WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Leibniz et la physique quantique

( Télécharger le fichier original )
par Mathieu Néhémie
Université de Clermont-Ferrand - Master 1 de Philosophie 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3.3.3. Un fonctionnement spirituel fondamental

Théorie de la substance et théorie de l'information

Si nous souhaitons faire de la monadologie le fonctionnement sous-jacent du monde quantique comme de l'ensemble de la réalité, nous devons faire abstraction de ses éléments les moins admissibles pour les plus sceptiques des physiciens et des épistémologues. La référence que Leibniz fait couramment à Dieu est probablement la plus choquante pour ceux-ci. Un tel usage de l'être infiniment parfait dans le système leibnizien, est tout simplement inadmissible pour les athées, et peut même s'avérer insatisfaisant pour les plus rigoureux des croyants et des agnostiques. Cela est particulièrement gênant pour la cohérence du système dans la mesure où c'est Dieu qui garantit l'harmonie préétablie. D'autant plus qu'insister à ce sujet introduirait des débats superflus dans notre discussion portant sur la réalité. Pour satisfaire aux objections fondées sur ce point, voyons comment la théorie de la substance peut être modifiée pour se passer de ce parti pris théologique. Le but de la présente section n'est pas d'expulser Dieu du système leibnizien, car ce serait le trahir au-delà de l'acceptable, mais de montrer que la théorie de la substance, qui fait un appel trop exprès à Dieu tout en étant une partie essentielle du système, peut conserver une cohérence interne en faisant abstraction de la question de l'existence de l'être suprême. Les preuves métaphysiques que Leibniz apporte au sujet de l'existence de Dieu sont d'une pertinence qu'on ne peut écarter, de même que l'usage qu'il fait de ce concept, cependant, comme tout le monde n'est pas prêt à ce type de concessions, notre présente entreprise semble justifiée. A cette occasion nous tenterons d'éclaircir plus que nous ne l'avons fait la communication des substances.

Le fonctionnement basique du monde, dans la métaphysique leibnizienne, est l'entre-expression dont font preuve les monades. Il ne s'agit donc pas d'une action proprement dite au sens physique car aucune ne modifie les autres en quelque manière que ce soit. Au contraire l'harmonie préétablie garantit à toutes les substances une concordance parfaite calculée à l'avance. Cette harmonie a pour conséquence, en ce qui concerne la réalité empirique, de nous donner l'impression d'une influence mécanique des corps entre eux à une certaine échelle, et d'une interaction entre entités épistémologiquement indéterminées à une échelle inférieure. Mais pour ce qui est de la réalité indépendante, les substances sont de la pure information et l'ensemble des règles qui rendent compte de leurs rapports mutuels peut alors constituer une théorie de l'information. Au sein de cette théorie, l'harmonie préétablie devient logiquement équivalente à une explication de l'interaction entre les monades par des transferts d'information. Mais ces transferts doivent être conçus comme antérieurs à toute matérialité, bref c'est une communication sans support qui peut être envisagée pour décrire les relations entre substances. L'ordre dans lequel est habituellement définie toute communication est donc inversé, au lieu de n'être envisagée que comme véhiculée par la matière, l'information est conçue comme première et c'est alors elle qui sert de support au monde physique. Ne pouvant être expliquée par une communication de type physicaliste, l'entre-expression leibnizienne peut être basée sur des transferts d'information entre substances, indépendamment de tout véhicule.

