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Leibniz et la physique quantique

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par Mathieu Néhémie
Université de Clermont-Ferrand - Master 1 de Philosophie 2006
  

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3.3.2. La théorie de la substance et le monde quantique

Les agrégats à l'échelle quantique

Si on ne peut identifier les substances simples de Leibniz et les particules élémentaires de la physique quantique, cela ne nous dispense pas de traiter du statut que peuvent avoir ces dernières dans le système leibnizien. A coup sûr, les objets de la physique quantique doivent être des substances composées. Si la théorie quantique conçoit les particules comme des entités bien constituées, c'est que le degré de confusion avec lequel elle nous fait connaître la réalité à cette échelle masque l'infinité qui doit peuplée chacune de ces particules ; de la même manière que la confusion de notre perception familière nous masque celle qui occupe les objets de notre vie quotidienne. Voir les particules comme des agrégats permet notamment de leur donner un sens sans statuer sur leur nature éventuellement corpusculaire. Leur nature matérielle étant phénoménale, même si Leibniz n'avait pas de son temps d'exemple concret pour réfléchir à ce point, il n'aurait sûrement pas refusé l'idée que certains agrégats n'aient pas une apparence complètement matérielle et corpusculaire ; du moins l'admettre ne nuit pas à la cohérence de son système. Quoiqu'il en soit nous aurons l'occasion de revenir sur ce point.

Il faut cependant nous demander de quel type sont les agrégats observables à l'échelle quantique. Leibniz distingue en effet la matière première de la matière seconde ; la première correspondant aux amas de monades inorganisés tandis que la seconde désigne les composés vivants. La question peut paraître étrange car la biologie ne définit le vivant que sur des critères s'appliquant à partir de l'échelle moléculaire. Mais la définition que Leibniz donne de la vie, si elle est sûrement bien moins applicable pratiquement, n'est pas limitée à une échelle particulière. Comme nous l'avons vu, le système leibnizien accorde la vie à toute les monades et donc à tous l'univers, cependant tous les corps ne sont pas vivants. Une monade préside à toutes les monades dont elle rend raison le plus adéquatement, l'ensemble de ces substances constituant alors son corps. Un corps vivant est donc défini par Leibniz comme étant dirigé par une âme qui possède alors une perception plus distincte de ce corps et à travers celui-ci une perception un peu moins confuse de tout le reste de l'univers. Tous les ensembles de monades ne possèdent pourtant pas de monade dominante. Leibniz établit donc que l'analyse des détails de tout corps inorganique doit aboutir sur des entités vivantes à un moment ou à un autre. Il s'agit alors de savoir si les particules de la physique quantique pourraient être ces entités organiques rencontrées lors de l'étude de la matière.

Concernant les entités macroscopiques que nous côtoyions, bien que le système leibnizien accorde un fonctionnent final à toute monade, c'est par l'apparition d'une certaine finalité dans le monde des corps que nous semblons capable de repérer les entités vivantes. En effet, plus un corps est organisé et complexe, plus il est soumis à son entéléchie et plus nous pouvons alors remarquer les attributs spirituels de cette dernière. Il semble alors difficile de statuer sur la question de savoir si les particules peuvent être des organismes vivants au sens de Leibniz car les difficultés épistémologiques de la physique quantique, comme la différence d'échelle exceptionnelle, nous ferment une analyse assez pointue de leur comportement. Nous pouvons seulement espérer dégager quelques indices à partir de la description qu'offre le formalisme quantique de ses objets. Il est indéniable qu'une particule élémentaire présente une cohérence interne exceptionnelle, cela a d'ailleurs sûrement concouru à ce que la physique soit tentée d'en faire des entités ontologiquement constitutives, mais cela n'exprime pas pour autant la moindre finalité discriminante. Seule l'indéterminisme dont fait preuve une particule lors d'une mesure, qui la soustrait à une pure nécessité et qui peut donner l'impression d'un choix, peut servir à spéculer sur sa nature spirituelle. Un tel phénomène ne suffit cependant pas à construire un véritable argument concernant le genre d'agrégats auquel appartiennent les entités quantiques. Cette question reste donc en suspens, bien que cela ne pose pas de problème pour la suite de cette étude dans la mesure où cette question reste finalement assez périphérique.

