E. L'allégorie du Banquier ou la
nécessaire construction d'un cadre institutionnel garant des
investissements.
Pouvez-vous donner tout le temps de l'argent à
quelqu'un qui n'a pas les moyens de le sécuriser contre les
voleurs ? La Banque peut-elle vous donner de l'argent sans avoir la
garantie que vous pouvez rembourser ? Lors d'une visite à section
économique et politique de l'US Embassy à Yaoundé, ces
deux interrogations nous ont été adressées. En effet, pour
justifier la rigueur avec laquelle les américains traitent le Cameroun,
M. J.P.Y nous a rappelé que c'est une vaine entreprise que de mettre de
l'argent dans un pays si chaque fois il finit dans les comptes de particuliers.
L'argent peut être de l'aide, des investissements, l'appui à des
projets. Les Etats-Unis soucieux de faire du Cameroun un partenaire commercial
ont besoin des garanties de stabilité politique et
économique ; d'un cadre institutionnel propice aux investissements.
L'on se trouve dans l'ère diplomatique caractérisée par
le « Trade Not Aid » lancée
par Bill CLINTON en 2000.Ce slogan sonne le glas des aides dans le cadre des
relations entre les Etats-Unis et l'Afrique. L'inefficacité de l'aide a
été prouvée ; celle-ci est nourrie par l'absence des
cadres institutionnels qui permettent le respect rigoureux de la chose publique
et la primauté de l'intérêt national. Le constat de ces
pratiques patrimoniales au Cameroun a poussé l'US Aid à fermer
ses locaux de Yaoundé en 1994. Cette institution contestait en plus la
légitimité du gouvernement issu des élections du 11
octobre 1992.Dans la même époque, Warren Christopher,
secrétaire d'Etat américain suspendait la vente d'appareils et
véhicules militaires au Cameroun. Il disait « les USA ne
peuvent plus perdre leur temps et leur argent à soutenir des pays qui ne
veulent pas se développer » .Tant il est vrai que pour les
Etats-Unis, le développement passe par la consolidation
démocratique. Il s'en suivra donc la fermeture du service commercial de
l'US Embassy.
Rendus dans les années 2000, les leçons du
passé exigent une révision de la position américaine.
Désormais, l'Amérique devient partenaire du développement
et non son instigateur par les aides. Dans « Bush
donnant-donnant » article publié dans
Libération n° du 05 mars 2002,
Barthélemy GOURMONT développe l'idée selon laquelle c'est
nocif pour les pays sous-développés de recevoir l'aide car
dit-il, ces derniers ne se responsabilisent pas s'ils ont la possibilité
de recevoir de l'aide sans aggraver leur endettement. Au-delà du
sous-entendu de l'auteur qui pense que l'endettement responsabilise les pays
sous-développés, il convient de rappeler qu'il vaut mieux aider
à la construction d'un coffre-fort pour sécuriser l'argent que
d'en donner tout le temps, sachant qu'il disparaîtra. La politique de
Washington est précise sur ce point. Paul O'NEILL, secrétaire au
trésor déclarait devant la commission au développement le
21 avril 2002 : « les pays justement gouvernés, qui
investissent dans leur peuple et encouragent la liberté
économique recevront plus d'assistance de Washington ».A
l'ère de l'intensification des échanges commerciaux entre les
deux pays, Washington tient à l'établissement d'un cadre
institutionnel qui sécurise ses investissements, et promeut l'initiative
privée.
Tableau 2 : Etat
des échanges US /Cameroun en millions de dollars U.S
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
Importations du Cameroun
|
214.0
|
308.2
|
157.6
|
217.0
|
Exportations vers le Cameroun
|
90.7
|
99.6
|
117.1
|
318.0
|
source : U.S department of commerce Bureau of
census.2006
Tableau 3 : Evolution
illustrative de l'investissement US. au Cameroun
|
FY 1998
|
FY 2005
|
FY 2006
|
FY 2007
|
IMET
|
125
|
236
|
248
|
295
|
Peace corps
|
2,809
|
2,827
|
3,00
|
3,043
|
Total
|
2,934
|
3,063
|
3,275
|
3,338
|
. Source : Africa Policy report (en milliers de
dollars US).2006.
Alors qu'avant 2000 les échanges entre les deux pays
reposaient sur le pétrole essentiellement (soit 95 %), le reste
constitué des pièces de rechange pour les Boeing et
l'informatique, aujourd'hui les chiffres de l'échange entre les deux
pays se sont envolés. En réalité, d'après la
section économique et politique de l'US Embassy, avant 2000 les
exportations et importations tournaient sensiblement autour de 50 millions de
dollars US et le pétrole constituait la denrée première
des échanges. Alors qu'on parle désormais en termes de centaines
de millions de dollars US. Cela peut signifier qu'il y a eu évolution
dans la construction d'un cadre institutionnel propice. L'on comprendrait alors
le sens de l'appel lancé en mai 2006 par M. NIELS MARQUARDT à ses
compatriotes entrepreneurs leur signifiant que le Cameroun est désormais
un pays propice aux investissements. Dans Mutations n°
1650 du mercredi 10 mai 2006, il dit : « l'avis
partagé est que certains changements dans les structures et les
institutions politiques vont booster le Cameroun en terme d'investissements non
seulement par les étrangers mais aussi par les camerounais
eux-mêmes ».
En fin juin 2005 déjà, s'est tenu à
Baltimore un forum afro-américain où était présent
son Excellence R. NIELS MARQUARDT pour convaincre les investisseurs
américains des opportunités d'affaire qu'offre le Cameroun
(Cameroun Tribune N° 8383/4582 du lundi 04
juillet 2005).
C'est qu'en effet, faisant suite aux appels pressant de
l'Administration américaine par la voix de son ambassadeur, le
gouvernement de la République a entrepris un vaste chantier de reformes
institutionnelles. Une loi du 21 avril 2003 crée la chambre de comptes
qui vise à l'application de l'article 66 de la constitution du 18
janvier 1996. L'arrestation le 21 février 2006 des directeurs
généraux du FEICOM, de la SIC et du Crédit Foncier, la
mise à la disposition de la justice du Ministre des Mines, de l'Eau et
de l'Energie le 24 février 2006 sont quelques actions d'éclat qui
s'inscrivant dans la logique de l'opération
« épervier » participent de la lutte contre la
corruption et le détournement des deniers publics ; deux maux qui
plombent le décollage économique . L'observatoire de lutte
contre la corruption est crée en janvier 2000 et remplacé par la
CONAC le 11 mars 2006. Dans le même sillage l'Agence Nationale
d'Investigation Financière voit le jour. Tout cela est
déclenché près d'une semaine seulement après
l'inauguration de la New Embassy Compound (NEC) qui a eu lieu le 06
février 2006. Inauguration au cours de laquelle, Mme JENDAYI FRAZER la
sous secrétaire d'Etat représentant la secrétaire d'Etat
disait : « nous allons coopérer avec votre gouvernement dans
la lutte contre la corruption ».
Le Premier ministre M. INONI Ephraim a donné aux
américains l'assurance que la reforme judiciaire, un code
d'investissement et des taxes attractifs seront réalisés pour
faciliter les affaires avec le Cameroun (Cameroun
Tribune N° 8397/4596 du vendredi 22 juillet 2005) il
dit : « ... Our determination to create a trade investment
agency to facilitate the establishment of business structures was applaud by
the American business community. » Le Cameroon est l'un des 136 pays,
où les investissements sont protégés.
Tout se passe comme si les Etats-Unis se sont impliqués
profondément dans la construction du cadre institutionnel qui manquait
au Cameroun pour son développement économique. La loyauté
du Cameroun vis à vis de la politique américaine lui a
rapporté des fruits.
L'ambassadeur américain NIELS MARQUARDT qui s'est
déclaré l'allié du Président de la
République dans la lutte contre la corruption, est devenu l'avocat du
Cameroun auprès des institutions de Bretton Woods et des investisseurs
américains. Il s'agit peut-être là, du signe que la
consolidation démocratique dans ce qu'elle a d'économique est en
bonne voie. D'ailleurs l'Ambassadeur NIELS MARQUARDT l'a signifié
à ses compatriotes à Douala le 9 mai 2006. Il disait:
« the positive decision by the world Bank and IMF two weeks ago on
Cameroon reaching the HIPC completion point are obvious strong indicators that
the country is moving in the right direction ... Recent decisions to implement
article 66 of the constitution indicate that sea change's under way
here ».Dans la promotion de l'économie libérale comme
substrat de la démocratie au Cameroun, les Etats-Unis utilisent
plusieurs instruments en plus des institutions de Bretton Woods.
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