Une perception, conçue comme fondamentale, n'a rien de paradoxale si nous tirons, comme Leibniz, toutes les conséquences du cogito cartésien. Phénoménologiquement, lorsque quelque chose rentre en contact avec mon épiderme, en premier me parvient une information qui, seulement dans un deuxième temps, est interprétée comme signifiant la présence d'une entité physique. Seul un renversement de cet ordre d'apparition des phénomènes permet de supposer que c'est par des moyens physiques que fut véhiculée l'information initiale. Nous n'avons cependant pas la moindre expérience d'une entité physique qui ne se soit pas toujours manifestée dans un premier temps comme une simple perception. Supposer un véhicule matériel à toute forme d'information parvenant à la consciente dénote d'un parti pris ontologique qui ne découle pas rigoureusement de données empiriques. Le fait que la matière puisse servir de support à une communication ne peut pas être exclusivement interprété comme signifiant que l'information doit lui être postérieur. Il est tout à fait envisageable d'en conclure que la matière est perméable à une information qui lui indépendante ; cette option gagne en crédibilité si l'on remarque qu'une même information peut demeurer parfaitement identique en étant transférée d'un support physique à un autre. Limiter la communication à la seule communication humaine, par l'anthropocentrisme que cela implique, nous ferme la possibilité d'une théorie de l'information à objectivité forte. Toute information que l'humain est capable de communiquer nécessite un support matériel, mais cela ne signifie pas que toute information subit ce type de contrainte. Et la physique quantique va dans ce sens car elle permet de construire des moyens de communication efficaces sans pour autant que l'usage du concept de corps matériel ne soit tout à fait légitime à son sujet.

Les substances ne connaissent cependant pas uniquement la perception, elles sont également définies par une appétition qui peut sembler très étrangère à une quelconque théorie de l'information. Rappelons que, si elle correspond, pour des être de notre complexité, à ce que couvre habituellement un tel terme, concernant la substance simple en général, l'appétition désigne la tendance naturelle dont fait preuve tout être pour atteindre un plus haut degré de perfection. Cette perfection, chez Leibniz, est définie par le principe d'économie et consiste donc en une optimisation des moyens par rapport aux fins. Une telle idée de la perfection est non seulement concevable dans une théorie de l'information, mais elle lui est même très liée. Si l'on conçoit le sens comme le but de la communication et son contenu quantitatif comme son moyen, on peut dés lors définir le degré de perfection d'une information par l'optimisation du sens par rapport au contenu utilisé, autrement dit par une maximisation du qualitatif, c'est-à-dire sa variété, et une minimisation du quantitatif. Ce qui permet alors d'expliquer, dans cette théorie de l'information, qu'une substance, malgré son appétition, peut tendre vers une moindre perfection, c'est qu'elle peut recevoir une certaine quantité d'information qui n'augmente que dans une moindre mesure son contenu qualitatif. Dans ce cas le rapport du qualitatif sur le quantitatif, qui détermine la perfection de la substance, est bien en diminution. De plus, au sein de notre théorie, on peut retrouver le principe de la théorie de la substance qui suppose que lorsque les perceptions d'une monade gagnent en distinction, les perceptions d'autres doivent tendre vers plus de confusion. En effet, lorsqu'une monade gagne en perfection, son contenu augmentant qualitativement, la perception qu'en a une autre monade doit perdre symétriquement en qualité car elle rend de moins en moins bien compte de la variété croissante de la première monade. Donc, lors du transfert mutuel d'information qui s'effectue perpétuellement entre deux monades, l'une des deux doit bien agir et l'autre pâtir, aux sens métaphoriques définis dans la théorie leibnizienne de la substance.

On peut remarquer qu'un pur transfert d'information n'est pas vulnérable aux critiques que peut connaître un modèle mécaniste de communication entre les substances. En effet, l'information présentant la particularité de pouvoir être dupliquée à loisir, il est parfaitement envisageable qu'une information soit transmise d'une monade à une autre sans que la première n'ait à perdre quoique ce soit. Aussi, de la même manière qu'un support matériel peut recevoir de l'information sans être augmenté physiquement, la monade réceptrice peut être considérée comme modifiée par le transfert d'information, mais pas pour autant augmentée substantiellement.

Grâce à la théorie de l'information qui vient d'être construite, nous pouvons proposer une nouvelle description métaphysique de la réalité indépendante, fidèle à l'esprit de Leibniz mais tout de même amendée dans une importante mesure car elle abandonne l'harmonie préétablie. L'univers est un réseaux de monades, celles-ci sont en nombre infini et toutes connectées entre elles. Puisqu'elles ne sont toutes que des points de perceptions et qu'elles communiquent toutes entre elles, toute monade reçoit et transmet perpétuellement de l'information pure à toutes les autres.