L'abandon de l'espace et du temps

Une des particularités les plus problématiques du formalisme quantique reste l'espace abstrait dans lequel il doit être conçu. Un espace de Hilbert avec un nombre variable de dimensions reste seul capable de décrire les systèmes physiques à l'échelle quantique. Comme ce type d'outils mathématiques est bien postérieur au système de Leibniz, il est assez évident que celui-ci n'ait pu se prononcer sur la dépendance éventuelle de son système à l'égard d'un paradigme tridimensionnel.

Tout de même il faut noter que le système leibnizien survit particulièrement bien à un tel changement de paradigme. Là où les systèmes cartésien et newtonien substantifient l'espace pour lui accorder une existence autonome et ontologique, Leibniz la lui refuse et fait seulement de l'espace l'ordre de coexistence des possibles. Dans le système leibnizien, les éléments de la réalité indépendante sont les substances qui, inétendues, se passent aisément de données spatiales. Au contraire, Leibniz affirme que l'espace apparaît, comme les corps, avec la multiplicité des monades, et qu'il a donc un caractère essentiellement phénoménal. La dualité entre les phénomènes et les choses en-soi est déjà très explicite chez Leibniz, et l'espace, puisqu'il ne peut prétendre à la substantialité, est clairement à ranger dans le premier genre. Aussi, dans le système leibnizien, la mécanique nécessite bien un espace tridimensionnel classique, mais celle-ci demeure tout aussi phénoménale que cette espace. Le type d'action que Leibniz suppose pour les éléments constitutifs du réel est qualitativement très différent d'un mouvement de partie ou d'un transfert d'énergie, il s'agit d'un accord prédéterminé entre entités spirituelles. Tout type d'espace peut même être abandonné car la métaphysique leibnizienne admet une infinité de substances mais rien quand à leur disposition, bref seule une pure multitude est supposée. La monade connaît en réalité une infinité de variables, qui sont autant de perceptions qu'il y a de monades dans le monde, et qui participent toutes à la perception globale que cette monade a de l'univers. D'une manière, certes assez kantienne mais entièrement déductible du système leibnizien, il est possible d'en conclure qu'un paradigme spatial et tridimensionnel n'est propre qu'au degré de distinction que connaissent les monades conscientes. Autrement dit le système de Leibniz, non seulement s'accorde avec l'idée que l'espace ne soit un concept approprié que pour la réalité empirique, mais il peut même être considéré comme appuyant cette idée.

Nous avons vu qu'en raison de la nécessité d'adapter la théorie au paradigme relativiste quadridimensionnel, l'abandon de l'espace pour la réalité indépendante implique également celle du temps. Celui-ci pose tout fois plus de problèmes car sa remise en cause menace la cohérence interne de tout système de description des évènements. Le temps est pourtant défini par Leibniz, de la même manière que l'espace, comme relatifs à une multiplicité, mais cette fois une multiplicité dans la monade de sortes que si la réalité indépendante ne connaît toujours qu'un état pour chaque monade, seule notre mémoire peut faire coexister plusieurs instants. Si le temps est la succession de tous les états du monde, cet ordre n'a de sens que là où ces différents état peuvent être conçus simultanément, dans la rétention dont sont susceptibles certaines monades. Une telle référence aux perceptions particulières de quelques monades, à savoir celles qui disposent de mémoire, suffit à limiter le champ d'application du concept de temps à la réalité empirique. D'un autre côté, parce qu'ils sont prédéterminés, tous les états que connaîtra une monade, c'est-à-dire toutes ses perceptions, sont déjà en elle, mais d'une manière enveloppée et inconsciente. Dans ce cas là, ce qui correspondra à la succession de ces états, c'est le dévoilement progressif des perceptions de la monade. Mais ce n'est que pour la substance en question qu'il y a dévoilement, car, pour un point vu objectif au sens fort, toutes ces perceptions sont là et toutes en même temps et de tout temps ; un paradigme temporel devient alors étranger à un tel point de vu. Cela rejoint d'ailleurs l'analogie mathématique qu'il est possible de faire à propos de la spontanéité de la monade : un algorithme est une formulation, atemporelle mais plus fondamentale, du développement temporel qu'il est possible d'en faire. Un esprit infini n'a toutefois pas besoin d'un tel développement pour appréhender l'ensemble de cet algorithme.

Il semble qu'après analyse, la réalité indépendante, dans le système de Leibniz, est parfaitement apte à se plier à la négation des notions spatiotemporelles que semble impliquer le formalisme quantique relativiste. Bien plus il apparaît que la description métaphysique que Leibniz fait du monde en expulsant toute référence à la réalité empirique, expulse par la même occasion l'espace et le temps.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote