· Ici, le pouvoir renvoie un reflet miroir de ce mécanisme défensif.

5.3.3 Pouvoir et psychoticisme

D'après l'auteur, le pouvoir affecte également les croyances que les gens ont d'eux-mêmes. Il renforce la confiance ou la conviction dans leurs capacités et leurs opinions, ainsi que d'autres croyances valorisantes, qui sont des mécanismes de niveau intermédiaire facilitant la prise de décision rapide et l'exercice de l'influence. Des études sur le terrain et des études expérimentales ont révélé une

55

augmentation de la confiance chez les personnes puissantes (Brinol et al. 2007, Fast et al. 2012, Scholl & Sassenberg 2014). (Guinote, A, 2017, How power affects people: Activating, wanting, and goal seeking).

·

Dans le modèle alternatif des troubles de la personnalité du DSM-V, il est décrit que le psy-choticisme regroupe une large gamme de cognitions et de comportements culturellement excentriques ou inhabituels à la fois en ce qui concerne les croyances, le mécanisme de perception du réel et la dissociation. Nous avons exploré que les individus présentant un trouble de la personnalité borderline ont des mécanismes défensifs provoquant une altération de la perception du réel, notamment en la déniant. Le sujet, en s'identifiant aux parties de l'objet contenant ses propres parties clivées/projetées, se perd dans une perception confuse où l'autre c'est lui. Intérioriser la valeur pouvoir, conforterait ces personnalités dans leur croyance leur apportant une valorisation de leurs comportements et pouvant garder l'autre comme étant un objet partiel. (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense)

· Cela nous renvoie au modèle d'Otto Kernberg (1989) vu précédemment notre revue. Ces résultats montrent une concordance avec les trois critères fondamentaux de ce modèle, soit le degré d'intégration de l'identité, les mécanismes de défense prédominants et la capacité de l'individu à maintenir la fonction d'épreuve de la réalité. (Kernberg, O. F. (1989). Les

Troubles limites de la personnaliteì.)

5.3.4 Le pouvoir : la quête idéalisée des borderlines ?

? Idéal du Moi, Soi grandiose : quête d'autosuffisance et d'autonomie

Nous allons nous pencher sur le conflit dominant de cette structure psychique où prédomine l'idéal du Moi en conflit avec le Moi.

Pour rappel dans notre revue de la littérature, nous avons vu avec l'auteur Jean Bergeret que l'Idéal du Moi chez les personnalités limites exerce ses pressions par des promesses d'un avenir meilleur. Cet idéal peut être perçu comme une croyance selon laquelle une personne doit être parfaite et ne peut pas se permettre d'échouer entraînant une anxiété et une insécurité extrême, car la personne se sent incapable de satisfaire ses propres attentes. Le désir est continuellement stimulé mais l'accès au plaisir est interdit. Il agit pour se sentir aimé, sa plus grande terreur étant de ne plus être aimé. (Zucker, D. (2012). Faux self, borderline, personnalité narcissique, personnalité schizoïde)

Ainsi, le pouvoir apportera aux personnalités borderline la clarté de l'objectif et l'ardeur du désir, ainsi que la volonté de travailler à la réalisation des désirs et des objectifs (chercher à atteindre un but). (Guinote, 2017)

56

En effet, dans notre article sur la question du pouvoir, les auteurs Van Dijke & Poppe (2006) et Lammers et al. (2016) ont constaté que les gens recherchent le pouvoir principalement pour accroître le contrôle qu'ils exercent sur leur propre vie. Ce sentiment de contrôle accru joue un rôle causal dans l'optimisme et l'orientation vers l'action des détenteurs de pouvoir (Fast et al. 2009). En outre, avec une perception accrue du contrôle, les personnes puissantes se perçoivent comme une entité indépendante et autosuffisante (concept de soi indépendant). (Guinote, 2017)

· L'Idéal du Moi règne par son insatiabilité, la valeur pouvoir pourrait alors nourrir perpétuellement ce pôle dominant chez cette structure.

En reprenant notre théorisation lors de notre revue, la valeur pouvoir renvoie à l'intériorisation des normes sociétales et surtout, il est la principale dynamique de l'individualisme (concept de soi indépendant, d'après Guinote, 2017). Nous disions précédemment que si cet idéal d'indépendance et d'autosuffisance est la norme sociale, alors il entre en conflit avec les difficultés rencontrés par les personnes souffrant de trouble de la personnalité borderline. Leur

fonctionnement étant centré sur un Idéal du moi fort ces sujets ont tendance à fortement intériorisé cette norme et donc sont en quête d'indépendance et d'autosuffisance. Cependant, leurs

instabilités émotionnelles, relationnelles et identitaires, ainsi que leur peur de l'abandon, rendent cet objectif difficile à atteindre. La tension entre le désir d'indépendance et la dépendance émotionnelle et psychique, caractéristique des personnes borderline, est perceptible en raison du besoin de combler tous ces manquements.

Or grâce à cette recherche nous voyons que l'intériorisation de la valeur Pouvoir pourrait être

le compromis de ces individus pour avoir le contrôle sur leurs symptômes. Avoir le pouvoir serait un moyen défensif de maintenir leur système, à la limite.


·


·

Finalement, nous voyons avec cette lecture psychanalytique, que l'adhésion à la valeur pouvoir chez

les personnalités borderline permet un contrôle de ses angoisses relationnelles et identitaires et ainsi

que le maintien d'une certaine stabilité psychique. Adhérer à la valeur Pouvoir, est une tentative de

maîtrise de leurs symptômes.

· La valeur pouvoir résonne avec la quête idéale : l'omnipotence sans failles, un contrôle absolu sur ses émotions, avec un garanti de réussite et d'épanouissement.

57

5.3.5 Borderline et Individualisme

« Si le pouvoir facilite l'affirmation sociale et la recherche de priorités, il le fait souvent au risque de négliger des objectifs secondaires, en particulier les besoins et les perspectives d'autres personnes. » (Fiske & Berdahl 2007, Galinsky et al. 2006).

En conclusion de cette analyse des résultats, nous pouvons dire qu'en partie, l'individualisme a un impact sur ce trouble de la personnalité. En effet, il semble que le trouble de la personnalité borderline est le reflet d'une dissonance entre émancipation individuel et dépendance à l'autre. Avec notre recherche, nous voyons que des individus ayant un seuil de souffrance élevé vers cette personnalité, intériorisaient de manière positive l'une des valeurs principales de ce système.

Néanmoins, bien que nous ayons identifié des associations entre l'individualisme et la personnalité borderline, nous ne pouvons pas conclure que l'un cause directement l'autre. Les relations observées peuvent être influencées par d'autres variables non mesurées ou par des facteurs externes. Par conséquent, il est important de rester prudent dans l'interprétation des résultats et de reconnaître que nos analyses fournissent des indications sur les relations entre les variables, mais ne permettent pas d'établir des conclusions définitives sur les causes sous-jacentes de ces relations.

58

5.4 Principales limites

· Notre recherche questionne autour de l'individualisme qui est un paradigme très large et plutôt flou, dans la mesure où il n'existe pas d'échelle spécifique permettant d'évaluer directement l'individualisme ou un système de valeurs individualiste. Nous avons dû nous appuyer sur la littérature existante pour tirer des conclusions hypothétiques sur la relation entre l'individualisme et la personnalité borderline. Cette approche indirecte peut présenter des limites en termes de précision et de validité des résultats.

· De plus, notre échantillon d'individus présentant des scores significatifs au BSL (Borderline Symptom List) pourrait être considéré comme relativement restreint (21). Cette taille d'échantillon réduite peut limiter la généralisabilité de nos résultats et la robustesse de nos conclusions. Une étude avec un échantillon plus vaste pourrait permettre de mieux saisir la nature et l'ampleur des relations entre les variables étudiées.

· Un autre point à considérer est que les sujets évalués au BSL présentent des caractéristiques qui suggèrent une souffrance et des traits associés à la pathologie borderline, mais ils ne bénéficient pas nécessairement d'un diagnostic formel de trouble de la personnalité borderline. Cette distinction pourrait avoir des implications importantes pour la validité externe de notre étude et pour la généralisation de nos résultats à une population présentant un diagnostic clinique confirmé.

· En outre, malgré nos efforts pour prendre en compte différentes dimensions de la personnalité borderline et de l'individualisme, d'autres variables potentiellement pertinentes pourraient ne pas avoir été prises en compte dans notre étude. Par exemple, des facteurs environnementaux, sociaux ou culturels pourraient jouer un rôle dans la relation entre ces deux variables et mériteraient d'être explorés dans des recherches futures.

· Enfin, nos conclusions sont basées sur des analyses statistiques qui ne permettent pas d'établir des relations causales entre les variables étudiées. Des études longitudinales ou expérimentales pourraient être nécessaires pour mieux comprendre la nature et la direction des liens entre l'individualisme et la personnalité borderline.

59

précédent sommaire suivant






La Quadrature du Net

Ligue des droits de l'homme