Théorie de l'information et formalisme quantique

Voyons maintenant si la théorie de la substance, modifiée sous la forme de la théorie de l'information que nous avons construite, n'entre pas en contradiction avec le formalisme quantique. En conséquence des sections précédentes, nous prendrons pour acquis la nature composée des entités quantiques et l'accord du système leibnizien avec l'abandon de l'espace tridimensionnel que suscite la théorie quantique.

Nous avons déjà remarqué que les entités considérées en physique quantique peuvent davantage être considérées comme des outils épistémiques concernant la réalité empirique que des objets ontologiques peuplant la réalité indépendante. Cela s'accorde non seulement bien avec la phénoménalité qui caractérise tous les agrégats dans le système leibnizien, mais les objets du formalisme quantique montre alors des caractéristiques informationnelles inédites dans le monde des corps. Un corps matériel est une perception confuse de l'infinité des monades qui le peuplent et qui ne possèdent aucun caractère corpusculaire ni matériel. A ce titre une particule constitue un bon intermédiaire entre le monde des corps et celui des âmes, en se montrant plus corpusculaire qu'une monade mais moins qu'un objet macroscopique. Les champs de la théorie quantique relativiste s'avèrent d'ailleurs encore plus appropriés pour rejoindre l'idée d'une pure information car, quelques soient les notions corpusculaires que l'on maintient dans la théorie, ils décrivent des probabilités d'observation concernant diverses variables et ces données semblent plus fondamentales que ces notions. Le fait même que le nombre et la nature des particules d'un système ne sont que des informations contenues dans des champs rejoint l'idée leibnizienne d'une information plus fondamentale que la matière.

Nous avons vu que d'Espagnat suggère que la théorie quantique des champs pourrait signifier que le monde n'est pas atomisable mais qu'il est fondamentalement un. Il n'entend pas seulement cela concernant l'atomisme philosophique, il étend cette négation à toute théorie qui supposerait une multitude d'entités composant le réel et qu'il appelle « multitudinisme ». Notons cependant que d'Espagnat envisage ce type de théorie avec une idée trop proche d'un atomisme classique et qu'il ne traite pas un atomisme de type informationnel comme celui de Leibniz. Il refuse la réalité aux particules de la même manière que nous leur avons refusé la substantialité, parce qu'elles sont expliquées par les entités plus fondamentales que sont les champs quantiques. Mais les substances de Leibniz sont des points d'informations et sont aussi nécessaires à la réalité que les unités à toute quantité. Il est nécessaire de prendre toute la mesure de la quantité qui apparaît dans toute formulation de la physique quantique : si la réalité est quantifiable dans une certaine mesure, c'est qu'elle doit être multiple. Ce qui nous refuse alors une connaissance de fait concernant la réalité indépendante, c'est que nous ne pouvons quantifier l'infinité qu'elle contient ; au contraire la finitude qui nous est accessible est celle de notre perception particulière, et c'est donc elle qui définie la réalité empirique. C'est pourquoi toute entité dégagée empiriquement ne pourra jamais prétendre à un statut ontologique.

Les champs quantiques, bien qu'encore plus éloignés du régime des corps, constituent pourtant eux aussi des agrégats mais des agrégats de points d'information, cela ne leur suppose donc aucune corporéité. En considérant sa remarquable efficacité prédictive et descriptive concernant de très petites portions de la réalité, la théorie quantique des champs constitue, selon la définition que nous en avons donnée dans le cadre de notre théorie de l'information, une perception particulièrement distincte. Cela peut également se constater dans la structure mathématique du formalisme quantique, celle-ci permet de couvrir une étendue inédite de phénomène grâce à un nombre assez limité d'outils, quoiqu'ils soient chacun d'une grande complexité. Il faudrait cependant qu'une théorie fixe une infinité de variables à l'infinité des points du réel si elle souhaitait atteindre une perception parfaitement distincte et décrire la réalité indépendante.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams